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Monsieur Pierre Briant Chasses royales macédoniennes et chasses royales perses : le thème de la chasse au lion sur la chasse de Vergina In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 17 N°1, 1991. pp. 211-255. Résumé L'article s'attache à analyser les éléments qui, dans la "Chasse au lion" de Vergina, évoquent les réalités achéménides et les réalités macédoniennes. Bien que les premières soient particulièrement prégnantes, il convient en même temps de ne pas négliger l'impact d'institutions et de représentations royales macédoniennes antérieures à Alexandre. L'étude s'insère dans une recherche sur les inter-réactions entre la Macédoine et l'Empire achéménide avant et après la conquête d'Alexandre, et elle présente quelques suggestions sur la datation de la fresque. Citer ce document / Cite this document : Briant Pierre. Chasses royales macédoniennes et chasses royales perses : le thème de la chasse au lion sur la chasse de Vergina. In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 17 N°1, 1991. pp. 211-255. doi : 10.3406/dha.1991.1913 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1991_num_17_1_1913
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Dec 03, 2015

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Briant DHA 1991 Num 17_1
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Monsieur Pierre Briant

Chasses royales macédoniennes et chasses royales perses : lethème de la chasse au lion sur la chasse de VerginaIn: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 17 N°1, 1991. pp. 211-255.

RésuméL'article s'attache à analyser les éléments qui, dans la "Chasse au lion" de Vergina, évoquent les réalités achéménides et lesréalités macédoniennes. Bien que les premières soient particulièrement prégnantes, il convient en même temps de ne pasnégliger l'impact d'institutions et de représentations royales macédoniennes antérieures à Alexandre. L'étude s'insère dans unerecherche sur les inter-réactions entre la Macédoine et l'Empire achéménide avant et après la conquête d'Alexandre, et elleprésente quelques suggestions sur la datation de la fresque.

Citer ce document / Cite this document :

Briant Pierre. Chasses royales macédoniennes et chasses royales perses : le thème de la chasse au lion sur la chasse deVergina. In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 17 N°1, 1991. pp. 211-255.

doi : 10.3406/dha.1991.1913

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1991_num_17_1_1913

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DHA 17,1 1991 211-255

CHASSES ROYALES MACEDONIENNES ET CHASSES

ROYALES PERSES : LE THEME DE LA CHASSE AU

LION SUR LA CHASSE DE VERGINA i

Pierre BRIANT Université de Toulouse-II

2 -Le document et les problèmes posés.

1.1. On sait dans quelles conditions, en novembre 1977, Manolis Andronikos découvrit à Vergina\Aigai une splendide tombe à voûte macédonienne intacte, remplie d'objets du plus haut intérêt, maintenant visibles au Musée archéologique de Thessalonique

1- Le texte reprend sous une forme très développée une communication présentée sous forme préliminaire au Ve Congrès International sur la Macédoine ancienne (Thessalonique, octobre 1989 ; à paraître = Briant 1989c). - Par ailleurs, j'ai présenté ce texte (sous une forme allégée) dans une Conférence prononcée à l'Université de Messine le 11 mai 1990 : à cette occasion et depuis lors, j'ai pu bénéficier de nombreux et fructueux échanges avec A.M. Prestianni Giallombardo et B. Tripodi ; H. Sancisi-Weerdenburg (Utrecht), M.C. Root (Ann Arbor) et P. Brûlé (Rennes) ont bien voulu également me faire part de leurs remarques et suggestions : il va de soi que les interprétations présentées ici n'engagent que moi. - Enfin, certains thèmes plus spécifiques (les Pages royaux et leurs rapports avec Alexandre) ont été exposés de manière plus complète dans le cadre d'une communication présentée au Xe Ackaemenid Workshop (Ann Arbor, avril 1990 = Briant 1990).

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(Andronikos 1980, 1984). Dès les premiers instants de la découverte, M. Andronikos jugea qu'il venait de découvrir la tombe royale de Philippe II et, depuis lors, lui-même et un certain nombre de commentateurs (cf. Hammond 1989b : 26-31) s'en sont tenus à cette interprétation historique. Pour autant, les oppositions n'ont cessé de se manifester, de nombreux auteurs estimant au contraire que la tombe ne peut être que plus tardive, tant pour des raisons archéologiques que pour des raisons d'interprétation historique de certains objets : je pense en particulier au diadème et à la kausia, dont A.M. Prestianni Giallombardo (1989) et B. Tripodi (1980, 1986) 2 en particulier jugent qu'ils témoignent d'une date postérieure à la conquête d'Alexandre 3. Dans les dernières années, on doit considérer que le nombre d'opposants à la théorie de M. Andronikos s'est accru, certains de ses partisans ayant cédé devant la force des arguments adverses (cf. par exemple Borza 1987) 4.

1.2. Dans le cadre de cette intervention, mon propos n'est pas de reprendre in toto le problème de la datation de la tombe, mais bien plutôt de centrer la discussion sur un des éléments du débat, à savoir la splendide fresque de la chasse disposée sur la façade, au dessus de la frise dorique - fresque qui, restaurée, fut présentée pour la première fois en 1983 au public savant. Sur un bandeau de 5,56 m de long est représentée une chasse, ou plus exactement une juxtaposition de plusieurs scènes, se déroulant dans un paysage de montagnes et d'arbres 5 :

* à gauche, deux scènes : un cavalier nu, de dos, s'apprête à décocher son javelot contre une biche déjà percée d'un trait, tandis qu'un autre personnage, à pied, immobilise un cerf.

2- Voir ici même les contributions des auteurs. 3- Mentionnons en passant que, dans une tombe découverte plus

récemment, on a retrouvé, devant un trône en marbre, un tabouret repose-pieds (Touchais 1988 : 651). Or, il s'agit là d'un mobilier apparemment très spécifique du Grand Roi, comme le montrent les reliefs de Persépolis ainsi qu'un passage de Dinon (Athénée XII. 514a).

4- Je ne juge pas utile de dresser ici une bibliographie exhaustive : on trouvera les références dans les articles récents de Borza (1987) et d'Hammond (1989a). Un exposé (non critique) des découvertes de M. Andronikos est fourni commodément par Delvoye 1987.

5- On trouvera des photographies et dessins dans Andronikos 1980 ; Charbonneaux-Martin-Villard 1986 : 439-441 ; voir aussi Touchais 1988, fig. 83.

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Séparé de la première scène par un arbre, un deuxième tableau représente deux jeunes gens nus, à pied, affrontant un sanglier avec leurs lances, tandis que leurs chiens attaquent le fauve ou le tiennent en respect ;

* à l'extrême droite de la composition, un personnage vêtu d'un manteau affronte un ours représenté dans un décor de montagne. La bête est déjà blessée, tandis que le personnage s'apprête à décocher contre lui un nouveau javelot. Un second personnage, à sa droite, prépare un filet, sans que l'on puisse établir un rapport direct assuré avec la scène de chasse à l'ours ;

* mais, il est clair que la scène centrale de la représentation est une chasse au lion. Au centre du panneau, se tient un jeune cavalier (tourné vers la droite), se préparant à décocher son javelot contre la bête ; un autre cavalier (tourné vers la gauche), à droite, est sur le point d'atteindre la bête de sa lance. Les deux cavaliers sont aidés par des chiens, et par deux jeunes gens à pied ; l'un tient le fauve en respect de sa lance, l'autre brandit une hache dans sa direction 6.

M. Andronikos juge que la chasse se déroule en Macédoine, et plus précisément dans un bois sacré (alsos), en raison de la présence d'un ex-voto accroché à un arbre et d'un mince pilier votif. Il identifie Alexandre et Philippe respectivement dans le jeune cavalier et dans le cavalier plus âgé, et il pense que les jeunes gens nus qui accompagnent et assistent le roi et son fils sont les 'pages royaux'. Selon lui, nous aurions là une oeuvre de jeunesse de l'auteur de la mosaïque de Naples.

1.3. Dans les années récentes, l'examen de cette fresque a incité plusieurs chercheurs à exprimer ou à renforcer les doutes sur la datation proposée par M. Andronikos. Dans un article publié en 1982, M. Robertson a estimé que le thème de la chasse au lion témoigne d'une datation postérieure aux conquêtes d'Alexandre. Alexandre y agit dans "son rôle de Grand Roi" - écrit-il - et il mentionne que cette chasse au lion " est l'un de ces nombreux points gênants qui, dès le

6- Pour mon propos, j'ai isolé ici le panneau 'central' de la chasse au lion ; mais, B. Tripodi (ce volume) a parfaitement raison de souligner la cohérence iconographique et idéologique de l'ensemble de la composition picturale.

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début, [l] 'ont fait hésité à accepter l'identification" (1982 : 246) 7. Plus récemment, en revenant sur des opinions défendues antérieurement, N. Borza (1987 : 109-110) a lui aussi souligné que le thème de la chasse au lion n'avait pu acquérir une telle popularité qu'en contre-coup de la conquête d'Alexandre. On notera en passant que, bien avant même la découverte de Vergina, Perdrizet (1899 : 276), discutant du monument de Cratère à Delphes, soutenait lui aussi que le thème de la chasse au lion, particulièrement populaire au Moyen-Orient, n'avait pu être introduit dans l'art grec qu'après la conquête macédonienne de l'Empire achéménide.

Pour autant ni Robertson ni Borza n'ont véritablement mené de démonstration argumentée sur ce point. Par ailleurs, il me semble que l'examen de la fresque ne peut pas, en lui-même, emporter la décision. Il ne peut que représenter un élément de discussion parmi d'autres. Dans l'article déjà cité, Borza se réfère au travail de Pollit (1986 : 38) qui, tout en soulignant lui aussi qu'Alexandre y apparaît comme le successeur du Grand Roi, laisse ouverte néanmoins l'hypothèse d'une introduction de ce thème en Macédoine antérieurement à la conquête macédonienne de l'Empire achéménide, s'il était prouvé par ailleurs que la tombe est bien celle de Philippe II (cf. 1986 : 40 et n. 37,p. 306). Autrement dit, dans son esprit, la fresque devrait être datée en fonction de la chronologie assignée à la tombe, et non l'inverse.

Afin d'envisager tous les aspects du problème, il convient d'analyser plusieurs points liés logiquement les uns aux autres :

*le thème de la chasse au lion dans l'historiographie et l'iconographie d'Alexandre ;

*ses rapports avec des réalités proche-orientales, et même plus précisément achéménides ;

""la popularité du thème chez les diadoques ; ""l'existence éventuelle de ce thème dans le cours

de l'histoire macédonienne, plus particulièrement dans la période antérieure à la conquête d'Alexandre.

7- Cf. déjà Robertson 1965 : 80, à propos de la mosaïque de la Chasse au lion de Pella.

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2-Alexandre et la chasse au lion

2.1. Bien que les textes ne soient pas très nombreux (cf. Briant 1989c), il ne fait guère de doute qu'Alexandre a organisé plusieurs grandes chasses au cours de la campagne d'Asie. Je note d'abord, sans y insister, quelques passages où les auteurs d'Alexandre comparent certaines opérations militaires à de gigantesques battues : ainsi, les campagnes contre les Mardes d'Hyrcanie (venantium modo : Quinte- Curce VI. 5. 17) ou contre les Cosséens (kunegesion :Plutarque, Alex. 72. 4). La même comparaison est systématiquement employée par Plutarque dans le De Fortuna Alexandři. On a là l'illustration d'une théorie grecque qui assimile les Barbares aux fauves et leur soumission à la domestication animale (Briant 1982 : 22-23). Notons également la passion pour la chasse manifestée par plusieurs compagnons d'Alexandre, tels Léonnatos et Ménélatis (E\ien,VH9. 5 ; Athénée XII. 539d) ou encore Philotas (Plutarque, Alex. 40. 1). Ajoutons que c'est dans un contexte de chasse au sanglier que les auteurs anciens situent l'origine de la 'conspiration des pages' : on sait en effet par les auteurs anciens que les pages accompagnaient régulièrement le roi à la chasse (Briant 1990) : c'est évidemment ce qui a conduit M. Andronikos à les reconnaître sur la Chasse de Vergina.

2.2. Plusieurs textes, par ailleurs, font référence plus directe à de grandes chasses royales. Le texte le plus clair est assurément ce passage où Quinte-Curce (VIII. 1. 11-19) décrit une gigantesque battue organisée dans un paradis de Sogdiane:

"En ces contrées, le faste barbare (barbarae opulentiae) se traduit essentiellement par les magnifiques fauves, qu'on enferme en bandes dans des parcs et des terrains boisés de vastes étendues (magnis nemoribus saltibusque nobiliium ferarum grèges clausï). Pour cela, l'on choisit de vastes forêts, que parent des sources nombreuses, aux eaux éternelles ; ces parcs sont entourés de murs (mures nemora cinguntur), et des tours y comportent des abris pour les chasseurs. On savait qu'un de ces terrains boisés était resté intact depuis quatre générations successives ; Alexandre y entra avec son armée et ordonna de le battre en tout sens, à la poursuite des fauves... Lui, après avoir abattu quatre mille fauves, il dîna dans le bois avec l'armée entière".

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Le principal épisode narré par Quinte-Curce est précisément l'affrontement entre le roi et un lion, et la dispute avec Lysimaque, Alexandre tenant par dessus tout à affronter seul le fauve, et Quinte- Curce remarque : "Non content d'arrêter l'animal, il le tua d'un coup". C'est à propos de cet épisode que Quinte-Curce fait allusion à une autre chasse au lion qui s'était déroulée en Syrie et au cours de laquelle Lysimaque avait été très sérieusement blessé en affrontant, seul, un fauve d'une taille vraiment extraordinaire (VIII. 1. 15 ; cf. ci-dessous 4.1. ). On suppose en général que cette chasse s'est déroulée près de Sidon, où l'on connaît l'existence d'un paradis à l'époque achéménide (Diodore XVI. 41).

2.3. Il convient enfin de citer évidemment l'inscription qui subsiste d'une représentation de la chasse au lion dédiée à Delphes par Cratère le Jeune (Moretti 1975 : n° 73). Celui-ci y exaltait la conduite valeureuse de son père lors d'une chasse au lion qui se déroula "dans les régions habitées par les pasteurs de Syrie". Le compagnon du roi y est loué pour avoir sauvé la vie du "roi d'Asie" attaqué par un lion. C'est très certainement à cet épisode que faisait allusion Plutarque en écrivant (Plutarque, A lex. 40. 5) : "Cratère consacra cette scène de chasse à Delphes, où il fit faire des statues de bronze représentant le lion, les chiens, le roi aux prises avec le lion et lui-même Cratère se portant à son secours" (cf. Pline, NH. XXXIV. 63 sq.).

Il existait certainement d'autres représentations du roi à la chasse (Hôlscher 1973 : 185-189). On sait par Pline (ibid.) qu'Euthycratès, fils de Lysippe, avait lui aussi représenté le roi en chasseur, sans que l'on puisse dire avec certitude qu'il affrontait un lion. Une mosaïque de Palerme, par ailleurs, figure une grande chasse - dont une chasse au lion - qui se déroule indiscutablement au Moyen-Orient, et dans laquelle il est tentant de voir une allusion directe à une chasse d'Alexandre (Gabrici 1922 : 193-197 ; Blake 1930: 135-137 ; cf.Hôlscher 1973 : 186-189). On citera enfin évidemment l'un des panneaux du sarcophage d'Alexandre où le roi est représenté portant secours à un Perse attaqué par un lion d'une force prodigieuse (Charbonneaux-Martin-Villard 1986, fig. 250 ; Von Graeve 1970 : 58-60 ; Taf. 24/25, 2) ». On citera également la mosaïque

8- L'identification proposée par Charbonneaux (Démétrios Poliorcète au lieu d'Alexandre) paraît peu fondée : cf. Hôlscher 1973 : 189-190 et n. 1183.

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de la chasse au lion de Pella (Petsas 1978 : 52-55, Robertson 1965 : 80- 82), quand bien même elle continue de poser quelques problèmes d'identification : s'agit-il bien d'Alexandre et de Cratère ?

2.4. La popularité du roi-chasseur de lion à l'époque d'Alexandre ne fait donc aucun doute, même si le thème, on le verra (cf. 4), fut récupéré par ses successeurs, comme cela est particulièrement visible sur le groupe élevé à Delphes à l'initiative de Cratère. Tous les textes et représentations sont porteurs d'une idéologie monarchique, qui apparaît en pleine clarté. Il est tout à fait caractéristique en particulier qu'à deux reprises, les textes insistent sur le fait qu'Alexandre tient à affronter seul le fauve et à lui porter le coup final 9 : on retrouve très exactement le même scheme idéologique dans le récit relatif aux pages, où le jeune Hermolaùs est puni pour avoir tué le sanglier avant le roi. La seule circonstance où une intervention extérieure est admise, c'est lorsque le roi est menacé directement par la bête (cf. textes dans Briant 1990) : encore convient-il de souligner, dans le cas de Lysimaque, que, ce faisant, les compagnons du roi ne doivent pas pour autant mettre en doute le courage et les vertus du roi. En d'autres termes, la liaison est établie fermement entre vertus de chasseur de lion et légitimité royale 10. En témoigne également cette répartie mise par Plutarque (40. 4) dans la bouche d'un ambassadeur lacédémonien témoin de la victoire remportée par Alexandre sur un grand lion : "Tu as bien combattu contre la bête, pour décider qui serait roi". A un moment où faisait rage la compétition idéologique entre Alexandre et Darius (cf. Briant 1980a = RTP : 372-384), l'exaltation de la supériorité d'Alexandre en ce domaine était la bien venue (cf. Balthus 1987 : 435-436).

3-Chasses d'Alexandre et chasses achéménides.

3.1. De ce point de vue, déjà, les rapprochements avec les Achéménides sont très nets. On sait qu'à la cour achéménide existait - ou : il a existé - une réglementation qui interdisait d'abattre une

9- Le motif est très clairement présent également chez Xénophon, Cyr. IV. 6. 3-4 : histoire du fils de Gobryas, tué par le fils du roi d'Assyrie, parce qu'il a successivement mis à mort un ours et un lion, que son compagnon de chasse n'avait pas réussi à atteindre de ses traits.

10- Cf. aussi Hérodote I. 37 : déclaration du fils de Crésus. (Il s'agit là de la lutte contre un sanglier formidable qui dévastait les campagnes).

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bête avant le roi u. C'est sans doute pourquoi le noble Mégabyze fut durement puni par Artaxerxès I, parce qu'il avait tué un lion avant le roi (Ctésias, Persika §40). En revanche, un autre noble, Tiribaze, devint un favori d'Artaxerxès II, parce que lors d'une chasse, il sauva le roi attaqué par deux lions (Diodore XV. 10. 3). La contradiction n'est qu'apparente. En règle générale, il convient de laisser le roi faire la preuve de sa supériorité à la chasse : supérieur à tous à la guerre, comme l'expriment les inscriptions de Darius et de Xerxès, le Grand Roi est également un chasseur émérite, comme le souligne Cyrus le Jeune en lutte contre son frère Artaxerxès II (Xénophon, Anab. I. 9. 6 ; cf. Plutarque, Art. 6. 4). Mais, il convient en même temps de se porter à son secours dès lors qu'il est manifeste qu'il court un grand danger : le 'sauveur' a toute chance d'être reconnu comme un Bienfaiteur royal (Xénophon, ibid.).

Les auteurs anciens font fréquemment allusion aux chasses perses. On sait le rôle que Xénophon assigne à la chasse dans l'éducation du jeune Cyrus 12. Après avoir tué les bêtes sauvages rassemblées par Astyage dans le paradis (Cyr. I. 4. 5-6), le jeune homme obtint la permission de se lancer dans la chasse en pays ouvert, accompagné des compagnons de son âge (I. 4. 7-15). On sait qu'aux yeux de Xénophon, la chasse était l'entraînement le mieux approprié à la guerre (cf. I. 6. 27-29, 39 ; Knauth-Nadjmabadi 1975 : 112-119). D'ailleurs, d'après le même Xénophon (VIII. 6. 15), à ses satrapes, Cyrus donna le conseil suivant : "Acquérez des paradis, élevez des animaux sauvages, jamais ne vous mettez à table sans avoir pris de l'exercice, comme jamais ne donnez aux chevaux sans qu'ils aient travaillé". Modèles de prospérité agricole et horticole, les paradis étaient également en effet des réserves de chasse, tel ce paradis de Sogdiane décrit très précisément par Quinte-Curce, et où la chasse était réservée aux rois et aux satrapes (cf. Briant 1980b = RTP : 451-456 ; Fauth 1979).

11- Cf. Plutarque, Moralia 173D ; Xénophon, Cyr. I. 4. 14. Sur les problèmes historiques et chronologiques que pose cette tradition, voir ma discussion dans Briant 1990, Appendice : "Service rendu et étiquette royale".

12- Cf. également Platon, Aie. 121 f : parmi les enseignements dispensés aux enfants royaux perses, figurent l'art de montrer à cheval et la pratique de la chasse. Sur l'importance de la chasse (à cheval) dans l'éducation des jeunes Perses de l'aristocratie, cf. Strabon XV. 3 . 17.

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3.2. Cette exaltatation du roi-chasseur est bien antérieure aux Achéménides. Elle est particulièrement bien illustrée à l'époque assyro-babylonienne (Anderson 1985 : 57 sq.). Outre quelques cachets (Frankfort 1939 : 140 et 192), de nombreux reliefs assyriens mettent en scène le roi à la chasse: beaucoup de ces reliefs se réfèrent à des chasses au lion 13. Parfois, le roi est à cheval perçant les fauves de ses javelots (Parrot 1961, n° 63), plus souvent il est debout sur son char, comme sur tels reliefs de Ninive (Parrot, n° 64-65, 78-71, 74-76) ou encore comme sur la splendide fresque de Till-Barsib (n° 345). Dans une de ses inscriptions (ANET3: 558-560), Ashurbanipal se flatte d'avoir tué lui-même de ses mains pas moins de 450 gros lions, 390 taureaux sauvages, monté sur son char ; également d'avoir coupé la tête de 200 autruches, d'avoir pris 30 éléphants dans des pièges et de s'être emparé, vivants, de 50 taureaux sauvages, de 140 autruches et de 20 gros lions, enfin d'avoir organisé de véritables élevages d'animaux sauvages. Ce sont ces lions que l'on voit libérés de leurs cages par des serviteurs (cf. Parrot, n° 69; cf. Gerardi 1988 : 26). Il s'agissait en effet de chasses minutieusement organisées, qui le plus souvent se déroulaient dans des parcs spécialement aménagés à cette fin, que l'on peut considérer comme les antécédents des paradis perses14. Le rôle prééminent que se donne le roi ne doit pas prêter à confusion : il était évidemment accompagné de troupes nombreuses. On retrouve cette présentation dans le récit de Quinte-Curce sur la chasse de Sogdiane : Quinte-Curce n'hésite pas à assigner au roi l'énorme prise de 4000 fauves ; mais, il précise en même temps que c'est toute l'armée qui a participé aux battues 15.

13- Voir surtout l'analyse systématique menée par U. Magen (1986 : 29-36), ainsi que les textes présentés par P. Gerardi (1988 : 25-28), où les rois manifestent très clairement le lien entre leurs capacités inouïes de chasseur et la protection des divinités (cf. Magen 1986 : 34-35). Sur la supériorité conférée ainsi au roi d'Assyrie, voir en particulier la déclaration d'Ashurbanipal, auquel le roi élamite, mis en déroute par l'assaut d'un lion, vient demander aide et protection (Gerardi 1988 : 26).

14- Voir sur ce thème Oppenheim 1965 ; Albenda 1974 ; Wiseman 1983 ; Stronach 1989.

15- Sur les chiffres énormes donnés par les textes et les inscriptions, cf. les remarques comparatives d'Ortega y Gasset 1975 : 39, n. 4 : à trente ans, le roi Philippe V d'Espagne avait abattu 400 loups, 600 capridés, un nombre de daims encore plus grand et 150 sangliers : "C'est un chiffre record" - commente Ortega y Gasset, qui cite également le cas du roi Henri IV d'Espagne, qui, en un jour, avait abattu 3000 bêtes !

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3.3. Pour l'époque achéménide, nous ne disposons pas d'une documentation iconographique aussi riche que pour l'époque assyrienne 16. Les lions, sous différentes formes, sont représentés en grand nombre sur différents éléments des palais perses connus aujourd'hui (cf. Baldus 1987 : 429-434). A Persépolis, les sculpteurs et graveurs ont représenté le roi en combat singulier contre un lion ou un dragon-lion dressé sur ses pattes arrières (cf. Porada 1963 : 145 ; 1979a, fig.41). Le combat du roi contre le lion était déjà le sujet figurant sur le sceau royal assyrien (Sachs 1953 ; Miliard 1965). De nombreux sceaux achéménides représentent le 'héros royal' aux prises avec des lions ou d'autres animaux réels ou fantastiques (griffons etc.) (Root 1979 : 303-308). Le roi est ici représenté dans sa qualité de 'Maître des animaux'. On retrouve le thème du 'héros royal' sur un grand nombre d'empreintes de Persépolis (Schmidt 1957 : 7-8, 18-24 ; Garrison 1988), de Suse (Amiet 1972, n° 2202-2203, 2206-2212), de Babylonie (Legrain 1925 : n° 901, 903-910, 912-916, 918-928, 935-942), de Daskyleion (Akurgal 1961 : 174), de Lydie (Poetto 1985) et d'ailleurs (Amiet-Bordreuil 1987 ; Porada 1979 : 82-84 ; Boardman 1970 ; Moorey 1978). Le thème fut emprunté sur certaines de ses monnaies par le roi sidonien 'Abd'cshmun (c.a. 410-400) (Betlyon 1982 : 7-8).

Si les scènes de chasse (y compris de chasse au lion) sont nombreuses sur des empreintes ou sur des sculptures provenant d'ateliers d'Asie Mineure (cf. ci-dessous 5.3.), de Babylonie (Legrain 1925 ; Porada 1979), ou encore de la province de Judah (Stern 1971 :

16- Selon Ammien Marcellin (XXIV. 6. 1), des scènes de chasse étaient représentées sur des tapisseries des palais parthes. Mais, i! s'agit là d'un témoignage tardif (tout comme Philostrate, Vit.Apoll. I. 25 : représentations, dans les palais parthes, de scènes de guerres gréco- perses de l'époque achéménide). Si les représentations de scènes de chasse royale sont également bien connues à l'époque sassanide (cf. Harper 1978), il n'en est manifestement pas de même à l'époque achéménide. On s'entend au contraire aujourd'hui pour considérer que ni les représentations figurées de Persépolis, ni les inscriptions royales (à l'exception de DB) ne sont à proprement parler des documents narratifs, qui seraient liés à un événement particulier ou à un épisode de la journée royale (cf. Root 1979). On soulignera d'ailleurs que, contrairement à ce qu'affirmait Onésicrite (cf. Briant 1980a = RTP : 69-71), aucune inscription de Darius ne fait explicitement référence aux vertus de chasseur du Grand Roi (voir Schmitt 1988 : 29).

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11-12), elles sont plus rares dans l'art aulique proprement dit, même si elles ne sont pas absentes des empreintes de Persépolis (Schmidt 1957 : 11). On soulignera également que la chasse au lion est bien représentée sur des empreintes de Suse, datant de la période néo- élamite III (c. 615-539), dont les canons et les règles ont si fortement marqué l'art aulique achéménide à ses débuts (Amiet 1982 ; Steve 1986 : 10-13 ; Bollweg 1988). La pièce la plus remarquable du corpus achéménide proprement dit est le fameux sceau de Darius 1er (cf. Porada 1961, fig. 86 ; Nagel 1963 : 131, Abb.9, Schmitt 1981, SDa) : dans un décor babylonien symbolisé par deux palmiers, et surmonté du disque ailé d'Ahura-Mazda, le roi, debout sur son char guidé par un conducteur, tire des flèches contre un lion gigantesque, dressé sur ses pattes arrières et faisant face au char ; il est déjà percé de deux flèches royales, tandis qu'un autre lion, beaucoup moins impressionnant, gît mort sous les pattes des deux chevaux qui tirent le char. La posture du lion doit être soulignée : moins qu'une scène de chasse réaliste, nous avons sous les yeux une nouvelle illustration du combat du héros royal (ici le roi Darius) contre le monstre (qu'il soit lion, griffon ou autre). Dans le registre de cette thématique composite (roi/héros royal), on doit mettre en exergue un cachet provenant du Bosphore cimmérien (Hill 1923 : 159, fig. 2.1): le roi, debout sur son char tiré par deux chevaux et guidé par un conducteur, décoche des flèches contre un lion-griffon debout sur ses pattes arrières, la scène étant surmontée du disque d'Ahura-Mazda. L'évidente parenté dans la composition avec le cylindre de Darius montre combien sont proches l'image du roi-chasseur de lion et celle du roi/héros royal combattant des monstres. Il n'en reste pas moins qu'une telle scène cynégétique était particulièrement à même d'illustrer la valeur et les qualités exceptionnelles de Darius.

On retrouve cette posture de l'animal sur d'autres cachets achéménides : l'un représente un personnage royal sur un chameau, lance brandie contre un lion dressé sur ses pattes arrière (Frankfort 1939 : PL XXXVII et p. 221) ; un autre montre le roi se préparant à frapper de sa lance un lion dans la même position (Delaporte 1923, n° A. 789) ; dans une scène presque analogue, le lion pose les pattes sur le dos d'une taureau ailé (ibid. n° A. 801B). On retrouve le lion dressé sur ses pattes arrière sur un cachet d'Asie Mineure : mais ici, le Perse est sur son cheval et lance un javelot contre le fauve (Boardman 1970, Planche n° 975). Il peut s'agir aussi de scènes plus réalistes : un cavalier perse, muni d'un arc, s'oppose à

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un lion bondissant devant sa monture, le lion ayant déjà reçu une flèche dans le front (Boardman 1970, PI. 889 ; cf. 924 ;, cf . Richter 1949, Plate 34, fig. 1) ; un autre cavalier, tourné vers l'arrière, décoche ses flèches contre un lion qui le poursuit (PI. 929). On retrouve le roi sur son chariot, tiré par quatre chevaux et conduit par un aurige ; au dessous du disque ailé d'Ahura-Mazda, le roi, tourné vers l'arrière, décoche ses flèches contre un animal malheureusement absent (PI. n° 927).

4-Les diadoques et la chasse au lion

Avant de revenir sur les emprunts perses (ci-dessous 5), on s'arrêtera sur l'époque des successeurs d'Alexandre. Le thème du roi-chasseur fut repris avec une particulière prédilection à l'époque des diadoques. Plusieurs des successeurs d'Alexandre aimèrent à se faire représenter chassant le fauve. Toutes les légendes cynégétiques attribuées aux diadoques se situent dans le cours de développements sur l'idéologie monarchique et la légitimité royale.

4.1. On a vu (2.2.) qu'à deux reprises, Quinte-Curce fait référence à la conduite particulièrement valeureuse de Lysimaque face à des lions, lors d'une chasse en Syrie et lors de la chasse de Sogdiane longuement décrite par Quinte-Curce. On sait que devenu roi, Lysimaque aimait à arborer les cicatrices qu'il devait aux griffes du lion de Syrie (cf. Plutarque, Dém. 27. 6). Les légendes royales nées autour du diadoque attestent tout particulièrement de la liaison entre la chasse et la vertu royale. Ces légendes témoignent de la recomposition de l'épisode originel (cf. Heckel 1983). Pausanias (I. 9. 5) et Justin (XV. 3. 6-10) affirment en effet qu'Alexandre l'exposa "à un lion des plus féroces". Il réussit à mater le fauve, "en lui saisissant la langue et en l'étouffant ainsi" 17 ! Justin rapporte également qu'au cours de la campagne de l'Inde, Alexandre mit son diadème au front de Lysimaque afin de calmer une blessure que le roi lui avait infligée involontairement. De tout cela, Alexandre "conçut une grande admiration " pour son compagnon. Son exploit face au lion le fit considérer comme "le plus valeureux des compagnons du roi". C'est pourquoi, en 323, "on lui attribua, comme au plus vaillant de tous, les nations les plus fières . On lui décerna ainsi d'un accord

17- Le motif peut être repéré également à l'époque assyrienne : dans l'une de ses inscriptions, Ashurbanipal se flatte d'avoir saisi un lion "par les oreilles", et une autre fois "par la queue "( Gerardi 1988 : 27).

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unanime la palme du courage" (Justin). Pour Justin (3.1), il est clair que l'accession de Lysimaque à la royauté s'explique moins par les origines de sa famille 18 que par l'ampleur de ses exploits guerriers et cynégétiques.

4.2. De son côté, Elien (VHXll. 39) consacre une de ses histoires au courage (eutolmia) de Perdiccas :

"Le Macédonien Perdiccas, qui suivit Alexandre dans ses expéditions (sustraseumenos Alexandro), était si intrépide qu'un jour il entra seul dans une caverne qui servait de retraite à une lionne. A la vérité, il ne l'y trouva pas ; mais il tira les lionceaux de sa caverne, et les emporta. Cette action dut faire d'autant plus d'honneur à Perdiccas que les Grecs et même les Barbares ont toujours regardé la lionne comme l'animal le plus fort, et qui se défend avec le plus de courage (alkimatôtatos kai dusmachôtatos). Aussi dit-on que Sémiramis, reine d'Assyrie, s'applaudissait bien autrement d'avoir terrassé une lionne que d'avoir tué un lion, un léopard ou quelque autre animal semblable".

Il ne fait pas de doute que la légende a été forgée dans les cercles favorables à Perdiccas. La référence à sa qualité cT'ancien combattant de la campagne d'Alexandre" ne fait aucun doute à cet égard (cf. Seibert 1969 : 154-156, sans citer le texte). Ce faisant, le diadoque tentait de légitimer ses aspirations royales (cf. Goukowsky 1978 : 121-122 sans citer le texte). On notera également que l'épisode se situe très clairement dans un contexte idéologique proche-oriental, comme le montre la référence aux Barbares et à leur admiration pour le courage des lionnes. En atteste également la mention de la reine mythique Sémiramis, dont la figure fut réélaborée à l'époque achéménide (cf. Briant 1984 : 23-33). S'appuyant sur Ctésias, Diodore faisait lui aussi état des exploits cynégétiques de Sémiramis. Selon Diodore, on pouvait voir sur les murs des palais de Babylone plusieurs scènes de chasse : "Sémiramis était figurée à cheval, lançant un javelot sur une panthère ; auprès d'elle était Ninos son époux, frappant un lion d'un coup de lance" (Diodore II. 8. 6).

18- Sur les contestations relatives aux origines du diadoque, cf. aussi Merker 1979.

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43. C'est la même volonté de se rattacher à Alexandre et aux chasses royales dont témoigna Cratère en passant commande du groupe de la chasse de Delphes (cf. 2. 3). Il est particulièrement dommage que nous ne sachions rien de la composition du groupe qui a disparu, mis à part les renseignements fournis par Plutarque (Alex. 40. 5) et Pline (XXXIV. 63 sq.). Plusieurs tentatives de restauration ont été proposées, à partir de médaillons de Tarse, ou à partir d'un relief de Messène, ou encore à partir du sarcophage d'Alexandre (cf. Courby 1954 : 235-240 et fig. 191). De nombreuses discussions ont eu lieu et se poursuivent sur ce point (Perdrizet 1898, 1899 ; Picard 1963 ; Hôlscher 1973 : 181-185 ; Bousquet 1959 ; cf. en dernier lieu Saatsoglou-Paliadeli 1989). Quoi qu'il en soit, l'objectif politique de Cratère ne saurait faire de doute, comme le montre l'épigramme conservée: rappeler aux yeux de tous son rôle eminent auprès du roi, et l'exploit qu'il accomplit en sauvant le roi des griffes d'un lion - que l'histoire fût vraie ou non. C'est peut-être à cet épisode, ou à un autre, que faisait référence la célèbre mosaïque de Pella, où deux Macédoniens combattent un lion : mais, de fortes réserves ont été exprimées sur l'identification proposée par M. Petsas de Cratère et d'Alexandre (cf. Goukowsky 1979 : 303, n. 46), si bien qu'il convient de laisser prudemment le document hors du dossier.

4.4. On citera également quatre autres exemples, bien que le contexte et l'animal les différencient sensiblement des exemples précédemment présentés.

4.4.1. Dans la légende royale séleucide qu'il présente, Appien (Syr. 57) souligne la valeur physique du diadoque, en rappelant qu'un jour Séleucos réussit à immobiliser seul un taureau furieux. Cet exploit fut commémoré par des monnaies séleucides (Bernard 1985 : 40). Bien qu'il s'agisse d'un taureau et non d'un lion, on notera là encore la liaison logique établie par Arrien entre exploit cynégétique (et militaire : Nikatôr) et puissance royale.

4.4.2 On notera également qu'Antiphilos d'Egypte avait représenté Ptolémée à une chasse, probablement à une chasse au lion. Comme Га souligné justement T. Hôlscher (1973 : 186), cette représentation s'inscrit au moins autant dans les traditions pharaoniques que dans les traditions macédoniennes ou perses.

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4.4.3. Cassandre apparaît également dans un récit de chasse, cette fois dans une polémique hostile au diadoque. Cité par Athénée (I. 18a), Hégésandros rappelait en effet "qu'il n'était pas d'usage en Macédoine qu'un homme mangeât couché à moins d'avoir servi un sanglier hors des filets ; jusque là il mangeait assis. C'est pourquoi Cassandre, à l'âge de trente cinq ans, dînait chez son père assis, parce qu'il ne pouvait pas venir à bout de cet exploit, quoique courageux par nature et bon chasseur". Intéressant par les lumières qu'il jette sur les rites de passage en Macédoine (cf. Briant 1989c ; 1990), le texte témoigne de la vigueur de la polémique qui se développa autour d'Antipater contre le diadoque, au moment où le premier préparait sa succession (cf. Errington 1983). Il a également pour intérêt de montrer que les exploits cynégétiques constituaient une des justifications idéologiques du pouvoir suprême. D'ailleurs, une autre tradition, transmise par Diodore (XVIII. 49. 3), exalte "la valeur et le courage de Cassandre", que l'on voit "organiser une chasse qui devait durer plusieurs jours, cherchant ainsi à écarter tout soupçon de révolte".

5-Traditions macédoniennes et traditions perses.

5.1. Problèmes et méthodes.

A ce point de la discussion, la tentation est grande de conclure que les documents présentés et analysés confirment l'opinion selon laquelle le thème de la chasse au lion est un héritage dû à la campagne d'Alexandre et que, dans ces conditions, la fresque de Vergina n'a pu être peinte qu'après 323. Cependant, à mon avis, la conclusion serait prématurée. D'une part, étant donné la faiblesse de la documentation relative aux institutions socio-politiques de la Macédoine avant Alexandre, nous sommes placés fréquemment devant une situation méthodologique instable : c'est de prouver les emprunts achéménides à partir de textes ou d'à priori qui eux-mêmes les postulent. Or, bien des exemples montrent qu'une telle approche peut être fautive (Briant 1990). De la même façon, nous sommes contraints, en de nombreux cas, à tenter de reconstituer les institutions macédoniennes à partir de textes qui y font référence dans le contexte de l'expédition d'Alexandre : à cet égard, on sait l'ampleur des débats qui se déroulent encore sur le problème de l'Assemblée macédonienne, connue surtout par des textes de l'époque d'Alexandre

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ou de celle de ses successeurs 19. Certes, en certains cas, les emprunts achéménides et les ruptures macédoniennes ne peuvent être niés. Il ne fait pas de doute qu'au cours de la campagne d'Asie Alexandre a repris les traditions de la chasse royale achéménide (et plus largement moyen-orientale). C'est ce que montre une analyse de la 'conspiration des pages', où se manifeste avec une particulière netteté l'opposition entre les traditions macédoniennes et la volonté royale de s'identifier au Grand Roi( Briant 1990).

La difficulté d'interprétation provient aussi de ce qu'aussi bien les documents portant sur Alexandre que ceux portant sur le Grand Roi ne sont pas à proprement parler des documents réalistes. Alexandre est présenté comme un homme qui méprise toutes les ruses et artifices, qu'utilisent au contraire certains de ses compagnons ; quant au Grand Roi, il est toujours représenté comme un personnage sur-humain, seul face au monstre, alors même que dans sa pratique cynégétique, on peut supposer qu'il recourait lui aussi à la ruse, si le besoin s'en faisait sentir 20. Au fond, les textes et représentations mettant en scène Alexandre ou le Grand Roi dans une situation d'exaltation du pouvoir ne sont pas à proprement parler des documents narratifs : il s'agit plutôt de compositions où se rejoignent et s'entremêlent des motifs, que l'on peut repérer dans bien d'autres corpus fortement idéologisés 21.

Mais, avant de proposer une conclusion (ou simplement une direction), il importe de rassembler et d'interpréter les documents portant sur la chasse royale en Macédoine. Il conviendra de voir si la chasse au lion est réellement une innovation datée de l'époque d'Alexandre. On devra s'interroger en même temps sur la question de savoir si des influences orientales ont pu ou non s'exercer en Macédoine avant même la conquête d'Alexandre. C'est là une question à laquelle D. Kienast (1973) a apporté une réponse positive. Mais, d'une part, certaines de ses démonstrations sont sujettes à

19- Cf. Briant 1973. Je renonce à citer ici la bibliographie récente, me réservant d'y revenir dans un autre cadre.

20- Sur l'usage de pièges, cf. Polyen VII. 14. 1 (où, pour s'emparer de Tiribaze, Orontès copie manifestement une méthode utilisée par les chasseurs).

21- Cf.également ci-dessus n. 17 et ci-dessous n. 25. Je remercie H. Sancisi-Weerdenburg d'avoir attiré mon attention sur ce problème méthodologique essentiel.

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caution, en particulier en ce qui concerne l'origine achéménide des pages royaux, qui sont en réalité une institution ancrée dans les traditions macédoniennes (Briant 1990 ; Hammond 1990 : 261-264). D'autre part, il n'envisage pas le problème des chasses royales.

5.2. Chasses royales en Macédoine.

Que la chasse ait constitué un élément important de la sociabilité aristocratique macédonienne, c'est ce dont témoignent l'information donnée par Hégésandros sur le rôle de la chasse au sanglier dans les rites de passage, ainsi que les textes portant sur la passion de la chasse chez les compagnons d'Alexandre (cf. 2. 1 ; 4). Que des chasses aient été organisées à la cour macédonienne, c'est ce dont non plus nous ne pouvons douter 22. Rappelons d'abord les grandes chasses organisées par Cassandre en Macédoine (Diodore XVIII. 49. 3 ; cf. 4. 4. 3). A une époque antérieure, l'une des versions de la mort d'Archélaos précisait que le roi "mourut en Macédoine, à la suite d'une blessure que Crateuas, son éromène, lui avait portée involontairement dans une chasse" (Diodore XIV. 37. 6 ; cf. Hammond 1990 : 263). On sait également que l'une des tâches assignées aux Pages royaux était d'accompagner le roi à la chasse (Quinte-Curce V. 1. 42 ; VIII. 6. 4), y rivalisant avec le roi (Arrien IV. 13. 1) (Briant 1990).

Les textes portant sur le rôle des Pages royaux dans les chasses indiquent que, dès l'époque de Philippe II au moins, il existait une étiquette aulique, qui déterminait la place de chacun lors des chasses royales. A ce propos, il est important de revenir sur un passage de Quinte-Curce, où se révèle une nouvelle fois la difficulté de faire le partage entre traditions macédoniennes et emprunts achéménides. En conclusion de la chasse de Sogdiane, Quinte-Curce (VIII. 1. 18) écrit en effet : "Les Macédoniens, bien qu'Alexandre se fût heureusement tiré d'affaire, décrétèrent pourtant que, selon la coutume nationale igentis suae more), le roi ne chasserait plus à pied ou sans une élite de nobles et d'Amis (sine delectis principům atque amicorum)" . La phrase n'est pas tout à fait claire sur le contenu exact de ces gentis suae mores. L'opposition implicite avec l'étiquette achéménide ne joue pas sur les

22- Affirmer, comme Kleeman (1958 : 154), que "la coutume de la chasse équestre à la bête sauvage n'est pas grecque, mais orientale", c'est tout simplement faire l'impasse sur les pratiques macédoniennes.

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accompagnateurs royaux. En Perse également, le roi était accompagné d'Amis et de nobles 23 : c'était un honneur que de faire partie de ses compagnons de chasse (cf. Plutarque, Thém. 29. 6). 11 semble même que c'était toute la cour qui participait à l'expédition et aux festivités 24 . Le Grand Roi, d'autre part, chassait lui aussi à cheval (cf. Hérodote III. 129) ou sur son chariot (cf. Diodore XV. 10 .3 et le cachet de Darius). On peut penser néanmoins que, bien que chassant lui aussi accompagné de ses Amis et favoris, le Grand Roi disposait à la chasse d'un statut différent de celui du roi macédonien chassant en Macédoine. Peut-être, Quinte-Curce fait-il une allusion implicite au droit qui était celui du Grand Roi de frapper la bête en premier : c'est, semble- t-il, ce que suggère Vidal-Naquet (1984 : 361) en écrivant : "Contre la chasse royale... [les Macédoniens] rétablirent, voire élargirent, la règle aristocratique". Cette règle, semble-t-il, voulait que les compagnons de chasse (sunkunegetauntes) devaient, sous peine d'être punis, porter assistance à leur chef (cf. Plutarque, Alex. 41. 4) 25.

Dans un passage bien connu (Lois VII. 823-824), Platon oppose plusieurs types de chasse : il condamne fermement ce qu'il appelle "la chasse fainéante que l'on pratique aussi bien éveillé qu'en dormant, au moyen de filets". La seule chasse digne des jeunes gens qu'il entend former, c'est la chasse à courre, c'est- à- dire "la chasse dans laquelle ce sont les animaux terrestres qui sont le gibier... [et où] l'âme de l'homme travaille à maîtriser la force sauvage de la bête". C'était par là même condamner la chasse telle qu'elle se pratiquait en Grèce. On peut supposer que Platon a emprunté le

23- C'est ce qu'impliquent tous les récits qui mettent en scène des complots contre le roi à la chasse (Hérodote III. 30 ; Elien, NH 6. 14) ou l'aide apportée au roi par ses compagnons de chasse (Ctésias § 40 ; Diodore XV. 10. 3; Xénophon, Anab. I. 9. 6).

24- Voir Athénée XII. 514c : "Même quand le Grand Roi va à la chasse, il est accompagné de ses concubines" - à rapprocher des coutumes indiennes (Strabon XV. 1. 55 ; Quinte-Curce VIII. 9. 28). Dans ses déplacements, le Roi est suivi de toute sa cour (cf. Briant 1988).

25- La difficulté d'interprétation provient aussi de l'ambiguïté de la construction de la phrase de Quinte-Curce - comme me l'ont fait remarquer R. Oliva et B. Tripodi à l'issue de ma conférence à Messine : tout le problème est de décider si l'expression "selon la coutume nationale" porte sur "décréter" (au quel cas, elle ferait référence implicite aux 'droits' de l'Assemblée) ou sur "chasser" (solution adoptée par H. Bardon dans l'édition G. Budé).

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modèle de la grande chasse à une civilisation étrangère. On pense généralement à la chasse royale perse (Aymard 1951 : 44). On peut imaginer effectivement qu'il a pu aisément trouver des informations sur les chasses perses, peut-être même chez Xénophon 26. Mais, d'une part, Xénophon lui-même n'est pas un adepte de ce type de chasse en Grèce (Aymard, ibid.). D'autre part, ce rapprochement part du postulat que les grandes chasses royales ont été pratiquées par les Macédoniens à partir d'Alexandre exclusivement (ibid. 45-46) - ce qui reste précisément à démontrer. Après tout, Platon connaissait également les institutions et coutumes macédoniennes. Puisqu'on sait que des chasses royales existaient en Macédoine dès au moins le temps de Philippe II et très probablement avant lui, on peut tout aussi bien admettre que Platon faisait une référence implicite à un modèle qui était à la fois perse et macédonien.

Soulignons également en passant la condamnation qu'il porte contre la chasse au filet. Sur ce point, les documents macédoniens et perses sont contradictoires. On sait qu'elle est représentée sur la Chasse de Vergina (personnage à l'extrême- droite), mais dans une position tout à fait subordonnée. En revanche, on sait, par Hégésandros, que le jeune homme devait faire la preuve de sa valeur en chassant le sanglier sans filet. On sait également qu'Alexandre considérait avec mépris le type de chasse pratiquée par ses amis Léonnatos et Ménélaùs qui, à l'étape, délimitaient un espace à l'aide de toiles et poursuivaient les animaux lâchés dans l'espace ainsi défini (Elien, V.H. IX. 5 ; Athénée XII. 539 d). Il n'avait pas plus d'estime pour Philotas qui "se servait pour la chasse de filets longs de cent stades" : à ce type de chasse, Alexandre préférait la chasse proche de la guerre, "peinant et s'exposant au danger"(Plutarque, Alex. 40. 1, 4). Certes, là encore, on pourrait argumenter, et juger que ce faisant, Alexandre oppose la chasse royale perse (qu'il a reprise à son compte) à une chasse macédonienne proche de la chasse de type grec : mais, le passage d'Hégésandros témoigne que la chasse sans filet appartient elle- même à la tradition aristocratique macédonienne. D'autre part, des reliefs assyriens et des passages de Strabon (XV. 3. 18) et d'Hérodote montrent que le filet pouvait être utilisé lors des chasses (et guerres) royales proche-orientales, y compris à l'époque achéménide

26- Cf. Aie. 122-123a-b, à rapprocher de Xénophon, Anab. I. 4. 9 (cf. Briant 1985 : 59-60).

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(cf. Meuli 1982). Les contradictions ne sont qu'apparentes : car, d'une part, il y un décalage entre la vision théorique de Platon et les pratiques cynégétiques de tous les jours ; d'autre part, le décalage n'est pas moins grand entre celles-ci et les motifs signifiants de l'idéologie monarchique (ci-dessus, p. 226) 27.

5.3. Paradis macédoniens

Dans un passage bien connu, consacré à l'exaltation des vertus du jeune Scipion, Polybe (XXXI. 29) met en exergue les vertus éducatrices de la chasse, présentée par Paul-Emile comme "le meilleur des exercices et la plus noble des distractions", propre à révéler le courage (andreia) et les qualités royales (basiîeuein) 28. Le passage se situe dans le contexte de la Macédoine après la défaite de Persée. C'est là qu'à l'initiative du vainqueur de Persée, furent organisées des chasses pour Scipion. Polybe écrit :

"Les membres de la maison royale de Macédoine (oi en Makedoniai basilikoi) avaient, en effet, la passion de la chasse (spoudè tes kunègèsias), et ils avaient constitué, avec les terrains qui s'y prêtaient le mieux (oi epitèdeiotatoi topoi), des réserves pour y assembler le gibier. Pendant tout le temps qu'y avait duré la guerre, ces districts (chôria) avaient été aussi soigneusement gardés qu'auparavant, mais on n'y avait jamais chassé au cours de ces quatres années, car on avait d'autre choses à faire. Ils étaient donc remplis d'animaux de toutes sortes... Paul-Emile mit les veneurs royaux ( of kunegoi basilikoi) à la disposition du jeune Scipion 29et il lui donna toute liberté pour organiser des battues".

27- C'est ce qui, par exemple, rend difficile l'interprétation de récits tel que celui que Ctésias donnait des rapports entre Artaxerxès I et Mégabyze à l'issue d'une chasse au lion (cf. ci-dessus n.ll et 25) .

28- Polybe a certainement emprunté à Xénophon les considérations sur les vertus pédagogiques de la chasse dans l'éducation des rois : cf. Grimai 1975 : 252 ; cf. 262-263. Sur le passage de Polybe, voir également Aymard 1951: 54-57, et les remarques d'Ortega y Gasset 1975: 17-23 et 38.

29- Voir également Plutarque, Paul-Aem. .6. 9 : didaskaloi thèras.

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Sans que le mot soit utilisé par Polybe 3°, il est clair que nous avons ici une description très exacte d'un paradis, tel que de nombreux textes permettent de l'analyser dans le contexte perse : ce sont des réserves de chasse créées artificiellement dans des régions propices (c'est à dire boisées et arrosées de sources, sans doute aussi montagneuses) 31, où des bêtes de toute sorte ont été rassemblées ; ces terrains de chasse sont réservés aux rois, ils ne sont donc pas utilisés par des personnes autres que le roi et la cour 32. Il existe une

30- A.M. Prestianni-Giallombardo a souligné cette surprenante lacune, lors d'une discussion privée. J'admets que l'absence du terme paradeisos fait problème - d'autant que Polybe a lu Xénophon. Il conviendrait de faire une enquête systématique dans les textes écrits dans la koinè-enquête que je n'ai pas eu le temps de mener. Je remarque simplement que dans les documents papyrologiques égyptiens, le terme fait référence d'abord à des jardins de rapport (Cadell citée par Husson 1988 : 65) ; il en est de même des paradeisoi dans l'inscription de Mnésimachos : Buckler et Robinson (1912 : 78-79) soulignent bien la différence entre le sens que le terme revêt ici, et la signification que lui attribuent les auteurs anciens parlant des parcs des rois achéménides et des satrapes ; à leur avis, cette signification de 'jardins de rapport' est passée en Egypte. On peut donc se demander si, à l'époque de Polybe, le sens "perse" de paradeisos, sans disparaître (cf. Husson 1988), ne s'était pas effacé devant la signification de 'jardin de rapport'. On notera que le terme est également absent de la description que faisait Théopompe de 'structures' assez semblables en Thrace (ci-dessous). Dans les deux cas, cependant, la description est tellement proche de ce que l'on connaît des paradis perses qu'elle ne paraît pas, à mon avis, laisser de place à une autre interprétation. [Remarquons en passant que dans la description qu'il donne de telles 'structures' près d'Ecbatane, Quinte- Curce (VII. 2. 22) n'utilise pas non plus le terme paradeisos, mais le terme latin recessus (ainsi que saltus traduit par " terrain boisé") (cf. aussi ci-dessous n. 38) : il s'agit pourtant d'un paradis, sans nul doute possible].

31- Rapprocher Polybe de Quinte-Curce VIII. 1. 11-12. Sur les "sites paradisiaques", cf. textes dans Briant 1980b = RTP : 451-456.

32- Rapprocher Polybe (réserves de chasse restées intactes pendant la guerre) et Quinte-Curce VIII. 1. 13 ("On savait qu'un de ces terrains boisés était resté intact pendant quatre générations").

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administration spéciale, composée des veneurs royaux, connus également par des textes de l'époque antigonide (cf. Roussel 1930) 33.

Se pose immédiatement le problème de la date de l'introduction de tels paradis en Macédoine. On est évidemment tenté de l'inscrire au compte des emprunts achéménides résultant de la conquête d'Alexandre. Mais, pour des raisons méthodologiques déjà exposées, il convient de ne pas exclure a priori l'hypothèse d'une date antérieure. Que le passage de Polybe se situe dans la Macédoine de Persée ne prouve rien: d'une part, Polybe fait allusion directe à une longue tradition cynégétique des rois macédoniens, et rien ne permet a priori de réduire l'expression à la dynastie antigonide, à moins d'utiliser le dangereux argumentům a silentio . D'autre part, ce ne serait pas le seul cas où des traditions institutionnelles macédoniennes ne sont connues que par des textes tardifs.

Certes, aucun texte ne fait explicitement référence à des paradis en Macédoine à l'époque de Philippe II ou antérieurement. J'aimerais cependant souligner qu'un passage de Théopompe (ap. Athénée XII. 531 e-f) atteste de l'existence de telles structures dans la Thrace de Cotys. Rappelant l'arrivée du roi macédonien Philippe après sa victoire, Théopompe écrivait en effet :

"Deux jours plus tard, il parvint à Onocarsis, un endroit (chôrion) en Thrace, qui comprenait un alsos magnifiquement planté et bien adapté à des séjours agréables, surtout pendant l'été. En fait, ce lieu avait été une des résidences favorites de Cotys qui, plus qu'aucun autre roi qui avait régné en Thrace, s'était voué principalement à une vie de jouissance (hèdupatheia) et de luxe (tryphè). Lorsqu'il parcourait le pays, là où il découvrait des endroits ombragés par des arbres et arrosés d'eaux courantes, il y organisait des festins (estiatôria). Il séjournait dans chacun d'entre eux à tour de rôle, lorsque le hasard l'y conduisait, et il y offrait des sacrifices aux dieux, et y tenait sa cour avec ses lieutenants, restant prospère et envié jusqu'au moment où il entreprit de blasphémer et d'offenser Athéna".

33- A la cour du Grand Roi, il existait également des officiers chargés de l'organisation des chasses ([Arist.], De Mundo 398a. 25 : stratégoi kynegésïôn) .

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DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 233

Nous avons là une exacte réplique des paradis moyen- orientaux et perses : lieux de résidence et de plaisir réservés aux satrapes et aux rois, caractérisés par l'ampleur des feuillages des arbres plantés et la luxuriance des sources et eaux courantes, lieux qui se confondaient avec les étapes royales (stathmoi basiîikoi) où se reposaient le roi et la cour lors de leurs déplacements dans leurs pays з4, et où se tenaient des banquets dignes de la Table du Roi 35. Il est probable que la chasse au lion n'était pas ignorée dans la Thrace de Kotys, si l'on en juge à un apophtegme transmis par Plutarque з6 .

Certes, pas plus que Polybe, Théopompe n'utilisait le terme paradis, mais la description est trop précise pour qu'on puisse hésiter. A une occasion, il use du terme alsos (bois sacré, où l'on voit Kotys sacrifier aux dieux). Selon Andronikos, la Chasse de Vergina est elle-même située dans un alsos, car on y voit figurés un pilier votif et un ex-voto accroché à un arbre 37. D'une part, aux yeux des Grecs, l'alsos se confond fréquemment avec le paradis 38. D'autre

34- Voir en particulier Plutarque, Art. 25. 1. Sur les déplacements du Grand Roi, cf. Briant 1988. Remarquons que les déplacements de Kotys, comme ceux du Grand Roi, sont fonction des conditions climatiques ("surtout pendant l'été") : cf. justes remarques comparatistes de Kahrstedt 1922 : 1552 entre les pratiques de Kotys et celles des Grands Rois (et celles des Carolingiens, ajoute l'auteur). Comparer également avec les pratiques d'Alcibiade au long de ses voyages en Asie Mineure : Athénée XII. 534 c-d et Plutarque, Aie. 12. 1 ; nul doute qu'Alcibiade copie les moeurs auliques perses (cf. Athénée : skènè persikè ) ; en d'autres termes, Alcibiade avait repris à son profit l'obligation qui pesait sur les cités (et les peuples) de pourvoir aux besoins du Grand Roi pendant ses voyages (Briant 1985 : 59 ; 1988 : 262- 263). - Ajoutons qu'Athénée (XII. 536. d), à la suite de Phylarque, citait le cas d'un autre chef thrace, "qui surpassa tous ses contemporains par sa tryphè".

35- Voir en particulier Esther I. 5 ; cf. Albenda 1974. 36- Moralia 174 D : "Kotys offrit en retour (antedôresato) un lion à celui

qui lui avait offert une panthère". (Il peut s'agir également d'une référence implicite à des 'jardins d'acclimation', typiques également des paradis orientaux - et copiés par les Ptolémées en Egypte : Husson 1988 : 67-68).

37- Sur ce point , voir la discussion de Tripodi 1991 . 38- Cf. Pollux VII. 140-141. On verra également la discussion menée par

Grimai 1969 : 82 et n. 1, qui note que le terme latin le plus proche est nemus, "avec sa double valeur, esthétique et sacrée". C'est

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part, le caractère sacral des paradis perses est également bien marqué 39. Pour aller jusqu'au bout de l'interprétation proposée par M. Andronikos , on peut parfaitement considérer cet alsos comme une réplique des paradis perses40.

Aux yeux des Grecs, paradis et banquets étaient des symboles éclatants de la tryphè perse (cf. Briant 1989a et b) 41. Lorsqu'on sait la profondeur de l'influence achéménide en Thrace, particulièrement au IVe siècle 42, on ne peut douter que Kotys ait voulu copier les moeurs auliques perses. D'ailleurs un autre passage d'Athénée (citant Théopompe) en témoigne. Au Livre IV de ses Deipnosophistes, Athénée consacre un long développement sur le luxe comparatif des banquets dans différentes civilisations. Le développement commence par un passage consacré au faste d'un repas royal organisé en Macédoine par Karanos (128-130d) 43. La question est alors posée de savoir à quel banquet on peut comparer celui de Karanos (130e). Aussitôt l'exemple des banquets du Grand Roi est

précisément le terme utilisé par Quinte-Curce dans sa description du paradis de Sogdiane (VIII. 1. 11).

39- Voir Fauth 1979 : 11-13 ; Briant 1980b - RTP : 455 ; pour l'époque assyrienne, voir Albenda 1974 : 13-14 ; Wiseman 1983 : 143-144.

40- Le Nymphée de Miéza (Plutarque, Alex. 7. 4) ne serait-il pas lui-même une partie d'un paradis macédonien ?

41- Sur la fascination des paradis perses chez les Grecs, voir en particulier Pollux IX. 13. -Admirateur du paradis de Cyrus à Sardes (Econ. IV. 20- 25), Xénophon ne fit rien d'autre que d'implanter le modèle à Scillonte (suggestion de P. Brûlé).

42- Sur les témoignages archéologiques de cette influence, cf. Fischer 1983 ; Luschey 1983 Alexandrescu 1986 ; Hammond-Fol 1988 : 249-253 ; Root 1989: 50 et n. 52. Plusieurs des vases découverts à Rogozen portent en inscription l'anthroponyme Kotys, mais l'identification fait problème (Alexandrescu 1986 : 158). On notera également que dans le récit qu'il transmet de l'expédition d'Alexandre sur le Danube, Arrien (Anab. I. 4. 4) utilise le terme parasange. Selon Bosworth (1980 : 63), on aurait là une nouvelle illustration de l'influence d'Hérodote ; à des fins 'archaïsantes', Arrien aurait converti en parasanges des distances données par Ptolémée en stades. L'interprétation me paraît forcée. Ne peut-on pas penser plutôt au maintien en Thrace, depuis l'occupation achéménide, d'une mesure de distance perse ?

43- Sur ce passage de Théopompe, voir également Bruit-Schmitt Pantel 1986 : 205-206.

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amené à l'appui (1300, et tout ce développement nous vaut des renseignements extrêmement utiles sur le luxe des tables et sur l'ordonnancement des banquets perses (138b-d ; 144-146 ; cf. Briant 1989b). Il est non moins intéressant qu'un autre point de comparaison est le repas de noces, qui scella l'union entre Iphicrate et la fille du roi thrace Kotys (IV. 131) : on y souligne (d'une manière ironique) la splendeur des tapis recouvrant le sol, la richesse des vases et des coupes, la présence de musiciens et de musiciennes, tout autant que l'incroyable diversité des mets offerts aux invités : diversité bien digne en effet de celle que Polyen (IV. 3. 32) détaille à propos des banquets royaux perses (Lewis 1987), ou de celle que célèbre lui-même Ashurbanipal (ANET3 : 558-560) !

En Kotys, nous avons un exemple de ces petits princes et dynastes qui rêvaient d'imiter la tryphè perse, symbole et gage de la prospérité et du pouvoir (Briant 1989a). L'adoption des manières de table est l'un des éléments de ce processus 44. Nul doute que le paradis et les chasses en étaient d'autres 45. En Asie Mineure même, les paradis de chasse perses de Daskyleion (Xénophon, Hell. IV. 1-16), de Kelainai (Id. Anab. I. 2. 7-9), de Zélée (Strabon XIII. 1. 17) ou de Sardes (Diodore XIV. 80 ; Xénophon, Econ. IV. 18-25) étaient bien

44- Voir en particulier Thucydide I. 130. 1 (la Table de Pausanias "est servie à la mode perse"). Voir également Briant 1985 : 57-58.

45- Voir, à une époque plus haute, l'exemple de Polycratès de Samos qui créa un jardin à l'imitation du paradis de Sardes, et en rivalité avec lui ; aux yeux de Cléarque (ap. Athénée XII. 540. e-f), cette décision révèle le goût du luxe du tyran, fasciné qu'il était par les moeurs lydiennes. Le même Cléarque soulignait d'ailleurs qu'afin de de procurer de l'ombre, les Lydiens se réfugiaient dans leurs paradis et jardins (paradeisoi kai kèpoi) : il considérait cette pratique comme une preuve une preuve de la tryphè des Lydiens (XII. 515e). Bien donc que l'on sache que les paradis pré-existaient à la conquête perse en Asie Mineure (Strabon XIII. 1. 17), il paraît clair que cette rivalité de Polycratès avec Sardes s'inscrit dans le cadre plus large des rapports conflictuels entre le tyran (qui prend le pouvoir dans les années 540) et le satrape de Sardes, Oroitès [Hérodote III. 120-125] : c'est bien d'ailleurs au "luxe emollient' que l'auteur attribue la défaite de Polycrate devant les Perses (XII. 541a : récit romancé). (On peut comparer avec la rivalité dans la recherche du luxe (considérée comme typique des Perses) qui, selon Théopompe [Athénée XII. 531a ; Elien, VH 7. 21, opposa Straton de Sidon et Nicoclès de Salamine de Chypre).

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connus des Grecs et des princes autochtones. On sait, à travers l'exemple lycien, à quel point les dynastes locaux ont cherché à adopter les moeurs et l'éthique perses, pour s'assimiler à l'ethno- classe dominante 46. Les représentations figurées d'Asie Mineure perse attestent à la fois de l'importance de la chasse chez les nobles Perses de la diaspora impériale 47 et de la diffusion de ce modèle idéologique chez les dynastes soumis plus ou moins directement à la tutelle perse 48. Il ne serait donc pas extraordinaire que dans leur pays, marqué lui aussi par l'influence achéménide depuis la fin du Vie siècle, les rois macédoniens aient adapté le modèle des paradis et des chasses perses, bien antérieurement à la conquête d'Alexandre.

5.4. Chasses au lion en Macédoine ?

5.4.1. Reste à envisager le problème de l'existence de chasses au lion en Macédoine avant Alexandre. On notera d'abord que le lion - qui figure également sur la cuirasse retrouvée dans la Tombe 2 de Vergina, et sur un trône découvert récemment dans une autre tombe (Touchais 1988 : 651) - est représenté sur de nombreuses monnaies de rois macédoniens, qui entendaient en particulier exalter leurs rapports avec Héraklès (Helly 1969 : 274 et n. 1), lui-même appelé fréquemment appelé Kynagidas en Macédoine (Edson 1934 ; Kalléris

46- On ne citera pas ici l'ensemble de la bibliographie sur l'influence perse en Lycie : cf. Asheri 1983.

47- Sur des scènes de chasse représentées sur des stèles, cf. rassemblement des documents chez Metzger 1970 ; depuis lors, cf. Radt 1983 ; Altheim-Stiehl/Metzler/Schwertheim 1983 ; Cremer 1984. Scènes de chasse sur des cachets : cf. Boardman 1970 ; Seryrig 1952 ; Richter 1952 ; Francfort 1975.

48- Catalogue des scènes de chasse à la panthère sur des reliefs d'Asie Mineure achéménide chez Borchardt 1968 : 166-171. Scènes de chasse sur les sarcophages lyciens, cf. Demargne 1974 : 57-58 (sanglier), 69-70 (cerf, ours), 95-96 (panthère ?), 100-102 (sanglier) ; Demargne, dans Demargne-Childs 1989 : 253 sq. insiste à juste titre sur l'importance de la chasse au sanglier ; mais je ne vois pas pourquoi, un peu plus loin (ibid. 280), le même auteur affirme, à propos de la chasse au sanglier : "C'est vraiment là la chasse du dynaste, comme c'est ailleurs la chasse des souverains orientaux, à commencer par celle des Achéménides". - Scènes de chasse sur les peintures de la tombe de Kizilbel (datées de 525) : Mellinck 1979 (y compris une chasse au lion, mais sans influence iranienne).Voir également les remarques de Ratté 1989 : 390, et, ici même, l'étude de B. Tripodi.

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1954 : 227-228). Les revers de plusieurs monnaies royales portent un protomè de lion : Alexandre I-Perdiccas II (Head 1879 : n° 1-14, 18- 29), Archélaos II (n° 2-3), Pausanias (n° 2, 4-7) etc. 49.

Il est vai, comme Га rappelé justement L. Robert (1949 : 127, n. 3), que "la représentation d'un lion sur les monnaies n'a rien à voir avec la présence d'un lion dans la région". Mais, dans certains cas, les témoignages numismatiques sont confirmés par des textes littéraires (cf. Helly 1969). Or, on doit souligner, à la suite de tous les commentateurs, que l'existence de lions en Macédoine est formellement attestée par Hérodote (VII. 125-126), qui témoigne de leur présence dans l'arrière-pays de la Crestonie à l'époque de l'expédition de Xerxès. Hérodote précise que "les limites de l'habitat des lions sont le Nestos, qui coule chez les Abdéritains, et l'Acheloos qui coule chez les Acarnaniens ; nulle part dans toute la partie de l'Europe qui est en avant du Nestos du côté de l'aurore on ne peut voir un lion, ni dans le reste du continent à l'ouest de l'Acheloos ; ce n'est qu'entre ces deux fleuves qu'il y en a". L'information d'Hérodote est reprise par Xénophon (Суй. 11), Aristote (Hist. An. VI. 5. 4-5), Pline (NH VIII. 45), Pausanias (VI. 5. 4-5) et Elien (NA. 17. 36) so.

Que des chasses au lion aient pu être organisées dans ces régions, c'est ce que suggèrent plusieurs documents :

*Pausanias (loc.cit.) raconte l'histoire du Thessalien Polydamas, "l'homme le plus grand de l'âge où nous vivons". Il rapporte que ce célèbre athlète , "dans les environs de l'Olympe, sans aucune arme, tua un lion grand et vigoureux". La renommée de ses exploits athlétiques et cynégétiques parvint jusqu'à la cour de Darius II, qui le fit venir à Suse : devant le Grand Roi et sa cour, il mit à mal trois Immortels. Certains de ses exploits furent sculptés sur une base, accompagnée d'une inscription, l'une et l'autre disposées à Olympie (cf. Helly 1969 : 278-281).

* L'existence de la chasse au lion dans les pays proches de l'Olympe est confirmée par certaines monnaies de Gonnoi de Thessalie. Trois exemplaires de ce monnayage représentent "un lion passant, crinière déployée, comme à la recherche d'une proie" ;

49- Selon Baldus 1987, le lion était également figuré sur le sceau royal de Philippe II.

50- Les dénégations de Stamatiou (1988 : 210, n. 2) me paraissent totalement invalides.

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ces monnaies "sont très probablement contemporaines de la chasse au lion conduite par Polydamas dans l'Olympe " (Helly 1969 : 272, 285).

* Parlant, comme Hérodote (VII. 125), des lions qui descendent des montagnes dans la plaine, Xénophon (Суп. 11) oppose deux types de chasse. Certains chasseurs se contentent de les détruire à l'aide de poison ou de pièges. Parfois aussi, "les lions , qui descendent dans la plaine pendant la nuit, se voient interceptés par des cavaliers en armes, mais ils font courir des dangers à ceux qui les capturent". Etant donné que Xénophon ne cite que des montagnes de Grèce du Nord et de Macédoine (Pangée, Kittos, Olympe et Pinde : cf. Helly 1969 : 276, n. 3), il est tentant de supposer qu'il fait référence à des cavaliers macédoniens.

5.4.2. Il demeure qu'aucun texte ne fait expressément allusion à une chasse au lion conduite en Macédoine. Plusieurs épigrammes de YAnth.Pal. (VI. 114-116) illustrent plutôt le courage et la valeur de Philippe V dans les combats qu'il mena contre des taureaux sauvages de l'Orbélos et qu'il tua de son épieu (Edson 1934). Un autre Macédonien, Peukestès, est loué pour avoir tué un taureau sauvage de "sa lance péonienne "(IX. 300). Une autre épigramme (VI. 240) fut composée en l'honneur d'un roi "très noble" qui a consacré à Artémis "guetteuse de bêtes, archère", "un sanglier qui hante les montagnes". Ce roi est probablement le roi thrace Rhoimétalkas III, qui régna peu avant la transformation du pays en province romaine (Robert 1982). Le sanglier "est..., peut-on dire, l'animal national" en Thrace (ibid. 144). La chasse au sanglier était également populaire en Macédoine, comme l'indique le passage d'Hégésandros déjà plusieurs fois cité, ainsi qu'un panneau de la Chasse de Vergina.

5.4.3. D'une tout autre importance historiographique est un statère d'Amyntas III, ainsi décrit par Babelon (1907 : 491-492) : "Cavalier macédonien au galop à dr. ; il est imberbe, coiffé de la causia, vêtu d'une tunique serrée à la taille, la chlamyde flottant sur les épaules ; de la main g. il tient la bride de son cheval et de la dr. il brandit un javelot. Rev. AMYNTA. Lion à g. brisant dans sa gueule un javelot dont la pointe lui a percé la patte. C.cr.". Dans son commentaire, Babelon écrit : "Si l'on rapproche le droit du revers, on peut croire qu'il s'agit d'une chasse au lion, et que le lion broie entre ses dents le javelot que lui a lancé le cavalier", et il remarque : "Une scène analogue forme le type des monnaies de Cardia, dans la

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Chersonese de Thrace". Cette interprétation fut reprise, d'une manière encore plus ferme, par Gaebler (1935 : 160, n° 6). On la retrouve chez Hammond (1972 : 180 ["apparently"] ; 1989a : 224, n. 30) et, d'une manière plus argumentée chez Greenwalt (1988 : 39-41 ; 1989).

L'interprétation pose un problème méthodologique bien connu. D'une manière générale, les numismates refusent d'établir un lien narratif entre le droit et le revers d'une monnaie. Le cavalier à la lance (ou à l'épieu) est un type monétaire macédonien très répandu (Picard 1986 : 68-70 ; cf. Goceva 1986). Quant au thème du lion blessé, on le repère ailleurs (cf. Imhoof Blumer-Keller 1889 : 5), y compris en Macédoine : on retrouve en particulier le lion brisant une lance dans ses mâchoires au revers d'une monnaie de Perdiccas III ; au droit, est figuré Héraclès coiffé de la léontè (Head 1879 : 175, n.2). Il est vrai qu'en l'occurrence, on pourrait lier logiquement le revers et le droit, en considérant qu'ici Héraclès est présenté comme un chasseur de lion. Mais, un examen des monnaies macédoniennes montre rapidement en réalité que la présence d'Héraclès au droit n'est pas lié systématiquement à une scène de chasse. Quant au motif du lion brisant une lance dans ses mâchoires, c'est un motif très répandu sur le monnayage de différentes cités grecques (cf. Imhoff Blumer-Keller 1889 : 5). Enfin, sur certaines émissions du Koinon macédonien d'époque impériale, c'est sur le droit seul que sont figurés le cavalier et le lion qu'il atteint de sa lance (cf. Picard 1986 : 70 ; y ajouter Gaebler 1935 : 558b [souvenir d'Alexandre]).

Numismatiquement parlant, la monnaie d'Amyntas III constitue donc en quelque sorte un hapax. La co-existence de l'un et l'autre motifs (cavalier/lion) sur la môme monnaie constitue-t-elle un cas spécifique, qui justifie une interprétation particulière ? Tel est le point de vue explicité par un numismate aussi avisé que J. Zahle. Il juge en effet qu'il y a des exceptions à la règle que se sont fixée les spécialistes des monnaies. Il part d'une monnaie d'Aspendos (fin Ve- début IVe s.) qui au droit, représente un cavalier brandissant une lance de la main droite, et au revers un sanglier percé d'une lance, du sang s'écoulant sur le sol. Tout en rappelant que "a narrative link is extremely rare on Greek coins", il juge qu'ici le lien est indéniable. Pour fonder son argumentation, il s'appuie sur des rapprochements avec trois autres cas. Il se réfère à une monnaie de Corinthe et à une

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monnaie thessalienne et, bien entendu, il ne manque pas de citer la monnaie d'Amyntas (1987 : 120).

Pour Greenwalt , ce type monétaire illustre la volonté d'Amyntas d'asseoir son autorité face à ses rivaux. Tout en reprenant l'image du cavalier à la lance et celle du lion déjà connues sur des monnaies de ses prédécesseurs, il a consciemment établi un lien entre le cavalier et le lion. Greenwalt (1988 : 40) suppose que "le droit et le revers se réfèrent à un mythe qui avait quelque rapport avec la légimité royale dans la Macédoine argéade. Il est également possible que ce statère avait également pour fonction de glorifier les luttes d'Amyntas pour s'assurer le pouvoir". Il est d'autant plus intéressant, dans cette hypothèse, de remarquer que le roi a choisi le thème de la chasse royale au lion. Par ailleurs, dans une autre étude (1985), le même auteur a supposé que l'introduction définitive du roi mythique Karanos dans la généalogie dynastique date elle aussi d'Amyntas III. Or, dans la légende royale de Karanos qu'il rapporte, Pausanias (IX. 40. 7) introduit également le motif du lion "descendant de l'Olympe" 51.

6-Bilan de la discussion

J'ai affirmé, dès le départ, que je n'entendais pas proposer une datation ferme de la Chasse de Vergina, dans la mesure où elle ne constitue elle-même qu'un élément de datation parmi d'autres de la Tombe 2. L'enquête et la discussion que j'ai menées ne m'incitent guère à déroger à cette règle méthodologique. Si les analyses que j'ai présentées ont un mérite, c'est sans doute de rappeler les historiens et les archéologues au devoir de prudence critique. Je veux dire que les éléments documentaires et interprétatifs rassemblés ici peuvent donner lieu à double lecture.

On peut relever toute une série d'indices apparemment concordants qui suggèrent que le thème de la chasse au lion n'était pas étranger aux conceptions macédoniennes d'avant 334. D'autre part, l'influence perse dans la Macédoine de ce temps est difficilement niable. Force est bien de reconnaître cependant que nous disposons surtout d'arguments de vraisemblance qui, même

51- Partant de ce témoignage, Reinach (1918 : 353-362) a émis l'hypothèse d'un culte d'un dieu-lion macédonien dans l'Olympe : mais, la démonstration paraît insuffisamment étayée.

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convergents, ne constituent pas des preuves à proprement parler. Le seul témoignage qui pourrait emporter la décision est la monnaie d'Amyntas III. Mais, peut-on vraiment affirmer que ces documents [le passage d'Hérodote sur les lions et la monnaie d'Amyntas] suffisent pour affirmer que "la chasse au lion n'était pas particulière à l'Asie" (ainsi Hammond 1989a : 224, n. 30) ? Tel est bien le problème.

Certes, on peut ajouter que , dans le contexte troublé de l'assassinat de Philippe H, le message délivré par la fresque était clair : l'affirmation d'une collaboration étroite entre le père et le fils lors d'une chasse au lion était tout à fait précieuse pour le jeune prince aux prises avec de graves oppositions intérieures . En imposant le thème royal par excellence de la chasse au lion, Alexandre rendait éclatant, aux yeux de tous, que sa position d'héritier était incontestable : non seulement en raison de son courage physique, mais aussi en raison d'un choix explicite affirmé par son père. Bien des textes attestent que la version officielle voulait imposer ce point de vue 'légitimiste'. Ajoutons que la fresque était disposée dans un lieu stratégique, dès lors que l'on rappelle que la conduite des cérémonies funèbres constituait une étape essentielle de légitimitation du nouveau roi (Briant 1973 : 318-319). Mais, une telle interprétation - aussi séduisante soit-elle - reste fondée sur des identifications qui, elles-mêmes, ne sont rien d'autre que des hypothèses.

Face à ce faisceau de vraisemblances, les partisans de la thèse adverse ne manqueront pas de mettre en doute l'interprétation politique de la monnaie d'Amyntas, en soulignant les difficultés méthodologiques. Il convient également de souligner, comme le fait si bien B. Tripodi (1991), que le contexte funéraire pose des problèmes chronologiques, qui peuvent être résolus plus simplement par une datation postérieure à la mort d'Alexandre. En tout état de cause, on ne peut non plus manquer de mettre en évidence l'inégale répartition chronologique de la documentation : le thème de la chasse au lion est concentré d'une manière très frappante dans des textes et représentations figurées qui datent de l'époque d'Alexandre et des diadoques ; à l'époque antigonide, en revanche, le roi est plutôt présenté comme un chasseur de sangliers ou de taureaux 52 - motif

52- II est vrai que, pour des raisons déjà exposées (ci-dessus p. 226 et n. 11 et 27), il peut y avoir discordance entre les réalités cynégétiques et les motifs de l'idéologie monarchique. Remarquons par exemple que dans un récit d'Hérodote (I. 37; cf. ci-dessus n. 10), le fils du roi lydien

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repris dans la propagande de Séleukos (cf. 4.4.1), dont on connaît la volonté de se relier aux traditions macédoniennes. Manifestement, le thème de la chasse au lion n'a jamais eu en Macédoine la diffusion qu'il a connue au Proche-Orient. Dans ces conditions, il est tentant de conclure que l'auteur de la Chasse de Vergina s'est inspiré d'un modèle né dans l'entourage d'Alexandre en continuité avec un modèle achéménide.

Pour l'instant, je préfère cependant rester dans une prudente expectative, dans l'attente d'arguments proposés par d'autres chercheurs. Je pense là particulièrement aux spécialistes de l'iconographie grecque, orientale et gréco-orientale 53. Je me contenterai ici de quelques remarques sous forme d'ébauche. A première vue, il paraît clair d'abord que, tel qu'il s'exprime à Vergina, le thème de la chasse au lion n'a pas grand chose à voir avec les représentations connues du Grand Roi chasseur ou 'maître des animaux'. Même si l'on sait que le Grand Roi - à l'instar d'Ashurbanipal 54 - n'hésitait pas à chasser à cheval, il n'en reste pas moins qu'il est le plus souvent représenté dans une position hiératique 55. Or, dans les attitudes des différents personnages de Vergina, rien ne rappelle les représentations de cet art aulique achéménide. On est tenté de conclure que, s'il s'agit bien de Philippe

veut affirmer ses vertus royales en chassant le sanglier, alors que le motif léonin est bien attesté chez les Mermnades, aussi bien par la numismatique que par la sculpture (cf. Wallace 1986 ; Ratté 1989). Il n'en reste pas moins que la distribution chronologique des témoignages macédoniens paraît très nette : aucun texte antigonide n'est construit sur le motif de la chasse royale au lion.

53- Voir ici même les études d'A.M. Prestianni Giallombardo et de B. Tripodi.

54- Sur les différentes positions du roi assyrien (à pied/ à cheval/ sur son char/ en bateau), voir Magen 1986. -Notons au passage que, sur l'une des peintures pariétales de Kizilbel (vers 525), est figurée une chasse au sanglier, se déroulant en bateau dans des marais (Mellinck 1979 : 483).

55- Cf. en particulier la position solennelle et figée que le Roi doit tenir sur son char : Diodore XVII. 34. 6 (ton para Per sais... потоп) ; voir également Quinte-Curce III. 3. 15 (... quo ipse eminens vehebatur), IV. 1. 1 (curru sublimis inierat proelim). C'est très exactement la posture qu'on lui attribue sur les représentations figurées (empreintes et cachets : cf. cachet de Darius).

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DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 243

et d'Alexandre, ils sont représentés 'à la macédonienne', dans une posture qui rappelle étrangement l'iconographie du 'cavalier à la lance' macédonien. Si emprunt perse il y a eu, il a été adapté aux conditions locales 56, comme il le fut dans l'art 'gréco-perse' d'Asie Mineure, où l'on retrouve un motif proche 57. On pourrait alors suggérer que l'adaptation a pu se faire d'autant plus facilement que la pratique de la chasse royale dans les paradis était bien implantée en Macédoine et que les thème et motif du roi-chasseur n'y étaient pas inconnus avant même les conquêtes d'Alexandre ...

Pierre BRIANT 20 mars 1991

56- Voir les judicieuses remarques de B. Tripodi (ce volume) sur le Vase de Kertch ("Forma ellenica e contenuto orientale"), et, sur ce même document, les analyses de Barnett 1986 : 24-25. Egalement, sur un plan plus global, les analyses pénétrantes de Root 1990. -Voir aussi Rodenwalt 1933 : 1038 sur la 'traduction' en grec de motifs perses sur la frise Ouest du Monument des Néréides de Xanthos, ou encore la conclusion de Childs 1978 : 108 : "As all Lycian art, the city-reliefs are of Oriental inspiration presented in the form of Greek representational art".

57- Sur beaucoup de stèles et de reliefs 'gréco-perses' d'Asie Mineure , le chasseur - cette fois vêtu à la perse - est fréquemment monté sur un cheval et brandit sa lance (ou son javelot) de la main droite contre la bête (le plus souvent un sanglier ou un cerf) : voir Macridy 1913 : 356 (Cavuskôy); Hermary 1984 : 298-299 (Silifke) ; Altheim- Stiehl\Metzler\Schwertheim 1983 : 7; Radt 1983 : 55-57 ; Cremer 1984 : 87 ; Borchardt 1968, Taf. 55.2 (Limyra) etc. La représentation du chasseur à cheval est également fréquente sur les cachets et sceaux 'gréco-perses' fabriqués dans les ateliers d'Asie Mineure (cf. Boardman 1970 ; Francfort 1975).

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244 Pierre Brian t

La 'Chasse au lion1 de Vergina

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La 'Chasse au lion' de Messène

Statère d'Amyntas III Pièce de bronze de Perdiccas III

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DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 245

Plaquette d'ivoire de Ziuiye, champ supérieur : lutte d'un héros contre un lion.

Ashurbanipal à la chasse au lion

Le Grand Roi 'chassant' le griffon

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246 Pierre Briant

Empreinte d'un cylindre gravé achéménide : le héros royal triomphe de sphinx et de lions. P. Morgan Library, New York.

Empreinte d'un cylindre gravé achéménide, avec inscription de Darius Ier, découverte à Thèbes. British Museum, Londres.

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Résumé

L'article s'attache à analyser les éléments qui, dans la Chasse au lion de Vergina, évoquent les réalités achéménides et les réalités macédoniennes. Bien que les premières soient particulièrement prégnantes, il convient en même temps de ne pas négliger l'impact d'institutions et de représentations royales macédoniennes antérieures à Alexandre. L'étude s'insère dans une recherche sur les inter-réactions entre la Macédoine et l'Empire achéménide avant et après la conquête d'Alexandre, et elle présente quelques suggestions sur la datation de la fresque.