Vaccins et maladies autoimmunes Thierry MARTIN Immunologie Clinique Médecine Interne Centre de référence National des Maladies Autoimmunes Rares CNRS UPR 3572 T MARTIN JMS 2014
Vaccins et maladies autoimmunes
Thierry MARTINImmunologie Clinique Médecine InterneCentre de référence National des Maladies
Autoimmunes RaresCNRS UPR 3572
T MARTIN JMS 2014
Vaccin et autoimmunité
• Les vaccinations peuvent elles provoquer des maladies autoimmunes ?
• Peut on vacciner les patients atteints de MAI ?(efficacité vaccinale et sécurité)
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Vaccination et Effets Indésirables:post hoc propter hoc !
• Si à une date donnée, la population générale recevait un placebo au lieu du vaccin contre A(H1N1)V, on observerait– Sur 106 individus, dans les 6 semaines suivant l’injection
• 21 cas de Guillain‐Barré
• 86 cas de névrite optique
• 6 morts subites inexpliquées
– Sur 1 x 106 de femmes enceintes• 397 avortements spontanés dans les 24h
• 16 700 avortements spontanés dans les 6 semaines suivant l’injection
Steven Black, Lancet 2009, T MARTIN JMS 2014
Vaccins et MAI• La prévalence des MAI est d’environ 5 % en Europe Occidentale et en Amérique du
Nord.
• Leur incidence individuelle tend à augmenter significativement au cours des dernières années : diabète de type I et sclérose en plaques.
• Certaines MAI se développent préférentiellement dans des groupes d’âge qui sont concernés par des programmes de vaccination. Par conséquent, dans le contexte de l’augmentation des vaccinations, on peut s’attendre à des coïncidences.
• Les patients atteints de MAI ont un risque accru d’infections (Cervera R et al, Medicine 2003 ‐Wolfe et al, A&R 2002 ‐ Steen VD et al, ARD 2007)
• Les relations vaccination et auto‐immunité posent néanmoins une deuxième question très pratique, à savoir : peut‐on vacciner les patients atteints d’une maladie auto‐immune ? Cette question se pose en terme d’efficacité de la vaccination, mais également de sécurité, c’est‐à‐dire une vaccination peut‐elle aggraver une maladie auto‐immune préexistante ?
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Qu’est ce que l’autoimmunité ?
• L’auto‐immunité est le développement d’une réaction immune dirigée contre les antigènes du soi.
• autoAc et /ou des LyT autoréactifs.
• Cependant, cette réaction n’est pas toujours pathologique et n’est en fait même pas un événement rare. En effet, tous les sujets sains ont des lymphocytes T et B auto‐réactifs mais qui restent quiescents (i.e. inactifs) dans des conditions normales.
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Quelles sont les causes des maladies autoimmunes ?
• Facteurs génétiques:– Ex le lupus: 10 à 15% des patients ont un autre membre de leur famille atteint.
– Concordance chez les jumeaux monozygotes: 40%
• Facteurs environnementaux:– Tabac– UV– Médicaments– Agents infectieux
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Comment une infection peut elle induire une pathologie autoimmune ?
• Antigène spécifique: « mimétisme moléculaire » ; il existe une similarité moléculaire entre des molécules microbiennes et des antigènes du soi. Ex: les syndromes de Guillain‐Barré qui apparaissant au décours d’une infection, en particulier à Campylobacter jejuni, sont vraisemblablement la conséquence de la production d’auto‐anticorps réagissant de manière croisée avec le LPS bactérien et différents gangliosides présents à des concentrations élevées dans les nerfs périphériques
• Activation « collatérale non spécifique »: activation des récepteurs du système inné, démasquage d’autoantigène, production de cytokines.
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Activation « non spécifique » d’un Ly B par TLR (récepteur Toll like)
: TLR
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Infection et autoimmunité: le cas des facteurs rhumatoides
T Martin et al J Clin Invest 2005T MARTIN JMS 2014
Tous les sujets ont‐ils le même risque de développer une MAI ?
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Tous les sujets ont‐ils le même risque de développer une MAI ?
• Non. Il existe une prédisposition génétique qui à l’heure actuelle ne peut être étudiée en pratique en raison de sa complexité
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Un vaccin peut il déclencher une MAI ?
• Même si la littérature médicale fourmille d’infirmations et d’affirmations concernant cette question, une telle association n’a pu être démontrée que dans de très rares cas.
• En 1976‐1977, une forme de syndrome de Guillain‐Barré a été associée àune campagne de vaccination antigrippale aux U.S.A. (risque estimé : 1/100000). Par la suite, l’augmentation du risque n’a pu être retrouvée de manière significative au cours des autres campagnes.
• Des thrombopénies auto‐immunes ont été également décrites au décours des vaccins contre la rougeole‐rubéole‐oreillons. La fréquence est estimée à 2,6/100000, cependant il faut garder à l’esprit que le risque de thrombopénie au décours d’une rubéole naturelle est de 1/3000 et au décours d’une rougeole de 1/6000. Les sujets ayant une histoire de PTI n’ont pas de risque de récidive.
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Quid de vaccin HBV et SEP ?• La possibilité d’une association entre la vaccination
contre le virus de l’hépatite B et le développement d’une sclérose en plaques a été soulevée pour la première fois en France au cours d’une campagne de vaccination de masse entre 1995 et 1997. Ceci a conduit en France à un arrêt temporaire de la vaccination en 1998. Par la suite, de nombreuses études et données épidémiologiques n’ont pas confirmé ce risque. En particulier, deux grandes études publiées récemment dans le « New England Journal of Medecine » ont montré que la vaccination contre le virus de l’hépatite B :– n’augmente pas le risque de poussée chez les patients atteints de
sclérose en plaques ;– n’est pas associée à une augmentation du risque significatif de
développer cette maladie.
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Surveillance postmarketing de la vaccination anti‐grippale A (H1N1) en Chine
(New Engl J Med 2011)
• Sept 2009 à Mars 2010
• 89,6 x 106 doses administrées.
• 6552 effets secondaires vérifiés (73,1/106 doses)– 1083 sérieuses: réactions immuno‐allergiques
– Tous les cas d’anaphylaxies sont survenus le jour même de la vaccination ( en moyenne 10 min [2‐90])
• 11 cas de Guillain‐Barré (0,1/106) = inférieur au taux basal en Chine.
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Vaccination anti‐HPV(Cervarix, Gardasil)
• Etude réalisée par l’Afssaps et La Cnamts(cadre PGR)
• 6 millions de jeunes filles
• Pas d’augmentation du risque de maladie autoimmune après 2 ans de suivi
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Sécurité vaccinale chez patients atteints de MAI
• Vaccination antigrippale, la mieux étudiée:– Pas d’influence sur l’évolution du lupus, de la polyarthrite rhumatoïde ou de la SEP
• Risque rénal: – Toute vaccination peut induire la formation de complexes immuns circulants qui peuvent se déposer au niveau des glomérules
– Si anomalie de la clairance de ces complexes et atteinte glomérulaire active (lupus): risque d’aggravation de la néphropathie glomérulaire
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conclusions
• Complications vaccinales sont très rares en particulier avec vaccins non vivants
• Le risque de développer une MAI est très faible sinon nul et en tout cas inférieur à celui au décours de la maladie infectieuse.
• Respecter les contre‐indications
• Mesurer le rapport bénéfice/risque
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EULAR recommendations for vaccination in adult patients with
autoimmune inflammatoryrheumatic diseases
2011Ann Rheum Dis
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– Les indications des vaccins dans la population générale s’appliquent en général aux patients atteints de MAI à l’exception des vaccins vivants.
– L’efficacité des vaccins en termes de production d’anticorps protecteurs a étédémontrée par de nombreuses études en particulier pour les vaccins contre la grippe et le pneumocoque
– Néanmoins aucune étude contrôlée randomisée n’a évalué leur efficacité avec des end points cliniques
– La probabilité qu’un vaccin puisse induire une poussée de MAI voire en induire une de novo est vraisemblablement très faible voire nulle et un tel lien de cause à effet n’a jamais été démontré.
– La plupart des études ont évalué l’efficacité vaccinale mais ne sont pas suffisamment puissantes pour évaluer spécifiquement ce risque.
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Evaluation des recommandations
• Niveau de preuve
• Force de recommandation
• Vote Delphi
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Category Evidence
Ia Meta‐analysis of randomized controlled trials
Ib Randomized controlled trial
II Prospective controlled intervention study without randomization
III Decsriptive/analytic study (including case‐control, cross‐sectional, case series)
IV Expert committee reports or opinion or clinical experience of respected authorities or both
Strength Based on
A Category I evidence
B Category II evidence or extrapolated recommendations from category I evidence
C Category III evidence or extrapolated recommendations from category I or II evidence
D Category IV evidence or extrapolated recommendations from category II or III evidence
Evidence categories and strength of recommendations
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(1) Vérification du statut vaccinal( ‐; force de recommandation D; vote 9,5)
– Tetanos, diphtérie, polio, coqueluche, pneumocoque, rougeole, oreillon, rubéole, méningocoque, grippe, papillomavirus, hépatites A/B, Haemophilus influenzae B (HiB)
– Rechercher effets secondaires et éventuelles poussées après vaccination
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Les vaccins doivent être administrés dans la mesure du possible lorsque la maladie est en phase quiescente
(‐; D; vote: 8,88)
• Aucune étude n’a comparé l’efficacité et les effets secondaires chez des patients avec MAI quiescente ou active
• La plupart des études de vaccinations ont inclus des patients en phase quiescente
• Les études qui ont inclus des patients actifs n’ont pas détectéd’effets II, de poussée ou d’efficacité réduite
• Mais nombres de patients trop faibles pour conclure
• Risque théorique
Louie JS, Ann Intern Med 1978Ristow SC, Ann Intern Med 1978Zycinska K, J Physiol Pharmacol 2007
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Les vaccins vivants doivent être évités dans la mesure du possible chez les patients immunodéprimés
(IV; D; 9,25)
– Le niveau d’immunosuppression exposant au risque d’infection vaccinale n’est pas connu
– Vaccin ROR sans risque chez enfants 2 ans après greffe de moelle/ vaccin varicelle OK chez enfants VIH avec CD4> 200/mm3.
– Eviter dans la mesure du possible chez patients sous immunosuppresseur
– ROR, vaccins VZV (varicelle et Zona) peuvent être des exceptions chez patients MAI modérément immunodéprimés (corticothérapie < 14 j ou < 20 mg/j, MTX < 0,4 mg/kg/sem, Imurel< 3 mg/kg/j) ; à évaluer au cas par cas (ACIP, EULAR 2011).Cf $9.
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Les vaccins peuvent être administrés en même temps que les immunosuppresseurs classiques et anti‐TNFαmais avant les
thérapies entrainant une déplétion des LyB (anti‐CD20)( II; B; 9,13)
– Risque de réduction d’efficacité: le plus souvent sans conséquence clinique
– Etudié au cours de la PR, du LED, de la SSc et des vascularitesANCA
– Vaccinations: grippe, tetanos, pneumocoque, HBV, et Haemophilus influenzae b.
– Sauf pour rituximab !!!: administrer vaccin 4 semaines avant anti‐CD20 ou au moins 6 mois après dernière cure (et au moins 4 sem avant la suivante).
Gelink et al ARD 2007Oren et al ARD 2009Bingham et al A&R 2010T MARTIN JMS 2014
La vaccination anti‐grippale (saisonnière et pandémique) est fortement recommandée
(II‐III; B‐C; 9,0)
• Patients MAI ont un surrisque de mortalité par infection pulmonaire
• La vaccination réduit le risque d’hospitalisation et de décès de grippe/pneumonie chez patients âgés atteints de connectivite et de vascularite
• Efficace au cours de PR, LED, vascularite ANCA, SSc même si traitement par DMARD ou anti‐TNF
• Effets secondaires = population générale; mais pas d’étude suffisamment puissante
• Pas d’étude avec virus H1N1 au cours de MAI
• Méta‐analyse: pas d’augmentation du risque de MAI avec vaccin + MF‐59 (Pellegrini et al Vaccine 2009)
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La vaccination anti‐pneumococcique est fortement recommandée (Ib‐III; B‐C; 8,19)
– Patients MAI ont un surrisque de mortalité par infection pulmonaire
– Pneumocoque est un des principaux pathogènes impliqués
– Vaccination entraine une réponse adéquate ou légèrement réduite chez patients PR, LED, rhumatisme pso., SA, et SSc qu’ils soient ou non sous immunosuppresseur y compris MTX + anti‐TNF
– Vaccination semble sans risque.– Protocole: Prevenar + Pneumo23 (> 8 sem)
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Les recommandations concernant la vaccination anti‐tétaniquesont les mêmes que pour la population générale
(II; B‐D; 9,19)
• Réponse bien étudiée au cours du LED et de la PR àpopulation normale
• Vrai également pour patient traité par RTX après S24
(Bingham et al, A&R 2010)
• En cas de blessure potentiellement contaminante chez un patient sous rituximab (dernière cure < 24 sem), administrer des Ig spécifiques.
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La vaccination contre herpes zoster (zostavax) peut être envisagée
• Vaccin vivant atténué
• Les patients atteints de PR, LED, vascularites ANCA+, DM/PM ont un risque plus élevé de zona
• Ce risque augmente encore avec les traitements immunosuppresseurs en particulier avec cyclophosphamide, azathioprine et leflunomide mais peut être pas avec le MTX (Salliot et al ARD 2008)
• La vaccination réduit le risque de zona et de douleurs post‐zosteriennes chez les sujets de plus de 60 ans. Pas évalué au cours des MAI.
• Administrer si immunosuppression modérée: corticothérapie < 20 mg/j, MTX < 0,4 mg/kg/sem, Imurel< 3 mg/kg/j) ; à évaluer au cas par cas (avis d’expert, non évalué ACIP, EULAR 2011)
• Il est recommandé de ne l’administrer que chez les patients seropositifs pour VZV afin d’éviter une primo‐infection varicellienne (expert opinion)
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La vaccination anti‐papillomavirus peut être envisagée dans un groupe particulier
(III; C‐D; 8,4)
Tam et al A&R 2004Nath et al A&R 2007T MARTIN JMS 2014
Chez les patients hypo/aspléniques les vaccinations anti‐grippale, ‐pneumococcique, ‐Haemophilusinfluenzae, ‐méningococcique c sont fortement
recommandées(IV; D; 9,5)
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Les vaccinations contre les hépatites A et B ne sont recommandées que chez les patients à risque
(II‐III; B‐D; 9,13)
• L’incidence des hépatites A et B n’a pas étéétudiées au cours des MAI
• Des réactivations HBV ont été rapportées chez patients MAI sous immunosuppresseurs (dont anti‐TNF): mécanisme ?
• Vaccination effectuée en l’absence d’Acprotecteurs
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Les recommandations pour les voyages sont les mêmes que dans la population générale avec la réserve des vaccins vivants
(pas de niveau de preuve; D; 9,25)
• Pas de donnée sur le risque de contracter des infections liées aux voyages pour les patients MAI
• Vaccin polio oral, typhoïde oral, fièvre jaune: →recommandations pour vaccins vivants atténuées
• Vaccination anticipée ?
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Le BCG n’est pas recommandé(III; C‐D; 9,38)
– L’incidence de la TB est augmentée chez patients en particulier sous corticoïdes ou immunosuppresseurs
– La plupart des cas de TB chez les patients atteints de MAI sont des réactivations de TB latente
– L’efficacité du BCG chez l’adulte n’est pas clairement démontrée
– Risque de BCG‐ite si immunosuppression
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Consultation: conseils pour l’administration de vaccins aux patients atteints de maladies autoimmunes ou de
déficits immunitaires
• Population adulte
• Policlinique de médecine au NHC– Bât B RDC
• RV: 03 69 55 05 18
• Pas d’administration de vaccin
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