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N Vers la r évol u ti on i n r i eure C h ap i tre IV Q u el l e est l a qu al i té pr opr e à l ' espr i t qu i est en état de m édi tati on ? p a r J . Krishnam ur ti ous allons aborder ensemble la question de savoir ce qu’est en fait la méditation. Nous devons changer notre mode de vie actuel. Cela, c’est assez évident. Il faut qu’intervienne dans nos vies une révolution profonde et radicale, qui ne soit pas simplement de surface, d’ordre économique ou social, mais qui ne soit pas non plus une révolution qui renverse l’ordre établi pour le remplacer par un autre. Si nous sommes authentiquement sérieux dans cette affaire, nous nous préoccupons de savoir comment l’esprit humain, qui est si lourdement conditionné, peut faire l’objet d’une transformation radicale et comment il peut vivre et fonctionner dans une tout autre dimension. Cela fait des siècles et des siècles que nous fonctionnons dans le cadre d’une fraction très limitée de notre cerveau, en utilisant la structure même de celui-ci selon des lignes spécifiques. Une mutation au sein même des cellules cérébrales est-elle possible ? Je crois que là est le problème majeur. Nous répondons à tous les défis qui se présen tent à nous à l’aid e de ce vieux cerveau, lourd de millénaires de conditionnement. La vie est un perpétuel défi et, quand 81
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Vers la révolution intérieure : se changer soi-même pour changer le monde, par J. Krishnamurti

Apr 04, 2018

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N

Ver s la r évo lu t ion

in t ér ie u r e Ch a p it r e I V

Qu e lle e s t la q u a lit é p r o p r e

à l'e s p r it q u i e s t e n é t a t d e

m é d it a t io n ?

p a r

J . Kr is h n a m u r t i

ous allons aborder ensemble la question de savoir ce

qu’est en fait la méditation. Nous devons changer notre

mode de vie actuel. Cela, c’est assez évident. Il faut

qu’intervienne dans nos vies une révolution profonde et

radicale, qui ne soit pas simplement de surface, d’ordre

économique ou social, mais qui ne soit pas non plus une

révolution qui renverse l’ordre établi pour le remplacer par un

autre. Si nous sommes authentiquement sérieux dans cetteaffaire, nous nous préoccupons de savoir comment l’esprit

humain, qui est si lourdement conditionné, peut faire l’objet

d’une transformation radicale et comment il peut vivre et

fonctionner dans une tout autre dimension. Cela fait des siècles

et des siècles que nous fonctionnons dans le cadre d’une

fraction très limitée de notre cerveau, en utilisant la structure

même de celui-ci selon des lignes spécifiques. Une mutation au

sein même des cellules cérébrales est-elle possible ?

Je crois que là est le problème majeur. Nous répondons à

tous les défis qui se présentent à nous à l’aide de ce vieux

cerveau, lourd de millénaires de conditionnement. La vie est un

perpétuel défi et, quand

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nous sommes confrontés à un défi quelconque, nous y faisons

face avec ce vieux cerveau, avec ses réponses mécaniques,

traditionnelles, égoïstes, égocentriques. Là encore, c’est une

évidence. Quand nous cherchons à savoir si les cellules

cérébrales elles-mêmes sont susceptibles de subir une

transformation radicale, nous devons nous interroger quant auxqualités qui seraient celles d’un cerveau capable de percevoir

sans qu’intervienne aucune espèce d’effort, d’imitation, de

contrainte, de conformisme. Nous devons balayer d’un geste

toute la morale traditionnelle – qui n’a rien de moral – et

découvrir une manière de vivre tout à fait différente. Et c’est

peut-être en cela que consiste la méditation : dans le fait de

trouver les moyens de faire éclore cette transformation.

Comme nous l’avons dit, c’est ensemble que nous abordons

ce problème, il s’agit d’un partage. Il n’est ici question ni d’uneautorité de référence qui vous dise ce qu’il faut faire, ni d’un

nouveau système de méditation. Quand on médite en fonction

d’un système, ce n’est plus de la méditation. C’est juste une

répétition mécanique, et c’est une pratique tout à fait futile et

dénuée de sens. De nombreuses personnes à travers le monde,

surtout en Asie, ont une certaine conception de ce qu’est la

méditation. On leur a dit comment méditer, indiqué ce qu’il faut

faire. L’orateur n’a pas lu d’ouvrages traitant de ces questions. Il

n’a suivi aucun système, il a dû trouver par ses propres moyens; il a dû effacer tout ce qu’on lui avait dit. Il ne faut absolument

rien répéter qu’on n’ait d’abord perçu, vécu soi-même. Si, en

matière de méditation et de questions touchant à la spiritualité,

 vous êtes prêt à ne jamais répéter quoi que ce soit sans en avoir

fait l’expérience personnelle, et à ne jamais affirmer ou formuler

des choses préalablement dites par d’autres que vous sur

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ces sujets, alors nous pouvons communier, nous pouvonspartager cette réflexion.

La méditation, vous en avez entendu parler, on vous a dit ou vous avez lu des choses à ce sujet. Êtes-vous capable de faireabstraction de tout cela ? Car, en dehors de ce que d’autres vous

en ont dit, en dehors d’une éventuelle pratique de votre part,alignée sur une tradition, ou d’une expérience inscrite dans unsystème qui vous fait miroiter des choses, en dehors de cela,

 vous n’avez pas la moindre idée de ce qu’est la méditation. Parconséquent, cette pratique n’a pour vous aucun caractèrepersonnel ou singulier : c’est une pratique de seconde main, etpar conséquent sans valeur aucune. Pour connaître la vérité,pour découvrir ce qu’il en est, l’esprit doit être affranchi de toutenotion d’imitation, de conformisme, l’esprit doit être libéré de

toute peur. Ce n’est qu’alors qu’il est en mesure de voir, depercevoir ce qui est.

Donc, pour comprendre ce qu’est la méditation, il nous fautdécouvrir ce qu’elle n’est pas. Nous allons examiner ensemble cequ’elle n’est pas, car c’est en rejetant ce qui est faux que vousdécouvrez par vous-même ce qui est vrai. Mais si vous vouscontentez d’admettre les dires des autres – quels qu’ils soient, y compris l’orateur –, alors vous ne faites rien d’autre que vousconformer. Et, si vous vous conformez, c’est dans l’espoir que ceconformisme, cette obéissance, ainsi que certaines pratiques,

 vous donneront accès à de formidables expériences, à certaines visions, à d’immenses pouvoirs, et ainsi de suite. Mais si vousêtes vraiment sérieux, alors nous pouvons mener ensemble cetteinvestigation, cet examen, afin d’accéder à une qualité del’esprit, un état de liberté totale qui n’ait rien de mécanique oude répétitif, un état de

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tranquillité absolue, hors de toute coercition, de tout effort, de

toute pratique.

Mais, au préalable, il faut comprendre, apprendre ce qu’il en

est de l’ego, du « moi », avec tous ses souvenirs, ses angoisses,

ses peurs, ses ambitions, sa corruption, et avec ses joies, ses

plaisirs sexuels, ce « moi » qui se dissocie du « toi », et le « toi» qui se dissocie des autres. Cette compréhension de soi ne doit

pas dépendre d’une philosophie, d’un maître ou d’un

psychologue quelconques, mais passer par la connaissance de

soi. Or, on ne peut se comprendre soi-même s’il y a la moindre

espèce de condamnation, de justification. Pour apprendre à vous

connaître, il faut que vous vous voyiez tel que vous êtes et non

tel que vous voudriez être, sans essayer de changer ce que vous

êtes. Par conséquent, toute forme d’autorité vous disant quoi

faire ou comment enquêter sur vous-même, comment vouscomprendre, est sans validité aucune.

Il est absolument indispensable que vous vous compreniez

 vous-même car, sans cette connaissance de soi, on manque de

 bases solides. Se connaître soi-même, ce n’est pas prendre

connaissance d’un soi qui serait permanent, ou d’une prétendue

« âme », ou de l’atm an, d'un hyper-soi. La connaissance de

 vous-même signifie le décryptage de votre vie quotidienne : la

façon dont vous parlez, les mobiles, les ambitions, les peurs, les

angoisses, le désir de pouvoir et de réussite sociale, les conflits

divers. Le « vous », c’est tout cela. Vous devez le comprendre,

car de cette compréhension surgit l’action juste. Et sans cette

action juste, sans cette base de vérité, la méditation devient une

forme d’auto-hypnose. Donc, cette compréhension est

absolument indispensable, mais ce n’est pas parce que l’orateur

le dit. La logique vous permet d’en voir

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la nécessité. S’il y a en vous la moindre espèce de contradiction,

de peur, la plus petite trace d’ambition, d’esprit de compétition,

d’envie, comment, dans ce cas, l’esprit saurait-il trouver,

découvrir ou rencontrer une chose qui n’est pas du même ordre

que lui-même ?

En fait, la raison, la logique vous disent que vous devezd’abord vous comprendre vous-même, au lieu de vous fuir. Vous

devez vous connaître, et c’est là que réside l’une de nos

difficultés, à savoir que lorsqu’on apprend à se connaître, à

s’observer soi-même, ainsi que ses pensées, sans chercher à les

contrôler, à les réprimer, se pose alors cette question : qui est

l’observateur ? Si vous voulez aller au fond de cette question de

la méditation, comme de celle de savoir comment vivre sans

souffrance, sans conflit, comment vivre une existence qui soit

foisonnante et riche, qui ait un sens en soi, il vous faut avoir laclé de la question suivante, à savoir : cet observateur en train

d’apprendre, qui est-il ?

Je suis en ce moment même en train de m’observer :

 j’observe ma façon de parler, de m’exprimer, mes gestes, ma

 brutalité, ma violence, ma bonté... J’observe tout ce combat

qu’est l’existence. Mais l’observateur est-il distinct de ce qu’il

observe ? Autrement dit, l’observateur qui dit « j’apprends des

choses sur moi » est-il extérieur aux événements qu’il observe ?

L’observateur est-il différent de l’objet de son observation ou les

deux sont-ils identiques ? L’observateur, le censeur, celui qui dit

« je m’observe », est-il une entité distincte de ce qu’il observe ?

Ou l’observateur et l’observé ne font-ils qu’un ?

 Vous vous apercevrez, en observant, que l’observateur est 

l’observé. Les deux ne sont pas dissociés. Il n’y a donc plus de

sentiment de contradiction, de répression, de contrôle. Les deux

ne font qu’un. Là

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encore, cela est raisonnable, logique. Vous n’êtes pas obligé

d’admettre les dires de quiconque : vous pouvez constater les

faits par vous-même. Il n’y a pas d’être supérieur en train

d’observer un être inférieur. L’être supérieur est un super-

fragment de l’être inférieur. Mais vous êtes au courant de toutes

ces notions inventées de toutes pièces. Quand vous examineztout ce processus, quand a lieu toute cette observation au cours

de laquelle on apprend, vous vous apercevez forcément que

l’observateur est l’observé. Celui qui est en colère est la colère

elle-même. L’entité qui dit que l’âme existe, que l'at m an existe,

que l’être supérieur existe, fait partie intégrante de cette pensée

qui divise.

L’important, c’est donc d’apprendre à se connaître soi-même

sans qu’intervienne le censeur. Le censeur se met à distance,

n’est-ce pas ? Quand le censeur est là, et qu’il dit « ne fais pasceci, fais cela ; c’est bien, c’est mal ; ce devrait être comme ceci,

pas comme cela », alors vous n’êtes pas en train d’observer

 vraiment. Votre conditionnement antérieur, vos traditions, vos

souvenirs antérieurs sont en train d’interférer avec votre

observation. Ce simple fait, le voyez-vous ? Vous devez

absolument apprendre à vous connaître ; sinon, vous n’avez

aucune base qui vous permette d’avoir une vision lucide des

choses.

Toutes ces considérations soulèvent la question de la

discipline. On n’a cessé de vous marteler que vous deviez vous

contrôler, vous maîtriser. C’est effectivement ce qu’on nous a

entraînés à faire dès la plus tendre enfance. Tous les livres que

 vous lisez vous disent qu’il faut vous contrôler, vous discipliner,

 vous modeler en fonction d’un certain schéma. Or, le sens

étymologique de « discipline » est « apprendre » ; le mot lui-

même est synonyme d’apprendre – pas obéir

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ni se conformer, mais apprendre. Et l’acte même d’apprendreest  la discipline. Si j’apprends des choses à mon sujet sans faireintervenir l’observateur, alors cette observation même susciteson ordre propre. L’ordre est en effet nécessaire, mais on l’atraduit en termes de discipline. Certes, l’ordre est nécessaire,

mais cet ordre ne peut être instauré par aucune forme decoercition, ni en se pliant à un schéma, à un modèle. L’ordre nepeut advenir que lorsqu’on a observé ce qu’est le désordre.Disons les choses autrement : vous vivez dans le désordre, votre

 vie est en désordre, pétrie de contradictions, la pagaille et laconfusion y règnent. En apprenant à vous connaître, vousinstaurez l’ordre.

 Vous avez donc découvert par vos propres moyens comment vous observer, comment observer sans l’observateur – ce

dernier étant l’entité qui condamne, qui juge, qui évalue, quirejette. L’observateur est le censeur, qui n’est autre que le passé.Donc, pour observer sans interférence du passé, quand vousobservez une rose, regardez-la en faisant abstraction de l’imageque vous en avez, ou du mot par lequel vous la désignez. Quand

 vous l’appelez « rose », cela vous empêche de regarder vraimentla rose. Observez sans le mot.

Mais alors, qu’est-ce donc que la méditation ? Quelle est laqualité propre, la caractéristique de l’esprit qui est en état deméditation ? Nous allons partager ce questionnement. Cela nesignifie pas que nous allons méditer ensemble – ce qui serait, làencore, complètement idiot. Vous devez tout d’abordcomprendre cette question. Écoutez simplement, car je vais enparler. Peut-être n’avez-vous jamais réfléchi à toutes ces choses-là. Abstenez-vous de juger, d’acquiescer ou d’être en désaccord,de vouloir comprendre ces propos. Accordez simplement uneattention pleine et entière aux propos énoncés ici et maintenant.Si vous

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êtes pleinement attentifs à ce qui va être énoncé ici, cet état

d’attention même est  la méditation. Nous allons approfondir :

écoutez, c’est tout. L’orateur n’est pas en train de vous

hypnotiser, l’orateur ne vous donne pas de directives. L’orateur

essaie de mettre en avant certains faits : pas son opinion, pas

son jugement, mais des faits, que vous et l’orateur pouvezconstater. Pas à une date ultérieure, plus tard, mais maintenant,

en faisant appel à votre raison, pas à tout ce fatras émotionnel,

en faisant usage de votre raison, de votre logique, de votre

lucidité d’esprit.

La chose dont nous parlons ici est l’une des plus difficiles à

mettre en mots, car on doit comprendre la nature et la

structuration de la pensée. Cela fait partie de la méditation. Si

 vous ne comprenez pas ce qu’est la pensée, alors vous êtes en

perpétuel conflit avec celle-ci. Je ne sais vraiment pas par oùattaquer toute cette question, car ce que nous allons étudier

ensemble est une chose très complexe. Mais que vous

compreniez ou non, écoutez, tout simplement.

Le premier pas à faire est en même temps le dernier. Cette

première démarche est celle de la perception lucide, et c’est en

même temps le dernier acte qu’on ait à accomplir. Quand vous

êtes en danger, face à un serpent, cette perception même est

une action qui se suffit à elle-même. Nous l’avons dit, le premier

pas est aussi le dernier. Le premier pas consiste à percevoir :

percevoir ce que vous êtes en train de penser, percevoir votre

ambition, percevoir votre angoisse, votre solitude, votre

désespoir et cet extraordinaire sentiment de souffrance.

Percevoir tout cela sans une once de condamnation, de

 justification, sans vouloir qu’il en soit autrement, percevoir

simplement les choses telles qu’elles sont. Quand vous percevez

les choses en tant que telles, alors une tout

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autre forme d’action se met en place, et cette action est l’actionfinale. Autrement dit, quand vous percevez une chose commeétant fausse, ou comme étant vraie, cette perception est l’actionfinale, c’est-à-dire le dernier pas.

 À présent, écoutez bien ce qui suit. Je perçois comme étant

une erreur le fait de suivre les directives de quelqu’un d’autre,qu’il s’agisse de Krishna, de Bouddha ou du Christ, peu importe.Cette perception d’une vérité – à savoir que la posture dedisciple est une attitude totalement erronée – a lieu. Votreraison, votre logique, tout met en évidence à quel point il estabsurde de s’inféoder à quelqu’un. Eh bien, cette perception-làest en même temps l’étape finale ; une fois le fait perçu, il fauten rester là, l’oublier car, l’instant d’après, vous devez être denouveau perceptif, et il s’agit encore une fois du dernier pas. Car

si vous ne lâchez pas ce que vous avez appris, ce que vous avezperçu, dans ce cas, le mouvement de la pensée se perpétue. Or,le mouvement et la continuité de la pensée ne sont rien d’autreque le temps. Et quand l’esprit reste emprisonné dans lemouvement du temps, il est en esclavage.

L’un des problèmes majeurs est donc de savoir si l’esprit estcapable ou non de s’affranchir du passé : des regrets, desplaisirs, des souvenirs, des expériences, des évocations, desincidents liés au passé, bref de tout cet échafaudage que nousnous construisons. Car le passé, c’est aussi le « moi ». « Moi »et passé ne font qu’un. La pensée donne une continuité à unechose qui a été perçue de manière claire. Étant incapable derenoncer à cette chose, la pensée lui confère une continuité, cequi devient un moyen de perpétuer cette pensée. Disons qu’hierun événement plaisant vous est advenu : vous ne l’oubliez

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pas, vous n’y renoncez pas, vous l’emportez avec vous, vous y 

pensez. Le fait même de penser à une chose qui appartient au

passé donne une continuité à ce passé. Et, par conséquent, le

passé n’en finit jamais. Si, en revanche, il vous arrive un

événement tout à fait extraordinaire, que vous le voyez, que

 vous le percevez, que vous ne vous y accrochez pas mais que vous en faites un incident définitivement clos, alors il n’entre en

 jeu aucune continuité sous forme d’un passé tel que la pensée l’a

élaboré. Et donc chaque pas est bien le dernier pas.

Nous devons donc creuser à fond cette question de savoir si

la pensée – qui donne à la mémoire, c’est-à-dire au passé, une

certaine continuité – peut jamais prendre fin. Et ce

questionnement fait partie intégrante de la méditation. Il

participe à cette mutation totale des cellules cérébrales elles-

mêmes. S’il y a continuité du mouvement de la pensée, celaéquivaut à une répétition du passé ; car la pensée, c’est la

mémoire ; la pensée, c’est la réponse de la mémoire ; la pensée,

c’est le savoir.

Nous parlons ici de choses très sérieuses. Ces propos

concernent votre vie – pas celle de l’orateur, la vôtre –, et c’est

de vos luttes, vos malheurs, votre laideur, vos souffrances qu’il

est question. Prêtez donc, je vous prie, un peu d’attention à ces

propos. Car il s’agit de votre vie, de votre souffrance, et ce qui

est partie prenante dans cette chose qu’on appelle la méditation,

c’est l’accès à la fin de toute souffrance, et non la fuite en avant

dans de quelconques visions.

Donc, la pensée ne cesse de se perpétuer au travers des

expériences, grâce à la répétition constante de certains

souvenirs. Le savoir se situe toujours dans le passé et, quand

 vous agissez en fonction d’un savoir, vous donnez une

continuité à la pensée. Mais

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le savoir vous est nécessaire dans les actions liées à une

technologie. Vous voyez la difficulté : si vous ne faisiez pas appel

à la pensée, vous ne sauriez pas comment rentrer chez vous, ni

comment assumer le travail au bureau. Vous avez besoin d’un

savoir, de connaissances. Mais voyez le danger que court l’esprit

qui est prisonnier du perpétuel mouvement de la pensée, et quine voit donc jamais rien de neuf. La pensée est toujours vieille,

la pensée est toujours conditionnée, jamais libre, car elle agit en

fonction du passé. La question est donc la suivante : étant

donné que ce mouvement de la pensée est absolument

indispensable à un certain niveau pour fonctionner de manière

logique, saine, sensée, mais qu’il rend l’esprit incapable de

percevoir ce qui est neuf, incapable de vivre d’une manière

différente, comment ce mouvement de la pensée peut-il cesser ?

L’approche traditionnelle à cette question consiste àcontrôler la pensée, à la maîtriser, ou à apprendre à se

concentrer. On est une fois de plus dans l’absurdité totale. Car,

en effet, qui est celui qui joue le rôle du contrôleur ? Le

contrôleur n’est-il pas indissociable de la pensée, du savoir qui

dit « tu dois contrôler » ? On vous a dit que le contrôle était

indispensable, mais existe-t-il un moyen d’observer la pensée,

hors de toute notion de contrôle et de continuité, une

observation qui mette fin à la pensée ? Car, si la pensée persiste,

l’esprit n’est jamais tranquille. Or, ce n’est que lorsque l’espritest parfaitement calme et silencieux qu’existe cette possibilité de

perception, de claire vision. Voyez la logique de ce raisonnement

: si mon esprit ne cesse de bavarder, de comparer, de juger, de

dire « cela est bien, cela est mal », dans ce cas, je ne vous

écoute pas. Pour pouvoir vous écouter, comprendre ce que vous

dites, je dois être attentif 

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et, si je vous prête une attention totale, cette attention elle-

même est silence.

Il apparaît comme une évidence que le silence est une

nécessité absolue, non seulement au niveau superficiel, mais au

niveau le plus profond. Au tréfonds de notre être doit régner le

silence le plus total. Comment cela peut-il advenir ? Le silencene peut pas se faire s’il existe une quelconque forme de contrôle.

 Alors, il y a conflit parce qu’on a d’une part celui qui dit « je

dois contrôler », et de l’autre la chose à contrôler. D’où un

clivage, une division dans laquelle le conflit entre en scène.

L’esprit peut-il donc être totalement silencieux et vide, non pas

de manière continue, mais d’instant en instant ? La première

perception est donc celle-ci : l’esprit doit être totalement

silencieux. Cette perception, sa véracité, et le fait de voir cette

 vérité constituent à la fois ce premier et ce dernier pas. Alors, ilfaut savoir « lâcher », laisser mourir cette perception, faute de

quoi elle s’incruste en vous. Donc, l’esprit doit observer, avoir de

chaque perception une conscience s’abstenant de tout choix, et

mettre fin à cette perception instantanément. On voit, et c’est

fini. Alors, l’esprit ne vit pas en parallèle avec la pensée, qui est

l’écho du passé, et il ne donne pas à la pensée une continuité

qui l’incruste dans l’avenir – l’avenir pouvant être la minute ou

la seconde qui suit.

La pensée est l’écho de la mémoire, qui se situe au cœur

même des cellules cérébrales. En vous observant de près, vous

aurez constaté que le matériau dont est pétrie la mémoire se

trouve au sein des cellules cérébrales elles-mêmes, et que la

mémoire répond sous forme de pensée. Pour susciter une

mutation totale de la constitution des cellules cérébrales, il faut

laisser mourir chacune de nos perceptions : on comprend, on

 voit, on agit, puis on met un point final à la séquence.

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De sorte que, par tranches successives, l’esprit ne cesse de

percevoir puis de mourir, de percevoir le vrai ou le faux puis

d’en finir aussitôt, d’avancer sans être « plombé » par la

mémoire.

Tout cela, voyez-vous, requiert une exceptionnelle clarté de

 vision, une vitalité, une énergie immenses. Explorer ce domainepas à pas, comme nous l’avons fait, requiert une immense

énergie. Essayons à présent de découvrir comment cette énergie

 voit le jour. Nous avons besoin d’énergie. Rester assis à écouter

comme vous le faites ici requiert de l’énergie. Sauf, évidemment,

si vous vous endormez – mais là encore, c’est aussi une forme

d’énergie. Toute action requiert donc de l’énergie. Et cette

énergie peut être gaspillée, dissipée de toutes sortes de façons.

La question qui se pose est donc la suivante : cette énergie

ordinaire, cette énergie de la vie quotidienne, cette énergie quinous permet d’aller au bureau, de nous quereller, de nous

harceler les uns les autres, de nous battre, de faire l’amour, est-

il possible de la faire croître ? Peut-elle être parfaitement

maîtrisée sans être dévoyée en aucune façon ?

C’est dans le conflit, voyez-vous, que se dissipe notre énergie

: conflit entre deux nations, conflit entre deux croyances, conflit

entre deux opinions, conflits politiques ou religieux, conflits

entre le mari, la femme et les enfants. La quête de la rencontre

avec Dieu et le fait de bâillonner tous vos instincts sont aussi

une forme de conflit. L’énergie est alors dévoyée. Comment

 jouir de la totalité de l’énergie disponible sans qu’elle soit

détournée ? Trouvons la réponse à cette question en examinant

en quoi consiste ce gaspillage, cette déperdition d’énergie. Nous

avons dit que le conflit sous toutes ses formes – entre

l’observateur et l’observé, entre l’idéal et le fait, entre ce qui

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est  et ce qui devrait être - était un gaspillage, une perte

d’énergie. Le fait de se conformer à ce qui a été et de chercher à

perpétuer ce passé dans le présent ou l’avenir fait également

partie intégrante du conflit. C’est une façon de dissiper l’énergie

en pure perte. Toute forme de conflit est un gaspillage d’énergie.

Et les gens de religion à travers le monde, les moines, lessannyasi, les yogis, disent unanimement qu’il faut se maîtriser,

faire vœu de célibat, de pauvreté. Ce jeu auquel ils se livrent

 vous est familier. Et qu’est-ce que tout cela sous-entend ? Un

surcroît de conflits, d’interdits, de soumission. Et ils croient que

la soumission, les interdits et les bagarres infantiles en tout

genre contre vous-même vont vous mener à une forme

d’expérience hors du commun.

Donc, dès lors que vous voyez la vérité, que vous percevez la

 vérité – à savoir que toute forme de conflit est une fausse voie–, cette vision lucide du conflit met instantanément fin au

conflit. Après quoi, il faut l’oublier, passer à autre chose. Ne

dites pas : « Bon, à présent que je l’ai repéré une bonne fois, je

 vais tenir bon. » Cela voudrait dire que vous donnez une

continuité à la pensée, autrement dit au souvenir de ce que vous

avez perçu quelques minutes auparavant, et vous encouragez

ainsi les cellules cérébrales à perpétuer ce souvenir du passé, et

donc aucun changement n’intervient dans la structure de la

mémoire, dans la structure des cellules du cerveau.

Et puis il y a cette question de la soif d’expériences. On ne

cesse de vous dire que l’expérience de quelque chose

d’extraordinaire, de transcendantal, est un must. Pourquoi

 voulez-vous faire l’expérience d’une chose transcendant

l’ordinaire ? Pour la raison toute simple que vous êtes las de vos

expériences quotidiennes, vous en avez assez de ce quotidien

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ponctué d’actes sexuels ou privé de vie sexuelle, de cette colère

qui revient jour après jour, et ainsi de suite. Tout cela vous

ennuie, et vous vous dites alors : « Bon sang, il doit bien exister

quelque chose d’autre en matière d’expérience ! » En fait, ce

terme « expérience » signifie « passer à travers, traverser ».

Traverser une chose donnée et s’en tenir là, ne pas la prolonger.Et qui est en quête d’expérience ? N’est-ce pas l’entité qui dit : «

Je suis fatigué de toutes ces choses superficielles et je veux autre

chose, quelque chose de plus ? » Cette entité participe du désir

d’un toujours plus, et c’est cette entité qui projette ce dont elle a

soif. En tant qu’hindou, musulman, chrétien ou Dieu sait quoi

d’autre, votre conditionnement vous incite à vouloir faire

l’expérience du Christ, du Bouddha, de Krishna ou que sais-je

encore. Et cette expérience, vous la ferez, parce qu’elle

correspond à une projection du passé dictée par votreconditionnement. Donc, votre nirvana, votre paradis, votre

expérience, votre avenir sont tributaires de votre passé aussi

laid qu’étriqué. Un esprit qui est à la recherche d’expériences,

qui en veut toujours plus, n’a pas pleinement compris ce qui est,

qui n’est autre que le « moi », taraudé par la soif de toutes ces

choses qui le tenaillent. Un esprit en quête d’expériences est

l’otage du temps, l’otage de la souffrance, car la pensée, c’est le

temps ; car le temps, c’est la souffrance.

L’esprit peut-il donc être pleinement vigilant sans l’aiguillondu défi, de l’expérience ? Le défi est une nécessité pour la

plupart d’entre nous ; sans cela, nous nous endormons. Si vous

n’étiez pas chaque jour confronté à des défis, à des questions, à

des critiques, vous vous endormiriez, naturellement. L’esprit

peut-il donc rester dans un état d’éveil tel qu’aucune expérience

ne lui soit nécessaire ? Cela ne peut avoir lieu

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que si l’esprit a compris l’ensemble des rouages et de la nature

de la pensée.

Les tenants de la tradition disent qu’il faut s’asseoir le dos

 bien droit, respirer de telle ou telle manière, tenir vingt minutes

dans la position du poirier. Qu’est-ce que tout cela signifie ?

 Vous pouvez passer les dix mille ans qui viennent dans laposture correcte, le dos droit, à respirer comme il faut, et ainsi

de suite : vous serez toujours très loin de percevoir la vérité, car

 vous n’aurez rien compris de ce que vous êtes, de votre manière

de penser et de vivre, et vous n’aurez toujours pas mis fin à vos

souffrances. Et vous voulez pourtant atteindre l’éveil... Ce qu’il

faut, donc, c’est laisser tomber tout cela.

Il existe certains pouvoirs – siddhi est le nom qu’on leur

donne – qui séduisent. Si vous êtes capable de léviter, de lire

dans les pensées ou de plier votre corps dans toutes sortes de

positions acrobatiques, cela fascine apparemment les gens. Vous

en tirez pouvoir et prestige. Or, tous ces pouvoirs sont comme

des bougies comparées au soleil. Ils sont comme la flamme

d’une bougie, face au soleil étincelant. Ils sont donc totalement

dénués de valeur aux yeux de celui qui cherche à comprendre ce

qu’est la vérité. Ils ont une valeur thérapeutique, physique, et

rien de plus.

Sans se soumettre à aucun système, à aucune coercition, àaucune comparaison, comment l’esprit, conditionné comme il

l’est de si longue date, peut-il évacuer totalement le passé ?

Peut-il se vider de tout son contenu, de manière à voir

clairement et, sitôt la chose vue, en finir définitivement avec

elle, de sorte que l’esprit se renouvelle sans cesse dans cet état

de vacuité, autrement dit d’innocence ? Le mot « innocence »

désigne « un esprit imperméable à toute blessure ». Nous

sommes, pour la plupart, des êtres blessés,

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portant le poids de tous les souvenirs que nous avons accumulés

autour de ces blessures. Nos remords, nos désirs lancinants,

notre solitude, nos peurs font partie de cette sensation que nous

avons d’être blessés. Dès l’enfance, nous subissons des

 blessures, conscientes ou inconscientes. Comment vider son

esprit de toutes ces blessures sans faire intervenir le temps, sansdire : « Ces blessures, je vais les effacer petit à petit ? » Si vous

faites cela, vous n’allez jamais en voir la fin. Entre-temps, vous

serez mort.

Tout cela vous intéresse-t-il ? La méditation, qui va bien au-

delà, est faite de toutes ces questions, comme celle de savoir si

l’esprit peut se vider en totalité, non seulement au niveau

superficiel, mais jusqu’au tréfonds de son être, jusqu’à ses

racines mêmes. Car, sinon, on vit dans une prison, dans une

prison de causes et d’effets dans ce monde de changement quiest le nôtre.

Il est donc impératif de vous demander si, oui ou non, votre

esprit peut se vider de tout son passé, tout en conservant le

savoir lié aux technologies, à la conception des machines, le

savoir linguistique, bref le savoir qui nous permet de

fonctionner. Quand vous vous comprenez vous-même, quand

 vous comprenez ce que vous êtes, l’esprit se vide naturellement,

en douceur et sans contrainte. Ce que vous êtes, c’est la

mémoire. Vous êtes un paquet de souvenirs, d’expériences, de

pensées. Voyez-le, observez-le. Et, quand vous l’observez, voyez

que dans cette observation n’entre en jeu aucune dualité sous

forme d’observateur et d’observé. Alors, lorsque vous voyez cela,

 vous verrez que votre esprit peut être totalement vide et attentif.

Et, dans cet état d’attention, vous pouvez agir de manière pleine

et entière, sans fragmentation. Il ne s’agit donc pas de rester

assis dans un coin cinq

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minutes par jour et de vous lancer dans un conflit stupide

consistant à vous imposer certaines torsions du cou ou certaines

façons de respirer.

 Ainsi, vous comprenez ce dont vous êtes l’objet : une

fragmentation au lieu d’une intégration. Vous comprenez

comment naît cette fragmentation, avec ses contradictions, maispas comment vous réunifier. Cela, c’est impossible : se réunifier

implique une dualité faisant resurgir celui qui instaure cette

intégration. Lorsque vous vous comprenez réellement à fond, en

profondeur, que vous apprenez à vous connaître, alors vous

pouvez comprendre la signification du temps, le temps qui

ligote, qui emprisonne, qui apporte la souffrance.

Si vous tenez la distance – cette distance n’étant pas une

affaire de mots, de mesure, de hauteur ni de profondeur – dans

 votre démarche de compréhension pleine et entière, alors vous

découvrirez de vous-même une dimension hors de toute

description, de toute définition, et qui ne peut s’acheter au prix

de nul sacrifice, qui ne figure dans aucun livre, et dont aucun

gourou ne peut jamais faire l’expérience. Ce que veut le gourou,

c’est vous apprendre ce qu’il en est de cette dimension, et

comment y accéder. Mais lorsqu’il dit qu’il en a fait l’expérience

et qu’il sait ce que c’est, en fait, il n’en est rien. Celui qui dit

savoir ne sait pas. L’esprit doit donc être lavé du mot, de

l’image, du passé. Voilà ce qu’est ce premier pas et ce dernier

pas.

 New Delhi, le 24 décem br e 1970

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Extrait de Vers la révolution intérieure : se changer soi-mêm e

 pour changer le m on de, par J. Krishnamurti, Chapitre IV, pp.

81 - 98.

© 2012. Presses du châtelet, Paris. Trad. Colette Joyeux. 292

pp.

— Inward Revolution « Bringing about radical change in the

 world », © 1971. Krishnamurti Trust Foundation Ltd.