UNIVERSITÉ PARIS EST CRÉTEIL FACULTÉ DE MÉDECINE DE CRÉTEIL ************ ANNÉE 2014 N° THÈSE POUR LE DIPLÔME D’ÉTAT DE DOCTEUR EN MÉDECINE Discipline : Médecine Générale ************ Présentée et soutenue publiquement le : À : CRÉTEIL (PARIS EST CRÉTEIL) ************* Par CORSIN Lola Née le 13/10/1986 à Villeneuve-Saint-Georges ************** FACTEURS EXPLICATIFS DE LA PRESCRIPTION DES INHIBITEURS DE LA POMPE À PROTONS HORS RECOMMANDATIONS CHEZ LES SUJETS DE PLUS DE 75 ANS : MÉTHODE QUALITATIVE PRÉSIDENTE DE THÈSE : LE CONSERVATEUR DE LA Pr. PAILLAUD Éléna BIBLIOTHÉQUE DIRECTEUR DE THÈSE : UNIVERSITAIRE Dr. KRYPCIAK Sébastien
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UNIVERSITÉ PARIS EST CRÉTEIL
FACULTÉ DE MÉDECINE DE CRÉTEIL
************
ANNÉE 2014 N°
THÈSE
POUR LE DIPLÔME D’ÉTAT
DE
DOCTEUR EN MÉDECINE
Discipline : Médecine Générale
************
Présentée et soutenue publiquement le :
À : CRÉTEIL (PARIS EST CRÉTEIL)
*************
Par CORSIN Lola
Née le 13/10/1986 à Villeneuve-Saint-Georges
**************
FACTEURS EXPLICATIFS DE LA PRESCRIPTION DES INHIBITEURS DE LA POMPE À
PROTONS HORS RECOMMANDATIONS CHEZ LES SUJETS DE PLUS DE 75 ANS :
MÉTHODE QUALITATIVE
PRÉSIDENTE DE THÈSE : LE CONSERVATEUR DE LA
Pr. PAILLAUD Éléna BIBLIOTHÉQUE
DIRECTEUR DE THÈSE : UNIVERSITAIRE
Dr. KRYPCIAK Sébastien
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Remerciements
Arrivée à la fin de ce travail, je tiens à remercier :
- mon directeur de thèse, Sébastien KRYPCIAK, qui m’a d’abord fait aimer la
gériatrie et qui a accepté d’être mon directeur de thèse. Il a su durant tout ce long
travail me soutenir malgré les diverses difficultés rencontrées, entretenir et
pousser ma motivation jusqu’à son aboutissement, à tout moment, et même aux
heures tardives.
- Sandrine BERCIER, pour sa disponibilité, ses explications et son aide qui m’ont
permis de découvrir, de me confronter et d’apprécier l’analyse qualitative.
- les médecins généralistes qui ont accepté de m’accorder du temps pour réaliser
un entretien.
- le Professeur Éléna PAILLAUD, pour sa patience et notre future collaboration.
- le jury pour la lecture de mon travail.
- Isabelle, ma maman, et Michèle, ma grand-mère, pour leur œil affuté et leurs
1. Population ..................................................................................................................................... 15
1.1. Description de l’échantillon des médecins interrogés ............................................... 18
1.2. Description des patients et leur pathologie ................................................................... 20
2. Les critères décisionnels de la poursuite des IPP chez les sujets âgés hors recommandations ............................................................................................................................... 24
2.1. La situation ................................................................................................................................ 24
2.2. Les recommandations ............................................................................................................ 30
2.3. Les médecins ............................................................................................................................. 35
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................... 53 ANNEXE ANNEXE 1 : Recommandations de bonne pratique des anti-sécrétoires gastriques chez l’adulte .................................................................................................................................................................... 60 ANNEXE 2 : Guide d’entretien ......................................................................................................................... 61 ANNEXE 3 : Entretien n° 6 (choix d’un entretien type) ......................................................................... 63
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GLOSSAIRE
AAP : Antiagrégant plaquettaire
ACFA : Arythmie cardiaque par fibrillation auriculaire
AFSSAPS : Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
ANAES : Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé
ANSM : Agence nationale de sécurité du médicament
AVC : Accident vasculaire cérébral
AVK : Antivitamine K
Cf : Confère
CPAM : Caisse primaire d’assurance maladie
Drees : Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques
E : Entretien
EP : Embolie pulmonaire
FOGD : Fibroscopie oeso-gastro-duodénale
HAS : Haute Autorité de Santé
Hp : Helicobacter pylori
HTA : Hypertension artérielle
IMC : Indice de masse corporelle
IPP : Inhibiteur de la Pompe à Protons
MMS : Mini mental score
NACO : Nouveaux anticoagulants oraux
RGO : Reflux gastro-oesophagien
TVP : Thrombose veineuse profonde
UGD : Ulcère gastroduodénal
UPEC : Université Paris Est Créteil
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INTRODUCTION :
Les Inhibiteurs de la Pompe à Protons (IPP) ont fait leur entrée sur le marché à la fin
des années 1980. Ils ont été une grande avancée dans la thérapeutique digestive
(œsophage et estomac) en remplaçant les différents anti sécrétoires (cimetidine,
ranitidine, bismuth…). Ils ont limité le risque d’hémorragie digestive sur des ulcères
gastroduodénaux et ont réduit leur prise en charge chirurgicale, avec, dans une étude
américaine, une diminution de 80% des chirurgies d’ulcères gastro-duodénaux entre
1980 et 1999 (52).
Les IPP font l’objet de recommandations d’utilisation précises. Il s’agit des
recommandations de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
(AFSSAPS) de 1989, mises à jour en 2007 (1), et celles de la Haute Autorité de Santé
(HAS) en 2009 (29).
Les indications des IPP (la posologie, la durée) sont bien décrites dans les
recommandations de la HAS. Les IPP ont une indication pour plusieurs pathologies qui
sont les suivantes : le traitement d’un ulcère gastroduodénal (UGD), le reflux gastro-
oesophagien (RGO), l’éradication d’Helicobacter pylori (Hp), la prévention des lésions
digestives lors de la mise sous anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) en cas de
facteurs de risque (patients de plus de 65 ans sous AINS, ou avec des antécédents
d’ulcère gastro-duodénal, ou traités par corticoïde, anticoagulant ou antiagrégant
plaquettaire) et enfin le syndrome de Zollinger-Ellison. (cf. Annexe I)
Les recommandations médicales ont pour but d’uniformiser les pratiques médicales,
d’un praticien à un autre, en se basant sur des données scientifiques fiables et de limiter
la réalisation d’actes non justifiés et pouvant être délétères soit pour le patient, soit d’un
point de vue économique.
De nombreuses études ont montré les limites de ces recommandations et une difficulté
d’adhésion des médecins à ces pratiques.
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La prescription des IPP est bien décrite par les recommandations, mais de nombreuses
études ont mis en évidence qu’une grande partie de la population sous IPP ne rentrait
pas dans les critères de ces recommandations. Une proportion importante de patients
est sous IPP sans indication justifiée. Une étude espagnole a montré que 47% des
patients séjournant dans des hôpitaux généraux espagnols reçoivent des IPP (12). Il
s’agit essentiellement des patients âgés, phénomène en partie lié aux recommandations
de la HAS, fixant l’âge des patients à risque d’ulcère gastroduodénal au-dessus de 65
ans. Dans une étude française mono-centrique prospective, 30,7% des patients de
l’étude étaient sous IPP, les classes d’âge les plus exposées sont les personnes âgées :
60% des 70-79 ans et 54% des 80 à 89 ans (43). Parmi ces patients, près des deux tiers
(67%) n’ont pas d’indication à une prescription d’IPP. Des résultats similaires ont été
retrouvés dans d’autres pays, comme au Royaume-Uni, où 61% des patients sous IPP
n’avaient pas d’indication (15).
La consommation médicamenteuse en population gériatrique est un vrai problème de
santé. La sur-prescription des IPP en est un exemple probant. L’équipe de Legrain et al.,
a longuement travaillé sur la polymédication des personnes âgées et sur l’overuse des
médicaments, une notification de la HAS a d’ailleurs été rédigée sur ce sujet (41).
Cependant, la prise d’IPP ne semble pas être dénuée d’effets secondaires.
Les effets secondaires des IPP à court terme sont rares et souvent peu intenses. Ils
disparaissent généralement à l’arrêt de la prescription des IPP. Les effets les plus
fréquemment rapportés sont les diarrhées, les nausées et vomissements, les douleurs
abdominales et les maux de tête. Ils touchent moins de 5% des patients sous IPP et
disparaissent rapidement à l’arrêt du traitement (44).
Mais au-delà de ces effets peu inquiétants et réversibles à l’arrêt du traitement,
plusieurs études ont mis en avant d’éventuels effets indésirables graves, bien que moins
fréquents, associés à une exposition prolongée aux IPP, en cas de prescription
inappropriée mais aussi en cas de dose non adaptée.
Une étude cas-témoin issue d’une base de données de médecine générale hollandaise,
sur une cohorte de 7642 cas de pneumopathie communautaire versus 34176 témoins, a
montré qu’il y avait plus de pneumopathie chez les patients sous IPP avec OR 1,5 (IC :
7
1,3-1,7), ce d’autant que l’instauration était récente, de moins de 7 jours OR 5 (IC : 2,1-
11,7) (40). Une étude danoise a conclu à une association entre la prise d’IPP et une
augmentation du risque de pneumopathie communautaire (OR 1.5 ; IC 95% :1.3-1.7)
(25). Ces études concluent donc à un sur-risque de pneumopathie lorsque les patients
sont sous IPP.
Les explications mises en avant seraient, possiblement, une action directe des IPP sur
l’immunité et une colonisation bactérienne digestive qui, lors des épisodes de RGO,
contaminerait les voies respiratoires. Cette association favoriserait des infections
pulmonaires. Une autre étude cas-témoin canadienne, de patients hospitalisés pour une
pneumopathie communautaire, a montré que les patients d’au moins 65 ans inclus
étaient plus fréquemment ré-hospitalisés pour un second épisode de pneumopathie
lorsqu’ils avaient initié un traitement par anti-sécrétoire (IPP ou antihistaminique H2)
après le premier épisode (OR 2,1 ; IC95 % 1,4–3,0) (21).
Les infections gastro-intestinales à Clostridium difficile semblent également plus
fréquentes d’après plusieurs études rétrospectives (RR ajusté entre 1,9 et 3,5 selon les
études) (17,18, 60). Une étude de cohorte de plus fort niveau de preuve, américaine, a
montré une augmentation du risque de colite nosocomiale à Clostridium difficile, avec
un mécanisme dose-dépendant (31).
D’autres infections gastro-intestinales sous IPP semblent plus fréquentes, comme le
montre une méta-analyse, avec une majoration du risque d’infection à Salmonella,
Campylobacter et Shigella (OR 2.55 ; IC95% : 1.53–4.26)) (42).
La majoration du risque de cancer gastrique semblerait possible par plusieurs
mécanismes, dont l’hypochlorydrie, engendrée par les IPP, qui favoriserait le
développement d’Helicobacter pylori, impliquée dans la carcinogenèse gastrique (39),
mais de nombreuses études ne sont pas en accord avec cette association. Il semble donc
nécessaire d’obtenir d’autres études avant de pouvoir conclure à un lien de causalité
entre la prise d’IPP et la survenue de cancers digestifs.
Une étude américaine prospective réalisée au sein d’une cohorte de patients suivis pour
un syndrome de Zollinger-Ellison, a montré que les taux de vitamine B12 étaient
significativement abaissés chez les patients traités au long cours par un IPP, sans
8
aucune perturbation des paramètres hématologiques. La durée du traitement par
oméprazole était significativement et inversement corrélée au taux de vitamine B12
(55). La prise d’IPP au long cours pourrait perturber la production de vitamine B12,
sans preuve de retentissement clinico-biologique pour le moment.
L’exposition prolongée aux IPP diminuerait l’absorption duodénale du fer, notamment
par une diminution de l’acidité gastrique qui favorise cette absorption (54). Chez les
patients sans autre anomalie de l’absorption du fer, il n’a pas été mis en évidence, pour
le moment, de conséquence clinique de cette diminution de la biodisponibilité du fer
(32), probablement par le biais d’un mécanisme adaptatif (38).
Des cas d’hypomagnésémie sévère ont été rapportés chez des patients traités par IPP au
long cours (33), possiblement par une augmentation des pertes digestives. Cet effet
secondaire est rapidement réversible à l’arrêt du traitement.
Les IPP majoreraient le risque fracturaire. L’explication physiopathologique serait une
malabsorption digestive du calcium, en empêchant l’ionisation du calcium ingéré ; il y
aurait donc un mécanisme ostéoporotique. Une étude prospective conduite à partir de
la cohorte Women’s Health Initiative (WHI), a retrouvé un lien entre une exposition
régulière aux IPP et l’augmentation du risque de fracture vertébrale (RR 1,47 ; IC95 %
1,18–1,82), de fracture du bras ou du poignet (RR 1,26; IC95% 1,05–1,51) et du risque
fracturaire global (RR 1,25 ; IC95 % 1,15–1,36), mais pas du risque de fracture du col du
fémur (RR 1,00; IC95% 0,71–1,40) (24). À l’inverse, une méta-analyse a étudié plus
spécifiquement le risque de fracture du col du fémur ; elle a mis en évidence une
augmentation de ce risque chez les patients traités par IPP (OR poolé 1,24 ; IC95 %
1,15–1,34), mais les auteurs eux-mêmes restent prudents dans leurs conclusions
compte tenu des résultats contradictoires obtenus dans l’analyse en sous-groupes en
fonction de la durée d’exposition (59). Les résultats de ces deux études diffèrent dans
leur conclusion sur l’association des IPP avec le risque de fracture du col du fémur.
D’autres études ne sont pas en accord avec ces conclusions et auraient montré une
action positive des IPP sur la résorption osseuse, en inhibant les ostéoclastes (22). C’est
pourquoi, il semble nécessaire d’attendre d’autres études avant toute conclusion hâtive.
Néanmoins, cette éventualité doit rester à l’esprit lors de la prescription d’IPP chez des
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patients sous traitements majorant le risque fracturaire.
Des cas de néphrite tubuo-interstitielle ont été rapportés avec tous les IPP (26), plutôt à
court terme, la fréquence augmenterait parallèlement à la consommation d’IPP (11).
Grâce à de nombreuses études, une pharmacodépendance aux IPP a été prouvée. Un
essai randomisé de 2009, en double insu, versus placebo, réalisé chez 120 volontaires
sains asymptomatiques, a confirmé l’impact clinique de cet effet rebond en montrant
qu’après seulement huit semaines d’un traitement par ésoméprazole à la posologie de
40 mg/j, 44 % des sujets exposés présentaient les symptômes d’un effet rebond
(brûlures d’estomac, reflux gastro-œsophagien ou dyspepsie), contre 15 % dans le
groupe témoin (49). Ces symptômes survenaient dès la deuxième semaine suivant
l’arrêt de l’IPP et étaient encore décrits à la fin de la période de suivi, soit quatre
semaines après l’arrêt. D’autres essais multicentriques, randomisés, en double insu ont
montré que parmi des patients recevant un IPP au long cours, moins d’un tiers
parvenait à arrêter le traitement sans effet sur le contrôle des symptômes et la qualité
de vie, tandis qu’un autre tiers passait à un traitement « à la demande » (9-56).
En dehors des effets secondaires liés aux IPP, il y a la possibilité d’interactions
médicamenteuses. Les IPP peuvent réduire l’acidité gastrique et de ce fait diminuent la
biodisponibilité et l’absorption de certains médicaments, tels que des antifongiques
(itraconazole (34)), des immunosuppresseurs (mycophénolate mofétil (37)) ou encore
des antirétroviraux (atazanavir (36)).
L’effet inverse est aussi vrai, par le biais du cytochrome P450. Il a été montré que
l’oméprazole augmentait la biodisponibilité de la tocdigoxine (47) et de la nifédipine
(53) en inhibant au niveau intestinal une iso-enzyme du cyhrome P450.
Une étude danoise rétrospective ayant inclu près de 20 000 patients traités par aspirine
en prévention secondaire, après un premier infarctus du myocarde, a mis en évidence
un risque accru d’événements cardiovasculaires chez ceux qui avaient été exposés à un
IPP sur la même période, contrairement à ceux qui avaient été exposés à un
antihistaminique H2 (13). Ces données semblent confirmer les hypothèses proposées
par d’autres auteurs danois qui avaient déjà montré que la prise concomitante d’un IPP
réduisait l’efficacité anti-agrégante de l’aspirine chez des patients atteints d’une
10
coronaropathie (57). D’autres études prospectives sont nécessaires pour modifier les
pratiques.
Pour la question du clopidogrel et des IPP, une recommandation de l’ANSM de 2009,
préconise de limiter la prise concomitante d’un IPP et du clopidogrel (5). Néanmoins, il
n’est pas possible, à l’heure actuelle, de confirmer l’impact clinique de cette association
(58). Dans la mesure où l’inhibition du CYP 2C19 par les IPP est réversible et compte
tenu de la courte demi-vie des IPP, il est également possible de minimiser les
conséquences cliniques de cette interaction en prescrivant l’IPP le matin et le
clopidogrel le soir (14).
Les effets indésirables graves liés aux IPP sont rares, mais sur une population fragile,
telle que les personnes âgées et fortement exposée aux IPP, ces effets secondaires
peuvent devenir significatifs en terme de santé publique (50).
L’autre problème de cette prescription importante d’IPP, est un problème de santé
publique, avec un coût économique non négligeable. Cette difficulté a été soulignée dans
différents pays du monde. La consommation d’IPP a énormément augmenté au cours
des dernières années. La prévalence des traitements de longue durée est en
progression, avec un nombre important de ces prescriptions en dehors des
recommandations. En 2010, les antiulcéreux (IPP et anti-H2) étaient la 5ème classe
médicamenteuse la plus prescrite au monde, et les ventes s’élevaient à USD$ 218 billion
(45). En 2012, en France, les IPP font partie des médicaments les plus prescrits, en
occupant la 4ème place en terme de quantité, et la 13ème place en terme de valeur. En
2012, 99 millions de boîtes ont été vendues (3), soit 3,1 % de part de marché, contre
2,3% en 2002, pour la quantité, mais avec une baisse de la part de marché en terme de
valeur, 2,9% contre 5,9% en 2002. Ce phénomène est dû à une prescription de produits
génériques.
De nombreuses études quantitatives ont donc constaté cette sur-prescription en dehors
des critères de recommandations responsables, comme nous venons de le voir, d’effets
délétères au long cours et d’un coût non négligeable. Mais peu d’études se sont
intéressées aux facteurs explicatifs et aux raisons de ces prescriptions, au delà de
11
l’étiologie. Les phénomènes biomédicaux de ces prescriptions ont été en partie étudiés,
tandis que les phénomènes sociaux beaucoup moins.
L’objectif de l’étude était de déterminer les facteurs associés à la prescription
inappropriée des IPP.
L’intérêt d’une étude qualitative sur le sujet, est de chercher à comprendre les
caractères subjectifs de ces prescriptions, comme le vécu du médecin, les demandes du
patient ou les interactions entre le médecin et son patient (7). Toutes ces données sont
difficilement mesurables et limitent la valeur des explications fournies par des études
quantitatives, car elles sont difficilement abordées par ce type d’étude. L’intérêt de cette
étude est de soulever des hypothèses jusque là non envisagées, en étudiant les sujets
dans leur environnement pour une meilleure compréhension du contexte. Ce travail
permettrait peut-être une possible remise en question des prescriptions ou des
recommandations et l’évocation de solutions jusqu’ici non testées, pour pallier ce
problème.
MATÉRIEL ET MÉTHODE :
1. Type d’étude
Nous avons choisi de réaliser une étude qualitative, compréhensive, afin de tenter de
mettre en évidence les facteurs déterminants de la prescription hors recommandations
des IPP intrinsèques au médecin (à son vécu, ses perceptions de la médecine et du
patient), au patient et à la relation entre le patient et son médecin généraliste.
Les hypothèses soulevées par mon questionnement, avant le début de l’étude, étaient
les suivantes : les IPP sont prescrits au long cours en dehors des recommandations, car
ils semblent être des médicaments peu dangereux. D’autre part, les prescriptions hors
recommandations des IPP sont probablement liées à des facteurs dépendant du patient,
du médecin et de leur relation.
12
L’intérêt d’une étude qualitative est d’étudier des données subjectives et la complexité
d’une prescription d’IPP chez les patients âgés de plus de 75 ans, hospitalisés en unité
de gériatrie aiguë à l’hôpital Henri Mondor.
Le choix de la méthode qualitative a été validé et s’est fait avec le département de
médecine générale de l’Université Paris Est Créteil (UPEC).
L’avantage de cette méthode est de permettre aux médecins interviewés, de s’exprimer
librement et de minimiser l’influence, sur leurs réponses, d’un questionnaire à
questions fermées. Le choix s’est porté sur des entretiens individuels, afin que chaque
médecin puisse exprimer sa problématique des IPP, en partant d’un cas concret
rencontré au cabinet. La réalisation de focus groupe limitait l’expression libre de chaque
médecin sur une situation spécifique et aurait été possiblement moins contributive, de
plus cette méthode est aussi plus difficile d’un point de vue organisationnel.
2. Recrutement des médecins
Le recrutement des patients sous IPP a eu lieu dans le service de médecine gériatrique
aiguë de l’Hôpital Henri Mondor, dans le service du Pr E. Paillaud, au cours du mois
d’avril 2014. Tous les patients hospitalisés dans les 32 lits de gériatrie ont été screenés
durant cette période de façon systématique et exhaustive afin de limiter les biais de
sélection.
Tous les patients sous IPP ont été recrutés dans un premier temps. Puis, dans un
deuxième temps, parmi ce groupe de patients, nous n’avons sélectionné que ceux
n’ayant manifestement pas d’indication à une prescription d’IPP correspondant à nos
sujets d’étude.
Le recrutement des médecins généralistes s’est fait sur cette base de patients, en
prenant leurs coordonnées dans leurs dossiers.
Notre critère d’inclusion était tous les patients de plus de 75 ans hospitalisés durant la
période de recrutement, sans aucun critère de pathologie.
13
Le critère de sélection parmi ces patients était : tous les patients sans indication à une
prescription d’IPP. La prescription d’IPP a été évaluée, pour chacun d’eux, par
l’intermédiaire de l’ordonnance des traitements d’entrée et des antécédents recueillis
auprès du médecin traitant.
Les critères d’exclusion qui nous ont permis de faire une sélection des médecins à
interroger étaient : tous les patients avec une recommandation de la prescription d’IPP
selon les critères de l’Afssaps (ulcère gastroduodénal en cours de traitement, RGO,
syndrome de Zollinger-Ellison, prévention des risques d’ulcère gastroduodénal sous
AINS, éradication d’Helicobacter pylori), les patients sans médecins généralistes et
l’absence de prescription d’IPP.
3. Les entretiens
Nous avons décidé de faire un recueil des données, basé sur des entretiens qualitatifs
semi-directifs, individuels, pour permettre l’expression libre des médecins.
Il a été réalisé deux entretiens successifs, pour permettre d’obtenir une meilleure
adhésion des médecins généralistes et de s’adapter à leur disponibilité. Il n’aurait pas
été possible de réaliser un seul entretien, compte tenu de la longueur prévisible de
l’interview individuel. Le premier entretien était une prise de contact pour expliquer le
but de l’étude et fixer un rendez-vous.
Les entretiens se sont déroulés par téléphone entre les mois de mai et juillet 2014,
après un premier contact téléphonique avec les médecins traitants pour leur expliquer
la démarche de l’étude et le rendez-vous a ensuite été fixé dans un second temps, selon
leur convenance, afin d’obtenir leur attention et leur participation.
Ils ont été menés à l’aide d’un guide, préalablement rédigé en étroite collaboration avec
le département de médecine générale de l’UPEC, qui a été progressivement modifié à la
suite des premiers entretiens et testé auprès de mon directeur de thèse afin de
14
permettre un déroulement d’une discussion la plus fluide et la moins directive possible.
La conduite des entretiens a été basée sur les conseils donnés sur le déroulement d’un
entretien dans le livre de sociologie « L’entretien compréhensif » (35).
Ce guide d’entretien (cf. Annexe 2) était fait de grandes parties correspondant aux
thématiques principales à aborder au cours de l’entretien. Les questions étaient des
questions claires, ouvertes et les plus neutres possible.
Chaque grande thématique était constituée de différents points que le médecin devait
aborder ou qui permettaient à l’investigateur de formuler des questions ouvertes de
relance et d’orientation thématique sans limiter l’expression du médecin.
Les principaux sujets abordés étaient les suivants : le contexte de prescription d’IPP
chez les patients recrutés, les raisons de la prescription et de la poursuite des IPP par le
médecin généraliste, l’expérience du médecin généraliste vis-à-vis des IPP et ses
modalités de prescription d’IPP en population générale.
Les entretiens avaient pour objectif d’arriver à la saturation théorique, c’est-à-dire
lorsque de nouveaux entretiens n’apportent pas de nouvelles informations.
4. Le recueil des données
Les données ont été recueillies par un investigateur unique, par téléphone et
enregistrées à l’aide d‘un dictaphone après information du médecin sur les modalités de
l’enregistrement des entretiens et obtention de leur accord quant à l’enregistrement
téléphonique. La transcription des données s’est faite sur le mode d’une transcription
verbatim, avec une transcription « mot à mot », afin de coller au maximum à la réalité
des propos tenus par les médecins interviewés (cf. Annexe 3).
5. Analyse des données
15
Les données ont ensuite été analysées et traitées de façon anonyme. L’analyse des
données s’est faite en deux temps : un analyse en lecture continue puis thématique,
comme le préconise le livre de sociologie « L’entretien » (10).
L’analyse longitudinale a été faite à l’aide d’un fichier Excel, par entretien puis par
groupes d’entretiens, par une analyse lexicale et sémantique.
L’analyse thématique a fait suite à l’analyse longitudinale des groupes d’entretiens. Des
champs thématiques ont été mis en évidence à la suite des différentes réponses des
médecins généralistes et recoupées dans chaque entretien.
Ce qui a permis de faire tout d’abord une lecture à priori et à posteriori afin d’analyser
les données sous différents axes.
Cette analyse s’est faite en triple lecture, par le Dr S. Bercier, médecin généraliste à la
faculté de médecine générale de l’UPEC, le Dr S. Krypciak directeur de thèse et moi-
même. Il s’agit d’élaborer des thèmes d’étude, de les soumettre aux deux autres
protagonistes et de les valider, afin d’avoir trois visions complémentaires (celle de
l’investigateur, du médecin généraliste et du médecin hospitalier), c’est la
« triangulation de l’analyse ».
RÉSULTATS :
1. Population
Nous avons recruté 112 patients, dont 68 (soit 60,7% de la population de l’étude)
étaient sous IPP et, parmi eux, 44 patients (soit 64,7% des patients sous IPP), qui nous
semblaient ne pas avoir d’indication à cette prescription selon les recommandations de
l’Afssaps, citées précédemment.
Parmi les 44 patients, 41 seulement avaient un médecin généraliste « identifiable »,
dont 39 médecins généralistes différents.
16
Seulement 25 médecins généralistes ont pu être contactés. Parmi eux, 15 ont accepté de
fixer un deuxième rendez-vous et seuls 10 médecins étaient disponibles le jour du 2ème
entretien, malgré des relances. (cf. Diagramme 1 : diagramme de flux). 14 se sont
révélés injoignables soit par obstacle de la part des secrétariats, soit en raison des
congés.
Les entretiens ont duré en moyenne 13min 20s. Le plus court étant de 7min 33s et le
plus long de 20min 45s.
10 entretiens ont pu être réalisés et analysables, compte tenu du type d’analyse choisi,
pourvoyeur de temps dans le recueil des données et leur analyse, et d’une difficulté
d’obtention de réponse positive de la part des médecins généralistes.
17
Diagramme 1 : Diagramme de flux
112 patients recrutés
68 patients sous IPP 24 patients avec une indication
d’IPP.
44 patients sans indication d’IPP 3 patients sans
médecin généraliste
connu. 41 patients avec un médecin généraliste
14 médecins non joignables.
39 médecins généralistes différents
- 3 refus, - 3 médecins généralistes non traitants, - 1 suivi par un gastroentérologue, - 3 qui n’ont pas recontacté l’intervieweur malgré sollicitations.
25 médecins généralistes contactés
15 rendez-vous pour un 2nd entretien
5 refus lors du second entetien.
10 entretiens finalisés
18
1.1 Description de l’échantillon des médecins interrogés
Les caractéristiques des médecins interviewés ne sont pas similaires et
homogènes, mais cette situation est un élément enrichissant pour une analyse
qualitative, car elle permet d’espérer un plus grand panel de réponses pour pouvoir
envisager le plus d’hypothèses possibles à la prescription d’IPP en dehors des
recommandations.
Les médecins généralistes étaient d’âges différents, avec une durée d’exercice
diverse, ainsi que dans leur mode d’activité.
La répartition des médecins par tranches d’âge n’est pas homogène. Ils étaient
âgés pour la plupart de moins de 40 ans donc en début d’exercice ou de plus de 60
ans.
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30-39ans 40-49ans 50-59ans 60-65ans
No
mb
re d
e m
éd
eci
ns
Âge des médecins
Diagramme 2: Répartiton des médecins par tranches d'âge
19
Les deux tiers des médecins interrogés sont des hommes.
La plupart des médecins interrogés ont une activité libérale en cabinet.
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1
2
3
4
5
6
7
8
Femme Homme
No
mb
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e m
éd
eci
ns
Sexe des médecins interrogés
Diagramme 3: Répartition des médecins par sexe
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1
2
3
4
5
6
7
8
Remplaçant Centre de santé Cabinet libéral
No
mb
re d
e m
éd
eci
ns
Type d'activité
Diagramme 4 : Mode d'activité des médecins interrogés
20
Les deux-tiers des médecins interviewés sont installés depuis plus de 20 ans.
1.2. Description des patients et leur pathologie
Les patients recrutés lors de la période d’inclusion, qui étaient sous IPP en dehors
des recommandations, avaient des caractéristiques d’âge et d’antécédents différentes.
Seuls les 10 patients pour lesquels nous avons pu obtenir un entretien avec le
médecin traitant, ont été étudiés, sur les 44 initialement recrutés. Ceci en raison des
données que nous voulions étudier qui ne sont pas uniquement objectives (antécédents
du patient). En effet, d’autres sont plus subjectives (souhait du patient), ou nécessitent
de recueillir les données du binôme et d’obtenir la participation du médecin traitant (la
relation entre le médecin et son patient, la réalisation ou non du FOGD, la réapparition
des symptômes).
Nous avons d’abord répertorié les antécédents des patients, en les identifiant par
numéro d’entretien. Parmi les patients pour lesquels nous avons pu interviewer leur
médecin généraliste, 9 avaient au moins un facteur de risque cardio-vasculaire. 5 sur 10
0
1
2
3
4
5
6
7
8
non installé < 10 ans 10-20 ans > 20 ans
No
mb
re d
e m
éd
eci
ns
Date d'installation
Diagramme 5 : Répartition des médecins par ancienneté d'installation
21
étaient atteints d’une cardiopathie ischémique et 5 d’une arythmie cardiaque par
fibrillation auriculaire.
L’insuffisance rénale chronique sévère avec une clairance inférieure à 30ml/min a
été retrouvée chez 5 patients.
Au niveau neurologique, sur les 8 patients pour qui le MMS a pu être réalisé, aucun
n’avait un MMS au dessus de 26/30. Parmi eux, 4 étaient diagnostiqués avec des
troubles cognitifs, les autres nécessitaient une réévaluation à distance de
l’hospitalisation en gériatrie aiguë. 3 patients souffraient de syndrome anxio-dépressif.
Tableau I : Caractéristiques des patients recrutés.
pump inhibitor therapy is a risk factor for Clostridium difficile-associated diar-
rhoea. Aliment Pharmacol Ther 2006; 24:613–9.
60
ANNEXE 1 : Recommandations de bonne pratique des anti-sécrétoires gastriques chez l’adulte
RECOMMANDATIONS DE BONNE PRATIQUE - LES ANTI-SECRETOIRES GASTRIQUES CHEZ L’ADULTE - ARGUMENTAIRE
Afssaps – novembre 2007 46
ANNEXE 1
INHIBITEURS DE LA POMPE A PROTONS par voie orale : INDICATIONS et POSOLOGIES CHEZ L’ADULTE
Dénomination Commune Internationale
Traitement symptomatique du RGO
Oesophagite par RGO
Traitement d’entretien de l’oesophagite par RGO
Eradication de Helicobacter pylori Ulcère duodénal évolutif
Ulcère gastrique évolutif
Traitement d’entretien de l’ulcère duodénal
Traitement des lésions gastro-duodénales dues aux AINS
Prévention des lésions GD dues aux AINS chez les sujets à risque
Syndrome de Zollinger-Ellison
Lansoprazole (15, 30 mg)
15 – 30 mg/j 4 à 6 sem.
30 mg/j 4 à 8 sem.
15 – 30 mg/j
Pendant 7 jours : 2 x 30 mg/j associé à clarithromycine 1 g/j et : - soit amoxicilline 2g/j - soit métronidazole ou tinidazole 1 g/j
30 mg/j 2 sem + 2 sem
30 mg/j 4 à 8 sem.
15 mg/j 30 mg/j 4 à 8 sem
15 mg/j
Dose initiale : 60 mg /j
Oméprazole (10, 20 mg)
10 - 20 mg/j 4 à 6 sem.
20 mg/j 4 à 8 sem. 40 mg/j en cas d’oesophagite sévère résistante à une cure de 20 mg/j pendant 4 sem.
10 – 20 mg/j
Pendant 7 jours : 2 x 20 mg/j associé à clarithromycine 1 g/j et : - soit amoxicilline 2 g/j -soit métrodinazole ou tinidazole 1g/j - puis 20 mg/j pendant 3 semaines en cas d’ulcère duodénal ou 3 à 5 semaines en cas d’ulcère gastrique
20 mg/j 4 sem.
20 mg/j 4 à 6 sem.
10 mg/j 20 mg/j après échec du traitement par anti-H2
20 mg/j 4 à 8 sem.
20 mg/j Dose initiale : 60 mg /j
Esoméprazole (20, 40 mg)
20 mg/j 4 sem - puis à la demande après disparition des symptômes
40 mg/j 4 à 8 sem.
20 mg/j
Pendant 7 jours : 2 x 20 mg/j associé à clarithromycine 1 g/j et amoxicilline 2 g/j
20 mg/j 4 à 8 sem
20 mg/j
Dose initiale : 80 mg/j
Pantoprazole (20-40 mg)
20 mg/j 2 à 4 sem. - puis à la demande après disparition des symptômes
Oesophagite légère : 20 mg/j 2 à 4 sem. - puis à la demande en fonction des besoins après disparition des symptômes Oesophagite : 40 mg/j 4 à 8 sem.
20 mg/j 40 mg/j en cas de récidive
Pendant 7 jours : 2 x 40 mg/j associé à clarithromycine 1g/j et : - soit métronidazole ou tinidazole 1 g/j - soit amoxicilline 2 g/j ou 2 x 40 mg/j associé à 2 g/j d’amoxicilline et métronidazole ou tinidazole 1 g/j
40 mg/j 4 sem.
40 mg/j 4 à 8 sem.
20 mg/j
Dose initiale : 80 mg/j
Rabéprazole (10, 20 mg)
10 mg/j 4 sem. - puis à la demande après disparition des symptômes
20 mg/j 4 à 8 sem.
10 - 20 mg/j
Pendant 7 jours 2 x 20 mg/j associé à clarithromycine 1g/j et amoxicilline 2 g/j
20 mg/j 4 à 8 sem.
20 mg/j 6 à 12 sem.
Dose initiale : 60 mg/j
GD : gastro-duodénale
Inhibiteurs de la pompe à protons par voie injectable Esoméprazole (40 mg) Traitement antisécrétoire gastrique lorsque la voie orale est impossible
Oméprazole (40 mg) Traitement antisécrétoire gastrique lorsque la voie orale est impossible
Pantoprazole (40 mg) Traitement antisécrétoire gastrique lorsque la voie orale est impossible
61
ANNEXE 2 : Guide d’entretien Bonjour,
Je m’appelle Lola Corsin, je suis interne en médecine générale à Créteil Paris 12 et dans
le cadre de ma thèse, j’aurais souhaité m’entretenir avec vous lorsque cela vous sera
possible au sujet de Mr X.
Je pense que cet entretien nous prendra une vingtaine de minutes.
Je réalise une thèse qui a pour thématique l’évaluation de la prescription inappropriée
des inhibiteurs de la pompe à protons dans une population âgée de plus de 75ans et le
but est d’essayer de déterminer les facteurs explicatifs.
L’entretien, si vous l’acceptez, sera enregistré, les données seront traitées de façon
anonyme et une fois traitées, les entretiens seront détruits. Je m’engage à vous
communiquer les résultats de l’analyse réalisée suite aux entretiens effectués.
1/ Concernant votre patient, pouvez-vous me raconter dans quel contexte la
prescription d’IPP a-t-elle été introduite ?
Questions de rappels si nécessaires :
- Indications de l’IPP,
- date du diagnostic
- date du traitement,
- examen complémentaire permettant de poser le diagnostic.
- Premier prescripteur (gastro-entérologue, autre spécialité, hôpital, médecin
traitant).
- Consultation d’un spécialiste type gastro-entérologue.
2/ Par rapport à ce que vous venez de me dire, pouvez-vous m’expliquer les
raisons motivant la poursuite de la prescription d’IPP à ce jour ?
Questions de rappels si nécessaires :
- tentative d’arrêt
- poursuite des explorations, si récidive, des symptômes à l’arrêt.
- Souhait du patient, clairement demandé, raison de cette demande.
62
3/ Maintenant, si on aborde plus globalement la prescription d’IPP, quelle opinion
et/ou quelle expérience avez-vous de ce traitement ?
Questions de rappels si nécessaires :
- Qu’ont-ils changé dans votre pratique.
- Est-ce un médicament dangereux.
- Impression d’innocuité du médicament.
- Est-ce un médicament coûteux.
- Connaissance des recommandations.
- inquiétude du médecin face à l’arrêt du traitement
4/ Quels sont les patients pour qui vous les prescrivez systématiquement et pour
quelle durée ?
Questions de rappels si nécessaires :
- Prescription systématique chez les patients sous anticoagulant oral sous
antiagrégant plaquettaire.
- réévaluation des molécules et de la durée à chaque consultation.
5/ Y a-t-il d’autres situations dans lesquelles vous pourriez prescrire des IPP et
pour quelle durée?
Conclusion : Pour terminer cette discussion, souhaitez-vous que nous discutions du
traitement de Mr X. et que nous prenions une décision ensemble sur la poursuite ou non
de ses IPP?
63
ANNEXE 3 : Entretien n° 6 (choix d’un entretien type)
Dr : Je suis à vous.
L : En fait je voulais discuter de Mr X., dans le cadre de ma thèse sur les IPP. Je fais
une thèse chez les personnes âgées que j’ai recrutées en gériatrie à Mondor et je
me suis rendue compte qu’il y avait énormément de personnes âgées qui étaient
sous IPP, et qu’une partie de ces patients était en dehors des recommandations.
Donc, l’idée est de savoir pourquoi il y avait des patients qui avaient des IPP en
dehors des recommandations. Ce n’est pas du tout pour juger la pratique des
médecins mais c’est pour voir si justement il n’y avait pas intérêt à revoir les
recommandations puisqu’il y avait tant de prescriptions d’IPP. Ma première
question est : concernant Mr X. est-ce que vous pouvez me raconter dans quel
contexte vous avez prescrit des IPP ?
Dr : Alors là…C’est un patient qui a un diabète de type 2, qui a des complications de son
HTA : insuffisance rénale chronique, DFG<30, et cardiopathie ischémique, avec un DAI,
avec des épisodes de troubles du rythme cardiaque, et un dernier contrôle endoscopique
récent en mai 2014 qui montrait qu’il avait une anthrite...
L : Comment ?
Dr : C’est un patient qui est sous anti-vitamine K, plavix, kardégic, et qui avait une
symptomatologie un peu difficile à analyser, mais on lui a fait une fibro récemment qui
montrait qu’il avait une anthrite ulcérée.
L : Mais auparavant, avant cette fibroscopie, il était à Mondor, au mois d’avril, déjà
sous Inexium 40. Y avait-il déjà eu des explorations de faites avant cette fibro du
mois de mai?
Dr : Oui oui, il en avait déjà eu. Il a eu une fibroscopie en 2012 dans le bilan d’une anémie
microcytaire, et le gastro n’avait rien dit du tout.
L : Et c’est à ce moment-là qu’ont été instaurés les IPP ?
Dr : Non non, c’était déjà antérieur. Moi je suis plutôt oméprazole en première intention
donc je pense qu’il est sorti de l’hôpital avec cette prescription. Son dossier doit faire 10
cm d’épaisseur. Parce que là j’ai une antériorité à 2010, je vais vous dire s’il les avait déjà
ou pas. L’indication je pense que c’était lié aux problèmes coronaires, et du fait de son
trouble du rythme cardiaque et son traitement double antiagrégant et le traitement par
anti-vitamines K.
64
L : Est ce qu’il y a eu des tentatives d’arrêt ?
Dr : Non.
L : Auparavant, le patient était-il symptomatique avant son hospitalisation du
mois d’avril ? S’était-il déjà plaint de douleurs digestives ? D’épigastralgies ?
Dr : C’est un patient dont l’interrogatoire est très compliqué, car c’est un monsieur qui
est très angoissé et il a beaucoup de plaintes qui sont difficiles à analyser. Et ses
angoisses principales ne sont pas toujours centrées sur des choses importantes. Par
exemple : il est plus préoccupé par ses gratouillis que par sa fonction rénale qui au
dernier bilan était à 16mL/min.
L : Est-ce que vous vous souvenez qu’il vous ait déjà réclamé des IPP ? Ou un
traitement pour les douleurs d’estomac ?
Dr : Non.
L : Si on aborde plus globalement votre prescription d’IPP, quelle expérience avez-
vous avec ce traitement-là?
Dr : C’est vrai que sur les patients âgés qui sont sous traitement antiagrégant au long
cours je fais quasi automatiquement une prescription. Quand ils sortent de l’hôpital avec
un traitement anticoagulant ou antiagrégant, ils sortent quasiment en permanence avec
un IPP.
L : Pour savoir, vous avez quel âge ?
Dr : 62ans.
L : Et vous êtes installé en ville depuis combien de temps ?
Dr : Je ne suis pas installé en ville, je suis en centre de santé. Ça doit faire plus de trente
ans.
L : Donc vous avez vu les IPP arriver sur le marché?
Dr : Oui.
L : Et quand ils sont arrivés, trouvez-vous que ça a changé la médecine?
Dr : Oui, ça a changé la médecine parce qu’on avait une efficacité qui était quand même
importante. Après le gros changement c’est la découverte des Helicobacters. Voilà on n’a
plus la maladie ulcéreuse comme on disait dans ma jeunesse et qu’on traitait avec
n’importe quoi. C’est vrai qu’on n’a plus eu ce problème d’ulcères récidivants. Cela dit
dans les problèmes de reflux quand on voit les patients qui continuent à être
symptomatiques en général la proposition des gastro est de poursuivre au long cours à
la demande, mais des fois on essaye de faire des petites pauses dans les problèmes de
65
reflux. Avec la protection chez les patients qui ont des antiagrégants/anticoagulants,
c’est la principale indication.
Après avec la prescription des AINS, je dirai que ça dépend un petit peu du terrain ou de
l’antériorité de la tolérance ou d’intolérance de ces médicaments.
L : Est-ce que pour vous, les IPP sont des médicaments dangereux ?
Dr : Non. On nous a beaucoup effrayés au départ sur les traitements au long cours. Je
pense que c’était une assimilation dans les gastrites atrophiques où on sait qu’il y a un
risque accru de cancer de l’estomac donc on a eu peur de ça. Et puis dans la pratique on
a vu quand même assez peu de problèmes graves.
L : Vous avez une impression d’innocuité du médicament ?
Dr : Le problème d’un traitement chez des patients vieillissants c’est l’empilement des
prescriptions. Eventuellement dans assez peu de cas, des problèmes d’interférence
indirecte qu’il peut y avoir avec la réduction de l’acidité gastrique sur le devenir de
certains médicaments, je dirai que c’est quand même relativement marginal.
L : Est-ce que pour vous c’est un médicament qui est coûteux ?
Dr : J’essaye d’en réduire au maximum le coût. Je suis très générique du mopral, en
sachant qu’on a beaucoup de difficultés parce que les patients ressortent généralement
de l’hôpital avec des produits non génériques. Eh oui car les labos vendent à l’hôpital les
produits de marque moins chers que les génériques. Donc après c’est difficile
d’expliquer au patient que c’est la même chose qu’à l’hôpital.
L : Et est-ce que vous avez l’impression que vous connaissez bien les
recommandations sur les IPP ?
Dr : Non peut être pas forcément.
L : Et quand vous décidez d’arrêter les IPP chez des patients, est ce que vous avez
des inquiétudes particulières?
Dr : Non je n’ai pas d’inquiétudes particulières, parce qu’il y a un bon nombre de
prescriptions qui sont des prescriptions ponctuelles. On ne va pas faire des fibro à tous
les gens qui ont des anti-inflammatoires non stéroïdiens. Donc non. Je décale un petit
peu des fois, on ne va pas faire des fibros à tous les gens qui ont des douleurs
épigastriques dont on est amené à prolonger un petit peu le traitement au-delà de la
période de prescription. Surtout avec les anti-inflammatoires non stéroïdiens, la
tolérance clinique n’est pas toujours excellente. La tolérance générale elle est quand
66
même très problématique sur une population vieillissante, avec toujours la crainte des
problèmes rénaux.
L : Est-ce que vous avez été confronté ,dans votre carrière, à des patients qui ont
des hémorragies digestives sur des ulcères de l’estomac ou à ce genre de chose ?
Dr : Jamais des hémorragies vécues menaçantes. Le seul cas que je vois c’était chez une
petite fille qui devait avoir 7/8ans, que j’avais vu pour une rhinopharyngite, à qui j’avais
prescrit de l’aspégic à l’époque et 2 ou 3 mois plus tard elle s’est plainte de douleurs de
ventre, et les parents lui ont donné de l’aspirine pour calmer les douleurs au ventre, elle
avait un ulcère et elle est arrivée à l’hôpital avec 5g/dL d’hémoglobine. Il y a eu un
compte-rendu qui disait que le médecin n’avait pas été sérieux de prescrire de l’aspirine
pour des douleurs abdominales, ce qui n’était pas du tout ma prescription initiale. Sinon
c’est plutôt dans des bilans d’anémie ferriprive.
L : Quels sont les patients chez qui vous prescrivez systématiquement des IPP?
Dans quelles indications ?
Dr : En cas de prescription d’anti-inflammatoires non stéroïdiens chez des personnes
âgées et les fumeurs.
L : Les personnes âgées, c’est à partir de quel âge ?
Dr : Au delà de 65 ans. Chez les personnes qui ont des antécédents documentés, ou non
documentés des fois malheureusement.
L : Des antécédents de quoi?
Dr : d’ulcères.
L : Quand les mettez-vous sous AINS ?
Dr : Voilà quand on les met sous AINS, d’abord on est un peu réticent à le faire, il s’agit
de verrouiller. Je suis un petit peu inquiet chez les fumeurs aussi. Et puis voilà chez les
gens qui déclament avoir eu des symptômes à l’occasion de prescriptions antérieures.
L : Et chez les patients sous anticoagulant oral : AVK ou nouveaux anticoagulants,
vous avez tendance à prescrire des IPP ?
Dr : Avec…les nouveaux anticoagulants je n’en prescris pas.
L : Vous ne prescrivez pas de nouveaux anticoagulants oraux ou d’IPP avec les
nouveaux anticoagulants?
Dr : Non je ne prescris pas les nouvelles substances.
L : Et avec les anticoagulants est ce que vous prescrivez des IPP ?
Dr : Oui de façon assez régulière.
67
L : Et avec les antiagrégants plaquettaires vous me disiez que vous en prescriviez
assez facilement, c’est ça?
Dr : Oui souvent quand même assez souvent.
L : Est ce que vous avez tendance à réévaluer vos prescriptions à chaque
consultation ou au moins à chaque renouvellement?
Dr : Ce genre de prescription je dois dire que non. On a assez de mal sur les patients
chroniques qui ont diabète, asthme, coronarite, insuffisance cardiaque et rénale, on
passe plus de temps à réguler le reste pour éviter que le cardiologue en essayant
d’améliorer l’état cardiaque ne plonge pas le patient en insuffisance respiratoire, pour
protéger les coronaires, qu’il n’aggrave pas la BPCO. C’est plutôt sur les autres éléments
qu’on essaye d’ajuster les choses. Mais c’est vrai que quand le traitement a été instauré,
là-dessus non. C’est vrai que quand c’est démarré…D’autre part, il y a peut être. Je ne sais
pas si d’autres médecins se rappelleront de ça : un patient qui était sous IPP au long
cours qui, suivant les recommandations de l’HAS, a interrompu le traitement, il a fait une
complication gravissime, il a été condamné par le tribunal qui a dit que le responsable
de prescription c’est vous, c’est pas la haute autorité. Je ne dis pas que toutes les
recommandations de la haute autorité ne sont pas valides mais il faut en prendre et en
laisser parce qu’on est bien amené à constater quelle est la pratique réelle de ceux qui
élaborent les recommandations. Elles sont souvent un peu différentes de la pratique, si
on disait “et si c’était votre femme qu’est ce que vous feriez?”, il y a une petite marge.
L : Je vous remercie.
Dr : Si on peut avoir un petit retour, ce serait intéressant.
L : Adresse mail ?
Dr : XXXX@xxxxxx
68
YEAR : 2014
AUTHOR : CORSIN Lola
THESIS DIRECTOR: Dr KRYPCIAK Sébastien
TITLE OF THE THESIS: Reasons of inappropriate prescribing of proton pump inhibitors
in elderly population: qualitative research.
The inappropriate prescribing of proton pump inhibitor is frequent, especially to the
elderly. However, the reasons of these prescriptions are little know.
A qualitative survey by semi-directive individual interviews was led with ten general
practitionners. They have a patient of more than 75 years old, which was hospitalized in
geriatric unit at Henri Mondor Hospital and which was an inappropriate prescribing of
proton pump inhibitors. A thematic analysis permitted to put forward the reasons of
these prescriptions.
In this study, 64,7% of the patients had no indication of prescription of proton pump
inhibitors.
Three axes have been put forward. The first one is a shared responsibility by various
doctors in these prescriptions. The revaluation was little frequent so of general
practitionners and doctors in hospital, particularly due to the lack of time. The second is
an « idyllic » vision of proton pump inhibitors, by general practitionners, partially by
fear of digestive hemorrhages. The third found axis is the complexity of the elderly
people, with limitation of access to healthcare and explorations for digestive tract. The
place of patient education is not essential for the general practitionners in this
population that they consider as weakened.
To validate the results of this study, it would be interesting to realize a quantitative