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DOSSIER
14 LA VIGNE - N° 327 - FÉVRIER 2020
Ils ont la trentaine, sont passionnés bienqu’assaillis
d’incertitudes alimentéespar la question environnementale oula
baisse de la consommation des vins.Quelles sont leurs motivations
?Comment voient-ils l’avenir ? La Vigneleur donne la parole. PAR
COLETTE GOINÈRE
G uillaume Ribes,33 ans, l’avoue : « J’aiarrêté l’école très
tôt.C’était une erreur,mais j’avais envie de travailler. »À peine
a-t-il décroché son bacpro vigne-vin que ce fils de coo-pérateur
part faire son appren-tissage dans plusieurs domai-nes des
Pyrénées-Orientales. En2010, il rejoint la propriété fa-miliale –
30 ha en AOC Côtesdu Roussillon et IGP Côtes cata-lanes, à
Corneilla-la-Rivière.Toute la production (1 000 hl) vaà la
coopérative Château dePéna, à Cases-de-Pène.Depuis deux ans et
demi,Guillaume Ribes est vice-prési-dent de la cave (340 ha, 30
coo-pérateurs). Les animations nemanquent pas avec
soiréesguinguette l’été et l’opération« Regards de femmes »
l’hiverqui fait un tabac depuis sept
ans. Le principe ? Mi-octobre,un jury de femmes
d’horizonsdifférents assemble le muscat-de-rivesaltes de Noël, sous
lahoulette du maître de chai. Levin est mis en bouteille le
troi-sième jeudi de novembre pourêtre vendu, entre autres, à
laboutique de la cave. Les projetsvont bon train : la coop
repensesa gamme et lance ce mois-ci unmonocépage de mourvèdre.
Depuis un an, Guillaume Ribes estaussi responsable des Jeunes
Vi-gnerons Coopérateurs Occitanie :« Nous échangeons sur notre
ap-proche des marchés, du métier. Etje partage ma passion de
laterre. » N’empêche, les sujetsd’inquiétude sont là : « Le
con-sommateur veut du bio, il veut sa-voir ce qu’il boit. Mais
l’arrêt duglyphosate signifie une augmen-tation des frais
d’exploitation. » Et
d’ajouter : « On est pointés dudoigt alors que l’on essaie de
faireles choses au mieux. On ne peutpas aller plus vite. On veut
bienchanger nos pratiques, mais leconsommateur doit nous laisserdu
temps. »Même son de cloche pour DavidMunar, 31 ans, à
Capestang,dans l’Hérault: « Assouvir le désirdu consommateur qui
souhaitedes vins propres très vite, c’est im-possible,
souligne-t-il. Il n’a pasconscience des changements d’or-ganisation
du travail et des inves-tissements que cela suppose pourles
viticulteurs. »
Les ZNT riverains La contrainte de tropLes jeunes viticulteurs
n’ont pas assez de motspour rejeter le décret sur les ZNT, les
zones de nontraitement en bordure des habitations. BorisDesbourdes,
du domaine de la Marinière, en Indre-et-Loire, est vent debout. «
Ce décret nous est tombédessus. Il nous met au pied du mur alors
que nousavons besoin de temps pour nous adapter. Cettesituation
inquiète tous mes collègues. Nous sommesdans le flou total. Faut-il
changer nos appareils detraitement pour être aux normes ? Quels
sont ceux quipermettent de limiter la dérive ? Nous l’igorons.Le
cuivre est-il concerné par la ZNT riverains ?
Rien n’est clair. Si le cuivre l’est, il faudra arracher
desvignes », s’insurge-t-il. Baptiste Cabal, coopérateurà
Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, dans l’Aude,renchérit : « Nous
faisons déjà des efforts pour queles relations avec les néoruraux
soient simples.Les ZNT, c’est une norme de plus qui nous entraveet
nous complique la vie. » Guillaume Ribes, àCorneilla-la-Rivière
(Pyrénées-Orientales), ne dit pasautre chose : « On est pointé du
doigt alors qu’onessaie de faire les choses au mieux. On nousen
demande toujours plus et c’est à sens unique.Les ZNT riverains en
sont la preuve. »
C’est en 2017 que David Munarrevient au pays après avoir
dé-croché un bac pro travaux pay-sagers et travaillé dix ans,
no-tamment à Nouméa, dans lacréation de jardins. Il rejointson père
dans la propriété fami-liale de 24 ha qui écoule ses1 800 hl auprès
de la cave coopé-rative des Vignerons d’Argelierset de la cave de
Cruzy. Enmars 2019, il crée un Gaec à50/50 avec son père et se
ditheureux de travailler avec lui, deproduire des vins de
qualité.Afin de diminuer les traite-ments et de répondre ainsi
auxattentes des consommateurs, ilne songe pas à passer au bio,mais
s’intéresse plutôt aux cé-pages résistants.À Vernou-sur-Brenne
(Indre-et-Loire), Julien Pinon, 33 ans, à latête de domaine
François et Ju-lien Pinon – 15 ha en Vouvray eten bio depuis 2003
–, a du mal àvoir l’avenir. « Depuis mon arri-vée, j’ai déchanté:
aujourd’hui,c’est difficile de se projeter dans lefutur. Peut-être
que j’avais tropidéalisé ce métier », confie-t-il.Son chemin
semblait tout tracé :hypokhâgne, khâgne et master
GUILLAUME, JULIEN, ANNE-CÉCILE…et les autres. Ils ont la
trentaineet ont choisi le métier de vigneron.MONTAGE PHOTO : F.
LECLANCHER
Vigneronsà30ans
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DOSSIER
14 LA VIGNE - N° 327 - FÉVRIER 2020
Ils ont la trentaine, sont passionnés bienqu’assaillis
d’incertitudes alimentéespar la question environnementale oula
baisse de la consommation des vins.Quelles sont leurs motivations
?Comment voient-ils l’avenir ? La Vigneleur donne la parole. PAR
COLETTE GOINÈRE
Guillaume Ribes,33 ans, l’avoue : « J’aiarrêté l’école très
tôt.C’était une erreur,mais j’avais envie de travailler. »À peine
a-t-il décroché son bacpro vigne-vin que ce fils de coo-pérateur
part faire son appren-tissage dans plusieurs domai-nes des
Pyrénées-Orientales. En2010, il rejoint la propriété fa-miliale –
30 ha en AOC Côtesdu Roussillon et IGP Côtes cata-lanes, à
Corneilla-la-Rivière.Toute la production (1 000 hl) vaà la
coopérative Château dePéna, à Cases-de-Pène.Depuis deux ans et
demi,Guillaume Ribes est vice-prési-dent de la cave (340 ha, 30
coo-pérateurs). Les animations nemanquent pas avec
soiréesguinguette l’été et l’opération« Regards de femmes »
l’hiverqui fait un tabac depuis sept
ans. Le principe ? Mi-octobre,un jury de femmes
d’horizonsdifférents assemble le muscat-de-rivesaltes de Noël, sous
lahoulette du maître de chai. Levin est mis en bouteille le
troi-sième jeudi de novembre pourêtre vendu, entre autres, à
laboutique de la cave. Les projetsvont bon train : la coop
repensesa gamme et lance ce mois-ci unmonocépage de mourvèdre.
Depuis un an, Guillaume Ribes estaussi responsable des Jeunes
Vi-gnerons Coopérateurs Occitanie :« Nous échangeons sur notre
ap-proche des marchés, du métier. Etje partage ma passion de
laterre. » N’empêche, les sujetsd’inquiétude sont là : « Le
con-sommateur veut du bio, il veut sa-voir ce qu’il boit. Mais
l’arrêt duglyphosate signifie une augmen-tation des frais
d’exploitation. » Et
d’ajouter : « On est pointés dudoigt alors que l’on essaie de
faireles choses au mieux. On ne peutpas aller plus vite. On veut
bienchanger nos pratiques, mais leconsommateur doit nous laisserdu
temps. »Même son de cloche pour DavidMunar, 31 ans, à
Capestang,dans l’Hérault: « Assouvir le désirdu consommateur qui
souhaitedes vins propres très vite, c’est im-possible,
souligne-t-il. Il n’a pasconscience des changements d’or-ganisation
du travail et des inves-tissements que cela suppose pourles
viticulteurs. »
Les ZNT riverains La contrainte de tropLes jeunes viticulteurs
n’ont pas assez de motspour rejeter le décret sur les ZNT, les
zones de nontraitement en bordure des habitations. BorisDesbourdes,
du domaine de la Marinière, en Indre-et-Loire, est vent debout. «
Ce décret nous est tombédessus. Il nous met au pied du mur alors
que nousavons besoin de temps pour nous adapter. Cettesituation
inquiète tous mes collègues. Nous sommesdans le flou total. Faut-il
changer nos appareils detraitement pour être aux normes ? Quels
sont ceux quipermettent de limiter la dérive ? Nous l’igorons.Le
cuivre est-il concerné par la ZNT riverains ?
Rien n’est clair. Si le cuivre l’est, il faudra arracher
desvignes », s’insurge-t-il. Baptiste Cabal, coopérateurà
Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, dans l’Aude,renchérit : « Nous
faisons déjà des efforts pour queles relations avec les néoruraux
soient simples.Les ZNT, c’est une norme de plus qui nous entraveet
nous complique la vie. » Guillaume Ribes, àCorneilla-la-Rivière
(Pyrénées-Orientales), ne dit pasautre chose : « On est pointé du
doigt alors qu’onessaie de faire les choses au mieux. On nousen
demande toujours plus et c’est à sens unique.Les ZNT riverains en
sont la preuve. »
C’est en 2017 que David Munarrevient au pays après avoir
dé-croché un bac pro travaux pay-sagers et travaillé dix ans,
no-tamment à Nouméa, dans lacréation de jardins. Il rejointson père
dans la propriété fami-liale de 24 ha qui écoule ses1 800 hl auprès
de la cave coopé-rative des Vignerons d’Argelierset de la cave de
Cruzy. Enmars 2019, il crée un Gaec à50/50 avec son père et se
ditheureux de travailler avec lui, deproduire des vins de
qualité.Afin de diminuer les traite-ments et de répondre ainsi
auxattentes des consommateurs, ilne songe pas à passer au bio,mais
s’intéresse plutôt aux cé-pages résistants.À Vernou-sur-Brenne
(Indre-et-Loire), Julien Pinon, 33 ans, à latête de domaine
François et Ju-lien Pinon – 15 ha en Vouvray eten bio depuis 2003
–, a du mal àvoir l’avenir. « Depuis mon arri-vée, j’ai déchanté:
aujourd’hui,c’est difficile de se projeter dans lefutur. Peut-être
que j’avais tropidéalisé ce métier », confie-t-il.Son chemin
semblait tout tracé :hypokhâgne, khâgne et master
GUILLAUME, JULIEN, ANNE-CÉCILE…et les autres. Ils ont la
trentaineet ont choisi le métier de vigneron.MONTAGE PHOTO : F.
LECLANCHER
Vigneronsà30ans
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LAVIGNE - N° 327 - FÉVRIER 2020 15
d’urbanisme à Lille. De 2010 à2016, il travaille en tant
qu’ur-baniste à lamairie de Lillemaisgarde un lien ténu avec la
pro-priété qui est dans la famille de-puis 1786. L’été 2017, il
saute lepas, devient salarié du
domainefamilialetsuituneannéedefor-mation par alternance «
Certifi-cat de spécialisation en viticul-turebio»au
lycéed’Amboise.Le1er janvier2018, sonpèrepartà la retraite et
Julien se retrouveaux manettes de l’exploitationqui emploie quatre
salariés enCDI, produit 60000cols écoulésà45%à l’export,
à45%auxparti-culiersetà10%enCHR.Unquo-tidien que Julien apprécie.
Ex-cepté que le chemin est bordéd’épines : à l’export, il fait 25
%de son chiffre d’affaires avec lesÉtats-Unis. Les taxes
édictéespar Donald Trump l’inquiètent,tout comme la baisse de la
con-sommation en France. «De plusen plus les consommateurs
pico-rent dans plusieurs vignobles. Ilsne sont plus aussi fidèles.
Nousvendons toujours autant,mais lesclients ne prennent que six
bou-teilles alors qu’ils en prenaient ledouble il yaquelquesannées.
»
Le quotidien est parfois compli-qué. « Une cuve qui déborde,
untracteur qui tombe en panne, c’estladure réalitédumétier»,
confie-t-il. Sa plus grosse inquiétudeest ailleurs, dans les aléas
cli-matiques qui semblent
frapperdeplusenplusrégulièrementsarégionduValdeLoire.Baptiste
Cabal, 27 ans, coopéra-teur, installé en2015 à la tête de70 ha avec
ses parents, à Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, dans
« Le secteur viticole paraît plus préservé »filières, comme
l’élevage.Par ailleurs, l’agribashingporte davantage surles
cultures annuelles etl’élevage, considéréscomme des
productionsintensives, alors quele caractère patrimonialde la
viticulture jouedans la préservation deson image auprèsdes
consommateurs. »
«C es dernièresannées, onobserve que le moral desviticulteurs
est plutôt bonpar rapport à celui desautres agriculteurs. Lorsde
notre dernier sondageréalisé en octobre 2018pour la
revueAgrodistribution [duGroupe France Agricole,NDLR] auprès de
408
chefs d’exploitationviticole représentatifs,78 % se sont
déclarésoptimistes ou absolumentoptimistes. Chez lesvignerons de
moins de40 ans, le pourcentaged’optimistes était lemême, mais ils
étaientplus nombreux à se direabsolument optimistes(41 % contre 34
% pour
AVISD’EXPERTSYLVIE BOURCIER, DIRECTRICE ASSOCIÉE DE LA SOCIÉTÉ
D’ÉTUDES D’ADQUATION
lll
l’Aude, a d’autres préoccupa-tions : la complexité
adminis-trative et ses relations de voisi-nage. « Bientôt, on
passera plusde temps au bureau que dans lesparcelles. Et un
tracteur qui sort à8 heures dumatin, ça dérange leshabitants qui se
sont installésdans le villagepour leur retraite »,déplore-t-il.
Pour autant, Bap-tiste est loin de céder au catas-trophisme. Il
revendique fière-ment son attachement à son
métier :«Quand jevoispousser lavigne, j’ai cette fierté de
meneruneplanteenbonnesanté,puisdedéguster des vins de qualité. »
Unattachement aussi à la coopéra-tion. Depuis trois ans, il
présidela cave coopérative du Cellierdes Demoiselles (58
adhérents,400ha,17000hl). Et affichesoncap : « Je veux amener la
cave àêtre moins dépendante des négo-ciants qui achètent 70 % de
notreproductionpourpasserà50%.»
la population totale).Le secteur viticole paraîtplus préservé.
Même si lesviticulteurs peuvent fairel’objet de critiques
devoisinage, notamment enraison du traitement desvignes, la filière
viticole seporte plutôt bien. De fait,les jeunes
appréhendentl’avenir de manière plussereine que dans d’autres
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DOSSIER
16 LAVIGNE - N° 327 - FÉVRIER 2020
Au domaine de la Marinière, àPanzoult, en Indre-et-Loire –17 ha
en AOC Chinon, 80 % enbouteilles et en bio depuis
2018–BorisDesbourdes,33ans, titu-laire d’un BTS viti-œno et
d’unelicence pro, ne se fait pas nonplus prier pour affirmer sa
pas-sion de la vigne: « Tout me plaîtcar je n’exerce
pasunmétier,maisdesmétiers. Lematin, je peux êtreà la taille ou sur
mon tracteur etl’après-midi discuter avec un gra-phiste des
étiquettes ou recevoirdes clients. »
C’est en 2014 qu’il rejoint le do-maine familial en tant que
salariéviticole. Depuis janvier, il est enphase d’installation. Il
a crééune EARL avec son père dont ilssont tous deux cogérants.
De-puis un an, il préside la sectionJeunes des Vignerons
indépen-dants de France. « S’engagerdansun syndicat, c’est être au
ser-vice du collectif. Je crois au travaildu vigneron, à la valeur
ajoutéeque nous produisons. Nous po-
sons notre nom sur une étiquettedebouteille, cen’estpas rien.
»Ses sujets de préoccupationsont nombreux, notamment lesZNT
riverains. « Si le cuivre n’estpas autorisé, on perdra la
récoltedans ces zones-là. Il faudra arra-cher des vignes. Face à
l’accéléra-tion des demandes sociétales, ilfaut être capable de
s’adapter »,conclut-il.
S’adapter ? C’est bien le maîtremot de Gabriel Cuisset, 31
ans,qui mène avec son frère Julienl’exploitation familiale,
Châ-teauGrinou–44hadont33 cer-tifiés en bio –, à Monestier,
enDordogne. Bac économie et so-cial en poche, Gabriel part
tra-vailler en Angleterre, Argentineet Australie, dans des fermes
etpropriétés viticoles. Puis il intè-gre Château Grinou avec
uneconviction : « Il faut anticiper,être réactif et capable de
s’ouvrir àd’autres voies. Peut-être que de-main nous nous lancerons
dans labière», soutient-il.
lll De laprovocation ?Pas sûr. Pourcoller aux tendances, il
élaboredepuis trois ans des vins sanssulfite, comme « Rien de rien
»,un IGPPérigord.Début2018, il alancésous lamarque«Bon»desvins de
cépages résistants aumildiouet à l’oïdium.6500colsécoulés auprès
des magasinsbioetdesparticuliers :untabac!Et unmessage clair pour
le con-sommateur :«Nosvins sontbonsau goût, pour l’environnement
etla santé du viticulteur. » En deuxans, la production a doublé.
Dé-butmars,GabrielCuissetmettra14000cols sur lemarché.Ce qui
l’interroge ? L’essor dubio : « Le bio n’est pas la solutionaux
problèmes économiques despropriétés car être enbionécessited’être
bien préparé, flexible etd’avoir les reins solides financière-ment.
»S’adapter, c’estaussi ladevisedeJosé Botello, 30 ans, entré en2010
dans l’exploitation fami-liale à Faleyras, en Gironde, bacpro
viti-œno en poche. Depuis lll
«Àterme,nousvoulons toutvendreenbouteilles»
I ls ont suivi les mêmes études : BTSviti-œno, licence de chimie
puis diplômed’œnologie. Ils se sont installés ensemblele 1er
décembre 2019 en fermage sur les 10 hadu Château Del Ranq, à
Claret, quiappartiennent à la mère de Sébastien et
qu’ils convertissent au bio. Avant cela,ils avaient débuté sur
3,5 ha en fermage.Laure Barthelemy, 30 ans, et SébastienFreychet,
28 ans, sont tous deux cogérantsde l’EARL Château Del Ranq. Laure
s’occupede l’administratif, de la vente et du chai etSébastien de
la vigne et du chai. Les deuxtrentenaires ont le même goût pour le
métierde vigneron qu’ils jugent « manuel, complexe,et qui demande
de l’énergie, des prisesde décision, des expérimentations ».Leur
objectif est clair : « Nous ne voulons pasnous agrandir. À terme,
nous voulons toutvendre en bouteilles », glisse Laure.Ils n’en sont
qu’à leurs débuts. Cette année,ils espèrent produire 400 hl en AOC
Pic Saint-Loup et en IGP Saint-Guilhem-le-Désertqu’ils vendront à
80 % en vrac ou envendanges fraîches pour embouteiller le
reste.Côté commercialisation, ils visent le CHR,les particuliers et
l’export, notamment le Japonet les États-Unis. Ils se sont lancés
dansla vente en mars 2019 avec les 1 300 cols deleur rosé
Décollage, un clin d’œil à leur envol.Cette année, ils ont ajouté
un rouge en vinde France 100 % syrah qu’ils ont baptisé« Le Ribou
», du nom du lieu-dit où se trouvela petite maison en pierre
d’Yvon-Jean, 85 ans,ancien métayer du mas Del Ranq, dontle portrait
en linogravure illustre l’étiquette.
« C’est un remerciement que nous luiadressons », souligne Laure.
Pour l’instant,cela démarre bien : les 1 300 cols de Décollagesont
partis rapidement.Pour leur installation, ils ont emprunté200 000 €
sur cinq ans grâce auxquels ils ontacheté un intercep, un cadre
pour travaillerl’interrang, une écimeuse, un tracteurd’occasion, un
tapis convoyeur pour transporterle raisin, une dizaine de cuves
d’occasionen fibres de verre et une trentaine de fûts enchêne
d’occasion. Ils doivent aussi installer3 km de clôtures autour du
domaine pourprotéger les vignes des sangliers. Enfin, ils vontdoter
leur chai, installé dans l’anciennebergerie du mas, d’une dalle
digne d’une cavede vinification.La baisse de la consommation de vin
en Francene les trouble pas. Ils sont plus inquiets de la«
pollution des sols par les traitements phyto »et du changement
climatique face auquel ils sesentent démunis. « Nous avons subi le
gel enavril 2019 qui nous a fait perdre 20 % de notreproduction,
puis la sécheresse fin juin de lamême année. Les caprices de la
météo nouspréoccupent. » Pour autant, ils ne restent pasles bras
croisés. En 2022, ils prévoient deplanter du carignan blanc, du
grenache gris etde la clairette sur 70 ares, des cépages adaptésau
climat sec du sud de la France.
Sébastien Freychet et Laure Barthelemy, Château Del Ranq, 10 ha
en bio à Claret, dans l’Hérault.
SURLETERRAIN
©CH
ÂTE
AU
DEL
RAN
Q
2019, il est cogérant de ce Gaecqui écoule la production de
ses50 ha en agriculture raisonnéeet en appellation Bordeaux au-près
de la cave coopérative deSauveterre-Blasimon-Espiet.Pour la
première fois, lors de larécolte 2019, il a basculé desparcelles
(10 ha) en vin deFrance : « La demande pour l’ap-pellationBordeaux
est en chute li-bre. À nous de réagir et de nousadapter»,
souligne-t-il.
José se dit heureux d’être coopé-rateur : « À la cave, on
bénéficiede l’expérience des plus âgés. Il ya de la solidarité
entre nous. Et lestechniciens nous accompagnent.J’ai pu compter sur
eux pour obte-nir la certificationHVE il y a deuxans et TerraVitis
cemois-ci. » Lesaléas climatiques et la chutedescours du bordeaux
n’entamentpas son moral d’acier. « Je pro-jette de m’agrandir. Des
coopéra-teurs vont partir en retraite. Jepourrai racheterdesvignes.
»En revanche, la mévente des
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LAVIGNE - N° 327 - FÉVRIER 2020 17
Ximun Bergouignan, vice-président de la coopérative d’Irouléguy,
à Saint-Étienne-de-Baïgorry (Pyrénées-Atlantiques)
« Jeveux fairevivredes jeunesaupays,participerà ladynamisationde
l’intérieurduPaysbasque.»
«J’ adore prendre part à lacoopérative, m’impliquer. J’yconsacre
un tiers de mon temps.On avance ensemble sur des objectifs
»,s’enflamme Ximun Bergouignan, 32 ans,vice-président depuis 2019
de la coopératived’Irouleguy, dans les Pyrénées-Atlantiques(145 ha,
39 coopérateurs). Dernière innovationde la coop : un blanc bio, le
premier de la cave.Une cuvée baptisée « Kattalin » (coccinelle
enbasque)– 150 hl, 40 % de petit manseng et60 % de gros manseng.
Kattalin seradistribuée au magasin de la coop et en CHR.« C’est
très encourageant. En 2017, 13 % dela production de la cave était
en bio. Fin 2020,on sera à 40 % », assure Ximun Bergouignan.Avec un
grand-père membre fondateur dela coop d’Irouléguy en 1952, un père
présidentde l’AOC et de la coopérative pendant vingtans, le chemin
de Ximun semblait tout tracé,mais pas tout à fait. « Au début, je
n’ai pas euenvie de faire comme mon père. Avec sesobligations
professionnelles, je ne le voyaisjamais », rappelle-t-il.Après son
BTS négociation et relation clients,Ximun intègre la licence
professionnelleResponsable commercial vins et réseaux
dedistribution de Montpellier SupAgro, sans
en avertir ses parents. « J’avais besoind’indépendance »,
justifie-t-il. En 2010,sa licence obtenue, il part courir le
mondedans des propriétés viticoles du Chili,d’Australie et de
Nouvelle-Zélande. Et se forgeune expérience dans la vinification.En
2013, retour à la maison familiale. Son pèrequi souhaite partir à
la retraite lui propose deprendre sa suite. Cette fois, Ximun
n’hésite pasune seconde. Dès la fin de l’année, il seretrouve
bombardé cogérant de la SCEAMignaberry créée dans les années
soixante-dix par trois familles amies dont celle deson père et qui
exploite 26 ha à Saint-Étienne-de-Baïgorry. Toute la production est
écouléeà la coopérative d’Irouleguy.En mars 2017, Ximun prend une
deuxièmecasquette : il s’installe à titre individuelcomme jeune
agriculteur prenant en fermage6 des 26 ha exploités jusqu’ici par
la SCEA. Desvignes plantées de blancs qu’il convertit enbio. Pour
opérer cette conversion, il investitdans un intercep, un
pulvérisateur en face parface et embauche l’équivalent d’un salarié
etdemi. Au total, il fait un emprunt de 84 000 €dont 30 000 € au
titre du besoin en fondsde roulement.Aujourd’hui, entre la SCEA et
son exploitation,
Ximun emploie cinq salariés : trois tractoristeset deux
ouvriers. Il joue à fond la carte du bio,visant la certification
des 20 ha exploitéspar la SCEA cette année. Il s’intéresse aussià
la biodynamie. Par le biais du Civam Bio,il assiste à des
rencontres de terrain entreviticulteurs dont beaucoup d’entre
ellestournent autour de la diminution des dosesde cuivre.Le
trentenaire se laisse aller à quelquesconfidences : « J’ai peur de
l’industrialisationde la viticulture, souligne-t-il. Beaucoup
fontappel à des sociétés pour la taille, le greffageou encore les
traitements. Or, c’est à nous decomprendre le sol, la plante. La
vigne ne peutpas être qu’une source de revenus. Il fautabsolument
se réapproprier le savoir-faire deviticulteur et le faire perdurer.
»Autre conviction : « Je ne veux pas m’agrandir.Je préfère
embaucher plutôt que de m’enrichirpersonnellement. Je veux faire
vivre des jeunesau pays, participer à la dynamisation del’intérieur
du Pays basque. »Membre du conseil d’administration de l’AOCdepuis
quatre ans, il entend bien œuvrer audéveloppement de l’appellation
en gardantun esprit d’entraide. Un bien précieuxpour Ximun
Bergouignan.
©ST
UD
IOW
AA
Z
SURLETERRAIN
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DOSSIER
18 LAVIGNE - N° 327 - FÉVRIER 2020
lll vins de Bordeaux inquièteAnne-Cécile Rozier, 32 ans,
ins-tallée en 2015 et gérante de laSCEA Château des Arras – 30 haen
Bordeaux et Bordeaux supé-rieur, à Saint-Gervais (Gironde).«
L’image des bordeaux estvieillissante car ils sont perçuscomme des
vins de repas de“papa”, sans attractivité. On
s’estendormissurnotrenotoriété», as-sène-t-elle.
Membre depuis trois ans des Jeu-nes Agriculteurs et du
syndicatdes Bordeaux et Bordeaux supé-rieur, elle entend bien se
bou-ger. « Les consommateurs exigentde nous de produire des vins
“pro-pres”. Je rêve de ne plus mettre deproduits phytosanitaire
dans lesvignes. Mais, plutôt que de nousaccuser, les consommateurs
fe-
raient mieux de se retourner con-tre les entreprises qui
fabriquentces produits et qui ont la capacitédemettreaupointdes
solutionsal-ternatives. J’en ai ras le bol d’en-tendre ce mot de
pesticide », s’in-surge-t-elle.Avec unbac scientifique,
unBTSviti-œno et un master vigne etterroir, Anne-Cécile
n’imaginaitpas son parcours professionnelen dehors de la propriété
fami-liale : « J’y suis viscéralement atta-chée.Mamère a repris le
flambeauen 1993, après le décès de monpère. Nous étions trois
enfants,mais ellea tenu le coup.»Aujourd’hui, sa sœur
Marie-Ca-roline s’occupe du commercial.Anne-Cécile, elle, n’aime
rienmoinsqu’êtreà lavigne,« làoùseprépare le futur vin ». Le
faitd’écouler 80 % de la production
auprèsdunégocenesemblepasêtre un problème : « Nous tra-vaillons
depuis 2011 avec lemême négociant, suivant un con-trat écrit qui
nous donne une cer-taine sérénité. » Le Château desArras vend les
20 % restants auxparticulierset auCHR.Une tout autre
problématiquepour Virginie Starodoubetz,30 ans, qui gère avec sa
sœur,ses parents et sa tante les troispropriétés des Vignobles
RobinLafugie, à Saint-Hippolyte, enGironde.Une foispassé sonBTSde
management des unitéscommerciales, Virginie ne ma-nifeste pas un
goût prononcépour lemonde viticole. Elle partalors travailler chez
Carglass,puis chez Bouygues. Finale-ment, en 2016, elle intègre
laSCEA familiale où elle occupera
« Jeveuxpeser sur lesdécisionsdemacoopérative»
E lles ont fait un tabac. Sorties ennovembre dernier, les 5 000
bouteilles decrémant « Ice Flow », concoctées parFlorian Bonin, 33
ans, coopérateur de la cavede Lugny, (1 360 ha, 400 coopérateurs),
se sontarrachées comme des petits pains. Florianest le premier à
s’être prêté à l’opération « Unhomme, un vin » lancée par sa coop
qui permetà tout adhérent d’élaborer une cuvéepersonnalisée en
participant à la vinification,à la création de l’étiquette, au
choix de labouteille… « J’ai planché sur un blanc de blancs,dosé à
25 g/l, 100 % chardonnay, à boire surglace. J’ai souhaité une
bouteille “sleevée” poursortir des codes du crémant classique et
attirerune clientèle jeune », explique-t-il.Ce printemps, six
autres coopérateurs sortiront
leur cuvée avec leur nom écrit en toutes lettressur l’étiquette.
Florian, par discrétion, n’a passouhaité que le sien soit inscrit.
« Je veuxm’impliquer et faire bouger les choses. J’apportema
contribution à la cave au travers decet effervescent, c’est le plus
important »,se justifie-t-il. Sur le ton de la confidence,il avoue
que son père est fier de ce crémant.« Il ne le montre pas devant
moi, mais je saisqu’il est heureux d’en parler aux autres. Il
faitma promo », lâche-t-il.C’est en 2009 que Florian, BTS viti-œno
enpoche, s’installe comme jeune agriculteur.Une évidence pour lui
qui a toujours aimé êtresur un tracteur où il se sent libre. Avec
son père,il crée une EARL à 50/50, chacun apportant25 000 €. Le
projet d’installation de Florian
s’articule autour de l’agrandissement.Il apporte 11 ha en
fermage à l’EARL quis’ajoutent aux 9 ha de son père. Entre 2011et
2013, 5 ha supplémentaires en fermageviendront grossir la surface.
Au cours decette même période, les investissementss’enchaînent pour
faire face audéveloppement. Père et fils achètent ainsiune double
rogneuse, un pulvé face par face,une machine à vendanger (200 000 €
financéspar un emprunt sur dix ans) et construisentun hangar
opérationnel en 2014 pour un coûtde 60 000 €.Aujourd’hui, l’EARL
écoule 75 % de sa récolte àla cave coopérative de Lugny et 25 % à
la caved’Azé. Florian est à la vigne, sa mère etsa compagne
l’aident, surtout pour les travauxen vert. Son père, lui, s’occupe
del’administratif. Florian revendique fièrementd’être coopérateur :
« Cela me plaît beaucoup.On est tout seul et en même temps, on est
dansun collectif. J’habite un village de 600 habitants.Les
viticulteurs sont tous coopérateurs. L’espritde solidarité est très
présent. »Pour autant, une inquiétude est bien là : « J’aidu mal à
dessiner le futur. Les nouvelles règlesliées aux zones non traitées
m’inquiètent.Mon exploitation est au centre du village.Je serai
peut-être amené à arracher des vignes.Pourtant, je fais très
attention aux riverains.Avant de traiter, je les préviens par SMS.
J’enlèvele linge qui est dehors lorsqu’ils sont absents.Mais on est
vus comme des pollueurs. »Un coup de blues qui ne l’empêche pas
dese projeter en 2021. À cette date, Florianse portera candidat au
conseil d’administrationde la cave de Lugny. « Je veux faire
partiedu dispositif, je ne veux pas subir, je veux pesersur les
décisions », répète-t-il d’un ton assuré.Son père, membre du CA
depuis les années1990, se retira pour lui céder la place.
Florian Bonin, EARL Bonin, à Saint-Gengoux- de-Scissé, en
Saône-et-Loire
SURLETERRAIN
tous les postes, de la vigne aucommercial. Une révélation :«
J’aime cette polyvalence », dé-clare-t-elle.
Avec la baisse de la consomma-tion, elle redouble de projets
enlançant une gamme de vinssans soufre, L’Arche, ainsi quedes
cuvées monocépages. Lesaccidents climatiques l’inquiè-tent : « En
2017, avec le gel, on aperdu 90 % de la récolte dans lestrois
propriétés. On n’était pas as-surés. »Mais cequi lapréoccupele
plus, c’est la transmission del’exploitation: « Mes parents etma
tante sont propriétaires. Lesdroits de succession sont colos-saux
», indique-t-elle. Seule so-lution : vendre quelques hecta-res pour
les payer. Elle devrabiens’y résoudre.
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LAVIGNE - N° 327 - FÉVRIER 2020 19
VIGNERONSÀ30ANS
Simon Capmartin, domaine Capmartin, à Maumusson-Laguian, dans le
Gers
« Jevaismettre lesbouchéesdoublespourvendre»
C ette fois, c’est sûr, il doit finaliserson installation en
tant que jeuneagriculteur. Par manque de temps,Simon Capmartin, 33
ans, n’a pas menéla démarche à son terme. Aujourd’hui, il nepeut
plus reculer. Son père est à la retraitedepuis fin janvier. Alors
il faut faire fissa.C’est en 2012 que le jeune homme, détenteurd’un
BTS viti-œno et d’un bachelor vin etspiritueux de l’Inseec
Bordeaux, rejointle domaine Capmartin, créé par son pèreen 1985 et
certifié en bio depuis dix ans.Sur 23 ha, dont 10 ha en
fermage,l’exploitation familiale produit 100 000 colsd’AOC Madiran
et Pacherenc du Vic-Bilh,écoulés à 50 % à l’export, à 25 %aux
particuliers et à 25 % en CHR.Simon, salarié de l’exploitation, se
prendau jeu. Il est sur tous les fronts : à la vignecomme au chai.
Il s’occupe aussi de vendre,court les salons comme Millesime Bioet
ProWein, ou encore participeaux dégustations professionnelles
organiséespar Haut les Vins, une association de
vignerons produisant « des vins de terroir ».Son installation
est un lourd investissement.Il rachète les parts sociales de l’EARL
deson père pour 140 000 € et les 13 ha de vignepour 150 000 €. Sa
mère, associée nonexploitante, détiendra une part minoritaire.Il
acquiert aussi deux parcelles, une de 50 areset l’autre de 70 ares
pour y planter des vigneset se délester, d’ici à deux ans, de 2 ha
qu’illoue. Aux prochaines vendanges, un nouveauchai de 750 m2 doté
de 2 500 hl de cuverie,d’équipements de thermorégulation
etclimatisé sera fin prêt.Sur le plan commercial, les projets
nemanquent pas. Il y a urgence. « Les vinsdu Sud-Ouest n’ont pas le
vent en poupe. Ils nesont pas assez valorisés. Alors, il faut
mettreles bouchées doubles pour inciterles consommateurs à
découvrir et à dégusternos vins », affirme-t-il. Le viticulteur
al’intention de « mettre le paquet » à l’exporten prospectant de
nouveaux territoires telsque l’Asie, l’Amérique du Nord et l’Europe
del’Est pour trouver y des importateurs.
Simon a l’optimisme chevillé au corps :« Avec la reconnaissance
des clients, je suisrécompensé des efforts que je fournis toutau
long de l’année. Je continue à avancer,je souhaite faire de grands
vins de garde. »Ce matin du 13 janvier, Simon voit nettementla
chaîne des Pyrénées de ses vignes. Pasde nuage à l’horizon. Un
cadre de vie qu’ilchérit plus que tout. « J’aime ce métier
aussiparce que je vis en harmonie avec la nature »,confie-t-il.
L’environnement occupe une placede choix dans sa vie. Soucieux de
réduire lesintrants, il produit depuis trois ans trois cuvéessans
soufre : Cabernat (100 % cabernet-sauvignon) et TanNat (100 %
tannat), deuxvins de France, et Pimpant, un assemblagede syrah,
merlot et malbec en IGP Côtes deGascogne. Cette année, il écoulera
15 000 colsde ces trois cuvées en CHR et auprèsdes particuliers.
D’ici cinq ans, il aura plantéune cinquantaine d’arbres en bordure
deses vignes. Il prévoit aussi d’installerdes nichoirs à oiseaux et
à chauve-souris,histoire d’enrichir cette nature qu’il aime
tant.
SURLETERRAIN
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