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UNIVERSITE PARIS 7 DENIS DIDEROT
UFR DE MATHEMATIQUES
Ecole doctorale "Savoirs scientifiques : pistmologie, histoire
des sciences et
didactique des disciplines"
THESE
Pour lobtention du diplme de
Docteur de LUNIVERSITE PARIS 7
Spcialit : DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES
Prsente et soutenue publiquement le 15 novembre 2006 par
Abdulkadir ERDOGAN
LLEE DDIIAAGGNNOOSSTTIICC DDEE LLAAIIDDEE AA LLEETTUUDDEE,, EENN
MMAATTHHEEMMAATTIIQQUUEESS
AAnnaallyyssee ddiiddaaccttiiqquuee ddeess ddiiffffiiccuullttss
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Directeurs de thse : M. Pierre DUCHET et M. Alain MERCIER
Membres du Jury
Mme Michle ARTIGUE, Professeur, Universit Paris 7 Prsidente du
jury
M. Yves CHEVALLARD, Professeur, IUFM dAix Marseille
Rapporteur
M. Pierre DUCHET, Directeur de Recherche, CNRS Directeur de
thse
M. Alain MERCIER, Professeur, INRP Directeur de thse
M. Grard SENSEVY, Professeur, IUFM de Bretagne Examinateur
M. Carl WINSLW, Professeur, Universit de Copenhague
Rapporteur
-
la mmoire de mon grand-pre
la personne qui ma tant marqu et de qui jai tant appris
-
REMERCIEMENTS
Lorsquun tel travail est achev, il est difficile de remercier
avec des mots justes toutes les personnes qui ont contribu son
dification et dexprimer sa reconnaissance toutes celles sans qui ce
travail naurait jamais pu aboutir.
Ainsi, ma plus vive reconnaissance va dabord M. Pierre DUCHET et
M. Alain MERCIER. En acceptant dencadrer ce travail et en me
soutenant tout au long de ces annes, ils ont normment contribu
laboutissement de ce projet, et jou un rle extraordinaire dans ma
formation, chacun sa manire, dans ce que cette thse ma permis de
devenir aujourdhui, chercheur en didactique des mathmatiques.
Je remercie dabord Pierre qui ma beaucoup marqu avec sa passion
pour les mathmatiques et pour la recherche. Chaque rencontre avec
lui a t pour moi loccasion de dcouvrir de nouvelles ides,
dapprendre de nouvelles choses. Je lui suis normment reconnaissant
de mavoir donn le got de la recherche et de la rigueur, et ceci
toujours avec comprhension, patience et dans une relation damiti
profonde.
Mon aventure dans cette voie a commenc avec Alain. A peine les
pieds poss sur le sol franais, jai pu profiter pleinement de ses
comptences, de ses expriences professionnelles et de ses qualits
humaines. Je le remercie pour ses encouragements, son soutien
sincre, ses conseils dont javais fort besoin au dbut de cette
aventure et aux moments difficiles de cette thse o limpression que
rien ne va commence peser lourdement.
Toute ma gratitude va galement M. Yves CHEVALLARD et M. Carl
WINSLOW qui ont voulu rapporter cette thse, en sacrifiant
gnreusement leur tche une priode estivale. Je les remercie pour
leurs remarques claires et constructives.
Je remercie vivement Mme Michle ARTIGUE et M. Grard SENSEVY pour
leur participation au jury, en apportant divers regards mon
travail.
Je remercie tous les enseignants qui mont chaleureusement
accueilli dans leurs classes pendant plusieurs mois et tous les
lves qui ont contribu la ralisation de ce projet avec leur
collaboration sympathique.
Jadresse ma sincre reconnaissance aux responsables de lquipe
DIDIREM qui ont accept de maccueillir, et qui ont gnreusement mis
ma disposition tous les moyens ncessaires pour mes recherches. Je
remercie galement les chercheurs de cette quipe pour leurs soutiens
et leurs conseils, les thsards de lquipe des jeunes chercheurs
(anciens et nouveaux) pour les moments de rencontre scientifique et
amicale, enfin le personnel qui y est rattach pour leur gentillesse
et leur efficacit.
Je remercie galement le laboratoire Combinatoire &
Optimisation qui a assur financirement une partie de mes
recherches.
Je remercie tous les doctorants (anciens et nouveaux) du bureau
5B01 pour des moments passs
-
ensemble avec tant de rires, danecdotes et de rcits
imaginaires...
Un grand merci tous mes amis qui mont toujours soutenu et avec
qui jai eu tant partager : Hizir, Feridun, Hasan, quipe des six,
Oktay, Blent(s), Ibrahim La liste est longue, que les oublis me
pardonnent.
Je souhaite enfin exprimer ma plus profonde gratitude et mes
remerciements ma famille.
A mes parents dabord qui mont tout donn,
A mes frres et mes surs qui, au-del dtre toujours ses cts et
courir sans cesse ses besoins, ont du galement subir les caprices
de leur petit frre (cest vrai que parfois je navais pas tort !)
A ma belle famille dont le soutien ne nous a jamais manqu,
Enfin ma petite famille "Emelihim", ma femme et mon fils, quant
eux mes sentiments sont partags ! Je les remercie du fond du cur
pour tout ce quils ont reprsent pour moi dans cette aventure, mais
je sais que je dois aussi mexcuser pour tout ce que je nai pas su
reprsenter pour eux, surtout dans laffolement de ces derniers
temps. Pas besoin davantage de mots, je sais que, encore une fois,
ma femme me comprendra et mon fils, tu verras, on aura encore tant
de choses vivre ensemble et je te transmettrai la flamme que mon
pre et mon grand-pre ont mise lintrieur de moi
-
7
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
...................................................................................................................
13
PREMIERE PARTIE
PRESENTATION DU PROBLEME ET ELABORATION DUN CADRE DIDACTIQUE
APPROPRIE
...........................................................................................................................
19
Introduction
............................................................................................................................
21
CHAPITRE 1. Etude et aide
ltude..................................................................................
23 I. Sur le terme "tude"
.................................................................................................................................
23 II. La notion dtude dans lapproche
anthropologique...............................................................................
25 III. Etude travers le phnomne de transposition didactique et les
contraintes temporelles de
lenseignement.............................................................................................................................................
28 IV. Etude dans les dveloppements rcents de lapproche
anthropologique...............................................
31
IV.1. Le modle praxologique de
ltude..............................................................................................
33 IV.2. Les moments de ltude et la notion de
topos................................................................................
34
V. Retour sur la notion dtude
autonome...................................................................................................
37 VI. Dautres travaux didactiques relatifs ltude
......................................................................................
39 VII. Conclusion
...........................................................................................................................................
40
CHAPITRE 2. Gense dune problmatique
......................................................................
41 I. Les forums de questions mathmatiques et le besoin daide ltude
dont ils tmoignent ..................... 41 II. Le fonctionnement
didactique des forums de questions mathmatiques
................................................ 42 III. Laide
apporte sur les forums : quelle marge de manuvre ?
............................................................. 43
IV. Des attentes affrentes
ltude............................................................................................................
44
IV.1. Question pose par un lve de Seconde
.......................................................................................
44 IV.2. Question pose par un lve de DEUG
.........................................................................................
47 IV.3. Une conclusion intermdiaire
........................................................................................................
49
V. La dimension pistmique de ltude autonome : notion de site
mathmatique..................................... 49 VI. Conclusion
............................................................................................................................................
51
CHAPITRE 3. Problmatique et cadre gnral du travail
................................................ 53 I. Retour sur
la problmatique
.....................................................................................................................
53 II. Une mise au point thorique
...................................................................................................................
54 III. Le site mathmatique comme fil conducteur dune analyse pour
un diagnostic ................................... 55 IV. Le cadre
exprimental du travail
...........................................................................................................
57
IV.1. La dmarche de recherche
.............................................................................................................
58 IV.2. Les variables
tudies....................................................................................................................
58
-
8
IV.3. La mise en place de la dmarche
exprimentale............................................................................
59 IV.4. La population
concerne................................................................................................................
62 IV.5.
Mthodologie.................................................................................................................................
63
DEUXIEME PARTIE
LE SITE ALGEBRIQUE-FONCTIONNEL ET SON ECOLOGIE SCOLAIRE
................ 65
Introduction
............................................................................................................................
67
CHAPITRE 4. Elements de repre pour ltude du site
algbrique-fonctionnel ............. 71 I. Un aperu historique du
site algbrique-fonctionnel
...............................................................................
71
I.1. Des quations algbriques lalgbre moderne : le langage
algbrique, les nombres et les
polynmes...............................................................................................................................................
72 I.2. Lalgbre et la gomtrie : les courbes
gomtriques.......................................................................
74 I.3. Le concept de fonction
.....................................................................................................................
75
II. Retour sur le site algbrique-fonctionnel relatif la classe
de Seconde ................................................. 78
III. Une premire structuration du site algbrique-fonctionnel
...................................................................
80 IV. Quelques remarques complmentaires relatives au site
algbrique-fonctionnel ................................... 82
IV.1. Les faits marquants du site algbrique-fonctionnel
.......................................................................
82 IV.2. Les travaux didactiques relatifs au site
algbrique-fonctionnel.....................................................
84
CHAPITRE 5. Ecologie du site algbrique-fonctionnel au niveau du
Collge................. 85 I. Etude des programmes officiels
...............................................................................................................
86
I.1. Les nombres
.....................................................................................................................................
87 I.2. Les expressions algbriques
.............................................................................................................
88 I.3. Le concept dquation
......................................................................................................................
89 I.4. Les concepts dordre et
inquation...................................................................................................
90 I.5. Les concepts de fonction et de
variation...........................................................................................
91 I.6. Conclusion de lanalyse des programmes du Collge
......................................................................
94
II. Etude des manuels scolaires
...................................................................................................................
95 II.1. Les concept dquation et dexpression
algbrique.........................................................................
96 II.2. Les concepts dordre et dinquation
............................................................................................
100 II.3. Les concepts de fonction et de variation
.......................................................................................
101
III. Conclusion de lanalyse des manuels IV. Conclusion
..........................................................................................................................................
108
CHAPITRE 6. Le site algbrique-fonctionnel de la classe de
Seconde ........................... 109 I. Les objectifs gnraux du
programme de la classe de
Seconde.............................................................
110 II. Le contenu denseignement
..................................................................................................................
110 III. Analyse des manuels de la classe de Seconde
.....................................................................................
115
III.1. Analyse du manuel Dclic
...........................................................................................................
116 III.2. Quelques aspects du manuel Transmath
......................................................................................
138
-
9
IV. Conclusion
..........................................................................................................................................
139
CHAPITRE 7. Au-del de Seconde
....................................................................................
147 I. Programmes des classes de Premire et
Terminale................................................................................
147
I.1. Programmes de Premire et Terminale
ES.....................................................................................
147 I.2. Programmes de Premire et Terminale scientifique
.......................................................................
149
II. Analyse des manuels de Premire S
.....................................................................................................
150 II.1. Le manuel Dclic
..........................................................................................................................
151 II. 2. Le manuel
Transmath...................................................................................................................
153
III.
Conclusion...........................................................................................................................................
154
Conclusion de la partie
........................................................................................................
157
TROISIEME PARTIE
LES CLASSES-INSTITUTIONS :UNE CONSTRUCTION
.............................................. 159
Introduction
..........................................................................................................................
161
CHAPITRE 8. Classe de Seconde comme une institution particulire
dtude ............. 163 I. Les caractristiques principales de la
classe de Seconde
.......................................................................
163 II. La nouvelle classe de
Seconde..............................................................................................................
164 III. Les dispositifs dtude de la classe de
Seconde...................................................................................
169
III.1. Lenseignement
modulaire...........................................................................................................
169 III.2. Laide individualise
(AI)............................................................................................................
171 III.3. Les regards critiques sur laide individualise
.............................................................................
172
IV. Conclusion
..........................................................................................................................................
176
CHAPITRE 9. Les institutions observes et leurs caractristiques
vis--vis de ltude 177 I. Classe de Mme Lecourt
(LK).................................................................................................................
177
I.1. Le fonctionnement gnral de la classe et celui des diffrents
dispositifs dtude......................... 180 I.2. Lorganisation
et le suivi du travail
personnel................................................................................
184
II. Classe de M. Branly (EB)
.....................................................................................................................
186 II.1. Le fonctionnement gnral de la classe et celui des
diffrents dispositifs dtude ....................... 187 II.2.
Lorganisation et le suivi du travail personnel
..............................................................................
188
III. Classe de Mme Rolland
(RR)..............................................................................................................
189 III.1. Le fonctionnement gnral de la classe et celui des
diffrents dispositifs dtude ...................... 190 III.2.
Lorganisation et le suivi du travail
personnel.............................................................................
192
IV. Conclusion
..........................................................................................................................................
194
CHAPITRE 10. Le rapport des lves ltude en mathmatiques
............................... 197 I. Conception du questionnaire
..................................................................................................................
198 II. Analyse a priori du
questionnaire.........................................................................................................
199 III. Le dpouillement et lanalyse du
questionnaire...................................................................................
202
-
10
III.1. Les traitements
croiss.................................................................................................................
203 III.2. Analyse des commentaires : les questions
ouvertes.....................................................................
205 III.3. La prparation des donnes pour le traitement
............................................................................
206
IV. Le traitement et les rsultats
................................................................................................................
207 IV.1. Les caractristiques gnrales de la population
...........................................................................
207 IV.2. Entre en classe de Seconde, rupture et continuit
......................................................................
212 IV.3. Le travail mathmatique des lves en
classe..............................................................................
220 IV.4. Travail la maison
......................................................................................................................
226
V. Analyse diffrentielle des rapports des lves ltude
.......................................................................
229 V.1. Les reprsentations de ltude communment partages
.............................................................. 229
V.2. Les reprsentations discriminantes de ltude selon les positions
scolaires des lves ................ 230 V.3. Les reprsentations
discriminantes de ltude suivant les classes : retour sur les
institutions ...... 232
CHAPITRE 11. Les lves particuliers et leurs dispositions
dtude.............................. 233 I. Classe de Mme Lecourt :
Charles et Gilles racontent leurs dispositions personnelles
dtude.............. 233
I.1. Le cas de
Charles............................................................................................................................
233 I.2. Le cas de Gilles
..............................................................................................................................
237
II. Ce que dclarent les lves de M. Branly
.............................................................................................
240 II.1. Le cas de Magali
...........................................................................................................................
240 II.2. Le cas dAurlie
............................................................................................................................
241 II.3. To, Sabrina et Rva : diffrents profils dlve, diffrents
rapport ltude .............................. 243
III. Rbecca, Faza et Laora : les lves de Mme
Rolland.........................................................................
245 IV.
Conclusion...........................................................................................................................................
251
Conclusion de la partie
........................................................................................................
253
QUATRIEME PARTIE
ETUDE ET AIDE A LETUDE :TRAVAIL DES ELEVES ET DU PROFESSEUR
AUTOUR DU CONTROLE
..................................................................................................
257
Introduction
..........................................................................................................................
259 I. Les trois dimensions de lvaluation scolaire des
connaissances...........................................................
259 II. Le contrle en tant que moment dtude autonome
particulier.............................................................
261
CHAPITRE 12. Etude et aide ltude dans la classe de Mme Lecourt
........................ 263 I. Le contrle relatif au site
algbrique-fonctionnel dans la classe de Mme Lecourt
................................ 263 II. Analyse du sujet du
contrle.................................................................................................................
265 III. Analyse a priori des exercices proposs
.............................................................................................
266
III.1. Etude du sens de variation de la fonction f(x)=4-(2x-8)
sur lintervalle [+;4[ .................... 268 III.2. Les quations
et inquations du premier
exercice........................................................................
276 III.3. Les inquations du quatrime exercice
........................................................................................
279 III.4. Lexercice 2 portant sur la recherche de laire minimale
dun paralllogramme......................... 280
-
11
III.5. Lexercice 3 portant sur la construction du graphe dune
fonction vrifiant certaines proprits 281 III.6. Conclusion de
lanalyse a priori du sujet du contrle
.................................................................
282
IV. Analyse des copies des
lves.............................................................................................................
283 IV.1. Barme du
contrle......................................................................................................................
283 IV.2. Le taux de russite des
lves......................................................................................................
283 IV.3. Les erreurs des lves concernant ltude du sens de
variation ................................................... 284
IV.4. Les productions des lves concernant les quations et
inquations ........................................... 288 IV.5.
Les productions des lves concernant le deuxime exercice
..................................................... 290
V. Les productions des lves selon les positions scolaires
......................................................................
291 V.1. Le cas des bons lves
..................................................................................................................
291 V.2. Lautre extrmit de la chane : les lves
faibles.........................................................................
297 V.3. Le cas des lves
moyens..............................................................................................................
299 V.4. Conclusion de lanalyse des productions des lves
.....................................................................
302
VI. Lanalyse de la sance consacre la correction du contrle
............................................................. 303
VI.1.Le droulement de la
sance.........................................................................................................
304 VI.2. Correction de la question du sens de variation
............................................................................
305 VI.3. Correction des quations et inquations du premier
exercice...................................................... 309
VI.4. Correction du deuxime exercice
................................................................................................
311 VI.5. Correction du quatrime exercice
................................................................................................
312 VI.6. Conclusion de lanalyse de la sance de
correction.....................................................................
313
VII. Analyse des sances denseignement prcdant le contrle
.............................................................. 314
VII.1. Les sances denseignement de Mme Lecourt relatives au site
algbrique-fonctionnel ............ 314 VII.2. Le travail de llve,
le travail du professeur et une distinction formelle des
topos................... 316 VII.3. Les sances denseignement, leurs
objectifs et leur articulation
................................................ 317
VIII. Les trois sances denseignement relatives lintroduction de
ltude du sens de variation et la rsolution dquations et inquations
fonctionnelles.................................................................................
324
VIII.1. La prsentation des sances
......................................................................................................
324 VIII.2. Le cours du mardi 04 /03- 1er exercice sur le sens de
variation ................................................ 325
VIII.3. Le cours du jeudi 06/03- 2me exercice sur le sens de
variation et la rsolution dquations
-inquations............................................................................................................................................
331
VIII.4. Le cours du vendredi 07/03, 3me exercice sur le sens de
variation et la rsolution dquations
-inquations............................................................................................................................................
339 VIII.5. Conclusion de lanalyse des sances prcdant le
contrle.......................................................
345
IX. Conclusion
..........................................................................................................................................
345
CHAPITRE 13. Etude et aide ltude dans la classe de M. Branly
.............................. 349 I. Les contrles relatifs au site
algbrique-fonctionnel dans la classe de M. Branly
................................. 349
I.1. Le sujet du premier
contrle...........................................................................................................
349 I.2. Analyse du sujet du contrle
..........................................................................................................
350 I.3. Analyse des copies des lves
........................................................................................................
351
II. Le deuxime contrle relatif au site
algbrique-fonctionnel.................................................................
355
-
12
II.1. Analyse des exercices proposs
....................................................................................................
356 II.2. Analyse des copies des
lves.......................................................................................................
358 II.3. Conclusion de lanalyse des contrles et des copies des
lves .................................................... 360
III. Les sances denseignement de M. Branly relatives au site
algbrique-fonctionnel ........................... 361 III.1.
Prsentation de lenseignement dispens
.....................................................................................
361 III.2. Les sances denseignement, leurs objectifs et leur
articulation.................................................. 363
III.3. Analyse de la sance de module du 19/03/03 portant sur les
fonctions et la rsolution dquations et inquations
........................................................................................................................................
368
IV. Conclusion
..........................................................................................................................................
373
CONCLUSION GENERALE
...............................................................................................
375 I. Le mouvement de la
thse......................................................................................................................
377 II. Une synthse des rsultats des diffrentes
parties.................................................................................
381 III. Rsultats saillants de la thse : lments de diagnostic
.......................................................................
385 IV. Un mot sur les articulations thoriques
...............................................................................................
387 V. Des pistes pour une aide ltude
efficace...........................................................................................
390 VI. Nos perspectives de
recherche.............................................................................................................
394
BIBLIOGRAPHIE
................................................................................................................
395
ANNEXES
.............................................................................................................................
403 ANNEXE 1. Programmes
Officiels..............................................................................................
407
ANNEXE 2. Entretiens avec les
professeurs...............................................................................
427
ANNEXE 3. Questionnaire des lves
.........................................................................................
451 ANNEXE 4.Entretien avec les
lves...........................................................................................
469
ANNEXE 5. Les sances denseignement de Mme Lecourt
...................................................... 511
ANNEXE 6. Les copies de contrle des lves de Mme
Lecourt............................................... 565
ANNEXE 7. Les sances denseignement de M. Branly
............................................................ 585
ANNEXE 8. Les sances denseignement de Mme Rolland
...................................................... 625
-
INTRODUCTION
-
Si nous pouvons considrer lenseignement comme une tche minemment
cooprative entre le professeur et les lves, une grande partie des
apprentissages relve du territoire individuel et priv des lves, qui
doivent chercher s'enseigner c'est--dire tudier, pour apprendre.
Usuellement appele travail personnel et souvent identifie au
travail en dehors de lcole, cette partie du travail des lves se
trouve lorigine des phnomnes didactiques qui prennent aujourdhui
une importance particulire. Les textes officiels attribuent
diverses fonctions ce travail et insistent sur son importance dans
la ralisation des apprentissages viss par lcole. Par ailleurs, nous
assistons depuis une quinzaine dannes la mise en place de nouveaux
dispositifs denseignement (Enseignement modulaire, Travaux
personnels encadrs, Aide individualise) dont les objectifs sont trs
divers, allant de la lutte contre lchec scolaire, en passant par la
rduction des taux de redoublements ou la russite aux examens, jusqu
lacquisition dune certaine autonomie chez les lves. Et pourtant, ni
les insistances permanentes des textes officiels, ni larrive de ces
nouveaux dispositifs ne semblent rien arranger, si ce nest le
contraire : le Haut Conseil de lvaluation de lcole (HCEE) a
communiqu, en mai 2005, un rapport intitul le travail des lves pour
lcole, en dehors de lcole . Mme si le rapport avait pour objectif
de faire un tat des connaissances sur les tches relatives au
travail scolaire des lves en dehors de lcole et sur lefficacit de
ces tches en fonction des rsultats et des progrs scolaires, il a
attir lattention par ses rsultats relatifs lvolution du systme de
cours particuliers. Les journaux se sont vite empars de ces
rsultats, avant mme que le rapport ne soit rendu public1 : en se
nourrissant de langoisse des parents, dune comptition scolaire
accrue et de lincapacit de lcole, le march du soutien scolaire
serait en train de muter. Il ne sagirait plus dun phnomne relatif
une partie aise de la population, ni dun certain niveau dge dans
les tudes, ni seulement des enfants en difficult mais dsormais le
soutien scolaire couvrirait tout le parcours scolaire, de la
maternelle aux tudes suprieures. Le march du soutien scolaire priv
- vhicul notamment par la possibilit dune rduction dimpts - aurait
gagn du terrain depuis une dizaine dannes, avec une croissance
annuelle de plus de 40% pour certaines fondations et plus de
1 Voir par exemple, Libration, dition du 27 avril 2005, et Le
Monde, dition du 30 avril 2005.
-
Introduction
16
100% en un an pour certaines dautres, au point que lon puisse
qualifier cette croissance dune expansion spectaculaire selon
lexpression du sociologue Dominique Glasman, lauteur de ce
rapport.
Pourtant, ces rsultats nauraient pas d surprendre la plupart des
acteurs du systme denseignement (professeurs, parents, corps
dinspection) parce quils mettent en vidence un phnomne assez connu
de tous. Mais c'est un phnomne devant lequel tous semblent se
trouver dsarms : le travail la charge des lves leur pose des
problmes srieux et ces problmes semblent tmoigner d'un
dysfonctionnement de lcole. Cela engendre un besoin daccompagnement
et daide pour de nombreux lves, un besoin dont nous avions dj
observ la manifestation massive travers les questions poses par les
lves sur les forums mathmatiques sur Internet (Erdogan, 2001).
Les causes de ce phnomne pourraient tre multiples et peuvent
faire lobjet de plusieurs hypothses. On peut par exemple considrer
que les lves de notre poque ne travaillent pas assez ou quils ont
perdu il y a longtemps le got du travail, de linvestissement
personnel, et que lcole continue de nier cette ralit - comme le
laisse entendre le rapport - parce quelle ne peut pas faire
autrement.
Or, dans ltat actuel de la recherche on connat trs peu de choses
sur ces points. Si les symptmes sont connus, leur interprtation et
leur origine restent problmatiques. Autrement dit, labsence des
lments fiables pour un diagnostic fait problme.
Mettre en avant quelques travaux en Sciences de lEducation, qui
posent la question au dtour des problmatiques assez larges (rythme
scolaire, mthode de travail, conditions matrielles, familiales et
sociales), et souvent sans prendre en compte les spcificits
disciplinaires, semble apporter trs peu de rponses ces
questions.
Quant la didactique, en consacrant la plus grande partie de son
nergie lidentification et la modlisation des phnomnes lis la scne
officielle des apprentissages, elle semble avoir peu explor le
travail la charge des lves, encore moins les questions qui
laccompagnent. Des questions dont la plupart sont pourtant souleves
depuis 15 ans (cf. Mercier, 1992).
Partant donc de l'hypothse que le travail la charge des lves
pose des problmes spcifiquement didactiques, et du constat que la
question daide ce travail savre problmatique, nous sommes amen
engager une recherche approfondie sur la nature prcise de ce
travail, sur ses enjeux et sur les conditions de son
fonctionnement. Notre thse aborde ces questions avec l'intention de
dgager des lments de diagnostic appropris.
Un tel objectif a des consquences importantes, tant sur le plan
thorique que sur le plan exprimental et il convient ici de prciser
des choix faits et des dlimitations effectues.
En considrant la finalit de tout acte denseignement comme
lacquisition par les lves dune connaissance spcifique dont il vise
faciliter et organiser laccs, nous utilisons le terme tude autonome
pour dsigner la part autonome de travail qui revient la charge des
lves. Il va de soi que le seul cadre du travail la maison ne
couvrira pas cette vision, puisque ltude autonome
-
Introduction
A. ERDOGAN 17
sinscrit dans la ralit du temps dapprentissage et traverse la
sparation des lieux dtude : travail en classe, travail la
maison.
Que lon ne sy trompe pas, cette notion dtude autonome ne renvoie
pas une posture autodidactique de l'lve mais nomme un mode
ncessaire de son activit qui non seulement accompagne toute action
d'enseignement mais qui, nous le montrerons, est largement influenc
par les choix didactiques oprs dans la classe.
Notre thse porte sur la classe de Seconde, une classe charnire
tant sur le plan des contenus denseignement que sur celui des
enjeux de la scolarit, et elle se centre sur la partie algbrique et
fonctionnelle du programme.
En mettant en uvre un systme dinterprtation, en analysant une
multitude de donnes relatives quatre classes de Seconde (textes
officiels, manuels scolaires, observations des sances
denseignement, copies dlves, questionnaire, entretiens individuels
des lves et des professeurs) et en faisant interagir les rsultats
de ces diffrentes donnes, la thse cherche aboutir des lments de
diagnostic pour repenser les situations didactiques dtude et pour
imaginer ce que pourrait tre une aide efficace ltude.
Le travail sorganise autour de quatre grandes parties divises en
plusieurs chapitres.
La premire partie s'attache dlimiter et clarifier notre
problmatique. Pour ce faire, elle propose une lecture des travaux
existants dans le domaine didactique, notamment celle de lapproche
anthropologique comme la thorie qui propose un modle explicite
dtude et daide ltude. Les questions souleves lors de cette lecture
et les notions convoques (contrat didactique, moments de ltude,
topos de llve) dbouchent sur une dfinition approfondie de la notion
dtude autonome et sur la ncessit d'articuler une dimension
pistmique cette notion, une articulation dont le fondement est
labor partir de nos recherches antrieures (Erdogan, 2001). Nous
introduisons alors une notion importante, celle de site mathmatique
(Duchet & Erdogan, 2005), notion partir de laquelle nous
pouvons recentrer notre problmatique et reformuler nos hypothses de
recherche.
Un site mathmatique dsignant la structure organise des objets
mathmatiques et des relations parmi ces objets, une structure se
prsentant comme rfrence indispensable de ltude autonome, il parait
ainsi ncessaire que lon soccupe non seulement de llve qui tudie les
mathmatiques, mais aussi des mathmatiques quil est appel tudier,
des conditions et des contraintes qui simposent lui travers les
mathmatiques. La deuxime partie a donc pour objectif de mettre en
vidence le site algbrique-fonctionnel comme un domaine dtude et
danalyser son cologie scolaire - de la classe de Sixime jusquen
classe de Terminale - dont les rsultats nous permettent danticiper
grandement les difficults que les lves de la classe de Seconde
peuvent rencontrer lors de leur tude autonome et celles que le
professeur peut rencontrer lors de lorganisation de cette tude.
La classe est linstitution didactique principale dans laquelle
se dfinit toute activit dtude autonome, se mettent en place les
trajectoires possibles pour ltude des uvres particulires. La
troisime partie
-
Introduction
18
cherche dabord repenser cette institution - classe de Seconde,
en dgageant ses caractristiques particulires vis--vis de ltude
autonome. Nous y tudions ensuite le rapport ltude de ses sujets
(professeur- lves) et des moyens que les lves semblent avoir leur
disposition pour tudier et ceux dont dispose le professeur pour les
aider tudier.
Le domaine dtude mathmatique tant restitu pour ltude, les
caractristiques de la classe de Seconde vis--vis de ltude, ainsi
que celles des classes observes tant identifies, la quatrime partie
analyse - travers des situations dtude autonome, notamment celle du
contrle en classe qui vient clore lenseignement du chapitre en
question - les difficults rellement rencontres par les lves et leur
prise en charge par le professeur, tout en mettant l'preuve le
systme dinterprtation labor au cours des trois premires
parties.
La thse met tout dabord en vidence des problmes lis au contenu
du curriculum et son organisation qui sopposent au bon
fonctionnement de ltude autonome. Nous avons en effet identifi un
certain nombre de contraintes de ce type qui dterminent les choix
du professeur qui cherche organiser cette tude comme ceux des lves
qui ont occuper leur topos. Nous montrons que ce topos est dtermin
dans le site par l'ensemble de ce que le professeur ne prend pas en
charge, parfois volontairement parce qu'il leur dsigne ainsi
l'enjeu officiel de son enseignement, mais trs souvent
involontairement parce que ces objets n'appartiennent pas au site
de la classe bien qu'ils appartiennent au topos d'une tude autonome
relative aux enjeux officiellement dsigns.
Ces problmes se trouvent renforcs par la position des uns et des
autres vis--vis de ltude autonome. Plus prcisment, si ltude
autonome est considre par tous les acteurs du systme denseignement
comme la cl de la russite des apprentissages viss, la thse met en
vidence des phonmes dignorance relatifs sa profondeur
pistmique.
-
19
PREMIERE PARTIE
PRESENTATION DU PROBLEME ET ELABORATION DUN CADRE DIDACTIQUE
APPROPRIE
Introduction
Chapitre 1. ETUDE ET AIDE A LETUDE
Chapitre 2. GENESE DUNE PROBLEMATIQUE
Chapitre 3. PROBLEMATIQUE ET CADRE GENERAL DU TRAVAIL
-
21
INTRODUCTION
Sil nexiste ce jour aucune convention sur la notion pour nommer
le travail la charge des lves, nous avons dabord convenu de
lappeler tude (en mathmatiques) qui est une notion sans doute trop
large pour assurer le sens que nous attribuons ce travail.
Cependant, dun point de vue tymologique et pistmologique elle savre
une notion pertinente. Elle trouve ses origines aussi bien dans la
culture que dans la recherche. Cest pourquoi, nous allons dabord
tenter de prciser cette notion en tant que dmarche intellectuelle
dun individu apprenant. Nous en ferons usage jusqu ce
quapparaissent les notions ncessaires, dans le cadre didactique
appropri, pour qualifier ce travail dtude autonome (des lves en
mathmatiques), notion qui englobe la fois lide dun travail que les
lves doivent mener en mode autonome pour assurer les apprentissages
et le sens ci-dessus de ltude.
Lusage du mot tude et de ladjectif autonome nest donc pas
arbitraire mais relve de la tentative dlaborer une approche
spcifique pour le travail la charge des lves. cet effet, aprs avoir
examin le sens primitif de la notion dtude, nous allons faire une
lecture des travaux didactiques qui se sont intresss ltude autonome
des lves et aux questions qui lui sont relatives. Nous allons en
particulier faire un long dtour lapproche anthropologique, car ds
son origine jusquaux travaux les plus rcents, la notion dtude y est
omniprsente. Nous allons chercher mieux saisir le sens de cette
notion en tant que notion didactique et nous allons essayer de voir
quel point les outils fournis par cette approche nous permettent de
traiter les questions que nous nous posons autour du problme du
diagnostic de laide ltude.
Aprs avoir revu la notion dtude autonome la lumire des notions
appropries, nous allons nous arrter sur notre mmoire de DEA afin de
mieux cerner les questions qui se trouvent lorigine de notre thse.
En effet, si les forums tmoignent dun besoin daccompagnement et
daide ltude fortement ressenti par de nombreux lves, les conditions
de satisfaction de ce besoin dpasse largement le cadre des forums
et posent des problmes didactiques difficiles. Nous illustrons ce
phnomne par quelques situations dtude qui posent problme et nous
aboutissons la ncessit darticuler une dimension pistmique ltude
autonome. Cette dimension apparat indispensable partir du moment o
ltude autonome suppose non pas un rapport aux objets du contrat
didactique mais la construction dun rapport aux objets mathmatiques
dont lensemble fonctionne comme une structure porteuse de sens et
devient la rfrence de lactivit de llve. Cette dimension de
ltude
-
22
autonome est laxe principal de notre travail et nous labordons
travers la notion de site mathmatique. Cette notion nous permet non
seulement dadopter un point de vue thorique sur ltude, mais aussi
de formuler des hypothses de recherche et concevoir une analyse
didactique relative aux difficults de ltude autonome.
La partie se termine par les prcisions relatives notre dmarche
exprimentale, la manire dont nous pensons nous approcher de la
ralit de ltude autonome.
-
A. ERDOGAN 23
CHAPITRE 1
ETUDE ET AIDE A LETUDE
I. Sur le terme "tude"
Une premire acception du mot "tude" en franais est lacception
tymologique : le mot studium en latin signifie avoir attachement
pour - zle, soin, application, attention, got - avoir lapplication
desprit .
Selon lexplication donne par le dictionnaire2, il y a tude
lorsquil y a application mthodique de lesprit cherchant apprendre
et comprendre. Etudier, cest chercher comprendre par un examen. Les
mots analyser, examiner, observer sont donns titre de synonyme du
mot tudier.
Cest une dfinition sans doute assez large et elle couvre aussi
bien tout un domaine de recherche que le domaine denseignement.
Mais nous pouvons dj dterminer partir de cette dfinition certaines
caractristiques de la notion dtude en ce qui concerne la didactique
:
Le mot comprendre se trouve dans cette dfinition comme action
attendue dune personne en position dtudiant, montrant sur quoi
lintention dtudier ou ltude devrait se centrer. Si pour un lve, en
tant que sujet pistmique, le but de toute activit mathmatique est
dapprendre quelque chose de lordre du savoir mathmatique,
comprendre est laction qui se trouve lorigine de toute nouvelle
tentative dapprendre.
En commentant une pense de Goethe titre dexemple, Bachelard
marque la diffrence entre le rationalisme et lempirisme :
Quand lenfant commence comprendre quun point invisible doit
prcder le point visible, que le plus court chemin dun point un
autre est conu comme une droite avant mme quon la trace
2 Le Petit Robert, Dictionnaire alphabtique et analogie de la
langue franaise, Edition 2000
-
Premire Partie Problmatique et Mthodologie
24
sur le papier, il en prouve un certain orgueil, une certaine
satisfaction. Cet orgueil correspond prcisment la promotion
intellectuelle qui fait passer lenfant de lempirisme au
rationalisme. Au lieu de constater, lenfant saperoit quil comprend.
Il vit une mutation philosophique. [Bachelard, 1949, p.13]
Une deuxime chose que lon peut tirer de cette dfinition est que
ltude rfre la rflexion, leffort de pense. Elle soppose la simple
pratique et la routine. Par consquent, elle savre coteuse en temps
et en effort.
Ces deux points de vue sur ltude en impliquent un troisime :
dans les cas avancs, laction de comprendre et de rflchir amnera une
attitude de recherche dexplication et didentification des causes,
attitude essentielle pour une dmarche mathmatique. Cest par exemple
cette recherche des causes qui semble avoir constitu les fondements
de la science grecque entre les VIme et Vme sicles avant notre re.
Quil sagisse dastronomie, de mathmatiques, de mdecine, dhistoire ou
de philosophie, une pense tourne vers la recherche des causes au
moyen des preuves est considre aujourdhui comme le fondement et la
caractristique de la science grecque. La revue Sciences Humaines,
dans le numro consacr lhistoire et la philosophie des sciences note
cette spcificit de la manire suivante3 :
Ce qui marque justement loriginalit des Grecs rside en ceci : on
passe de la connaissance des faits la recherche des causes, de la
matrise de certains savoirs la dmonstration rigoureuse de leur
validit. Et cela sobserve dans tous les domaines du savoir :
lastronomie, les mathmatiques, la mdecine, lhistoire, et bien sur
la philosophie. Hrodote, le premier historien, ne se content pas de
raconter les guerres entre Grecs et Barbares, il en recherche les
raisons : [] Hippocrate de Cos, celui que lon considre comme le pre
de la mdecine occidentale, ne se contente pas dtablir des listes de
maladies, den rpertorier les symptmes, il propose pour une premire
fois une tiologie (recherche des causes) de la maladie.
En mathmatiques, la recherche des causes prend la forme de la
dmonstration. Alors que les Babyloniens connaissaient les proprits
des angles, des cercles les Grecs, eux, veulent prouver. Toute
lentreprise des Elments dEuclide se distingue de la simple
collection des dcouvertes gomtriques (des Babyloniens) en ce que
son auteur veut dmontrer chacune des propositions.
Sans identifier ici un lycen au chercheur - mathmaticien, ni
supposer de sa part une quelconque autodidaxie, nous pouvons
souligner que ltude, dans son acception gnrale, rfre une conduite
et une posture particulire vis--vis de son objectif, identifi -
nous reviendrons sur ce point- au savoir.
La question de ltude, prsente ici en termes les plus gnraux,
devient une question didactique lorsquon laborde du point de vue de
la ncessit et de lefficacit de ltude pour les apprentissages viss,
en loccurrence les apprentissages mathmatiques. Ds lors, considrant
lenseignement comme une tche minemment cooprative entre professeur
et lves et lactivit dtude comme le travail dont la charge revient
llve, nous sommes amen des interrogations de nature proprement
3 La revue Sciences Humaines hors srie de la priode dcembre
2000/janvier-fevrier 2001, (extrait de larticle "Y-a-t-il eu un
miracle grec ?" du rdacteur en chef Jean-Franois Dortier, p.7)
-
Chapitre 1 Etude et aide ltude
A. ERDOGAN 25
didactique :
- Quel est le rle de lactivit dtude dans le processus didactique
?
- Comment peut-on dfinir une notion dtude ?
- O, et quand, se ralise lactivit dtude ?
- quelles conditions lefficacit de ltude peut-elle tre garantie
?
Alors que les trois premires questions supposent un examen du
processus didactique lui-mme, c'est--dire un examen centr sur les
modes dacquisition et de transmission des savoirs, la dernire nous
conduit nous intresser des situations dtude particulires, en
analyser les enjeux et les contraintes dans le but dvaluer leur
efficacit. Pour pouvoir apporter quelques pistes, au moins aux
premires questions, il nous parat ncessaire dtudier comment
lactivit dtude sinsre dans le processus didactique. Lapproche
anthropologique constitue un premier pas pour nous dans cette
direction.
II. La notion dtude dans lapproche anthropologique
Etude nest pas une notion nouvelle pour ceux qui sintressent
lenseignement bien que le sens que chacun attribue cette notion
soit diffrent suivant les points de vue et selon la position occupe
dans la socit : certains vont la considrer comme le travail propre
de llve alors que dautres vont plutt la voir comme le produit dune
activit collective. Ainsi, le point de vue dun sociologue et celui
dun didacticien sur cette notion diffreraient dans leurs
problmatiques ainsi que dans leurs discours.
Bachelard, quand il traitait de llve rationnel il y a plus dun
demi-sicle, dfinissait laction du sujet rationnel comme laction dun
esprit sappliquant sur soi-mme :
Dune manire gnrale, il y a culture dans la proportion o slimine
la contingence du savoir ; mais cette limination, jamais complte,
nest mme jamais dfinitive. Elle doit tre sans cesse reffectue. Au
fond, le dnombrement cartsien a deux fonctions : garder les
connaissances et maintenir leur ordre jusqu ce que la conscience
dordre soit assez claire pour que lordre des connaissances rappelle
les connaissances. Cest l prcisment, dans lintimit du sujet, un
acte du rationalisme appliqu, lacte utile dun esprit qui sapplique
sur soi-mme. La conscience rationnelle du savoir survole la
conscience empirique. Elle fixe litinraire le plus court, le plus
instructif. [Bachelard, 1949, p.14]
Et selon lui, llve qui tudie, repassant la composition du
savoir, compose son propre tre :
Ltre qui veut apprendre repasse la composition du savoir. Sil
examine ce savoir repass dans ses profondeurs mtaphysiques, il a
bientt la curieuse impression de repasser une sorte de composition
de son propre tre ou plus exactement encore de composer son tre mme
dans les belles formes de la pense rationnelle. Cest alors que ltre
est tre de connaissance , cest alors seulement quil a effac le
psychologisme et quil a accd au normativisme [ibid. p.15]
-
Premire Partie Problmatique et Mthodologie
26
Dans le domaine de la didactique des mathmatiques franaise, la
notion dtude prend ses premires formulations avec un texte de Y.
Chevallard (1988a), non publi, datant de prs de vingt ans
maintenant. La notion semble mise entre parenthses jusqu
(Chevallard, 1995) o cette notion sinflchit et devient partie
intgrante de lapproche anthropologique.
Dans le premier texte, il montre dabord les places que vont
venir occuper, dans le systme denseignement, lapprenant, ltudiant
et lenseign (llve). Au sens strict des termes, un apprenant cest
quelquun qui apprend. Un tudiant cest quelquun qui tudie. Une
premire distinction faite par Chevallard concerne alors les
positions institutionnelles de ltude et de lapprentissage : ltude
est une conduite visible, appartenant la sphre publique;
lapprentissage est tout dabord un travail de lordre du priv.
Autrement dit, ltude est quelque chose que lon peut voir alors que
lon peut seulement imaginer et - la limite - valuer lapprentissage.
Chevallard remarque ainsi que ltude rfre au rle officiellement
dsign llve dans le systme denseignement : lorsquune personne vient
assister un tel procs en tant qulve, elle se transforme en tudiant
.
Une deuxime distinction vient alors marquer les positions
respectives de ltudiant et de llve dans le processus didactique :
lenseign (llve) est le sujet sur lequel porte toute action
didactique tandis que ltudiant est le sujet agissant. Il ragit
lenseignement en produisant un certain type dactions. Chevallard
note ainsi quen parlant de lenseign, nous voquons le professeur,
les conditions ou les contraintes venant simposer llve par le
professeur. Par contre, en mentionnant ltudiant, nous nous rfrons
plus ses ractions potentielles et sa rponse, aux conditions et aux
contraintes de son action.
Considrant ltude comme action didactique principale de llve en
position dtudiant, cette dmarcation entre la position de lenseign
et celle de ltudiant conduit Chevallard une affirmation forte sur
lenseignement et lapprentissage : Enseigner cest crer un ensemble
de conditions que lon croit favorable lapprentissage, tudier cest
exploiter ces conditions pour apprendre. 4
Un enseignement qui nassigne pas llve une position dtudiant ne
saurait alors tre efficace. Ce que Chevallard explique de manire
remarquable. Le foss entre enseign et apprenant, poursuit-il, est
marqu par la place que va venir occuper ltudiant, en dautres
termes, ltude est le chanon manquant entre lenseignement et
lapprentissage. (cf. Chevallard, Bosch et Gascon, 1997)
Cette prise de position propos de lenseignement et de
lapprentissage implique en effet des questions trs diverses que
lauteur ne manque pas de souligner :
Quest-ce quun bon ensemble de conditions [pour ltude] ? Que
signifie exploiter [ces conditions] pour apprendre ? Ou encore,
quelle est la nature des conditions cres ? Comment peut- on les
dcrire ?
Il sagit de questions majeures dont la comprhension est
ncessaire pour la problmatique de ltude.
4 Original en anglais. Les traductions sont de lauteur.
-
Chapitre 1 Etude et aide ltude
A. ERDOGAN 27
Une rponse gnrale se construit autour de la notion de contrat
didactique. Le contrat dsigne des tches effectuer, indique des
moyens et outils daction et suggre des pistes pour leur mise en
uvre. Sur ce point, Chevallard affirme que cest en sinvestissant
dans la situation que ltudiant sempare du contrat didactique,
celui-ci devenant alors lappareil de rgulation dont la finalit est
le contrle des situations didactiques par ltudiant.
Mais les rponses apportes ces questions par Chevallard ne se
limitent pas au contrat didactique. Dans le mme texte de 1988a, il
va en outre sattacher dcrire le fonctionnement du savoir dans le
systme didactique afin de cerner les modes de son acquisition par
ltudiant. Nous allons revenir sur ce point dans la section
suivante.
Dans le deuxime texte (Chevallard, 1995), aprs avoir introduit
la notion de praxologie comme un lment essentiel de son approche,
lauteur identifie le dprissement de ltude5 comme un phnomne
caractristique de lcole du XXme sicle. Il identifie ce dprissement
car il avait dj montr que la progression temporelle de
lenseignement impose dune part une action denseignement, suffisant
assurer lapprentissage et dautre part le travail permanent de
lidonit6 du rapport personnel de chaque lve un rapport
institutionnel changeant, travail ncessitant une action propre de
llve, cest--dire ltude. Ce point mrite dtre dvelopp et nous allons
le faire travers une lecture de la transposition didactique et de
lorganisation temporelle de lenseignement.
5 Dans le premier temps (au XVII sicle), ltude apparat comme
institution didactique principale. Lessentiel de lenseignement tait
compos du devoir crit que llve rdigeait en tude . En consquence,
Chevallard nous explique en mentionnant le travail de Mayeur (1981)
et Prost (1968) que le cours proprement dit noccupait quune place
forte rduite. La classe ntait quun lieu de rendez-vous entre deux
sances en tude . Le cours hebdomadaire qui ne durait que quelques
heures, durant lequel le professeur contrlait le travail donn la
sortie de la sance prcdente que les lves devaient faire la maison,
seuls ou surveills et il donnait le nouveau travail.
Dans un deuxime temps qui va de 1880 1902, le cours magistral
occupe une place prpondrante dans lorganisation scolaire de ltude.
Le cours ntait plus un lieu de rendez-vous entre deux sances de
travail en tude mais la sortie du cours magistral, llve tait cens
avoir t prpar ltude de la matire.
Pourtant cette fonction du professeur ne saura rsister la monte
des besoins en tude et une nouvelle re souvrira vers les milieux
des annes 1980. Lindpendance didactique que lon peut supposer chez
les lves dun systme scolarisant de rares lites, la masse dune
classe dge ne saurait y atteindre note Chevallard. Ainsi apparat
donc, dans un troisime temps une autre fiction qui exige que, au
sortir de la classe, llve ait compris - et mme, matrise
effectivement - la matire enseigne ! Le temps pass en classe devait
donc dsormais constituer lessentiel des gestes de ltude. 6 Dans
ltude dune question, on dirait que lorganisation propose fait
apparatre certains objets pertinents la construction dun rapport
personnel un objet sensible relativement une position. Cest--dire
quelle fait apparatre des objets tels que le rapport institutionnel
cet objet sensible prsuppose certaines proprits des rapports
institutionnels ces objets. Dans le cas o ces exigences sont
satisfaites on dit que les rapports personnels (dun lve) ces objets
sont idoines au rapport institutionnel lobjet sensible. Et cest ce
fait de rendre son rapport idoine un objet sensible qui est appel
le travail de lidonit (cf. Chevallard, 1988b).
-
Premire Partie Problmatique et Mthodologie
28
III. Etude travers le phnomne de transposition didactique et les
contraintes temporelles de lenseignement
Le fonctionnement de lcole moderne semble avoir mis en place
deux phnomnes didactiques insparables. Le premier est celui de
lorganisation temporelle de lenseignement, le second est le
processus de transposition didactique, tous les deux donnant lieu
plusieurs travaux de recherche depuis maintenant plus de quinze
ans, notamment dans le cadre de lapproche anthropologique7.
Comme le reformulaient encore une fois, dans un travail rcent,
Mercier et ses co-auteurs (Mercier et al., 2005), une grande partie
du processus de transposition didactique peut se rsumer comme la
mise en texte du savoir sous la forme dune succession des chapitres
ordonns, de manire ce quil puisse tre enseign officiellement. Le
processus de transposition didactique est ensuite poursuivi par le
professeur en classe dont la tche principale est de donner un
contexte aux objets du savoir, en les rorganisant par rapport ce
qui est dcrit dans le programme et dans les manuels. Llve, son
tour, est invit aborder les questions et les problmes qui lui sont
prsents pour apprendre les connaissances vises.
Ce processus de transposition didactique relve, certes, des
contraintes trs diverses comme la lgitimation du contenu
denseignement par un savoir de rfrence. Mais comme le montre
clairement Chevallard et Mercier (1987) dans ltude portant sur la
formation du temps didactique, le temps savre tre la contrainte
principale du systme denseignement. La dure dune anne scolaire, dun
cours de mathmatiques est, par exemple, une contrainte impose
lenseignement. Mais ceci ne signifie pas une contrainte venue de
lextrieur, ni mme totalement ngative, notent ainsi les auteurs.
Selon les mmes auteurs, le phnomne de temporalit relve du fait que
chaque systme produit son propre temps, engendre une temporalit
spcifique et ce temps est mesur en mesurant ce que le systme
produit. Ainsi le temps de lcole est mesur par la progression dans
le savoir, dans lavancement du texte du savoir qui constitue la
lgitimit de lcole vis--vis de la socit.
Cette progression dans le savoir enseign est marque par
lintroduction successive des diffrents objets denseignement qui
vont dlguer aux connaissances prcdemment introduites en classe le
statut de connaissances anciennes, sans forcment que celles-ci
soient anciennes, ni totalement acquises par les lves. Par
ailleurs, cette introduction des nouvelles connaissances ne
signifie pas une rupture avec les anciennes mais au contraire,
lavancement du cours va en effet montrer quelles sont, dune
certaine manire, la suite des anciennes. Ceci amne une sorte de
dialectique ancien-nouveau entre les connaissances prcdemment
enseignes et celles qui viennent dtre introduites. Cette
dialectique ancien-nouveau assure une organisation du savoir
enseign, par lenchanement des chapitres, de faon avoir du sens dans
la mesure o il va permettre de rsoudre certains
7 Pour ne citer que les prcurseurs, nous pouvons penser en
particulier luvre de Chevallard (1985) sur la transposition
didactique, la brochure de lIREM de Marseille sur la formation du
temps didactique (Chevallard & Mercier, 1987) et la thse de
Mercier (1992).
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Chapitre 1 Etude et aide ltude
A. ERDOGAN 29
problmes.
Lorganisation et la conduite en classe de la dialectique
ancien-nouveau, soulignent les auteurs (Chevallard & Mercier,
1987), sont normalement sous la responsabilit du professeur. Car,
il ne dispose pas seulement dune somme de connaissances suprieure
celle des lves, mais il sait aussi avant eux comment les objets se
combinent les uns avec les autres. Il dispose dun pouvoir
danticipation et de dcision sur le caractre ancien-nouveau des
objets. Par consquent, comme le notent Johsua et Dupin (1993), les
lves et le professeur constituent deux registres pistmologiques
diffrents. Un est responsable dorganiser et dexposer le savoir, les
autres sont responsables de construire leurs rapports au savoir
partir des situations qui leur sont proposes. Suivant Mercier et
al. (2005), ce rapport asymtrique entre le professeur et les lves
vis--vis du savoir conduit la notion du temps didactique dans
lequel le professeur joue deux rles simultans : il doit dune part
assurer lavance visible du temps didactique, puisque ceci est le
but institutionnel de son travail, tout en mme temps organisant
cette avance de manire faciliter ltude du texte du savoir par llve.
Par consquent, le temps didactique savre tre progressif et
cumulatif, le notent ainsi les auteurs.
Le temps de llve nest pas identique au temps didactique, gnr par
la dialectique ancien-nouveau et gr par le professeur. Il ncessite
au moins la prise en compte de deux rapports de llve au savoir,
comme le prcisent les auteurs :
Le premier est un informel et personnel rapport au savoir, qui
se dveloppe lorsque llve rsout des problmes. Le second est un
rapport public et formel au savoir qui est tabli dans et par les
interactions sociales entre le couple dlves ou entre llve et le
professeur. Lorsque ce rapport merge, il permet llve de vrifier si
sa connaissance est suffisamment solide pour tre nomme, dmontre et
donc partage avec dautres lves et le professeur.
Le processus dapprentissage avance donc travers une constante
interrelation dun dynamique priv et publique : le sujet entre dans
un rapport avec la matire de lapprentissage travers son priv et
personnel rapport au savoir. Cependant, pour pouvoir progresser, il
doit socialiser cet initial rapport. En communiquant avec les
autres, un rapport au savoir plus formel et public merge, un
rapport social qui nest pas encore institutionnalis comme tel. La
tche de linstitutionnalisation est sous la responsabilit du
professeur, qui publiquement et officiellement reconnat lmergence
de certains rapports au savoir comme compatible avec le savoir
mathmatique vis par son enseignement.8 [Mercier et al., 2005,
p.142]
Dans le temps didactique, les objets du savoir sont cumulatifs
alors que le temps dapprentissage ncessite une rorganisation du
savoir dj appris pour construire le rapport idoine aux objets du
savoir venant dtre enseigns. Comme le soulignent les auteurs, le
temps dapprentissage est pour cette raison souvent dcrt un moment
plus tard. En reprenant ltude un autre moment et en rvisant, llve
doit construire son propre temps dapprentissage :
Suivant la dfinition donne plus haut propos du personnel et
informel rapport au savoir, nous pouvons dire que llve apprend en
prenant des responsabilits personnelles pour les problmes
8 Original en anglais. Les traductions sont de lauteur.
-
Premire Partie Problmatique et Mthodologie
30
quil est amen rsoudre. Un lve qui embarque sur la rsolution dun
problme doit rorganiser the toolbox disponible pour lui. Parfois,
une rorganisation plus substantielle dune discipline est requise et
cest le rle de ltude qui permet llve de rviser la matire. Quand un
lve tudie, rvise ses notes et reconstruit le contenu dune certaine
manire, il prsente simultanment le concept de temps inhrent au
processus dapprentissage. Ceci est le temps dapprentissage de llve
[Ibid, p.144]
Ce que nous appelons tude autonome des lves se caractrise donc
par ce travail de reprise et de rorganisation des connaissances,
autrement dit, par la production du temps dapprentissage. Elle est
inhrente tout processus dacquisition des connaissances. Cependant,
le processus de transposition didactique et les contraintes
temporelles de lenseignement lui confrent un autre statut dans la
mesure o ceux-ci conduisent un partage des responsabilits entre
professeur et lves et la cration du temps et des lieux dtude :
Les fictions institutionnelles du temps didactique sont
porteuses dinjonctions didactiques bien prcises, qui renvoient
laction personnelle de llve ce que lenseignement ne peut prendre en
charge [Mercier, 2001, p.33]
Il est donc inutile de dire, encore une fois, que tout ce
processus est gr par le contrat didactique dont le rle principal et
de designer llve ce quil y a tudier. Mais si ltude autonome est le
travail personnel de llve, quel point le contrat didactique peut-il
lui dsigner les objets de sa propre uvre ?
Pour rpondre cette question, le contrat didactique doit acqurir
son sens plein. En considrant ltude autonome comme la part de
travail ncessaire incombant llve, nous parlerons du contrat dtude
pour dsigner la composante spcifique du contrat concernant ltude.
Les lments de matrise de ce contrat dtude font partie de ce quil
sera convenu de nommer culture dtude.
Depuis les premiers textes jusquaux plus rcents, cest du moins
ce que montrent les travaux didactiques, sans le dire
explicitement. Chevallard notait dj dans ce premier texte sur ltude
(Chevallard, 1988a) que le contrat didactique doit indiquer les
enjeux de la situation actuelle et les enjeux centraux du savoir
prcdemment enseign. Pour aider ltudiant interprter la situation, le
contrat didactique, poursuit-il, doit lui montrer clairement les
enjeux en termes de connaissances enseignes, montrer la ligne de
laction que peut suivre ltudiant. Partant du fait que les
apprentissages dans une situation donne ne se rduisent pas au
savoir enseign, Chevallard suppose en plus que ltudiant doit en
outre acqurir la comprhension et la matrise de la situation comme
un ensemble, ou encore connatre, par exemple, quelles connaissances
on attend quil apprenne. Ceci est sans doute une position pistmique
trs forte vis--vis de ltude, une position qui, si elle est valide,
montre clairement linsuffisance dune interprtation restrictive en
termes de contrat didactique.
Par ailleurs, le travail de Mercier (1992) et celui de Sensevy
(1998) montrent que ltude suppose une forme particulire de travail,
un apprentissage qui permet non seulement la construction des
connaissances par llve mais contribue aussi lavancement du temps
didactique qui est sous la responsabilit du professeur.
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Chapitre 1 Etude et aide ltude
A. ERDOGAN 31
Autrement dit, peine la ncessit de ltude est rendue visible par
la lecture prcdente, le recours un cadre dinterprtation et des
outils thoriques permettant de considrer ltude autonome dans un
sens plus large que le seul cadre du contrat didactique devient
indispensable. En particulier, il est ncessaire que lon soccupe,
non seulement de la relation didactique, mais aussi de
lenvironnement spcifique du savoir comme nous le dcrit, par
exemple, la thorie des situations didactiques en termes de milieu
(Brousseau, 1986). Ce questionnement sur les outils et les modles
adquats pour tudier ltude autonome des lves qui constitue lobjet
principal de notre thse nous amne la construction dun modle
spcifique que nous allons appuyer sur les outils thoriques dj
disponibles. cet effet, nous allons poursuivre la lecture de
lapproche anthropologique avec les travaux plus rcents.
IV. Etude dans les dveloppements rcents de lapproche
anthropologique
Dans les dveloppements plus rcents de lapproche anthropologique,
ltude est toujours caractrise comme lacte didactique principal. Par
exemple, Chevallard (1997a) note que mme si ladjectif didactique
est relatif au fait denseigner, dinstruire, la figure du professeur
nest pas la premire dans la didactique :
Pourtant la configuration sociale o simpose, culturellement, la
figure du professeur ne saurait tre regarde comme didactiquement
premire : socialement, le didactique peut et, trs souvent, doit
faire lconomie de toute figure professorale. Dans la configuration
didactique la plus fondamentale, que je note S(x ;o), une personne,
x, tudie quelque objet , o, qui est lenjeu didactique. Le
didactique sidentifie ainsi au simple fait que quelquun (x) tudie
quelque chose (o). En dautres termes, le didactique est coextensif
ltude. Il y a du didactique pour autant quil y ait de ltude . Quil
y ait un professeur importe peu. [Chevallard, 1997a, p.19]
De ce point de vue, souligne Chevallard, la charge du sens
retombe sur le mot tude et tudier. Suivant le sens latin du mot,
tudier un objet serait alors au moins marquer lgard de cet objet
une attention plus grande que ce qui est dusage. Ce sera, dune
certaine faon "sarrter sur" - pour ltudier Aller au-del de la
dfinition, note Chevallard, serait rpondre la question tant donn
lenjeu didactique o, que peut faire x afin dtudier o ?
Cette dfinition de ltude autour dun objet ou de lenjeu dtude
permet ainsi Chevallard de formuler les systmes de collectif de
ltude et daide ltude partir desquels on considre les tches de llve
et du professeur :
Suivant les dfinitions donnes par lauteur, pour mieux tudier cet
objet, x peut demander laide des autres personnes. Si ces
personnes, x, x",... tudient o la manire de x, et sils travaillent
ensemble, il se forme alors un autre systme autodidactique S(x,x,x"
; o), autrement dit un collectif dtude, analogue au premier mais
qui permet de cumuler les efforts. Mais il peut arriver quune autre
personne, y, soit sollicite, non pas en tant que compagnon dtude de
x, mais pour aider x tudier o,
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Premire Partie Problmatique et Mthodologie
32
sans pour cela elle-mme tudier o. On dit dune telle personne
quelle est un aide ltude, qui vient former avec x un systme
didactique not S(x;y; o). De la mme faon, dans le cas o, X = x,x,
x" la formule S(X,y,o) signifie que x,x,x" tudient o avec laide de
y. Selon Chevallard, la question fondamentale lgard de y est alors
de savoir que peut faire y afin daider x tudier o ? .
Cette dfinition de ltude et de la direction de ltude se trouve
nouveau dans un texte ultrieur de Chevallard (1999), mais cette
fois-ci sous une forme relativement diffrente. Selon lauteur, on
peut dire quil sagit dtude pour une personne ou pour un collectif
de personnes, un premier niveau, lorsque devant une question pose,
la rponse nest pas immdiate ou elle est dun certain degr de
complexit. Mais une question fort au sens didactique, poursuit-il,
comment dterminer ? , comment faire ? conduit une tude dun autre
niveau. Dans ce cas, la personne interroge ou le collectif est
amene (sauf y renoncer) tudier la question pose, c'est--dire crer
ou produire une rponse.
Plus loin dans le texte de 1997a, ltude est considre comme
quivalente lide de faire quelque chose pour apprendre ou apprendre
faire quelque chose. Deux processus bien distincts que nous dcrit
Chevallard :
Lide du didactique, lide dtude, c'est--dire, fondamentalement,
lide de faire quelque chose afin dapprendre quelque chose ( savoir
) ou dapprendre faire quelque chose ( savoir-faire ), parait en
fait consubstantielle aux socits humaines [Chevallard 1997a,
p.240]
La caractrisation de la didactique par la notion dtude saccentue
davantage dans les travaux ultrieurs. Au dbut du texte consacr
ltude des ostensifs du travail mathmatique, Bosch et Chevallard
(1999) notent :
[] Partant du constat que le didactique est partout dense dans
le mathmatique, ou, en dautres termes, que lactivit mathmatique
suppose toujours une activit dtude, on a propos trs rcemment de
concevoir la didactique des mathmatiques comme la science de ltude
et de laide ltude des (questions de) mathmatiques (Chevallard,
Bosch, Gascon, 1997) [Bosch et Chevallard, 1999, p.79]
On remarquera donc que ltude est au cur de la problmatique de
lapproche anthropologique. Elle est considre comme la base de la
didactique, de tout acte denseignement et dapprentissage.
Cependant, les dfinitions qui sont donnes ne nous apprennent gure
sur ce en quoi consiste lactivit dtude et ne nous permettent pas
didentifier les conditions de son fonctionnement. Soucieuse de
dvelopper un modle didactique capable danalyser, dinterprter et
dorganiser les pratiques enseignantes, lapproche anthropologique
semble dsormais sintresser davantage aux conditions de
lorganisation de ltude par le professeur quaux conditions de ltude
pour les lves. Les premires dfinitions de ltude dans les premiers
textes ainsi que la tentative de dfinir les conditions de ltude en
mathmatiques pour les lves semblent laisser la place des
formulations beaucoup plus larges, rpondant particulirement la
forme la plus commune des apprentissages scolaires. Mais ceci ne
doit pas laisser penser que le savoir est considr dans cette
approche comme allant de soi, sans poser problme. ce propos,
Chevallard explique :
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Chapitre 1 Etude et aide ltude
A. ERDOGAN 33
On a trs peu remarqu, rptons-le, combien le libre jeu des formes
didactiques slectionne la matire tudie, ou, lorsque celle-ci est
impose, la travaille et laltre. Paradoxalement, une pense de lcole
exclusivement soucieuse des savoirs tend oublier le problme des
formes didactiques appeles spcifiquement par ltude de tel ou tel
type de praxologie, et par-l, sinterdit de matriser le destin
scolaire des savoirs. A linverse, les pdagogues spcialistes des
formes gnrales de ltude se montrent tout aussi inattentifs la
spcificit des contenus de savoir, et donc aux besoins didactiques
spcifiques quil sagit de satisfaire. [Chevallard, 1997b, p.60]
Une problmatique plus formelle de ltude devait alors tre
entreprise pour tudier les pratiques enseignantes et pour modliser
les actions didactiques du professeur. Notamment, Chevallard
(1997a) note que le rle du professeur qui se multiplie (avec par
exemple la mise en place de nouveaux dispositifs denseignement)
appelle concrtement une multitude de crations techniques en mme
temps quune laboration technologique consistante, suppose un modle
explicite de ltude et de la direction dtude, qui permet de penser
efficacement lessentiel du fonctionnement didactique. [p.49]
Il sagira donc dsormais de mettre en place ce modle, en partant
des principes fondamentaux de lapproche et en introduisant des
notions importantes (organisation didactique, moments dtude), qui
viendront complter le modle prsent partir de la notion de
praxologie. Nous prsenterons rapidement ce modle sous le nom de
modle praxologique de ltude.
IV.1. Le modle praxologique de ltude
Lapproche anthropologique du didactique que modlise Chevallard
depuis maintenant une quinzaine dannes se propose comme objectif de
situer lactivit mathmatique, et donc lactivit dtude en
mathmatiques, dans lensemble des activits humaines et des
institutions sociales (Chevallard, 1999, p.223). Elle part de
lhypothse que toute activit humaine rgulirement accomplie peut tre
subsume sous un modle unique [Ibid.], modle auquel on donne le nom
de praxologie ou organisation praxologique.
Une praxologie comporte quatre composantes essentielles :
Tche ou le type de tches : la base de la notion de praxologie se
trouvent les notions de tche (t) et de type de tches (T). Ainsi, la
conformit du rapport dun sujet au rapport institutionnel se traduit
par la capacit pour le sujet daccomplir un type de tches fix par
linstitution.
La technique : Laccomplissement de toute tche rsulte de la mise
en uvre dune technique . Une technique tant une manire de faire
particulire , quelques prcisions doivent tre notes : dabord, toute
technique a une limite de porte, elle russit sur une partie des
tches du type T auquel elle est relative . Deuximement, une
technique nest pas forcement de nature algorithmique. Enfin, les
techniques changent dinstitution institution, de pays pays. Ainsi,
il peut y avoir pour un mme type de taches plusieurs techniques mme
si une institution donne considre souvent une technique comme la
seule manire de faire. On obtient donc un systme de tches /
techniques not [T/]
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Premire Partie Problmatique et Mthodologie
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La technologie : Pour pouvoir exister dans une institution, une
technique doit apparatre comprhensible, lisible et justifie. On
appelle technologie, un discours descriptif et justificatif des
tches et des techniques.
La thorie : Parfois la justification du discours technologique
fait appel un discours de niveau suprieur, appel la thorie .
La structure pratico-technique [T/] (savoir-faire) associe la
structure technologico-thorique [/] (savoir) constitue une
organisation praxologique [T///], aussi appele praxologie.
La notion de savoir tant associe celle de praxologie, ltude sera
dsormais considre comme entrer en contact avec une uvre
particulire9, gnre par une tche - une question au sens fort dont la
rponse appelle llaboration dune praxologie. Cest ce modle que nous
appellerons dsormais le modle praxologique de ltude de lapproche
anthropologique.
On remarquera que mme si ce modle permet de penser la structure
du savoir tel quil vit dans une institution donne, il ne dit rien
des conditions sous lesquelles ce savoir est rencontr par les lves,
ni de part de responsabilit qui leur incombe dans la construction
de ces uvres. ce propos, deux notions essentielles viennent marquer
le dveloppement ultrieur de la thorie, en lui donnant ainsi le
caractre dtre oprationnel. La premire notion est celle de moments
dtude qui permet de penser efficacement les tches du professeur, ce
sur quoi sont particulirement centrs les textes plus rcents. La
seconde est la notion de topos qui permet surtout de poser des
questions lgard de la position que llve est cens occuper au sein de
linstitution et du travail quil est appel accomplir.
IV.2. Les moments de ltude et la notion de topos
La place de ltude dans le processus didactique ne peut pas se
dfinir sans une interrogation sur les positions occupes
respectivement par les lves et le professeur dans la relation
didactique et sans dfinir les rles qui leur incombent
institutionnellement dans ce processus. Comme nous avons analys
ci-dessus, les lves et le professeur nappartiennent pas au mme
registre pistmologique. Lun est responsable de lorganisation et de
lavancement du savoir dans la classe, les autres sont responsables
deffectuer les gestes ncessaires lapprentissage. Cette relation
asymtrique entre le professeur et les lves vis--vis du savoir
constitue en effet le point de dpart pour lapproche en question qui
se propose tout dabord dtudier les tches du professeur, en
considrant celui-ci la fois comme organisateur et directeur de
ltude conduite ou conduire par les lves. Ce point de vue,
9 La notion duvre a ici un sens particulier : selon lauteur, une
uvre est une production humaine intentionnelle visant rpondre des
questions qui sont les raisons dtre de luvre. Un type de tches T
est une uvre ; plus gnralement, on admettra que toute uvre sgale en
tout ou partie une ou plusieurs praxologies, mme quand une telle
organisation praxologique nest pas aisment identifiable, notamment
parce que la prsentation usuelle des uvres tend privilgier leurs
traces matrielles davantage que les pratiques que ces uvres rendent
possibles" (Chevallard 1997c, sous la rubrique les uvres et les
raisons dtre).
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Chapitre 1 Etude et aide ltude
A. ERDOGAN 35
dsormais transparent, retrouve sa forme fondamentale avec le
texte de Chevallard (1997a) dj cit, dont le titre familire et
problmatique : la figure du professeur indique justement lintention
de lauteur de modliser les pratiques enseignantes selon les termes
de lapproche. Sa lecture approfondie nous permettra de comprendre
les contraintes et les moyens du professeur dans lorganisation et
dans la direction de ltude, et par l, davancer dans lidentification
des conditions et contraintes de ltude pour llve.
Dans ce texte, aprs une analyse historique de lvolution du rle
du professeur qui se voit diversifi sous les injonctions
institutionnelles, Chevallard tente de dfinir le rle du professeur,
en identifiant tout dabord les deux grandes composantes du systme
des tches professorales :
En premire approximation, le systme des tches professorales
laisse apparatre deux grandes composantes solidaires. La premire
est forme des tches de conception et dorganisation de dispositif
dtude, ainsi que de gestion de leur environnements (un dispositif
tant la composante matrielle dune technique, par opposition sa
composante gestuelle) ; la seconde, des tches daide ltude, et en
particulier de direction dtude et denseignement, dont
laccomplissement est appel par la mise en uvre, dans le cadre des
dispositifs prcdemment mentionns, de techniques didactiques
dtermines. [p.42]
Si le premier type de tches du professeur, soit la dtermination
des organisations mathmatiques10 tudier en classe, consiste
dterminer les types de tches mathmatiques, les dveloppements
techniques et leurs composantes technologiques/thoriques, la
direction donner ltude dune organisation mathmatique dtermine
suppose en effet la conduite dune transposition et dune
reconstruction de cette organisation. Cest l quintervient la notion
de moments dtude comme la description de la mise en place de ltude
dune organisation mathmatique en classe :
On ne saurait videmment sattendre ce quune telle construction
soit univoquement dtermine. Mais on saperoit pourtant que quelque
soit le cheminement de ltude, certains types de situations sont
ncessairement prsents, mme sils le sont de manire trs variable,
tant au plan qualitatif quau plan quantitatif. On appellera donc
moments de ltude, ou moments didactiques, de tels types de
situations, parce quon peut dire que, quelque soit le cheminement
suivi, il arrive un moment o tel ou tel geste didactique devra tre
accompli ; o, par exemple, on devra fixer les lments labors (moment
dinstitutionnalisation) ; ou encore, on devra se demander ce que
vaut ce qui sest construit jusque-l (moment de lvaluation) ; etc.
[Chevallard, 1997a, p.45]
Les moments de ltude se composent ainsi de 1.Moment de la
(premire) rencontre avec un type de tches T, 2.Moment de
lexploration du type de tches et de lmergence de la technique ,
3.Moment de la construction du bloc technologico-thorique [/],
4.Moment de linstitutionnalisation. 5.Moment du travail de
lorganisation mathmatique (et en particulier de la technique).
6.Moment de lvaluation.
Chevallard souligne que les moments de ltude sont dabord une
ralit organique de ltude, avant den tre une ralit chronologique.
Lordre indiqu est donc arbitraire. Il prcise aussi quune bonne
10 Une organisation mathmatique est une organisation de nature
mathmatique (Chevallard 1997a, p.43).
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gestion supposerait que chacu