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UNIVERSITE D’ANTANANARIVO
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines
Département d’Etudes Culturelles
UFR Anthropologie
« ESSAI DE CLASSIFICATION DU BAOBAB : Région du Menabe »
(Représentations du baobab) Mémoire de Maîtrise
Présenté par : RANDRIAMIALISOA Volatiana Minah
Rapporteur : Lolona. Nathalie RAZAFINDRALAMBO Maître de Conférences
Président : Jacques RAMAMBAZAFY RALAINONY Professeur Titulaire
Juge : RAFOLO ANDRIANAIVOARIVONY Maître de Conférences HDR
Date de soutenance : 28 Septembre 2009
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Remerciements
Nous remercions Celui qui garde notre vie et qui nous donne chaque jour sa grâce.
Ce travail de recherche a été réalisé grâce à l’aide de plusieurs personnes et institutions auxquelles
nous tenons à adresser nos sincères remerciements :
D’emblée, nous adressons notre profonde gratitude à Lolona Nathalie RAZAFINDRALAMBO, Maître
de Conférences, qui a accepté d’assurer l’encadrement de ce mémoire.
Nous tenons à témoigner nos sincères reconnaissances à :
Le Président de Jury : Jacques RAMAMBAZAFY RALAINONY, Professeur Titulaire
Le Juge : RAFOLO ANDRIANAIVOARIVONY, Maître de Conférences HDR
qui, malgré les circonstances, ont bien voulu accepter de faire partie du membre du jury.
Nous adressons nos sincères remerciements à Nicole Sibelet (CIRAD), Pascal Danthu (CIRAD
Madagascar), et Stéphanie Carrière (IRD), pour leurs précieux conseils, et pour leurs appuis dans la
concrétisation de notre volonté à poursuivre nos études.
Et enfin, nous remercions toutes les personnes qui ont collaboré avec nous pour la réalisation de ce
travail de recherche.
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… à nos informateurs à Morondava.
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Sommaire
Sommaire ............................................................................................................................................. 1
Introduction ........................................................................................................................................ 3
PARTIE I : CONNAISSANCES ET CLASSIFICATIONS SAKALAVA DE
LA FORET ET DES ARBRES
CHAPITRE I : CONCEPTION DE LA FORET
1- Définition de la forêt ...................................................................................................................... 13
2- Les types de végétation ................................................................................................................ 16
CHAPITRE II : DEFINITION DE L’ARBRE
1- Critère de définition d’un arbre ................................................................................................... 19
2- Catégorisation des arbres sacrés et des arbres non sacrés ........................................................ 27
PARTIE II : CONNAISSANCES RELATIVES AU BAOBAB
CHAPITRE III : CONCEPTION SAKALAVA DU BAOBAB
1- Les différences entre le baobab et l’arbre ................................................................................... 38
2- Les représentations liées au baobab ............................................................................................. 41
3- Les différenciations entre les trois espèces de baobab .............................................................. 44
CHAPITRE IV: CATEGORISATION DES BAOBABS SACRES
1- Les types de baobab sacré ............................................................................................................. 50
2- Les caractéristiques des baobabs sacrés ...................................................................................... 51
PARTIE III : ANALYSE COMPARATIVE ENTRE LE BAOBAB ET LE
TAMARINIER
CHAPITRE V : LE BAOBAB SACRE
1- La communauté autour du baobab .............................................................................................. 61
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2- Typologie de rituel au baobab sacré ........................................................................................... 65
CHAPITRE VI : LE TAMARINIER
1- La communauté autour du tamarinier ........................................................................................ 71
2- Typologie de rituel au tamarinier ................................................................................................ 75
CHAPITRE VII : ANALYSE ET DISCUSSION
1- Typologie de baobab sacré et de tamarinier sacré .................................................................... 80
2- La classification symbolique du baobab et du tamarinier ......................................................... 84
3- Entité liée au baobab : anga-dolo. ........................................................................................ 90
Conclusion ......................................................................................................................................... 92
Bibliographie ...................................................................................................................................... 97
Annexe .............................................................................................................................................. 103
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INTRODUCTION GENERALE
Les croyances et les pratiques cultuelles liées aux arbres sont répandues dans de nombreuses
civilisations. Par ailleurs, les arbres sacrés se retrouvent dans la mythologie de beaucoup de peuples
tels que les indo-européens, les peuples africains. Les arbres considérés comme sacrés concernent
plusieurs espèces, parmi lesquelles le baobab d’Afrique.
Ce dernier est considéré comme l'arbre le plus célèbre d'Afrique. Il est aussi appelé par les africains
« l'arbre magique », « l'arbre pharmacien », ou encore « l'arbre de la vie ».
A Madagascar, le baobab est surtout connu pour sa valeur éco-touristique. Cependant, mis à part
cette valeur éco-touristique ainsi que le fait qu’il constitue une ressource naturelle1, des valeurs
culturelles et sociales importantes pour la population locale lui sont aussi attachées.
Dans la partie Nord de l’île, le baobab est objet de crainte. Quand un baobab atteint une certaine
taille, il est considéré comme un abri d’entité surnaturelle, et est considéré comme un lieu de séjour
des âmes des ancêtres. En outre, il peut être considéré comme baobab mâle ou baobab femelle selon
l’espèce à laquelle il appartient. Dans la partie Ouest de Madagascar, plus précisément dans la région
d’Antrema au sud-ouest de Mahajanga, le baobab est utilisé comme plante médicinale. Différentes
préparations à base d’écorce de baobab sont destinées à favoriser la croissance des nouveau-nés2.
Dans le Sud, dans la forêt des Mikea, le baobab sert de cercueil à des personnalités particulières. Sur
le plateau Mahafaly, le tronc de baobab est creusé et sert de citerne à eau3.
A Morondava, le nom vernaculaire du baobab est « Reniala » ou « Renala », et signifie « mère de la
forêt ». Dans cette région, le baobab est également un arbre chargé de valeurs culturelles et sociales.
Certains individus de cette espèce y sont considérés comme sacrés.
Cette étude s’inscrit dans le cadre du projet BaMaCo ou Baobab Madagascar Comores. Il s’agit d’un
projet porté par une équipe multidisciplinaire et multi-institutionnelle basée à Madagascar, aux
1 Une ressource naturelle est un bien, une substance ou un objet présent dans la nature, et exploité pour les besoins d'une
société humaine. Il s'agit donc d'une matière première, minérale (l'eau) ou d'origine vivante (animal, végétal). Ce peut être
de la matière organique fossile comme le pétrole, le charbon, le gaz naturel ou la tourbe. Il peut s'agir aussi d'une source
d'énergie : énergie solaire, énergie éolienne.
2 (L. Navarro, com. pers.).
3 (P. Danthu, com.pers.).
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Comores et à Mayotte et s’appuie sur des compétences d’équipes de France métropolitaine. Le projet
repose sur un triple questionnement scientifique concernant l’introgression génétique chez Adansonia
(espèce à laquelle appartient le baobab), le fonctionnement de cette espèce dans les écosystèmes qui
les abritent et enfin les interactions entre l’Homme et cette espèce.
Parmi les travaux effectués sur les arbres et les arbres sacrés à Madagascar, seulement quelques uns
ont abordé de façon partielle ou intégrale les connaissances sur le baobab.
Ainsi, dans le cadre de notre mémoire de maîtrise en anthropologie, ce sont ces raisons parmi tant
d’autres qui nous ont incités à entreprendre cette recherche sur un « essai de classification du baobab
dans la région Sakalava du Ménabe ». Il s’agit d’un essai de classification locale du baobab à travers
les représentations locales, les perceptions locales ainsi que les pratiques spécifiques liées au baobab
dans la région de Morondava.
1- Problématique de la recherche
La flore de Madagascar comporte 80% d'espèces endémiques, et parmi lesquels plusieurs espèces de
baobabs. Les baobabs constituent des « monuments du paysage de l’Ouest malgache », (Madagascar
National Parks). Dans la région de Morondava, il existe trois espèces de baobab : l’Adansonia
grandidieri, l’Adansonia rubrostipa, et l’ Adansonia za. Les Sakalava portent un regard particulier à
ces trois espèces. En effet, le baobab constitue l’espèce la plus remarquable du Menabe. Il se distingue
de tous les autres arbres qui existent. Son nom vernaculaire Reniala, est particulier car il signifie
précisément « la mère de la forêt ». Différentes conceptions et représentations sont rattachées au
baobab et nous ramène à distinguer une classification sakalava de cette espèce par rapport aux autres
arbres et aux autres végétaux qui existent.
Par ailleurs, nous pouvons distinguer deux catégorisations de baobab. D’un côté, il y a les baobabs
non sacrés et de l’autres côté il y a les baobabs sacrés. Ces derniers concernent certains individus
spécifiques, d’où la question principale : parmi les individus de baobabs, comment les gens identifient
et choisissent-ils les baobabs « sacrés » ? Autrement dit, qu’est ce qui caractérise les baobabs sacrés ?
Cette question nous ramène à la notion de « sacré », puisqu’elle soulève les caractéristiques et les
conditions qui déterminent un « arbre sacré ».
Enfin, le kily ou tamarinier (Tamarindus indica) constitue une autre espèce particulière dans cette
région. Selon beaucoup d’auteurs4, le tamarinier est « l’arbre par excellence des sakalava ». La
4 Parmi ces auteurs : Louis Mollet, Charles Renel et d’autres.
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cohabitation des deux espèces, c'est-à-dire du tamarinier et du baobab sacré, implique une idée de
spécificité des pratiques liées à chacune de ces espèces.
2- Méthodologie
Dans un premier temps, nous avons pensé mener des recherches sur les pratiques et les rituels liés
aux baobabs sacrés dans la région de Morondava. Cependant, en abordant le sujet, nous avons
remarqué qu’il fallait avant tout replacer le baobab dans son environnement et considérer les
connaissances sakalava relatives à cette espèce : c'est-à-dire essayer de dégager les perceptions
locales qui font considérer le baobab comme un « arbre si particulier ». Le point essentiel de notre
investigation sera d’essayer de saisir les représentations et les perceptions liées aux baobabs à travers
les pratiques qui leurs sont liées. Il s’agit donc, dans une première étape, d’identifier les
classifications5 et les conceptions sakalava du baobab.
Une classification est un système organisé et hiérarchisé de classement dans un domaine particulier.
Le procédé consiste à déterminer comment se situe les choses les unes par rapport aux autres, ranger
en groupes distincts les uns des autres, séparés par des lignes de démarcation nettement déterminées.
Il s’agit donc de déterminer les rapports d’inclusion ou d’exclusion.
La faculté de classer les éléments de la nature est un aspect fondamental de la capacité adaptation.
C’est dans ce sens que Lévi-Strauss (1959) explique que les autochtones classent et reconnaissent les
espèces suivant leur besoin, et en même temps, en tenant compte aussi de la nature et des
caractéristiques spécifiques de chaque espèce. La classification se fait dans le cadre de pratique
technique et symbolique par une mise en ordre, l’attribution de termes d’appellation et la
catégorisation de l’ensemble des éléments de l’environnement en établissant entre eux des
corrélations de type analogique, symbolique et métaphorique.
Dans un second temps, nous essayerons de comprendre comment rendre compte ces diverses
classifications et conceptions dans le contexte sakalava et à travers leurs coutumes et leurs croyances.
Nous avons emprunté une démarche qui se rapporte à celle de l’ethnoscience et qui combine les
approches des sciences de la société et des sciences de la vie.
5 La classification désigne, généralement, un système organisé et hiérarchisé de classement des connaissances dans un
domaine particulier.
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Le terme "ethnoscience" a été, semble-t-il, utilisé pour la première fois dans l'index de l'édition
révisée de Outline of cultural material publiée par Murdock et al. pour désigner dans le fichier qu'il
organisait sur les différentes cultures humaines (Human Relations Area Files), la section consacrée
aux "Idées au sujet de la nature et de l'homme". H.C. Conklin fut sans doute le premier à déclarer
faire œuvre "d'ethnoscience" dans l'introduction de sa thèse : The relation of Hanonoo Culture to the
Plant world (1954).
L’ethnoscience vise à comprendre (a) comment les sociétés humaines utilisent les plantes, les
animaux, et les autres composantes du milieu, mais aussi (b) comment les conceptions et les
représentations de l’environnement, de chaque société, influencent l’utilisation de celui-ci. Enfin,
l’ethnoscience a également pour objectif de comprendre (c) comment les sociétés humaines
s’organisent, se perpétuent à travers les relations qu’elles entretiennent avec la nature. Le terme
ethnoscience a évolué et de plus il ne signifie pas exactement la même chose dans les différentes
traditions anthropologiques. Dans la tradition anglo-saxonne il désigne surtout l'étude des savoirs et
des classifications populaires alors qu'en France il inclut également le savoir-faire. Mais pour les uns
et les autres, les principes méthodologiques restent les mêmes : les savoirs et les pratiques sont
analysés (1) à partir des concepts sémantiques des populations étudiées. (2) Ces catégories sont
confrontées à celles que nous fournissent les différentes disciplines scientifiques auxquelles nous
faisons appel et qui appartiennent aussi bien aux sciences biologiques qu'aux sciences humaines.
Cette distinction entre deux types de catégories, dont nous allons utiliser dans notre analyse, est
souvent présentée comme une différence entre deux types d'approche l'une qualifiée d'emic et l'autre
d'etic. Les catégories sémantiques sont considérées les unes par rapport aux autres c'est ce que les
Anglo-Saxons appellent l'approche emic d'une culture à partir des seuls concepts que cette dernière
retient. Par opposition l'approche etic se fait à partir de la réalité telle qu'elle est perçue de l'extérieur.
Par ailleurs, nous avons utilisé des théories et des concepts relevant respectivement du domaine de
l’analyse de rituel, et notamment la notion de « sacré6 ». De nombreux chercheurs ont déjà explorés
les diverses manifestations du sacré, et ont approfondi la notion de sacré, parmi lesquels Mircea
Eliade. Pour cet auteur, (1957), les éléments du sacré renvoient à ce qui est « inaccessible,
indisponible, mis hors du monde normal ». Il a étudié la notion de hiérophanie qui révèle certaines
6 « Sacré » vient du latin sancire qui signifie délimiter, entourer, sacraliser et sanctifier. Le mot sacré désigne ce qui est à
la fois séparé et circonscrit.
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formes de manifestation du sacré. Il explique qu’en manifestant le sacré, un objet quelconque
devient autre chose, sans cesser d'être lui-même, car il continue de participer à son milieu cosmique
environnant. Eliade ne dit, en revanche, rien sur la nature probable de cette « autre chose », invisible,
qui irradie l’objet en question. Dans Traité d'histoire des religions, p. 12, il partage avec Durkheim
l’idée selon laquelle la seule chose qui puisse être affirmée valablement, c’est une définition par
opposition selon laquelle le sacré s'oppose au profane7.
En outre, afin de bien cerner les particularités du baobab sacré, notre analyse a pris en compte une
autre espèce considérée particulièrement par les Sakalava : le tamarinier.
3- Hypothèse
En voulant travailler sur le baobab sacré et sur les rituels qui s’y rattachent, nous avons émis
l’hypothèse de départ selon laquelle les baobabs sacrés sont liés aux esprits maitres de la terre, c'est-
à-dire les esprits tutélaires des lieux qui relèvent d'une époque lointaine du territoire Menabe. Deux
points essentiels nous ont ramené à formuler cette hypothèse de départ :
En premier lieu, d’après la représentation sakalava, et de son nom vernaculaire Reniala, le baobab est
considéré comme la mère de la forêt. Cette représentation implique deux idées : d’abord, les éléments
de la nature sont considérés comme un ensemble hiérarchisé. Ensuite, le baobab est considéré comme
le plus ancien de tous les végétaux. En second lieu, Lombard et Geodefroit (2007, p 16) rapportent
que dans les temps anciens, les Maroserana et Andrevola, groupe voisin de Masikoro ont fait le
partage de la terre au pied d’un baobab.
4- Objectifs
Actuellement, beaucoup de recherches sur l’environnement se focalisent sur les savoirs-locaux. Pour
notre part, l’objectif général de notre investigation est de contribuer à toute étude traitant le même
domaine, d’essayer de comprendre l’interaction entre l’Homme et la nature, et notamment du baobab
dans la région du Menabe.
Cette étude vise donc à déterminer les représentations associées aux baobabs, à identifier et analyser
les rituels autour du baobab sacré.
Par ailleurs, à travers des analyses comparatives, nous allons essayer de dégager les spécificités des
perceptions sakalava des deux espèces particulières du Menabe: baobab et tamarinier.
7 Profane indique ce qui se trouve devant l'enceinte réservée (pro-fanum).
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Enfin, un des objectifs de ce travail de recherche est de mettre en exergue les connaissances
autochtones à partir de la classification sakalava du baobab, ainsi, l’intérêt est le dialogue entre le
domaine des recherches scientifiques et le domaine des sciences humaines.
5- Présentation générale du terrain
- La région du Menabe
La région du Menabe se situe à l’Ouest de Madagascar. Elle constitue le lieu d’implantation du
royaume sakalava, l’un des plus grands Royaumes de Madagascar. Le clan Maroseraña, fut le
fondateur la lignée royale. Il s’agit de groupe d'étrangers venus du sud qui entreprit la conquête du
territoire au milieu du XVIIème siècle.
La population du Menabe est composée de Sakalava qui constitue le groupe originel de cette région.
Il pratique l’élevage et l’agriculture. Le Menabe est aussi composé de plusieurs groupes issus
d’importantes migrations depuis 1915 et originaires de différentes régions de Madagascar. Les
migrants Korao (du Sud-Est) et Betsileo (des Hautes terres) sont venus dans cette région dans les
années 1915 et 1920 pour les travaux dans les concessions européennes (Sophie Geodefroit, 2000). Il
y a aussi quelques Vezo qui pratiquent encore des échanges commerciaux de leurs produits de pêche
avec les villages sakalava. Le groupe Antandroy (du Sud) est venu entre 1935 et 1939. Il constitue la
deuxième population majoritaire de cette région après les Sakalava. Sophie Geodefroit remarque que
pour le groupe antandroy, le Menabe est « devenu une terre d'exil » où les Antandroy vont vivre une
dizaine d'années avant de rentrer dans leur région d’origine, plus au Sud. « La forêt leur permet de
pratiquer le brûlis, de constituer ainsi une épargne en argent qu'ils investissent dans l'achat de bœufs,
aussitôt rentrer au pays. »
De nombreux rapports d’alliance ont été engagés par ces groupes aux origines diverses qui cohabitent
dans cette région. Ces alliances constituent une marque et une stratégie d’intégration pour les
migrants. Toutefois, il est important de noter que l’antandroy reste généralement un groupe plus ou
moins isolé. Il constitue un groupe à part dont les membres ne se considèrent pas comme intégrants
au Sakalava. Dans le Menabe, il existe des villages originellement fondés par les Antandroy,
notamment Bekonazy. Néanmoins, certaines alliances matrimoniales existent entre Sakalava et
Antandroy.
Sur le plan physique, cette région est caractérisée par un climat subaride tempéré ou frais. Elle est
couverte de forêt tropicale dense sèche (Koechlin et al., 1974) caractéristique par la présence de trois
espèces de baobab (Adansonia Grandidieri, Adansonia. Rubrostipa, Adansonia Za.).
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- Les travaux de terrain
Les travaux de terrain se sont déroulés pendant un mois et demi dans la région de Morondava, et
principalement dans trois villages : Bekonazy, Andranomena et Kirindy. Ces villages sont situés le
long de la RN8 reliant Morondava et Belo-sur-Tsiribihina.
Le premier village, Bekonazy est originellement fondé par le groupe Antandroy et est connu par le
site touristique « Allée des baobabs», considéré parmi les plus belles allées végétales du monde. Les
deux autres villages (Kirindy, et Andranomena) se situent à proximité de la réserve spéciale gérée par
Madagascar National Parks (anciennement ANGAP). Par ailleurs, nous avons aussi effectué quelques
travaux à Mangily. Ce village se trouve à quelques dizaines de kilomètres d’Andranomena, et il est
plus ancien.
Nous avons logé dans les locaux de Madagascar National Parks à Andranomena, et campé dans le
village de Kirindy.
Des entretiens ouverts et des entretiens semi ouverts ont été réalisés. Nos principaux informateurs
sont des villageois, des devins-guérisseurs ou ombiasy, des chefs de villages, et des chefs de lignages.
Nous avons rencontré les ombiasy qui habitent les villages d’Andranomena, de Kirindy, et de
Bekonazy. Cependant, nous nous sommes focalisé sur l’ ombiasy d’Andranomena pour trois
principales raisons : d’abord, parce que ce village a été originellement fondé par les Sakalava.
Ensuite, cet ombiasy est le gardien à la fois de deux baobabs sacrés qui se trouvent dans deux lieux
différents, à Andranomena et à Kirindy. Enfin, la durée des travaux de terrain ne nous a pas permis
de suivre plusieurs ombiasy à la fois. Durant toutes les séances d’entretien, nous avons été
accompagnés par un guide qui habite Andranomena. Par ailleurs, des observations lors de rituels au
baobab sacré et au tamarinier sacré (dans les villages d’Andranomena et de Kirindy) constituent une
autre partie de la démarche méthodologique.
Enfin, dans le cadre du projet Baobab, deux séances de restitution ont été organisées auprès des
habitants d’Andranomena et de Kirindy afin d’évaluer les informations que nous avons recueillies.
- Problèmes rencontrés
- Une grande difficulté de nos recherches se rapporte aux problèmes linguistiques. En effet, nos
connaissances des dialectes sakalava et antandroy étaient insuffisantes. Nous avons donc travaillé
avec un guide-interprète.
- Nos travaux de terrain se situaient dans une période de crise socio-économique, et des crises liées
aux problèmes environnementaux. Ces contextes n’ont pas facilité les recueilles d’informations.
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Beaucoup de personnes avec qui nous avons fait des entretiens voulaient parler plus de leurs
problèmes que d’autres choses. Aussi, certaines personnes ont refusés de nous accorder des
entretiens. Il s’agit d’ombiasy et de personnes qui habitent les villages de Bekonazy et
d’Andranomena.
- Beaucoup de gens ont manifesté une indisponibilité de temps pour nous accorder des entretiens
pour des raisons de travail, mais surtout, plusieurs recherches ont été déjà effectuées dans cette région
pendant des années et les gens expriment que ces recherches n’ont rien changé en ce qui concerne
leurs conditions de vie. Du coup, ils ne sont pas motivés pour des entretiens. La prise de contact et la
manière de se présenter étaient importantes dans les approches des gens.
- Certaines personnes ont été difficiles à s’approcher sur certains sujets, notamment sur les croyances
et les pratiques cultuelles liées au baobab, notamment en raison de leur méfiance vis-à-vis des
étrangers, (c'est-à-dire des personnes qui n’appartiennent pas à la communauté locale). Face à cela,
nous avons essayé à plusieurs reprises de prendre contact avec ces personnes, et nous avons passés
quelques jours dans ces villages. A la fin, elles ont accepté et nous ont invités à assister aux rituels.
Notre travail s’articulera autour de trois grandes parties. La première partie constitue une
contextualisation. Elle concerne les connaissances sakalava sur la forêt et sur les arbres. La seconde
partie traitera de la conception et des connaissances sakalava relatives au baobab. Elle concernera les
représentations et la classification sakalava de cette espèce. Et enfin, la troisième partie est consacrée
à une analyse comparative entre le baobab et le tamarinier, et à une synthèse des données sur la
classification du baobab.
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PARTIE I :
CONNAISSANCE ET CLASSIFICATION SAKALAVA DE LA
FORET ET DES ARBRES
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PARTIE I : CONNAISSANCE ET CLASSIFICATION DE LA FORET ET DE S ARBRES
Madagascar, est classé parmi les principaux centres de biodiversité8 de la planète. Aujourd’hui, on
estime que la végétation primaire ne recouvre plus que 9.9% du territoire malgache (Kull, 2000 ;
Myers et al. 2000). Selon quelques sources et quelques définitions, les forêts couvrent entre 10 et
20% du territoire (Myers et al., 2000 ; FAO, 2003). Le réseau actuel des aires protégées représente
environ 3% de la surface du pays soit environ 1,7 millions d’hectares.
Le baobab fait partie de la biodiversité remarquable malgache. Les baobabs malgaches sont, selon les
botanistes, des espèces forestières par nature. Ils constituent les derniers vestiges de zones
anciennement forestières.
Dans le Menabe, Reniala ou Renala est le nom vernaculaire du baobab. Il signifie littéralement « la
mère de la forêt ». Cette dénomination nous ramène à deux notions précises et distinctes : mère et
forêt.
Notre analyse partira donc de la conception sakalava de la forêt ou ala. En premier lieu, il s’agit de
déterminer ce que c’est que la forêt pour les Sakalava. En second lieu, il s’agit de comprendre
comment les Sakalava ordonnent-ils les éléments constitutifs de ce qu’ils entendent par forêt ou ala.
8 Le terme biodiversity a été inventé par Walter G. Rosen en 1985 lors de la préparation du National Forum on Biological
Diversity organisé par le National Research Council en 1986; le mot « biodiversité » apparaît pour la première fois en
1988 dans une publication, lorsque l'entomologiste américain E.O. Wilson en fait le titre du compte rendu de ce forum.
La biodiversité désigne la diversité des organismes vivants, qui s'apprécie en considérant la diversité des espèces, celle
des gènes au sein de chaque espèce, ainsi que l'organisation et la répartition des écosystèmes.
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CHAPITRE I : CONCEPTION DE LA FORET ET DES ARBRES
I- Définition de la forêt
Il existe diverses définitions de la forêt selon le domaine et selon les différents points de vue.
Habituellement, la forêt est conçue comme une surface plus ou moins étendue où pousse beaucoup
d’arbre. En botanique, la forêt est définie comme « une formation végétale, caractérisée par
l'importance de la strate9 arborée10, mais qui comporte aussi des arbustes, des plantes basses, des
grimpantes et des épiphytes11 ». Du point de vue de l'écologie, « la forêt est un écosystème12
complexe et riche, offrant de nombreux habitats à de nombreuses espèces et populations animales,
végétales, fongiques et microbiennes entretenant entre elles, pour la plupart, des relations
d'interdépendance ».
Trois points essentiels caractérisent la conception sakalava de la forêt: les éléments qui la
constituent, son origine divine et son lien avec le domaine du surnaturel.
1.1- La forêt : ensemble d’arbre
A Madagascar, un dicton dit « ny hazo tokana tsy mba ala », littéralement un seul arbre ne constitue
pas une forêt. La plupart des Sakalava partage une première définition selon laquelle la forêt est un
immense étendu de terrain constitué principalement d’arbres de différentes espèces et de grande
taille. La forêt est donc l’ensemble d’arbre distinctif par leur taille et par la variété d’espèce auquel il
appartient. En d’autres termes, les différentes espèces d’arbres poussent, atteignent une certaine taille
et constituent de grands ensembles appelés forêts ou « ala ». Cette définition souligne l’immensité
ainsi que la diversité des éléments constitutifs de la forêt.
9 Les strates végétales décrivent les principaux niveaux d'étagement vertical d'un peuplement végétal, chacun étant
caractérisé par un microclimat et une faune spécifique.
10 La strate arborée composée d'arbres dont la hauteur débute vers les 8 m.
11 Les épiphytes sont des plantes qui poussent en se servant d'autres plantes comme support. Il ne s'agit pas de plantes
parasites car elles ne prélèvent pas de nourriture de leur hôte.
12 Le terme qui a été défini par Arthur George Tansley en 1935, un écosystème désigne l'ensemble formé par une
association ou communauté d'êtres vivants (biocénose) et son environnement géologique, pédologique et atmosphérique
(le biotope). Les éléments constituant un écosystème développent un réseau d'interdépendances permettant le maintien et
le développement de la vie.
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A partir de cette première définition, l’arbre constitue l’élément essentiel de ce que les Sakalava
désignent par forêt ou « ala ». Par ailleurs, il y a d’autres critères tels que la taille des arbres, ainsi
que la diversité des espèces d’arbre.
E Fauroux (1999) note que la définition sakalava de la forêt inclut l’idée de « pénétration difficile ».
Il remarque que : « des plantations d’eucalyptus bien entretenues au sol, soigneusement nettoyé ne
constituent pas une forêt, et peut passer d’arbres ». En fait, dans la conception de « forêt épaisse et
profonde », il y a l’idée de l’accès difficile de la forêt. Les Sakalava considèrent la forêt comme
épaisse et profonde, ce qui se traduit dans le dialecte local par matevy. L’idée de « pénétration
difficile » se rapporte à la diversité et surtout à la pluralité d’arbre que constitue une forêt, et est en
même temps relative à l’immensité de la surface couverte.
Si nous prenons une autre définition, celle de la FAO, nous pouvons retrouver les mêmes idées. En
effet, la définition de la FAO parle de « couverture arborée » ou de « densité de peuplement ». Elle
précise que celle-ci doit être « supérieure à 10 %13 et d’une superficie supérieure à 0,5 hectare, les
arbres devant être capables d’atteindre une hauteur minimum de 5 mètres à maturité in situ ». Cette
définition paraît plus précise et rejoint la conception Sakalava selon laquelle la forêt est constituée
d’ensemble d’arbre ayant une certaine taille et recouvrant une espace assez étendue. Et plus
particulièrement, les sakalava conçoivent la forêt comme le domaine du surnaturel.
I.2- La forêt : domaine du surnaturel
Pour les Sakalava, comme pour la plupart des autres populations de Madagascar et d’autres peuples
africains d’ailleurs, la forêt est considérée comme un lieu de vie et en même temps un lieu à craindre.
Les Sakalava ne vont en forêt que pour récupérer des plantes ou des bois qui leur sont utiles dans la
vie quotidienne. En général, certains endroits de la forêt restent rarement fréquentés. Seuls des
personnages particuliers comme les devins guérisseurs fréquentent ces lieux.
En effet, la forêt est considérée parmi les lieux privilégiés des entités surnaturelles. Elle constitue la
demeure des entités surnaturelles : les génies de la forêt, les esprits tutélaires. Ces dernières n’aiment
13 Au Sahel (région d’Afrique qui constitue la zone de transition entre la partie aride du Sahara au Nord et les régions
tropicales plus humides au Sud), un boisement est considéré comme forêt à partir d'un taux de recouvrement de 10 %
alors qu'en Europe (définition CEE-ONU/FAO), on ne parle de forêt qu'à partir d'un taux de recouvrement de 20 %.
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pas être dérangées et préfèrent souvent habiter les rochers, les sources d’eau, mais surtout certains
arbres spécifiques de la forêt.
En outre, la forêt est considérée comme l’endroit où les esprits de défunts errent. Le plus souvent
c’est un lieu de sanctuaire et de sépulture réservé pour des personnages particuliers notamment pour
les ancêtres mythiques du peuplement malgaches comme les vazimba, et également les sépultures des
jeunes enfants. Ces lieux de sépulture sont des lieux sacrés ou terres interdites ou tany faly de la
forêt.
Ce deuxième point souligne que la forêt est conçue comme regorgé d’entités surnaturelles et certains
lieux restent moins fréquentés par l’homme. Selon le cas, il y a des connaisseurs qui sont habilités à
aller dans les différents endroits de la forêt. Et pour récupérer certaines plantes, ou pour se rendre
dans certains endroits de la forêt, des rituels sont accomplis. C’est le cas par exemple pour prendre le
bois qui sert dans la construction de cercueil, le nato14 (Capurodendron pemeri). Il faut sacrifier un
zébu et frapper l’arbre avec le cœur de l’animal. Il s’agit ici de rituel de demande d’autorisation pour
couper l’arbre et en même temps d’une pratique relative à la construction du cercueil. Pour passer
devant les gros tamariniers, les Sakalava font le « mipakopako ». Il s’agit de paroles et de signes avec
les mains pour demander l’autorisation de fréquenter le lieu.
A propos de ces pratiques dans la forêt, Sophie Geodefroit (2000) parle d’incantation. Elle explique
que les incantations servent à avertir les génies en leur offrant un peu de rhum, un peu de tabac ou un
peu d'argent, et pour recevoir leur bénédiction. « L'homme pourra alors se promener sans crainte dans
la forêt si le rituel a été effectué selon la coutume et que les génies n'ont aucun grief envers le
visiteur ». En fait, il importe de ne pas réveiller ou déranger les entités surnaturelles, notamment les
koko. Il s’agit d’entités surnaturelles qui demeurent en général aux pieds des grands tamariniers en
forêt.
Le troisième point essentiel dans la conception sakalava précise que la forêt elle-même est conçue
comme d’origine divine.
14 Nato : arbre de la famille des Sapotacées ; son bois dur à très dur et lourd est reconnu pour ses qualités de dureté et
de durabilité. Il est utilisé pour fabriquer les cercueils.
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16
I.3- La forêt : d’origine divine
Pour les Sakalava, les arbres de la forêt ont été conçues à leur origine par le dieu Zanahary C’est bien
longtemps après que les hommes en ont plantés. La forêt est donc constituée d’arbres de grande taille
qui ont principalement évolué sans aucune intervention humaine. Dans le dialecte local, le terme
mitirin-janahary, littéralement « planté par Zanahary», est le terme utilisé pour désigner cette origine
divine. Le terme voa-janahary ou « création de Zanahary » que nous retrouvons dans toute l’île est
aussi utilisé.
La conception selon laquelle la forêt est d’origine divine suppose que celle-ci n’appartient à personne
mais appartient à tous. La forêt constitue un héritage laissé non pas par les ancêtres, mais un héritage
divin.
Ici, il nous convient de faire une remarque : c’est aussi parce que la forêt est conçue comme d’origine
divine qu’il est difficile d’y pénétrer. Relative à son origine, la forêt est conçue comme domaine des
entités surnaturelles.
Actuellement, les sakalava considèrent que rares sont les véritables forêts15. Les forêts gérées par
Madagascar National Parks à Andranomena et à Kirindy, en font partie. La conception de l’origine
divine de la forêt emmène généralement les Sakalava à distinguer différents types de végétations.
2- Les types de végétation
Les Sakalava distinguent trois types de végétations : la clairière ou horohoro, la « forêt monka » ou
« ala monka » ou monka, et enfin la forêt ou ala.
- La clairière ou horohoro
Le horohoro est considéré par les Sakalava comme un lieu plus ou moins couvert d’arbre de petite
taille, d’arbustes16, ainsi que d’autres végétaux qui ne sont pas forcément des arbres. Les arbres et
arbustes y sont moins nombreux. A la différence de la forêt, le horohoro est donc moins épais et
laissant voir des espaces vides. Contrairement à la forêt, c’est un endroit fréquenté par l’homme. Si
15 Hubert Deschamps (1936) note plusieurs distinctions de ce que les Antaisaka appellent forêt, et parmi laquelle la
véritable forêt ou alamari.
16 Les arbustes sont «des plantes pérennes ligneuses dont la hauteur à maturité est généralement comprise entre 0,5 et 5
mètres et n'ayant pas de couronne définie.
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17
nous prenons une définition généralement partagée, une clairière est un espace ouvert dans une zone
boisée où la lumière du soleil arrive jusqu'au sol. Elle est un élément de l'écosystème forestier et peut
être une ressource en bois ou en d’autres produits.
- Ala monka ou forêt monka
Les Sakalava distinguent aussi la forêt monka ou « ala monka ». Monka désigne une ancienne
parcelle de forêt qui a été défrichée et a servi pour la culture, (un ancien terrain de culture sur brûlis
forestier). Il a été totalement délaissé et s’est de nouveau recouvert d’arbre et de végétaux. Certains
de ces monka sont quasiment boisés et considéré comme une « ala monka nataon-draza »,
littéralement « forêt de monka qui a été conçu par les ancêtres ». Les arbres n’y ont pas été plantés
obligatoirement par les mains des ancêtres, mais s’y sont poussé naturellement. Les ala monka
servent en général de pâturage pour les troupeaux de zébus. C’est aussi un lieu pour récupérer du bois
de chauffe ou certains bois qui servent dans la construction. En tout, il s’agit de reconstruction
végétale plus ou moins récente sur une parcelle qui a été anciennement cultivé.
Les Sakalava soulignent souvent la différence entre la végétation de la forêt et celle de la forêt
monka. Elle concerne la taille, la pluralité ainsi que la diversité des espèces d’arbre. Parmi les arbres
qui sont très rares dans la forêt monka, il y a le hazomalany (Hernandia voyroni), ou encore le
manary (arbre du genre Dalbergia).
- La forêt « ala »
Pour les sakalava, la « véritable » forêt est dangereuse, et l’homme la méconnait. Ce qui existe
actuellement sont des vieux monka qui sont fréquentés par l’homme.
La « vraie » forêt ou ala est constituée particulièrement de plusieurs espèces d’arbres qui ont de
grande taille et qui sont uniquement d’origine divine. C’est le cas de la réserve protégée de Kirindy
ou la forêt d’Andranomena17 dont Madagascar National Parks a la charge. Cette forêt est constituée
par des espèces forestières et parmi lesquelles nous pouvons encore retrouver des individus de grande
taille, ainsi que certaines espèces d’arbres précises.
17Sophie Geodefroit (2000) remarque que la forêt d'Andranomena est qualifiée par les habitants de « ala be » ou grande
forêt par opposition à « ala madiniky »ou petite forêt dégradée.
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18
Nous pouvons remarquer que selon la conception sakalava, la forêt est constituée d’arbre « originel »,
c'est-à-dire des arbres qui ont poussé depuis très longtemps. En effet, avons-nous dit, le monka est
constitué de nouvelle végétation. Bien que celle-ci ne soit pas obligatoirement plantée par l’homme,
le monka ne peut être considéré comme étant une vraie forêt. D’abord, puisque la végétation elle-
même diffère de celle de la forêt. Mais surtout, les très vieux monka ne sont plus constitués de
végétation originelle. Ils ont déjà servi à d’autres végétations successives telles que la vraie forêt, la
culture, et une re-couverture végétale.
Ce point de vue sakalava qui distingue les véritables forêts des autres formations végétales rejoint la
distinction, plus habituelle, entre la forêt primaire18 et la forêt secondaire. La première concerne la
forêt naturelle qui n’pas fait l'objet d'intervention humaine qui a laissé des conséquences importantes
ou observables. La deuxième concerne la forêt plantée ou forêt conçue par l'homme (partiellement ou
entièrement).
En conclusion, dans la conception sakalava, la forêt est d’abord constituée d’arbre de grande taille et
de diverses variétés. Ce premier point souligne la diversité écologique et l’immensité de la forêt.
Ensuite, la forêt est une conception divine. Les arbres plantés par l’homme ne sont plus considérés
comme formant une « vraie » forêt. Autrement dit, il apparaît que la tendance habituelle tend à
résumer trop souvent la forêt comme l’ensemble de plusieurs arbres ce qui diffère de la conception
des Sakalava du Sud-ouest qui souligne que l’homme ne peut façonner une véritable forêt. Il existe
alors deux catégories de groupement végétal: celle originellement créée par Zanahary ainsi que celle
que l’homme a plantée. Enfin, d’un côté, la forêt est l’ensemble d’élément dont l’essentiel est l’arbre.
De l’autre côté, elle regorge d’entité surnaturelle, et les arbres constituent les demeures de ces
dernières. Pour les sakalava, la forêt est rattachée aux entités surnaturelles.
Si telles sont alors les conceptions sakalava de la forêt, qu’en est-il des classifications des arbres qui
constituent l’élément essentiel de la forêt ?
18 Aujourd’hui, les forêts primaires couvrent environ moins de 10 % de la planète.
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19
CHAPITRE II : DEFINITION DE L’ARBRE
L’idée d’une classification autochtone des plantes à Madagascar se retrouve dans beaucoup d’écrits
antérieurs à notre recherche19. Louis Mollet écrit en 1979 (p153) : à Madagascar, « il n’existe pas à
notre connaissance, ni de théorie ni de systématique des plantes. Le terme « choses qui poussent, qui
croissent » ou zava-maniry englobe l’ensemble. Cet ensemble concerne trois distinctions cardinales :
ahitra qui désigne toute plante non pérenne, c'est-à-dire qui ne dure qu’une seule saison. Ensuite, il y
a le vahy qui regroupe les lianes grimpantes et rampantes. Et enfin hazo qui recouvre toutes les
plantes qui se dressent, les plantes ligneuses tel que la canne à sucre, les joncs hazondrano Scirpus
corymbosus ».
La différenciation entre les végétaux qui existent et surtout en ce qui concerne l’arbre ou hazo peut
être complexe et relative si l’on tient compte des diverses critères de définition.
Dans le dialecte sakalava, comme dans d’autres dialectes de Madagascar, nous pouvons retrouver le
terme arbre ou hazo dans plusieurs mots. D’abord, nous avons vu auparavant qu’il constitue
l’élément essentiel de la forêt. Il désigne alors, certains types végétaux. Ensuite, il désigne le bois en
tant que matériau. Enfin, il suggère une utilité vitale comme le signale le terme composé
hazondamosina, littéralement « arbre du dos », et qui désigne l’épine dorsale.20
Dans leur catégorisation des végétaux, les Sakalava disposent de plusieurs critères pour définir ce que
c’est un arbre. Ces critères concernent particulièrement l’apparence, la texture, et enfin l’usage du
végétal.
1- Critère de définition d’un arbre
1.1- L’apparence
Parmi tous les végétaux, les Sakalava discernent facilement à la vue, à partir de leur apparence, un
arbre, une fleur, ainsi que les différentes sortes de plantes de leur environnement.
19 Andriamampianina J, Perception de l’environnement par les malgaches, in Akon’ny ala, 1993 : « on peut se demander
s’il existe chez les paysans malgaches une notion de classification des éléments de leur environnement. A proprement
parler, il n’en n’existe pas, mais ils reconnaissent de grandes catégories de formes ou d’usages qui les ont amenés à
distinguer des groupes souvent très proches des groupes taxonomiques »
20 Louis Mollet 1979
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- Grande taille ou « be vata »
D’après une définition qui est généralement la plus partagée, un arbre est une plante de grande taille.
C’est cette taille qui le différencie de tout autre végétal qui existe. Seul un arbre peut atteindre une
grande taille et peut posséder un corps massif. Be vata, qui signifie littéralement « grand corps » est
le terme local qui désigne ce premier critère.
A partir de la taille, les Sakalava différencient les arbres entre eux. Il existe des arbres qui sont plus
petits par rapport aux autres et il y a des arbres qui peuvent avoir de grandes tailles. Ces derniers se
trouvent dans la forêt. Parmi les arbres de petites tailles, il y a le konazy (jujubier), talafoty (Croton
lupotus, Euphorbiacées), … et parmi les arbres de grande taille, il y a le baobab.
Cependant, certaines lianes ou vahy be, peuvent avoir la même taille que certains arbres. Ce qui les
diffère des arbres c’est leur hauteur.
- Haut ou « abo »
L’arbre est une plante qui s’élève en hauteur. Abo, qui signifie haut, est le terme utilisé localement
pour décrire l’hauteur d’un arbre. F. Brunois, 2003, (p 297) : « seul l’arbre a le don de maintenir sa
verticalité dans la durée, elle en est même constante, croissante ». A partir de ce deuxième critère,
c'est-à-dire la hauteur, il y a deux principales catégories : les grandes lianes et les arbres. Les lianes
peuvent être plus ou moins grandes en taille mais elles ne peuvent monter en hauteur. Elles grimpent
sur d’autres plantes pour arriver en hauteur.
- Morphologie ou « endriny, tarehiny »
Enfin, la morphologie fait partie de l’apparence pour définir un arbre. Dans le dialecte local, le terme
morphologie se traduit par plusieurs termes qui possèdent plusieurs significations. Par exemple, il y a
les termes tarehiny ou endriny qui signifient respectivement visage et forme, ou figure. Un autre
terme est ivelany qui signifie extérieur.
En générale, un arbre est distinctif par sa morphologie qui comprend trois parties : la racine, le tronc
et les branches, respectivement faka, tenany, et tanany ou rantsany. A partir de ces parties
constitutives, il existe autant de morphologies aussi différentes que variées.
A part les critères physiques observables (taille-hauteur-morphologie), d’autres critères de définition
se rajoutent pour définir un arbre, notamment la texture de la plante.
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1.2- La texture ou « vontoatiny, taolany, nofitry »
Trois termes sont utilisés pour désigner la texture. Le premier terme est « vontoatiny ». Il est
composé de « vonto » et « atiny » qui signifient respectivement « renfermé » et « intérieur ». Dans le
langage courant, ce terme annonce le contenu. Le deuxième terme utilisé est « nofitry » qui signifie
littéralement « chaire ». Et le troisième terme est « taolany », qui signifie littéralement « os ».
Un arbre est considéré comme une plante robuste et qui dure. Il ne s’abat pas facilement, seuls ceux
qui savent le faire peuvent l’abattre. C’est sa contenance, c'est-à-dire le bois21 dont il est constitué,
qui lui donne ces propriétés. Il existe alors des personnes spécialement qualifiées pour faire le travail
du bois, notamment les hommes. Comme ce travail demande beaucoup de force physique, il est
considéré comme quasiment interdit aux femmes.
La texture permet de regrouper les arbres entre eux. D’un côté, il y a les arbres à bois tendre ou
« hazo manao nofitry malemy », littéralement « arbre qui possède une chaire tendre ». Il s’agit des
arbres tels que le farafatsy (Givotia madagascariensis), boy (de bohy ou gonflé.), manonga, antso
(Euphorbia antso). De l’autre côté il y a les arbres qui sont constitués de bois dur et qui sont désignés
par « hazo fatratry ». D’après le dictionnaire de Weber, le terme « fatratry », se dit « de toute qualité
et de toute action bonne ou mauvaise portée au plus haut degré ». Ici, « hazo fatratry » signifie bois
d’excellente qualité. Les arbres à bois dur sont aussi appelés par « hazo mahery » littéralement
« arbre fort ». Parmi les arbres considérés comme fatratry, nous pouvons retrouver le hazomalany
(Hernandia voyroni), nato (Capurodendron pemeri), katrafay22 (Cedrelopsis grevei),
manary (arbre appartenant au genre Dalbergia). Ces arbres sont redoutés pour leur résistance. Ils sont
utilisés dans la construction de maison et peuvent se maintenir plusieurs générations. Actuellement,
les Sakalava signalent que ces arbres, notamment le hazomalany (Hernandia voyroni), sont de plus
en plus rares.
La prise en compte de la texture comme critère de définition d’un arbre soulève quelques remarques :
L’évaluation de la qualité de la texture est liée à l’usage même de la plante. Ainsi, la qualité peut
varier. Pour les quelques Vezo qui fréquentent la région, notamment pour vendre du poisson, le
farafatsy (Givotia madagascariensis) est considéré comme fatratry. Il est utilisé pour la
21 Le bois est le tissu à l’intérieur de la tige, et qui conduit la sève brute du bas vers le haut. Il s’agit du tissu de soutien
assurant la rigidité de la tige.
22 Le katrafay est utilisé dans la fabrication de maison, il est aussi utilisé dans la pharmacopée traditionnelle pour les
femmes qui viennent d’accoucher, ou encore les plaies. Son écorce est utilisée pour confectionner des boissons
alcooliques qui sont réputées stimulantes et aphrodisiaques.
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construction des pirogues monoxyles. Une fois mis à l’eau, son bois durcit. Cependant, cet arbre n’est
pas du tout considéré comme fatratry par les Sakalava. Au contraire, il est considéré comme
« manao nofitry malemy », littéralement « à chaire tendre ». Pour les Sakalava, les pirogues sont
fabriquées avec le sarongaza (Colvillea racemosa), arbre de la famille des Caesalpinacées (qui est
utilisé par les Bara dans la vannerie).
En conséquence, il y a donc une classification différente selon les groupes. Chaque culture
appréhende différemment la nature.
1.3- L’arbre : un végétal utile
L’arbre le plus souvent présent dans le village d’Andranomena et aux alentours sont les tamariniers
(Tamarindus indica) ou kily. Certains d’entre eux sont de grande taille. Ce sont des arbres respectés
et protégés durant les générations qui se sont succédé. Comme nous l’avons signalé, l’espèce
tamarinier est importante et fait parti du quotidien des Sakalava. En général, le tamarinier le plus
vieux se trouve au Nord-est du village.
A part le tamarinier, le baobab est aussi quelquefois présent dans le village. Ils sont strictement
protégés par leur propriétaire, c'est-à-dire celui à qui appartient la terre où ils poussent.
Enfin, d’autres arbres servent quelquefois d’ombrage dans les villages. D’autre sert aussi d’abris à
certains animaux domestiques notamment pour les volailles. Notons que dans les us et coutumes des
Sakalava, les animaux ne doivent pas partager le même toit que les hommes. C’est pour cette raison
qu’ils restent dans la cour.
Les Sakalava conçoivent l’arbre comme un végétal utile. Cette utilité est relative à la texture et aux
différentes caractéristiques de chaque arbre. A partir du rapport entre usage et texture, il existe des
sous catégorisations selon chaque groupe.
Il y a trois usages principaux de l’arbre : l’usage dans la vie quotidienne, l’usage dans la médecine
traditionnelle et l’usage dans la vie rituelle.
- Usage quotidien
Dans la conception sakalava, les hommes et les animaux vivent de la forêt. Ainsi, l’arbre constitue
une ressource matérielle et alimentaire indispensable face au besoin.
Les usages au quotidien des arbres sont innombrables. L’arbre sert autant pour les vivants que pour
les défunts. C’est à partir de l’arbre que sont construites les cases des vivants, et c’est à partir de
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23
l’arbre que sont construits les cercueils, dernière demeure de l’homme. Les arbres à bois dur, ou
« hazo fatratry », sont utilisés dans la construction des biens matériels indispensables tels que la
maison, le cercueil, les moyens de transport. Ce sont le hazomalany (Hernandia voyroni) 23, le nato
(Capurodendron pemeri), le katrafay (Cedrelopsis grevei) 24 , le manary. Grâce à leur texture
constituée de bois dur, ces arbres sont appréciés dans la construction. Ce sont les arbres les plus
souvent cités par les Sakalava comme étant les plus utiles dans la vie quotidienne. En outre, les arbres
peuvent être choisis selon leur taille. Ainsi, ceux qui ont de petites tailles servent, par exemple, dans
la fabrication de manche à outil, et ceux qui sont de grande taille servent pour les portes.
- Usage dans la médecine traditionnelle
Les sakalava ne font pas la distinction entre arbre ou plante lorsqu’il s’agit de médecine
traditionnelle. En effet, les plantes ou les arbres qui servent dans ce domaine sont désignés par
« raha mitiry fanao fanafody » ou « chose qui pousse, et qui sert de remède ». Il y a des spécialistes
qui connaissent les vertus des plantes médicinales, notamment les guérisseurs traditionnels et les
matrones.
Les plantes médicinales pour les femmes enceintes et pour celles qui viennent d’accoucher sont les
plus souvent citées: le kily, le katrafay, le manary, et le kililo25. Chacune de ces plantes est utilisée
en bain ou en tisane pendant une semaine. A part leur vertu thérapeutique, dit-on, la couleur très
rouge des tisanes obtenues à partir de ces plantes est utilisée symboliquement comme substitut du
sang perdu pendant l’accouchement.
- Usages dans la vie rituelle
Enfin, les arbres tiennent aussi une place importante dans la vie rituelle. Les arbres utilisés dans la vie
rituels sont généralement considérés comme des « arbres sacrés ». Nous pouvons retrouver diverses
23 H.Rey in BAM, vol 12, 1912, p 53 : le hazomalany, était la propriété exclusive des rois sakalava Maroserana. Seuls ils
avaient le droit d’autoriser les indigènes qui en faisaient la demande de se rendre dans la forêt pour y construire les
pirogues.
24 H.Rey in BAM, vol 12, 1912, p 53 : le katrafay était réservé exclusivement à la construction des lapa ou donaka,
palais des rois et des vatamasy ou enclos qui entouraient leurs tombeaux.
25 Boiteau P, 1999 : kililo vient de lilo, état de ceux qui sont blasés ou chose dont on est dégouté. C’est un nom donné à
diverses espèces qui ont été très vantées pour leurs propriétés médicinales, mais dont l’emploie est moins fréquent
aujourd’hui.
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espèces qui ont chacun leur usage spécifique dans la vie rituelle. Ils sont spécifiquement utilisés selon
les occasions. Par exemple : le nato est, en principe, essentiellement utilisé dans la fabrication de
cercueil. Certains arbres sont utilisés par certains personnages tels que les devins guérisseurs. C’est le
cas du kalavelo26, ou du hazomanga27. Mais il y a aussi les arbres qui sont interdits à ces personnages
particuliers. Par exemple, le ompy28 est généralement interdit pour les devins guérisseurs. Une fois
allumé dans la case du devin, la fumée qui s’y dégage, dit-on, chasse les esprits.
Voici un tableau qui indique les arbres les plus souvent cités par la population locale.
26 Espèce non identifié
27 Espèce non identifié
28 Espèce non identifié
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Tableau n° 1 : Les arbres les plus souvent cités
Noms
vernaculaires
Noms
scientifiques
Caractères
du bois
Localisation Usages
Manary Genre
Dalbergia
Bois dur et
lourd
Forêt - construction : maison
- médecine traditionnelle : pour
les femmes qui viennent
d’accoucher
- vie rituelle : poteau rituel
hazomanga
Katrafay Cedrelopsis
grevei
Bois dur Forêt - construction : maison
- médecine traditionnelle : pour
les femmes qui viennent
d’accoucher
- vie rituelle : poteau rituel
hazomanga
Kily Tamarindus
india
Forêt
Village
- médecine traditionnelle : tazo,
fièvre
- vie rituelle : poteau rituel
hazomanga
Usage récent : charbon
Nato29 Famille des
Sapotacées
Bois dur à
très dur et
lourd à très
lourd
Forêt - construction : cercueil
Hazomalany Hernandia
voyroni
Bois dur Forêt - construction : maison
A partir de ce tableau, nous pouvons faire quelques remarques :
29 Dans le Sud (plateau Mahafaly), le nato est utilisé comme bois de construction ; et son écorce comme fébrifuge, et
pour la teinture.
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- Le katrafay et le manary sont considérés comme les arbres indispensables. Nous pouvons
remarquer qu’ils regroupent chacun une triple utilité. Ils servent dans la vie quotidienne, dans la
médecine traditionnelle et dans la vie rituelle.
- Le tamarinier est une espèce importante. Elle est présente dans les villages sakalava et sert de
poteau rituel.
- Le nato constitue l’espèce essentielle dans la fabrication de cercueil.
- Le baobab ne fait pas partie des arbres les plus souvent cités par les Sakalava. Des questions se
posent : pourquoi le baobab n’est pas cité parmi les arbres connus et parmi les arbres importants dans
la vie quotidienne? Le baobab est-il conçu différemment des arbres ? à quoi sert-il ? Nous essaierons
de répondre à ces questions dans les parties suivantes.
En conclusion, un arbre est aussi défini comme végétal utile. Il est utilisé en fonction de sa texture.
Certains servent de matériaux de construction de case, de cercueil ou de manche d’outil. Par ailleurs,
certains arbres ont des vertus thérapeutiques. Dans ce cas, qu’il s’agit de plante ou d’arbre, ils sont
utilisés sans distinction et désignés par « raha mitiry fanao fanafody » ou chose qui pousse, et qui sert
de remède. Enfin, les arbres servent aussi dans la vie rituelle.
Dans la partie suivante, nous allons voir une catégorisation des arbres par les Sakalava.
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2- Catégorisation des arbres sacrés et des arbres non sacrés
2.1- Dénomination
Les Sakalava classent les arbres en deux catégories. D’un côté il y a les arbres sacrés et de l’autres
côté il y a les arbres non sacrés. Ces derniers sont classés selon les espèces auxquelles ils
appartiennent et sont utilisés dans la vie quotidienne. En revanche, les arbres sacrés ne sont plus
désignés par l’espèce à laquelle ils appartiennent. A Madagascar, leurs appellations diffèrent d’une
région à une autre. Mais il existe des noms génériques pour désigner les arbres sacrés. Ces noms
recouvrent des notions précises.
- Arbre vénéré : « Hazo tompoina »
Dans la région de Morondava, la population d’Andranomena et de Kirindy n’utilise pas le qualificatif
sacré ou « masy » pour désigner un arbre sacré. Sinon, elle ne l’utilise que très rarement. Le devin-
guérisseur ou ombiasy est le plus souvent désigné par ce terme masy. Les Sakalava désignent un
arbre sacré par hazo tompoina. Le terme « tompoina » signifie littéralement « vénéré ». Un arbre
sacré est donc un « arbre vénéré ». Cette appellation est générique et désigne tous les arbres sacrés,
c'est-à-dire n’importe quel pied d’arbre sacré.
- Arbre interdit : « Hazo faly »
Un arbre sacré est en même temps considéré comme « hazo faly » qui signifie littéralement « arbre
interdit » ou « arbre tabou30 ». Dans le langage courant, cette appellation « hazo faly » est moins
utilisé que l’appellation « hazo tompoina ».
Dans la région de Betioky (région au Sud de Madagascar), certains baobabs sont considérés comme
sacrés. Ils sont appelés « za faly » ou « za masy », littéralement « Za interdit » ou « Za sacré ». Ces
appellations sont utilisées selon les groupes qui pratiquent ou non les rites qui s’y rattachent. C'est-à-
dire qu’en général, ceux qui pratiquent des rituels autour de ces arbres les nomment « Za masy » ou
« A.za sacré », et ceux qui n’y pratiquent les rituels les nomment « Za faly » ou « A.za » interdit.
Dans le plateau Mahafaly, les baobabs sacrés sont craints par la population. Beaucoup d’interdits les
entourent dont certains concernent les enfants. Ces derniers ne doivent pas passer devant le baobab
30 Le terme faly ou fady en malgache signifie tabou qui vient d’un terme polynésien. Il désigne des interdits propres à
certains objets ou actes dont la transgression s'accompagne d'effets dangereux.
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sinon ils risquent de tomber gravement malade ou d’avoir un accident. Par ailleurs, il est interdit
d’essayer de couper ou de diriger une hache dans la direction du baobab sacré.
De manière générale donc, un arbre sacré est désigné par « arbre vénéré » ou « arbre auquel se
rattachent des interdits ».
La première appellation indique que les arbres sacrés inspirent à l’homme le respect. Le terme local
« tompoina » qui signifie « vénéré » exprime cette idée. C’est dans ce sens que Mircea Eliade dans
Traité d’histoire des religions (1964) avait déjà expliqué que « jamais un arbre n’a été adoré rien que
pour lui-même, mais toujours pour ce qui, à travers lui se révèle, pour ce qu’il impliquait et
signifiait». Les arbres sacrés sont considérés comme les demeures d’entité surnaturelle ou des
divinités que les hommes vénèrent et respectent à travers l’arbre sacré.
Dans la deuxième appellation, le terme « faly » qui signifie « interdit ou tabou» implique l’idée de
crainte. Cette conception joint l’idée d’Émile Durkheim. En effet, en définissant le sacré, 1912, cet
auteur insiste sur la relation d’opposition et/ou d’ambivalence: « Les choses sacrées sont celles que
les interdits protègent et isolent, et les choses profanes étant celles auxquelles ces interdits
s'appliquent et qui doivent rester à l'écart des premières ». Pour Durkheim, le sacré est à la
confluence de deux mouvements : il est le lieu de l’interdit, et il est le siège d’une puissance pouvant
se manifester dans certaines circonstances. Une fois transgressé, les interdits requièrent des rituels
spécifiques pour ramener l’ordre pour que les malheurs ne surviennent.
En conclusion nous pouvons dire que les différents termes génériques utilisés pour désigner les
arbres sacrés nous ramènent à la notion du sacré et montrent l'ambiguïté de cette notion que beaucoup
d’auteurs ont essayé d’approfondir.
Au terme de ces explications, nous pouvons définir un arbre sacré comme un arbre auquel se
rattachent des pratiques cultuelles, des rituels et des croyances particulières qu’une communauté ou
un groupe se partage. Il s’agit d’un lieu de manifestation d’entité surnaturelle et un lieu de réunion.
En dehors des appellations génériques, les arbres sacrés ont des noms spécifiques, selon les pratiques
autour et différents selon les régions de Madagascar. Ces noms spécifiques peuvent être aussi
spécifiques selon l’espèce à laquelle appartient l’arbre sacré. Dans la région de Morondava, nous en
avons identifié quatre : zomba, komba, hazomanga, et tony.
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2.2- Variétés d’arbre sacré
2.2.1- Les espèces sacrées
Une espèce31 sacrée est une espèce entourée de croyances qui impliquent une considération
particulière de tous les individus appartenant à cette espèce. Cette considération est manifeste
notamment dans l’utilisation de l’espèce. Soit elle a un usage précis et spécifique, soit les individus
appartenant à cette espèce sont rarement abattus, ou ne devraient pas l’être.
Selon différentes conceptions, une espèce est considérée comme particulière du faite que des
croyances spécifiques lui sont rattachées. Il peut s’agir aussi d’une espèce qui se rattache à un groupe
précis (c’est le cas du tamarinier pour les Sakalava) ; à un groupe dont les membres appartiennent à
un ou plusieurs ancêtres communs ; ou encore à une famille restreinte. Nous pouvons retrouver des
espèces qui ont des usages spécifiques comme le laza qui est utilisé comme charme protecteur. Selon
le cas, il peut être planté ou non.
Dans la région de Morondava, le tamarinier et le maroserana (pachypodium) constituent parmi les
espèces sacrées.
Exemple d’espèce sacrée
- Le tamarinier
Le tamarinier, ou kily32, est une espèce sacrée pour le groupe sakalava. Beaucoup d’auteurs,
notamment H. Rey, (BAM, 1912, vol 12), ont écrit que le tamarinier est « l’arbre par excellence des
Sakalava ». Du temps des ancêtres, les individus de cette espèce sont généralement protégés. Pour les
sakalava, le tamarinier constitue la demeure préférée des koko. Il s’agit d’entité surnaturelle qui
habite la forêt. Ainsi, tous les tamariniers sont susceptibles d’être habités par ce type d’entité
surnaturelle. Il est donc interdit d’abattre le tamarinier, sinon il faut lui demander l’autorisation.
31 Dans les hautes terres, les figuiers (amontana et aviavy) peuvent être considérés comme des espèces particulières. Ces
arbres sont des « arbres royaux ». Ce sont des arbres symboliques des souverains malgaches. Dans la région du betsileo,
l’ aviavy est planté à l’Est de la maison royale. (Rafolo Andrianaivoarivony, Rajaonah Vohangy)
32 H. Rey in BAM, 1912, vol 12 : c’est sous l’ombre de cet arbre que l’on rend la justice dans les villages. Les gens le
vénèrent et l’épargnent le plus souvent. Quand l’arbre est jeune, il est employé dans la confection de poteau rituel
(hazomanga). L’auteur rajoute que c’est sous un kily que les rois sakalava et leurs grands conseillers (mpihoto) rendent
leurs arrêts. C’est aussi à l’ombre du kily que les malades et les gens désireux d’obtenir une grâce adressent leurs prières à
Zanahary.
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30
Il existe des pratiques spécifiques qui sont liées à cette espèce, notamment le rituel de première coupe
de cheveux : Les Sakalava ne coupent pas les cheveux d’un enfant jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de
marcher33. Il est même désigné par koko ou zaza talihin’koko. Quand il sait marcher, une personne
est chargée de couper ses cheveux suivant les indications d’un devin guérisseur. Les cheveux coupés
sont ensuite emportés dans la forêt et déposés au pied d’un tamarinier34 pour les koko. C’est pour
cela, en partie, que ces derniers sont conçus comme possédant de long cheveux tressés et touffus.
Mise à part ces croyances et ces pratiques liées au koko, c’est aussi à travers les tamariniers que les
Sakalava invoquent les ancêtres. En effet, comme nous l’avons dit auparavant, le tamarinier sert de
lieu sacré de cultes aux ancêtres.
En général, selon les rituels et les croyances qui s’y rattachent le tamarinier est classé en trois types.
Nous expliciterons d’avantage dans les parties suivantes.
Actuellement, il faut noter que le tamarinier est récemment utilisé pour faire du charbon, notamment
à cause de la situation socio-économique dans cette région. Il apparaît donc deux conceptions de cette
espèce : d’abord, l’ancienne conception lui attribue des valeurs très particulières et qui interdit
l’abattage des tamariniers. Ensuite, la nouvelle conception permet l’abattage et l’usage de cette
espèce pour la fabrication du charbon. Pour les vieux Sakalava cet usage est considéré comme une
entrave à la tradition et peut changer la fonction sociale que cette espèce représente pour les
Sakalava.
- Le Maroserana
Le maroserana (pachypodium) est aussi considéré comme une espèce particulière. Le terme
«Maroserana », nom vernaculaire de cette espèce coïncide avec le nom du lignage royal fondateur du
royaume sakalava du Menabe. En général, les Sakalava ne touchent et ne plantent pas cet arbre. Ils le
considèrent comme une espèce rattachée aux descendants des familles royales ou « manan’ila
mpaninto », probablement en raison de ce nom. De ce fait, cette espèce ne peut être utilisée35.
33 Grandidier (1917, p 107) signale que cet âge est déterminé par l’ombiasy et se situe généralement entre 2 à 3ans
34 Dans certaines cultures Indo-Européens, les cheveux sont enterrés au pied des arbres fruitiers qui sont sacrés, tels que
le pommier ou le poirier.
35 Néanmoins, il nous a été signalé que le maroserana est utilisé pour certaines maladies dentaires.
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31
Cependant, cette espèce est utilisée par certains Antandroy qui vivent à Andranomena. Il s’agit de
maroserana désigné par komba et qui est planté au Nord-Est soit du village, soit de la case des
Antandroy disant appartenir à une famille royale. Mais même certains antandroy qui ne se sont pas
des descendants de roi en plantent. Notons que selon Geodefroit (2000 p57), le terme Komba désigne
une case d'un personnage important, détruite à sa mort et dont l'emplacement est marqué par des
arbres.
La question se pose : pourquoi le groupe antandroy utilise t-il une espèce qui porte précisément le
nom du groupe royal sakalava ? A cette question, nous pouvons avancer quelques idées: L’utilisation
par les Antandroy de l’arbre dont le nom coïncide avec le groupe royal sakalava est-elle significative
d’une marque d’intégration au groupe sakalava ? Est-ce une manière de se réclamer et de se faire
reconnaître comme appartenant à des familles royales ? Enfin, est-ce un élément identitaire de
certains Antandroy ? En effet, par rapport à cette dernière réflexion, Michel Guérin, 1977 (p 35-36), a
identifié dans la région de l’Androy un sanctuaire d’un certain Maroserana. L’auteur ajoute que des
cultes tenus par Talenomby, chef de village et guérisseur traditionnel, sont adressés dans l’enceinte
de ce sanctuaire. D’après les données de nos enquêtes, nous ne pouvons que formuler nos hypothèses
à travers ces questions.
A part les espèces sacrées, nous pouvons aussi retrouver des pieds d’arbres sacrés. C’est ce que nous
allons voir dans la partie suivante.
2.2.2- Individu sacré : zomba ou tsianjarafa
Un individu sacré concerne un arbre qui n’appartient pas forcément à une espèce sacrée. Seuls
certains pieds d’arbres sont considérés comme tel et non tous les individus de l’espèce. Ainsi, il s’agit
d’un arbre spécifiquement choisi et qui est généralement non planté, c'est-à-dire se trouvant dans son
milieu naturel.
Les individus sacrés sont souvent gardés par celui qui est le maître du lieu. Il peut s’agir d’un devin
guérisseur, ou bien d’autre personnage comme le chef de la famille. Un individu sacré est appelé
« zomba » ou « tsianjarafa »36. Par exemple, un baobab sacré est appelé « zomba reniala ».
36 Selon Lala Raharinjanahary et Victorine Razanabahiny dans Raki-pandinihina, (pp296-309), en Androy le zomba
désigne un parc à bœuf dans un contexte rituel. Vala est le mot ordinaire. En outre, dans le plateau Mahafaly, le
tamarinier qui se trouve au nord du hazomanga est aussi appelé tsianjarafa.
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32
Plusieurs auteurs ont défini ce que c’est qu’un zomba. Selon Geodefroit (2000, p100), ce terme
désigne une maison reliquaire, c'est-à-dire un endroit où sont déposées les reliques royales. Pour
Chanzan Gillig S, (1991, p382), le zomba désigne la maison ou le palais des anciens rois sakalava,
une maison réservé à la cérémonie du tromba (transe), ou encore la maison de devin guérisseur.
D’après Louis Mollet le zomba37 correspond à une case, un abri ou un enclos dénommé ainsi lors
des pratiques de certains rituels, notamment le culte de possession tromba.
Dans le quotidien des Sakalava, le zomba est utilisé pour désigner n’importe quelle maison ou
l’ensemble circonscrit dont fait parti une maison, notamment la cour.
A partir de ces définition, nous pouvons dire que le zomba est spécifique pour les rituels qui s’y
passent, et il constitue un endroit particulièrement désigné ainsi. Il nous semble que, par extension, le
zomba implique deux idées : il indique un lieu qui est spécifique par sa fonction : lieu de culte ou lieu
de rituel. Ensuite, c’est la demeure d’entité surnaturelle indéfinie ou « raha » à qui sont adressés les
rituels. Le zomba est alors l’équivalent de « tranon-draha », littéralement : la maison de la chose.
Dans les villages d’Andranomena et de Kirindy où nous avons mené principalement nos enquêtes, les
individus sacrés appartiennent à plusieurs espèces parmi lesquelles le baobab, le ficus, le palétuvier et
quelques tamariniers.
Exemple d’individu sacré
- Baobab
Dans le Menabe, le baobab est une espèce considérée comme distincte, notamment du fait qu’il
s’impose dans son environnement et qu’il diffère de tout autre végétal. Il ne constitue pas une espèce
sacrée. En revanche, cette espèce compte des individus sacrés. Le baobab sacré fait partis des arbres
sacrés les plus souvent cités dans cette région. Parmi les trois espèces existant dans la région, c'est-à-
dire l’A. grandidieri, A. rubrostipa et l’A. za, nous pouvons retrouver des individus sacrés.
Le baobab sacré se trouve généralement en forêt et sont entourés ou non de palissades. Il est gardé
par les devins-guérisseurs.
37 Estrade (1977) définit le zomba comme la maison du roi, ainsi qu’un temple où le peuple se réunit pour évoquer les
rois défunts, ou la maison d’un maître possédé.
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33
- Ficus ou fihame et palétuvier ou mokoto
Comme le baobab, quelques individus de ficus38 et de palétuviers sont sacrés. Dans la région
d’Andranomena et de Kirindy, ils sont les moins fréquents. Notons que, le palétuvier est une espèce
très prisée dans la confection du toit des cases. Les toits en mokoto se conservent plusieurs années,
c’est pour cette raison qu’ils sont considérés comme les meilleurs toits.
En conclusion, les arbres sacrés appartiennent à plusieurs espèces. Dans la région du Menabe, le
tamarinier constitue une espèce à part entière car elle constitue l’espèce sacrée des Sakalava. Par
ailleurs, il existe quelques espèces dont certains individus seulement sont sacrés. On les désigne par
zomba ou tsiandrarafa. C’est un lieu de culte gardé par le maître du lieu, notamment des devins-
guérisseurs. A part le zomba reniala ou baobab sacré, nous pouvons aussi retrouver des zomba
tamariniers. Dans la partie suivante, nous allons voir que les individus sacrés font l’objet de sélection
particulière.
2.3- Caractéristiques des arbres sacrés
Nous pouvons distinguer deux conceptions des arbres sacrés selon qu’ils soient plantés ou qu’ils ne
soient pas plantés. Pour les arbres sacrés plantés, les espèces particulièrement plantées dans le
village, les caractéristiques physiques importent peu, c’est l’emplacement qui est important. C’est le
cas des tamariniers/hazomanga qui se trouvent, en général, au Nord-Est du village ou au Nord–Est
des cases du chef du lignage.
Par contre, pour un arbre sacré non planté, il est choisi en fonction de son emplacement, de certaines
caractéristiques physiques particulières, et selon les devins guérisseurs. C’est le cas, en général, des
zomba qui sont des individus spécifiquement choisi parmi d’autres.
- Localisation
Les zomba qui sont gardés par les devins-guérisseurs se trouvent généralement en forêt.
L’emplacement peut être une des critères dans la sélection de certains individus. C’est le cas d’un
palétuvier sacré qui se trouve au bord de la route près de la réserve de Kirindy. Les autochtones le
désigne mokoto tokany, littéralement palétuvier unique. Il paraît que c’est le seul individu de cette
espèce qui est circonscrit dans une vaste superficie. Il est vénéré et entouré d’interdit. Quand les gens
passent devant, ils en froncent une feuille ou bien ils lancent une pièce de monnaie ou de la pierre.
38 Chez les Mahafaly, le ficus (ficus Trichopade baker) ne peut être abattu.
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34
Nous pouvons remarquer que c’est cet isolement par rapport aux autres individus de la même espèce
qui caractérise ce palétuvier. Le terme qui le désigne indique même cette caractéristique unique ou
tokany.
- Caractéristiques physiques : la taille
Sacré ou non sacré, un arbre est toujours considéré par sa taille. Les arbres de petites tailles servent
pour la fabrication de petits outils et les arbres de grandes tailles servent pour faire des objets ou des
ustensiles plus grands.
En général, les sakalava rapportent souvent une différence de taille entre les tamariniers zomba
gardés par le devin-guérisseur et les autres tamariniers. Selon la croyance sakalava, les entités
surnaturelles préfèrent les tamariniers de grande taille ou kily « be vata ». Cette expression n’est pas
spécifique, mais elle est aussi utilisée dans le langage quotidien pour désigner tout ce qui est de
grande taille.
Le devin-guérisseur qualifie le zomba tamarinier de kily fotorambe, littéralement « tamarinier aux
grosses racines ». La grandeur de ces arbres traduit leurs anciennetés et révèle leurs résistances au
temps.
A partir de ces deux exemples, nous pouvons dire que le zomba peut être caractéristique par leurs
tailles ainsi que par son emplacement.
Les usages d’un arbre ou des matériaux végétaux dépendent aussi des critères et/ou préférences telles
que la texture, la couleur de la matière, … Ainsi, à chaque critère correspond des usages. C’est aussi
le cas pour les arbres sacrés. Les caractéristiques de ces derniers leurs sont spécifiques.
Lévi-Strauss dans la pensée sauvage (1962) souligne que la classification des autochtones est une
science du concret. Il explique que d’un côté, l'homme s'emploie à déchiffrer l'Univers non pas avec
des données abstraites, mais avec l'enseignement de l'expérience sensible : odeurs, textures, couleurs.
Cette science du concret prend en compte les images accumulées par l'observation du monde naturel :
animaux, plantes avec leurs habitats, leurs caractères distinctifs, leurs emplois dans une culture
déterminée. Elle combine ces éléments pour construire un sens. Cette classification unit donc le
symbole et le concret.
Si d’après la tendance générale les arbres sacrés sont des arbres « insolites » ou « bizarres », il nous
semble que la catégorisation des arbres sacrés et des arbres non-sacrés traduit une classification
complexe et spécifique. Ce qui nous rappelle, Lévi-Strauss (1962) qui notait que les autochtones
classe selon leur besoin.
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35
En conclusion à cette première partie, nous pouvons retenir trois points essentiels:
D’abord, concernant la définition de la forêt : elle est constituée d’arbre de différent variétés, et ayant
de grande taille. Ce point de vue rejoint celui de la FAO qui parle de cette couverture arborée.
Dans la conception sakalava, la forêt est d’origine divine et abrite des entités surnaturelles. Cette
conception distingue alors les différentes formations végétales anciennes et récentes, constituées avec
ou sans intervention humaine.
Ensuite, la forêt constitue une source de subsistance pour l’homme. L’arbre qui constitue l’élément
essentiel de la forêt fournit les matériaux indispensables aux besoins de l’homme dans la vie
quotidienne. Chaque arbre a un usage spécifique selon ses caractéristiques et ses particularités,
notamment dans la vie quotidienne, dans la pharmacopée locale et dans la vie rituelle
Enfin, une catégorisation des arbres concerne les arbres sacrés. La première différenciation
fondamentale entre les arbres sacrés est de définir s’il s’agit d’arbre appartenant à une espèce
particulière. Ce qui implique que les autres individus de la même espèce sont sacrés. De ce fait, ils
font l’objet rarement d’abattage. C’est le cas du tamarinier qui constitue une espèce sacrée pour les
Sakalava. Il y a aussi des individus d’arbre spécifiquement considérés comme sacrés. C’est le cas du
baobab. Nous en verrons davantage dans la partie suivante.
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PARTIE II :
CLASSIFICATION SAKALAVA DU BAOBAB
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PARTIE II : CLASSIFICATION SAKALAVA DU BAOBAB
D’après la taxinomie39 le baobab fait partie de la famille des Bombacaceae qui comprend environ
250 espèces réparties en 30 genres parmi les quels le genre Adansonia et dans lequel appartient le
baobab. Dans cette classification40 en science de la nature, le baobab est classé parmi les arbres et
parmi les espèces à très longue durée de vie41.
Cependant, comme nous l’avons évoqué dans la partie précédente, le baobab n’est jamais cité parmi
les arbres utilisé dans la vie quotidienne des Sakalava. C’est ce constat qui nous a principalement
amené à reconsidérer la classification sakalava du baobab.
Dans cette partie, et comme le titre l’indique, nous allons nous focaliser sur les connaissances
Sakalava sur les baobabs, notamment sur les représentations et sur les perceptions Sakalava de cette
espèce.
39 Le terme taxinomie, du grec taxis, « ordre » et nomos, « loi », est un terme générique désignant un groupe d’espèces
appartenant à un niveau hiérarchique quelconque de la classification (espèce, genre ou encore embranchement…). Il a
débuté au XVIIIe siècle avec la classification dite classique établie par Carl von Linné (classification du vivant et basée
sur la comparaison des caractéristiques morphologiques). Depuis la seconde moitié du XXe siècle cette classification se
voit remplacée par la classification phylogénétique qui est uniquement basée sur le modèle évolutif et la notion
d'ascendance commune (ou phylogénie). Elle permet de mieux visualiser les embranchements du vivant constitués par
différenciations successives au cours du temps.
40 La classification des espèces est un système de classement international établi de façon concertée dans le monde
entier et appliqué aux organismes vivants, auxquels on attribue un nom spécifique en latin. Bien que toutes les branches
de la biologie contribuent à cette étude, les disciplines le plus directement spécialisées dans les problèmes de
classification sont la taxinomie et la systématique : la taxinomie s’occupe plus spécialement de l’attribution des noms (la
nomenclature) et de la construction de systèmes hiérarchiques, tandis que la systématique s’intéresse aux relations
évolutives entre les espèces.
41 Parmi les espèces à très longue durée de vie, il y a les séquoias d’Amérique du Nord et les eucalyptus d’Australie qui
peuvent dépasser 110 m, avec des troncs dont la circonférence atteint 26 m. En Europe, les plus grands arbres sont les
épicéas, culminant à 60 m.
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CHAPITRE III : CONCEPTION SAKALAVA DU BAOBAB
1- Les différences entre le baobab et l’arbre
1.1- Les caractéristiques du baobab
- L’apparence
Pour les Sakalava, le baobab est l’espèce considérée comme la plus remarquable qui s’impose dans le
milieu où il se trouve.
D’abord, en tenant compte de sa taille et de son hauteur, le baobab est qualifié de « sady be no abo »,
littéralement : « à la fois grand et haut ». Il possède un corps massif et s’élève très haut. Il est alors
être considéré par les Sakalava comme « le plus parfait des arbres ».
Ensuite, pour les sakalava, c’est le baobab qui possède la forme la plus parfaite d’un arbre grâce à ses
caractéristiques physiques : sa grande taille, le fait qu’il s’élève très haut, ainsi que sa morphologie
qui met en valeur les trois parties constitutives d’un arbre, c'est-à-dire racine-tronc-branche.
En apparence donc, le baobab est classé comme un arbre. Cependant, comme nous l’avons signalé, il
n’est jamais cité parmi les autres arbres. Ce qui nous ramène à nous demander pourquoi il n’est pas
cité parmi les arbres. Autrement dit, qu’est ce qui le différencie des autres arbres ? Cette dernière
question implique que certains critères Sakalava ne permettent pas de classer le baobab comme étant
un arbre. Ce point nous renvoie aux distinctions entre le baobab et les arbres, et plus précisément en
ce qui concerne sa texture.
- La texture spécifique du baobab
Bien que le baobab possède l’apparence la plus parfaite d’un arbre, pour les Sakalava, il n’est pas
constitué de bois42 dur. Selon les connaissances sakalava, il a une texture spécifique.
En effet, les sakalava distinguent la texture du baobab des autres arbres. Ils la qualifient de
« borabora », ou « momoka ». Dans le langage courant, le premier terme signifie gros et flasque. Il
signifie aussi mal lié. Le second terme désigne ce qui est mou, pourri à l’intérieur. Du fait de sa
texture, le baobab n’est pas considéré par les Sakalava comme un arbre bien qu’en apparence il est
considéré comme tel.
42 Dans la classification biologiste l’arbre est défini comme un végétal qui contient du bois. Le bois peut être spécifique
pour chaque espèce. Il peut être « dur » ou « tendre », lourd ou léger. C’est ce bois qui rend un arbre solide et durable.
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Néanmoins, la classification sakalava fait le rapprochement entre le baobab et certains arbres,
notamment le farafatsy43 (Givota madagascariensis), maroserana, boy44, mais ne l’identifie pas
pour autant comme appartenant à la même catégorie. Ces derniers sont considérés comme des arbres
qui ont une texture qualifiée de « nofitry malemy », littéralement « chaire tendre ». Contrairement au
baobab, ils ne contiennent pas autant d’eau.
Grâce à sa texture spécifique, le baobab a un usage spécifique.
1.2- Usage spécifique du baobab
Le dernier point de différenciation que les Sakalava établissent entre le baobab et les arbres concerne
son usage. D’abord, tous les arbres peuvent servir de bois de chauffe. Les Sakalava nous disent
souvent qu’à leur mort, tous les arbres servent de bois de chauffe. En effet, à l’exception du nato
(Capurodendron pemeri) qui sert pour les cercueils, tous les arbres peuvent servir de bois de chauffe.
En revanche, le baobab ne peut servir en aucun cas de bois de chauffe puisqu’il se consume trop
rapidement.
En raison de sa texture, l’usage du baobab est aussi limité. Il sert plus dans le cordage pour assembler
le toit des cases ou pour coudre les paniers. Parmi les trois espèces, l’Adansonia Grandidieri est
considéré comme meilleur en raison de sa « fibre résistante », selon les Sakalava. Mais dans le
cordage en général, il existe d’autre matière considérée comme meilleur. C’est le cas du talafoty
(Euphorbiacées), sarongaza (Colvillea racemosa). Le baobab sert aussi de toiture. Cependant, les
toits en fibre de baobab ne durent qu’un ou deux ans maximum. Il constitue alors un matériau de
remplacement quand les autres matériels plus adéquats sont difficiles à obtenir.
En ce qui concerne l’usage du baobab dans la médecine traditionnelle, son écorce est utilisée
spécifiquement en tisane contre la fatigue et, dit-on, pour le calcium dont il contient.
Voici un tableau récapitulatif en ce qui concerne les différences entre un arbre et un baobab.
43 Farafatsy (Givota madagascariensis), nom qui est la déformation de fakafaka
44 Utilisé pour les clôtures.
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Tableau n°2 : Différence entre le baobab et les arbres
Baobab Arbres
Contient et conserve de l’eau.
(Le baobab est considéré comme un château
d’eau.)
Ne contiennent pas forcement de l’eau.
Une fois mort, le baobab se décompose
comme l’être humain et dégage une très
mauvaise odeur.
Une fois mort, les arbres ne se décomposent pas
forcement. Ils sèchent et peuvent se conserver
pendant des années.
Ne peut être planté par l’homme Peuvent être planté par l’homme.
Le baobab ne peut être utilisé comme bois de
chauffe.
Tous les arbres, peuvent servir de bois de chauffe.
« akata avao iafara ty hazo» :« à leur mort, les arbres
servent de bois de chauffe »
Une fois coupé, il n’a pas de rejeton Peuvent se régénérer une fois abattus.
A partir de ce tableau, nous pouvons retrouver la différenciation que les Sakalava font entre le
baobab et les arbres. Cette distinction concerne la nature même du baobab qui contient de l’eau, la
différence d’usage entre le baobab et les arbres, ainsi que certains points de similitude entre l’homme
et cette espèce.
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2- Les représentations liées au baobab
2.1- Le baobab : mère de la forêt
Dans la région de Morondava, le baobab de son nom vernaculaire Reniala ou Renala est considéré
comme la mère de la forêt. En effet, ce nom vernaculaire est composé de deux termes « reny » et
« ala » qui signifient respectivement « mère » et « forêt ».
Cette représentation recouvre les idées suivantes : D’abord, elle nous renvoie a priori à une
conception dans la représentation de la nature, c'est-à-dire une hiérarchisation des éléments
constitutifs de la nature. Pour les Sakalava, le baobab est considéré comme le plus vieux des plantes
qui existent. La taille est le trait distinctif qui traduit cette longévité et qui renvoie le baobab à
appartenir à une époque lointaine qui ne peut être déterminée. Aussi, personne n’a vu un baobab
grandir jusqu’à ce qu’il atteigne une importante taille.
Ensuite, relative à cette résistance au temps, l’idée de l’ancienneté dans la conception du baobab se
retrouve aussi dans la conception de la forêt que nous avons explicitée auparavant. Tout comme la
forêt, le baobab apparait comme à la fois inaccessible et défendu à l’homme. La forêt est conçue
comme d’origine exclusivement divine, conçue par Zanahary. Cette origine divine se retrouve aussi
dans la conception du baobab qui est considéré comme ne pouvant être planté par l’homme. Le
baobab est la seule espèce considérée comme ayant cette très longue durée de vie. Ce qui implique
aussi qu’il remonte au temps immémoriaux, originel.
Enfin, le baobab est considéré comme un milieu de vie. C’est dans ce sens que nous retrouvons
certaines pratiques symboliques relatives à cette représentation de « mère de la forêt ».
2.2- Baobab : arbre béni ou tahian-janahary
Le baobab est conçu par les Sakalava comme un végétal spécialement protégé par Zanahary. Cette
conception est explicite dans plusieurs expressions : « tahian-janahary » littéralement « béni par le
Zanahary. Le baobab est considéré comme résistance au temps « arovan-janahary matoa enaniky zao
mijoro », c’est-à-dire qu’il est protégé par Zanahary, c’est pour cela qu’il est encore debout. Sa
différence en taille par rapport aux autres éléments de la nature fait aussi qu’il soit considéré comme
un arbre protégé. « Matoa matevy, misy raha miaro azy », c’est-à-dire que le baobab est protégé par
les entités surnaturelles et c’est pour cela qu’il est gros. Dans la conception sakalava, c’est cette
protection divine qui assure au baobab une longue vie et qui le permet d’atteindre de grande taille. Il
incite ainsi, chez les Sakalava, un regard particulier et leurs aspire certaine crainte.
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Le baobab est considéré comme une espèce qui se rattache à Zanahary. Deux points expliquent cela.
D’abord, le baobab ne peut être planté par l’homme. Ensuite, le baobab ne possède pas la capacité de
se régénérer. C’est un arbre « tsy hay volena fa an-janahary », c'est-à-dire que l’on ne sait pas le
planter parce qu’il appartient à Zanahary. Cette conception sakalava renvoie le baobab à une origine
divine.
Cependant, actuellement, les baobabs ont acquis une certaine valeur écologique. Nous avons constaté
qu’en premier lieu, certaines personnes commencent à en planter, notamment à Bekonazy. Des
jeunes plants sont vendus aux touristes, précisément au site Allée des baobabs. Ces personnes nous
ont expliqué que la vente des jeunes pousses de baobab leur constitue une ressource financière.
Nous avons aussi remarqué qu’il y a l'idée selon laquelle certains baobabs sont des propriétés
individuelles ou privés. Cette idée se manifeste surtout dans la protection de certaines parcelles de
terre où se trouvent les baobabs, ainsi que dans la volonté d’en planter. Cette conception diffère de la
conception selon laquelle la forêt constitue un héritage « collectif ».
Pourrons-nous donc dire que ces faits concourent à une nouvelle conception du baobab ?
Actuellement, nous ne pouvons ne pas signaler l’impact de l’enjeu touristique dans cette zone. Pour
les Sakalava, le baobab est le symbole de la région du Menabe. Il baobab constitue une ressource
d’argent pour les uns, une source de prestige et de fierté pour les autres.
En définitive, nous devons signaler un décalage entre l’ancienne conception du baobab et les
quelques réalités que nous avons perçu.
2.3- Similitude entre le baobab et l’homme.
Les Sakalava identifient des ressemblances entre le baobab, quand il meurt, et le cadavre des êtres
humains. Tout comme les êtres humains, le baobab se décompose, notamment du fait de l’eau dont il
contient. C’est en ce point que le baobab se diffère alors de tous les autres arbres qui existent. Quand
ces derniers tombent ou quand ils sont abattus, ils ne se décomposent pas forcément, ils se
dessèchent.
La décomposition du baobab se passe assez vite et laisse dégager de très forte mauvaise odeur qui
rappelle celle des dépouilles d’être vivant, et plus particulièrement de « l’être humain » (olombelo).
De ce fait, pour les Sakalava, baobab meurt également à la manière des hommes et non comme les
autres végétaux.
En outre comme nous l’avons expliqué auparavant, le baobab ne se reproduit pas. Pour les Sakalava,
il ne laisse ni de pousse ni de rejet quand il tombe ou quand il est abattu. Le rejet est assimilé à la
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43
descendance. Dans le dialecte local, « zanany » ou « tiriny » sont les termes utilisés pour désigner les
jeunes pousses d’un arbre. Ces deux termes signifient respectivement « enfant » et « pousse ». Les
deux termes sont autant utilisés l’un que l’autre. Dans la conception sakalava, seul Zanahary décide
de laisser vivre les futures générations de baobab.
Ce deuxième point soulève une réflexion par rapport à la représentation selon laquelle le baobab est
la « mère de la forêt ». Le statut de « mère », d’où le baobab tient-il vraiment ? Autrement dit : si le
baobab est considéré comme la « mère » de la forêt, qui représente ses descendants (rejetons)? Que
rend compte l’attribution du statu de « mère » à cette espèce ? Ces questions nous renvoient à
l’ensemble de notre investigation auquel nous essaierons d’apporter des réponses tout le long de ce
travail.
2.4- Safosafon-draha
Le baobab est considéré par la population locale comme « safosafon-draha » : safosafon-draha vient
de raha qui signifie « chose45 ». C’est un terme qui renvoie au domaine du surnaturel. Il désigne des
entités surnaturelles indéfinissables qui habitent ou qui errent dans la forêt. Plus généralement, il
s’agit des esprits ou des génies qui peuvent être évoqués lors des rituels. Ces entités surnaturelles sont
redoutées pour leur puissance maléfique mais elles peuvent être aussi bienfaisantes. Le mot
« safosafon-draha » est utilisé par le devin guérisseur pour désigner également les ancêtres ou tout
simplement l’entité surnaturelle avec lequel il entretient une relation directe par l’intermédiaire du
rêve.
2.5- Le baobab : château d’eau ou siniben-drano
D’après les connaissances des Sakalava, le baobab se développe au soleil et se nourrit de l’eau qu’il
puise dans le sol. Il regorge d’eau et est considéré comme un « siniben-drano », littéralement château
d’eau. Les A. grandidierie de Bekonazy sont considérés comme les plus « beaux » (soa ) des baobabs
de cette région par leurs écorces lisses. Ils sont assimilés à des « tsikafokafon-drano be vata » ou
jacinthes d’eaux géantes. Et, dit-on, plus le baobab renferme de l’eau plus son écorce est lisse.
45 Selon V Rajaonah dans Le courrier de l’UNESCO, 1990, dans le Sud, le baobab et le tamarinier ont la réputation de
garder en leur sein des « choses ». Nous allons voir plus loin que le baobab et le tamarinier tiennent une place importante
dans les croyances locales.
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D’après les connaissances en biologie, le baobab est constitué à environ 85% d’eau. C’est cette forte
contenance en eau qui fait toute sa force. Selon le biologiste Chapotin (2005, 2006, 2006) « le bois du
baobab est de très faible densité (0,09 à 0,17 g.cm3), et très riche en eau. Il apparaît que les réserves
en eau du tronc ont un rôle tampon sur le long terme plutôt qu’une fonction de compensation des
déficits hydriques journaliers. Cette réserve semble aussi être mobilisée par les arbres afin de
favoriser la feuillaison en fin de saison sèche. Pour ces caractéristiques physiologiques ainsi que pour
l’importance de la couche de chloroplastes présente toute l’année sur l’écorce du tronc, des
différences importantes sont mises en évidence entre les espèces. Ces différences paraissent être
corrélées avec les conditions environnementales, en particulier avec la longueur de la période sèche
qui varie avec la latitude ».
Pour les Sakalava, les baobabs qui se trouvent dans les lieux arides renferment moins d’eau. Ils
accumulent de l’eau uniquement pendant les saisons de pluie. C’est pour cette raison que leur formes
sont perçues quelquefois comme tordues et leurs écorces sont ridées ou « mibokoboko » et pas lisses.
En conclusion, la conception et les représentations sakalava liées au baobab nous révèlent les
connaissances locales sur cette espèce. D’abord, nous pouvons remarquer que certaines
caractéristiques du baobab qui sont décrites par les Sakalava concordent avec certaines connaissances
biologistes, notamment le fait que le baobab contient beaucoup d’eau. Mais ensuite, nous retrouvons
toujours l’idée que, finalement, les Sakalava définie la nature par le surnature.
Enfin, concernant les connaissances relatives aux trois espèces, les Sakalava ont leur manière
d’identifier les trois espèces présentes dans la zone.
3- Les différenciations entre les trois espèces de baobab
3.1- De différents karaza
« Karaza » est le terme utilisé pour désigner les espèces. Il est utilisé comme traduction littérale du
mot lignage. Dans le langage courant, ce terme signifie aussi type ou origine. Les différences entre
les trois espèces de baobab (Adansonia grandidieri, Adansonia rubrostipa, Adansonia za) sont
perçues par les Sakalava comme semblables aux différentes subdivisions des êtres humains selon
qu’ils appartiennent à des groupes de parenté différents. Chaque espèce est considérée comme ayant
ses propres ancêtres et donc issus de lignées différentes les unes des autres. Cette perception selon
laquelle l’espèce est conçue comme une origine est valable pour toutes les espèces végétales en
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générales. En effet, nous pouvons retrouver, par exemple, deux variantes de tamariniers qui sont : le
kily ou tamarinier (Tamarindus indica) et le kilim-bazaha46 ou tamarinier des étrangers. Il concerne
deux variétés différentes de tamariniers.
Le terme Reniala est utilisé comme appellation générique des baobabs. C’est surtout l’A grandidieri
qui est considéré comme la « véritable » mère de la forêt. Cette espèce est ainsi appelée « Reniala
tenany », littéralement « corps de la mère de la forêt » et signifie « véritable mère de la forêt ».
Le terme reniala est donc souvent utilisé indifféremment, bien que les deux autres espèces (A.
rubrostipa et A. za) ne soient pas considérées comme les vraies mères de la forêt. L’A. rubrostipa est
désigné par Reniala za et l’A. za par Reniala fony.
Notons que pour les gens de Bekonazy et d’Andranomena, les noms des deux espèces sont inversés.
C'est-à-dire que l’A.za est appelé Reniala fony à Andranomena et Reniala za à Bekonazy. L’A
rubrostipa est appelé Reniala za à Andranomena, et Reniala fony à Bekonazy.
3.2- Les localisations
Un des premiers éléments de différenciation entre les espèces de baobab est d’ordre géographique.
Les Sakalava vivent de l’agriculture. Leur connaissance du sol, de la manière et de l’endroit où tel ou
tel plante peut être planté sont importantes dans leurs activités et leur sert de repère dans la
différenciation des espèces, de remarquer les différences entre certains individus de la même espèce.
Les sakalava distinguent l’espèce selon le lieu où elle se trouve.
En prenant en compte les connaissances de la qualité de la terre et le climat de la région, certaines
personnes identifient et différencient de manière fine les espèces de baobabs. Elles affirment que les
trois espèces ne peuvent cohabiter ensemble parce que chacune demande une qualité de terre
spécifique. Dans cette ligne d’idée, F. Brunois signale dans son article « Etre arbre : la condition
humaine Kasua » (2003) : « les arbres ne croissent pas n’importe où. Aussi le lieu où ils surgissent de
la terre pour s’élancer dans les airs précise leur identité individuelle».
Pour les Sakalava, l’A grandidieri est considéré comme une espèce qui n’aime pas les terres salées.
C’est pour cette raison qu’il n’y a pas d’A grandidieri dans les régions à proximité de la mer. Ce qui
n’est pas le cas de l’A rubrostipa qui peuvent, selon les Sakalava, vivre dans les terres salées.
46 Il s’agit d’une autre variété de tamarinier
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Cependant, les A rubrostipa qui vivent dans les terres salées ne sont pas comme ceux qui vivent dans
des terres non salées. Nous pouvons citer l’exemple des A. rubrostipa de Mangily. Leurs écorces
présentent des inscriptions assez particulières qui ne se retrouvent pas chez d’autres individus de la
même espèce dans les régions voisines. Les Sakalava parlent alors d’individus A. rubrostipa distincts
(hafa) qui ne se trouvent qu’en terre salée.
L’ A. grandidierie s’épanouit pleinement dans les zones où l’eau est présente. Dit-on : c’est une
espèce qui vie de l’eau. Bekonazy est le plus souvent indiqué comme disposant les plus beaux
A.grandidierie de la région. Les traits distinctif de ces « beaux » A. grandidierie concernent leurs
écorces lisses et leur grande taille. Pour les Sakalava, les A. grandidierie ont des écorces lisses du fait
de l’eau dont ils contiennent. Les rizières et les zones où il y a de l’eau constituent des milieux
privilégié pour l’A. grandidierie
A part le critère géographique, les Sakalava distinguent les différentes espèces à partir de la
perception de la forme, et d’autres caractéristiques physiques.
3.3- Les caractéristiques de chaque espèce
- La taille et la fibre
Parmi les trois espèces, l’A.grandidierie semble être le plus facile à distinguer pour les Sakalava.
Seule cette espèce peut atteindre la plus grande taille. L’A. za et l’A rubrostipa peuvent avoir à peu
près la même taille, et sont généralement plus fins que l’A.grandidierie. Par ailleurs, ce dernier
rassemble certaines qualités que les deux autres espèces n’ont pas. Par exemple sa fibre est
considérée comme plus résistante et plus claire en couleur.
- La maturation des fruits
Les fruits du baobab sont distingués par les Sakalava en fonction de leur maturité : mûr ou « matoy »
est le terme qu’ils utilisent pour désigner un fruit mature.
Le fruit de l’A. grandidierie est mature vers le mois de Novembre. Cette espèce est appréciée pour
ses fruits dont la pulpe est de meilleur goût. C’est sa maturation qui lui donne ce meilleur goût. Par
ailleurs, ses graines sont grasses comme celles de l’arachide. C’est d’ailleurs, dit-on, à partir de ces
graines d’A. grandidierie qu’auparavant ont été obtenues les meilleures huiles de baobab.
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En revanche, les fruits de l’A. rubrostipa et de l’A.za sont considérés comme ne pouvant pas mûrir.
En effet, par rapport au fruit de l’A. grandidierie, celui de l’A. rubrostipa et de l’A.za sont considérés
comme des fruits qui ne peuvent arriver à terme, ou immature. C’est pour cela qu’ils sont petits et/ou
qu’ils n’ont pas bon goût. Pour l’A.za, c’est cette immaturité du fruit, dit-on, qui le rend impropre à la
consommation.
La conception de la maturité du fruit de l’A. grandidierie, et non des fruits des deux autres espèces a
un lien avec la conception selon laquelle cette espèce (l’A. grandidierie) est considérée comme la
vraie mère de la forêt. Si nous retenons le terme « matoa », ce terme, au sens figuré, renvoie à ce qui
est ancien.
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Tableau n°3 : Les différenciations sakalava des trois espèces de baobab
A.Grandidierie ou
« renala »
A.za ou « fony » A.Rubrostipa ou « za »
Taille Plus grande
Grandit plus vite
« malaky mitombo »
Toujours plus petite que l’A.Grandidierie « tsy mihoatra
reniala tenany »
Tronc Tronc très droit et gros.
« Bevata, mahitsy be »
Tronc droit mais fin
“Mahitsy, tsy be vata sahala
reniala tenany”
La partie inférieure du tronc
est un peu plus grosse
Tronc gonflé et étranglée en
hauteur « metevy ambany,
misy kenda ambony »
Branche Les branches s’étalent
horizontalement et sont
aplaties « rantsany anabo
eny sady mivelatra »
Les branches s’élèvent en hauteur verticalement
« rantsany miakatra, abo »
Les branches se situent
en hauteur
« rantsany anabo »
Les branches se situent en
hauteur « rantsany anabo »
Possède beaucoup de
branches « maro
tanantanany »
Peu de branches
« Tsy maro rantsana »
Fruit
Gros et rond, mûr
« boribory, maventy,
matoe »
Allongé, ne peut devenir
mature
« lavalava, tsy matoe »
Petit, rond, ne peut devenir
mature
« madinika, boribory, tsy
matoe»
Sucré, de bon goût
« Mamy sady soa »
Non consommable
« Tsy hany »
Acidulé et provoque la
diarrhée « makirana,
mampivalandrano »
Qualité de
la fibre
Fibre résistante
Hafotra fatratra
Fibre moins résistante que celle de l’A.Grandidierie
Hafotra tsy mateza
A partir de ce tableau, les Sakalava attribuent cinq critères de différenciations entre les trois espèces
de baobabs : la taille, la grandeur, la forme du tronc, la disposition des branches, les fruits, ainsi que
la qualité de la fibre. Ce sont des critères physiques sauf en ce qui concerne la qualité des fibres et le
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goût des fruits. Dans la distinction scientifique, nous pouvons retrouver les quelques mêmes critères
de différenciation mais elle apporte plus de précision telle que la dimension de la taille de chaque
espèce, la dimension des fruits.
Par ailleurs, les Sakalava différencient aussi certains individus de la même espèce d’après leur
localisation. Ainsi, les baobabs servent de repère pour indiquer les lieux. Enfin, le feuillage ne
constitue pas un critère de distinction du baobab pour les Sakalava.
En conclusion, si d’après la taxinomie en science, le baobab est considéré parmi les arbres, nous
pouvons remarquer que la classification des Sakalava du baobab nous révèle une complexité.
En apparence (taille hauteur, morphologie), le baobab est sans conteste un arbre. Cependant, les
Sakalava le différencient des autres arbres. Sa texture est qualifiée de flasque, bien qu’il se tienne
debout et qu’il soit très solide. Contrairement aux autres arbres, le baobab est constitué de beaucoup
d’eau. Pour les Sakalava, il s’agit de végétal classé à part.
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CHAPITRE IV: CATEGORISATION DES BAOBABS SACRES
Bien que le baobab ne soit jamais cité parmi les autres arbres ou hazo, il est souvent cité quand il
s’agit d’arbre sacré ou « hazo tompoina ». Après l’espèce tamarinier, le baobab constitue l’« arbre
sacré » le plus souvent cité par les Sakalava. Ce qui nous ramène à une question principale : les
baobabs sacrés sont donc des arbres mais les baobabs non sacrés ne le sont pas ? La réponse à cette
question est complexe et ne saurait être explicitée dans cette partie. En effet, cette question nous
amène à dégager les caractéristiques du baobab sacré et les caractéristiques des baobab non sacré.
Mais nous allons essayer d’y répondre.
1- Type de baobab sacré
Comme nous l’avons signalé, le baobab ne constitue pas une espèce sacrée. Seul quelques individus
sont sacrés et ils sont généralement désignés par zomba Reniala. Les sakalava distinguent deux types
de baobab sacré : « reniala tompoin’ny tantara », littéralement : un baobab qui est vénéré par
l’histoire, et le « reniala misy olo manompo », littéralement : un baobab vénéré par une personne.
1.1- Reniala tompoin’ny tantara
Il s’agit de baobab sacré qui n’est pas gardé par quelqu’un de spécifique. Il est autant respecté par
ceux qui effectuent les rituels et ceux qui n’en effectuent pas. A Marofototsy, nous a-t-on indiqué
(nous n’avons pas visité ce site), il y a un de ces reniala tompoin’ny tantara. D’après les Sakalava,
ce baobab constitue depuis toujours un lieu de culte, et tout le monde peut faire, à sa guise, un rituel
au pied de cet arbre sans l’intermédiaire d’officiant ou de personnage particulier,
1.2- Reniala misy olo manompo
Il s’agit de baobab sacré gardé par une personne spécifique qui est le devin-guérisseur ou ombiasy.
Ce dernier est considéré comme le maître du lieu et c’est lui qui y contrôle l’accès.
En général, tous les baobabs sacrés se trouvent dans la forêt. Ils sont faciles à identifier. D’abord
puisqu’ils ne sont pas nombreux et presque tous les habitants savent que tel ou tel pied de baobab est
sacré. Ensuite, l’enceinte est délimitée par une palissade en vontaky ou en boy et l’entrée se trouve
au Sud, ou au Sud- Ouest. Entre autre, il y a également les restes d’offrandes ou la présence de petit
autel au pied de l’arbre. Nous avons aussi remarqué qu’il y a des baobabs sacrés entourés de
lambahoany ou étoffes. C’est le cas de celui d’Andranomena.
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Tout près du baobab, il y a des tatalam-bilo. Il s’agit de petits bancs sur lesquels les malades
s’assoient. Remarquons que pour le tamarinier, il n’y a pas de tatalam-bilo. Enfin, il n’y a pas
d’autres végétaux dans l’enceinte.
Ce deuxième type de baobab sacré est un individu spécifiquement choisi selon des caractéristiques
particulières.
2- Les caractéristiques des baobabs sacrés
Beaucoup d’auteurs ont déjà approfondi les caractéristiques du sacré. En travaillant sur les
manifestations du sacré, Mircéa Eliade (1969) remarquait « qu’une pierre sera sacrée du fait que sa
forme accuse une participation à un symbole déterminé, ou encore parce qu’elle constitue une
hiérophanie, possède du mana, commémore un acte mythique, … L’objet apparaît comme un
réceptacle d’une force étrangère qui le différencie de son milieu et lui confère sens et valeur. Cette
force peut résider dans sa substance ou sa forme ; elle est transmissible par voie de hiérophanie ou de
rituel ». Il rajoute qu’un objet sacré résiste au temps, sa réalité se double de pérennité. En tout, un
objet sacré « sera imprégnée d’une force magique ou religieuse en vertu de sa seule forme
symbolique ou de son origine ».
La tendance générale décrit souvent un arbre sacré comme étrange, insolite, bizarre. Certains
considèrent que différentes thématiques et abstraction s’expriment à travers les formes et selon la
variabilité des caractéristiques des arbres sacrés.
Les maîtres de ces lieux sacrés, notamment les devins guérisseurs, ont leurs perceptions particulières
sur les arbres sacrés. Ils s’accordent sur l’idée selon laquelle le monde naturel, c'est-à-dire
l’environnement, est peuplé d’être surnaturelle. Les arbres sacrés en sont leurs demeures. Ces
dernières sont choisies spécifiquement.
2.1- Désignation du baobab sacré par l’ombiasy
En général, les devins guérisseurs disent que ce sont les entités surnaturelles qui choisissent les
baobabs sacrés. Ces dernières viennent visiter les devins guérisseurs dans leur rêve et leur indiquent
les demeures dans laquelle elles veulent habiter, ainsi que la manière dont ils doivent faire pour
pouvoir les sacraliser. Cette visite peut se produire une ou plusieurs fois.
Mais plus précisément, le devin guérisseur distingue le baobab sacré de tout autre individu de
l’espèce. En effet, il y reconnaît des caractéristiques particulières.
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D’abord, il associe le baobab sacré à une origine divine : « hazo filin-janahary ipetrahan-draha »,
c'est-à-dire qu’il s’agit d’un « arbre que le Zanahary choisi pour être la demeure des entités
surnaturelles », ou « hazo miasa amin’ny fomba », littéralement « arbre qui est utilisé pour les
coutumes ».
Ensuite, le devin guérisseur souligne que : « misy soa soa ny fipetrany ». Le mot « fipetrany » a
plusieurs significations. D’abord, il désigne la « forme ». Le baobab sacré est donc caractéristique par
sa morphologie. Cependant, nous n’avons pu recueillir aucun qualificatif pour désigner la forme
spécifique et précise d’un baobab sacré.
La deuxième signification du mot « fipetrany » est « emplacement ». Le baobab sacré peut alors être
particulier selon son emplacement, c'est-à-dire le milieu où il se trouve. C’est le cas du baobab sacré
qui se trouve sur la route vers Mangily. Il est caractérisé par son emplacement au pied d’une mare.
Avons-nous dit, l’eau est un élément important pour les baobabs. Pour le devin guérisseur, c’est
l’ordre divin qui a déterminé l’emplacement privilégié du baobab sacré de Mangily.
Enfin, le devin guérisseur dit souvent : « samby mana soa aminazy avao anga-dolo iaby », c’est-à-
dire que « chaque entité qui habite le baobab sacré a ce qui est bon pour elle ». En fait, pour le devin
guérisseur, la différence fondamentale entre les baobabs sacrés concerne les esprits qui les habitent.
Elles varient d’un baobab sacré à un autre. De ce fait, le baobab sacré doit être unique ou « tsy
manam-paharoa », et constituer d’un « aloka tokana », littéralement « constitué d’une ombre
unique ».
Le terme « aloka » qui signifie ombre possède plusieurs significations. En premier lieu, il est utilisé
pour désigner l’ombre ou le reflet d’un corps quelconque qui est exposé à la lumière. En second lieu,
Louis Mollet, (1979, p 329) explique que ce terme est ancien et possède des homologues dans
d’autres langues malayo-polynésiennes. Par ailleurs, pour les malgaches, il fait partie des termes qui
touchent le concept d’âme, tels que « dindo, ambiroa » qui sont utilisés comme les synonymes de
« aloka » et qui désignent aussi les émanations. Enfin, ce terme « aloka » est aussi d’usage pour les
êtres humains. Louis Mollet, (1979, p 329), explique que pour l’être humain, l’ombre se meut et
paraît vivante. Elle prend une réalité spirituelle et devient un aspect de la personne. Aloka ou ombre
fait n’est pas seulement le reflet mais elle fait parti intime de la personne. C’est pour cette raison que
l’ombre est un élément pris au sérieux dans la sorcellerie.
L’expression « aloka tokana » qualifie le baobab sacré. Elle peut renvoyer à la fois à l’entité
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surnaturelle qui l’habite ou bien renvoyer à l’ombre du baobab lui-même. Le baobab sacré est
différent et n’a pas de semblable. Cette spécificité est considérée comme d’origine exclusivement
divine. Ainsi donc, nous pouvons dire que les baobabs sacrés sont spécifiques et uniques, car ils sont
propres aux entités surnaturelles qui y demeurent. Cette singularité se révèle notamment dans leurs
caractéristiques physiques et/ou dans leur emplacement.
2.2- Les caractéristiques physiques
Considérés en eux-mêmes, les baobabs sacrés sont des baobabs parmi les autres. Cependant, des
différenciations sont faites entre les individus sacrés et les autres individus qui ne le sont pas. Ces
différenciations se situent, en premier lieu, au niveau de leurs particularités physique : la taille, ou
encore la morphologie.
- La taille : be vata
La taille fait partie des critères de distinction d’un baobab sacré. C’est le cas d’un A. Grandidiérie
sacré que nous avons identifié dans la forêt à proximité de Kirindy (environ 5mn du village).
Dans cette zone, il y a beaucoup d’A. grandidiéri. Par rapport aux autres individus qui se trouvent
dans les villages et aux alentours l’A. grandidiérie sacré de Kirindy est le plus grand « de tous les
individus circonscrit aux environ » dit-on. Sa taille dépasse tous les autres individus. Grâce à sa taille,
cet individu s’impose et se différencie de tous les autres individus à proximité. Il ne porte aucune
inscription et il est entouré de palissade en bohy.
A partir de cette première caractéristique, nous pouvons faire une remarque : Otto (1959) fait parti
des auteurs qui ont approfondi la notion de sacré. En essayant d’identifier les caractéristiques du
sacré, cet auteur, a expliqué que l’ « énorme » fait partie des caractéristiques du numineux. Pour lui,
l’énorme suggère l’inquiétant et l’inaccessible. De ce fait, il fait partie de la manifestation du sacré.
Toutefois, nous pouvons toujours retrouver des baobabs sacrés qui sont de taille moyenne. Ainsi,
d’autres caractéristiques peuvent être prises en compte, notamment la morphologie.
- La morphologie : fipetrany
D’abord, prendre la morphologie comme particularité du baobab sacré soulève une question
essentielle : peut-on identifier une morphologie qui caractérise le sacré ?
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Nous pouvons avancer une idée : les baobabs amoureux sont caractéristiques par leurs formes. Dans
la région de Morondava dit-on, les baobabs « amoureux », sont généralement considérés comme
sacré. Le terme « baobab amoureux » a été introduit et il a été même adopté par les autochtones. Mais
pour désigner la forme du baobab amoureux, les sakalava disent « renala mifambanditra » qui
signifie littéralement « baobab entre-noué ». Le terme est utilisé dans le langage courant. Pour les
Sakalava, les baobabs qui possèdent cette morphologie sont rares, et c’est en partie pour cela qu’ils
sont tous sacrés.
Dans la forêt d’Andranomena, nous avons identifié un baobab amoureux appartenant à l’espèce A.
rubrostipa. Il se trouve 10 minutes du village. Il s’agit d’un individu qui n’est pas de très grande
taille et qui a moins de dix mètres de circonférence. Il vit avec quelques dizaines d’individus d’A.
rubrostipa dont il est le seul à avoir la morphologie en question.
Cependant, bien que tous les baobabs amoureux soient considérés comme sacrés, force est de
constater qu’un baobab sacré peut perdre sa sacralité peu importe sa morphologie. C’est le cas d’un
autre baobab sacré qui se trouve sur la route à Mangily. En effet, aucun rituel n’est désormais
pratiqué au pied de ce baobab. Il n’est plus considéré comme sacré. La raison de cette désacralisation
vient du fait que ce baobab sacré était trop exposé, notamment aux touristes (nationaux ou étrangers)
qui viennent visiter la région, qui prennent des photos ou mettent de graffitis sur le tronc du baobab
sacré. Du coup, dit-on, les esprits se sont fâchés et sont partis.
Ainsi, la valeur sacrée d’un baobab n’est pas absolue ni définitive. Un baobab sacré peut conserver sa
valeur uniquement quand il est protégé des étrangers (personnes qui n’habitent pas le village, ou
personnes qui ne pratiquent pas les rituels). Par ailleurs, cette valeur est conservée tant que les
interdits et les traditions sont respectés. Lorsque les interdits sont transgressés, le baobab n’est plus
sacré. C’est pourquoi, généralement, « il faut protéger le sacré », ce caractère peut disparaître. Un
arbre devient sacré en référence aux croyances et aux tabous.
A part ces deux caractéristiques, c'est-à-dire la taille et la morphologie, l’emplacement peut être aussi
caractéristique du baobab sacré.
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2.3- Emplacement
Le baobab sacré se trouve généralement loin des villages. Avons-nous dit, il constitue la demeure des
entités surnaturelles. Ces dernières ne viennent pas dans les villages. Elles évitent même les clairières
ou horohoro. D’un côté puisqu’elles ne cohabitent pas avec les êtres humains, et de l’autre côté, leur
domaine préféré relève de la forêt. Les baobabs sacrés se trouvent aussi loin des villages pour éviter
les chiens et d’autres animaux domestiques, ou pour éviter d’éventuelles transgressions des tabous
surtout par les enfants.
L’endroit précis d’un baobab sacré peut être significatif. C’est le cas d’un A grandidiéri que nous
avons identifié et noté auparavant. Il se trouve loin du village sur la route vers Mangily. Plus
précisément, ce baobab est sis au bord d’une mare ou ranovory. En général, les mares constituent,
des points d’eau important pour les bétails et pour la population locale.
Parmi les autres individus aux alentours, ce baobab sacré est le seul qui se trouve précisément au
bord de cet étang. Il n’est pas si distinctif en taille puisque d’autres individus ayant à peu près la
même taille se trouvent au large. A la différence des autres individus autour il possède une écorce
lisse un tronc massif et droit, ainsi que de courtes branches.
Ce baobab sacré est considéré comme exceptionnel et privilégié par son emplacement à proximité
d’une marre ou ranovory. Cependant, il nous semble important de rappeler que, d’après les sakalava,
l’espèce A grandidieri vit de l’eau. C’est grâce à l’eau que le baobab possède ou non une écorce lisse.
Une question se pose si ce baobab sacré est caractéristique par son emplacement ou bien par son
caractéristique physique. La réponse peut être complexe et nous ne pouvons y répondre. Autant de
critère définie un baobab sacré : la singularité, la variabilité des caractéristiques de l’arbre sacré.
Concernant l’emplacement, nous tenons à faire une remarque : Dans une circonstance particulière, un
baobab peut être désacralisé avant qu’un autre soit sacralisé à sa place. C’est le cas d’un baobab sacré
à Kirindy qui a été désacralisé puisqu’il se trouvait dans la zone de forêt gérée par le CFPF. Une fois
circonscrit dans cette zone, l’accès devient plus réglementaire, mais surtout, l’enceinte sacrée n’est
plus considéré comme « intime » et « protégé » des étrangers (personnes ne faisant pas parti de la
communauté autour du baobab sacré). Ainsi, un autre baobab a été sacralisé à sa place, et les
pratiques qui s’y effectuaient ont été délocalisées. Des rituels spécifiques sont effectués pour la
sacralisation du baobab.
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Enfin, remarquons qu’à la mort du devin guérisseur qui garde un baobab sacré, deux situations
peuvent se présenter: d’abord, le baobab sacré peut être délaissé, c'est-à-dire que plus jamais aucun
rituel ne s’y passe. Dans ce cas, l’arbre n’est plus vraiment considéré comme sacré. En effet, il est
désigné par « zomba taloha » littéralement « anciens zomba » (ancien arbre sacré). Cela implique
d’une certaine manière qu’il ne constitue plus un arbre sacré. Cependant c’est un lieu qui est encore
très respecté puisqu’il est craint et ne peut être fréquenté sans motif.
Dans le deuxième cas, le devin guérisseur a un successeur. Un de ses descendants ou le dabara, c'est-
à-dire son interprète peut reprendre son rôle.
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En conclusion, si nous reprenons la classification des botanistes, le baobab est classé parmi les
arbres. Pour les Sakalava la classification du baobab dépend du contexte. Il n’existe par de catégorie
précise à laquelle le baobab appartient. A défaut de cette catégorie, l’avis des Sakalava divergent.
D’après son apparence il correspond à un arbre mais compte tenu de sa texture, il ne l’est pas. C’est
pour cette raison qu’il est rarement cité parmi les arbres connu et important dans la vie quotidienne.
Plusieurs représentations sont liées au baobab. Relatif à son nom, le baobab est considéré comme la
mère de la forêt et le plus vieux des végétaux. Cependant, par rapport à cette représentation, nous
avons remarqué quelques contradictions notamment l’attribution du statu de « mère » au baobab et le
fait qu’il ne donne pas de rejetons. Nous allons expliciter cette ambigüité dans la troisième partie.
En outre, des représentations liées au baobab renvoient au domaine du surnaturel. Si dans la première
partie nous avons vu une classification selon le groupe (classification des Sakalava et classification
des Vezo), nous pouvons aussi remarquer que la classification sakalava est relative à l’usage du
baobab. Roy Ellen, (1999), souligne que dans la classification autochtone, un même sujet peut glisser
d’un niveau taxinomique à un autre selon le contexte, ou se placer à l’insertion de plusieurs
catégories. Il explique que les palmiers peuvent être ainsi tour à tour être exclus de la catégorie
« arbre » ou « au contraire faire figure d’arbres exemplaires (dans les rituels notamment), déjouant de
la sorte les reconstitutions univoques de beaucoup d’ethnologues ». C’est le même cas en ce qui
concerne le baobab. Il est considéré comme un « arbre » dans la vie rituelle.
Concernant le baobab sacré et le baobab non sacré, s’agit-il d’une classification basée sur le principe
de distinction qui permet de regrouper des individus différents ou «isolés » ?
Lévi-Strauss (1962, p.25), a suggéré que la catégorisation des arbres sacrés constitue des « modes
d'observation et de réflexion qui furent (et demeurent sans doute) exactement adaptés à des
découvertes d'un certain type; celle qu'autorisait la nature à partir de l'organisation et de l'exploitation
spéculatives du monde sensible en termes de sensible. Cette science du concret devait être, par
essence, limitée à d'autres résultats que ceux promis aux sciences exactes et naturelles, mais elle ne
fut pas moins scientifique, et ses résultats ne furent pas moins réels. Assurés dix mille ans avant les
autres, ils sont toujours le substrat de notre civilisation. »
L’apparence est le point de départ de la classification des végétaux. Pour le baobab sacré, l’apparence
joue un rôle fondamental. Un baobab acquière, en partie, sa valeur sacré par ses caractéristiques
spécifiques. En considérant les quelques exemples que nous avons identifié dans le Menabe, le
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baobab sacré est caractéristique par sa singularité, son isolement47. Son caractère isolé peut être
d’ordre géographique ou d’ordre morphologique. Ces particularités sont qualifiés par le devin
guérisseur par les termes « aloka » ou « fipetrany ». Le terme « tokany » ou unique désigne aussi ce
caractère singulier.
Pour les autochtones, les arbres distincts trop distincts même pour être classé parmi les autres
individus atteste l’intervention divine.
Pouvons-nous alors conclure que les baobabs sacrés sont considérés comme des individus différents
des autres ? et avancer que les baobabs sacrés constituent une autre catégorisation qui tient compte de
la différenciation entre les individus de la même espèce? Autrement, le baobab sacré indique t-il des
variations entre les individus de la même espèce ? Comme nous l’avons expliqué, le caractère sacré
du baobab n’est pas absolu. Il s’agit uniquement de valeur attribué au baobab dans des contextes bien
précis et conditionné par le non transgression des tabous.
Ces conclusions nous amènent à la partie suivante qui concerne les rituels liés au baobab. Pour ce
faire, nous allons faire l’analyse comparative entre le baobab sacré et le tamarinier.
47 Selon estrade, chez les bara où la terre est semi-désertique, l’arbre qui survit, l’eau qui sourd, la tâche d’herbe sont des
lieux sacrés qui hantent des génies, les helo, divinités des deux sexes que les femmes vont à proximité de leur résidence
présumés. Elles leur demande des enfants et de la santé.
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PARTIE III :
ANALYSE COMPARATIVE ENTRE LE BAOBAB SACRÉ
ET LE TAMARINIER
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PARTIE III : ANALYSE COMPARATIVE ENTRE LE BAOBAB SACRÉ ET LE
TAMARINIER
Comme son titre l’indique, cette troisième partie est consacrée à une analyse comparative entre les
deux espèces les plus souvent citées comme sacrées dans le Menabe : le tamarinier et le baobab.
Comme nous l’avons signalé au départ, nous avons choisi de prendre en considération le tamarinier a
fin de dégager les spécificités du baobab par rapport au tamarinier qui constitue l’espèce sacrée des
Sakalava. Autrement dit, pourquoi y a t-il cohabitation des baobabs sacrés et des tamariniers sacrés?
Qui pratiquent les rituels au tamarinier? et au baobab? Que rend compte cette cohabitation de deux
espèces sacrées?
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CHAPITRE V : LE BAOBAB SACRE
I- La communauté autour du baobab sacré
1.1- Le devin guérisseur : ombiasy
En premier lieu, l’ombiasy est défini comme une personne « ijotsoan- tromba », c'est-à-dire une
personne possédée. De simples personnes peuvent être possédées par des esprits ou par des entités
surnaturelles. Mais à la différence de l’ombiasy, la possession des personnes non spécialistes est rare
et occasionnelle. Elle traduit généralement des maladies causées par la transgression des interdits ou
par la sorcellerie.
En second lieu, l’ombiasy est un personnage influent. Son statut d’ombiasy même est respecté. En
effet, il est considéré comme le médiateur incontesté entre le monde vivant et le monde surnaturel.
C’est un personnage qui tient une place important dans la vie quotidienne des Sakalava.
Enfin, l’ombiasy est en même temps une personne considérée comme « dangereuse » et dont il faut
se méfier. En effet, sa colère et sa contrariété peuvent entraîner des malheurs ou des accidents du fait
qu’elles affectent aussi l’esprit dont il est possédé. Il est également craint parce qu’il connaît la
sorcellerie.
En général, l’ombiasy effectue chaque année le mampitoka ou milona an-drano dans le fleuve de
Belo-sur-tsiribihina, ou dans d’autres fleuves dans différentes régions de Madagascar réputés pour les
cérémonies de bain des reliques royales. Le premier terme vient de toka qui signifie prière. Le dernier
terme signifie littéralement « tremper dans l’eau ». Il s’agit de bain rituel pour entrer en contact
permanent ou fréquent avec le monde de la surnature et aussi pour se purifier.
Chaque ombiasy a un interprète ou dabara, qui transmet à l’assistance lors de rituel ou pendant les
séances de consultations, les propos des entités surnaturelles.
- Groupe d’origine
La plupart des ombiasy aux baobabs sacrés que nous avons identifiés ont tous une origine Antandroy, du côté de leur
père. Par exemple, l’ombiasy qui garde deux baobabs (Andranomena et Kirindy) : son père faisait partie des immigrants
Antandroy qui sont venus dans le Menabe vers 1930 pour effectuer de travaux de rizière, de la culture de maïs d’arachide
et de pois de cap. Il était déjà ombiasy. Il s’est marié avec une sakalava, et il était le gardien du baobab sacré de kirindy.
Après sa mort, c’est son fils qui l’a succédé pour garder le baobab sacré. Mais en plus de ce baobab, le fils a aussi un
baobab sacré à Andranomena.
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L’ ombiasy d’Andranomena et de kirindy est donc à la fois sakalava et antandroy. Il est issu d’une
troisième union entre sakalava et antandroy. Par ailleurs, il a des liens privilégiés avec les sakalava,
fondateur du village. En effet, en plus du lien déjà établit par son père, il a pris pour troisième épouse
la fille d’un chef lignager au village. (Ses deux premières épouses étaient des antandroy). Elle joue le
rôle de dabara (interprète) lors des rituels.
Nous pouvons donc remarquer qu’en plus du statut d’ombiasy ou devin guérisseur, ce dernier dispose
d’une notoriété considérable dans le village du fait qu’il est l’épouse de la fille d’un chef de lignage.
- Rôle
L’ ombiasy tient plusieurs rôles à la fois. D’abord, comme nous avons dit auparavant, il est considéré
comme le médiateur entre le monde du vivant et le monde du surnaturel. En effet, il est considéré
comme écouté par les raha ou entités surnaturelles qui habitent le baobab sacré. Il joue le rôle
d’officiant lors des rituels : il tient notamment le rôle d’invocateur des esprits et des entités
surnaturelles. Il transmet leurs propos et leurs volontés. Il entre en relation avec ces entités par les
rêves.
Ensuite, l’ombiasy ou devin guérisseur est un guérisseur. En général, c’est à lui que les Sakalava
confient leurs problèmes de santé. Ainsi, il leur indique les interdictions à respecter. Il prescrit les
remèdes, généralement composés de plantes et d’autre ingrédient dont il est le seul à connaitre. Il
délivre aussi les charmes protecteurs pour les enfants, pour les jeunes filles et jeunes garçons et
contre les ensorcellements.
En outre, il est aussi un devin. Toute consultation chez l’ombiasy part du procédé de divination ou
sikily. C’est en fonction des révélations du sikily que l’ombiasy identifie les maladies et délivre des
remèdes. Dans la croyance malgache, la vie est ordonnée par les destins astrologiques ou vintana.
Ainsi, afin de réglementer leur vie quotidienne, les Sakalava consultent l’ombiasy qui joue le rôle
d’astrologue et de devin (mpisikily ou mpivinta). C’est lui qui fixe les jours fastes et les interdits pour
certaines circonstances, telles que la consécration de maison, les activités agricoles. L’ombiasy est un
devin guérisseur, il sait lutter contre la sorcellerie, les mauvais sorts, et les destins néfastes.
Enfin, il est le maître des lieux sacrés, c'est-à-dire du baobab sacré. Il contrôle l’accès de l’enceinte
sacrée. Il est en quelque sorte le gardien des lieux comme il est le gardien des charmes protecteurs.
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1.2- Les taha
La communauté autour du baobab est désignée par taha. Ce terme signifie être mis en comparaison.
Il s’agit d’une communauté composé de gens appartenant à plusieurs groupes communautaires
d’origine différentes, notamment des antandroy et des sakalava. On y retrouve également des vezo,
des betsileo qui habitent cette région.
Les taha habitent plusieurs villages plus ou moins éloignés allant d’Andranomena, de Kirindy, de
Bekonazy, de Marofandilia à Beroboka jusqu’à Mahabo. Certains d’entre eux habitent les villages
voisins ou viennent de Morondava. Nous avons remarqué un taha qui vient des Hautes terres, plus
précisément, un militaire de Fianarantsoa, qui avait demandé la bénédiction au baobab sacré. Il
souhaitait avoir une élévation de grade. Il ne s’agit donc pas d’une communauté restreinte sur un
point de vue géographique. Généralement, cette communauté se rassemble lors du rituel périodique
appelé faralamba.
D’autres constats ont aussi retenu notre attention. En premier lieu, la communauté autour du baobab
compte un nombre important d’individu d’origine Antandroy. Si nous recherchons des pratiques liées
au baobab dans le Sud, Lala Raharinjanahary et Victorine Razanabahiny dans leur article « Un pays
où il est interdit aux femmes d’éclater de rire » (p296-309) remarque que dans le Sud et Sud-ouest,
les Antandroy font habituellement des rituels aux pieds de baobab situé au Sud-Est de la maison du
chef de lignage. Elles rajoutent que le lieu de prière est un endroit où pousse un baobab. Ainsi, le
baobab constitue t-il un lieu de culte spécifique pour ce groupe ? Cette remarque nous invite à
approfondir sur le rôle du baobab dans la région des Antandroy et son rôle en terre Sakalava
En second lieu, nous avons constaté que certains groupes cohabitant dans le Menabe n’attribuent pas
la même valeur au baobab. Par exemple : les habitants d’Andranomena, un village fondé par les
Sakalava, partagent largement leur avis selon lesquels le baobab est le symbole du Menabe et
représente la mère de la forêt. En revanche, Bekonazy, constitue un territoire socialement fondée par
des groupes de migrants Antandroy (vers 1957). Pour les habitants de ce village, le baobab a une
fonction important dans la vie rituelle en tant qu’arbre sacré. Toutefois, il faut noter qu’actuellement
à Bekonazy, les baobabs sacrés sont rares. La plupart des Antandroy disent que les esprits qui
habitaient ces baobabs sont partis à cause de l’arrivé des étrangers, c’est à dire les gens venant
d’autres régions de Madagascar ou venant d’autres pays qui visitent ces lieux sacrés, toutes personnes
qui n’appartiennent pas à la communauté locale.
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Il nous semble alors qu’il est important de revenir sur le groupe d’origine de l’ombiasy. Nous avons
dit que du côté de son père le devin guérisseur que nous auprès duquel nous avons mené les enquêtes
est d’origine Antandroy. La charge de devin guérisseur se transmet par cette appartenance antandroy
puisque son père était déjà ombiasy, dans l’Androy. D’ailleurs, c’est l’un des esprits qui a possédé
son père que le devin guérisseur (au baobab de Kirindy) est lui aussi possédé.
Une question se pose : en considérant cette origine antandroy, pourquoi un ombiasy d’origine
antandroy est-il habilité à tenir des rituels au baobab sacré en terre sakalava ? Une réponse à cette
question réside dans la double origine de l’ombiasy. Cette double origine est importante puisque la
société sakalava est constituée de groupes aux origines diverses. Néanmoins, c’est quand même un
territoire Sakalava.
Une légitimation identitaire est importante dans les situations délicates telles que l’habilité d’un devin
guérisseur d’origine antandroy à officier des rituels en terre sakalava. Du côté de sa mère, l’ombiasy
est Sakalava. Ce qui fait qu’il n’est pas considéré pour autant comme un étranger. De plus, nous
avons dit qu’il a établit une relation d’alliance avec une femme Sakalava, fille d’un chef lignager.
Cette dernière tient une influence considérable en tant que la fille du chef de lignage et rassemble
autour d’elle une communauté d’origine sakalava, notamment des femmes qui sont en général les
premières responsables de la santé de leurs enfants.
Notons que pour les Sakalava, la réputation de l’ombiasy est importante. En effet, certains d’entre
eux jouissent d’une grande popularité. Les Sakalava estiment les ombiasy qui sont renommés ou
réputés comme meilleurs guérisseurs. Ces derniers ont de l’influence grâce à une reconnaissance
collective.
En tout donc, la communauté autour du baobab est une communauté non circonscrite dans l’espace.
Elle rassemble des personnes qui habitent plusieurs villages périphériques et des personnes qui
viennent de différentes régions de Madagascar. Cette communauté est aussi composée de gens issus
de plusieurs groupes d’origines : sakalava, antandroy, betsileo, …. Cependant, nous pouvons
remarquer qu’elle est fortement constituée d’Antandroy.
Avant de passer à une typologie du rituel au baobab sacré, nous allons distinguer les entités
surnaturelles qui habitent les baobabs sacrés. Il s’agit plus précisément des « anga-dolo ».
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3- Entité liée au baobab sacré : anga-dolo
Les entités qui habitent les baobabs sacrés sont les anga-dolo. Ce terme est composé des mots
« angatry » et « lolo » qui signifient respectivement esprit et défunt. Il s’agit donc d’esprit de défunt.
Pour les Sakalava, il y a d’un côté les ancêtres connus et dont leur mémoires sont encore célébrées
lors des rituels. Certains de ces ancêtres résident dans les arbres aux voisinages immédiats de leurs
sépultures. De l’autre côté, il y a les esprits des défunts dont on ne retient plus ou dont on ne connait
pas l’origine. Ils sont considérés comme errant dans des endroits différents et surtout dans la forêt. Ils
choisissent eux-mêmes leurs demeures parmi lesquelles les arbres. Par rapport aux esprits d’ancêtres
connus, les esprits des défunts non connus sont les plus redoutés par les Sakalava.
Au moyen de rituel spécifique, les anga-dolo sont apprivoisés et deviennent les serviteurs de
personnages particuliers comme les devins guérisseurs.
Lors des rituels, c’est au moyen du mohara, du feu et de l’encens que le devin guérisseur évoque les
anga-dolo. Le mohara est un élément spécifique pour les devins guérisseurs possédés par ce type
d’esprit. Il est constitué de corne de zébu qui contient plusieurs éléments48, considérés comme sacrés
et ayant des vertus surnaturelles, détenus discrètement par le devin guérisseur. Chaque mohara est
spécifiquement ornée selon les devins guérisseurs.
Durant l’invocation, les anga-dolo ne sont pas nommés. Ils se manifestent différemment par
l’intermédiaire du devin guérisseur. Les uns demandent du rhum, d’autres se manifestent par des
gestuels, des mimes ou en indiquant leurs noms. Les dabara les connaissent grâce à leur manière de
se manifester. Il existe en général différents rituels adressés à ces entités surnaturelles.
2- Typologie de rituels au baobab sacré
Plusieurs types de rituels sont liés au baobab sacré. Ce sont : les rituels de guérison, les rituels de
procréation, les rituels de pour enfant, les rituels de purification (levée d’interdit) et les demandes de
bénédiction. Par ailleurs, il existe des rituels de sacralisation du baobab. Compte tenu de la
communauté autour du baobab, ce que nous pouvons dire sur la typologie de rituel qui se rattache au
baobab est qu’il ne s’agit pas de culte villageois.
48 Le devin guérisseur n’a pas le droit de révéler le contenu de son mohara. Dit-on, le mohara contient de la graisse de
zébu, de la terre interdit, des reliques ou de bout d’ossements, ainsi que des grains de plantes spécifiques. Il est aussi
accompagné d’autres matériels tels que ciseaux ou couteaux.
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Les rituels sont déterminés par le sikily et se passent pendant les jours fastes. Le dimanche, le lundi,
ainsi que le jeudi49 sont des jours fady pour faire des rituels au baobab sacré. Mais il y a des
exceptions. En effet dans des circonstances particulières telles que les maladies graves auxquelles il
faut lever les interdits (faly), un rituel spécifique peut être effectué.
2.1- Rituel de guérison
C’est à partir de la divination que l’ombiasy examine les maladies. Certaines d’entre elles peuvent
être guéries par des remèdes que l’ombiasy lui-même fabrique et sacralise chez lui ou au baobab
sacré. En revanche, certaines maladies nécessitent des rituels spécifiques au pied du baobab sacré.
Parmi ces maladies, nous pouvons retrouver certaines maladies les plus redoutées et causées par la
sorcellerie ou vorika (ensorcellement par les aliments ou autres pratiques relatives à la sorcellerie). Il
y a aussi d’autres maladies causées par la transgression de tabou : le kibonabona50. Dans ce cas, le
rituel consiste à la fois à un rituel de guérison et un levé d’interdit.
2.2- Rituels pour les enfants
Dès sa naissance, différents rituels et pratiques sont liés à l’enfant51. Jusqu’à l’âge de marcher, une
attention particulière est essentielle afin de préserver sa santé et son bon développement. Par ailleurs,
jusqu’à un certain âge (notamment à l’âge de marcher), l’enfant’ est considéré comme vulnérable aux
diverses maladies, mais surtout aux esprits qui errent dans la nature. C’est pour cette raison qu’une
attention quotidienne lui est nécessaire; et qu’on lui fait porter en permanence des charmes
protecteurs variés de temps en temps renouvelés pour garder son efficacité ou changés pour qu’ils
soient appropriés aux circonstances.
49 Le jeudi est un jour fady pour les Sakalava.
50 Ce terme désigne la manifestation d’une maladie causée par la transgression d’interdit et/ ou l’inceste.
51 Geodefroit, 2006, note que le nouveau-né est considéré comme un biby ou bête car leur corps se rapproche du monde
cru, humide, torride, à la nature intact et un lieu vierge de toute occupation humaine que l’on dit peuplé par les génies
issus des temps primordiaux et qui recèlent les plantes utilisés par le devin guérisseur.
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Dans beaucoup de civilisation, il existe autant de rituels destinés aux jeunes enfants et qui se
rattachent aux arbres. C’est le cas par exemple des pratiques qui consistent à planter un arbre lors des
naissances. Dès lors, le destin de l’arbre considéré comme directement lié à celui de l’enfant.
Dans le Menabe, les pratiques et les rituels liés aux enfants et qui sont associés aux arbres sont des
plus fréquentes. Notons qu’à Andranomena, par exemple, le Centre de Santé de Base se trouve soit à
environ 5 heures de marche (Mangily), ou à plusieurs dizaines de kilomètres environ (Morondava).
Aussi, beaucoup de mères emmènent fréquemment leurs enfants chez les guérisseurs traditionnels.
Un rituel spécifique destiné aux enfants en âge de grandir est le fitahan-jaza 52: Il s’agit d’un rituel
qui se rattache essentiellement au baobab sacré. Le terme fitahan-jaza est composé de deux termes
fitahana et zaza. Le premier terme a pour racine taha qui signifie mis en comparaison, et le second
terme signifie enfant. Il s’agit d’un rituel qui consiste à durcir l’enfant et où on le met en comparaison
devant le baobab sacré.
Il s’agit de rituel destiné aux nouveaux nés, aux enfants entre 0 à trois ans. Sa pratique est aussi
fréquente pour les enfants en âge de croissance. Il ne s’agit ni d’un rituel de guérison face à une
quelconque maladie ni de demande de bénédiction pour l’enfant. Il est censé apporter de la vertu
protectrice et la santé à l’enfant. Mais ce rituel est surtout censé assurer le bon développement du
bébé, pour assurer une bonne santé et de la vitalité. Il concerne autant les enfants robustes, en bonne
santé que ceux qui sont faibles et maladifs C’est en quelque sorte un rite de « préservation ». Il est
considéré comme plus efficace d’autant plus que s’il est pratiqué de temps en temps.
Bien que fréquent, le fitahan-jaza constitue un rite moins régulier. C'est-à-dire qu’il n’y a pas de
période fixe pour l’effectuer. Il se passe soit dans la case de l’ombiasy soit au baobab sacré.
Dans le premier cas, il s’agit de rituel assez fréquent surtout pour les bébés de 0 à 2 ans. Le rituel est
alors censé à assurer la fermeture de la fontanelle. Par ailleurs, les parents profitent de faire le
fitahan-jaza lors des consultations pour d’autres causes chez le devin guérisseur.
52 Chez les réunionnais, Laurence Pourchez (2007) explique des pratiques plus ou moins similaires : l’auteur explique
que ces pratiques sont destinés à durcir l’enfant. Ce sont des pratiques symboliques où la croissance de l’enfant est
comparée à la croissance de l’arbre. L’auteur ne précise pas de quelle espèce il s’agit mais il rajoute que « l’arbre qui
grandissait avec l’enfant était symbole du passage d’un cycle de vie à un autre, de petite pousse fragile à arbuste, puis
d’arbuste à arbre ».
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Dans le second cas, le rituel est occasionnel. Les baobabs sacrés se trouvent loin des villages. Ainsi,
le rituel de bénédiction d’enfant ou fitahan-jaza s’y passent occasionnellement lors des rituels tels
que les remerciements, l’enlèvement des tabous après guérison d’une maladie, … . Enfin, le fitahan-
jaza est régulier lors des rituels périodiques tels que le « faralamba ».
2.3- Rituel de procréation
Est-il besoin de rappeler qu’un peu partout dans monde le domaine de la femme en tant que celle qui
enfante est entouré de rites et de pratiques spécifiques ? La procréation demande des soins et des
attentions particulières afin de protéger la mère et l’enfant. Mais dans certaines circonstances, il
arrive que la grossesse n’arrive pas à son terme ou que le bébé meurt à la naissance.
Un des rituels de procréation lié au baobab sacré est le rituel pour le tambavy53. Pour les Sakalava,
tambavy est la maladie de la femme qui n’arrive pas à avoir d’enfant ou qui n’arrive pas à mener à
terme sa grossesse. En général, celle-ci tombe malade après quelques mois de grossesse jusqu’à
perdre l’enfant dans son ventre. Ces cas sont répétitifs, c'est-à-dire qu’une seule fausse couche n’est
pas considérée comme un tambavy. Cette maladie est considérée comme provoqué par un
ensorcellement, par une transgression d’interdit, ou par un mauvais sort jeté. Le rituel consiste alors à
la demande de guérison et aussi à conjurer le mauvais sort ou la fatalité qui frappe la femme de ne
pas avoir d’enfant. L'accomplissement du rituel du « tambavy » assure la prospérité et la fécondité de
la femme.
C’est le procédé de divination qui identifie et qui révèle la maladie. Dans un premier temps,
l’ ombiasy prescrit des décoctions54. Ces prescriptions ne sont pas censées guérir la femme. En effet,
53 Le terme « tambavy » est généralement connu pour désigner une décoction ou une tisane à base de plante médicinale
contre les maladies. Ces tisanes peuvent être indiquées par les guérisseurs traditionnels, ou d’après les savoirs locaux sur
les usages médicinaux de certaines plantes médicinales.
Le lexique des mots malgache signal aussi que ce terme désigne les traitements contre certaines maladies.
Dans le dictionnaire malgache de Malzac, en 1887 le terme « tambavy » a pour racine « vavy » femme. A partir cette
racine, le terme possède deux significations :
D’abord, il désigne la maladie de l’enfant supposé venir de la mère. Ensuite, il désigne le remède à boire pour de
traitement de cette maladie.
54 La décoction est composée de plantes médicinales (tsivoanino, tanjaky, ambiotra, mahabolotsaky,…), de la terre
fréquentée par une variété de caméléon, ainsi que d’autres ingrédients.
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seul le rituel peut débarrasser la femme de l’ensorcellement ou de la fatalité. Une date est fixée pour
accomplir le rituel au pied du baobab sacré.
Le tamabavy est un rituel qui peut être effectué au zomba baobab et au zomba tamarinier. Il n’est
donc pas spécifique pour le baobab. Cependant, il mérite de le signaler l’importance symbolique de
ce rituel : En effet, quand le rituel se passe au baobab sacré, il se caractérise par forme spécifique et
par des gestes symboliques. La femme malade doit porter un ou deux « lambahoany » qu’elle a elle-
même acheté. Après l’invocation des entités surnaturelles, et la récitation de la prière, l’ombiasy
procède à ce qu’il nomme « lolorina ». Il s’agit de chasser, à partir de liane épineuse spécifique et
soigneusement sélectionnée (utilisé uniquement pour l’occasion) les mauvais sorts ou les mauvais
esprits qui sont responsables de la maladie. L’utilisation d’une liane épineuse est symbolique. Quand
l’ ombiasy chasse les mauvais esprits ou le mauvais sort en frappant le corps de la femme, les épines
de la liane s’accrochent au tissu du lambahoany. L’ombiasy force de la retirer comme pour l’arracher.
En même temps, il verse abondamment de l’eau sur le corps de la femme pour la purifier.
Dans toutes les civilisations, l’eau est à la fois purificatrice et source de vie. Toutes les souillures sont
alors considérées comme empreignant le lambahoany sur lequel se déverse l’eau. Le lambahoany est
considéré comme sale et la femme ne doit plus la ramener chez elle. L’utilisation de l’eau est ici très
importante. Le rituel se passe différemment au pied du tamarinier. Dit-on, l’ombiasy utilise
généralement une pièce en argent, une sorte de bâton et une assiette contenant de l’eau.
2.4- Autres rituels
Enfin, il existe de multitudes de rituels associés au baobab sacré :
D’abord, le rituel de purification qui consiste à la levée d’interdit pour les olo vonjen’angatry,
littéralement personne sauvée par un esprit. En fait, ce terme vonjena a plusieurs sens. Olo
vonjen’angatry désigne ici, une personne prise en possession. Il y a aussi les kapoka. Il s’agit de
malédiction due à un conflit entre deux personnes et à la suite de laquelle l’une est morte sans qu’une
réconciliation ait eu lieu. Seul le rituel de purification peut réparer et ôter les malheurs qui peuvent en
survenir.
Ensuite il y a les rituels de protection, les rituels pour influencer le destin ou pour dévier les méfaits
d’un mauvais destin ou d’un mauvais sort jeté. Il y a aussi les rituels de demande de prospérité ou de
demande de richesse.
Par ailleurs, il y a les rituels de demande de descendances. A la différence du tambavy, il s’agit ni
d’un rituel pour les femmes atteintes de fausses couches, ni de femme qui est malade. Le rituel
concerne les femmes qui sont en bonne et qui désirent un enfant.
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Et enfin, tous rituels se rapportant aux levées d’interdit (manala falitsy, ala faly, …), leur
transgression, les rituels de remerciement après de la réalisation d’un vœu (manesy loka) se passent
toujours aux pieds du baobab. Mais les vœux peuvent être prononcés dans la case de l’ombiasy en
suivant des rites et des gestuels symboliques précis et en prononçant des promesses d’offrande.
2.5- Rituel de sacralisation du baobab
Il y a deux rituels de sacralisation de baobab sacré: Le premier consiste en un rituel où il y a lieu un
sacrifice de zébu ou de poulet. Pour le second, le sacrifice n’est pas obligatoire. Il peut s’agir d’une
bénédiction ou aspersion d’eau ou fitsofan-drano en présence de trois personnalités importantes :
personne âgée – devin guérisseur – interprète du devin guérisseur (olobe – ombiasy – dabara).
Dans le premier cas, c’est le devin guérisseur lui-même qui dirige le rituel. Dans le second cas, c’est
une personne âgée ou le chef de lignage (mpitoka) et le devin guérisseur qui dirigent en même temps
le rituel.
Par ailleurs, chaque année, et selon les jours favorables, un rituel périodique a lieu. Il s’agit du rituel
faralamba qui est l’occasion de plusieurs rituels à la fois : fitahan-jaza, resacralisation des charmes
protecteurs ou aoly, et surtout le réaménagent de l’enceinte sacrée. Ce rituel est important car il
permet, entre autre, de conserver la valeur sacrée du baobab. Comme nous l’avons remarqué, la
valeur sacrée du baobab n’est pas définitif. Elle tient des respects des interdits et aussi des rituels lors
des entretiens de l’enceinte sacrée.
Pour conclure sur cette partie concernant les pratiques liées au baobab, nous pouvons retenir trois
points essentiels :
D’abord, la communauté autour du baobab sacré est composée de l’ombiasy qui est l’officiant des
rituels ainsi que des gens aux origines diverses et qui ont différents ascendances. C’est une
communauté qui compte beaucoup d’Antandroy. L’origine sakalava et antandroy de l’officiant est
significative.
Ensuite, il existe plusieurs types de rituel autour du baobab sacré. Ce sont les rituels de guérison, les
rituels de demande de bénédiction, les levées d’interdits, ainsi que les rituels associés à la mère et à
l’enfant.
Enfin, le fitahan-jaza constitue un rituel spécifique au baobab sacré. Il s’agit de rites successifs
destinés aux enfants en âge de croissance. Le baobab sacré, c'est-à-dire le lieu, participe dans la
symbolique de ce rituel.
Dans la partie suivante, nous allons distinguer les spécificités du tamarinier sacré.
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Chapitre VI : LE TAMARINIER
I- Communauté autour du tamarinier
1.1- Les officiants spécifiques au tamarinier
Nous pouvons retrouver plusieurs personnages qui jouent le rôle d’officiant au tamarinier : le chef de
lignage, le devin guérisseur et le chef de famille.
- Le chef de lignage : mpitoka
Mpitoka, ou mpisoro : ces termes ont respectivement pour racines toka et soro. Dans le dialecte local,
la première racine désigne une prière au cours de laquelle sont invoqués les ancêtres. La seconde
racine, soro, désigne des pratiques rituelles.
D’après Fauroux, (2002, p 100), « le mpitoka, chez les Sakalava ou chez les Betsileo, est le chef
cérémoniel le plus respecté car il est l’intermédiaire entre les ancêtres lignagers et les membres
vivants du lignage. Il tente de gérer le lignage à la satisfaction des ancêtres. »
Chez les sakalava le mpitoka est le chef du lignage ou tariky. C’est un personnage respecté et
influent. Contrairement à l’ombiasy qui peut être une femme, le mpitoka est un homme. Il tient sa
légitimité par son âge car il est l’aîné et appartient à la lignée aînée. Quand le mpitoka n’est plus en
mesure d’assumer son rôle, notamment quand il est trop vieux pour assumer son rôle, il y a un rituel
de sacrifice de zébu pour désigner un nouveau mpitoka. En général, ce statut passe de frère en frère.
Par rapport au devin guérissuer, l’ambivalence de crainte et de respect ne se retrouve pas dans la
relation avec le mpitoka. Généralement, le mpitoka n’est pas un guérisseur. Par contre, il peut
pratiquer l’art divinatoire ou sikily. Il tient plusieurs rôles et intervient dans la vie du lignage dont il
en est le chef. Il a pour rôle de maintenir la hiérarchie et l’ordre, ainsi que la cohésion du groupe.
Toutes les décisions concernant le lignage, après concertations aux autres membres de la famille,
reviennent au mpitoka. Le mpitoka est essentiellement l’officiant de tous rituels qui concernent le
lignage et qui se passent au tamarinier/hazomanga.
- Le chef de famille : officiant libre au tamarinier
Une famille Sakalava peut avoir son tamarinier sacré aménagé en petit autel ou dont l’espace autour
est tout simplement nettoyé. Ce tamarinier se trouve soit au voisinage du village, soit en forêt. En
général, c’est le chef de famille, notamment le père, qui dirige les rituels se rapportant au tamarinier
familial. Quand un enfant tombe malade, ses parents l’emmènent pour un rituel de demande de
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guérison au tamarinier. Ainsi, les Sakalava viennent au pied du tamarinier de la famille sans
l’intermédiaire d’un ombiasy ou d’autre officiant Un chef de famille peut donc jouer le rôle
d’officiant au tamarinier, ce qui n’est pas le cas pour le baobab. En effet, les baobabs sacrés sont
gardés par les devins guérisseurs qui en sont les maîtres, seuls ces devins guérisseur peuvent y diriger
des rituels.
Par ailleurs, hommes ou femmes, les Sakalava ont l’habitude de venir directement aux pieds des
tamariniers pour des demandes de bénédiction aux ancêtres. Cela est relatif à la croyance selon
laquelle les tamariniers constituent les demeures d’entité surnaturelle (koko, ancêtres) et que
finalement tout un chacun peut y tenir, à sa guise, un rituel.
- Le devin guérisseur : ombiasy
L’ ombiasy qui tient un tamarinier sacré possède le même statut et joue les mêmes rôles que l’ombiasy
au baobab sacré. C'est un personnage respecté et influent. Il est devin guérisseur et c’est à lui que
certaines personnes confient leurs problèmes dans la vie quotidienne.
Il nous semble que la différence entre l’ombiasy au tamarinier et l’ombiasy du baobab concerne leur
groupe d’origine. En effet, nous avons dit qu’en général, les ombiasy au baobab ont une origine
Antandroy soit du côté du père, soit du côté de la mère, en revanche, tous les ombiasy gardiens des
tamariniers sacrés que nous avons identifié sont tous originaires du Menabe des deux côtés de leurs
parents. La principale raison en est qu’en terre sakalava, le tamarinier est une espèce presque interdite
pour les Antadroy.
En outre, nous avons remarqué qu’une personnage peut occuper deux statuts différents, à la fois
mpitoka et ombiasy au tamarinier sacré. Seul l’ombiasy au tamarinier peut jouer ces deux rôles en
même temps.
Enfin, il faut aussi remarquer que l’ombiasy au tamarinier et l’ombiasy au baobab sacré n’utilisent
pas les mêmes objets quand ils exercent leur fonction. Ainsi, par exemple, le premier utilise souvent
de la pièce en argent tandis que celui au baobab n’en utilise pas.
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En conclusion, il y a trois principaux types de personnages qui sont habilités à officier des rituels au
tamarinier sacré : d’abord, le chef du lignage ou mpitoka, ensuite l’ombiasy, et enfin le chef de la
famille.
Dans la partie suivante, nous allons voir qu’à chacun de ces personnages se rapportent différentes
types de communautés et rituels liées autour tamarinier.
1.2- Les groupes autour du tamarinier
Autour du tamarinier, nous pouvons retrouver deux types de communautés principalement distincts.
L’une est une communauté liée par la parenté et l’autre est une communauté analogue à la
communauté autour du baobab du fait qu’elle est une communauté au groupe d’origine diverse.
- Communauté liée par la parenté (lignage – ménage)
La première communauté liée autour du tamarinier que nous avons identifié est une organisation
communautaire essentiellement fondée sur les liens de la parenté. Cette communauté est liée autour
du tamarinier du village qui est associé au hazomanga. Il s’agit précisément du lignage dont le chef
est le mpitoka.
Les membres de cette communauté sont tenus par la tradition des grands ancêtres ou razambe, et
notamment par les lilin-draza, c'est-à-dire le respect des lois ou règles des ancêtres.
Nous pouvons alors dire dans ce premier groupe que l’identité lignagère se révèle à travers les
hazomanga/tamariniers du village.
Une autre communauté liée par la parenté que nous pouvons retrouver autour du tamarinier est une
communauté assez restreinte. Il s’agit d’une famille nucléaire composée de « père-mère-enfants » et
qui possède « son » tamarinier sacré. C’est le chef de la famille qui en est l’officiant lors des rituels.
- Communauté non liée par la parenté
La seconde communauté concerne uniquement les zomba kily tenus par les devins guérisseurs.
Comme pour la communauté autour du baobab, celle autour du tamarinier regroupe des individus
n’ayant pas obligatoirement des liens de parenté. Elle rassemble aussi des individus habitant
différents villages et aux origines différentes.
Cependant nous pouvons aussi remarquer que cette communauté est fortement composée de
Sakalava. Cela s’explique par deux principales raisons : en premier lieu, le tamarinier constitue
« l’espèce particulière » des Sakalava. En second lieu, les Antandroy pratiquent très rarement des
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rituels au tamarinier dans le Menabe. Avons-nous dit, en terre sakalava, le tamarinier est une espèce
presque interdite pour les Antandroy.
Nous avons aussi constaté que la communauté autour du tamarinier sacré est plus limitée dans
l’espace par rapport au groupe autour du baobab. Par exemple, le groupe autour du tamarinier
d’Andranomena rassemble des personnes habitant quelques villages et hameaux aux alentours tels
qu’Andrenalafoty, ou Ambohibary. En revanche, la communauté autour du baobab sacré de Kirindy
est composée de personnes habitants plusieurs villages assez distants allant de Kirindy à d’autres
régions se trouvant à des centaines de kilomètres.
1.3- Entités liés au tamarinier
Comme les autres populations dans le monde, les sakalava croient qu’il existe de multitude d’entités
surnaturelles qui habitent plusieurs lieux de la nature (arbres, rochers, forêt, eaux, …), ainsi que les
voisinages immédiats des sanctuaires. Parmi elles, nous pouvons retrouver les génies tutélaires, ainsi
que les esprits des ancêtres.
Selon les croyances sakalava, parmi tous les arbres de la forêt, les tamariniers sont les demeures
préférées des koko. Ces derniers sont aussi désignés par anga-draha, littéralement « esprit de la
chose ». Il s’agit d’entité surnaturelle indéfinissable assimilée à des êtres de petite taille, quelquefois
à des animaux, et quelque fois à des êtres humains. Ils habitent généralement dans la forêt.
En fait, le koko est considéré comme des génies tutélaires de la forêt qui habitent particulièrement les
grands tamariniers qui s’y trouvent. Ils sont invisibles. Seules certaines personnes peuvent les voir.
Ce sont les personnes considérées comme « manana andro hafa », littéralement « ayant un jour
différent». Il s’agit des personnes nées sous un destin particulier parmi lesquelles celles qui
deviendront des devins guérisseurs ou celles qui occuperont un statut important dans la société.
Par ailleurs, parmi les entités liées aux tamariniers, il y a les ancêtres. Pour les sakalava, il y a trois
distinctions principales : les ancêtres royaux, les ancêtres lignagers, et les ancêtres généralisés.
Les ancêtres royaux ou razan’ampanjaka sont considérés comme des ancêtres à part. Ils n’entrent en
possession que de leurs descendants, et ne demeurent que dans des lieux qui leurs sont spécifiques,
tels que certaines espèces précises. Il existe des espèces particulièrement liées à ces ancêtres royaux.
Par exemple le maroserana pour les Sakalava, le ficus dans les hautes terres.
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Le tamarinier, ne constitue pas une espèce liée aux ancêtres royaux. Par contre, il est rattaché à
d’autres ancêtres : les ancêtres lignagers et les ancêtres généralisés.
Les ancêtres lignagers, sont les ancêtres fondateurs du lignage. En général, ils sont nommés dans les
cultes lignagers. Ils sont tenu de servir le lignage tout comme le lignage est lui aussi tenu de les servir
et de les honorer lors des rituels. Parmi ces ancêtres lignagers, tous n’accèdent pas au rang d’ancêtre
respecté. Ils sont considérés selon leur place et leur importance dans la société durant leur vivant.
Enfin, il y a aussi les ancêtres inconnus. Parmi eux, il y a ceux que Charles Renel (1921, p94) désigne
par « ancêtres immémoriaux ». Il s’agit des ancêtres dont on ne se souvient plus les noms. Ils sont
désignés par le terme générique razambe. Ce sont des ancêtres lointains. Certains demeurent au
voisinage de leur sépulture, d’autres errent dans la forêt et dans la nature, d’autres sont adoptés par
les devins guérisseurs et par d’autre personnage.
En conclusion, le tamarinier sacré regroupe différentes communautés dirigées par plusieurs officiants
spécifiques. Nous pouvons distinguer d’une part des communautés dont les membres sont liés par le
lien de parenté (lignage, famille nucléaire) et dont les officiants qui dirigent les rituels sont tenus par
des liens de parenté avec la communauté et en est le chef. D’autre part, nous retrouvons des
communautés dont les membres ne sont pas obligatoirement reliés par un lien de parenté et celui qui
dirige le rituel n'a pas de relation de parenté avec les membres.
Par ailleurs, nous avons vu que le tamarinier se rattache à différentes entités surnaturelles : le koko,
les esprits des ancêtres lignagers et les esprits des ancêtres non lignagers. A chacune de ces entités
surnaturelles sont destinés des rituels spécifiques.
2- Typologie de rituel au tamarinier
Selon les officiants qui dirigent les rituels, ainsi que les entités à qui sont adressés les rituels, nous
pouvons distinguer deux types de rituel au tamarinier : le premier concerne les rituels familiaux dont
le culte lignager et le culte domestique ; le second concerne le rituel dirigé par le devin guérisseur
(ombiasy).
2.1- Les types de tamarinier
Comme nous l’avons signalé, le tamarinier est une espèce particulière pour les Sakalava. Ainsi, tous
les individus de tamarinier peuvent constituer un lieu de culte. Il existe trois types de tamarinier :
1- Le premier type concerne les tamariniers qui sont plantés dans le village et qui sont associés au
hazomanga. Ce dernier est un pieu sacré fabriqué lors des circoncisions collectives ou « savatse »
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tous les sept ans. Il est constitué de bois de katrafay ou de manary. Sa fabrication est conditionnée
par un rituel précis. Le bois est récupéré dans la forêt et il est ensuite trempé dans un étang, sinon
dans un puits. Le lendemain matin, il est ramené au village et son extrémité est taillée. Une fois
taillée55, le hazomanga est planté dans un endroit précis à côté du tamarinier du village ou à
proximité de la case du chez de lignage.
Une fois la circoncision collective terminée, le hazomanga reste sacré (notamment grâce à son
emplacement, mais aussi à la valeur symbolique qu’on lui attribue, c'est-à-dire celui du symbole de la
pérennité du lignage). Plus il y a de hazomanga, plus le lignage est considéré comme pérenne. Il ne
peut être coupé ou abattu. Dans chaque village des Sakalava, nous pouvons retrouver le
tamarinier/hazomanga. Dans son ensemble c’est un lieu important pour la perpétuation des rituels
ancestraux. Il se trouve dans le village, plus précisément au Nord Est de la case du chef de lignage et
il n’est pas clôturé.
2- Le deuxième type de tamarinier sacré est le tamarinier gardé par un devin-guérisseur (ombiasy). Il
se trouve généralement en forêt et il est clôturé. L’accès à y est conditionné par le gardien du lieu (le
devin guérisseur). Comme le baobab sacré, ce deuxième type de tamarinier sacré est aussi désigné
par le terme zomba ou tsianjarafa. L’appellation est spécifié par le deuxième terme kily ou
tamarinier.
3- Enfin, le troisième type de tamarinier sacré concerne le tamarinier qui se trouve soit en forêt, soit à
proximité des villages. Ils sont des propriétés des familles Sakalava et sont protégés par ces familles.
Généralement, il n’est pas clôturé et reconnaissables grâce aux restes d’offrande au pied de l’arbre.
Ce troisième type de tamarinier est aussi désigné par zomba ou tsianjarafa.
2.2- Type 1
- Le culte lignager
Le premier type de rituel lié au tamarinier concerne les rituels qui sont dirigés par le chef du lignage
ou mpitoka qui est le responsable de la vie du lignage. Ces rituels sont adressés aux ancêtres
fondateurs du lignage. Parmi ces rituels, nous pouvons retrouver les rites d’initiation qui définissent
le rôle et le statut d’un individu dans la société. Ce sont : la circoncision ou savatse, les rites relatifs
au mariage coutumier sakalava, le rituel de légitimation d’enfant ou soron’anake, …
55 La forme taillée du hazomanga représente symboliquement le sexe masculin.
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Ce dernier rituel est important pour les Sakalava. En effet, il a pour motif de reconnaître et d’intégrer
un enfant à tel ou tel lignage. Ce n’est seulement qu’après ce rituel qu’un enfant sera reconnu comme
appartenant à la lignée de son père et pourra avoir le droit d’héritage venant de son père. Le
soron’anake se passe au Tamarinier/hazomanga du père. Il peut avoir lieu quelque temps après la
naissance de l’enfant ou plusieurs années après. Il concerne uniquement le premier enfant car après
ce rituel, tous les autres enfants que va avoir le couple seront reconnu et seront légitimes du côté de
son père.
Ensuite, il y a les rituels qui concernent les relations entre les individus appartenant à un même
lignage ou appartenant à plusieurs lignages différents. Ces rituels assurent la cohésion du lignage et
l’équilibre dans la vie en groupe. Nous pouvons retrouver les serments et les imprécations tels que le
titika. Ce rituel consiste en un engagement solennel/formel lors d’un conflit entre deux ou plusieurs
personnes.
Il y a aussi les rituels de bénédiction ou fitsofan-drano. C’est le cas de demande de bénédiction pour
une personne âgée qui est gravement malade. Le jour désigné, un rituel est organisé et dirigé par le
mpitoka. Il ne s’agit pas de demande de guérison mais un rituel qui a pour objectif de rendre
hommage à la personne, et de demander pour que son destin s’accomplisse (la mort ou la vie). Le
plus souvent, un zébu est sacrifié lors de ce rituel.
Par ailleurs, toutes les décisions importantes concernant la vie du lignage sont prononcées au pied du
tamarinier/hazomanga et dirigés par le chef de lignage.
Enfin, les rites de fondation ou de consécration, notamment à l’occasion de la construction de
maison, les rites de bénédiction se passent aussi au pied du tamarinier/hazomanga
- Les rituels de ménage
Les rituels autour du tamarinier concernent aussi les rituels familiaux. A la différence des rituels
lignagers, les rituels familiaux ne concernent pas le lignage mais une famille restreinte et ils sont
dirigés par le chef de famille. Selon la croyance qui rattache le tamarinier aux koko, ces rituels sont
principalement adressés à ces entités. Aussi, certains rituels sont adressés aux ancêtres généralisés ou
razambe.
Parmi ces rituels, nous pouvons trouver les rituels de guérison d’enfant. En effet, les Sakalava ont
l’habitude de se recueillir aux pieds des tamariniers quand leurs enfants tombent malades. Cette
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pratique est fréquente pour les maladies moins graves. Quand la maladie est plus grave, c'est-à-dire
quand elle semble ne pas guérir et que l’état de santé de l’enfant s’empire, ou tout simplement pour
les maladies douteuses souvent reliées à la sorcellerie, les parents emmènent directement l’enfant
chez le devin guérisseur. Au moyen de rituel, lui seul peut guérir les maladies causées par la
sorcellerie.
Les rituels concernant les demandes de bénédiction pour la famille, les demandes de bonne récolte ou
la réalisation des activités liées à la culture rentrent aussi dans ce premier type de rituel.
Enfin, relatives aux croyances sakalava, le tamarinier constitue le lieu de rituels de demande de
descendance. Les sakalava se recueillent habituellement aux pieds des tamariniers pour demander de
des enfants. Dans ce cas, le chef de famille lui-même dirige le rituel.
2.3- Type 2
Pour le deuxième type de rituel associé au tamarinier, nous pouvons retrouver les quelques mêmes
rituels autour du baobab sacré. En effet, les ombiasy qu’ils soient liés au zomba tamarinier, au zomba
baobab ou aux autres arbres sacrés dirigent divers rituels non lignagers. Ces rituels diffèrent dans
leurs manifestations, c’est à dire par les objets utilisés, par les gestes et les rites à accomplir, par leur
dimension symbolique.
En tant que guérisseur, l’ombiasy au tamarinier officie des rituels de guérison. Ici, il faut distinguer
ces derniers avec les rituels de demande de guérison dirigés par le chef de famille. En fait, d’un côté,
il y a les maladies plus ou moins quotidiennes qui sont considérées comme ayant pour origine la
fatigue, le froid, … En général, ces maladies se soignent par la pharmacopée locale et au moyen des
rituels domestiques. De l’autre côté, il y a les maladies considérées comme plus graves et causées
notamment par la sorcellerie, la transgression d’interdit, …. Aucun traitement ne peut guérir ces
maladies, sauf celui prescrit par l’ombiasy. Elles nécessitent des rites symboliques et des remèdes aux
vertus magiques.
En conclusion, le tamarinier est une espèce à laquelle se rattachent deux types de rituels : les rituels
qui concernent les communautés liées par la parenté. Il y a d’un côté le culte lignager dirigé par le
mpitoka, adressés aux différents ancêtres lignagers précis et qui se passent autour du
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tamarinier/hazomanga. Et il y a de l’autre côté les rituels domestiques qui concernent les rites de
guérison. Le deuxième type de rituel concerne les rituels dirigés par les devins guérisseurs.
Toutefois, il faut remarquer que malgré l’importance du tamarinier dans la vie rituelle des Sakalava,
la perception sakalava de cette espèce a beaucoup changer. Ce changement se manifeste notamment
dans l’usage récent du tamarinier dans la fabrication du charbon. Cet usage est considéré par certains
Sakalava comme une dévalorisation des coutumes liés à cette espèce et qui annonce la transformation
de la fonction sociale attribuée à cette espèce. De notre part, nous avons remarqué le changement de
la rareté des tamariniers destinés aux cultes domestiques.
Pour terminer, nous allons rentrer dans le dernier chapitre qui est consacré à l’analyse et aux
discussions.
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Chapitre VII: ANALYSE ET DISCUSSION
Dans cette partie, nous allons voir dans un premier temps une analyse comparative du baobab sacré et
du tamarinier sacré dont nous avons exposé précédemment. A partir de cette analyse comparative,
nous allons essayer de dégager une typologie d’arbre sacré. Dans un second temps, nous allons
reprendre tous les éléments de classification qui forment les conceptions des Sakalava du baobab et
du tamarinier, nous allons revoir les pratiques rituelles qui se rattachent à ces deux espèces. Tout
cela, nous allons les replacer dans les croyances ainsi que dans les conceptions sakalava du monde du
surnaturel afin de saisir les représentations sakalava de ces deux espèces.
1- Typologie de baobab sacré et de tamarinier sacré
A travers cette recherche, nous avons essayé d’explicité les pratiques et les croyances liées aux
tamariniers et aux baobabs. Nous avons aussi vu quelques autres espèces. Notre investigation nous
amène à terminer par la typologie suivante :
I.1- Le baobab sacré : Une construction-autel
Nous entendons par « construction-autel56 » une enceinte constituée d’arbre sacré non planté, qui se
trouve généralement en forêt. Ce lieu est gardé par un devin guérisseur (ombiasy). Les arbres qui
constituent des constructions-autels appartiennent à différentes espèces. Parmi ces espèces, nous
pouvons retrouver le baobab, le tamarinier, le ficus, le palétuvier. Ces arbres sacrés sont appelés
zomba et ils sont considérés comme les demeures de différentes entités surnaturelles. Nous pouvons
retrouver les mêmes types de rituels aux différents arbres constructions- autels. Ils concernent les
rituels de guérison, les rituels de procréation et de fécondation, les rituels de demande de bénédiction
ainsi que les rituels d’enlèvement d’interdit. Les seuls différences entre ces rituels concernent leur
manifestation, les éléments utilisés par le devin guérisseur qui les dirige, ainsi que la dimension
symbolique exprimée dans les rites.
1.2- Le tamarinier : Autel-lignager / Autel-domestique / construction-autel
Le tamarinier est une espèce sacrée dont tous les individus sont considérés comme particuliers. Cette
espèce regroupe à la fois trois typologies d’arbre sacré.
Le premier type de tamarinier sacré concerne ce que nous allons nommer « autel–lignager». Il se
rattache aux ancêtres lignagers, c'est-à-dire à des ancêtres précis auxquels les descendants rendent des
56 Ce terme a été déjà signalé par Sophie Geodefroit (2000)
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cultes. Les autels-lignagers ont chacun leurs noms spécifiques selon les rituels qui s’y passent et
selon les communautés auxquelles ils sont liés. Ainsi, l’arbre autel-lignager des sakalava est constitué
de hazomonga (poteau rituel pour la circoncision) et d’un tamarinier. Il s’agit de tamarinier planté ou
non dans le village et qui est conçu comme lié au hazomanga. Les rituels autour des « autels–
lignagers» sont essentiellement adressés aux ancêtres précis du lignage. De ce fait, chaque lignage
possède son « autel–lignager» et les entités auxquelles sont destinés les rituels.
Le deuxième type57 de tamarinier sacré est l’« autel-domestique ». Il s’agit de tamarinier sacré
aménagé et appartenant à une famille restreinte qui est la famille nucléaire. Les rituels qui s’y passent
concernent des demandes qui touchent uniquement la famille nucléaire (bénédiction, guérison, bonne
récolte, …).
Pour sacraliser un tamarinier en autel-familial, il faut faire un rituel de demande avec des offrandes
composant du riz, des bananes, du miel, du rhum et un sacrifice de zébu ou de poulet.
Enfin, le troisième type de tamarinier sacré que nous avons retrouvé est le tamarineir « construction-
autel ». C’est le même type que le baobab construction-autel mais nous verrons les différences dans
le tableau récapitulatif suivant.
57 Nous pouvons retrouver un type similaire, c'est-à-dire se rattachant à une famille restreinte. Il s’agit du le tony. Ce
terme désigne un charme ou aoly que l’ombiasy prescrit à son patient. Le charme consiste, en plus d’autre prescription, à
planter un laza près de la maison ou bien d’entourer de palissade un laza qui se trouve dans un autre lieu particulier
indiqué par l’ombiasy. Le tony est recommandé lors de la demande de richesse, mais surtout pour acquérir une bonne
réputation pour certaines personnes dont la prospérité est tout le temps menacée par l’ensorcellement d’autre personne. Il
n’y a pas forcément de rituel spécifique qui s’y rattache. C’est la conception et la sacralisation du lieu sacré qui permet la
prospérité pour la famille.
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Tableau n°4 : Type de baobab sacré et de tamarinier sacré
Espèces Baobab Tamarinier
Particularité de
l’espèce
Le baobab représente la mère de la
forêt
Espèces sacrée des sakalava
Types Autel ou construction autel Autel ou construction autel Autel lignage
Autel familial
Nom spécifique Zomba Zomba Hazomanga/kily Zomba
Localisation Forêt Forêt Village Village, forêt
Mode de
sélection
Non planté Non planté Planté Planté ou Non planté
Caractéristiques
physiques
La forme et l’emplacement ou fipetrany
Grande taille ou bevata
Grande racine ou fotoram-be
Grande taille ou bevata
Emplacement
Près d’un étang
Associé au hazomanga
Nord-Est de la case du chef lignager
Orientation Nord Est
Délimitation de
l’enceinte
Non entouré de palissade Entouré de palissade Non entouré
Groupe Majoritairement antandroy Majoritairement sakalava Sakalava
Officiant Ombiasy, ou masy Chef du lignage mpitoka Chef de famille
Entités vénérées Anga-dolo anga-dolo, koko Ancêtres lignagers Ancêtres, koko
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Baobab Tamarinier
Types Construction autel Construction autel Autel lignager Autel familial
Type de culte Rite pour enfant : fitahan-jaza Culte lignager :
Rite de passage : circoncision,
…
Rite d’alliance (mariage, fati-
drà ou serment de sang, …)
Rite de bénédiction Rite de
consécration
Prise de décision / Les
serments et parjure
Demande de guérison
Demande de bénédiction
Rituel agraire
Rite de demande de descendances
Rite de guérison, rite de procréation, rite de fécondation
Rite de demande de descendance
Rite de purification
Rite de demande de bénédiction
Enlèvement d’interdit / Rituel périodique
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A partir de ce tableau récapitulatif, nous pouvons regrouper les arbres sacrés en trois types selon les
types de rituels, les entités surnaturelles, ainsi que les communautés auxquelles ils se rattachent. Ce
sont : la construction-autel, l’autel-lignager et l’autel-familial. Le baobab concerne uniquement la
construction–autel tandis que le tamarinier regroupe les types construction-autel, autel-lignager et
autel-familial.
L’autel-lignager se différencie par les rituels lignagers qui s’y passent. La construction autel -tenus
par l’ombiasy et l’arbre autel familial tenu par le chef de famille regroupent les mêmes rituels.
Seulement, il nous faut rappeler que ces rituels se diffèrent dans leurs aspects. L’autel-familial se
trouve en forêt ou à proximité des villages et sert d'autel aux cultes des génies. C’est l’endroit où les
gens familles sakalava viennent demander de la bénédiction et de la guérison. Il s’agit plus de prière
que d’actes rituelles symboliques.
Enfin, nous pouvons remarquer que la localisation est aussi significative. Pour le type qui se rattache
aux lignages, l’arbre sacré se trouve dans les villages. En revanche, les arbres sacrés dans les deux
autres types se trouvent en forêt, c'est-à-dire en dehors des villages.
En ce qui concerne l’espèce, le tamarinier est particulier. En effet, cet arbre peut constituer une
construction-autel, un autel-lignager et un autel-familial. Le baobab constitue uniquement une
construction-autel. La différence essentielle entre le baobab (construction-autel) et le tamarinier
(construction-autel) concerne les communautés qu’ils rassemblent. Pour le baobab, elles rassemblent
plus d’Antandroy, tandis que pour le tamarinier, elles se composent davantage de Sakalava.
2- La classification symbolique du baobab et du tamarinier
- Le baobab/féminin
Une des principales questions que nous nous sommes posé est : pourquoi le baobab est –il considéré
comme la mère de la forêt et non pas, par exemple, le père de la forêt ?
En effet, avons-nous signalé, il y a une certaine contradiction concernant la représentation du
baobab : le baobab est considéré comme la mère de la forêt. Cependant, il est aussi considéré comme
ne pouvant donner de la descendance car il ne donne et ne laisse pas en général de rejet ou de
rejetons quand il est abattu ou quand il tombe. Pourquoi alors lui attribuer ce statut de « mère » qui
implique une idée de « celle qui enfante et qui donne de la descendance » ?
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De notre investigation, il nous semble que pour les Sakalava, la représentation du baobab comme la
mère de la forêt nous renvoie à la classification même de cette espèce par rapport aux autres arbres et
aux autres végétaux qui existent.
Avons-nous dit, les Sakalava font une distinction entre le baobab et les autres arbres. Contrairement
aux autres arbres qui sont constitués de bois dur et désigné par le mot « taolany » qui signifie « os »,
le baobab est considéré comme ayant une chaire tendre du fait de sa texture flasque et mou. Ces
désignations « os » et « chaire tendre » nous renvoie à l’opposition dur/mou et nous ramène à une
classification symbolique du principe masculin/féminin. Cette symbolisation du couple
masculin/féminin se révèle dans le nom vernaculaire attribué au baobab Reniala ou Renala qui
traduit la perception sakalava selon laquelle le baobab est la « mère de la forêt ».
Si nous reprenons toutes perceptions et toutes les représentations que nous avons recueillies et
expliquées, la conception sakalava du baobab et du tamarinier se traduit symboliquement par le
couple d’opposition masculin/féminin. Nous pouvons résumer cette conception symbolique par le
tableau suivant.
Tableau n°5 : Récapitulatif de l’opposition masculin (tamarinier)/ féminin (baobab)
Baobab Tamarinier
Féminin Masculin
Eau Non lié à l’eau
Cadavre (Maimbo ou de mauvaise odeur)
Borabora, momoka (flasque pourri)
Ancêtre (manitra ou parfumé)
Taolany ou os
Humide sec
En dehors de la société/nature (forêt)
Non planté
Dans la société/culture
Planté
Rituel de la femme et de l’enfant Rituel lignager
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Ce tableau nous montre la dimension symbolique qui rend compte que dans la conception des
Sakalava, le baobab et le tamarinier sont classé symboliquement à travers le principe masculin et
féminin. Le baobab est lié au principe féminin et le tamarinier est lié au principe masculin.
- Le baobab : nature liée à l’eau
Nous avons souligné que pour les Sakalava, le baobab est lié à l’eau de par sa nature même. C’est
pour cette raison qu’ils le considèrent comme un château d’eau ou siniben-drano. Dans la conception
sakalava, l’eau constitue un élément vital pour la survie du baobab. Pour l’espèce tamarinier, nous ne
retrouvons pas la même conception, c'est-à-dire le lien du tamarinier avec l’eau. Au contraire dans la
conception sakalava, le tamarinier n’est pas composé d’autant d’eau que le baobab. Comme d’autre
arbre, il en contient même peu.
Partout dans le monde, l’eau est considérée comme indispensable à la vie. L’eau est un élément
souvent relié à l’origine de la vie, mais surtout aux questions de fertilité et de la fécondité de la
femme.
Dans La conception malgache du monde du surnaturel, (1979, p 106) Mollet note que l’eau, « plus
tangible que ‘air, tient un rôle majeur dans la pensée malgache ». Il rajoute que l’eau sert
d’euphémisme en plusieurs occasions. L'eau est associée au féminin. Par exemple, la femme enceinte
« porte de l’eau » ou mitondra rano. L’eau est ici comme un lieu de régénérescence et de vie. L’eau
est perçue donc comme un élément de fertilité et un symbole de fécondité. Il est source de vie.
Goedefroit et Lombard, (2007, p 35) soulignent que chez les Sakalava, le placenta doit être enterré ou
abandonné dans un milieu humide (soit en forêt, soit sur la berge d’un cours d’eau) « pour garantir la
fécondité de la future mère. » Contrairement à ce qui est humide, le sec est symbole d’infertilité.
C’est pour cette raison, par exemple, que les endroits ou les lacs asséchés symbolisent l’infertilité.
Mais aussi le sec symbolise l’homme par rapport à la femme.
L’eau est bien un élément particulier constituant le baobab. Cette composition en eau ne souligne pas
seulement la particularité du baobab par rapport aux autres arbres, mais elle symbolise et évoque
surtout le stade de la femme enceinte. La tendance générale a supposé que dans beaucoup de région,
la conception « baobab, fétiche de la femme enceinte et fétiche de grossesse » vient particulièrement
de la morphologie gonflé du baobab. De notre part, il nous semble que ce n’est pas uniquement pour
sa forme que le baobab est considéré comme tel. C’est surtout la nature du baobab liée à l’eau qu’on
lui a attribué la représentation de la grossesse ou de la femme enceinte. Nous pouvons donc
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remarquer ici que cette représentation remet en cause la conception selon laquelle le baobab ne peut
donner de la descendance car il ne donne et ne laisse pas en général de rejet ou de rejetons quand il
est abattu ou quand il tombe.
- Le baobab sacré et les rituels liés à la femme et à l’enfant
Si l’on tient compte du rituel spécifique autour du baobab sacré, nous retrouvons les rituels destinés
aux enfants, notamment le fitahan-jaza. Par ailleurs, d’autres rituels concernent la femme,
notamment le rituel de la procréation. Dans ces rituels, nous retrouvons une forte symbolique de
l’élément eau.
La mère donne naissance mais elle est aussi le responsable de la santé de l’enfant58. C’est elle qui est
le premier responsable des jeunes enfants. Le rituel fitahan-jaza est donc lié symboliquement au rôle
ou à la charge de la femme : celle qui soigne, qui veille, qui protège et qui surveille l’enfant.
- Le tamarinier et les cultes lignagers
Dans les parties précédentes, nous avons identifié que le tamarinier est une espèce lié au groupe
Sakalava. Parmi les rituels spécifiques autour du tamarinier, nous pouvons retrouver les cultes
lignagers. Ainsi, la différence fondamentale entre les rituels au tamarinier et les rituels au baobab est
que ces derniers ne concernent pas les cultes lignagers.
Les rituels spécifiques autour de ces deux espèces nous renvoient, une fois de plus à la symbolique de
l’opposition masculin/féminin. Le baobab concerne des rituels liés à la mère et aux enfants tandis que
le tamarinier se rattache au culte des lignages. Les lignages qui, notons le, se découvrent et se
définissent généralement à travers les hommes.
Ici, nous retenons le terme « lignage ». Ce terme nous renvoie à un autre terme : ancêtre. Il s’agit
d’un stade après la mort. Goedefroit et Lombard, (2007, p 94) : Intégré dans le monde invisible, les
ancêtres deviennent un être nouveau, spirituel et éternel. Il gagne alors un pouvoir surnaturel. Le
statut d’ancêtre n’est attribué qu’après des rites de passage vers l’au-delà. Ceux-ci sont de durée et de
58 Notons que cette responsabilité se manifeste lors qu’une Sakalava ou une Antandroy donne naissance, elle reste un à
trois mois ne s’occupant uniquement que de son bébé.
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forme très variables. En effet, les ancêtres souvent mémoriaux concernent des hommes59 qui sont
respectés et qui ont tenu des rôles et des statuts importants dans la société et de leur vivant.
- Baobab/cadavre, tamarinier/ancêtre
Deux points méritent d’être explicités ici :
(1) Les Sakalava font une similitude entre le baobab et l’être humain. Comme ce dernier, le baobab se
décompose. Du fait de sa teneur en eau, le baobab tombe, gonfle, et dégage de très forte mauvaise
odeur quand il meurt. Il est alors assimilé au cadavre de l’être humain. C’est pour cette raison que les
Sakalava disent qu’il sent mauvais (maimbo) à la manière des êtres humains.
Pour l’homme, la décomposition est un stade après la mort, tout comme pour les autres êtres vivants
d’ailleurs. Généralement, le cadavre en décomposition est désigné par faty lena, littéralement cadavre
humide, et maimbo ou de mauvaises odeurs60.
Goedefroit et Lombard, (2007, p 91), expliquent que pour les Sakalava, il existe différentes phases de
transformation du cadavre, « processus qui le fait passer d’un état d’impureté hativa contagieux à un
état de pureté absolue masy ». Le cadavre humain gonfle, il est humide et chaud. Il sent mauvais.
Les Sakalava avancent une description similaire quant à la décomposition du baobab. En revanche
pour le tamarinier, nous ne retrouvons pas cette attribution similaire au « cadavre » humain. Pour les
Sakalava, le tamarinier, sèche et ne dégage pas de mauvaise odeur. En effet, comme la plupart des
arbres, le tamarinier contient moins d’eau que le baobab.
Goedefroit et Lombard, (2007, p 91) ajoutent qu’au fil du temps, le cadavre « se défait » et « devient
sec ». Il ne plus qu’os froid. Il sent bon. Au fil du temps, l’os « se désagrège ». L’ancêtre est
définitivement « achevé ».
La conception de la similitude entre la décomposition du baobab et le « cadavre » humain est
significative, car implique l’attribution symbolique d’un stade ou d’un statut « cadavre » au baobab.
En revanche, le tamarinier « devient sec », il n’est pas considéré comme ayant de mauvaise odeur.
Symboliquement, le tamarinier parvient au stade d’ancêtre.
59 Goedefroit et Lombard, (2007, p 94) note que « le nom pour l’homme est le plus souvent un tektonyme, (terme
technique de parenté, père d’un tel, rappelant que l’existence en vaut que par notre progéniture, c'est-à-dire la seule vraie
chance de bénéficier d’une mort accomplie, en fait d’installé comme ancêtre. »
60 Notons que les cadavres des souverains sont toujours considérés comme parfumés.
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Notons que la conception des malgaches sépare les deux états, c'est-à-dire faty lena, littéralement
« défunt humide » et le razana maina ou « ancêtre sec ».
(2) Contrairement au tamarinier dont la texture est qualifié de taolany, littéralement « os », le baobab est
considéré comme borabora, momoka, c'est-à-dire « flasque et pourri ». Cet état de pourriture du
baobab implique une idée de « ce qui ne dure pas », c'est-à-dire « ce qui est éphémère ». Ceci nous
rappelle Bloch M, (1986), qui expliquait dans la symbolique de la circoncision que la parenté utérine,
c'est-à-dire la parenté conçu comme purement biologique est éphémère.
Par ailleurs, comme le souligne Goedefroit et Lombard, (2007, p 117), les Sakalava opposent les
parties dures, c'est-à-dire l’os, symboliquement liées à la lignée de patrilinéaire, aux parties molles,
liquides qui sont symboliquement liées au côté de la femme et qui disparaissent avec la
déshydratation du cadavre ainsi restauré sa pureté agnatique. Ceci nous renvoie au principe
symbolique du couple d’opposition masculin/féminin.
- Baobab/forêt, tamarinier/société
Enfin, nous l’avons signalé, le baobab sacré se trouve généralement dans la nature sauvage en forêt,
loin de la société qui est le domaine des hommes. La forêt est un domaine lié à la femme (et à
l’enfant). C’est un endroit humide et fertile. Plus que les hommes les femmes sont considérées
comme plus proches de cette nature. Le tamarinier, par contre, se rattache au village et se trouve donc
au cœur de la société. C’est un endroit aménagé par l'homme où règne l’ordre social.
Pour terminer, revenons sur les entités surnaturelles liées au baobab.
3- Entité liée au baobab : anga-dolo
Si le tamarinier est un arbre interdit pour les Antandroy (bien que dans leur région d’origine il est
sacré), les baobabs sont en revanche considérés comme sacrés par les Antandroy autant dans le
Menabe que dans l’Androy.
Deux faits méritent d’être soulignés ici :
La période de cohabitation des Sakalava et des Antandroy dans le Menabe s'étend environ de trois
générations. La relation entre ces deux groupes se manifeste, entre autre aspect, dans la communauté
autour du baobab.
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Par son double origine, l’ombiasy n’est pas considéré comme un étranger dans le Menabe. Par
ailleurs, l’alliance matrimoniale des Antandroy avec les sakalava traduit déjà, d’une part, l’accès des
Antandroy au baobab. Cette alliance ne fait que faciliter non seulement l’accès au baobab, mais aussi,
c’est au moyen de cette alliance que l’ombiasy, qui a une origine Antandroy peut diriger des rituels
en terre Menabe. En outre, c’est de son double origine que l’ombiasy au baobab tient, quelque part, sa
notoriété et son influence.
Nous avons identifié que les anga-dolo sont les entités liées au baobab sacré. Anga-dolo vient du
terme angatra qui signifie esprit et lolo qui possède plusieurs significations. Dans le langage courant,
il signifie tombeau. Goedefroit et Lombard, (2007, p 94) remarquent qu’à part cette signification, ce
terme est aussi le nom de « papillon utilisé comme métaphore pour qualifier le souffle autour de la
personne à sa mort, volant autour de son tombeau tant qu’il n’est pas stabilisé par son futur statut
d’ancêtre ». Ces auteurs rajoutent que les angatse sont des défunts qui ont été mécontent du
traitement dont ils étaient l’objet et qui peuvent se transformer en revenant.
En général, tous les ancêtres revenants, à part les ancêtres lignagers, sont désignés par anga-dolo. Il
s’agit donc de nom générique donné aux ancêtres non connu. Autrement dit, il s’agit d’ancêtre
généralisé.
En quittant le corps, c'est-à-dire libéré du monde matériel, l’âme rentre dans le monde des esprits
pour reprendre une nouvelle existence. Pendant un certains temps, plus ou moins long, les esprits de
défunts sont considérés comme à l’état d’esprit errant. Les esprits non incarnés ou errants n’occupent
pas une région déterminée et circonscrite : ils sont partout dans l’espace mais en général ils se
rattachent à la terre où ils ont vécu. Ils errent dans la forêt avant de choisir sa demeure. (Goedefroit,
Lombard, 2007).
Les anga-dolo sont des esprits de défunts. Plus précisément, ils peuvent être liés à la terre du
Menabe. C’est pour cette raison que l’alliance entre le sakalava et les Antandroy est significative. Et
par analogie, la racine même du baobab plonge dans la terre Menabe. Cependant, nous ne pouvons
affirmer s’ils sont des maîtres de la terre, ce qui impliquerait une idée de premier occupant de la
région du Menabe.
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Compte tenu de cette remarque, notre hypothèse de recherche reste ouverte. En effet, bien que nous
ayons identifié que l’entité liée au baobab concerne les anga-dolo, il nous semble que ce sujet mérite
encore d’être approfondi.
Pour résumer cette analyse, nous pouvons dire que le baobab porte un nom bien particulier et
distinctif dans la région du Menabe : Reniala ou la mère de la forêt. Ce nom vernaculaire traduit les
connaissances sakalava sur les arbres et nous donne quelques aspects de la vie et sur les croyances
sakalava. A travers notre analyse, nous avons pu atteindre quelques conceptions qui lui donnent sa
signification véritable : la classification symbolique du baobab et du tamarinier.
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CONCLUSION GENERALE
Cette étude nous a fourni quelques explications relatives sur la perception sakalava du baobab, la
conception sakalava des arbres sacrés, ainsi qu’aux pratiques relatives aux arbres sacrés. De notre
investigation, il en ressort trois points majeurs :
En voulant travailler sur le baobab, nous étions ramenés à analyser ce que c’est que la forêt pour les
Sakalava du fait du nom vernaculaire de cet arbre qui signifie précisément la « mère de la forêt ».
Dans la première partie, nous avons parlé de la classification de la forêt et des arbres.
Par rapport à d’autres définitions de la forêt, notamment celle de la FAO qui parle de couverture
arborée, nous pouvons retrouver des points communs avec la définition sakalava. En effet, la
définition de la forêt selon les sakalava et le FAO mettent en exergue que l’élément essentiel de la
forêt est l’arbre.
La définition des sakalava inclut l’idée selon laquelle la nature se définit aussi par la surnature, d’où
les deux autres conceptions spécifiques des sakalava : « la forêt d’origine divine », et « la forêt
domaine du surnaturel ».
Ensuite, d’après la classification des sakalava des arbres :
- L’arbre est défini selon son apparence (taille-morphologie-station debout). Cette classification
distingue notamment les arbres des lianes (vahy).
- Les arbres sont classés entre eux : d’un côté, il y a les arbres fatratry et de l’autre côté, il y a les
arbres non fatratry. Cette catégorisation repose sur la qualité du bois et de la texture de l’arbre.
- Il y a les arbres sacrés et les arbres non sacrés. Dans cette catégorie, nous pouvons retrouver les
espèces sacrées telle que le tamarinier et les individus sacrés tel que certains pieds de baobab.
Nous avons remarqué une contradiction apparente dans la classification sakalava du baobab. Ce qui
nous a amené à la deuxième partie, et dans laquelle nous avons conclu que le baobab est une espèce
classée par les sakalava différemment selon les contextes.
Le baobab s’apparente comme le plus parfait des arbres. Cependant, le baobab n’est pas classé parmi
les arbres les plus souvent cités. Les Sakalava soulignent une différence de texture et d’usage entre
l’arbre et le baobab. En revanche, quand il s’agit d’ « arbre » sacré, le baobab est autant cité que le
tamarinier. Il fait donc partie des arbres.
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Roy Ellen, (1999), signale que dans la classification autochtone, un même sujet peut glisser d’un
niveau taxinomique à un autre selon le contexte, ou se placer à l’insertion de plusieurs catégories. Il
explique que les palmiers peuvent être ainsi tour à tour être exclus de la catégorie « arbre » ou au
contraire faire figure d’arbres exemplaires (dans les rituels notamment). C’est le même cas pour le
baobab qui est considéré comme un « arbre » vénéré dans la vie rituelle.
Le baobab reniala est considéré comme la mère de la forêt. Paradoxalement, c’est aussi une espèce
considérée comme ne pouvant assurer seul sa descendance (rejet). Entre autres types de rituels qui se
rattachent à cet arbre, nous pouvons retrouver le rituel de la procréation. Comment expliquer alors
cette contradiction entre la représentation et certaines pratiques liées au baobab? Nous pouvons
l’expliquer par deux principales raisons. La première en est que le baobab est considéré par les
Sakalava comme lié à la surnature. C'est-à-dire que ce n’est pas sa nature elle-même qui produit sa
descendance. Chaque descendance de baobab est considérée comme d’origine divine. C’est pour
cette raison que le baobab est considéré comme ne pouvant être planté par l’homme. Notons que ce
qui rend vraiment compte la « véritable forêt » c’est aussi son origine divine. La deuxième raison
concerne la nature même du baobab. En effet, il est composé de l’élément eau. Comme dans presque
toutes les civilisations, l’eau est un élément féminin. Il est à l'origine de la vie. Plus particulièrement
chez les femmes enceintes, leurs progénitures vivent de l’eau dans le ventre de sa mère. Par analogie,
le baobab représente ce stade de la femme enceinte.
Enfin, parmi les baobabs, il y a les baobabs sacrés et les baobabs non sacrés. La différence
fondamentale entre les caractéristiques du tamarinier sacré et du baobab sacré concerne la
morphologie. Pour les sakalava, il n’y a pas de forme identifiable pour les tamariniers. Pour le
baobab, la morphologie peut être discernable entre deux individus. C’est ainsi que les termes utilisés
pour la particularité du baobab est fipetrany (morphologie, forme, emplacement) et pour le
tamarinier, le terme utilisé est bevata (grande taille). Par ailleurs, l’ombiasy considère le baobab sacré
comme ayant un aloka tokana. Le terme tokana retient particulièrement notre attention. En effet, il
signifie unique. Ce caractère unique du baobab sacré rentre parmi les principes du choix du baobab
sacré.
La taille, la morphologie, l’emplacement peuvent être significatif. Autrement, les caractéristiques
générales ou communes des individus appartenant à une espèce nous ramènent aux usages quotidiens
ou aux usages médicinaux. Par contre, les caractéristiques particulières des individus de baobab par
rapport aux autres individus appartenant à la même espèce leur attribuent (en partie car ce ne sont pas
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les seuls) une fonction dans la vie rituelle en tant qu’arbre sacré. Mais notons que la valeur sacrée
n’est pas absolu. Elle peut disparaître dès que les interdits sont transgressés.
En définitive, nous pouvons retenir deux principes de classification autochtone des végétaux. La
première repose sur les ressemblances entre les individus. Ainsi, la classification permet de classer un
plus grand nombre de végétaux et de les distinguer les uns des autres.
La deuxième classification sakalava est basée sur le principe de distinction. Elle permet de regrouper
des individus différents ou «isolés ». Cette classification est spécifiquement une catégorie à part qui
est celle des arbres sacrés. Cette classification peut traduire les caractéristiques cachées et montre la
connaissance des sakalava des caractéristiques générales de certaines plantes.
Dans la troisième partie, nous avons effectué une analyse comparative entre le baobab et le
tamarinier.
Les baobabs sacrés sont gardés par les ombiasy. Le baobab sacré concerne des rituels non-lignagers.
Il concerne les rituels de demande de guérison, les rituels de demande de bénédiction, les rituels de
procréation et les rituels pour les enfants.
Un rituel spécifique au baobab est le fitahan-jaza. Il s’agit de rituel pour enfants. Ce qu’il faut
entendre par fitahan-jaza nous renvoie à l’objectif du rituel lui-même : mettre en comparaison
l’enfant. Il s’agit de rituel symbolique pour attribuer à l’enfant force et vigueur. Notons que la force
est considérée comme appartenant à la nature sauvage.
Le tamarinier est l’espèce sacrée des Sakalava. A chaque individu de cette espèce se rattachent des
rituels et des communautés qui leur sont spécifiques. Une espèce sacrée se rattache à un groupe
social. Il y a deux communautés au tamarinier : l’une est déterminée par les liens de parenté et l’autre
est circonscrite dans l’espace, c'est-à-dire que les pratiquants habitent dans les villages aux alentours.
Ce qui n’est pas le cas pour la communauté au baobab puisqu’elle regroupe des personnes aux
ascendances différentes et aux origines diverses.
Notre dernier chapitre nous amène à conclure que les entités liées au baobab concernent les anga-
dolo. Il s’agit d’un terme générique qui désigne des ancêtres généralisés. A notre avis, il mérite
encore de préciser ces entités. De ce fait, notre hypothèse de départ reste partiellement ouverte.
Le baobab compte tenu de sa nature elle-même, lié à l’eau nous renvoie à ce qui est féminin. De
l’autre côté, il y a le masculin, qui se manifeste à travers la conception du tamarinier (le lignage, la
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société). Nous pouvons considérer le baobab et le tamarinier comme un couple d’opposition
féminin/masculin.
Par ailleurs, c’est à travers la communauté au baobab que nous retrouvons l’unité entre les différents
groupes qui peuplent le Menabe, notamment pour les migrants Antandroy pour qui cette région est
une terre d’exil. Le baobab est le symbole de l’unité/unificateur entre les deux groupes.
Comme toute recherche, les éléments de réponse qui ont été apportés par notre étude posent plus de
questions qu’ils ne répondent de manière catégorique aux questions directrices contenues dans nos
problématiques et aux hypothèses de départ. Toutefois, il a donc été mis en évidence que :
(1) Le baobab reniala est considéré comme la mère de la forêt. La forêt est conçue par les Sakalava
comme l’ensemble d’arbres, elle est d’origine divine et elle constitue le domaine du surnaturel.
(2) La classification sakalava des arbres ne présente pas comme une classification catégorique qui
inclus ou qui exclus le baobab de la catégorie de l’arbre. Elle varie selon le contexte. Nous pouvons
retrouver une apparente contradiction de classification du baobab : Le baobab fait partie des
« arbres sacrés », hazo tompoina. Cependant, il n’est pas considéré comme un arbre selon sa texture,
et son usage.
(3) Le baobab sacré et le tamarinier constituent respectivement deux exemples aboutis, si l’on peut le
dire, d’individu sacré et d’espèce sacrée. Le premier concerne certains pieds d’arbre choisi
spécifiquement, et le second concerne tous les individus appartenant à une espèce. Par ailleurs, la
conception sakalava du baobab et du tamarinier nous renvoie au couple féminin/masculin, à la fois
opposé. La nature du baobab est lié à un élément féminin : l’eau qui est à l'origine de la vie. Le rituel
spécifique au baobab confirme cette prédisposition féminine. Il s’agit du rituel pour enfant. C’est la
femme qui est protectrice et qui soigne l’enfant. Le tamarinier se rattache aux ancêtres, un statut
généralement représenté par l’homme. En outre, le tamarinier est aussi lié à la société. C’est le
domaine de l’homme. En revanche, la forêt, emplacement spécifique du baobab sacré, est le domaine
de la femme.
En résumé, nous pouvons retenir deux points essentiels : « (1) la conceptualisation de la cohabitation
du baobab sacré et du tamarinier traduit explicitement un rapport d’opposition entre le
féminin/masculin ». Par ailleurs, (2) elle renvoie à la cohabitation entre le groupe sakalava et le
groupe antandroy.
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Tout au long de notre investigation, nous avons pu saisir à travers les différentes conceptions
sakalava du baobab et du tamarinier la classification symbolique de ces deux espèces, qui rendent
compte la véritable signification du nom vernaculaire du baobab : Reniala. Les savoirs locaux
constituent un domaine particulièrement riche et enrichissant par le fait qu’elle donne accès à des
connaissances particulières. Cependant, les savoirs locaux sur la biodiversité restent encore mal
connus. Les différentes études et rapports rendent comptent de façon plus ou moins détaillée les
connaissances autochtones sur la biodiversité.
Actuellement, nous assistons à la transformation des conceptions et des pratiques liées aux arbres, et
plus spécialement, dans une perspective de conservation face aux préoccupations mondiales touchant
l’environnement. Par souci de conservation, la délimitation de certaine la forêt (aire protégée, réserve
naturelle, …) ont été indispensable. Seulement, quelques endroits de ces forêts ont été accessibles
autrefois pour les autochtones. Ils constituaient même des lieux sacrés (baobab sacré de Kirindy), ou
lieux de sépulture. Au-delà de son aspect religieux, le sacré joue un rôle dans les règles d’accès aux
ressources naturelles (Saïd et Sibelet, 2004). Beaucoup d’études méritent d’être approfondies sur le
lien entre le sacré et la conservation des ressources naturelles.
Au final, qu’en est-il de cette perspective de conservation et des conceptions autochtones ?
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- Ramiandrisoa Clara, Pour une archéologie des paysages dans le Mahafale, Era 1991, Ed
scientifique MRSID Tana- ORSTOM Paris, pp15-16
- Renel C, Les amulettes malgaches, ody et sampy, in BAM, nouvelle série tome 2, Tananarive,
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- Renel C, Ancêtres et Dieux, G. Pitot de la Beaujardière, Tananarive, 1923.
- Renel C, Le décivilisé, (2de ed.), Grand Océan, Tananarive, 1998.
- Renel C, Contes populaires, Collection de contes et chansons populaires, troisième partie, Librairie
E. Leroux, Paris, 1930.
- REY H, Notice sur l’huile de baobab. Bulletin Economique de Madagascar 2, 1912, pp 135-140
- Russillon H, Un culte dynastique avec évocation des morts chez les sakalava de Madagascar : Le
Tromba, Ed Picard, paris 1912
- Sam-Long, Magie des arbres de la Réunion, Ed Paye libre, 1990
- Séminaire du département d’histoire au CPN Benasandratra, (1er – 4 Mai 1986), Arbres et plantes à
Madagascar.
- Schlemmer B, Le Menabe, histoire d’une colonisation, Ed ORTOM, Paris, 1983
- Université de Madagascar, Département d’art et d’archéologie, Art sakalava, statues, objet,
photographie, document sonore, Tana Fév-Mars, 1963
Page 106
102
Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"
Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html
Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université
du Québec à Chicoutimi :
- Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse, livre 1, livre 2, livre 3, 1912
- Mauss, Durkheim, De quelques formes primitives de classification, in : Essais de sociologie, 1903
- Mauss, Manuel d’ethnographie, 1926
- Mauss (1902-1903), Esquisse d’une théorie générale de la magie, in l'Année Sociologique, 1902-
1903
Travaux de mémoire et de thèse
- Moreau S « Le paysan et l’arbre : fonction et représentation de l’arbre à Madagascar », 1997
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ANNEXE
ANNEXE I : Liste des tableaux
Tableau n° 1 : Les arbres les plus souvent cités
Tableau n°2 : Différence entre le baobab et les arbres
Tableau n°3 : Les différenciations sakalava des trois espèces de baobab
Tableau n°4 : Type de baobab sacré et de tamarinier sacré
Tableau n°5 : Récapitulatif de l’opposition masculin (tamarinier)/ féminin (baobab)
ANNEXE II : Liste des photos
Photo 1 : Adansonia grandidieri, Bekonazy
Photo 2 : Forêt de Kirindy
Photo 3 : Adansonia grandidieri, Bekonazy
Photo 4 : Andranomena
ANNEXE III : Lexique des mots malgaches
Abo : en hauteur
Ala : forêt.
Anga-dolo : terme est composé du mot « angatry » et de « lolo » qui signifient respectivement esprit
et défunt. Il s’agit donc d’esprits de défunts. a ne pas confondre avec lolo vokatse ou âme d’un défunt
d enterré qui hante les vivants.
Aloka : ombre Dindo, ambiroa : seconde composante de la personne. Double susceptible de quitter le
corps lors du sommeil ou dune grave maladie. Partie de l'individu qui se détache du corps dans les
premières semaines qui suivent la mort pour rejoindre le monde des ancêtres. Synonyme de faharoe.
Aoly : charme protecteur
Be vata : grand
Borabora : état de ce qui est flasque, mal lié.
Dabara : nom donné aux interprètes du devin guérisseur
Faly ou fady : ce qui est prohibé, tabou
Fatratry : qualité de ce qui est parfait
Fitahan-jaza : rituel spécifique au baobab et qui est destiné au enfant.
Hazo : arbre
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Hazomanga : pieu sacré de cérémonies familiales érigé lors du rituel de circoncision.
Horohoro : clairière
Koko : génies de la forêt ou entité surnaturelle liés à la forêt et au tamarinier.
Komba : case d'un personnage important, détruite à sa mort et dont l'emplacement est marqué par des
arbres maroserana.
Mampitoka ou milona an-drano : bain rituel effectué par le devin guérisseur pour être en contact
permanent avec le surnature.
Maroseraña : nom de la ligné royal fondateur du royaume sakalava du Menabe, et nom d’un arbre
que l'on plante pour constituer l’arbre sacré komba.
Matevy: profond. Ala matevy signifie la forêt profonde
Matoa : mûr. Se dit aussi bien d'un fruit que d'un individu ayant atteint sa maturité.
Momoka : pourri
Tout près du baobab, il y a des tatalam-bilo. Il s’agit de petits bancs sur lesquels les malades
s’assoient. Remarquons que pour le tamarinier, il n’y a pas de tatalam-bilo.
Monka : un ancien terrain de culture sur brûlis forestier
Mpitoka : chef lignager, officiant dans une cérémonie qui se rapporte au lignage
Ombiasy : devin - guérisseur pratiquant aussi l’art divinatoire
Renala mifambanditra : signifie littéralement « baobab entre-noué », et désigne les baobabs
amoureux
Savatse : circoncision
Safosafon-draha : entité surnaturelle qui vient visiter le devin guérisseur dans les rêves.
Siniben-drano : château d’eau.
Tambavy : maladie des femmes qui n’arrivent pas à avoir d’enfant ou qui n’arrivent pas à mener à
terme leur grossesse.
Toka : prière au cours de laquelle on invoque les ancêtres.
Tromba : ce terme a plusieurs signification : la possession, la cérémonie relative à cette possession,
personne possédée.
Vahy : liane
Vontoatiny : Dans le langage courant, ce terme annonce le contenu.
Zomba : maison reliquaire, endroit où sont déposées les reliques royales, maison réservée à la
cérémonie du tromba. Dans le langage courant, ce terme désigne la maison.
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ANNEXE IV : Lexiques des noms vernaculaires 61
Antso: Euphorbia antso, toxiques dans toutes ces parties, latex très irritant, caustique. Il est utilisé
par les Vezo pour peindre les boutres.
Boy: non identifié
Farafatsy: Givotia madagascariensis
Fi(h)ame: ficus
Hompy: non identifié
Hazomalany : Hernandia voyroni
Kalavelo: non identifié
Katrafay: Cedrelopsis grevei utilisé dans la fabrication de maison, il est aussi utilisé dans la
pharmacopée traditionnelle pour les femmes qui viennent d’accoucher, ou pour cicatriser les plaies.
Son écorce est utilisée pour confectionner des boissons alcooliques qui sont réputées stimulantes et
aphrodisiaques.
Kililo: nom donné à diverses espèces vantées pour leurs propriétés médicinales. Le terme vient de
lilo qui signifie état de ceux qui sont blasés ou chose dont on est dégouté.
Kilim-bazaha: variété de tamarinier
Kily: Tamarindus indica
Konazy: jujubier
Maroserana : Pachypodium
Manary: arbre du genre Dalbergia
Mokoto: palétuvier
Nato: Capurodendron pemeri, arbre de la famille des Sapotacées ; son bois dur à très dur et lourd
est reconnu pour ses qualités de dureté et de durabilité. Il est utilisé pour fabriquer les cercueils
Reniala ou Renala: nom vernaculaire du baobab chez les Sakalava du Menabe.
Sarongaza: Cassia anthoxantha
Talafoty: Croton lupotus, Euphorbiacées
61 - Boiteau et al, Dictionnaire des noms malgaches des végétaux, 4 vol, (collection nature-flore de Madagascar),
Grenoble Alzieu, 1999
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ANNEXE V : Illustration 1- Usages du baobab
Maison en baobab, Kirindy
2- Vente de fruits du baobab, Morondava
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3- Baobabs sacrés et autre arbre sacré
Baobab sacré sur la route de Mangily
Baobab sacré, Andranomena Komba, maroserana sacré Andranomena
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4- Rituels au baobab sacré
Rituel Fitahan-jaza, baobab sacré de Kirindy
Rituel de purification, baobab sacré de Kirindy Rituel de sacralisation, baobab Andranomena
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Tamarinier sacré et Hazomanga, Andranomena
Tamarinier sacré ou Zomba kily, Andranomena Tamarinier autel-familial, Andranomena
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Résumé :
Chez les Sakalava du Menabe, le baobab et le tamarinier constituent deux espèces très
importantes. A part leurs valeurs utilitaires dans la vie quotidienne (matériau de construction,
source d’alimentation,…), des fonctions et des valeurs symboliques leurs sont aussi
attribuées. Le tamarinier constitue l’espèce sacrée des Sakalava. De son nom vernaculaire
reniala, le baobab est considéré comme la « mère de la forêt ». Il s’agit d’une espèce
singulière qui s’impose dans le milieu où il vit. La classification sakalava de cette espèce est
très particulière. En effet, cette espèce est perçue par les Sakalava différemment des
biologistes. Les représentations sakalava liées au baobab et au tamarinier nous renvoie à une
classification symbolique.
Mots clés : Baobab, tamarinier, Sakalava, savoirs-locaux, classification
Abstract :
Tamarinus indica and baobab are two species important in Sakalava of Menabe. The baobab
or reniala is considered as the mother of the forest, and the tamarind or kily is considered as
sacred species. Baobab is perceived by Sakalava differently from biologists. Sakalava has
specific perceptions of baobab.
Key words: Baobab, Tamarinus indica, Sakalava, classification, local knowledge
Fintina :
Ny renala (baobab) sy ny kily dia karazan-java-maniry roa manana lanjany any amin’ny
faritra Sakalava Menabe. Ankoatry ny ilana azy ireo amin’ny fiainana andavanandro (akora
fananganana, fihinana,…), dia misy ihany koa ireo lanjany sy toerany manokana amin’ny
fiainan’ny fiaraha-monina fa indrindra amin’ireo fombafomba amam-panao sakalava.
Misongadina amin’ny voahary rehetra misy ny reniala ary heverin’ny Sakalava ho renin’ny
ala. Manana fisokajiany manokana ny renala ny sakalava. Izany dia tsy mitovy amin’ny
fahitan’ny mpikaroka ara-tsiansa (biologist).
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Nom : Randriamialisoa
Prénoms : Volatiana Minah
Contact : 033 11 291 92
Titre du mémoire : Essai de classification du baobab : région du Menabe »
(Représentations du baobab)
Mots clés : Baobab, tamarinier, Sakalava, savoirs-locaux, classification
Discipline : Anthropologie
Encadreur : Lolona. Nathalie RAZAFINDRALAMBO (Maître de Conférences)
Nombre de pages : 106
Nombre de tirage : 05