UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL ****************** ANNEE 2002 N° THESE POUR LE DIPLOME D’ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE Discipline : Médecine Générale ------------ Présentée et soutenue publiquement le à ------------ Par Mlle CORNUAULT Nadine Née le 27 août 1973 à Laval ------------ TITRE : A PROPOS D’UN CAS DE METASTASE TARDIVE DE CANCER DU SEIN : LE CONCEPT DE TUMEUR DORMANTE PRESIDENT DE THESE : MME S. CASTAIGNE LE CONSERVATEUR DE LA BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE DIRECTEUR DE THESE : M. D. MAYEUR, Signature du Président de thèse Cachet de la bibliothèque universitaire
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UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE
FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL
******************
ANNEE 2002 N°
THESE
POUR LE DIPLOME D’ETAT
DE
DOCTEUR EN MEDECINE Discipline : Médecine Générale
------------
Présentée et soutenue publiquement le à
------------
Par Mlle CORNUAULT Nadine
Née le 27 août 1973 à Laval
------------
TITRE : A PROPOS D’UN CAS DE METASTASE TARDIVE DE CANCER DU SEIN :
LE CONCEPT DE TUMEUR DORMANTE
PRESIDENT DE THESE : MME S. CASTAIGNE
LE CONSERVATEUR DE LA BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE
DIRECTEUR DE THESE : M. D. MAYEUR,
Signature du Président de thèse
Cachet de la bibliothèque universitaire
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REMERCIEMENTS A :
Professeur Sylvie CASTAIGNE, chef du service d’hémato-
oncologie de l’hôpital André MIGNOT de Versailles
Docteur Didier MAYEUR, praticien hospitalier dans le service
d’hémato-oncologie de l’hôpital André MIGNOT de Versailles
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I - INTRODUCTION ......................................................................................................7
II - OBSERVATION ........................................................................................................8
A - Antécédents ............................................................................................................8
B - Histoire de la maladie..............................................................................................9
III - EPIDEMIOLOGIE DES METASTASES TARDIVES DU CANCER DU SEIN ......16
A - La classification TNM et les facteurs pronostiques classiques du cancer du sein....16
1 - La classification TNM.......................................................................................16
2 - Les facteurs pronostiques ..................................................................................17
B - Epidémiologie des métastases tardives. .................................................................23
1 - Fréquence et aspects cliniques des métastases tardives du cancer du sein...........23
2 - Variations de l’épidémiologie en fonction de la classification TNM et du type de
1 - Fréquence et aspects cliniques des métastases tardives du cancer du
sein.
� Fréquence.
Les métastases tardives (apparition plus de 20 ans après le diagnostic initial) sont
rares mais semblent plus fréquentes lorsque la néoplasie initiale est d’origine
mammaire, rénale ou cutanée (32).
Dans de nombreux cas cliniques de récurrence tardive du cancer du sein rapportés
dans la littérature, la relation entre le cancer primitif et les métastases est souvent
difficile à mettre en évidence de part le manque de preuve histologique. La
relation causale est apportée par l’absence de nouvelles néoplasies lors de
l’exploration secondaire à la découverte des métastases et par l’évolution
favorable lors du suivi après traitement.
Déjà en 1876 (10) puis en 1932 (35), des cas de récurrences de cancer du sein,
respectivement 29 et 50 ans après le diagnostic initial, avaient été décrits. Depuis,
de nombreux articles ont été publiés sur des cas de métastases tardives de
néoplasies mammaires mais aucune donnée exacte concernant la fréquence de ces
récurrences tardives (quelque soit la localisation) n’est écrite.
� Aspects cliniques.
Les métastases tardives de cancer du sein se manifestent sous les formes les plus
variées. � Métastase amygdalienne :
En 1999, Tueche et al (49) ont décrit, pour leur part, le cas d’une femme de 71
ans ayant une antécédent de cancer du sein droit traité par mastectomie et
radiothérapie. 24 ans plus tard, lors d’une consultation pour hémoptysies à
répétition et dysphagie, le diagnostic de métastase amygdalienne gauche de
cancer du sein est posé. En effet, l’examen anatomo-pathologique met en
évidence un adénocarcinome peu différencié avec présence de récepteurs aux
oetrogènes et à la progestérone. Biologiquement, le taux de CA 15-3 est
supérieur à 40 fois la normale ( soit 1129 U/ml). Les examens complémentaires
réalisés dans le cadre du bilan ne retrouvent pas de néoplasies associées ni de
24
récidive de cancer du sein. En revanche, ils mettent en évidence des métastases
osseuses disséminées. Ainsi, les métastases amygdaliennes de cancer du sein
sont rares. Seuls 7 cas identiques ont été décrits dans la littérature. Cependant,
ces localisations secondaires amygdaliennes, qui ne représentent que 0.8% des
tumeurs de l’amygdale, sont toujours le premier signe de récurrence d’une
néoplasie mammaire disséminée. De plus, elles sont de très mauvais pronostic
puisque le temps de survie moyen après diagnostic est de 4 mois seulement
(alors même que les métastases tardives de cancer du sein ont un meilleur
pronostic que les récidives précoces).
� Métastase pleurale :
Dans leur étude, en 1993, Mamby et al (32) ont rapporté le cas d’une patiente
de 44 ans traitée par mastectomie et radiothérapie post-opératoire pour un
adénocarcinome infiltrant du sein droit. 39 ans plus tard, elle présente une
récidive sous la forme d’un épanchement pleural droit. Le diagnostic de
métastase tardive de cancer du sein n’ayant pu être apporté formellement par
l’histologie, celui-ci a été posé devant l’absence de nouveaux cancers primitifs
et l’évolution favorable après traitement hormonal. D’après eux, 20% des
récidives de cancer du sein, qu’elles soient tardives ou non, seraient sous forme
d’épanchement pleural et dans 65% des cas, cet épanchement serait du même
coté que le cancer du sein initial. Ceci semble être en faveur d’un
envahissement local mais beaucoup d’auteurs pensent, à l’heure actuelle, qu’il
s’agirait plutôt d’une forme d’envahissement systémique où l’épanchement
pleural ne ferait que précéder les autres sites métastatiques (l’épanchement
étant la conséquence d’une inflammation secondaire à une altération de
l’endothélium des capillaires pleuraux par les cellules cancéreuses).
25
� Métastase digestive :
De nombreux cas de localisations secondaires digestives de cancer du sein ont
été décrit.
Ainsi, en 1985, Gaudin et al (18) rapportaient le cas d’une patiente présentant
une sténose oesophagienne secondaire à une médiastinite néoplasique. Celle-ci
se révélait être une localisation secondaire tardive d’une néoplasie mammaire
traitée plusieurs années auparavant.
En 1990, Maddox (31) relate le cas d’une patiente présentant une appendicite
aigüe associée à une occlusion intestinale secondaires à une métastase digestive
de cancer du sein. Cette présentation rare et tardive se complique fréquemment
de perforation digestive et s’accompagne donc d’une mortalité importante.
L’auteur précise que le caractère exceptionnel de cette localisation secondaire
digestive pourrait devenir plus commun avec l’amélioration de la survie du
cancer du sein, même à un stade avancé.
En 1993, Darcha et al, pour leur part, (11) ont décrit 2 cas de métastases
digestives tardives après un carcinome mammaire. Dans le premier cas, il
s’agissait d’une femme traitée 11 ans plus tôt pour une néoplasie mammaire.
La métastase a été découverte fortuitement lors de l’examen anatomo-
pathologique après traitement chirurgical d’une hernie inguinale. Dans le
second cas, le caractère tardif ou non de la métastase n’est pas connu puisqu’il
s’agissait d’une localisation secondaire rectale d’un cancer du sein méconnu.
D’après les auteurs, l’incidence des métastases gastro-intestinales du cancer du
sein est sous-estimée du fait d’un temps de latence très long et donc d’une
apparition très tardive.
26
� Métastase utérine :
En 1991, Gerber et al (19) rapportent le cas d’une femme de 44 ans traitée par
mastectomie radicale gauche pour cancer du sein. 11 ans plus tard, une
hystérectomie est pratiquée pour ablation d’une probable métastase du corps et
du col de l’utérus. Quelques mois plus tard, la patiente développe une néoplasie
mammaire droite considérée comme un second cancer du sein primitif.
Finalement, l’anatomo-pathologie mettra en évidence que la métastase utérine
cervicale est bien une localisation secondaire tardive du premier cancer du sein
gauche (l’histologie étant identique pour les tumeurs utérine et mammaire
gauche mais différente de la néoplasie mammaire droite).
� Métastase osseuse :
Déjà en 1983, Lopez-Majano et al (30) décrivaient un cas similaire à notre
observation bien que le temps de latence soit beaucoup plus court. En effet, ils
relatent le cas d’une femme de 49 ans ayant subi une mastectomie radicale
gauche. 14 ans après, des localisations secondaires osseuses de la voûte
crânienne sont diagnostiquées et confirmées par l’examen anatomo-
pathologique de biopsies osseuses.
� Métastase cutanée :
3 cas de métastases cutanées tardives (10 à 20 ans après la néoplasie primitive)
de cancer du sein ont été décrits dans les années 80 (41).
En 1993, Nahass (38) décrit également un cas de métastase cutanée 22 ans
après le traitement chirurgical du cancer du sein. Pour l’auteur, les métastases
cutanées tardives du cancer du sein sont très rares mais aussi très tardives (le
temps de latence étant le plus souvent prolongé).
� Métastase neuronale :
En 1991, Artico et al (3) ont décrit un cas très rare de métastase tardive
neuronale 29 ans après la néoplasie mammaire. Il s’agissait d’une localisation
secondaire sur le plexus brachial, découverte fortuitement lors d’une
intervention chirurgicale et confirmée par examen anatomo-pathologique.
27
2 - Variations de l’épidémiologie en fonction de la classification TNM et du
type de traitement
� En fonction de la classification TNM.
Précédemment, il a été vu que plus la taille tumorale augmentait et/ou plus le
nombre de ganglion(s) et/ou de métastase(s) initiaux étaient importants, plus le
pronostic du cancer du sein était défavorable. Cependant, cette notion est à
nuancer, des études ayant montré que le pronostic des tumeurs avancées au
moment du diagnostic initial (T3-T4, présence d’un envahissement ganglionnaire
quelque soit le stade, M1) était effectivement moins bon au cours de la première
décennie mais que celui-ci se stabilisait lors des décennies suivantes. En effet, la
mortalité précoce étant importante pour les tumeurs très évoluées lors du
diagnostic initial, le pronostic et la survie à moyen et long terme se trouvent être
relativement constant (le risque de métastases tardives et donc le taux de mortalité
à long terme étant moindres que pour les tumeurs initialement petites ayant une
faible mortalité précoce), le pronostic global restant moins bon pour les
néoplasies évoluées initialement.
Ainsi, Rosen et al (46) ont procédé à une étude rétrospective ayant pour but
d’évaluer la probabilité de métastases tardives et de guérison chez 644 femmes
ayant une néoplasie mammaire T1N0M0 et T1N1M0. Ces patientes ont été réparties
en 4 sous-groupes : T inférieure ou égale à 1 cm (groupe A, 171 femmes) ; T
comprise entre 1 et 2 cm (groupe B, 303 femmes) ; 1 à 3 ganglions envahis
quelque soit T (groupe C, 121 femmes) ; 4 adénopathies envahies et plus quelque
soit T (groupe D, 49 femmes).
5% du groupe A récidivent dans les 2 ans après le diagnostic contre 48% pour le
groupe D. Il apparaît donc, qu’en effet, le taux de survie et le temps libre sans
récurrence sont significativement moindres pour le groupe D.
28
Cependant, le taux de mortalité observé dans cette étude semble différent du taux
de mortalité théorique. Ainsi, pour les groupes A et B, le taux observé est
supérieur au taux théorique lors des 10 premières années puis il existe un plateau
qui devient peu à peu inférieur au taux théorique. En ce qui concerne le groupe C,
la mortalité observée est très nettement supérieure au taux théorique lors de la
première décennie puis devient linéaire et plus proche du taux théorique pour, à
nouveau, croître très rapidement après 15 ans d’évolution. En revanche, le groupe
D se distingue par le fait que le taux de mortalité observé dans l’étude est
significativement plus important lors des 15 premières années puis diminue très
vite au-delà pour devenir franchement inférieur au taux de mortalité théorique
(Figure 20). Ainsi, il semble que plus le pronostic initial de la tumeur est
défavorable, plus le pronostic après 20 ans d’évolution reste stable : le taux de
récurrence tardive et donc la mortalité à long terme étant d’autant plus faible que
la mortalité initiale est importante (30% de mortalité à 10 ans pour le groupe D
contre 7% seulement pour le groupe A). Par ailleurs, la décroissance du risque est
d’autant plus rapide que le risque de récidive initiale était important.
Il est donc intéressant de chercher à savoir à quel moment de l’évolution survient
cette inversion du taux de mortalité.
Dans son étude, Rosen a déterminé le point de changement pour chaque groupe
soit :
o 7 ans pour le groupe A
o 6 ans pour le groupe B
o 8 ans pour le groupe C
o 9 ans pour le groupe D
Ainsi, au-delà de ce point de changement, le taux de récidive devient à peu près
identique pour les groupes B, C et D et significativement inférieur au taux de
récurrence avant cette date (p<0.001 pour le groupe B ; p=0.034 pour le groupe
C ; p=0.01 pour le groupe D). En revanche, la diminution de ce risque est
nettement plus lente pour le groupe A avec une différence non significative entre
les taux de récidive avant et après le point de changement (p=0.15). Le risque de
récurrence pour les tumeurs ayant une faible malignité initiale semble donc
29
Figure 20 : Comparaison du taux de mortalité observé et du taux de mortalité théorique du cancer du sein lors des 20 premières années d’évolution (Etude Rosen)
Taux de mortalité : ���� : observé ���� : théorique
30
constant dans le temps, et ce même après 20 ans d’évolution. Ceci laisse sous-
entendre la nécessité d’un suivi à long-terme et remet en question la définition de
guérison des néoplasies mammaires, un sujet n’étant jamais réellement guéri mais
appartenant à un groupe potentiellement guéri.
De même, en 1995, Quiet et al (42), dans leur étude rétrospective portant sur 826
femmes ayant un cancer du sein sans envahissement ganglionnaire ni
métastatique, ont montré une différence significative du temps libre sans
récurrence entre les 2 sous-groupes : Taille tumorale inférieure ou égale à 20 mm
et Taille tumorale supérieure stricte à 20 mm. Ainsi, le taux sans récurrence à 20
ans est de 79% pour T<2 cm et 64% pour T>2 cm (p<0.001) sans qu’il ne soit
retrouvé de différence significative à l’intérieur de chaque sous-groupe (Figure
21). En revanche, Rosen avait montré une différence significative de survie à 10
et 20 ans pour les tumeurs inférieures à 1 centimètre (taux de survie de 91% et
88% respectivement à 10 et 20 ans) et pour celles entre 1 et 2 centimètres (taux de
survie de 78% et 74% respectivement à 10 et 20 ans), résultats non retrouvés dans
l’étude de Quiet. Ceci s’explique par le fait que le recrutement pour l’étude de
Rosen s’effectue sur une période plus courte et à l’époque du développement de la
mammographie, ce qui reflète une détection plus précoce des tumeurs à un stade
moins évolué.
Par ailleurs, Quiet a été mis en évidence que plus la taille tumorale augmente, plus
le temps moyen avant récurrence diminue. En effet, celui-ci est de :
o 48 mois pour T<1 cm
o 46 mois pour T entre 1.1 et 2 cm
o 44 mois pour T entre 2.1 et 3 cm
o 40 mois pour T entre 3.1 et 4 cm
o 37 mois pour T entre 4 et 6 cm (Figure 22)
Ceci confirme donc les résultats de Rosen selon lesquels plus la taille tumorale
initiale est petite, plus les métastases sont tardives.
31
Figure 21 : Probabilité de temps libre sans récurrence en fonction de la taille tumorale (Etude Quiet)
Figure 22 : Temps moyen avant récurrence en fonction de la taille tumorale (Etude Quiet)
0
10
20
30
40
50
60
cm
mois
< 11,1 - 22,1 - 33,1 - 44,1 - 55,1 - 6>6
32
� En fonction du type de traitement.
Actuellement, le traitement classique du cancer du sein repose sur l’association
Inhibiteurs tissulaires des metallo-proteinases (TIMP)
Tumor Necrosis Factor � (TNF-a) Inhibiteur Dérivé du Cartilage Hepatocyte Growth Factor Fragment 16k de la prolactine Placenta Growth Factor Protamine Epidermal Growth Factor Vascular Permeability Factor Secreted protein acidic and rich in cystein (SPARC)
46
Par ailleurs, les cellules endothéliales exercent une stimulation paracrine de la
croissance des cellules néoplasiques par l’intermédiaire du Platelet Derived
Endothelial Cell Growth Factor (PD-ECGF), de l’Insulin-like Growth Factor (IGF-1),
du Basic Fibroblast Growth Factor (b-FGF), de l’Heparin Binding Epithelial Growth
Factor (HB-EGF), du Granulocyte Colony Stimulating Factor (G-CSF) et de
l’interleukine 6 (IL6) (Figure 24).
Cependant, concernant le G-CSF (commercialisé sous les noms Neupogen® et
Granocyte®), utilisé en pratique courante pour le traitement des neutropénies post-
chimiothérapie dans le cancer du sein, les dossiers d’Autorisation de Mise sur le
Marché ont montré que le G-CSF n’avait pas d’influence sur la croissance des cellules
tumorales mammaires.
3 - Rôle de l’angiogénèse dans le concept des tumeurs dormantes.
A l’heure actuelle, il semblerait que les tumeurs puissent être maintenues dans un état
de dormance par inhibition de l’angiogénèse jusqu’à ce que la balance entre les
facteurs pro et anti-angiogéniques bascule en faveur d’une reprise de l’angiogénèse et
donc de la croissance tumorale.
� Production de facteurs anti-angiogéniques par la tumeur elle-même.
De multiples études tendent à montrer que les tumeurs primitives produisent des
facteurs anti-angiogéniques, limitant ainsi leur propre développement in situ et à
distance.
� L’angiostatine.
Holmgren et al (23) ont inoculé à des souris, par injection sous-cutanée dorsale,
des cellules tumorales pulmonaires. Les souris ont alors été randomisées en 2
groupes : groupe I, ablation chirurgicale de la tumeur primitive ; groupe II,
abstention thérapeutique. Les souris étaient ensuite tuées au 5ème, 10ème et 15ème
jour pour analyser la croissance tumorale. Dans le premier groupe, il existe une
croissance rapide et précoce dès le 5ème jour et le poids des poumons a triplé au
15ème jour après la chirurgie. En revanche, le poids pulmonaire a peu ou pas
augmenté dans le groupe II mais l’examen histologique a retrouvé des micro-
foyers tumoraux disséminés dans le poumon (Figure 25).
47
Figure 24 : Mécanisme de l’angiogénèse
Figure 25 : Evolution des métastases pulmonaires après traitement chirurgical ou abstention thérapeutique (Etude Holmgren)
Les animaux ont été tués à 5 (a/d), 10 (b/e) et 15 jours (c/f). Les figures a à c montrent la croissance tumorale après traitement chirurgical. Les figures d à f montrent l’absence de croissance tumorale en cas d’abstention thérapeutique. En revanche, on note la présence de micro-métastases.
48
L’examen immunohistochimique à l’aide d’anticorps anti-facteur Willebrand
montre une faible vascularisation et prolifération des cellules endothéliales
dans le groupe II alors que la prolifération endothéliale est détectable dès le
5ème jour dans le groupe I. Par contre, l’analyse par BrdU
(bromodésoxyuridine, s’incorporant aux cellules en phase de multiplication) ne
met pas en évidence de différence significative de prolifération tumorale entre
les 2 groupes. La croissance des cellules néoplasiques est donc aussi
importante dans le groupe II alors qu’il ne semble pas y avoir de
développement tumoral massif à l’examen des coupes histologiques ni
d’angiogénèse. D’après Holmgren et al, ceci peut s’expliquer par un
phénomène de balance entre la prolifération et l’apoptose tumorales. En effet,
l’index apoptotique (mesuré par quantification in situ du taux de
désoxynucléotide transférase, TdT) est de 7.4% pour le groupe II et de
seulement 1.9% pour le groupe I (Figure 26). Ainsi, dans le 2ème groupe, la
prolifération des cellules tumorales est donc contrebalancée par un effet de
mort cellulaire massive (secondaire à une insuffisance de vascularisation).
Dans un deuxième temps, les souris ont été traitées par injection de TNP-470
(facteur anti-angiogénique de synthèse inhibant la prolifération des cellules
endothéliales) ou de solution saline (groupe contrôle). Il est mis en évidence
que l’index de prolifération est identique dans les 2 sous-groupes mais que
l’index apoptotique est 3 fois plus important dans le sous-groupe traité par
TNP-470. Les auteurs ont par ailleurs obtenus les mêmes résultats après
injection de cellules de fibrosarcome. Les inhibiteurs de l’angiogénèse (tel que
l’angiostatine in vivo), produits par la tumeur elle-même, contrôleraient donc la
croissance tumorale par induction de l’apoptose des cellules néoplasiques.
49
Figure 26 : Analyse du poids des poumons, de l’index d’incorporation du BrdU et de l’index apoptotique après injection de cellules pulmonaires tumorales à des souris (Etude Holmgren)
Le poids pulmonaire, reflet de la croissance tumorale, est significativement plus important après traitement chirurgical. Il n’existe pas de différence significative du taux de prolifération tumorale entre les 2 groupes. Par contre, l’index apoptotique est significativement plus grand après abstention thérapeutique. ** ( p<0.01) ; *** (p<0.001)
50
En 1996, la même équipe a mis en évidence des résultats identiques mais
après injection d’angiostatine humaine (40). Des cellules tumorales humaines
de cancer du sein, cancer du colon et cancer de la prostate ont été implantées
par voie sous-cutanée chez des souris immunodéficientes puis celles-ci ont été
traitées par injection d’angiostatine ou de solution saline pour le groupe
contrôle. Les auteurs retrouvent chez ces souris immunodéficientes, dans le
groupe angiostatine, un arrêt de la croissance du :
o cancer du sein dans 95%,
o cancer du colon dans 97%,
o cancer de la prostate dans presque 100% (Figure 27).
Cette expérience a également été menée avec des souris porteuses de
néoplasies murines réputées pour être agressives et répondant mal aux
traitements, comme le cancer pulmonaire de Lewis ou encore le fibrosarcome.
L’angiostatine permet une inhibition de la croissance tumorale dans 81 à 87%
des cas.
Après arrêt du traitement, les souris ont été tuées et examinées. Les coupes
histologiques ont été traitées par l’antigène Ki-67, le TDT et le facteur
Willebrand pour étudier respectivement la prolifération, l’apoptose et la
néovascularisation. Là encore, l’index de prolifération était identique dans les 2
groupes alors que l’index apoptotique était 5 fois plus important dans le groupe
traité par angiostatine (Figure 28).
O’Reilly et al ont voulu montrer que l’angiostatine était bien le facteur
responsable de l’inhibition de l’angiogénèse. Pour cela, ils ont pratiqué une
injection systémique d’angiostatine ou de solution saline à des souris. 48
heures après, ils ont implanté des granules de b-FGF (pro-angiogénique) dans
la cornée des ces mêmes souris. Il existe une inhibition de la vascularisation de
85% par rapport au groupe contrôle (Figure 29).
51
Figure 27 : Régression du volume tumoral après traitement par angiostatine humaine (Etude O’Reilly)
Figure 28 : Index prolifératif et apoptotique après traitement par angiostatine humaine ou solution saline (Etude O’Reilly)
Figure 29 : Inhibition de l’angiogénèse par l’angiostatine après implantation d’un granule de b-FGF dans une cornée de souris (Etude O’Reilly)
52
Ainsi, l’angiostatine, par son action anti-angiogénique, diminue
considérablement la vascularisation tumorale. Lorsque cette dernière devient
insuffisante, les cellules néoplasiques meurent. L’index apoptotique élevé n’est
donc que la conséquence de l’inhibition de l’angiogénèse par l’angiostatine.
Ces résultats on été retrouvés par Cao et al (8) après implantation du gène
codant pour l’angiostatine chez des souris atteintes de fibrosarcome (Figure
30).
Il semble donc que les facteurs anti-angiogéniques, en inhibant la
néovascularisation, soient bien responsables de la mort cellulaire tumorale,
contre balançant la prolifération tumorale et permettant ainsi aux néoplasies de
rester en phase dormante pendant des mois voire des années.
� La thrombospondine 1.
Cette hypothèse est renforcée par Weinstat-Saslow et al (52). En effet, leur
étude (ayant pour but d’examiner les effets de l’expression de la
thrombospondine 1 par les cellules néoplasiques sur la croissance tumorale et
les métastases) met en évidence un contrôle de l’angiogénèse tumorale (et donc
de la croissance néoplasique) par la thrombospondine 1 dans le cancer du sein.
Ainsi, après injection des cellules surexprimant la thrombospondine 1 dans une
tumeur mammaire murine, ils ont mis en évidence une inhibition dose
dépendante de la croissance tumorale in situ et du nombre de métastases
pulmonaires. Seules 21% des souris transfectées présentent des localisations
secondaires pulmonaires contre 49% pour le groupe contrôle (p=0.007).
Par ailleurs, comme pour l’angiostatine, il existe une diminution significative
de la densité capillaire au sein de la tumeur primitive.
La thrombospondine 1, par son action anti-angiogénique, diminue la
vascularisation tumorale et limite ainsi la croissance tumorale in situ et à
distance.
Ces effets de la thrombospondine 1 sur le contrôle de l’angiogénèse et de la
croissance tumorales ont également été retrouvés pour le mélanome et le
cancer pulmonaire.
53
Figure 30 : Inhibition de l’angiogénèse et apoptose après implantation du gène codant pour l’angiostatine chez des souris porteuses d’un fibrosarcome (Etude Cao)
Micrométastases peu vascularisées (d) et cellules apoptotiques , marquées par une flèche, (g) chez des souris porteuses du gène codant pour l’angiostatine alors que les métastases sont hypervascularisées (f) et les cellules apoptotiques peu nombreuses chez les souris ne possédant pas le gène de l’angiostatine.
54
� L’endostatine.
De même, en 1997, O’Reilly et al (39) ont montré que l’endostatine, inhibiteur
spécifique de la prolifération endothéliale, pouvait stopper l’angiogénèse et la
croissance tumorale, validant ainsi le concept des tumeurs dormantes. En effet,
comme Holmgren et al, ils ont implanté à des souris différents types de
néoplasie (néoplasie pulmonaire de Lewis, fibrosarcome,
hémangioendothéliome, mélanome) puis ont injecté, par voie sous-cutanée, une
solution contenant de l’endostatine synthétique (ou une solution saline pour le
groupe témoin). Ils ont alors mis en évidence un arrêt significatif (p<0.001) de
la croissance de la tumeur primitive, la diminution du volume tumoral étant
d’autant plus importante que les doses d’endostatine augmentent (Figure 31).
Cette action dose dépendante des facteurs inhibiteurs a également été mis en
évidence par Hahnfeldt et al (21), l’endostatine à la dose de 4mg/kg/jour ne
permettant pas le contrôle du volume tumoral alors que l’endostatine ou
l’angiostatine à la dose de 20 mg/kg/jour le permettent. Il semblerait également
que ces 2 facteurs aient une action additive (Figure 32).
Par ailleurs, O’Reilly et al ont également montré que les index de prolifération
étaient identiques dans les 2 groupes mais que l’index apoptotique était 7 fois
plus élevé dans le groupe traité par endostatine. L’analyse
immunohistochimique a retrouvé une inhibition de l’angiogénèse au sein de la
tumeur primitive (Figure 33). L’apoptose est donc, là encore, une conséquence
du manque de vascularisation, secondaire à l’inhibition de l’angiogénèse par
l’endostatine. Ils ont également montré que l’injection sous-cutanée
d’endostatine entraînait, de façon significative (p<0.001), une suppression
totale des métastases pulmonaires chez des souris porteuses de la tumeur de
Lewis alors que le groupe témoin était le siège d’une croissance métastatique
rapide.
Pour expliquer la présence d’inhibiteurs de l’angiogénèse au sein d’une tumeur
cherchant à se développer et donc à former de nouveaux vaisseaux, O’Reilly et
al laissent supposer que la croissance des capillaires nécessite une activité
protéolytique, les inhibiteurs servant de précurseurs à des protéines dont
l’activité serait pro-angiogénique. Actuellement, cette hypothèse n’a pu être
démontrée.
55
Figure 31 : Inhibition de la croissance de la tumeur primitive de Lewis après traitement par endostatine (Etude O’Reilly)
L’inhibition de la croissance tumorale est de : � 53% après injection d’une dose
d’endostatine de 2.5 mg/kg � 97% après injection d’une dose
d’endostatine de 10 mg/kg � Quasi totale (> 99% avec p<0.001)
après injection d’une dose d’endostatine de 20 mg/kg
Figure 32 : Action dose dépendante de l’endostatine et de l’angiostatine sur l’inhibition de la croissance tumorale (Etude Hahnfeldt)
Figure 33 : Index de prolifération et d’apoptose après traitement par endostatine ou solution saline (Etude O’Reilly)
56
Ainsi, comme l’angiostatine et la thrombospondine 1, l’endostatine, en
bloquant l’angiogénèse et la néovascularisation (avec comme conséquence un
effet de mort cellulaire tumorale massive), semble pouvoir contrôler la
croissance tumorale et être capable de maintenir les tumeurs (primitives et
métastatiques) dans une phase dormante.
� Rôle fondamental de l’environnement tumoral et des interactions
cellulaires dans la production des facteurs anti-angiogéniques par la
tumeur.
Il semblerait que le microenvironnement tumoral soit fondamental pour que la
tumeur primitive puisse produire des facteurs anti-angiogéniques et rendre les
cellules néoplasiques dormantes. Ainsi, des cellules tumorales implantées dans
un environnement cellulaire différent de leur environnement d’origine seraient
incapables de produire ces facteurs et donc de stopper l’angiogénèse.
Ainsi, en 1999, Gohongi et al (20) ont implanté des cellules tumorales de
vésicule biliaire en sous-cutané (groupe SC) ou directement dans la paroi de la
vésicule biliaire (groupe GB). Ils ont alors constaté que la croissance est
beaucoup plus rapide dans le groupe GB, suggérant l’importance du
microenvironnement pour la croissance néoplasique. Puis, afin de quantifier
l’angiogénèse à distance de la tumeur primitive, ils ont introduit, dans l’œil des
souris de chaque groupe, un gel contenant des cellules tumorales de vésicule
biliaire et un facteur pro-angiogénique, le b-FGF (devant, en théorie, permettre
le développement de localisations secondaires en facilitant la
néovascularisation tumorale). Or, il existe une suppression significative de
l’angiogénèse dans le groupe GB alors que la densité en micro vaisseaux est
forte dans le groupe SC et comparable au groupe contrôle (où le gel contenait
seulement du b-FGF). Afin de déterminer le ou les facteurs responsables de
cette inhibition de l’angiogénèse à distance du site primitif pour le groupe GB
(alors que la croissance au sein même de la tumeur primitive est importante),
Gohongi et al ont mesuré les concentrations plasmatiques de différents facteurs
pro-angiogéniques (b-GFG, VEGF, TNF-�) et de facteurs anti-angiogéniques
(TGF- �1, thrombospondine 1, endostatine, angiostatine). Seule la
concentration du TGF- �1 est augmentée de 300% dans le groupe GB par
57
rapport au groupe SC ou au groupe témoin, les autres facteurs n’étant pas
détectables ou à des taux plasmatiques identiques dans les 3 groupes. Le
traitement par des anticorps anti- TGF- �1 permet une reprise de l’angiogénèse
dans le groupe GB, la densité vasculaire devenant comparable au groupe SC ou
au groupe témoin. Les auteurs prouvent donc que, dans la néoplasie de la
vésicule biliaire, la suppression de l’angiogénèse à distance du site primitif est
bien médiée par le TGF- �1, facteur anti-angiogénique produit en grande
quantité uniquement si la tumeur primitive est dans un environnement adéquat.
Gohongi et al montrent ainsi qu’une tumeur peut entrer dans un état de
dormance par autoproduction de facteurs inhibant la néovascularisation des
métastases mais que cette production met en jeu des interactions cellulaires qui
ne peuvent s’effectuer que lorsque la tumeur est dans son environnement
propre.
� Longue demi-vie des facteurs anti-angiogéniques.
D’après Hahnfeldt et al en 1999(21), puis Ramanujan et al en 2000 (45), les
cellules résiduelles après traitement (quelque soit le type de traitement) pourraient
empêcher le développement des métastases à distance. Ceci serait lié à la longue
demi-vie et à la forte concentration plasmatique des inhibiteurs de l’angiogénèse.
En effet, la demi-vie du VEGF et du b-FGF (facteurs favorisant l’angiogénèse) est
d’environ 3 minutes alors qu’elle est de 4 heures pour l’angiostatine et de 9 heures
pour la thrombospondine. Les métastases pourraient ainsi rester en phase
dormante pendant des mois voire des années et ne pourraient se développer que
lorsque les facteurs pro-angiogéniques auraient un taux suffisamment élevé, au
sein du site métastatique, pour empêcher l’influence suppressive des facteurs anti-
angiogéniques.
� Hétérogénéité homme /souris.
D’après Murray (37), il est indispensable de tenir compte de l’hétérogénéité
existant entre la néovascularisation tumorale humaine et murine. En effet, il
existe des différences dans l’expression des facteurs angiogéniques ou encore
dans le micro environnement comme le niveau d’oxygénation. L’hypoxie est
responsable, par exemple, d’une sur-expression du VEGF (facteur
angiogénique) dans les tumeurs cérébrales chez l’homme.
58
En revanche, en 1998, Barnhill et al (5) ont voulu étudier la vascularisation
tumorale, le taux de prolifération et d’apoptose au sein de métastases de
mélanome humain. A ce jour, il s’agit de la seule étude réalisée chez l’homme.
Pour cela, ils ont prélevé 8 micro métastases ganglionnaires (localisations
secondaires sentinelles non détectables cliniquement) et 12 macro métastases
ganglionnaires (donc palpables) chez des humains atteints de mélanome. Le
nombre moyen de micro vaisseaux par champ pour les micro métastases était de
10.2 (peu différent des tissus périphériques) alors qu’il était significativement plus
important (18.7) pour les macro métastases, montrant une faible vascularisation
au sein des petites tumeurs. Le taux moyen de prolifération était de 2.4% pour les
micro métastases et de 18% pour les macro métastases (p< 0.001). Le taux moyen
d’apoptose était bas dans les 2 groupes : 0.2% pour les micro métastases, 1.6%
pour les macro métastases, retrouvant ainsi un équilibre entre les 2 taux pour les
petites tumeurs (Figure 34). Les résultats de cette étude sont donc similaires aux
résultats des expériences réalisées sur des tumeurs animales.
Ainsi, malgré les hétérogénéités entre les hommes et les souris, il semble que les
micro foyers tumoraux, qu’ils soient d’origine animale ou humaine, n’aient pas la
capacité de se développer et puissent rester dans un stade dormant pendant des mois
voire des années et ceci pour 2 raisons : premièrement, l’absence de phénotype
angiogénique et deuxièmement, une balance équilibrée entre le taux de prolifération et
le taux de mort cellulaire programmée.
Les foyers tumoraux pourraient « dormir » pendant de nombreuses années jusqu’à ce
que des évènements (encore inconnus à ce jour) déséquilibrent la balance, favorisent la
prolifération et la reprise de l’angiogénèse et engendre ainsi le développement tumoral,
même 30 ou 40 ans après le traitement de la tumeur primitive (5).
59
Figure 34 : Densité en micro vaisseaux, taux de prolifération et d’apoptose au sein de métastases de mélanome humain (Etude Barnhill).
60
B - Le processus cellulaire.
La deuxième voie de recherche pour tenter d’expliquer le concept de dormance est le
processus cellulaire. L’étude de ces mécanismes pouvant induire et maintenir la
dormance des cellules néoplasiques, bien que d’une importance clinique capitale, n’est
menée que depuis une dizaine d’années. Les événements cellulaires et moléculaires
intervenant dans le concept de dormance sont encore très peu connus. Ces études ont
essentiellement été menées chez des souris porteuses du lymphome BCL1. Il semble
maintenant important de savoir si ces mécanismes pourraient être appliqués aux autres
types histologiques des cancers (quelle que soit leur localisation) et à l’espèce humaine
(53).
Le lymphome BCL1 est le premier type de lymphome B décrit chez les souris (50 ;
51). Il est caractérisé par une splénomégalie précoce et une atteinte hépatique et
leucémique tardive. L’envahissement ganglionnaire n’intervient qu’en dernier lieu
dans l’évolution de la maladie. Les caractéristiques cliniques sont donc proches de la
leucémie lymphoïde chronique humaine dans sa forme prolymphocytaire.
Ce lymphome murin a été choisi pour étudier le phénomène de dormance car il
présente de nombreux avantages (50 ; 53). Tout d’abord, l’immunoglobuline de
surface (en particulier son idiotype) se comporte comme un marqueur clonal et peut
être considéré comme un antigène tumoral spécifique. Les anticorps anti-idiotype
permettent donc d’isoler les cellules néoplasiques. De plus, la croissance tumorale
rapide et précoce au niveau de la rate fait de cet organe un lieu privilégié pour
l’analyse des interactions entre les cellules tumorales et les cellules de l’hôte. Les
cellules néoplasiques présentes dans la rate peuvent donc être quantifiées soit par
analyse de l’idiotype, soit par transfert de splénocytes d’une souris porteuse du BCL1
chez une souris dite naïve (c’est-à-dire normale et non porteuse du lymphome).
On peut distinguer le processus proprement intra-cellulaire (interactions avec les
immunoglobulines de membrane ayant pour conséquence un arrêt du cycle cellulaire)
et les mécanismes immunitaires (l’immunocompétence de l’hôte semblant favoriser la
dormance).
61
1 - Rappels sur la structure cellulaire.
Le cycle cellulaire est contrôlé par les cyclines et les kinases dépendant des cyclines
(CDK) ainsi que par les inhibiteurs des CDK. (33) Durant la phase G1 (phase de repos
cellulaire), ces 2 molécules répondent à des signaux de régulation, déterminant si la
cellule poursuit sa division cellulaire ou non.
� Les CDK contrôlant la phase G1 sont : CDK2 (associée aux cyclines A et E),
CDK4 et CDK6 (associées à la cycline D) (Figure 35).
Les CDK4 et CDK6 permettent la phosphorylation de la protéine du
rétinoblastome (pRb) qui, à un stade avancé de la phase G1, entraîne l’activation
de protéines régulatrices de la transcription des gènes, permettant l’entrée en
phase S du cycle cellulaire.
La CDK2 agit en fin de phase G1 et permet à la pRb de rester phosphorylée.
� Il existe 2 familles d’inhibiteurs des CDK. (33) La première famille (INK4)
comprend les protéines p16, p15 et p18. Les INK4 sont des inhibiteurs spécifiques
des CDK4 et CDK6 en entrant en compétition directe avec la cycline D au niveau
des récepteurs de la cycline sur ces kinases. La deuxième famille comprend les
protéines p21, p27 et p57. p21 et p27 inhibent l’interaction cycline E-CDK2 et
cycline D-CDK4, provoquant un arrêt du cycle cellulaire.
� Voie normale de transduction pour les cellules B matures (44).
Pour les cellules B matures, la liaison de l’immunoglobuline de membrane induit
la phosphorylation des chaînes � et � de l’immunoglobuline. Les kinases se fixent
alors sur les chaines � et � phosphorylées. Cette interaction active les kinases d’où
une phosphorylation des protéines cytoplasmiques qui permet la génération
d’inositol triphosphate. Il existe alors une augmentation du taux de calcium intra-
cellulaire puis une activation de la protéine kinase C et la phosphorylation de
plusieurs messagers secondaires dont la voie n’est pas complètement connue. Il en
résulte une activation et une différenciation des cellules B matures.
Dans le cas du lymphome BCL1, les cellules tumorales expriment une
immunoglobuline de surface se composant de 2 isotypes (IgM λ et IgD λ) portés par
un idiotype commun (51).
62
Figure 35 : Transduction du signal au cours du cycle cellulaire (Etude Marches)
+ : interaction - : inhibition
Maintien
+
+ +
CDK6 CDK4
pRb pRb phosphorylée
Phase G1
Cycline D INK4
CDK2
Cyclines A et E
Activation des protéines régulatrices de la
transcription des gènes
P21 P27
Phase S
63
2 - Le processus intra-cellulaire.
L’arrêt du cycle cellulaire (et donc l’état de dormance) a été observé au sein de cellules
lymphomateuses B après liaison de leur immunoglobuline de surface à son ligand (43).
� Morphologie des cellules dormantes.
Les cellules tumorales BCL1 sont faciles à distinguer des cellules dormantes grâce
à leur morphologie cellulaire (53 ; 44).
En effet, les cellules tumorales BCL1 sont de grosses cellules ayant un cytoplasme
abondant, un noyau volumineux et une chromatine ouverte. Les cellules
dormantes, en revanche, sont de petites cellules avec un noyau bi-lobé et une
chromatine en bloc.
� Interactions avec l’immunoglobuline de surface.
L’immunoglobuline de surface est une molécule enchâssée dans la membrane
cellulaire (53). Elle présente un récepteur à l’extérieur de la cellule. La liaison
d’un ligand, spécifique à chaque immunoglobuline de surface et donc à chaque
cellule, sur son récepteur entraîne la libération d’une ou plusieurs cytokine(s) à
l’intérieur de la cellule et permet la transduction d’un signal de l’environnement
extérieur vers le noyau cellulaire d’où des modifications de la physiologie et/ou
du cycle cellulaires.
Le récepteur de l’APO-1, présent à la surface des cellules T, appartient à la
famille des récepteurs du TNF (tumor necrosis factor), responsable de la mort
cellulaire. En 1996, Racila et al (43) ont montré que l’interaction du récepteur de
l’APO-1 avec son ligand pouvait induire l’apoptose. Les auteurs ont mis en
évidence qu’il existait une augmentation de la synthèse du ligand de l’APO-1 par
les cellules lymphomateuses T, l’interaction de ce ligand avec son récepteur sur
les cellules T induisant un clivage de l’ADN, une perte de l’intégrité de la
membrane plasmatique et donc la mort cellulaire. En effet, l’analyse de
l’expression de l’ARNm du ligand de l’APO-1 par PCR montre que l’ARNm est
détecté dès la première heure d’activation des cellules T avec expression
maximale à la 4ème heure, le clivage de l’ADN et la mort cellulaire se produisant à
partir de la 8ème heure. De plus, le blocage de ces récepteurs par des anticorps anti-
APO-1 inhibe l’apoptose de 65 à 70% des cellules T activées.
64
Par ailleurs, Racila et al ont montré que la liaison d’antigène sur les récepteurs
APO-1 des cellules lymphomateuses B (présents en quantité 5 fois moins
importante que sur les cellules T) conduisait également à l’activation de ces
récepteurs puis à l’arrêt du cycle cellulaire et à la mort cellulaire par clivage de
l’ADN. Cependant, l’activation des récepteurs de l’APO-1 présents à la surface
des cellules B ne semble pas lié à une interaction avec son ligand. En effet,
aucune expression de l’ARNm du ligand de l’APO-1 n’est détectée dans les
cellules B activées et les anticorps anti-APO-1 ne permettent pas d’inhiber l’arrêt
du cycle cellulaire. L’induction de l’apoptose des cellules lymphomateuses B ne
dépend donc pas de la synthèse du ligand spécifique de l’APO-1. Les auteurs
supposent que, pour les cellules B, le signal intracellulaire serait déclenché par
liaison du récepteur de l’APO-1 avec des antigènes circulants non spécifiques
mais appartenant à la même famille que le ligand de l’APO-1 ou que la
transduction du signal serait liée à l’activation d’une autre immunoglobuline de
surface. Ce mécanisme pourrait être valable pour les lymphocytes T puisque
l’inhibition de l’apoptose par les anticorps anti-APO-1 n’est pas complète.
Dans les deux cas, après liaison du récepteur à son ligand, la protéine tyrosine
kinase phosphoryle des protéines intracellulaires permettant l’activation de
nombreux seconds messagers conduisant à la mort cellulaire et/ou à la dormance
tumorale.
En 1998, Marches et al (33) ont étudié in vitro le rôle des inhibiteurs des kinases
dans la transduction d’un signal négatif permettant l’arrêt du cycle cellulaire après
liaison de l’immunoglobuline de membrane. Cette étude a été menée sur des
cellules lymphomateuses B humaines (cellules de Daudi), leur réponse aux
anticorps étant identique au lymphome BCL1 murin.
Dans les cellules de Daudi traitées par anticorps anti immunoglobuline de
membrane, le taux d’activité de CDK2 est réduit de 3 fois (et ce dès la 12ème heure
de traitement) alors que l’activité des CDK4 et CDK6 est inchangée (Figure 36).
Par ailleurs le taux des CDK est normal. La baisse d’activité de CDK2 n’est donc
pas due à une diminution du taux de CDK2.
65
Figure 36 : Rôle des CDK2 dans l’arrêt du cycle cellulaire (Etude Marches)
66
Puisque l’activation de CDK2 nécessite une interaction avec les cyclines A et E,
les auteurs ont étudié le taux de chacune de ces cyclines. Le taux de la cycline E
est inchangé pendant les 24H de traitement par anticorps anti immunoglobuline de
membrane. Il existe une diminution notable du taux de cycline A à partir de la
24ème de traitement. Bien que la diminution de la cycline A puisse intervenir dans
la baisse d’activité de CDK2 après la 24ème heure, ceci n’explique pas la
diminution précoce de l’activité de CDK2 entre la 12ème et 24ème heure. Cette
diminution précoce de l’activité de CDK2 pourrait être due à une inhibition du
complexe CDK2-cycline.
Marches et al ont donc voulu connaître la concentration des protéines p21 et p27,
protéines inhibitrices du complexe CDK2-cycline. Des cellules de Daudi laissées
en culture en présence d’anticorps anti immunoglobuline de membrane pendant
24H sont alors étudiées pour déterminer le taux des protéines p21 et p27. Le taux
de p27 est normal alors que la concentration de la protéine p21 a fortement
augmenté. (Figure 37A) L’analyse par immunoblot des cellules, à différents temps
après traitement, retrouve une augmentation progressive du taux de la protéine
p21 qui est détectée dès la 4ème heure. (Figure 37B)
Les auteurs ont alors analysé par immunoblot la précipitation de CDK2 avec les
protéines p21 et p27 pendant les 24H de traitement par anticorps anti
immunoglobuline de membrane. L’augmentation du taux de p21 est le reflet d’un
accroissement de l’association CDK2-p21 dès la 4ème heure de traitement. (Figure
38) En revanche, l’association entre CDK2 et p27 n’existe pas (pas de
précipitation lors de l’analyse par immunoblot).
La liaison de l’immunoglobuline de surface avec son ligand permettrait de
délivrer un signal négatif en diminuant l’activité de CDK2 par association de ce
dernier avec son inhibiteur (p21).
Marches et al ont ensuite montré que la conséquence de cette baisse d’activité de
CDK2 était une hypophosphorylation de la pRb (protéine clé de la régulation du
passage de la phase G1 à la phase S). En effet, l’analyse par immunoblot, après
traitement des cellules de Daudi par les anticorps anti immunoglobuline de
membrane, permet de différencier les 2 formes hypo et hyperphosphorylée de la
protéine pRb. La pRb apparaît initialement dans sa forme hyperphosphorylée ce
qui correspond avec le fait que la majorité des cellules sont en réplication. Dès la
4ème heure après addition d’anticorps anti immunoglobuline de membrane, une
67
Figure 37 : Augmentation du taux de la protéine p21 après traitement par anticorps anti immunoglobuline de membrane (Etude Marches)
A B Figure 38 : Précipitation de p21 et CDK2 après traitement par anticorps anti immunoglobuline de membrane (Etude Marches)
68
partie de la forme hyperphosphorylée est convertie en pRb hypophosphorylée.
Avec le temps, la proportion des 2 formes change en faveur de la forme
hypophosphorylée. A la 16ème heure, toute la pRb est hypophosphorylée (Figure
39).
Ainsi, l’arrêt du cycle des cellules de Daudi après liaison de l’immunoglobuline
de membrane est associé à une augmentation de l’expression de la protéine p21
entrainant un blocage de l’activité du complexe cycline-CDK2 (sans modification
du taux de la kinase) par précipitation entre CDK2 et p21 puis une accumulation
de la pRb dans sa forme hypophosphorylée. Ce signal est alors responsable d’un
blocage du cycle cellulaire en phase G1. Les auteurs considèrent la diminution
tardive du taux de cycline A après exposition prolongée aux anticorps comme une
conséquence de l’accumulation de cellules en phase G1.
� Arrêt du cycle cellulaire.
D’après Uhr et al (50), la majorité des cellules tumorales dormantes sont à la
phase de repos du cycle cellulaire. Ils ont étudié le phénomène de dormance
tumorale chez des souris chimériques (obtenues après transplantation de cellules T
chez des murins préalablement irradiés) à qui ils ont inoculé des cellules du
lymphome BCL1. Chez les souris normales, servant de groupe témoin, il existe
une croissance rapide pendant 40 jours après l’inoculation suivie d’un plateau et
de la mort de l’animal dans les 90 jours. Chez les souris chimériques, le taux de
croissance initiale est similaire au groupe contrôle pendant 6 semaines puis il y a
une décroissance rapide du nombre de cellules exprimant l’idiotype du BCL1 dans
la rate. A 90 jours, les animaux chimériques ont tous des petites rates et les
cellules BCL1 ne sont plus détectables (Figure 40). Il semble donc que les cellules
tumorales soient « éliminées » de la rate des souris chimériques.
Afin d’analyser le cycle cellulaire des cellules BCL1 présentes dans les rates des
animaux (isolés des splénocytes à l’aide des anticorps anti-idiotype), les animaux
ont été tués 130 jours après l’inoculation. 80% des cellules BCL1 des souris
chimériques sont au stade G0 ou G1 (c’est-à-dire au repos) alors que la majorité
des cellules BCL1 des souris normales sont en division cellulaire. Les cellules
tumorales ne semblent donc pas « éliminées » de la rate des souris chimériques
mais semblent plutôt « dormir » et rester en phase de repos cellulaire.
69
Figure 39 : L’arrêt du cycle cellulaire est lié à une hypophosphorylation de la pRb (Etude Marches)
Figure 40 : Nombre de cellules tumorales BCL1 présentes dans la rate des souris après injection de 5.105 cellules du lymphome BCL1 (Etude Uhr).
•••• Groupe contrôle ΟΟΟΟ Groupe des souris
chimériques
70
Des résultats similaires ont été retrouvé par Yefenof et al en 1993 (53) et par
Marches et al en 1998 (33). En effet, l’étude de Yefenof et al a mis en évidence
que 17.6% des cellules BCL1 étaient en phase de division cellulaire alors que
seules 1.8% des cellules lymphomateuses dormantes (DLC) se trouvaient en
phase de mitose. Par ailleurs, les cellules dormantes sont plus petites que les
cellules BCL1 en phase G0 ou G1 suggérant que la majorité des DLC sont en phase
G0. Marches et al, au cours de leur étude sur le rôle des inhibiteurs des kinases
dans l’arrêt du cycle cellulaire, ont procédé à l’analyse de l’ADN par cytométrie
de flux, en suivant l’incorporation de bromodéoxyuridine, après adjonction
d’anticorps. Cette analyse indique une accumulation de cellules en phase G1 et
une diminution concomitante des cellules en phase S. Les anticorps anti-
immunoglobuline de membrane empêchent la synthèse de l’ADN lorsqu’ils sont
ajoutés au moins 2 heures avant le début de la phase S.
Les auteurs suggèraient donc qu’un signal négatif, médié par la liaison de
l’immunoglobuline de membrane et par les inhibiteurs des kinases, génèrait un
blocage tardif en phase G1.
De plus, Farrar et al en 1999 (13) ont également analysé la prolifération des
cellules BCL1 par l’incorporation de thymidine. Le traitement des cellules BCL1
par des anticorps polyclonaux diminue fortement l’incorporation de la thymidine
témoignant d’une diminution de la prolifération tumorale. Par ailleurs, l’IFN-�
seul ou associé aux anticorps inhibe également la prolifération tumorale.
Ils ont ensuite mis en évidence que le traitement de cellules BCL1 par des
anticorps polyclonaux et/ou de l’ IFN-� réduit la proportion de cellules en phase S
ou M et augmente le pourcentage de cellules en phase G1 et de cellules
apoptotiques (Figure 41). Il semble donc que l’IFN-� régule directement la
croissance tumorale en induisant l’arrêt du cycle cellulaire, action d’autant plus
importante lorsqu’elle est combinée à l’action des anticorps.
71
Figure 41 : L’IFN� inhibe la prolifération tumorale BCL1 et induit une arrêt du cycle cellulaire (Etude Farrar)
Gt- �-MIgM : traitement par anticorps polyclonaux IFN� : traitement par IFN� Gt- �-MIgM + IFN� : traitement par anticorps polyclonaux et IFN�
72
Racila et al, en 1995, (44) ont montré que les anticorps anti immunoglobuline de
membrane agissaient en bloquant complètement le cycle et non par simple
ralentissement du cycle cellulaire. En effet, ils ont également constaté (comme
Uhr, Yefenof et Marches), qu’après traitement par des anticorps, il existe une
diminution notable de la proportion des cellules en phase S et M du cycle
cellulaire. Pour prouver que cette décroissance est liée à un arrêt du cycle des
cellules BCL1 traitées par les anticorps, les cellules sont traitées par de la
vinblastine (qui inhibe la mitose cellulaire). Si les cellules sont arrêtées en phase
G0 ou G1, la proportion des cellules en phase G0 ou G1, après traitement par
vinblastine, sera inchangée. En revanche, si les cellules ont un cycle cellulaire
actif mais ralenti, le traitement par vinblastine modifiera le nombre de cellules en
phase G0 ou G1.
Dans le cas des souris SCID traitées par anticorps polyclonaux puis inoculées par
des cellules BCL1, la proportion de cellules en phase G0 et G1 reste inchangée
indiquant que les anticorps entraînent un arrêt complet du cycle cellulaire tumoral
(Figure 42).
3 - Le processus immunitaire.
Un système immunitaire compétent est essentiel pour le contrôle de la croissance
tumorale (26). Les individus non immunocompétents ont un risque élevé de
développer certains types de cancer (13). D’après Farrar et al, le système immunitaire
reconnaît les antigènes tumoraux spécifiques comme étrangers et tue les cellules
néoplasiques par les mécanismes immunitaires cytotoxiques. Mais, le système
immunitaire a également la possibilité de contrôler la croissance tumorale par
l’expression de facteurs solubles (anticorps et cytokines) ayant des effets cytostatiques.
Ces effets inhibiteurs peuvent induire une dormance tumorale dans laquelle les cellules
néoplasiques sont présentes mais sans croissance néoplasique cliniquement apparente.
Actuellement, peu de mécanismes sont connus pour expliquer l’établissement et le
maintien de la dormance.
73
Figure 42 : Blocage du cycle cellulaire en phaseG0 et G1 (Etude Racila)
74
� Rôle de l’immunité humorale.
Yefenof et al (53) ont d’abord cherché à savoir quelle partie du système
immunitaire (cellulaire ou humorale) intervenait dans l’induction de la dormance.
Pour cela, ils ont injecté à des souris SCID (présentant une absence totale des
cellules B et T) des anticorps polyclonaux toutes les semaines pendant 4 à 11
semaines puis leur ont inoculé 3.104 cellules de BCL1 après la première injection
d’anticorps. Sur les 19 souris SCID, 18 ont présenté une dormance tumorale. Les
auteurs suggèrent donc que les anticorps à eux seuls, sans les cellules T, sont
capables d’induire le phénomène de dormance. Cependant, même si l’immunité
humorale peut suffire à induire la dormance, il n’est pas exclu que l’immunité
cellulaire joue également un rôle.
D’après Uhr et al (50), la dormance du lymhome murin BCL1 peut être la
conséquence de l’induction d’une réponse immunitaire, générée soit par la tumeur
elle-même soit par une pré-immunisation avec des anticorps anti-idiotype BCL1.
Ainsi, 20 souris ont été immunisées avec 150 µg d’anticorps anti- BCL1,
administrés en 3 doses à J0, J7 et J 17. 34 jours après la première injection, des
cellules tumorales BCL1 sont inoculées. La splénomégalie apparaissant entre le
19ème et le 43ème jour après inoculation du lymphome BCL1 à des souris non
immunisées, les auteurs considèrent le 60ème jour comme la date à partir de
laquelle on peut parler de dormance cellulaire (ils estiment donc que toute rate de
taille normale à J60 est considérée comme portant des cellules tumorales
dormantes). 14 des souris immunisées (soit 70%) sont en phase dormante à J60 et
7 sont toujours porteuses d’une tumeur dormante au 115ème jour (temps maximal
d’observation). Le transfert de splénocytes de ces souris à des souris normales
(non immunisées, non inoculées par des cellules BCL1) engendre le
développement rapide d’une tumeur, prouvant l’existence de cellules tumorales
dormantes.
75
Par ailleurs,
o les souris normales présentent de petites rates, l’absence
d’anticorps anti-idiotype dans le sérum et l’absence de cellules à idiotype positif
dans la rate.
o les souris immunisées portant une néoplasie dormante
présentent une rate légèrement augmentée de volume, un fort taux d’anticorps
anti-idiotype dans le sérum et l’absence de cellules à idiotype positif dans la rate.
o les souris non immunisées porteuses du lymphome BCL1
présentent une volumineuse splénomégalie contenant de nombreuses cellules à
idiotype positif.
Ainsi, il semblerait que les anticorps, en « neutralisant » les cellules tumorales,
permettent l’induction de la dormance.
Des résultats identiques ont également été retrouvés par Yefenof et al en 1993
(53) puis par Racila et al en 1995 (44) et Vitetta et al en 1997 (51) (Figure 43).
Dans l’étude de Racila, la capacité des anticorps à induire la dormance en
l’absence de cytotoxicité des cellules T a été étudiée par immunisation passive de
souris SCID à l’aide d’anticorps poly et monoclonaux. 53 à 79% des souris
développent une dormance en fonction du type d’anticorps utilisés, les anticorps
polyclonaux ayant plus d’effets car ils induisent une dormance plus longue.
Par ailleurs, les auteurs ont voulu savoir si la dormance était liée à une action
synergique des cellules «Natural Killer» (NK) avec les anticorps. Les souris SCID
(ayant un taux normal de cellules NK) ont été traités par des anticorps réduisant
les fonctions des cellules NK puis ont été inoculés par de cellules BCL1 (toutes
les semaines pendant 7 semaines). L’incidence et la durée de la dormance sont
restées identiques. Ceci suggère que l’induction de la dormance est liée à la
transduction d’un signal après liaison de l’anticorps et non à un effet cytotoxique.
76
Figure 43 : Croissance des cellules tumorales chez des souris naïves et immunisées (Etude Vitetta).
o Souris naïves • Souris immunisées contre l’idiotype du BCL1 Chez 70% des souris immunisées, il n’y a pas de splénomégalie détectable à 60 jours et plus après injection de cellules BCL1. En revanche, apparition d’une splénomégalie et de cellules tumorales chez les souris naïves en moins d’un mois.
77
� Rôle de l’immunité cellulaire.
Les cellules T ne sont pas capables à elles seules d’induire la dormance mais
semblent contribuer au maintien de la dormance dans le temps.
En effet, Racila et al en 1995 (44) ont étudié le rôle des cellules T dans l’induction
de la dormance. La durée de la dormance induite chez les souris SCID est
moindre que celle induite chez des souris normales après traitement par des
anticorps polyclonaux. Les auteurs pensent donc que les cellules T contribuent à
l’induction et au maintien de la dormance. Afin de déterminer le rôle des cellules
cytotoxiques, ils injectent des cellules T à des souris SCID. Aucune souris ne
développe de dormance. En revanche, l’injection de cellules T à des souris SCID
préalablement traitées par une dose minime d’anticorps (induisant la dormance
dans 50% des cas seulement) permet d’obtenir une dormance chez 100% des
murins avec une durée moyenne de dormance de 164 jours (différence
significative).
Des résultats similaires ont été retrouvés par Farrar et al (13). En effet, le groupe
ayant reçu une dose minime d’anticorps anti-BCL1 a une croissance similaire au
groupe témoin (animaux naïfs ayant reçu uniquement des cellules tumorales). En
revanche, un traitement combiné par anticorps et cellules T augmente
significativement le pourcentage de souris « saines » (c’est-à-dire sans
splénomégalie) comparé au groupe contrôle (p=0.022) et au groupe traité par
anticorps seuls (p=0.029) (Figure 44).
Ainsi, les cellules T seules ne permettent pas d’induire la dormance tumorale mais
permettent, en collaboration avec les cellules B, une augmentation de l’incidence
et de la durée de la dormance. Pour Racila et al, ceci pourrait être dû à la sécrétion
de cytokines par les cellules T qui majoreraient l’apoptose ou l’arrêt du cycle
cellulaire.
Par ailleurs, Farrar (13) a voulu savoir quel type de cellules T, CD4+ ou CD8+,
intervient dans l’établissement de la dormance. Des souris BALB sont
immunisées par des anticorps anti-BCL1 puis inoculées par des cellules tumorales
BCL1. Les souris n’ayant pas développé de splénomégalie au 60ème jour sont
considérées comme dormantes.
78
Figure 44 : Action synergique des cellules T et des anticorps (Etude Farrar)
� BCL1 IgG : Traitement par anticorps anti-BCL1 Id T-cells : Traitement par cellules T � BCL1 IgG + Id T-cells : Traitement par anticorps anti-BCL1 et cellules T
79
Les CD4+ ou les CD8+ sont éliminés de ces souris dormantes in vivo par des
anticorps spécifiques. La déplétion en CD8+ diminue significativement (p=0.001)
la durée de la dormance par rapport au groupe contrôle et diminue également le
temps moyen avant apparition d’une splénomégalie après échappement à l’état de
dormance. En revanche, la déplétion en CD4+ ne montre pas de différence
significative par rapport au groupe témoin en ce qui concerne la durée de la
dormance (p=0.144) (Figure 45).
Il semble donc que ce soit les CD8+ qui jouent un rôle important dans le maintien
de la dormance.
De plus, ils ont traité des souris SCID par des anticorps anti-BCL1 seuls ou
combinés à des CD4+ ou des CD8+. La durée de la dormance est significativement
plus importante dans le groupe ayant reçu anticorps et CD8+ comparée à celle du
groupe ayant eu des anticorps seuls (p=0.033). Le traitement anticorps + CD4 ne
présente pas de différence significative avec le groupe anticorps seuls en ce qui
concerne la durée de la dormance. Seuls les CD8+ ont donc une action synergique
avec les anticorps (Figure 46).
Enfin, au cours de la réponse immunitaire normale, les cellules CD8+ agissent par
l’intermédiaire de sécrétions de cytokines, en particulier l’IFN-�. Les auteurs
posent l’hypothèse que l’activité des CD8+ pourrait dépendre de la production
d’IFN-�. Ainsi, les souris SCID ayant reçu un traitement par anticorps et CD8,
sont ensuite traitées par des anticorps anti-IFN-� afin de supprimer les effets d’une
éventuelle sécrétion d’IFN-�. La capacité des CD8+ à induire et à maintenir la
dormance est complètement inhibée dans le groupe traité par anticorps anti-IFN-�
(p=0.003 par rapport au groupe anticorps + CD8) (Figure 47).
Ainsi, Farrar et al montrent, qu’en association avec les anticorps anti-BCL1, les
cellules T CD8+ contribuent à l’induction et au maintien de la dormance chez les
souris SCID et que l’activité in vivo de ces cellules T CD8+ dépend de la sécrétion
d’IFN-�.
Müller et al (36) ont mis en évidence les mêmes résultats en ce qui concerne le
rôle des cellules T via une sécrétion d’ IFN-� mais ils ont également démontré que
la moelle épinière et les ganglions lymphatiques apparaissent comme un site
privilégié où les cellules T gardent les cellules tumorales dans un état dormant
(25 ; 36).
80
Figure 45 : Rôle des CD8+ dans le maintien de la dormance (Etude Farrar)
Rat IgG : groupe témoin �-CD4 : traitement par anticorps anti-CD4 et donc déplétion en cellules CD4+ �-CD8 : traitement par anticorps anti-CD8 et donc déplétion en cellules CD8+
Figure 46 : Action synergique des cellules CD8+ et des anticorps (Etude Farrar)
�-BCL1-Ig : traitement par anticorps anti- BCL1 �-BCL1-Ig + Id-CD4 cells : traitement par anticorps anti- BCL1 et cellules CD4 �-BCL1-Ig + Id-CD8 cells : traitement par anticorps anti- BCL1 et cellules CD8
Figure 47 : La capacité des CD8 à maintenir la dormance dépend de la sécrétion d’IFN� (Etude Farrar)
�-BCL1-Ig : traitement par anticorps anti- BCL1 �-BCL1-Ig + Id-CD8 cells : traitement par anticorps anti- BCL1 et cellules CD8 �-BCL1-Ig + Id-CD8 cells + �-IFN�: traitement par anticorps anti- BCL1, cellules CD8 et anticorps anti IFN�
81
Les auteurs ont étudié la dormance tumorale à partir de cellules EblacZ (cellules
lymphomateuses comportant des antigènes tumoraux responsables d’une réponse
cellulaire T spécifique mais génétiquement modifiées pour exprimer le gène
bactérien lacZ ; ce gène fusionnant avec l’ADN tumoral permet la détection du
noyau des cellules tumorales). Ces cellules EblacZ sont vaccinées non pas par
injection d’anticorps mais par injection de cellules tumorales dans l’oreille
interne. En effet, lorsque des cellules EblacZ sont injectées par voie sous-cutanée
chez des souris, la croissance tumorale et la mort sont observées dans le mois
suivant. En revanche, lorsque le même nombre de cellules est injecté dans l’oreille
interne 14 ou 56 jours avant l’inoculation sous-cutanée, les souris sont protégées
contre les cellules tumorales Eb et leur taux de survie est significativement
meilleur. Les souris vaccinées par ce protocole ont donc une protection à long
terme contre les cellules tumorales (Figure 48) mais finissent par succomber à une
croissance tumorale rapide après échappement au bout de quelques semaines
(maximum 340 jours après inoculation). Après inoculation dans l’oreille interne,
les cellules EblacZ disséminent rapidement dans le système lymphatique et
apparaissent en 30 minutes dans les ganglions lymphatiques puis dans la moelle
épinière et la rate en 24H. Après plusieurs mois, seul un petit nombre de cellules
tumorales sont détectées dans la moelle épinière et les ganglions lymphatiques.
Ainsi, Müller et al ont montré que l’immunisation suivie de l’inoculation sous-
cutanée de cellules tumorales EblacZ avait pour conséquence la persistance de ces
cellules dans la moelle épinière de l’hôte. Cette persistance à long terme est
corrélée avec la durée de l’immunité anti-tumorale.
Afin de déterminer le rôle des CD8+ dans le contrôle de la dissémination
tumorale, les auteurs procèdent à l’inoculation de cellules EblacZ dans l’oreille
interne de souris rendues immunodéficientes (soit par traitement avec des
anticorps anti-CD8 soit par irradiation). Dans les 2 cas, il existe une dissémination
rapide et une croissance tumorale dans la moelle épinière de l’hôte (alors que la
même inoculation chez une souris immunocompétente n’entraîne pas de
développement métastatique mais l’induction d’une tumeur dormante dans la
moelle épinière et les ganglions).
82
Figure 48 : Taux de survie après inoculation sous-cutanée de cellules EblacZ 14 jours après vaccination (a) et 56 jours après vaccination (b) (Etude Müller)
o Groupe contrôle (inoculation sans vaccination)
� Vaccination 14 jours avant inoculation sous-cutanée
� Vaccination 56 jours avant inoculation sous-cutanée
83
Pour analyser l’influence de la suppression immunitaire, les souris sont vaccinées
(par inoculation de cellules EblacZ dans l’oreille interne). Après 3 semaines, les
murins subissent un traitement par anticorps anti-CD8 puis sont examinées pour
rechercher des cellules tumorales dans la moelle épinière. Il y a accroissement de
cellules EblacZ dans la moelle épinière chez les souris sans CD8. Les CD8+
jouent donc un rôle important dans le contrôle des cellules tumorales au sein de la
moelle épinière et leurs effets protecteurs sont corrélés à une augmentation des
taux de production d’IFN�.
Ainsi, chez les souris immunocompétentes, la réponse immunitaire de l’hôte
contrôle activement le nombre de cellules tumorales résiduelles, cellules persistant
dans un état dormant dans les ganglions lymphatiques et la moelle épinière aussi
longtemps que les CD8 peuvent médier une immunité protectrice.
Le rôle des cellules T dans le concept de dormance tumorale a également été
démontré in vivo chez d’autres modèles tumoraux murins : plasmocytome (27 ;
28 ; 29), sarcome (47).
4 - Echappement à l’état de dormance.
Une tumeur peut donc rester en phase dormante pendant de nombreuses années puis
reprendre une phase de croissance. Mais, malgré l’importance clinique du concept de
dormance tumorale, les mécanismes au sein de l’hôte et/ou des cellules tumorales
permettant l’échappement à la dormance restent peu connus (51).
Plusieurs hypothèses :
� Apparition de variants au sein des cellules tumorales.
D’après Yefenof et al en 1993(53) puis Farrar et al en 1999 (13), l’échappement
tumoral au phénomène de dormance serait dû à une mutation. En effet, pour eux,
les cellules néoplasiques dormantes proviennent de cellules ayant un phénotype
malin et de nombreuses anomalies du caryotype. Ce sont donc des cellules
génétiquement instables ayant une forte probabilité de mutations.
Cette mutation surviendrait chez la faible proportion de la population cellulaire
dormante se répliquant, et pourrait altérer la négativation du signal de transduction
délivré par l’immunoglobuline de surface, responsable du blocage du cycle
cellulaire, d’où la reprise de la croissance néoplasique.
84
De même, Vitetta et al (51) en étudiant l’histoire naturelle des cellules BCL1
dormantes chez 114 souris observées pendant 610 jours, ont retrouvé un taux
constant de perte de la dormance. Les auteurs pensent que ceci pourrait être du à
des mutations génétiques lors de la réplication des cellules tumorales dormantes.
Le mécanisme principal conduisant à la dormance serait la perte de l’expression
de l’idiotype car le taux de mutation est très important pour les gènes codant la
région hypervariable des chaînes légères et lourdes de l’immunoglobuline de
membrane.
Yefenof et Vitetta (51; 53) ont également voulu savoir si les cellules échappant à
la dormance étaient plus résistantes à une éventuelle réinduction de la dormance
par des anticorps anti- BCL1. Pour cela, ils ont injecté des cellules issues de souris
ayant repris une croissance tumorale après une phase de dormance chez des souris
immunisées. Dans l’étude de Yefenof et al, seuls 16% de ces murins développent
une néoplasie dormante. Dans l’étude de Vitetta et al, sur les 8 cas ayant échappé
à la dormance, 5 poursuivent leur croissance tumorale après inoculation chez des
murins traités par anticorps anti-idiotype (absence de réinduction de la dormance).
Les cellules échappant à la dormance ont donc une probabilité significativement
moindre de repasser dans cet état de dormance.
Cependant, Yefenof et al (53) soulignent que l’hypothèse d’une mutation
responsable de la perte de dormance pourrait être associée à d’autres facteurs tels
que : une diminution de la réponse immunitaire chez l’hôte, des altérations
cellulaires ou encore une modification du taux sérique d’une cytokine responsable
de la transduction du signal de blocage du cycle cellulaire.
85
� Diminution du taux des anticorps anti-idiotype dans le sérum.
Dans leur étude, Uhr et al (50) ont voulu déterminer le taux de croissance des
tumeurs ayant échappé à la dormance entre le 60ème et le 115ème jour (7 souris sur
les 20 initiales). Il n’existe pas de différence significative de la pente de la courbe
de croissance comparée à celle des souris normales. La croissance recommence
donc à un taux rapide. Par ailleurs, ils ont constaté que le taux sérique des
anticorps était inversement proportionnel à la taille de la rate : ainsi, lorsque le
taux d’anticorps augmente, la rate diminue de volume (suggérant l’induction de la
dormance). Lorsque le taux d’anticorps diminue, la rate augmente de volume et le
développement néoplasique recommence (Figure 49). Ceci laisse supposer que
l’échappement tumoral à la dormance est liée à une diminution de la réponse
immunitaire de l’hôte.
De même, Vitetta et al (51), au cours de leur étude sur les évènements intervenant
dans l’échappement à la dormance tumorale, ont supposé qu’une faible réponse
immunitaire (et donc un taux d’anticorps bas) serait responsable de l’incapacité à
maintenir une dormance tumorale. Le titre d’anticorps anti-idiotype ne pouvant
être déterminé après reprise de la croissance tumorale chez les souris ayant
échappé à la dormance, les auteurs analysent donc le titre d’anticorps anti-idiotype
chez des souris immunisées avant inoculation par des cellules BCL1 afin de
connaître la relation entre le taux d’anticorps et la capacité de l’hôte à induire la
dormance. Un faible titre en anticorps anti-idiotype augmente la probabilité de
croissance tumorale rapide et d’absence d’induction de la dormance. En revanche,
un fort taux d’anticorps est corrélé à une grande population de cellules dormantes
(différence significative). Ainsi, le taux d’anticorps anti-idiotype pourrait jouer un
rôle dans l’échappement à la dormance.
86
Figure 49 : Corrélation entre le taux sérique des anticorps anti-idiotype et la taille de la rate (Etude Uhr).
•••• Taux des anticorps anti-idiotype dans le sérum ΟΟΟΟ Taille de la rate
87
VI - CONCLUSION
Les métastases tardives et la physiopathologie du concept de dormance tumorale sont à
l’heure actuelle peu connus. Nous avons vu que les métastases tardives sont rares, leur
fréquence exacte restant encore indéterminée, et que leurs localisations sont très variées.
Les mécanismes responsables de la dormance tumorale sont, d’une part, le processus anti-
angiogénique et d’autre part, le processus cellulaire et immunitaire. Ainsi, la tumeur
pourrait produire des facteurs anti-angiogéniques, limitant sa propre néovascularisation et
son développement. Au niveau cellulaire proprement dit, les interactions avec
l’immunoglobuline de membrane, spécifique à chaque cellule, engendrerait un blocage du
cycle cellulaire. Enfin, l’immunité, quelle soit humorale ou cellulaire, semble jouer un
rôle considérable : les anticorps en « neutralisant » les cellules néoplasiques permettraient
l’induction de la dormance et les cellules T, en particulier les CD8+, permettraient le
maintien à long terme de cette dormance tumorale. Les cellules tumorales persisteraient
alors dans une phase dormante dans la moelle épinière et les ganglions lymphatiques. La
moelle épinière (faisant office de mémoire immunitaire protectrice) agirait comme un site
privilégié de dormance tumorale, responsable d’une stimulation antigénique a minima
permanente et du contrôle tumoral par l’intermédiaire du système immunitaire.
Dans les pathologies cancéreuses, les cas de métastases tardives montrent que le terme de
« guérison » doit être utilisé avec beaucoup de précautions. En réalité, il semble qu’une
personne puisse être guérie cliniquement mais jamais « saine biologiquement de tout
cancer ». Il est donc primordial de prendre en compte le concept de « tumeur dormante »
dans le mode de surveillance du cancer, notamment en ce qui concerne la durée de
surveillance.
Par ailleurs, la physiopathologie de ce phénomène pourrait permettre, à l’avenir, de
développer de nouveaux facteurs pronostiques. Ainsi, l’évaluation du phénotype
angiogénique par quantification de l’angiogénèse pourrait être un facteur pronostique
d’avenir pour prédire le risque métastatique ou le risque de récurrence. En effet, de
nombreuses études (en particulier dans le cancer du sein) ont montré une association entre
l’augmentation de la densité intra-tumorale en micro-vaisseaux et l’agressivité de la
tumeur. Cependant, la quantification de l’angiogénèse est peu reproductible et difficile à
standardiser du fait de l’hétérogénéité de la vascularisation au sein d’une tumeur (une
section tumorale donnée n’étant pas représentative de la vascularisation de l’ensemble de
88
la tumeur) et de la faible différence d’expression des facteurs angiogéniques existant entre
le tissu tumoral et le tissu adjacent de contrôle.
Enfin, l’utilisation d’inhibiteurs de l’angiogénèse ouvre une voie prometteuse pour la
thérapie anti-cancéreuse. Ces thérapies, actuellement en cours d’évaluation dans des
essais cliniques, peuvent soit inhiber la migration et la prolifération des cellules
endothéliales, soit inhiber la production de facteurs angiogéniques par les cellules
tumorales ou avoir une action antagoniste sur les facteurs angiogéniques, soit encore
stimuler la production des facteurs anti-angiogéniques. L’utilisation d’immunotoxines
pouvant détruire les cellules en phase de repos du cycle cellulaire pourrait également être
un traitement d’avenir.
89
���� �� � ��
1 - American Society of Clinical Oncology: Clinical practice guidelines for the use of
tumor markers in breast and colorectal cancer. Adopted on May 17, 1996 by the
American Society of Clinical Oncology. J Clin Oncol. 1996; 14: 2843-2877.
2 - André T., Chastre E., Kotelevets L., Vaillant JC., Louvet C., Balosso J. et al:
Angiogénèse tumorale : physiopathologie, valeur pronostique et perspectives
thérapeutiques. Rev Med Interne. 1998; 19: 904-913.
3 - Artico M., Scarpinati M., Salvati M., Nucci F.: Late intraneural metastasis of the
brachial plexus from mammary carcinoma. Report of a case. J Neurosurg Sci. 1991
Jan-Mar; 35(1): 51-53.
4 - Barakat RR.: Tamoxifen and endometrial cancer. In: American Society of Clinical
Oncology 32bd annual meeting. 1996 may 18-21; Philadelphia, Pennsylvania.