Top Banner
DOSSIER 14 LA VIGNE - N° 327 - FÉVRIER 2020 Ils ont la trentaine, sont passionnés bien qu’assaillis d’incertitudes alimentées par la question environnementale ou la baisse de la consommation des vins. Quelles sont leurs motivations ? Comment voient-ils l’avenir ? La Vigne leur donne la parole. PAR COLETTE GOINÈRE G uillaume Ribes, 33 ans, l’avoue : « J’ai arrêté l’école très tôt. C’était une erreur, mais j’avais envie de travailler. » À peine a-t-il décroché son bac pro vigne-vin que ce fils de coo- pérateur part faire son appren- tissage dans plusieurs domai- nes des Pyrénées-Orientales. En 2010, il rejoint la propriété fa- miliale – 30 ha en AOC Côtes du Roussillon et IGP Côtes cata- lanes, à Corneilla-la-Rivière. Toute la production (1 000 hl) va à la coopérative Château de Péna, à Cases-de-Pène. Depuis deux ans et demi, Guillaume Ribes est vice-prési- dent de la cave (340 ha, 30 coo- pérateurs). Les animations ne manquent pas avec soirées guinguette l’été et l’opération « Regards de femmes » l’hiver qui fait un tabac depuis sept ans. Le principe ? Mi-octobre, un jury de femmes d’horizons différents assemble le muscat- de-rivesaltes de Noël, sous la houlette du maître de chai. Le vin est mis en bouteille le troi- sième jeudi de novembre pour être vendu, entre autres, à la boutique de la cave. Les projets vont bon train : la coop repense sa gamme et lance ce mois-ci un monocépage de mourvèdre. Depuis un an, Guillaume Ribes est aussi responsable des Jeunes Vi- gnerons Coopérateurs Occitanie : « Nous échangeons sur notre ap- proche des marchés, du métier. Et je partage ma passion de la terre. » N’empêche, les sujets d’inquiétude sont là : « Le con- sommateur veut du bio, il veut sa- voir ce qu’il boit. Mais l’arrêt du glyphosate signifie une augmen- tation des frais d’exploitation. » Et d’ajouter : « On est pointés du doigt alors que l’on essaie de faire les choses au mieux. On ne peut pas aller plus vite. On veut bien changer nos pratiques, mais le consommateur doit nous laisser du temps. » Même son de cloche pour David Munar, 31 ans, à Capestang, dans l’Hérault : « Assouvir le désir du consommateur qui souhaite des vins propres très vite, c’est im- possible, souligne-t-il. Il n’a pas conscience des changements d’or- ganisation du travail et des inves- tissements que cela suppose pour les viticulteurs. » Les ZNT riverains La contrainte de trop Les jeunes viticulteurs n’ont pas assez de mots pour rejeter le décret sur les ZNT, les zones de non traitement en bordure des habitations. Boris Desbourdes, du domaine de la Marinière, en Indre-et- Loire, est vent debout. « Ce décret nous est tombé dessus. Il nous met au pied du mur alors que nous avons besoin de temps pour nous adapter. Cette situation inquiète tous mes collègues. Nous sommes dans le flou total. Faut-il changer nos appareils de traitement pour être aux normes ? Quels sont ceux qui permettent de limiter la dérive ? Nous l’igorons. Le cuivre est-il concerné par la ZNT riverains ? Rien n’est clair. Si le cuivre l’est, il faudra arracher des vignes », s’insurge-t-il. Baptiste Cabal, coopérateur à Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, dans l’Aude, renchérit : « Nous faisons déjà des efforts pour que les relations avec les néoruraux soient simples. Les ZNT, c’est une norme de plus qui nous entrave et nous complique la vie. » Guillaume Ribes, à Corneilla-la-Rivière (Pyrénées-Orientales), ne dit pas autre chose : « On est pointé du doigt alors qu’on essaie de faire les choses au mieux. On nous en demande toujours plus et c’est à sens unique. Les ZNT riverains en sont la preuve. » C’est en 2017 que David Munar revient au pays après avoir dé- croché un bac pro travaux pay- sagers et travaillé dix ans, no- tamment à Nouméa, dans la création de jardins. Il rejoint son père dans la propriété fami- liale de 24 ha qui écoule ses 1 800 hl auprès de la cave coopé- rative des Vignerons d’Argeliers et de la cave de Cruzy. En mars 2019, il crée un Gaec à 50/50 avec son père et se dit heureux de travailler avec lui, de produire des vins de qualité. Afin de diminuer les traite- ments et de répondre ainsi aux attentes des consommateurs, il ne songe pas à passer au bio, mais s’intéresse plutôt aux cé- pages résistants. À Vernou-sur-Brenne (Indre-et- Loire), Julien Pinon, 33 ans, à la tête de domaine François et Ju- lien Pinon – 15 ha en Vouvray et en bio depuis 2003 –, a du mal à voir l’avenir. « Depuis mon arri- vée, j’ai déchanté : aujourd’hui, c’est difficile de se projeter dans le futur. Peut-être que j’avais trop idéalisé ce métier », confie-t-il. Son chemin semblait tout tracé : hypokhâgne, khâgne et master GUILLAUME, JULIEN, ANNE-CÉCILE… et les autres. Ils ont la trentaine et ont choisi le métier de vigneron. MONTAGE PHOTO : F. LECLANCHER Vignerons à 30 ans
7

Vignerons à30ans - Vitisphere · 2020. 2. 12. · LAVIGNE-N°327-FÉVRIER2020 15 d’urbanisme à Lille. De 2010 à 2016, il travailleen tant qu’ur-banisteàlamairiedeLillemais

Oct 17, 2020

Download

Documents

dariahiddleston
Welcome message from author
This document is posted to help you gain knowledge. Please leave a comment to let me know what you think about it! Share it to your friends and learn new things together.
Transcript
  • DOSSIER

    14 LA VIGNE - N° 327 - FÉVRIER 2020

    Ils ont la trentaine, sont passionnés bienqu’assaillis d’incertitudes alimentéespar la question environnementale oula baisse de la consommation des vins.Quelles sont leurs motivations ?Comment voient-ils l’avenir ? La Vigneleur donne la parole. PAR COLETTE GOINÈRE

    G uillaume Ribes,33 ans, l’avoue : « J’aiarrêté l’école très tôt.C’était une erreur,mais j’avais envie de travailler. »À peine a-t-il décroché son bacpro vigne-vin que ce fils de coo-pérateur part faire son appren-tissage dans plusieurs domai-nes des Pyrénées-Orientales. En2010, il rejoint la propriété fa-miliale – 30 ha en AOC Côtesdu Roussillon et IGP Côtes cata-lanes, à Corneilla-la-Rivière.Toute la production (1 000 hl) vaà la coopérative Château dePéna, à Cases-de-Pène.Depuis deux ans et demi,Guillaume Ribes est vice-prési-dent de la cave (340 ha, 30 coo-pérateurs). Les animations nemanquent pas avec soiréesguinguette l’été et l’opération« Regards de femmes » l’hiverqui fait un tabac depuis sept

    ans. Le principe ? Mi-octobre,un jury de femmes d’horizonsdifférents assemble le muscat-de-rivesaltes de Noël, sous lahoulette du maître de chai. Levin est mis en bouteille le troi-sième jeudi de novembre pourêtre vendu, entre autres, à laboutique de la cave. Les projetsvont bon train : la coop repensesa gamme et lance ce mois-ci unmonocépage de mourvèdre.

    Depuis un an, Guillaume Ribes estaussi responsable des Jeunes Vi-gnerons Coopérateurs Occitanie :« Nous échangeons sur notre ap-proche des marchés, du métier. Etje partage ma passion de laterre. » N’empêche, les sujetsd’inquiétude sont là : « Le con-sommateur veut du bio, il veut sa-voir ce qu’il boit. Mais l’arrêt duglyphosate signifie une augmen-tation des frais d’exploitation. » Et

    d’ajouter : « On est pointés dudoigt alors que l’on essaie de faireles choses au mieux. On ne peutpas aller plus vite. On veut bienchanger nos pratiques, mais leconsommateur doit nous laisserdu temps. »Même son de cloche pour DavidMunar, 31 ans, à Capestang,dans l’Hérault: « Assouvir le désirdu consommateur qui souhaitedes vins propres très vite, c’est im-possible, souligne-t-il. Il n’a pasconscience des changements d’or-ganisation du travail et des inves-tissements que cela suppose pourles viticulteurs. »

    Les ZNT riverains La contrainte de tropLes jeunes viticulteurs n’ont pas assez de motspour rejeter le décret sur les ZNT, les zones de nontraitement en bordure des habitations. BorisDesbourdes, du domaine de la Marinière, en Indre-et-Loire, est vent debout. « Ce décret nous est tombédessus. Il nous met au pied du mur alors que nousavons besoin de temps pour nous adapter. Cettesituation inquiète tous mes collègues. Nous sommesdans le flou total. Faut-il changer nos appareils detraitement pour être aux normes ? Quels sont ceux quipermettent de limiter la dérive ? Nous l’igorons.Le cuivre est-il concerné par la ZNT riverains ?

    Rien n’est clair. Si le cuivre l’est, il faudra arracher desvignes », s’insurge-t-il. Baptiste Cabal, coopérateurà Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, dans l’Aude,renchérit : « Nous faisons déjà des efforts pour queles relations avec les néoruraux soient simples.Les ZNT, c’est une norme de plus qui nous entraveet nous complique la vie. » Guillaume Ribes, àCorneilla-la-Rivière (Pyrénées-Orientales), ne dit pasautre chose : « On est pointé du doigt alors qu’onessaie de faire les choses au mieux. On nousen demande toujours plus et c’est à sens unique.Les ZNT riverains en sont la preuve. »

    C’est en 2017 que David Munarrevient au pays après avoir dé-croché un bac pro travaux pay-sagers et travaillé dix ans, no-tamment à Nouméa, dans lacréation de jardins. Il rejointson père dans la propriété fami-liale de 24 ha qui écoule ses1 800 hl auprès de la cave coopé-rative des Vignerons d’Argelierset de la cave de Cruzy. Enmars 2019, il crée un Gaec à50/50 avec son père et se ditheureux de travailler avec lui, deproduire des vins de qualité.Afin de diminuer les traite-ments et de répondre ainsi auxattentes des consommateurs, ilne songe pas à passer au bio,mais s’intéresse plutôt aux cé-pages résistants.À Vernou-sur-Brenne (Indre-et-Loire), Julien Pinon, 33 ans, à latête de domaine François et Ju-lien Pinon – 15 ha en Vouvray eten bio depuis 2003 –, a du mal àvoir l’avenir. « Depuis mon arri-vée, j’ai déchanté: aujourd’hui,c’est difficile de se projeter dans lefutur. Peut-être que j’avais tropidéalisé ce métier », confie-t-il.Son chemin semblait tout tracé :hypokhâgne, khâgne et master

    GUILLAUME, JULIEN, ANNE-CÉCILE…et les autres. Ils ont la trentaineet ont choisi le métier de vigneron.MONTAGE PHOTO : F. LECLANCHER

    Vigneronsà30ans

  • DOSSIER

    14 LA VIGNE - N° 327 - FÉVRIER 2020

    Ils ont la trentaine, sont passionnés bienqu’assaillis d’incertitudes alimentéespar la question environnementale oula baisse de la consommation des vins.Quelles sont leurs motivations ?Comment voient-ils l’avenir ? La Vigneleur donne la parole. PAR COLETTE GOINÈRE

    Guillaume Ribes,33 ans, l’avoue : « J’aiarrêté l’école très tôt.C’était une erreur,mais j’avais envie de travailler. »À peine a-t-il décroché son bacpro vigne-vin que ce fils de coo-pérateur part faire son appren-tissage dans plusieurs domai-nes des Pyrénées-Orientales. En2010, il rejoint la propriété fa-miliale – 30 ha en AOC Côtesdu Roussillon et IGP Côtes cata-lanes, à Corneilla-la-Rivière.Toute la production (1 000 hl) vaà la coopérative Château dePéna, à Cases-de-Pène.Depuis deux ans et demi,Guillaume Ribes est vice-prési-dent de la cave (340 ha, 30 coo-pérateurs). Les animations nemanquent pas avec soiréesguinguette l’été et l’opération« Regards de femmes » l’hiverqui fait un tabac depuis sept

    ans. Le principe ? Mi-octobre,un jury de femmes d’horizonsdifférents assemble le muscat-de-rivesaltes de Noël, sous lahoulette du maître de chai. Levin est mis en bouteille le troi-sième jeudi de novembre pourêtre vendu, entre autres, à laboutique de la cave. Les projetsvont bon train : la coop repensesa gamme et lance ce mois-ci unmonocépage de mourvèdre.

    Depuis un an, Guillaume Ribes estaussi responsable des Jeunes Vi-gnerons Coopérateurs Occitanie :« Nous échangeons sur notre ap-proche des marchés, du métier. Etje partage ma passion de laterre. » N’empêche, les sujetsd’inquiétude sont là : « Le con-sommateur veut du bio, il veut sa-voir ce qu’il boit. Mais l’arrêt duglyphosate signifie une augmen-tation des frais d’exploitation. » Et

    d’ajouter : « On est pointés dudoigt alors que l’on essaie de faireles choses au mieux. On ne peutpas aller plus vite. On veut bienchanger nos pratiques, mais leconsommateur doit nous laisserdu temps. »Même son de cloche pour DavidMunar, 31 ans, à Capestang,dans l’Hérault: « Assouvir le désirdu consommateur qui souhaitedes vins propres très vite, c’est im-possible, souligne-t-il. Il n’a pasconscience des changements d’or-ganisation du travail et des inves-tissements que cela suppose pourles viticulteurs. »

    Les ZNT riverains La contrainte de tropLes jeunes viticulteurs n’ont pas assez de motspour rejeter le décret sur les ZNT, les zones de nontraitement en bordure des habitations. BorisDesbourdes, du domaine de la Marinière, en Indre-et-Loire, est vent debout. « Ce décret nous est tombédessus. Il nous met au pied du mur alors que nousavons besoin de temps pour nous adapter. Cettesituation inquiète tous mes collègues. Nous sommesdans le flou total. Faut-il changer nos appareils detraitement pour être aux normes ? Quels sont ceux quipermettent de limiter la dérive ? Nous l’igorons.Le cuivre est-il concerné par la ZNT riverains ?

    Rien n’est clair. Si le cuivre l’est, il faudra arracher desvignes », s’insurge-t-il. Baptiste Cabal, coopérateurà Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, dans l’Aude,renchérit : « Nous faisons déjà des efforts pour queles relations avec les néoruraux soient simples.Les ZNT, c’est une norme de plus qui nous entraveet nous complique la vie. » Guillaume Ribes, àCorneilla-la-Rivière (Pyrénées-Orientales), ne dit pasautre chose : « On est pointé du doigt alors qu’onessaie de faire les choses au mieux. On nousen demande toujours plus et c’est à sens unique.Les ZNT riverains en sont la preuve. »

    C’est en 2017 que David Munarrevient au pays après avoir dé-croché un bac pro travaux pay-sagers et travaillé dix ans, no-tamment à Nouméa, dans lacréation de jardins. Il rejointson père dans la propriété fami-liale de 24 ha qui écoule ses1 800 hl auprès de la cave coopé-rative des Vignerons d’Argelierset de la cave de Cruzy. Enmars 2019, il crée un Gaec à50/50 avec son père et se ditheureux de travailler avec lui, deproduire des vins de qualité.Afin de diminuer les traite-ments et de répondre ainsi auxattentes des consommateurs, ilne songe pas à passer au bio,mais s’intéresse plutôt aux cé-pages résistants.À Vernou-sur-Brenne (Indre-et-Loire), Julien Pinon, 33 ans, à latête de domaine François et Ju-lien Pinon – 15 ha en Vouvray eten bio depuis 2003 –, a du mal àvoir l’avenir. « Depuis mon arri-vée, j’ai déchanté: aujourd’hui,c’est difficile de se projeter dans lefutur. Peut-être que j’avais tropidéalisé ce métier », confie-t-il.Son chemin semblait tout tracé :hypokhâgne, khâgne et master

    GUILLAUME, JULIEN, ANNE-CÉCILE…et les autres. Ils ont la trentaineet ont choisi le métier de vigneron.MONTAGE PHOTO : F. LECLANCHER

    Vigneronsà30ans

  • LAVIGNE - N° 327 - FÉVRIER 2020 15

    d’urbanisme à Lille. De 2010 à2016, il travaille en tant qu’ur-baniste à lamairie de Lillemaisgarde un lien ténu avec la pro-priété qui est dans la famille de-puis 1786. L’été 2017, il saute lepas, devient salarié du domainefamilialetsuituneannéedefor-mation par alternance « Certifi-cat de spécialisation en viticul-turebio»au lycéed’Amboise.Le1er janvier2018, sonpèrepartà la retraite et Julien se retrouveaux manettes de l’exploitationqui emploie quatre salariés enCDI, produit 60000cols écoulésà45%à l’export, à45%auxparti-culiersetà10%enCHR.Unquo-tidien que Julien apprécie. Ex-cepté que le chemin est bordéd’épines : à l’export, il fait 25 %de son chiffre d’affaires avec lesÉtats-Unis. Les taxes édictéespar Donald Trump l’inquiètent,tout comme la baisse de la con-sommation en France. «De plusen plus les consommateurs pico-rent dans plusieurs vignobles. Ilsne sont plus aussi fidèles. Nousvendons toujours autant,mais lesclients ne prennent que six bou-teilles alors qu’ils en prenaient ledouble il yaquelquesannées. »

    Le quotidien est parfois compli-qué. « Une cuve qui déborde, untracteur qui tombe en panne, c’estladure réalitédumétier», confie-t-il. Sa plus grosse inquiétudeest ailleurs, dans les aléas cli-matiques qui semblent frapperdeplusenplusrégulièrementsarégionduValdeLoire.Baptiste Cabal, 27 ans, coopéra-teur, installé en2015 à la tête de70 ha avec ses parents, à Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, dans

    « Le secteur viticole paraît plus préservé »filières, comme l’élevage.Par ailleurs, l’agribashingporte davantage surles cultures annuelles etl’élevage, considéréscomme des productionsintensives, alors quele caractère patrimonialde la viticulture jouedans la préservation deson image auprèsdes consommateurs. »

    «C es dernièresannées, onobserve que le moral desviticulteurs est plutôt bonpar rapport à celui desautres agriculteurs. Lorsde notre dernier sondageréalisé en octobre 2018pour la revueAgrodistribution [duGroupe France Agricole,NDLR] auprès de 408

    chefs d’exploitationviticole représentatifs,78 % se sont déclarésoptimistes ou absolumentoptimistes. Chez lesvignerons de moins de40 ans, le pourcentaged’optimistes était lemême, mais ils étaientplus nombreux à se direabsolument optimistes(41 % contre 34 % pour

    AVISD’EXPERTSYLVIE BOURCIER, DIRECTRICE ASSOCIÉE DE LA SOCIÉTÉ D’ÉTUDES D’ADQUATION

    lll

    l’Aude, a d’autres préoccupa-tions : la complexité adminis-trative et ses relations de voisi-nage. « Bientôt, on passera plusde temps au bureau que dans lesparcelles. Et un tracteur qui sort à8 heures dumatin, ça dérange leshabitants qui se sont installésdans le villagepour leur retraite »,déplore-t-il. Pour autant, Bap-tiste est loin de céder au catas-trophisme. Il revendique fière-ment son attachement à son

    métier :«Quand jevoispousser lavigne, j’ai cette fierté de meneruneplanteenbonnesanté,puisdedéguster des vins de qualité. » Unattachement aussi à la coopéra-tion. Depuis trois ans, il présidela cave coopérative du Cellierdes Demoiselles (58 adhérents,400ha,17000hl). Et affichesoncap : « Je veux amener la cave àêtre moins dépendante des négo-ciants qui achètent 70 % de notreproductionpourpasserà50%.»

    la population totale).Le secteur viticole paraîtplus préservé. Même si lesviticulteurs peuvent fairel’objet de critiques devoisinage, notamment enraison du traitement desvignes, la filière viticole seporte plutôt bien. De fait,les jeunes appréhendentl’avenir de manière plussereine que dans d’autres

  • DOSSIER

    16 LAVIGNE - N° 327 - FÉVRIER 2020

    Au domaine de la Marinière, àPanzoult, en Indre-et-Loire –17 ha en AOC Chinon, 80 % enbouteilles et en bio depuis 2018–BorisDesbourdes,33ans, titu-laire d’un BTS viti-œno et d’unelicence pro, ne se fait pas nonplus prier pour affirmer sa pas-sion de la vigne: « Tout me plaîtcar je n’exerce pasunmétier,maisdesmétiers. Lematin, je peux êtreà la taille ou sur mon tracteur etl’après-midi discuter avec un gra-phiste des étiquettes ou recevoirdes clients. »

    C’est en 2014 qu’il rejoint le do-maine familial en tant que salariéviticole. Depuis janvier, il est enphase d’installation. Il a crééune EARL avec son père dont ilssont tous deux cogérants. De-puis un an, il préside la sectionJeunes des Vignerons indépen-dants de France. « S’engagerdansun syndicat, c’est être au ser-vice du collectif. Je crois au travaildu vigneron, à la valeur ajoutéeque nous produisons. Nous po-

    sons notre nom sur une étiquettedebouteille, cen’estpas rien. »Ses sujets de préoccupationsont nombreux, notamment lesZNT riverains. « Si le cuivre n’estpas autorisé, on perdra la récoltedans ces zones-là. Il faudra arra-cher des vignes. Face à l’accéléra-tion des demandes sociétales, ilfaut être capable de s’adapter »,conclut-il.

    S’adapter ? C’est bien le maîtremot de Gabriel Cuisset, 31 ans,qui mène avec son frère Julienl’exploitation familiale, Châ-teauGrinou–44hadont33 cer-tifiés en bio –, à Monestier, enDordogne. Bac économie et so-cial en poche, Gabriel part tra-vailler en Angleterre, Argentineet Australie, dans des fermes etpropriétés viticoles. Puis il intè-gre Château Grinou avec uneconviction : « Il faut anticiper,être réactif et capable de s’ouvrir àd’autres voies. Peut-être que de-main nous nous lancerons dans labière», soutient-il.

    lll De laprovocation ?Pas sûr. Pourcoller aux tendances, il élaboredepuis trois ans des vins sanssulfite, comme « Rien de rien »,un IGPPérigord.Début2018, il alancésous lamarque«Bon»desvins de cépages résistants aumildiouet à l’oïdium.6500colsécoulés auprès des magasinsbioetdesparticuliers :untabac!Et unmessage clair pour le con-sommateur :«Nosvins sontbonsau goût, pour l’environnement etla santé du viticulteur. » En deuxans, la production a doublé. Dé-butmars,GabrielCuissetmettra14000cols sur lemarché.Ce qui l’interroge ? L’essor dubio : « Le bio n’est pas la solutionaux problèmes économiques despropriétés car être enbionécessited’être bien préparé, flexible etd’avoir les reins solides financière-ment. »S’adapter, c’estaussi ladevisedeJosé Botello, 30 ans, entré en2010 dans l’exploitation fami-liale à Faleyras, en Gironde, bacpro viti-œno en poche. Depuis lll

    «Àterme,nousvoulons toutvendreenbouteilles»

    I ls ont suivi les mêmes études : BTSviti-œno, licence de chimie puis diplômed’œnologie. Ils se sont installés ensemblele 1er décembre 2019 en fermage sur les 10 hadu Château Del Ranq, à Claret, quiappartiennent à la mère de Sébastien et

    qu’ils convertissent au bio. Avant cela,ils avaient débuté sur 3,5 ha en fermage.Laure Barthelemy, 30 ans, et SébastienFreychet, 28 ans, sont tous deux cogérantsde l’EARL Château Del Ranq. Laure s’occupede l’administratif, de la vente et du chai etSébastien de la vigne et du chai. Les deuxtrentenaires ont le même goût pour le métierde vigneron qu’ils jugent « manuel, complexe,et qui demande de l’énergie, des prisesde décision, des expérimentations ».Leur objectif est clair : « Nous ne voulons pasnous agrandir. À terme, nous voulons toutvendre en bouteilles », glisse Laure.Ils n’en sont qu’à leurs débuts. Cette année,ils espèrent produire 400 hl en AOC Pic Saint-Loup et en IGP Saint-Guilhem-le-Désertqu’ils vendront à 80 % en vrac ou envendanges fraîches pour embouteiller le reste.Côté commercialisation, ils visent le CHR,les particuliers et l’export, notamment le Japonet les États-Unis. Ils se sont lancés dansla vente en mars 2019 avec les 1 300 cols deleur rosé Décollage, un clin d’œil à leur envol.Cette année, ils ont ajouté un rouge en vinde France 100 % syrah qu’ils ont baptisé« Le Ribou », du nom du lieu-dit où se trouvela petite maison en pierre d’Yvon-Jean, 85 ans,ancien métayer du mas Del Ranq, dontle portrait en linogravure illustre l’étiquette.

    « C’est un remerciement que nous luiadressons », souligne Laure. Pour l’instant,cela démarre bien : les 1 300 cols de Décollagesont partis rapidement.Pour leur installation, ils ont emprunté200 000 € sur cinq ans grâce auxquels ils ontacheté un intercep, un cadre pour travaillerl’interrang, une écimeuse, un tracteurd’occasion, un tapis convoyeur pour transporterle raisin, une dizaine de cuves d’occasionen fibres de verre et une trentaine de fûts enchêne d’occasion. Ils doivent aussi installer3 km de clôtures autour du domaine pourprotéger les vignes des sangliers. Enfin, ils vontdoter leur chai, installé dans l’anciennebergerie du mas, d’une dalle digne d’une cavede vinification.La baisse de la consommation de vin en Francene les trouble pas. Ils sont plus inquiets de la« pollution des sols par les traitements phyto »et du changement climatique face auquel ils sesentent démunis. « Nous avons subi le gel enavril 2019 qui nous a fait perdre 20 % de notreproduction, puis la sécheresse fin juin de lamême année. Les caprices de la météo nouspréoccupent. » Pour autant, ils ne restent pasles bras croisés. En 2022, ils prévoient deplanter du carignan blanc, du grenache gris etde la clairette sur 70 ares, des cépages adaptésau climat sec du sud de la France.

    Sébastien Freychet et Laure Barthelemy, Château Del Ranq, 10 ha en bio à Claret, dans l’Hérault.

    SURLETERRAIN

    ©CH

    ÂTE

    AU

    DEL

    RAN

    Q

    2019, il est cogérant de ce Gaecqui écoule la production de ses50 ha en agriculture raisonnéeet en appellation Bordeaux au-près de la cave coopérative deSauveterre-Blasimon-Espiet.Pour la première fois, lors de larécolte 2019, il a basculé desparcelles (10 ha) en vin deFrance : « La demande pour l’ap-pellationBordeaux est en chute li-bre. À nous de réagir et de nousadapter», souligne-t-il.

    José se dit heureux d’être coopé-rateur : « À la cave, on bénéficiede l’expérience des plus âgés. Il ya de la solidarité entre nous. Et lestechniciens nous accompagnent.J’ai pu compter sur eux pour obte-nir la certificationHVE il y a deuxans et TerraVitis cemois-ci. » Lesaléas climatiques et la chutedescours du bordeaux n’entamentpas son moral d’acier. « Je pro-jette de m’agrandir. Des coopéra-teurs vont partir en retraite. Jepourrai racheterdesvignes. »En revanche, la mévente des

  • LAVIGNE - N° 327 - FÉVRIER 2020 17

    Ximun Bergouignan, vice-président de la coopérative d’Irouléguy, à Saint-Étienne-de-Baïgorry (Pyrénées-Atlantiques)

    « Jeveux fairevivredes jeunesaupays,participerà ladynamisationde l’intérieurduPaysbasque.»

    «J’ adore prendre part à lacoopérative, m’impliquer. J’yconsacre un tiers de mon temps.On avance ensemble sur des objectifs »,s’enflamme Ximun Bergouignan, 32 ans,vice-président depuis 2019 de la coopératived’Irouleguy, dans les Pyrénées-Atlantiques(145 ha, 39 coopérateurs). Dernière innovationde la coop : un blanc bio, le premier de la cave.Une cuvée baptisée « Kattalin » (coccinelle enbasque)– 150 hl, 40 % de petit manseng et60 % de gros manseng. Kattalin seradistribuée au magasin de la coop et en CHR.« C’est très encourageant. En 2017, 13 % dela production de la cave était en bio. Fin 2020,on sera à 40 % », assure Ximun Bergouignan.Avec un grand-père membre fondateur dela coop d’Irouléguy en 1952, un père présidentde l’AOC et de la coopérative pendant vingtans, le chemin de Ximun semblait tout tracé,mais pas tout à fait. « Au début, je n’ai pas euenvie de faire comme mon père. Avec sesobligations professionnelles, je ne le voyaisjamais », rappelle-t-il.Après son BTS négociation et relation clients,Ximun intègre la licence professionnelleResponsable commercial vins et réseaux dedistribution de Montpellier SupAgro, sans

    en avertir ses parents. « J’avais besoind’indépendance », justifie-t-il. En 2010,sa licence obtenue, il part courir le mondedans des propriétés viticoles du Chili,d’Australie et de Nouvelle-Zélande. Et se forgeune expérience dans la vinification.En 2013, retour à la maison familiale. Son pèrequi souhaite partir à la retraite lui propose deprendre sa suite. Cette fois, Ximun n’hésite pasune seconde. Dès la fin de l’année, il seretrouve bombardé cogérant de la SCEAMignaberry créée dans les années soixante-dix par trois familles amies dont celle deson père et qui exploite 26 ha à Saint-Étienne-de-Baïgorry. Toute la production est écouléeà la coopérative d’Irouleguy.En mars 2017, Ximun prend une deuxièmecasquette : il s’installe à titre individuelcomme jeune agriculteur prenant en fermage6 des 26 ha exploités jusqu’ici par la SCEA. Desvignes plantées de blancs qu’il convertit enbio. Pour opérer cette conversion, il investitdans un intercep, un pulvérisateur en face parface et embauche l’équivalent d’un salarié etdemi. Au total, il fait un emprunt de 84 000 €dont 30 000 € au titre du besoin en fondsde roulement.Aujourd’hui, entre la SCEA et son exploitation,

    Ximun emploie cinq salariés : trois tractoristeset deux ouvriers. Il joue à fond la carte du bio,visant la certification des 20 ha exploitéspar la SCEA cette année. Il s’intéresse aussià la biodynamie. Par le biais du Civam Bio,il assiste à des rencontres de terrain entreviticulteurs dont beaucoup d’entre ellestournent autour de la diminution des dosesde cuivre.Le trentenaire se laisse aller à quelquesconfidences : « J’ai peur de l’industrialisationde la viticulture, souligne-t-il. Beaucoup fontappel à des sociétés pour la taille, le greffageou encore les traitements. Or, c’est à nous decomprendre le sol, la plante. La vigne ne peutpas être qu’une source de revenus. Il fautabsolument se réapproprier le savoir-faire deviticulteur et le faire perdurer. »Autre conviction : « Je ne veux pas m’agrandir.Je préfère embaucher plutôt que de m’enrichirpersonnellement. Je veux faire vivre des jeunesau pays, participer à la dynamisation del’intérieur du Pays basque. »Membre du conseil d’administration de l’AOCdepuis quatre ans, il entend bien œuvrer audéveloppement de l’appellation en gardantun esprit d’entraide. Un bien précieuxpour Ximun Bergouignan.

    ©ST

    UD

    IOW

    AA

    Z

    SURLETERRAIN

  • DOSSIER

    18 LAVIGNE - N° 327 - FÉVRIER 2020

    lll vins de Bordeaux inquièteAnne-Cécile Rozier, 32 ans, ins-tallée en 2015 et gérante de laSCEA Château des Arras – 30 haen Bordeaux et Bordeaux supé-rieur, à Saint-Gervais (Gironde).« L’image des bordeaux estvieillissante car ils sont perçuscomme des vins de repas de“papa”, sans attractivité. On s’estendormissurnotrenotoriété», as-sène-t-elle.

    Membre depuis trois ans des Jeu-nes Agriculteurs et du syndicatdes Bordeaux et Bordeaux supé-rieur, elle entend bien se bou-ger. « Les consommateurs exigentde nous de produire des vins “pro-pres”. Je rêve de ne plus mettre deproduits phytosanitaire dans lesvignes. Mais, plutôt que de nousaccuser, les consommateurs fe-

    raient mieux de se retourner con-tre les entreprises qui fabriquentces produits et qui ont la capacitédemettreaupointdes solutionsal-ternatives. J’en ai ras le bol d’en-tendre ce mot de pesticide », s’in-surge-t-elle.Avec unbac scientifique, unBTSviti-œno et un master vigne etterroir, Anne-Cécile n’imaginaitpas son parcours professionnelen dehors de la propriété fami-liale : « J’y suis viscéralement atta-chée.Mamère a repris le flambeauen 1993, après le décès de monpère. Nous étions trois enfants,mais ellea tenu le coup.»Aujourd’hui, sa sœur Marie-Ca-roline s’occupe du commercial.Anne-Cécile, elle, n’aime rienmoinsqu’êtreà lavigne,« làoùseprépare le futur vin ». Le faitd’écouler 80 % de la production

    auprèsdunégocenesemblepasêtre un problème : « Nous tra-vaillons depuis 2011 avec lemême négociant, suivant un con-trat écrit qui nous donne une cer-taine sérénité. » Le Château desArras vend les 20 % restants auxparticulierset auCHR.Une tout autre problématiquepour Virginie Starodoubetz,30 ans, qui gère avec sa sœur,ses parents et sa tante les troispropriétés des Vignobles RobinLafugie, à Saint-Hippolyte, enGironde.Une foispassé sonBTSde management des unitéscommerciales, Virginie ne ma-nifeste pas un goût prononcépour lemonde viticole. Elle partalors travailler chez Carglass,puis chez Bouygues. Finale-ment, en 2016, elle intègre laSCEA familiale où elle occupera

    « Jeveuxpeser sur lesdécisionsdemacoopérative»

    E lles ont fait un tabac. Sorties ennovembre dernier, les 5 000 bouteilles decrémant « Ice Flow », concoctées parFlorian Bonin, 33 ans, coopérateur de la cavede Lugny, (1 360 ha, 400 coopérateurs), se sontarrachées comme des petits pains. Florianest le premier à s’être prêté à l’opération « Unhomme, un vin » lancée par sa coop qui permetà tout adhérent d’élaborer une cuvéepersonnalisée en participant à la vinification,à la création de l’étiquette, au choix de labouteille… « J’ai planché sur un blanc de blancs,dosé à 25 g/l, 100 % chardonnay, à boire surglace. J’ai souhaité une bouteille “sleevée” poursortir des codes du crémant classique et attirerune clientèle jeune », explique-t-il.Ce printemps, six autres coopérateurs sortiront

    leur cuvée avec leur nom écrit en toutes lettressur l’étiquette. Florian, par discrétion, n’a passouhaité que le sien soit inscrit. « Je veuxm’impliquer et faire bouger les choses. J’apportema contribution à la cave au travers decet effervescent, c’est le plus important »,se justifie-t-il. Sur le ton de la confidence,il avoue que son père est fier de ce crémant.« Il ne le montre pas devant moi, mais je saisqu’il est heureux d’en parler aux autres. Il faitma promo », lâche-t-il.C’est en 2009 que Florian, BTS viti-œno enpoche, s’installe comme jeune agriculteur.Une évidence pour lui qui a toujours aimé êtresur un tracteur où il se sent libre. Avec son père,il crée une EARL à 50/50, chacun apportant25 000 €. Le projet d’installation de Florian

    s’articule autour de l’agrandissement.Il apporte 11 ha en fermage à l’EARL quis’ajoutent aux 9 ha de son père. Entre 2011et 2013, 5 ha supplémentaires en fermageviendront grossir la surface. Au cours decette même période, les investissementss’enchaînent pour faire face audéveloppement. Père et fils achètent ainsiune double rogneuse, un pulvé face par face,une machine à vendanger (200 000 € financéspar un emprunt sur dix ans) et construisentun hangar opérationnel en 2014 pour un coûtde 60 000 €.Aujourd’hui, l’EARL écoule 75 % de sa récolte àla cave coopérative de Lugny et 25 % à la caved’Azé. Florian est à la vigne, sa mère etsa compagne l’aident, surtout pour les travauxen vert. Son père, lui, s’occupe del’administratif. Florian revendique fièrementd’être coopérateur : « Cela me plaît beaucoup.On est tout seul et en même temps, on est dansun collectif. J’habite un village de 600 habitants.Les viticulteurs sont tous coopérateurs. L’espritde solidarité est très présent. »Pour autant, une inquiétude est bien là : « J’aidu mal à dessiner le futur. Les nouvelles règlesliées aux zones non traitées m’inquiètent.Mon exploitation est au centre du village.Je serai peut-être amené à arracher des vignes.Pourtant, je fais très attention aux riverains.Avant de traiter, je les préviens par SMS. J’enlèvele linge qui est dehors lorsqu’ils sont absents.Mais on est vus comme des pollueurs. »Un coup de blues qui ne l’empêche pas dese projeter en 2021. À cette date, Florianse portera candidat au conseil d’administrationde la cave de Lugny. « Je veux faire partiedu dispositif, je ne veux pas subir, je veux pesersur les décisions », répète-t-il d’un ton assuré.Son père, membre du CA depuis les années1990, se retira pour lui céder la place.

    Florian Bonin, EARL Bonin, à Saint-Gengoux- de-Scissé, en Saône-et-Loire

    SURLETERRAIN

    tous les postes, de la vigne aucommercial. Une révélation :« J’aime cette polyvalence », dé-clare-t-elle.

    Avec la baisse de la consomma-tion, elle redouble de projets enlançant une gamme de vinssans soufre, L’Arche, ainsi quedes cuvées monocépages. Lesaccidents climatiques l’inquiè-tent : « En 2017, avec le gel, on aperdu 90 % de la récolte dans lestrois propriétés. On n’était pas as-surés. »Mais cequi lapréoccupele plus, c’est la transmission del’exploitation: « Mes parents etma tante sont propriétaires. Lesdroits de succession sont colos-saux », indique-t-elle. Seule so-lution : vendre quelques hecta-res pour les payer. Elle devrabiens’y résoudre.

  • LAVIGNE - N° 327 - FÉVRIER 2020 19

    VIGNERONSÀ30ANS

    Simon Capmartin, domaine Capmartin, à Maumusson-Laguian, dans le Gers

    « Jevaismettre lesbouchéesdoublespourvendre»

    C ette fois, c’est sûr, il doit finaliserson installation en tant que jeuneagriculteur. Par manque de temps,Simon Capmartin, 33 ans, n’a pas menéla démarche à son terme. Aujourd’hui, il nepeut plus reculer. Son père est à la retraitedepuis fin janvier. Alors il faut faire fissa.C’est en 2012 que le jeune homme, détenteurd’un BTS viti-œno et d’un bachelor vin etspiritueux de l’Inseec Bordeaux, rejointle domaine Capmartin, créé par son pèreen 1985 et certifié en bio depuis dix ans.Sur 23 ha, dont 10 ha en fermage,l’exploitation familiale produit 100 000 colsd’AOC Madiran et Pacherenc du Vic-Bilh,écoulés à 50 % à l’export, à 25 %aux particuliers et à 25 % en CHR.Simon, salarié de l’exploitation, se prendau jeu. Il est sur tous les fronts : à la vignecomme au chai. Il s’occupe aussi de vendre,court les salons comme Millesime Bioet ProWein, ou encore participeaux dégustations professionnelles organiséespar Haut les Vins, une association de

    vignerons produisant « des vins de terroir ».Son installation est un lourd investissement.Il rachète les parts sociales de l’EARL deson père pour 140 000 € et les 13 ha de vignepour 150 000 €. Sa mère, associée nonexploitante, détiendra une part minoritaire.Il acquiert aussi deux parcelles, une de 50 areset l’autre de 70 ares pour y planter des vigneset se délester, d’ici à deux ans, de 2 ha qu’illoue. Aux prochaines vendanges, un nouveauchai de 750 m2 doté de 2 500 hl de cuverie,d’équipements de thermorégulation etclimatisé sera fin prêt.Sur le plan commercial, les projets nemanquent pas. Il y a urgence. « Les vinsdu Sud-Ouest n’ont pas le vent en poupe. Ils nesont pas assez valorisés. Alors, il faut mettreles bouchées doubles pour inciterles consommateurs à découvrir et à dégusternos vins », affirme-t-il. Le viticulteur al’intention de « mettre le paquet » à l’exporten prospectant de nouveaux territoires telsque l’Asie, l’Amérique du Nord et l’Europe del’Est pour trouver y des importateurs.

    Simon a l’optimisme chevillé au corps :« Avec la reconnaissance des clients, je suisrécompensé des efforts que je fournis toutau long de l’année. Je continue à avancer,je souhaite faire de grands vins de garde. »Ce matin du 13 janvier, Simon voit nettementla chaîne des Pyrénées de ses vignes. Pasde nuage à l’horizon. Un cadre de vie qu’ilchérit plus que tout. « J’aime ce métier aussiparce que je vis en harmonie avec la nature »,confie-t-il. L’environnement occupe une placede choix dans sa vie. Soucieux de réduire lesintrants, il produit depuis trois ans trois cuvéessans soufre : Cabernat (100 % cabernet-sauvignon) et TanNat (100 % tannat), deuxvins de France, et Pimpant, un assemblagede syrah, merlot et malbec en IGP Côtes deGascogne. Cette année, il écoulera 15 000 colsde ces trois cuvées en CHR et auprèsdes particuliers. D’ici cinq ans, il aura plantéune cinquantaine d’arbres en bordure deses vignes. Il prévoit aussi d’installerdes nichoirs à oiseaux et à chauve-souris,histoire d’enrichir cette nature qu’il aime tant.

    SURLETERRAIN

    LV327_014_LVLV327_015_LVLV327_016_LVLV327_017_LVLV327_018_LVLV327_019_LV