VERS LA CRÉATION D’UNE AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS : - Projet de loi portant réforme des autorités financières - Observations et propositions Rapport de Monsieur Pierre-Antoine GAILLY présenté au nom de la Commission juridique, après avis de la Commission économique et financière et adopté par l’Assemblée générale le 15 mars 2001
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Vers la création d'une autorité des marchés financiers ... · Son fonctionnement est en permanence sous la surveillance des autorités de régulation du marché, que sont actuellement
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VERS LA CRÉATION D’UNE AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS :
- Projet de loi portant réforme des autorités financières -Observations et propositions
Rapport de Monsieur Pierre-Antoine GAILLYprésenté au nom de la Commission juridique,
après avis de la Commission économique et financière
et adopté par l’Assemblée générale le 15 mars 2001
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SOMMAIRE
SYNTHESE ET PRINCIPALES PROPOSTIONS _________________ 4
PARTIE PRÉLIMINAIRE : L’OPPORTUNITÉ D’UNE RÉFORME ____ 8
I – LES RAISONS D’UNE RÉFORME____________________________________ 8
A/ La mondialisation des marchés appelle à la globalisation au planeuropéen des autorités de contrôle __________________________________ 8
B/ Les carences du système actuel _________________________________ 10
II – L’ ÉCLAIRAGE DES MODÈLES ÉTRANGERS ________________________ 10
III - L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE DE LA RÉFORME_________________________ 12
PREMIÈRE PARTIE : STATUT ET ORGANISATION DE L'AUTORITÉ DESMARCHÉS FINANCIERS ____________________________________________ 14
I - LE CHOIX D’UN STATUT JURIDIQUE _______________________________ 14
A/ Système actuel : COB/CMF/Conseil de discipline de la gestion financière_______________________________________________________________ 14
1) Conseil de discipline de la gestion financière _____________________ 142) CMF _______________________________________________________ 143) COB _______________________________________________________ 15
B/ Les apports du projet de loi : analyse critique et propositions_________ 151) Sur le plan des concepts ______________________________________ 152) Sur le plan du financement ____________________________________ 18
II - ORGANISATION ________________________________________________ 20
A/ Système actuel________________________________________________ 201) Composition de la COB _______________________________________ 202) Composition du CMF _________________________________________ 20
B/ Les apports du projet de loi _____________________________________ 211) Composition de l’AMF ________________________________________ 212) Analyse critique et propositions ________________________________ 24
DEUXIEME PARTIE : MISSIONS DE L'AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS_________________________________________________________________ 27
I – ENCADRER LES MISSIONS DE L’AMF ______________________________ 27
A/ Pouvoir réglementaire__________________________________________ 271) Système actuel ______________________________________________ 272) Les apports du projet de loi____________________________________ 28
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B/ Pouvoir de sanction____________________________________________ 291) Une procédure de sanction rigoureuse __________________________ 292) Le cumul des sanctions_______________________________________ 31
II – RENFORCER LES MISSIONS DE L’AMF AU MOYEN DE NOUVEAUX OUTILS_________________________________________________________________ 35
A/ L'impact du réseau Internet sur le fonctionnement des marchés boursiers_______________________________________________________________ 35
1) Les avancées de la COB et les sites internet______________________ 352) Proposition _________________________________________________ 36
B/ Le développement de la médiation _______________________________ 36
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SYNTHESE ET PRINCIPALES PROPOSITIONS
Le projet de loi portant réforme des autorités financières tend à réorganiser le
contrôle des marchés financiers par la création notamment d’une nouvelle institution :
l’Autorité des Marchés Financiers. Issue de la fusion entre la Commission des
opérations de bourse, le Conseil des marchés financiers et le Conseil de discipline
de la gestion financière, ce rapprochement nécessaire pour assurer la compétitivité
de la place de Paris doit être approuvé. Toutefois, pour améliorer le statut et
l’organisation de cette autorité et mieux encadrer et renforcer ses missions, la
Chambre de commerce et d’industrie de Paris formule un certain nombre de
propositions.
LE CHOIX D'UN STATUT
Sur le plan des concepts
• Concevoir une autorité de régulation des marchés financiers de droit privé, ayant
une mission d'intérêt public et dotée de la personnalité morale. Elle aurait pour
finalité l'encadrement d'activités et/ou de secteurs économiques regroupant les
acteurs économiques.
• Aboutir à une unification du droit applicable aux sanctions, en en conférant
l’ensemble du contentieux à la Cour d’appel de Paris.
Sur le plan du financement
• Fixer précisément les montants des droits et contributions perçus par l'AMF. En
tout état de cause, une organisation performante de l’AMF devrait induire une
réduction de ces coûts de façon à renforcer la compétitivité de la place de Paris.
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ORGANISATION
• Créer, d'une part, une commission "à compétence générale", qui aurait la même
composition que le collège plénier ; maintenir, d'autre part, les deux commissions
spécialisées en conservant l'équilibre établi au sein de la commission des offres
publiques et en ajoutant à la commission des sanctions un minimum de cinq
membres professionnels nouveaux, extérieurs aux autres collèges, afin de lui
garantir son indépendance.
• Préciser, dans le texte de loi, les champs de compétence des commissions des
offres publiques et des sanctions.
• Renforcer l’autonomie de l’AMF en désignant les représentants du monde
économique et le président, sur proposition de leurs pairs, et non sur simple
consultation.
ENCADRER LES MISSIONS DE L'AMF
• Abroger clairement les décrets du 1er août 2000 et intégrer, dans le corps même
du texte de loi, les modalités procédurales requises pour que l’AMF puisse
prononcer des sanctions.
• Abolir le cumul des sanctions administratives et pénales également pour les délits
boursiers, que sont la manipulation des cours et la fausse information.
• Faire en sorte, si la compétence exclusive des juridictions pénales en matière de
délits boursiers est reconnue, que les moyens matériels et humains
correspondants soient rationalisés, ce pour une meilleure sécurité des marchés.
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RENFORCER LES MISSIONS DE L'AMF AU MOYEN DE NOUVEAUX OUTILS
• Poursuivre la collaboration entre les différentes autorités de régulation aux
niveaux européen et international.
• Doter l'AMF d'un pouvoir de médiation afin de proposer des solutions souples et
rapides aux conflits portant atteinte à la transparence et au fonctionnement des
marchés. Une telle prérogative, qui s'inscrirait pleinement dans le cadre de sa
mission de régulation, devrait être mentionnée, en son principe, dans l'exposé
des motifs, voire dans le corps même de la loi.
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INTRODUCTION
Le «marché financier », lieu d’échange d’instruments financiers telles que les actions
ou obligations fait l’objet d’une réglementation globale. Son fonctionnement est en
permanence sous la surveillance des autorités de régulation du marché, que sont
actuellement la Commission des opérations de bourse (COB), le Conseil des
marchés financiers (CMF) et le Conseil de discipline de la gestion financière.
Afin de le moderniser et de le rendre plus attrayant et compétitif vis-à-vis des places
étrangères, le ministre de l’économie et des finances1 a présenté le 11 octobre 2000
les grandes lignes d’un projet de réforme des autorités financières se traduisant
notamment par la création d’une Autorité des Marchés Financiers (AMF), résultant de
la fusion des organismes précités (COB, CMF et Conseil de discipline de la gestion
financière).
Au regard des évolutions européennes en matière financière (concentration des
bourses, projet de régulation paneuropéenne), cette fusion, inévitable pour assurer la
compétitivité de la place de Paris, ne peut qu’être approuvée.
Mais ces nouvelles dispositions auront une incidence directe sur les sociétés cotées
et sur les professionnels. C’est pourquoi, la Chambre de commerce et d’industrie de
Paris s’est penchée sur le contenu de ce projet de loi pour en faire l’analyse au
regard, à la fois, du dispositif existant et des objectifs à atteindre. Pour plus de clarté,
seront nettement distingués le statut et l’organisation de la nouvelle autorité des
marchés financiers, de ses missions. Avant d’en détailler les différentes dispositions,
on s’intéressera, au préalable, au contexte politique et économique de cette réforme.
1 Discours de M. Laurent FABIUS, ministre de l’économie des finances et de l’industrie, prononcé le11 octobre 2000 devant le Club de la Bourse.
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PARTIE PRELIMINAIRE : L’OPPORTUNITE D’UNE REFORME
I – LES RAISONS D’UNE RÉFORME
Le contexte européen, voire à terme international, est une donne essentielle de
l’évolution des marchés et des structures nationales.
A/ La mondialisation des marchés appelle à la globalisation au plan européendes autorités de contrôle
On assiste à un mouvement d’internationalisation des bourses se traduisant
notamment par la fusion de certaines d’entre elles2 et, par voie de conséquence, à
l’accélération de la réflexion sur l’intégration européenne d’un régulateur boursier
unique. Plusieurs raisons justifient ce mouvement.
- Le développement d’un marché financier intégré comme vecteur de croissanceéconomique.
Comme l’a rappelé récemment Alexandre LAMFALUSSY3, « un marché financier
intégré génèrera des gains économiques considérables pour l’Union européenne. Au
niveau macroéconomique, la productivité des facteurs travail et capital en sera
augmentée, ce qui optimisera le potentiel de croissance du PIB et favorisera la
création d’emplois dans l’Union ». Sans revenir à la doctrine de Schumpeter sur
l’influence positive du développement du secteur financier sur le niveau et le taux de
croissance des revenus économiques, plusieurs études récentes4 ont montré
l’influence de critères de taille, de liquidité et d’intégration des marchés financiers au
niveau mondial sur la croissance économique.
- En particulier, les nouveaux marchés européens doivent être consolidés afin de
permettre une pérennisation de l’industrie européenne du capital risque.
2 Création d’EURONEXT le 22 septembre 2000 qui regroupe les bourses d’Amsterdam, de Bruxelleset de Paris.3 Conférence de presse du 15 février 2001.4 « Financial dependance and growth », Rajan et Zingales ; « Stock markets, banks and economicgrowth », Levine et Zervos in American Economic Review, n° 88, juin 1998.
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L’émergence récente de marchés financiers spécialisés semble avoir été un vecteur
essentiel du développement d’entreprises innovantes, en permettant aux sociétés de
capital-risque de pouvoir réaliser rapidement leurs investissements. De tels marchés
doivent désormais être unifiés et régulés au niveau européen, afin d’aboutir à une
taille et une liquidité suffisamment intéressantes par rapport au Nasdaq. Une telle
perspective apparaît d’autant plus urgente que de nouveaux entrants – les Electronic
Communications Networks (ECN) – viennent concurrencer sérieusement ce marché
américain.
Les conclusions du Rapport final du Comité des sages sur la régulation des marchés
européens de valeurs mobilières, présentées en février dernier, rejoignent cette
analyse et, à ce titre, méritent d’être soutenues. En particulier, elles soulignent
l’urgence d’un cadre réglementaire européen, en distinguant quatre niveaux : les
principes essentiels, les mesures de mise en œ uvre, leur application homogène dans
les Etats membres, et le respect des règles communautaires.
Il propose ainsi la création d’un Comité européen des valeurs (CEVM), chargé
d’édicter des règles techniques intégrées au droit communautaire et s’imposant aux
Etats membres, et d’un Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs
mobilières (CERVM), composé de régulateurs nationaux et qui aurait un rôle
consultatif. Le Comité des sages insiste sur la nécessité à terme d’une convergence
des structures de régulation européenne et, de manière plus précise, sur la
participation des opérateurs au processus de régulation.
Le projet de fusion entre la COB, le CMF et le Conseil de discipline de la gestion
financière doit donc tenir compte de ce nouveau contexte politique, afin que les
autorités françaises puissent jouer un rôle essentiel dans le futur marché financier
intégré. Cela implique de remédier aux carences actuelles, à la lumière des
exemples étrangers, et de mettre en place des autorités incontestées, dont la
structure et les pouvoirs seront suffisamment lisibles pour les professionnels.
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B/ Les carences du système actuel
Si le fonctionnement du Conseil des marchés financiers n’est pas remis en cause, en
revanche, la Commission des opérations de bourse suscite plus de critiques5.
Notamment, le cumul du pouvoir6 d’édicter des règlements, de contrôler et de
sanctionner a souvent été mis en exergue comme source d’insécurité juridique, tant
pour les professionnels que pour les épargnants.
Ce point a d’ailleurs été relevé par la Cour d’Appel de Paris qui, dans un arrêt du
7 mars 2000, a annulé une sanction prononcée par la COB pour violation de l’article
6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme7.
II – L’ECLAIRAGE DES MODELES ETRANGERS
La régulation des marchés financiers est effective dans de nombreux pays. Tout
d’abord, on citera l’exemple incontournable de la « Securities and exchange
commission » américaine (SEC) dont l’objectif est de protéger l’épargne et la sécurité
des marchés. Créée après le crack boursier de 1929, elle a, dans son principe,
inspiré les organes de régulation européens. Toutefois, son organisation, qui
correspond au particularisme du marché américain, serait impossible à transposer,
telle quelle, en Europe.
5 On se réfèrera également au rapport commun CCIP/ACFCI, février 1999, « Regards sur laresponsabilité du chef d’entreprise six champs d’investigation et propositions d’amélioration », page103, cf. infra (2e partie).6 « Elle est la seule autorité administrative indépendante à cumuler autant de pouvoirs. Elle est à lafois législateur et édicte des règlements boursiers, gendarme (elle est chargée de veiller au bonfonctionnement de la Bourse de Paris et à la protection de l’épargne) et juge (elle est dotée depouvoirs d’enquêtes et de sanctions). Cette prolifération de missions est, selon de nombreuxobservateurs, à l’origine de la confusion du rôle de l’autorité boursière. Elle agit de façon arbitraire,discrétionnaire, imprévisible. L’insécurité juridique est totale », Le Monde du 11/07/00.7 Cf. développements infra (2e partie).
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Ensuite, au plan européen, force est de constater que deux modèles s’affrontent. Le
premier correspond au modèle britannique de la « Financial Service Authority ». Fruit
du scandale de la Barings, il réalise la fusion de l’ensemble des organismes de
contrôle des banques, des bourses et des assurances et devrait aboutir, à la fin de
l’année, à une autorité publique unique de contrôle des services financiers dans la
City. Dans le même esprit, le ministre allemand des finances a annoncé,
récemment8, son souhait de regrouper, au sein d’une même autorité autonome, les
trois instances actuellement chargées du contrôle des banques, assurances et
bourses.
Une autre voie, choisie par la France, conduit à maintenir une stricte séparation entre
le contrôle prudentiel des banques et de l’assurance et la régulation des marchés
financiers.
Loin de privilégier un système omnipotent, le ministre de l’économie et des finances
s’est orienté vers une formule beaucoup plus souple s’inspirant du modèle australien.
On rappellera que l’Australie a opté pour un système dual selon lequel la régulation
est divisée entre deux pôles distincts : on parle de « Twin peaks regulation». D’une
part, la « Australian Prudential Regulation Authority (APRA) » supervise le contrôle
des banques et des assurances et, d’autre part, la « Australian Securities and
Investments Comission (ASIC) » est responsable notamment de la sécurité des
marchés financiers et de la protection des épargnants intervenant sur ces derniers.
Enfin, on notera qu’en Europe, seuls la Grande-Bretagne, la Suède, le Danemark et
peut-être, très bientôt, l’Allemagne, ont créé une autorité unique de contrôle des
marchés financiers, des banques et des assureurs.
8 Hans Eichel a proposé, le 25 janvier dernier, de créer une autorité unique de régulation des marchésfinanciers, bancaires et de l’assurance, in Le Monde du 7 février 2001.
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III – L’ ÉCONOMIE GÉNÉRALE DE LA RÉFORME
Les objectifs du projet de loi sont ainsi d’unifier, au sein d’une même autorité, les
fonctions de réglementation de la COB et du CMF, de parvenir à une meilleure
sanction des délits résultant de la violation des règlements de la COB, d’adapter, de
sécuriser et de clarifier le contrôle financier. En outre, il s’agit de renforcer la sanction
du délit d’initié qui relèvera désormais du seul juge pénal.
Le nouveau dispositif vise à réorganiser le contrôle des activités financières en deux
pôles : l’un pour les marchés et l’autre pour le contrôle prudentiel. Cette architecture
générale du texte, en ce qu’elle sépare nettement la régulation des marchés
financiers de l’organisation des autorités prudentielles, nous semble positive.
D’une part, s’agissant des autorités prudentielles9, un pôle issu du rapprochement
entre la Commission bancaire - entité indépendante présidée par le gouverneur de la
Banque de France - et la Commission de contrôle des assurances - rattachée à la
Direction du trésor -, serait créé afin de renforcer leurs moyens face à la constitution
de conglomérats financiers européens. Par conséquent, l’ensemble du dispositif de
suivi des deux secteurs de la banque et de l’assurance serait refondu, un conseil
national des assurances, du crédit et du titre devant remplacer les instances
existantes. Ce point ne sera pas abordé ici.
9 Ces dernières sont chargées de contrôler la solvabilité et la bonne santé financière desétablissements de crédit, des sociétés d’investissement, des intermédiaires boursiers et descompagnies d’assurance.
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D’autre part, on l’a vu, la réforme des autorités de régulations financières se traduit
par la création d’un pôle de marchés, issu de la fusion de la Commission des
opérations de bourse, du Conseil des marchés financiers et du Conseil de discipline
de la gestion financière. La nouvelle institution, ainsi appelée Autorité des Marchés
Financiers, serait dotée de compétences dans trois domaines : l’organisation et le
fonctionnement des marchés10, les offres publiques et les règles de pratiques
professionnelles qui s’imposent aux émetteurs, aux intermédiaires, aux gestionnaires
et aux investisseurs.
Tout d’abord intégrées dans le projet de loi sur les nouvelles régulations
économiques, ces dispositions ont finalement, au cours du processus parlementaire,
fait l’objet d’un projet de loi autonome. Validé par le Conseil d’Etat et examiné en
Conseil des ministres11 le 7 février dernier, ce texte devrait passer en première
lecture à l’Assemblée Nationale au début du printemps pour être adopté
définitivement par le Parlement avant l’été.
10 Il n’est d’ailleurs pas inintéressant de noter que cette fusion ne sera probablement pas sans portée,à terme, sur la dichotomie existante entre les notions de marchés non réglementés et réglementés(ces derniers relevant actuellement de la compétence du CMF). En effet, les transferts descompétences du CMF à l’AMF font perdre de sa pertinence à la notion de marchés réglementés, saufà lui donner une autre signification.11 Le dernier état du projet de loi intègre deux nouvelles dispositions concernant le passage à l’euro.La première vise les banques qui seront autorisées à changer, pour les particuliers, jusqu’à 10 000 €(soit 65.596 francs) en espèces, sans être accusées de complicité de blanchiment. La secondeintéresse la contrefaçon des pièces et des billets en euros qui sera passible de deux ansd’emprisonnement et de 30 000 € (soit 196787 francs) d’amende, avant même la mise en circulationde la nouvelle monnaie.
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PREMIERE PARTIE :STATUT ET ORGANISATION DE L'AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS
I - LE CHOIX D’UN STATUT JURIDIQUE
A/ Système actuel : COB/CMF/Conseil de discipline de la gestion financière
1) Conseil de discipline de la gestion financière
Mis en place par les articles 37 et 38 de la loi n° 89-531 du 2 août 1989, le Conseil
de discipline de la gestion financière est composé de neuf membres, nommés pour
quatre ans. Ils exercent un pouvoir de nature disciplinaire et sanctionnent toute
infraction aux lois et règlements applicables aux organismes de placement collectif
en valeurs mobilières et à la gestion de portefeuilles pour compte de tiers. Tout
manquement aux règles de pratiques professionnelles de nature à nuire à l’intérêt
des actionnaires, des porteurs de parts ou des mandants donne également lieu à de
telles sanctions. Organisme dépendant de l’Etat, il n’a pas de personnalité morale.
2) CMF
Le CMF a été créé par la loi de modernisation des activités financières du
2 juillet 1996 qui transpose en droit français la directive sur les services
d'investissement du 10 mai 1993. Ses compétences de réglementation et de
surveillance s'exercent, non seulement sur les marchés réglementés, mais aussi sur
l'ensemble des activités financières, à l'exception de la gestion pour compte de tiers.
C'est « une autorité professionnelle dotée de la personnalité morale12 » (L. n°96-597,
2 juillet 1996, article 17). Son rôle consiste à réglementer et à contrôler les
prestataires de services d'investissement, les entreprises de marché et les chambres
de compensation. Le CMF exerce également une fonction disciplinaire.
12 « Le CMF est une autorité professionnelle de droit privé auquel la mission de service public dont ilest investi ne saurait conférer la nature de service de l'Etat ni d'établissement public » (CA Paris,11 juin 1997, Géniteau c/ Soc Lagardère, D 1997, n° 26) in Pierre Delvolvé, Droit public del’économie, Dalloz 1998.
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3) COB
La Commission des opérations de bourse, créée par l'ordonnance du
28 septembre 1967, a pour mission de veiller :
- à la protection de l’épargne, que cette dernière soit investie dans les instruments
financiers ou tous autres placements donnant lieu à appel public à l'épargne ;
- à l’information des investisseurs ;
- au bon fonctionnement des marchés financiers.
Autorité administrative indépendante agissant dans le cadre de prérogatives de
puissance publique13, la COB est investie du pouvoir de :
- prendre des règlements concernant le fonctionnement des marchés placés sous
son contrôle ou les pratiques professionnelles ;
- procéder à des enquêtes ;
- prononcer des injonctions et des sanctions au terme d’une procédure
contradictoire.
B/ Les apports du projet de loi : analyse critique et propositions
L’AMF résulte d’une tentative d’adjonction des statuts de la COB et du CMF. Aussi,
tout en étant qualifiée d’Autorité administrative indépendante14 (AAI) et sans détenir,
bien entendu, la personnalité morale, elle en aurait certains attributs dont le droit
d’ester en justice ou encore le droit d’embaucher des salariés sous contrat de droit
privé. Il s’agit, ni plus ni moins, d’un statut juridique hybride. Ceci appelle quelques
remarques relatives à ce statut lui-même et au financement de la nouvelle autorité.
1) Sur le plan des concepts
La doctrine affirme que, par nature, l’AAI, qui est un « démembrement du pouvoir
central15 » ne peut être dotée de la personnalité morale, ce qui n’est pas contestable.
13 Conseil constitutionnel 28 juillet 1989 n°89-260, DC, JO 1er août.14 Article 2 du projet de loi.15 Selon l’expression de René CHAPUT in Droit administratif général, tome 1, 1999, Montchrestien.
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Toutefois, parce que le projet de loi confirme certains attributs de la personnalité
morale à l’AMF, on est conduit à se demander si, dans les faits, celle-ci ne dispose
pas pleinement de cet état.
Il est, au demeurant, révélateur que dans sa version initiale le projet de loi ait prévu
que l’AMF aurait la personnalité morale et que cette mention ait disparu dans la
dernière mouture, après le passage en Conseil d’Etat. Mais n’a-t-on pas fait que
sauvegarder des apparences de rigueur, puisque si, en droit, l’AMF n’a pas la
personnalité morale, il semble bien qu’elle l’ait en fait ?
En fin de compte, ce choix de statut hybride qui tend à préserver les principes
fondateurs des AAI n’a-t-il pas, bien au contraire, pour effet pervers de les affaiblir ?
Cette ambiguïté est probablement une manifestation de ce que la formule de l’AAI,
forme récente d’intervention de l’Etat dans l’économie, n’est plus totalement adaptée
à l’évolution du rôle de ce dernier dans la vie des affaires.
De plus en plus, la notion de régulation sera liée à l’idée d’une concertation entre les
pouvoirs publics et les professionnels des marchés, pour laquelle le concept d’AAI
est probablement inadéquat.
On le voit bien, telle que conçue dans le projet, cette structure sera très vite
dépassée, à la fois au regard de l’évolution de notre droit interne et de la mise en
place envisagée d’une autorité de régulation paneuropéenne. C’est pourquoi, comme
certains auteurs l’ont fait remarquer16, le droit doit changer.
Un « droit de la régulation » émerge et il serait probablement souhaitable qu’il se
construise directement au niveau communautaire. Dans ce cas précis, c’est par
l’effet d’une force centripète et non centrifuge que l’on apporterait une cohérence aux
organes internes de régulation, au-delà même de la distinction droit public-droit privé.
16 Marie-Anne FRISON-ROCHE, « Le droit de la régulation », Dalloz 2001, n° 7, ch. p. 610.
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Proposition n° 1
Dès lors se confirme le bien-fondé d’une autorité de régulation de droit privé,
ayant une mission d’intérêt public et dotée de la personnalité morale17. Il
pourrait s’agir d’un organisme privé18, axé autour de sa finalité : l’encadrement
d’activités et/ou de secteurs économiques regroupant les acteurs
économiques.
L’idée serait ainsi de créer une autorité de la concurrence « financière », à côté
de l’autorité de la concurrence « économique » (Conseil de la concurrence) et
des autorités de la concurrence « technique et liberté » (CNIL, ART, CSA...).
Habilitée par les pouvoirs publics, cette autorité aurait donc des compétences
consultatives (avis simple ou conforme), de propositions, de pouvoir
réglementaire (général-individuel) et de sanctions.
En outre, s’agissant de la nature des juridictions compétentes en cas de recours
contre une décision de l’AMF, on précisera que l’article 12 du projet de loi dispose
que « l’examen des recours formés contre les décisions individuelles de l’Autorité
des marchés financiers autres que celles prises en matière disciplinaire ou pour
l’application des articles L.214-3, L.214-25, L.214-47, L.214-67, L.532-1, L.532-9 et
L.532-10 est de la compétence du juge judiciaire ». En d’autres termes, les sanctions
disciplinaires prononcées par l’AMF feront l’objet, notamment, d’un recours devant le
Conseil d’Etat.
17 Il est en effet de jurisprudence constante du Conseil d’état qu’une personne de droit privé puisseavoir une mission d’intérêt public. On citera notamment l’arrêt Monpeurt du 31 juillet 1942 selon lequelun organisme privé peut être chargé d’une mission de service public et doté de prérogatives depuissance publique.18 On pourrait s’inspirer ici de la classification définie par Pierre Delvolvé (précité) en retenant la notion« d’organisme privé à statut indéterminé ».
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Or, une telle solution ne participe pas de la nécessité de simplifier et de clarifier
l’ensemble des recours. Bien au contraire, il convient de mettre fin à la disparité
actuelle selon laquelle la Cour d’appel de Paris est compétente en matière de
sanction des opérateurs pour manquement aux règlements de la COB, alors que les
décisions disciplinaires prononcées par le Conseil des marchés financiers relèvent
du Conseil d’Etat.
Aussi, serait-il souhaitable que, pour les recours contre les décisions de l’AMF, le
projet de loi maintienne ce qui relève du pouvoir normatif de l’autorité, au Conseil
d’état et rattache ce qui relève de son pouvoir de sanction, à l’ordre judiciaire.
Proposition n° 2
S’agissant de la nature des juridictions compétentes en cas de recours, il
serait opportun d’aboutir à une unification du droit applicable aux sanctions,
en en conférant l’ensemble du contentieux à la Cour d’appel de Paris.
Dès lors, dans cette nouvelle logique, on pourrait envisager une alternance, pour
l’attribution de la présidence de la commission des sanctions, entre le membre du
Conseil d’Etat et celui de la Cour de cassation19.
2) Sur le plan du financement
Le mode de financement de cette nouvelle institution soulève quelques questions et
se doit d’être précisé ; le risque majeur étant de voir s’accroître les charges
financières pesant sur les entreprises.
Tout d’abord, l’article 7 du projet de loi indique que « l’Autorité des marchés
financiers dispose de l’autonomie financière. Les ressources de l’Autorité sont
constituées du produit de taxes dans les conditions fixées par les lois de finances ».
19 On rappellera que, dans le projet de loi, cette qualité de président est concédée d’office au membredu Conseil d’Etat.
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On notera le caractère très flou de cette disposition qui mériterait, à tout le moins,
d’être clairement précisée, sauf à vouloir laisser entendre que l’Etat se désengage du
financement de cette autorité, au profit d’un accroissement des charges imputables
aux entreprises.
Ensuite, l’exposé des motifs de ce projet de loi prévoit que les personnes soumises
au contrôle de l’AMF sont redevables de deux types de taxes, qui se substituent aux
redevances et cotisations perçues par la Commission des opérations de bourse et le
Conseil des marchés financiers. Ces dispositions sont reprises dans le projet de loi20
qui envisage, d’une part, des droits fixes et, d’autre part, des contributions en laissant
à un décret le soin de les fixer dans le détail.
Or, première remarque, on s’interrogera ici sur l’articulation entre ces dispositions et
les termes « produit de taxes » visés précédemment. S’agit-il des mêmes taxes ou
de nouveaux droits complétant le financement par l’impôt ?
Deuxième remarque, le texte renvoie à un décret pour fixer les montants exacts des
droits et contributions perçus par l’AMF. Cela est d’autant plus contraignant que les
fourchettes prévues dans le projet de loi sont très larges ; ce qui laisse dans
l’incertitude totale les entreprises sur lesquelles peuvent discrétionnairement peser
des charges de plus en plus lourdes.
Proposition n° 3
Les montants des droits et contributions perçus par l’AMF doivent être
précisément fixés. En tout état de cause, une organisation performante de
l’AMF devrait induire une réduction de ces coûts de façon à renforcer la
compétitivité de la place de Paris.
20 Article 7 précité.
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20
II - ORGANISATION
A/ Système actuel
1) Composition de la COB
La COB est composée d'un président, nommé par décret pour six ans non
renouvelable et de neuf membres. Il s’agit d’un conseiller d'Etat, d’un conseiller à la
Cour de cassation, d’un conseiller-maître à la Cour des comptes, d’un représentant
de la Banque de France, d’un membre du Conseil des marchés financiers, d’un
membre du Conseil national de la comptabilité. S’y ajoutent trois personnalités
qualifiées, nommées respectivement par le président du Sénat, le président de
l'Assemblée nationale et le Conseil économique et social, choisies en raison de leur
compétence financière et juridique ainsi que de leur expérience en matière d'appel
public à l'épargne.
Chacun de ces membres, titulaire d’un mandat de quatre ans, renouvelable une fois,
est respectivement désigné par l'organisme dont il est originaire.
2) Composition du CMF
Le CMF comporte seize membres. Ils sont nommés par arrêté du ministre de
l'économie et des finances pour une durée de quatre ans, renouvelable une fois. Le
président du CMF est élu par les membres du Conseil. Quatorze membres sont
nommés après consultation des organisations professionnelles ou syndicales
représentatives :
ü Six représentent les intermédiaires de marché, dont deux au moins les
entreprises d'investissement ;
ü Un représente les marchés de marchandises ;
ü Trois représentent les investisseurs, dont un les gestionnaires pour compte
de tiers ;
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21
ü Un représente les salariés des entreprises ou établissements prestataires
de services d'investissement, les salariés des entreprises de marché et
ceux des chambres de compensation ;
ü Deux membres sont choisis parmi des personnalités qualifiées en matière
financière.
Un représentant de la Banque de France peut assister aux délibérations du CMF
sans voix délibérative.
Un commissaire du Gouvernement est délégué par le ministre de l'économie et des
finances. Il participe à toutes les formations du CMF, mais n'a pas de voix
délibérative.
Réuni en formation plénière, le CMF se prononce sur les thèmes suivants :
approbation des programmes d'activité proposés par les prestataires de services
d'investissement dans le cadre de leur demande d'agrément, adoption et modification
de son règlement général, propositions de reconnaissance des marchés
réglementés, application des règles établies en matière d'offres publiques
d'acquisition, de garanties de cours, d'offres et de demandes de retrait,
d'expropriation des minoritaires.
B/ Les apports du projet de loi
1) Composition de l’AMF21
La nouvelle autorité serait composée d'un collège plénier et, pour l’exercice de
certaines attributions, de deux commissions spécialisées compétentes
respectivement pour les offres publiques et pour les sanctions.
21 Article 3 du projet de loi.
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22
- Le collège plénier comprendrait quinze membres :
ü Un membre du Conseil d'Etat, en activité lors de sa nomination, désigné par le
vice-président du Conseil d'Etat ;
ü Un membre de la Cour des comptes22, en activité lors de sa nomination, désigné
par le Premier président et le procureur général de la Cour ;
ü Un membre de la Cour de cassation, en activité lors de sa nomination, désigné
par le Premier président et le procureur général de la Cour ;
ü Le président du Conseil national de la comptabilité ;
ü Trois personnalités qualifiées en matière financière, juridique et d'appel public à
l'épargne, désignées respectivement par le président du Sénat, le président de
l'Assemblée nationale et le président du Conseil économique et social ;
ü Une personnalité qualifiée désignée par le ministre de l'économie ;
ü Un représentant des salariés des entreprises du secteur financier, deux
représentants des intermédiaires de marché, deux représentants des sociétés
industrielles et commerciales cotées, un représentant des gestionnaires pour
compte de tiers et un représentant des investisseurs, désignés par le ministre de
l'économie « après consultation des organisations syndicales et professionnelles
représentatives ».
Le président de l’AMF serait un membre du collège plénier nommé par décret après
avis de ce collège.
- La commission des offres publiques comprendrait seize membres :
ü Le président de l'AMF, président de la commission des offres publiques ;
ü Les sept membres du collège plénier désignés par le ministre chargé de
l’Economie, après consultation des organisations syndicales et professionnelles
représentatives ;
ü Une personnalité qualifiée désignée par le ministre de l'économie;
22 Ajout proposé par le Conseil d’Etat.
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23
ü Trois représentants des intermédiaires de marché, deux représentants des
sociétés industrielles et commerciales cotées, un représentant des gestionnaires
pour compte de tiers, un représentant des investisseurs, désignés par le ministre
de l'économie après consultation des organisations syndicales et
professionnelles.
- La commission des sanctions comprendrait neuf membres du collège plénier :
ü Le membre du Conseil d'Etat, président ;
ü Le membre de la Cour des comptes23 ;
ü Le membre de la Cour de cassation ;
ü L'une des quatre personnalités qualifiées ;
ü Le représentant des salariés des entreprises du secteur financier ;
ü L’un des deux représentants des intermédiaires de marché ;
ü L’un des deux représentants des sociétés industrielles et commerciales cotées ;
ü Le représentant des gestionnaires pour compte de tiers ;
ü Le représentant des investisseurs.
Il est précisé que les fonctions de membres de la commission des sanctions sont
incompatibles avec celle de président de l’autorité des marchés financiers.
Ce système ainsi mis en place tend à répondre à plusieurs impératifs :
ü Une meilleure protection de l’épargne et davantage de sécurité juridique pour
tous les acteurs économiques, à travers une plus grande lisibilité du dispositif ;
ü Davantage de crédibilité et de respect des principes fondamentaux, notamment
de séparation de pouvoirs s’agissant de la mise en œ uvre de sanctions ;
ü Une efficacité accrue des marchés d’instruments financiers.
23 Ajout proposé par le Conseil d’Etat.
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24
2) Analyse critique et propositions
a) La recherche d’un équilibre entre représentants des professionnels et
représentants de la puissance publique semble globalement atteint et ne doit,
en aucun cas, être remis en cause au détriment des professionnels.
Pour répondre aux exigences liées aux conflits d’intérêts en cause, un modèle
prônant l’autorégulation par les professionnels a été rejeté. Le choix a porté sur la
recherche d’un équilibre entre la place des professionnels et la représentation de
l’administration publique.
Dans ce contexte, la composition de cette autorité n’est pas insatisfaisante. Elle est
correcte en comprenant un nombre à peu près équivalent entre les représentants
des professionnels et de l’Etat, notamment pour la commission des offres publiques.
b) En revanche, l’organisation intrinsèque de l’autorité entre son collège
plénier et ses deux commissions spécialisées suscite quelques réserves.
Tout d’abord, la notion de collège plénier s’entend de la réunion d’une assemblée où
siègent tous les membres d’un corps.
Or, s’agit-il bien ici d’un tel collège ? On peut en douter. Pour s’en convaincre, il suffit
d’examiner la composition de la commission des offres publiques : d’une part, elle
comprend seize membres alors que le collège plénier en compte quinze ; d’autre
part, huit de ses membres ne siègent pas au collège plénier…
C’est pourquoi, un autre schéma pourrait être envisagé. Proche du premier,
celui-ci consisterait à concevoir, d’une part, une commission « à compétence
générale » (compétence de droit commun24) qui pourrait conserver la composition
préconisée dans le projet de loi (collège « plénier »). D’autre part, on maintiendrait
24 Autrement dit, cette commission aurait vocation à se saisir de tout sujet qui ne sont pas ceuxexpressément dédiés à la commission des offres publiques et à la commission des sanctions.
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25
les deux commissions spécialisées : la commission « des offres publiques » et la
commission « des sanctions ».
Cette approche permettrait de conserver l’équilibre essentiel établi au sein de la
commission des offres publiques et qui passe par la dominante de représentants
des acteurs des marchés, tout en maintenant une cohérence avec les orientations
retenues par la commission à compétence générale, du fait que la plupart de ses
membres y siège aussi.
Elle conduirait également à appliquer un raisonnement similaire pour la commission
des sanctions. Si un progrès incontestable est réalisé à travers la création de cette
sous-entité en ce qu’elle participe de la nécessité de séparer les pouvoirs de
poursuite, d’instruction et de sanction25, on peut craindre toutefois que la composition
actuelle n’aboutisse pas complètement aux effets escomptés. En effet, même si le
président et le rapporteur seront toujours des membres extérieurs à la
commission – ce qui est bien évidemment fondamental -, le problème de la
confusion des pouvoirs « normatif » et « répressif », largement reproché, en son
temps, à la COB, n’est pas résolu pour autant (cinq membres étant communs aux
trois commissions).
Proposition n° 4
Il conviendrait de créer, d’une part, une commission à compétence générale
qui se substituerait au collège plénier. D’autre part, on maintiendrait les deux
commissions spécialisées en conservant l’équilibre établi au sein de la
commission des offres publiques et en ajoutant à la commission des sanctions
un minimum de cinq membres professionnels nouveaux, extérieurs aux autres
collèges.
25 On rappelle que le président de l’AMF ne peut pas siéger dans cette commission. Il désigne, pourchaque affaire, un rapporteur parmi les membres du collège plénier qui ne sont pas membres de lacommission des sanctions (article 10 du projet de loi).
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS
26
Ensuite, quel que soit le schéma retenu, pour éviter que ne se reconstitue
indirectement et artificiellement la distinction actuelle COB / CMF, il serait nécessaire
de clarifier les champs de compétence des commissions.
Proposition n° 5
Il serait opportun que soient expressément énoncées dans le projet de loi les
compétences des commissions des offres publiques et des sanctions26 pour
enlever toute zone d’ombre. Le texte gagnerait en lisibilité pour les opérateurs
économiques.
Enfin, il est critiquable que le projet de loi prévoie la désignation de représentants du
secteur économique par le ministre de l’économie « après consultation » des
organisations syndicales et professionnelles représentatives.
Il en est de même, pour la nomination du président de l’AMF par décret en conseil
des ministres « après avis du collège plénier ».
Proposition n° 6
Pour renforcer l’autonomie de l’AMF vis-à-vis des pouvoirs publics, il faudrait
que :
les représentants du monde économique soient désignés sur proposition
des organisations syndicales et professionnelles ;
le président de l’AMF soit nommé par décret – en conseil des ministres - sur
proposition de la commission à compétence générale.
26 Considérant que le « collège plénier » ou la « commission à compétence générale » intervient danstous les domaines non couverts par ces commissions.
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27
DEUXIEME PARTIE : MISSIONS DE L’AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS
Selon l’article 2 du projet de loi, l'autorité des marchés financiers, autorité
administrative indépendante, veille à la protection de l'épargne investie dans les
instruments financiers et tous autres placements donnant lieu à appel public à
l'épargne, à l'information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés
d'instruments financiers.
A cette fin, l'AMF édicte des règlements dont le non respect est susceptible d'être
sanctionné. Parallèlement, la nouvelle autorité peut réprimer, à l'instar des
prérogatives dévolues à la COB et au CMF, les manquements à des obligations
professionnelles.
I – ENCADRER LES MISSIONS DE L’AMF
A/ Pouvoir réglementaire
1) Système actuel
a) CMF
Après avis de la COB et de la Banque de France, le CMF établit un règlement
général qui est homologué par arrêté du ministre de l'économie et des finances27. Ce
règlement détermine les dispositions applicables aux marchés réglementés ainsi
qu'aux entreprises de prestations de services d'investissement ou de marché et aux
chambres de compensation. Il fixe également les dispositions concernant la
conservation, l'administration, le règlement-livraison d'instruments financiers et les
offres publiques.
27 Loi du 2 juillet 1996, article 32.
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28
b) COB
Afin d’assurer la régulation du marché, la COB s'est vue reconnaître par la loi du
14 décembre 1985 le pouvoir d'édicter des règlements concernant le fonctionnement
des marchés placés sous son contrôle ou prescrivant des règles de pratiques
professionnelles qui s'imposent aux personnes qui :
- font appel public à l'épargne,
- en raison de leur activité professionnelle, interviennent dans des opérations sur
des titres placés par appel public à l'épargne ou assurent la gestion individuelle
ou collective de portefeuilles d'instruments financiers28.
La COB peut adopter des instructions et recommandations en vue de préciser
l'interprétation et les modalités d'application de ses règlements.
2) Les apports du projet de loi
La nouvelle autorité peut prendre des règlements :
« 1° concernant l'organisation29 et le fonctionnement des marchés placés sous son
contrôle ;
2° fixant les règles relatives au développement des offres portant sur des
instruments financiers négociés sur un marché réglementé, ainsi que mentionnés
aux articles L 433-3 et 433-3 ;
3°prescrivant des règles de pratique professionnelle et de bonne conduite qui
s'imposent aux personnes faisant publiquement appel à l'épargne, ainsi qu'aux
personnes physiques qui à raison de leur activité professionnelle et aux personnes
morales qui à raison de leur objet social interviennent à l'occasion d'opérations sur
instruments financiers ou assurent la gestion individuelle ou collective de
portefeuilles de titres ou de sociétés civiles de placement immobilier »30.
28 Il s'agit des établissements de crédit, des entreprises d'investissement et des sociétés de gestion deportefeuille ou d'OPCVM, de SICAV et de fonds communs de placement français ou étrangers.29 Sont indiqués en gras les ajouts faits au système existant.30 Article 8 du projet de loi.
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29
A l’instar de la COB, le pouvoir d'édicter des règlements à caractère général
constitue une solution satisfaisante tant pour le législateur que pour la nouvelle
autorité. Satisfaisante pour le législateur, dans la mesure où les règlements tendent à
combler les lacunes des textes législatifs. Satisfaisante pour l’AMF, puisque celle-ci
peut exercer son pouvoir de sanction du seul fait de l'existence d'un règlement31.
Cependant, au regard des dispositions du projet de loi, on constate que l'AMF
dispose d'un pouvoir réglementaire extrêmement étendu et « quasi monopolistique »
résultant de la fusion des prérogatives normatives octroyées à la COB et au CMF. En
conséquence, il convient d'insister sur la nécessité pour la nouvelle autorité de faire
de cette prérogative un usage conforme à sa mission de régulation.
B/ Pouvoir de sanction
1) Une procédure de sanction rigoureuse
Selon l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, toute personne
a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un
délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui
décidera du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.
a) Système actuel
Ces prescriptions s'appliquent aux sanctions pécuniaires prononcées par la COB qui,
en raison de leur montant élevé et de la publicité qui leur est faite, visent à punir des
manquements aux règlements qu'elle édicte. A cet égard, la Commission doit
respecter le principe de la présomption d'innocence32, du contradictoire et
celui de la séparation des fonctions d'instruction et de jugement33. Or, de par sa
nature, la COB ne peut opérer une réelle séparation entre ses fonctions de poursuite,
d'instruction et de jugement, puisque tous ces pouvoirs sont nécessaires à l’objectif
31 A l'exception des manquements constitutifs d'une infraction pénale.32 Constitue une atteinte à la présomption d'innocence le fait pour le président de la COB de rendrepublic son sentiment personnel sur la culpabilité d'une personne alors que la procédure de sanctionadministrative est en cours devant la Commission : Cass. com., 18 juin 1996, Bull.civ.IV , n°179.33 Celui qui instruit une affaire ne peut ultérieurement juger avec impartialité.
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30
de régulation de l’organe34. Ceci a d'ailleurs été mis en exergue par la Cour d'appel
de Paris dans l'arrêt KPMG35. La Cour reproche, en réalité, moins le cumul de ces
fonctions au sein d’une même entité, que leur exercice par les mêmes personnes.
Suite à cette affaire, la COB s'est vue contrainte de suspendre l'ensemble des
affaires en cours. Dès lors, deux décrets du 1er août 200036 ont modifié la procédure
que doit respecter la Commission pour prononcer une sanction. Ils renforcent la
séparation entre l'enquête préalable, la procédure d'instruction et de décision.
Les nouvelles dispositions confient, non plus au président mais au directeur général,
la responsabilité de la conduite des enquêtes. La phase d'instruction n'est plus
ouverte par la Commission elle-même, mais par le directeur général qui peut, seul, et
dans l'hypothèse où il lui apparaît clairement que les faits relevés lors de l'enquête
peuvent être de nature à caractériser un manquement administratif, demander au
président la nomination d'un rapporteur parmi les membres de la Commission. Ce
dernier voit ses pouvoirs accrus, puisqu'il lui revient désormais de formuler et notifier
les griefs37.
La décision finale est prise en la seule présence du président, des membres autres
que le rapporteur, et du secrétaire de la Commission.
34 A cet égard, la CCIP et l’ACFCI ont proposé que la mission confiée à la COB se déroule sur lefondement d’un code de procédure des enquêtes et poursuites. Seules, en effet, les sanctionsprononcées en respect des droits de la défense sont de nature à assainir la moralité de la vieboursière. Cf. supra, note n° 5.35 CA Paris 7 mars 2000, Société KPMG Fiduciaire de France, JCP E 2000, p.538. Ayantsuccessivement « décidé la mise en accusation, formulé les griefs visant la personne poursuivie,statué sur la culpabilité et sanctionné cette dernière », le collège de la COB ne peut être« objectivement impartial ».36 Décrets du 1er août 2000, JO 2 août 2000, p.11938 et 11939.37 Cette notification doit être accompagnée du rapport d'enquête et de la Charte des droits de ladéfense.
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31
b) Les apports du projet de loi : analyse critique et proposition
On renvoie ici aux développements ci-dessus sur la composition des commissions,
qui doit être telle qu’elle doit effectivement assurer la séparation des fonctions de
poursuite, d’instruction et de jugement, d’une part et, d’autre part, des pouvoirs
normatif et répressif.
Ensuite, s’agissant des modalités procédurales requises, l’article 4 du projet de loi se
réfère à un décret en Conseil d’Etat.
Proposition n° 7
Vu l’importance des dispositions en cause et le contentieux qui en a résulté, on
préconise, pour des raisons de lisibilité et de sécurité, d’abroger clairement les
décrets du 1er août 2000 et d’intégrer dans le corps même du texte de loi
lesdites modalités qui participent notamment des droits de l’homme et de la
défense et qui sont, par conséquence, de nature législative.
2) Le cumul des sanctions
La superposition d'autorités de répression a créé immanquablement des conflits de
compétences, eux-mêmes susceptibles d'aboutir à des cumuls entre sanctions
pénales, administratives et disciplinaires38.
a) Le système actuel
• Le cumul entre une sanction administrative et une sanction pénale
Les très larges prérogatives dont bénéficie la COB interfèrent inévitablement avec
celles du juge pénal dans le domaine boursier. Plus qu'un complément, c'est parfois
une véritable dualité d'incriminations qui peut apparaître. Il en va ainsi de la
38 Ces cumuls ont cependant été validés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du28 juillet 1989.
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32
confrontation des prescriptions de l'article 10-1 alinéa 2 de l'ordonnance de 1967 sur
le délit d'initiateur, avec celles du règlement n°90-08 concernant le manquement
d'initié. Ainsi, la sanction pécuniaire attachée au délit est de 100 000 francs alors
que, pour le manquement, elle peut atteindre 10 millions de francs ou, lorsque des
profits sont réalisés, le décuple de leur montant.
• Le cumul entre une sanction administrative et une sanction disciplinaire
La COB, dans le cadre de la mission qui lui a été dévolue par l'ordonnance du
28 septembre 1967, se voit, dans la pratique, compétente pour exercer ses pouvoirs
d'injonction et de sanction sur la quasi-totalité des pratiques boursières. Dès lors, on
peut légitimement se demander quelle est l'opportunité de confier des prérogatives
répressives à d'autres autorités de marché.
Pourtant, la loi du 2 juillet 1996 relative à la modernisation des activités financières
permet au CMF de sanctionner disciplinairement « les prestataires de services
d'investissement, les membres d'un marché réglementé, les entreprises de marché
et les chambres de compensation (… ) à raison des manquements à leurs obligations
professionnelles définies par les lois et règlements en vigueur ». Or, ces
manquements relèvent également du pouvoir de sanction administratif de la COB,
alors que la loi de 1996 ne précise à aucun moment que les sanctions prononcées
par le CMF interviennent sous réserve des compétences de la COB.
b) Les apports du projet de loi : analyse critique et propositions
Selon les termes de l'article 10 du projet de loi, l'AMF ne peut plus sanctionner des
faits susceptibles d'incriminations pénales prévues aux trois premiers alinéas de
l'article L 465-1 modifié39. En d'autres termes, le nouveau texte met fin au principe de
cumul des sanctions administratives et pénales, s'agissant uniquement des délits
d'usage et de communication d'information privilégiée (délits d'initié et d'initiateur)40.
39 Article 14 du projet de loi.40 L'exposé des motifs du projet de loi précise que l'AMF « comme l'exige la jurisprudence [… ] nepourra pas poursuivre devant les tribunaux des personnes pour les faits qu'elle a été amenée àpoursuivre en vertu de son pouvoir de sanction administrative ». Elle « conservera la possibilité, parson pouvoir de sanction administrative, de réprimer la fausse information ou la manipulation decours ».
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33
D'une part, l'article 14 du projet de loi étend de manière considérable le délit d'initié
au moyen d'une définition extensive du concept même d'initié : le nouvel article
permet de punir toute personne qui exploite une information privilégiée provenant
directement ou indirectement d'un initié alors que dans l'ordonnance du
28 septembre 1967, seule la personne opérant illicitement sur le marché, sur la base
d'une information privilégiée qu'il possède de par ses fonctions ou sa profession, est
punissable ; le bénéficiaire d'une telle information et qui en profite n'étant pas
susceptible d'être poursuivi41. D'autre part, le projet de loi accroît considérablement
les peines encourues en matière de délit d'initié42, celles-ci passant de 6 mois à un
an d'emprisonnement et de 100 000 francs à 150 000 euros (983 935 F) d'amende.
Au regard des nouvelles dispositions relatives au pouvoir de sanction de l'AMF, trois
remarques doivent être avancées.
Tout d'abord, si un premier pas a été fait dans le sens de la fin du cumul de
sanctions, il s’agit d'aller plus avant.
Proposition n° 8
Il serait judicieux d’abolir le cumul des sanctions administratives et pénales
également pour les délits boursiers, que sont la manipulation des cours et la
fausse information.
41 C'est l'initié, qui a permis au bénéficiaire de réaliser l'opération, qui est seul sanctionnable. Pourpunir le bénéficiaire, il faut songer à la complicité ou au recel.42 Sous son aspect délit d'initiateur : communication d'information privilégiée.
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34
Ensuite, la reconnaissance de la compétence exclusive du juge pénal nécessite son
adaptation aux spécificités du système boursier. Il ne s'agit pas que les lourdeurs et
lenteurs du système répressif existant obèrent l'objectif de clarification et d'efficacité
des sanctions dans ce domaine.
Proposition n° 9
Dès lors, si la compétence exclusive des juridictions pénales en matière de
délits boursiers devait être reconnue, elle impliquerait, en revanche, que les
moyens matériels et humains correspondants (formation adéquate des
magistrats) participent efficacement à la sécurité des marchés.
A cet égard, on relèvera que l’article 11 du projet de loi prévoit que l’ensemble des
juridictions peuvent appeler l’Autorité des marchés financiers, en la personne de son
président ou de son représentant, à déposer et à développer des conclusions à
l’audience, sur tous sujets entrant dans le champ de sa compétence.
Recommandation : il conviendrait d’utiliser largement cette prérogative et de
consacrer pleinement la faculté d’expertise de l’AMF.
Enfin, l'intérêt du transfert exclusif au pénal ne prendra tout son sens que si la
délimitation est rigoureusement respectée ; il faut se préserver de tout effet pervers
qui consisterait, pour l'AMF, à édicter des normes réprimant des actes dont les
caractéristiques se rapprocheraient des infractions pénales ; d'où l'importance d'une
définition rigoureuse des éléments constitutifs de ces dernières. A défaut, le principe
de légalité des délits43 en serait affecté.
En conséquence, le Président de l'AMF et les commissions chargées notamment du
pouvoir normatif, devront veiller à éviter tout empiètement de la nouvelle autorité sur
le contentieux pénal.
43 Le principe de légalité des délits et des peines s'applique aux sanctions administratives au mêmetitre qu'aux sanctions pénales. Il implique que les éléments constitutifs des infractions soient définis defaçon précise et complète.
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35
II – RENFORCER LES MISSIONS DE L’AMF AU MOYEN DE NOUVEAUX OUTILS
A/ L'impact du réseau Internet sur le fonctionnement des marchés boursiers
L'utilisation de plus en plus intensive d'Internet pour obtenir des informations
financières appelle des dispositions particulières que ne contient pas le projet de loi.
On notera que le problème se pose également, avec la même acuité, sur les réseaux
privés de diffusion d’informations financières.
1) Les avancées de la COB et les sites internet
D’une part, on rappellera que la COB s’est déjà prononcée dans ce domaine. Dès
mai 1999, elle a étendu à Internet une recommandation prise en 1993 à propos de la
communication financière des sociétés cotées sur Minitel. Il paraît, en effet,
essentiel que ces sociétés aient conscience de leur responsabilité en cas de
divulgation, sur le réseau, de renseignements résultant d'une faute, d'une
imprudence ou d'une négligence. Ces règles de bonne conduite visent à appliquer à
Internet les principes généraux afférents à une communication exacte, précise et
sincère de l'information financière. Certaines vont toutefois plus loin44.
D’autre part, la COB a initié un projet de recommandation45 relative à la diffusion
d'informations financières sur les sites Internet dédiés à l'information ou au
conseil financier, et sur les forums de discussion46.
44 Par exemple, il est précisé que chaque document mis en ligne doit être accompagné de la date etde l'heure de sa diffusion dans le public et de la date de son éventuelle dernière mise à jour. Demême, la société peut proposer la consultation d'un historique de ses cours de bourse, à condition deles accompagner d'un horodatage précis et d'une identification de la source.45 Le 2 octobre 2000, la COB a lancé une consultation publique sur ce projet de recommandation.46 Notamment, le projet insiste sur le fait que « les informations provenant d'échanges, dialogues etinterventions sur des forums Internet ne représentent aucun caractère officiel et (que) la réalité del'identité, de la qualité ou des fonctions invoquées par leurs auteurs n'est pas garantie ».
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36
2) Proposition
Le projet de loi instaurant la nouvelle autorité de régulation n'envisage à aucun
moment l'impact d'Internet sur le fonctionnement des marchés boursiers. Bien
entendu, ses dispositions et plus particulièrement celles relatives aux pouvoirs
conférés à l'AMF, s’appliquent au réseau.
On ajoutera qu’Internet constitue un outil de communication permettant à quiconque
de diffuser en temps réel de l’information financière dépassant le cadre du régulateur
national. La nouvelle autorité risque, dans ce contexte, de rencontrer des difficultés
certaines et non négligeables dans l’exercice de ses pouvoirs.
Proposition n° 10
Il apparaît donc de plus en plus nécessaire, de poursuivre et de renforcer la
collaboration entre les différentes autorités de régulation, dans un premier
temps, au niveau européen, puis à terme international47.
B/ Le développement de la médiation
La COB, en 1997, a mis en place un service de médiation48 dont l'objectif est de
remplir une double mission : répondre aux questions des épargnants non
professionnels et mettre en œ uvre la procédure de médiation proprement dite.
Pratiquement, il s'agit d'un processus gratuit, confidentiel et non obligatoire au cours
duquel le médiateur intervient dans des situations de conflits entre investisseurs et
intermédiaires ou émetteurs. La médiation nécessite l'accord des parties et peut être
interrompue par celles-ci à tout moment.
47 Cf. rapport du Comité technique de l’Organisation Internationale des Commissions de Valeurs« Internet et les services financiers » septembre 1998.48 En 2000, le médiateur a reçu plus de 180 dossiers de médiation.
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37
Proposition n° 11
En s’inspirant ainsi de l’expérience acquise par la COB et dans un souci
d’efficacité et de prévention, l’AMF pourrait, s'agissant des manquements à
ses règlements, se doter d'un pouvoir de médiation afin de proposer des
solutions souples et rapides aux conflits portant atteinte à la transparence et
au fonctionnement des marchés. Une telle prérogative s’inscrirait pleinement
dans le cadre de sa mission de régulation. Elle serait utilement mentionnée en
son principe, dans l’exposé des motifs, voire dans le corps même de la loi.