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Une salle capitulaire pour une reine: les peintures du chapitre de Sigena

May 15, 2023

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Iñaki Zabaleta
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Page 1: Une salle capitulaire pour une reine: les peintures du chapitre de Sigena

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LE,S CAHIE,RSDE

SAINT-MICHE,L DE, CI-]XA

NWII2007

MONDE ROMAN ETCHRETIENTÉS D'ORIENT

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Page 2: Une salle capitulaire pour une reine: les peintures du chapitre de Sigena

I.]NE SALI.E CAPITI]IAIRE

POURI]NE REINE:

LES PEINTURES DU CHAPITRE DE SIGENA'

Dulce OCON ALONSOCotedrótico de Arte Antiouo v Medievol

L)niversidod del Poís Vosco/ Euskol Herrkó ]Jnibertsitoteo

Les peintures de la salle du chapitre du monastère Sainte Marie de Sigena

constituent le plus extraordinaire ensemble européen de peintures murales

des alentours de I'an 1200. La terrible agression subie par cet ensemble au

cours de l'éÉ 1936 et qui détruisit la polychromie et la luminosité originelles

n a pas réussi à estomper la qualité picturale et I'intensité expressive de ces

peintures que I'on peut contempler aujourd'hui au Museu Nacional d'Art de

Catalunya (MNAC )'z.Le monastère fut fondé en ll88 par la reine Doia Sancha (1174-1208),

épouse d'Alphonse II, comte de Barcelone et roi d'Aragon (l 162-l 196)3. Elle

y prononcera ses vcux à la mort d'Alphonse et y sera enterrée en 1208. Dans

la chapelle Saint-Pierre, à I'extréme sud du transept de l'église, furent inhu-

mées à ses cótés ses 6lles Dulce - con6ée au monastère dès l'àge de sept ans et

décédée alors qu elle était encore enfant ( I I 89) -, Léonore (morte en l2l2)

et son fils Pierre II - mort en l2l3 au désastre de Muret -4. Linstitution

fut confiée à I'ordre de I'Hòpital-Saint-Jean-de-Jérusalem qui était d'actualité

dans la noblesse pour s'étre distingué dans la défense des Lieux Saints. Les

hospitaliers avaient été expulsés juste un an avant (1187), suite à la prise

de la ville par Saladin, et étaient venus s'installer en Europe. La fondation

de Sigena suivit de près celle du premier prieuré feminin en Occident, le

monastère de Buckland, qui avait été créé par Henri II Plantagenét en I 180

pour rassembler les diftre ntes " d.épendances, de I'ordre5.

Le monastère feminin de Sigena entourait le cloître qui s'adossait au mur

septentrional de la nef de l'église6. Sur son flanc sud se trouvaient les édifices

des frères sanjuanistes, communauté préexistante qui fut soumise à la com-

munauté feminine. La salle capitulaire, flanquant le cóté sud de la nef et non

le ransept comme il est d'usage7, occupait quatre travées de I'aile orientale

du cloître. La structure architectonique de la salle suit le modèle imposé à

l. Je remercie lrès sincèremenl Anne-Morie Coupépour lo troduction de ce texte.2- Sur l'incendie du monostère duront les oremiersmois de lo guerre civile de 193ó-ì939 et lodestruction de lo solle copituloire, J.lvt PolociosSónchez, ReolMonosterio de Síjmo. Memoriohistórico-descriptivo de los ocontecimientosocoecidos desde el ono 193ó ù 1954, Colohono,1954; J.P. Aribos Solobeni, Historb de Siieno,Lérido,l975. En 193ó, on réoliso une premièrecompogne de restourolion des peintures dirigée porJ. Gudiol. Au cours de l'instollotion ou MNAC, lesporties perdues furent remplocées por des dessinsen s'oidont de photogrophies en noi et blonc queJosé Gudiol ovoit prises quelques mois ovonl lotrogédie Archiu lvlos, Borcelono). Beoucoup d'entreelles furent publiées por lui-mtme, J. Gudiol, Pinturomedievol en Arogón,Zorogozo, l9Zì. Lors d'unenouvelle compogne réoliée en l9ó0, on restouro lesoeintures du mur nord. L'inslollotion octuelle dote de1995. Voir J. Comps et lvt Poges, MNAC GuíoViswlorte romónico, Borcelono, 2OO4, 124-126.3. Juon J. Moreno (orieur ou monostère delóOB ò ló09, puis ò portir de ló14), ed l'outeurd'une oremière histoire du monoslère HierusolemRefgioso en kois vols. {Archives Diocésoines deHuesco seclion 7 -2, legoio 148 et Huesco ArchivosHistorico-Provincioles 2, 4, 8 signoture S-58,/ì1. Looremière histoire imprimée fut celle de Fr. A/orcoA. Vorón. Histoi.e de Sixeno. Hislorio del ReolMonosterio de Sixerw, 2 vols, Pomplono, 1773'1776. M de Pono, qui découvrit en l88l les peinturesmuroles recouverfes depuis le XVl" siècle, compilooussi une hisloire or) ces dernières sont décrilespour lo première fois et ossociées ovec le royoumede Jocques ll 11264-1327l,, lvt de Pono y Ruoto, ElReol Monosterio de Sonto Morio de Sièno lovecétudes coord. por . J. A. Sesmo Mufrozl,Zorogozo,2004, l3ó-143. Nous devons l'histoire moderne dumonoslère o A. Ubieto, El Reolmonosterio de Srgerofi188-l300l Volencio, ì9óó ldem, Documentosde Sigeno l, Texlos medievoles 32,Yolence,l97\ldem, Elmonosferio mixto de Sigerw, CuodernosAltoorogoneses, l, Huesco, 198ó.4. Le codovre ful tronsoorté en l2l7 oveclopermission d'Honorio lll. A. Ubieto, Docvmentos deSigena, no79.5. Une tenlolive onlérieure de fonder un monostèreféminin ò Grisén (Zorogozd en l'124, qui ouroitécorté Bucklond du oriorot, échouo. Sur lo fondolionde Sigeno et ses moiifs, A Ubieto, ElReo/ monosteriode Sgeno 0188-l3OO, Volencio, 1966,11-22K.F. Schuller, The Pictoriol Progrom oÍ the ChopterHouse of Sigeno, Ann Arbor, 1994,17-18.ó. Lo pluport des outeurs pensent qu'il estimproboble que lo construction oit débuté ovont1187-1188, quoique lvt de Pono offime qu'elle débutoen 1183. lvt de Pono, El Reol Mo rwsterio, 41. Apropos de l'orchitecÌure du monosfère, J. Gordelleq< Le prieuré de Sigeno oux XIF et Xlll" siècles: étudeorchitecturole >, Bvlletin Monumentol, 197 5, 15-28.

8lles Cohiers de Sornt'Miclpl de Cuxo, lJ.XVllL 2AO7 Dulc. OCOII ALOtlSO

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7. J. Gordelles suppose que lo situotion oberrontede lo solle copituloire s'explique por l'existence d'unechopelle primitive. Le foit que lo solle copiluloire soilvenue s'oppuyer sur cefie chopelle peut fournir un<< lerminus o quo >r pour les peinlures qui n'ouroientpos pu èlre commencées ovonl lo dernière décenniedu Xll" siècle. J. Gordelles, < Le prieuré de Sigeno >,18,22 et 26.8. Le ropport des peintures de Sigeno ovec lodernière phose de l'illustrotion de lo Bible deWinchester fut précisé por O. Pócht et por W.Ookeshot qui ossocio le style des peinlures deSigeno ovec deux ou hois de ses ortistes: le llzlosterof lhe Genesis Initiol, le lrzloster of the Morgon Leofet son ossislont, le Moster of the Gothic À4oiesty.O Pócht, ( A Cycle of English Frescoes in Spoìn >,Burlington lvbgozine, Clll fl9óì1, lóó-25; Ookeshot,W., S(geno : Romonesqve Pointings in Spoin ond theArtist of the Winchester Bhle, London, 1972 ; ldem,The Two Winchester Bibles, Oxford, 1981.9. Les similìtudes stylistiques ovec les mosoquesnormondes de Sicile incitèrent V. Corderero openser que les peintures de Sigeno ouroient pu ekel'ca;vre de peintres grecs ou siciliens. J.B. Ercuderoel V. Corderero, .lvlonosterios de Monte Arogónet Siieno ,, Bobln de lo Real Acodemip de BellosArtes de fun Fernondo. ll, 18 ,1882lr,247-5O; ldem,. Descubrimientos en el monosterio de Siieno,,Boletín de lo Reol Acodenio de Bellos Artes de SonFerrando, ll, 20 fl 8821, 318-19.lO. J'oi signolé ces ressemblonces dons un trovoilontérieur, D. Ocón, < El popel ortistico de los reinosespoflolos en lo segundo mitod del sQlo Xll : Leonorde Coslillo y Soncho de Arogón >, dons Lo muier enel orte espofol, Vlll Jornodos de Arte Deportomentode Historio del Arte < Diego Velózquez > C.S.|.C.,lhdrid,l97,27-39.ll. R.M Gosol Forgos, . Study of the originoltechnique of the woll pointings of the chopter houseof Sonto Morio de Sigeno, Spoin fl19012001, l2thTrbnnbl tvbetíng Lyon Q9 August-3 bptenber1999), lcon Commíttee f or Conservolion, 1999, ll,467- 472, sp. 469-471. En ce qui concerne le bleudes fonds, ouiourd'hui noircis, l'étude met l'occent surl'utilisotion d'un mélonoe de bleu de curvre ovtr unecouche rouge, sons dòute de lo loque.12- lbidem, 471.13. G.M. Bonós Guolis, Elorte mudéior orogonés,l, Zorogozo,1985, 312-329 ; B. Cobonero Subizo,Lo techumbre mudé:jor de h mh copitvlor delnonosterio de Síjero (Hvesco). Nuevos dotos poroel estudb de lo evolvción duronle el siglo Xll de losnodelos de tobleros geométricos de lo Aliofeíode Zorogozo,Iorozorc,2@0, sp. 34, 3ó el 54.Cette étude propose pour lo première fois unereconslitulion complète du plofond de Sigeno.

82 outceOcÓt[otSO tes Cohiers de Soint-Michel de Cuxo, y\Mvlll, 2007

I - Salle capitulaire de Sigena par Valentín Carderera. Aquarelle propriété de la Duchesse deVillahermosa.

tous les cloîtres de Sigena: amples arcs diaphragmes qui supportaient lescharpentes, composition peu courante dans les salles capitulaires espagnoleset plus propre aux enceintes civiles ou aux espaces udlitaires monastiques. Enmilieu catalano-aragonais, on retrouve ce genre de structure dans les dortoirsde Poblet et Santes Creus.La décoration picturale contribua à rendre exceptionnelle cette salle capiru-laire. Des peintres très probablement formés dans les ateliers de Winchesterou de Canterbury recouvrirent entièrement les murs périmétrau( et les arcs

de peintures qui mettent en évidence la connaissance d'un répertoire byzanti-nisant semblable à celui des mosaîques réalisées dans le royaume normand deSicile dès le milieu du XII'siècle8.

Comme le montre une belle aquarelle du peintre de HuescaValentín Carderera(1796-1880) qui eut I 'occasion de reproduire la salle en 1866 (i l l . l), la res-semblance de Sigena avec I'intérieur des édifices siculo-normands devait étrefrappantee. Comme la Martorane, la Chapelle Palatine de Palerme ou l'église

Sainte-Marie de Monreale, Sigena faisait montre d'une savente combinaisond'architecture occidentale métissée de la tradition islamique de la toirureen bois et du sryle pictural byzantin. La structure architectonique originaleintensifiait certainement la ressemblance avec la décoration en mosaique deséglises siciliennes en forgant la décoration picturale à s'adapter à un format

peu commun dans I'art roman en Espagne : la superficie semi triangulaire desdeux écoingons de I'arcro.

Linhabituelle richesse recherchée pour cette salle était parachevée par I'imi-tation du lapis-lazuli employé sur les plus riches manuscrits et par I'insertion

d'appliques dorées, probablement des étoiles ou des quatre-feuilles pour lesfonds, des disques en forme de halo pour les personnages et des moulures

polychromes pour les impostes des arcsrr. Ce procédé, sans précédent en

peinture murale espagnole, est semblable à celui qui fut utilisé dans certai-nes peintures anglaises comme celles d'une chapelle de Saint Anselme à la

cathédrale de Canterbury ou celles de la chapelle des Guardian Angels à la

cathédrale de Winchester ca. 1220t2.

Couronnait cene salle I'exceptionnelle toiture mudéjare en bois doré et

polychromé qui fut réduite en cendres lors de I'incendie (ill. 2). Sa structure,hors tradition dans I'art hispano-musulman antérieur, se serait inspirée dunon moins magnifique toit de la chapelle Palatiner3. Par contre, méme sielle importait quelque détail de l'extérieur, la décoration se basa sur I'art

par Valentín Carderera. Aquarelle propriété de la Duchesse de

Page 4: Une salle capitulaire pour une reine: les peintures du chapitre de Sigena

2 - Salle capitulaire de Sigena. Toirure en bois(phuo MNAC).

islamique local, reproduisant sur ses

panneaux les solutions géométriquesdes panneaux muraux et des jalousies

des palais de I'AIjafería de Saragosse etde I'Alcazaba de Balaguer (Lérida)'4.

Sur les parois de chacun des caissonsfiguraient des inscriptions en araberessemblant à celles de la ChapellePalatine avec des formules telles queo Dieu seul est souverain nrt. La struc-ture décorative de la toiture, avec sesnombreuses compositions étoilées,pouvait contribuer à l'évocation

d'archérypes décoratifs somptuairesislamiques à orientation théocrati-que, facilement accessibles tant auxartistes mudéjares qui réalisèrenrcette toiture qu'à leurs mécènes,

comme c'est le cas du toit du Salondu Ti"òne du palais de I'Aljafería où l'on représ€nta le globe rerresrre commeanribut de la royauté. Là o le roi al-Muqtadia probablemenr recouvert d'unecape parsemée d'étoiles était présenté à ses sujets et ambassadeurs étrangerscomme un soleil entouré de son firmament 116. Le caracrère somptuaire quepossédaient ces toits en eux-mémes, comme en témoigne le Livre d'Alexandreinvoqué par Torres Balbis'7, était compléré par des boules dorées de diversestailles suspendues par des cordes et qui, à la fagon de pendules en mouvemenr,jouaient avec les rayons de lumière tout en projetant des reflets fantastiquesdans toute la sallets.Avant sa destruction, cette salle se posait en exceptionnel exemple d'espacesomptuaire de la fin du XII'siècle ou du début du XIII'. Sa décoration larendait digne d'un monastère royal et aussi d'une reine comme dona Sanchaqui passa de longues périodes de sa vie enrourée de la cour des femmes noblesqu'il recélait avant méme qu'elle y pronongàt ses vcuxre. Le cartulaire dumonastère fournit un vivanr portrait de la forte personnalité de la reine.Thnt de la cour que, plus tard, du cloîrre, Sancha dirigea personnellement lafondation avec un gant de fer. Sa puissante infuence dut s'exercer aussi dansle domaine artistique2o.Laffinité des peintures avec le style de cerrains maîrres ayant participé à ladernière phase de I'illustration de la Bible de Winchester a induit les spé-cialistes en miniature anglaise à conjecturer, pour les peintures de Sigena, lecadre chronologique des années I 180-l 1902r. Ces dates laisseraient enrendreque doúa Sancha fut le mécène de la salle capitulaire. Nul doute qu'à cetteépoque les relations cordiales entre Alphonse II et Henri II, alliés dans leurlutte contre les seigneurs du Midi, ont pu attirer la présence de maîtres anglaisà Sigena22.Entre 1196, date à laquelle elle devint veuve d'Emmeric de Hongrie, et1209, année où elle partit pour la Sicile afin de se marier avec FrédéricII,Constance (11223), fille aînée des rois d'Aragon, résida au monasrère auxcòtés de sa mère23. Deux religieuses de Sigena I'accompagnèrent dans sonvoyage à Palerme. G. Borrds Gualix et M. García Guatas sonr parrisans d'as-socier à son patronat la décoration de la salle capirulaire. Par sa construcrion,Constance aurait désiré honorer le monastère oìr se trouvaient les restes de samère, envoyant pour cela un peintre de Sicile, soit par volonté propre, soit àI'instigation de son frère Pierre II2a.

14- Bien que lo composition générole du plolondodopte lo siruciure d'éloiles el de croix grecquesde lo Polotine, les outeurs mudéiores n'osèrent seloncer ovec leurs muqornos. Cobonero Subizo, 8.,Le techumbre mudeior... ,36, 57'67 et ó9-91. Surl'origine clossique du trocé des deux plofonds et leurodoptotion ou premier style de Somorro enke 83ó-855, B. Cobonero Subizo, lo techumbre... , 57 -61.15. B. Cobonero Subizo, Lo techumbre mudéior... ,9a-95;K.F. Schuller, Ilre Pictoriol Progrom of theChopter House of Sigeno, Ann Arbor, 1994,14O-148, sp.143'144. Au suiet du plofond de lo Polotine,Tronzo, W., The Cubures of His Kingdon. Roger llond the Copello Polotino in Polermo, Princeton, 1992,57-62.ló- B. Cobonero Subizo, Lo techumbre mudéior... ,ó3. ldem, < lo represenloción del colifo en el o*eislómico: origen y propogoción de uno imogencreodo en el orte de lo Antigoedod >, Difusión delorte romono en Aragón, Torogozo, 1996, 189-236.'17.

L. Tones Bolbos, Arte A/mohode, Nozorí yMudéior (Ars Hisponie lVl lvlodrid, ì949, 354. Donslo version costillone du début du Xll" siècle lo solleprincipole du polois du roi Porus ovoit < ... el techomuy pintodo de cordones y redesltodo de oro fino,como en Dios creedes > , E Coteno (ed.l, tr'bro deAleiondro, Modrid,1985, 277 .18. Pono, M. de, E/ Reo/ Monosterio... ,140.19. Elle étoit lo téte visible du monostère et disposoitdu privilège de désigner les prieures qui, en réolité,se trouvoient reléguées ò un second plon. Elles'occupoit des relotions du monoslère ovec le roi,ovec les nobles, ovec l'Ordre, ovec le Pope ou ovecle peuple et il n'étoit pos rore qu'elle donndt desinstructions oux prieures sur des questions de notureinlerne ou monoslère ou de protocole. Ubieto, E/Reo/monosterio... , 47'51.20. Lo reine envoie ò plusieurs reprises des mdîlreskovoiller ou monoslère, un mdùre d'oeuvre pour loconstruction d'un moulin, un mdilre pour les cs;vresde l'eglise ou un orchitecie juif oppelé Vitolus. A.Ubieto, Documentos..., docs na l0 fl19ì), n'q49 0208),n" 5ó.(ì2ì0), respectivement.2l- W. Ookeshot, Srgenq C.M. Kouffmonn,Romonesque Monuscripts 10ó61190, A Survey oflvbnuscripls llluminoted in the British ls/es, 3, London,1975, n" 83, 108-lìì; G. Zornecki, < Prophets fromthe chopter house of Sigeno >, English Art lOóó-1200, Arts Council of Greot Britoin, HoywordGollery (5 April-8 July ì894), London, 1984, ne 87,134; C. R. Dodwell, Ihe Pictoriol Arts oÍ the West80O-120O, Penguin History oÍ Art, New Hoven,1993,372-373.22. Une opproche récenle de l'époque et sesproiogonistes dons L. Mocé, Les comtes de Toulouseet leur entouroge. Rivolités, oll:ances et ieux depouvoir XIF-XIIF siécles, Toulouse, 2@O, sp.3t33.Leur relotion remontoit ò longtemps puisqu'Henri llovoit été prolecteur du royoume d'Arogon durontlo minorité d'Alphonse ll. Por oilleurs, il étoit porentde Dono Soncho de por so mère Molildo. C'est porl'intermédioire d'Alfonso ll que le neveu de Soncho,Alphonse Vlll de Costille, s'étoit morié ovec lo fillecfrnée d'Henri ll, Aliénor.23. En ovril ìì9ó Alohonse remet lo fille dnéeou monostère ovec une dole de ó.OOO sueldos.A. Ubieto, Documenfos... , 57, doc. no 22.24. G. Borrós Guolis et M. Gorcíc Guofos. lopinfuro romónico en Arogón, Zorogozo,1978, 213 ;B. Coboflero Subizo soutient lo thèse du ootronot deConsionzo. ll suppose que le plofond fut ontérieur òlo decorotion picturole étont donné que les peinturesse superposent oux oncroges des lrovoux en bois.B. Cobonero Subizo, << Lo techumbre mudéior... r>,17 ,29 y 32. Le chroniqueur du monosfère, JuonP. Moreno (Hierusolem Religioso, ll, cop. ó01 situe cespeintures en 1232. L'historiogrophie moderne n'o posoccorde de crédibilité o cette informotion ou oucundocumenl ne confirme.

les Cohiers de Soint-Mkhelde Cuxo, XXXVlll,2007 DulccOCOilAtOilSO 83

Page 5: Une salle capitulaire pour une reine: les peintures du chapitre de Sigena

3 - Palerme. Chapelle Palatine(phon : La chapelb palatinc dans lc palais drt norrunds).

25. W. Tronzo, The Cultvres.,,97'124, sp.118'123.2ó. Au suiet des fonclions de lo solle copituloire,A. Ubieto, EI reol monosterio... ,35-37 .27. A. Ubieto, Documentos... ,58-5? doc. 25 fl19ó).28. D. Ocón, < El popel ortístico... >, 3ó; voiroussi K. Schuller, < Shoping the Socred Spoce ondInsiintionol ldentily in Romonesque Murol Poinling >,Essoys in Honour of Oto DenuslE.A. Dole withJ. Mitchell eds.), London, 1204, 245'256.29. E. Morcos Hierro o révisé le récit de Jocques l,Gónico o llihre dels Feits, Borcelono, 1982, 41-42, qui offirme que son grond-père Alphonse llovoìt sìgné un lroité ovec l'empereur de Byzoncepor lequel il s'engogeoit ò épouser Eudoxio, cequi occorde crédil ò l'existence d'une premièreollionce byzontino-cotolone, E. Morcos, Hieno, DieByzontinisch-Kotolonischen Beziehungen in 12. und13. Johhundert unter Besonderer Berúcksichfigung derChronik Jocobs I von Kotalonien-Arogoq Múnchen,199ó. so.54.30- D'oorès Schuller. ò lo différence d'oulres sollescopituloires, ò Sigeno on ne mil pos en e;vre deprogromme complexe de lype ollégorique mois unprogromme nonotif que le besoin d'instruie desreligieuses le plus souvent loques et sons formotioniustifioit, K. Schuller, u The Pictor'nl Programm... >,lB4-188.

La présence de deux reines au monastère - trois si I'on compte la présence de

Marie de Montpellier, épouse de celui qui était alors roi d'Aragon, Pierre II- lors de la dédicace du temple en avril 1208, suggère qu en dehors des fonc-

dons propres à un endroit de ce genre, la salle capitulaire de Sigena ait pu

remplir éventuellement une fonction somptuaire. Étant donné le caractère

polyvalent qui caractérisait les espaces monastiques au Moyen Age, cerre

fonction ne s'en trouvait pas déphasée. W. Tionzo a étudié le double emploi

fait de la Chapelle Palatine (ill. 3) en certaines occasions comme le jour de

Noèl lorsque, après la cérémonie religieuse qui commémorait la naissance

du Messie, I'espace de la nef se transformait en salon de réception oìr Roger

II était salué en tant que vicaire du Christ sur son tròne situé à I'extrémité

occidentale25. Malheureusement, nous ne possédons pas un tel témoignage

illustrant l'éventuel usage fait de la salle capitulaire de Sigena comme cadre

des réceptions des reines de la maison d'Aragon26. Par contre, nous disposons

d'un témoignage indiquant que les membres de la maison royale jouissaient

d'un statut spécial dans ce monastère étroitement lié à la monarchie comme

le prouve le fait qu'avant la réorganisation des Archives de la Couronne

d'Aragon par Jacques II, il s'y trouvait des archives comptant parmi les plus

importantes du royaume. Dans une lettre d'octobre 1196, Sancha spécifiait

à la prieure Béatrice de Capraria qu'elle devait faire une exception avec les

personnes de sang royal au sujet de I'interdiction générale des laits d'assister

au chcur des religieuses et citait expressément sa fille Constance2T.

Latmosphère obtenue dans cette salle splendide qui évoquait le presdgieux

art bfzantin et les ensembles siculo-normands, s'accorde avec le moment de

projection internationale que connait le royaume d'Aragon et sa politique

d'alliances dynastiques28. Si en I173 Alphonse II réussissait à s'établir dans

le marquisat de Provence gràce à I'aide d'Henri II, le mariage de Marie

de Montpellier - fille de la princesse bfzantine Eudoxie Comnène et de

Guilhem VIII de Montpellier - avec Pierre II en 1204 permettra à ce dernier

d'accroître son contròle sur le sud de la France. Ce qui ferait peut-étre aussi

aboutir un éventuel souhait du défunt Alphonse II d'obtenir une alliance

avec le puissant empereur de Byzance Manuel I Comnène, entreprise qui, en

son temps, semblait avoir échoué2e.

DÉCORATION PICTUMLE DE II\ SALLE CAPITULAIRE. LASÉRIE DEs GÉNÉALOGIES

La salle du chapitre de Sigena fait partie d'un groupe restreint de huit salles

capirulaires antérieures à, 1250 dont la décoration picturale nous est parvenue(ill. 4). Cinq d'entre elles correspondent à la seconde moitié du XII'siècle

ou début du XIII' : celles de I'abbaye de Brauweiler, de la cathédrale de'Worcestet

de la cathédrale du Puy, du monastère de Lavaudieu (Vallis Dei)

et du monastère de Sigena. Parmi elles, c'est celle de Sigena qui en constitue

I'exemple le plus complet.

Comme pour la plupart d'entre elles, le programme pictural de Sigena assem-

ble des scènes de I'Ancien et du Nouveau Testament3o. Celles du Nouveau

Testament occupèrent ici les murs de la salle capitulaire en un parcours qui,

allant du nord au sud, résumait I'histoire du salut depuis l'Incarnation jusqu'à

I'Anastase. Les écoingons des arcs diaphragmes furent consacrés à un rycle de

I'ancien Testament orì prédominent les scènes de la Genèse qui occupent deux

arcs complets, tandis que les trois autres contiennent des épisodes choisis des

vies de Noé, Abraham, Moise et David. Ces peintures, qui sont probable-

ment parmi les plus érudiées de Sigena, sont aussi celles qui montrent le plus

les Colriers de Soint-Míchel de Cuxo, yJJVlll, 2007

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4 - Salfe capitulaire de Sigena avant aoùt 1936 (phon: MNAC).

d'affinité avec les miniatures préliminaires des psautiers anglais. Se basant surla proximité iconographique de la plupart de ces scènes avec les représenta-tions préliminaires du Grand Psautier de Canrerbury (8.N. lat. 8846), à quiI'on attribue des dates oscillant entre I180 et 12003r, F. Probsr conclut qu'ildevait étre utilisé directement comme modèle par les arrisres de Sigena32. Cemanuscrit, qui fait état d'une grande liberté vis à vis de ses protorypes, setrouvait dans le royaume d'Aragon au XI\I siècle oir un peintre italianisantcompléta ses illustrations à partir du psaume 98. La question qui se pose alorsest : depuis quand y était-il ? Il s'agir de I'un des mystères qui planent sur cemanuscrit. Nous ignorons qui commanda ce dernier, mais le luxe avec lequelil fut décoré semble bien indiquer que cette acquisition excepdonnelle dutétre faite par une personnalité disposant d'un grand pouvoir d'achat. Peut-étre fut-ce une commande des rois d'Aragon ou un présent regu d'un hautpersonnage anglais ? Qui sait, peut-étre Henri II lui-méme ? Évidemment,le sryle de ce manuscrit devait s'ajuster au goùt artistique manifesté par lespromoteurs qui avaient su attirer en Aragon des peintres de la taille de ceuxqui décorèrent la salle capitulaire. Mais comment s'expliquer qu'une tellepièce soit arrivée inachevée ? Cela ne serait logique que dans la mesure oirles artistes nécessaires pour terminer le travail eussent été envoyés au mémemoment. Étant donnJ qu à Canterbury il n'est resté aucun autre exempleréalisé dans le méme style, on pense que le psautier fut illustré par des peintresitinérants33. Peut-on envisager qu'une méme équipe de peintres ait apporté sacontribution eu texte déjà copié mais oir I'enluminure n'était pas terminée etque, tout en achevant cette dernière, elle se soit dédiée à réaliser les peinruresmurales de la salle capitulaire ?34Les exuémités les plus proches du faîte des arcs de Sigena, oir il est presqueimpossible de représenter des personnages, furent décorées avec de luxuriantsmotifs végétaux et un riche répertoire animalier qui semble s'étre inspiréd'un quelconque bestiaire, probablement anglais. Ce répertoire, méme s'ilpeut avoir eu une signification religieuse, se trouve fort adapté aux goùts deI'aristocratie de l'époque35. On peut observer sur les peintures murales d'unesalle du Monastère de San Pedro de Arlanza (Burgos) des représentationssemblables extraites des bestiaires, lesquelles ont aussi été réalisées vers 1200.Bien qu originairement I'on crut que cette salle pouvait avoir été la salle ca-

les Colríers de So int-Micfel de Cuxo, yt/Ml, 2007 ù,lc.ocÓlAtoî{So 85

31. W. C lvt Woslefeld, K. Von der Horsf, etW. Noel dolent le monuscril enlre ll80l200,W C.lvt Wúlefeld (en coopérotion ovec K. Vonder Horst, W. Noell < Cotologr.re >, dons 7leUrecht Psher in Medbvol Ar| Picturing tle Pmlmsof Dovrd lK. Von der Horst, W. Noel et W. C. lvtWustefeld eds.), London, l99d 240. Dons l'étudequi occompogne lo récente édifion du focsimilé,N. Morgon incline pour lo période ll80-lì90.N. Morgon, < El soherio onglo-cotolón. El frogmentode Conterbury >, en hlterio onglocotolón. Volumende estudios, Borcelono, 2@6, 12 et 37 .32 F. Probst, F. Die Wondmolereien in Kopitelsooldes Klosters S. Morio in Srbeno (thèse doctoroleinditel Friedrich-Wilhelms Universitat, Bonn, 1985.Les ressemblonces enhe le Psoutier de Conterburyet Sigeno ont déjò été observées por lvt Schopirodons lo critique ò W. W. S. Cook et J. Gudiol,Hnturo e imoginerío romónicos lArs Hisponioe, volVl, lr4odrid. 1950); M. Schopiro, < Pinturo romónico,lmoginerio romónico lArs Hisponiog vol. ó1, dons< The Literoture of Art >, The Burlhgton lvhgozine,XCV n952), l8ll82; W. Ookeshot offirmoit deson cóté en 1972: (... sometimes il looks os if thehighly monnered lvloster in thot book hod been otSigeno... >, W. Ookeshol, < 59eno..., 104.33. W. C.lvt Wustefeld, < Cotologue r, 240.N. Morgon signole lo proximilé ovec les mdrtres de loBible de Winchesler et spéciolement ovec l'Amolecitelr4oster. N. Morgon, < El solterio onglocololón... >, 34.lden, Eorly Gothic monuscripls fll90-1250),1982, n.l.34. F.P. Venié pense que ce monuscrit o d0 ttredestiné ò Sigeno, F.P. Verié, c [o polílico ortíslicode Pere el Ceremoniós >, Pere el Cerenonios y h*vo époco, Borcelono, 1989,177-179;R. Alcoyse pose les mèmes questions que ie pose ici donsson élude sur les miniolures golhiques du Psoutierde Conterbury R. Alcoy. < Ferrer Bosso y el solterioonglo-cotolon > dons Solterio ong/ocotolón..., 59-ó1.35. Sur lo possible significolion de ce répertoireossocié oux scènes de l'Ancien Testoment quil'occompognenl voir K. F. Schuller, The PictoríolProgrom... ,l2'l'139.

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3ó. W. Cohn, < The Frescoes of Son Pedro deArlonzo >, The Aoisters. Studies in Honour ol theFiftieth Annivermry, Mehopoliton Museum ol Art,New York. 1992, 87-10937. Sur ces peintures, M Azcórote Luión, lospinturos muroles de /os iglesios de Son Justo y SonClemente de Segoviq Segovio, 2OO2, lls. 121-129.38. V. Czerniok. << Les oeinlures muroresde lo chopelle de I'oncien logis obbotiol deMoissoc. Un exemple méridionol de l'influencedes Plontogenét Q >, Mémoires de lo SociéléArchéologique du Midi de lo Fronce, Lxlll {20031,7 5'88. so.87 .39. V. Czerniok, < Les peintures muroles... >, 82-88.40. D'oprès N. Morgon, lo serie lo plus vosle dereprésentotions de tétes de slle byzontin réoliséespor les ortisles de Wìnchester. N. Morgon, < So/terioonglocololón... >, 53 y n. 39.41. Schuller, The PictoriolProgrom, 73. Commel'indique Schuller, les portroits < perdus > prendroientporfoitement ploce dons l'espoce résultonl de loionction des houteurs de lo console et de l'obsurdeespoce en blonc qui existoil enhe celle-ci et lesportroils inférieurs subsistonts, comme on peut leconsloler sur les photogrophies prises en ì93ó.42. Fuentes y Ponte, J., Memorio histórico-descriptivo delSontuorio de Sanlo Morío de Siieno,Lérìdo, l89O T. ll, p 90. Les portrorts repeints sont:locob,/ludos et Judo,/Phores sur le oremier desorcs ; Ezequios,/lr4onosses el lv'lonosses,/Anon surle second [evi, Melchi y Zorobobel sur le lroisième;Cosom, Elmodom y Booz sur le quolrième. Onconslole que d'outres relouches ont été foites sur lesporties inférieures de cerloines scènes de l'AncienTestomenl représentées sur les orcs. Elles concernentprincipolement les éléments végétoux, les pieds despersonnoges et le bos des vèlements.43. Ookeshot, Sigeno, T 4 ; Schuller, Ihe PictonolProgrom, 72'7 6 et oppendice 3, 250-252. tecycle complet des oncétres du Christ d'oprèsl'hvoothèse de Schuller se liroit du Nord ou Sud (ence qui concerne lo numérotion des orcs) et d'Est enOuest ò l'intérieur des orcs : Premier orc: ll:g,oc/locob), locob,/ludos, JudolPhores, Phores/Esrom,Esrom/Arom, Arom,/Aminod, Aminodob/Nooso,Nooson/Solmon / /.Solmon/ Booz,.BoozlObeth,Obeth/lesse, lesse/Dovid, Dovid,/Solomon,Solomon/Roboom, Roboom/Abion, (Abiom/Aso).Second orc : l,AchozlEzequiosl, Ezequiel/lr4onosses,lrzlonosses/Anon, Anon/losion, losios/lechonio,lechonios/Solot, Solothiel,/Zorot 7or o6obel/Abv;r // Abuir/Eleochi, Elechim/Azor, Azor/Sodoch, Sodoch,zAchim, Achim /Elivt, Elivr /Eleozor,EleozorlÀrlothon, ú\4otton,/locobl. Troisième orc :Gli ?1, Levi, Melchi, lomne, loseph. lrlothothie,Annos, Noumm // Nogge, Semei, loseph, ludo,lohonno, Reso, Zorobobel, Solothiel ?). Quotrièmeorc: Addi ?1, Cosom, Elmondom, Her, lhesu,Eliezer, forom , Symeon / / lono, Eliochim, Mthon,Dovid, lesse, Obed, Booz, (Solmon). Cinquièmeorc: lMoson ?) Aminodob ?l (Arom ?1, locob,Ysooc, Abrohom, Sem, Noe,/,/ Arfoxoth, Lomech,lv'lothussoloe, lv'lololeel, Coinom, Enos, Seth, Adoml.llo grophie est celle des < tituli > de Sigeno).44. Dons le cos de l'lotthieu, por exemple, on ouroilomis ou moins quolre personnoges entre Aso elAchoz, ef dons celui de Luc, sepl personnoges enlreAbrohom et Arofoxot. Ce dernier personnoge, siluéou fdîîe du cinquième org est déplocé cor il devroitse trouver immédiotement ovonl Sem suivont le lexlede l'Evongile.4ll. Ces tituf ont élé éfudiés por W. Ookeshot quiconclut que le rubricolor présentoit de grondesoffinités ovec celui de lo Bible de Wìnchester. W.Ookeshol, Srgeno; idem, < The Sigeno Pointings ondthe Second Stvle of Rubricotion in the WinchesterP}ible >, Festschrift Otto Pocht, hlzburg, 1972,90-98.

pitulaire du monastère, on considère aujourd'hui qu elle dut étre associée auculte du fondateur mythique de la dynastie casdllane, Fernín Gonzalezs6.Pour enchaîner les deux cycles, celui de I'Ancien et celui du NouveauTestament, on représenta les ancétres du Christ sur les intrados des arcs.La série des généalogies de Sigena constitue un ( unicum o dans la peintureespagnole. On ne dispose dans cette ultime phase de I'arr roman que d'unautre exemple pictural oir sont représentés les ancétres du Christ. Il s'agit despeinrures de la voùte de San Clemente de Ségovie qui, de fait, relèvent d'uneiconographie bien différente37. Les ancérres du Christ y sont intégrés à unfubre de Jessé tout comme ils sont représentés sur les peinrures de la voùtede I'abbatiale de Moissac, peintures que Virginie Czerniak suppose avoir éréréalisées par plusieurs des maîtres ayant travaillé à Sigena38. Les peinturesauraient probablement été réalisées en concomittance avec la présence desPlantagenét dans le Quercy (l 188-l199) et leur promoteur aurait été fuchardCaur de Lion ou sa soeur Jeanne, mariée à Raimond VI de Toulouse aprèsson deuil de Guillaume II de Sicile3e.Gràce aux photographies prises avant la destruction de la salle on a pu inven-torier jusqu'à soixante-dix portraits d'ancétres du Chrisr, soir quarorze pararcao. Après I'incendie on a pu récupérer vingt-quatre de ces portrairs, ceuxque I'on peut voir au MNAC. Contrairement à I'avis généralement admisque la totalité des ancétres représenrés à Sigena se limitait aux soixanre-dixmentionnés par les Écritures, Karl Schuller a suggéré qu'il aurait pu y en avoirquatre-vingt (seize par arc) vu I'hypothétique disparition de deux portrairspar arc suryenue avant I'arrachage de ces derniers4r. Léventuelle détériorationcausée à ces images par I'humidité et la décomposition de la pierre auraitbien pu provoquer leur remplacement par des consoles au moment de lare-décoration de la salle capitulaire au XVII'siècle. Nous possédons la preuveque d'autres portraits situés au bas des intrados furent endommagés par cesmémes agents naturels, ce qui, au XIX. siècle, détermina le monastère à char-ger un peinffe local, Joachin Carpi y Ruata (Thmarite de Litera 1855-1910)d'effectuer des retouches qu'on peut apprécier aujourd'hui sur quelques unsdes ancétres du Christa2.Oakeshot identifia 54 de ces portraits imaginaires ; la liste fut agrandie à68 ancétres par Schuller qui apporta l4 nouvelles identifications garanriestout en proposant une recomposition des quatre-vingts ancétres dont la sériecomplète aurait probablement pu étre constituée43. Lensemble des personna-ges rep(ésentés à Sigena renvoie aux séries d'ancétres du Christ consignés parManhieu et Luc, mis à part quelques omissionsaa. Des 40 ancétres mentionnéspar Matthieu, 28 sont représentés à Sigena (Mt, l,l-16). De cette liste quicommence par Abraham et finit avec Joseph, on est sùr de la représentationde 28 d'entre eux quoiqu'il pourrait y en avoir eu 32 d'après I'hypothèse deSchuller. Leurs effigies se trouvent sur les inrados des deux premiers arcs ducòté nord; chaque représentation inclut un personnage adulte accompagnéde son fils adolescent ; elles portent au pied un ( druli , sur lequel figurent lesnoms du père et du fils séparés par les mots ( Autem genuit ,, en abrégé (soit4.G., soit A.Gen.) : n SALOMON A.G. ROBOAM ), une nette référenceau début du texte de Mamhieu d'après la Vulgate : n Abraham genuit Isaac o(ill. 5). De la généalogie de Luc (k.3-23-38), qui contient 75 noms d'ancétresdu Christ allant de Joseph à Adam, 42 (48 d'après Schuller) sont représentésseuls sur les trois arcs suivants avec leurs noms précédés de I'expression ( quifuit "

(ill. 6)at.Létendue du cycle des ancétres de Sigena n'est comparable qu à celui qui estreprésenté dans le clair étage de la cathédrale de Canterbury Qa. 1178-1207)où, selon M. Caviness, 88 personnages auraient été représentés, dont 84 cor-

8ó D'lcoOGÓtruolso les Cohiers de Soint-Michel de Cuxo, XyMlL 2007

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nnmmMffi5 - Sigena. Ancétres de la généalogie deMatthieu

6 - Sigena. Ancétres de la généalogie de

Matthieu et de Luc(photo : V(. Oaheshot, Sigena : Romanesqrc Painting in (photo : lY. OahcshoL Sigcna : Romancsquc Painting inSpain and the Artist of tbc lVinchcstcr Bibh, ilb. 77, 78, Spain and the Artist of thc Vinchestcr Bibh, illt. 91, 92,81. 82,86, 87). 96, 97, 101, r02).

respondent aux ancétres du Christa6. En opposition avec d'autres cycles occi-dentaux, à Sigena et Canterbury on n'insistait pas sur I'ascendance royale duChrist, et la représenrarion de réres couronnées y était fort limitée. À Sige.ta,seuls David et Salomon sont présentés comme des rois avec les attributs deleur condition sur le premier arc qui a uait à la généalogie de Matthieu ; surle quatrième arc, qui correspond à la généalogie de Luc, David apparaît sansattribut royal. l,a conclusion de M. Caviness selon laquelle le programme deCanterbury serait approprié pour une église monastique pourrait aussi étreapplicable au cycle de SigenaaT. Cependant, la préference pour la généalogiede Luc, oìr I'inclusion d'un nombre plus élevé de patriarches antérieurs àDavid dilue en quelque sorte la question du lignage royal, est plus accusée àCanterbury qu'à Sigena. Sur les vitraux de la cathédrale anglaise seulementhuit ancétres de la généalogie de Matthieu s'ajoutent avx 76 personnagesmentionnés par Luc. Par contre, à Sigena on opta pour un plus grand équi-libre (42-48 de Luc contre 28-32 de Matthieu). On pourrait croire qu'étantdonné les liens étroits existant entre le monastère de la vallée d'Alcanandre etla monarchie aragonaise, les concepteurs du programme cherchèrent à établirl'équilibre entre une fine attention portée sur les aspects royd et dynastiquese dégageant de la généalogie de Matthieu et I'accent mis sur la successionnaturelle du texte de Luca8.Les ancétres de Canterbury présentent d'indubitables similitudes quant auxposes et aux gestes avec les portraits de Sigena (ill. 7). Il nest pas surprenantque, de tout le cycle de Canterbury les person4ages qui ressemblent le plusaux ancétres représentés dans la salle capitulaire aragonaise soient ceux quiont été amribués par M. Caviness à des maîtres qui seraient intervenus vers1180-1207 et dont le style est proche de celui des mémes miniaturistes dusriptorium de Winchester qui ont été associés aux peintures de Sigena, leMaster of the Morgan Leaf et le Master of the Gothic Majestyae. Il s'agitde portraits empreints de la méme clarté et sérénité d'aspect classique qu'onretrouve à Sigena et dont on suppose qu ils pourraient étre associés à uneprobable diffilsion en Angleterre des propositions innovatrices de certainesreprésentations de la chapelle Palatine (ca. I140-1150)t0.Au clair étage de l'église de I'abbaye de Saint-Yvred de Braine, de I'ordrede Prémontré, I'un des maîtres qui travailla à Canterbury au cours de lacampagne dlant de I190 à 12075t réalisa d'analogues portraits d'ancétres duChrist dans un cycle mixte des généalogies de Matthieu et Luc. Les vitrauxfurent commandés par une reine d'Angleterre, peut-étre Aliénor d'Aquitaineou Isabelle d'Angouléme52.Sur les deux groupes de vitraux, les ancétres du Christ sont représentés enentier et assis sur des trónes. Ils sont généralement abrités sous des dais droits

les Cohrbrs de Soint-Mkfcl de Cuxo, y,y\XVlll, 2@7 Ddc.ocÓtruomo 87

7 - Cathédrale de Canterbury Vitraux :Aminadab (photo Englirh Romnaqu Art 10661200,n.99.

{ó.lvt H. Coviness, lvt, Ihe Eoly Stoi,ned Glossof Conterbury, circa 1175-1220, Princeton,1977 ,10715; idem, ( Stoined Gloss D dons EnglrshRomonesque Art... , 137 ,145 y n" 94o y 94b.47. MH. Coviness, The Eorly Stoíned Ghss... ,109. On peul en kouver un outre exemple dons losuppression de toul symbole royol sur les oncttres del'orbre de Jessé du relief du clc,'rrre d'un monostèrecomme Silos. Celo tronche ovec lo orésence deDovid et Solomon couronnés et moonifiés sur l'Arbrede Jes# du porleluz du Pórtico de É Glorio, e:vresituée dons une cothédrole devenue ponthéon royolou cours du dernier ouort du Xll" siècle./[8. A. Sicort, Los pinturos de $ierplCwdernos deArte Eswfrol, 391, À4odrid, 1992, 24.49. M H. Coviness, The Eorly Stoíned Gloss... ,55-ó1.50. Comme le porlroit de Sonliogo du lronsept,lvtH. Coviness, The Eorly Stoired Gloss,ll5, 1/..77 ,79.51. Le progromme d'oncétres ful recomposéMH. Coviness, < Rediscovered Gloss of Aboufl20O from the Abbey of Soint-Yved of Broine >,Corpus Vitreorum . lielected Popers fron the Xlthlnternotionol Colloquiun oÍ the Corpus Vítrarum,New York, 1985,34' 47.52 M H. Coviness, c Redirovered Glos... r, 44el n. 51. Sur lo chronologie de Soint-Yvred voir oussilvtH. Coviness, c Soint-Yved of Broine: The PrimorySources for Doting the Gothic Church >, Speculum,59 fl984). 524-548.

Page 9: Une salle capitulaire pour une reine: les peintures du chapitre de Sigena

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ou dotés de diverses formes d'arc53. Si les artistes qui décorèrent la salle

capitulaire de Sigena avaient présents à I'esprit les vitraux de Canterbury

Guvres qu'ils connaissaient sans doute étant donné la formation qu'on leur

suppose, il est permis de penser qu'ils aient restreint les figures au modèle du

buste afin de ne pas perdre le caractère monumental de personnages prévus

pour occuper les cases relativement exiguès des intrados des arcs de la salle

capitulaire, beaucoup plus petits de taille que les panneaux de Canterbury ou

de Saint-Yvred de Braine. Nul doute que les peintres anglais de'$Tinchester

et Canterbury connaissaient la formule du portrait en buste, la plus répan-

due dans l'art occidental pour représenter les ancétres du Christ. Certaines

initiales de la Bible de Winchester qui renferment des bustes, comme c'est Ie

cas de I'initiale des Lamentations de Jérémie (fol.169r) attribuée au Master

of the Morgan Leaf (ill. 8), renferment ce rype de portrait qui peut avoir dé-

coulé d'un contact direct avec les mosaiques siculo-normandessa. Le mariage

de Guillaume II avec Jeanne Plantagenét, célébré dans la chapelle Palatine

de Palerme le 13 fevrier 1177, et ses préparatifs pourraient avoir fourni au

maître anglais d'excellentes occasions de connaître de première main quel-

ques-unes des impressionnantes représentations de cette chapelle comme le

buste du Christ Pantocrator de I'abside centrale, les magnifiques bustes de

Paul et André des absides latérales (l 158-1 162 ?) et bon nombre de bustes de

prophètes et patriarches55. C'est précisément dans ce domaine, celui des rypeshumains de prophètes et de patriarches, où le Morgan Master se rapproche le

plus de ses sources byzantinest6. Le traitement classique réservé aux portraits

des ancétres de Sigena avec leur monumentalité antiquisante, I'intensité psy-

chologique qui s'y manifeste les rapprochent des cuvres maîtresses de I'art de

la fin du XII'siècle. Les personnages se présentent de trois-quarts, dans des

poses très naturelles avec la téte légèrement tournée ou inclinée. La formule

du buste de trois-quarts n est pas le seul trait constitutif qui fait se diftrencier

les ancétres des vitraux de Canterbury et ceux de Saint-Yved de Braine. À

Sigena chaque personnage se trouve individualisé par un encadrement qui a

beaucoup plus d'importance qu'il ne semblerait de prime abord, vu que ce

dernier transforme le concept de portrait et la fagon dont il se présente au

specrareur. À l" diff.t.nce de ses homonymes de Canterbury I'encadrement

rectangulaire qui entoure les ancétres de Sigena n isole pas le personnage et

ne contribue pas non plus à renforcer sa dignité ; il contribue au contraire à

I'animer, donnant I'impression qu'on est face à un fragment de réalité visuelle.

Cela lui confère une forte présence et supprime la distance qui le sépare du

spectateur. On dirait que se concentre ici tout le savoir classique du portrait.

Le cadre rectangulaire contribue à accentuer l'évocation de la peinture clas-

sique de chevalet - alors disparue - dont les formules survécurent comme,

par exemple, dans certaines miniatures carolingiennes, par exemple dans les

portraits des évangélistes des Évangiles du Couronnement (Vienna, Veltliche

Schatzkammer der Hofburg, fol 178v, fin du MII'siècle) (ill. 9) où I'image

tend aussi à transpercer le cadre tout en acquérant une vie propre et en créant

une sensarion de tridimentionnalité.

Un protorype de portrait très proche de ce que nous trouvons à Sigena fut

cultivé dans la miniature byzantine de la fin du XII'siècle. On peut l'obser-

ver dans I'un des rares Livres des Prophètes, I'Oxford New College 44 de

la Bodleian Library (ill. 10), un manuscrit illustré à Constantinople à une

époque proche de la date présumée de réalisation des peintures de Huesca57.

On ignore tout de I'identité de ses propriétaires et de la date de son arrivée en

Angleterre, I'unique renseignement sùr dont nous disposons est qu'en 1558 il

appartenait à Reginald Pol et qu'il se trouvait làt8. Dans ce manuscrit, les textes

des prophètes sont précédés d'un portrait de chacun d'entre eux représenté

8 - Bible de \linchester. Initiale du fol. 169r

Qthom : V Oaheshot, Sigena : Romanesqac Painting inSpain and thc Artb oflYinchcstî Bibbr.

5il. M. H. Coviness situe les personnoges encodrésdons un orc de Soint-Yvred, ceux qui roppellentle plus Sigeno, dons lo compogne co119Q-12O7,M.H Coviness, < Rediscovered Gloss... >, 42.54. Les busles des prophètes inclus dons les iniliolesde lo Bible d'Avilo, monuscrit portiellemenl illuské enliolie et quì se trouvoit en Espogne dons lo secondemoilié du Xll" siècle. se orètenl eux oussi ò élrecomoorés ovec l'initiole de lo Bible de Winchester.Ces illustrotions réolisées vers lì50-lìóO oor unotelìer ìtolien oroche de celui oui o réolisé certoinesbibles ombrio-romoines, telles lo Bible de Turin[Archivo Copitolore, cod. 332) ou lo Bible de Trente0Museo Dìocesono, cod. 32ól relèvent oussi decouronls byzontins, mois elles sonl loin de posséderle ton grondiloquent des portroits de Sigeno ef sonclossicisme résolu. E.B. Gorrison, < The Avilo BibleMoster >, Studies in the History of MedievolltolionPointing, lY, London,'19ó0, 59-72. Lo représeniotiondes oncèkes du Christ en six poges qui suit lotrodition des tobleoux généologiques, opportient ouxodditions espognoles voir n. ó4.55. On o pensé que pour le Pontocrolor situé sousJérémie on s'étoit ìnsoiré de ceux de Cefolù et delo Polotine, W. H. Ookeshot, Srgena.., ll2. Sur Iesbusles des obsides loléroles de lo Polotìne. Demus,Ihe Mosoics of Normon Sicily... ,58 ; E. Kitzinger,< The Mosoics of the Copello Polotino: An Essoy onthe Choice ond Arrongemenl of the Subjecls >, ArtBulletin, 284, n. 88 et 288 ; E. Borsook, Messogesin Mosaic.The Royo/Progrommes of Normon Sicily080-n8n, Oxford, ì990, 4l et i\|s.39,43, 44, 45.Demus et Ayres considèrent que ce Ponlocrotors'opporente plus por son expression ò celui deMonreole, O. Demus, Ihe Mosoics of NormonSici/y, London, 19 49, 128 ; ldem, Byzontine Art ondthe West, New York, 1970,15a'155 ; LM. Ayres,< The Work of the Morgon Moster ot Winchesterond English Poinfing of the Eorly Gothic Period >, ArlBu//etrn, LVI 1197 4ir, 2Ol-223, sp. 2ló. L'ossimibriondu style tordo-comnène détectée chez le MorgonMoster o induil ò envìsoger lo possibiliié qu'il oit toutou moins pu conndrlre les dessins préporoloires desmosoiques de Monreole flì80-1190/93), L.lvt Ayres,< lhe Work of the Morgon Moster...>>,220.5ó. L.M. Ayres, < The Work o[ the MorgonMoster... >, 215-21ó.57- Ce monuscrìt ressemble ò un oe ceux ouTopkopi et ò un outre du Monl Alhos. J. Lowden,lllumínoted Prophet Books. A Study of ByzontineMonuscripts of the Moior and Minor Prophets,Unìversily Pork ond London, 2ó-32. C. Hoffmonn( ed.l,Ilre Yeor l2o1.The Cotologug New York,1979, n 293.58.\bîden,32.

BB DulceoGÓlA[ol{So f es Cohiers de Soînt'Michel de Cuxo, XMVlll, 2N7

Page 10: Une salle capitulaire pour une reine: les peintures du chapitre de Sigena

:ag{.-iail. jpT,;ji.,€rc crrrr p|i rty,.qie -p í t.a7r7 alr r . - t o . t r r ? * ' ?> . r r . . - - - -l0 - Oxford New College 44 (Bodleian Library).

Jérémie (photo : J. Loudcn, Illuminatcd Prophet Booh).9 - Évangiles du Couronnement de Vienne.Saint Jean (photo: C. R. Dodwell, Thc PictorclArts ofthc \Vcs 800-1200, ill. 4).

à mi-corps et s'inscrivant dans un carré de 7,5 cmx7,5 cm. Comme dansles portraits de Sigena, les personnages du manuscrit de I'Oxford Collegeenvahissent le cadre de la peinture comme s'ils voulaient en sortir. En faveur

des peintures de Sigena, force est de reconnaître que les généalogies fontmontre d'un plus grand éventail de rypes humains face au caractère restrictifobservé en ce domaine dans les portraits des prophètes de ce manuscrit. Lespersonnages de la généalogie de Luc se distinguent aussi par une plus grandevariété de gestes de la main. La formule la plus utilisée dans le livre d'Oxford

est celle qui caractérise les prophètes, avec un ou plusieurs doigts tendus àI'horizontale. Ce geste réthorique, qui symbolise I'enseignement et que parta-gent donc les prophètes et les maîtres dans le langage de I'image, se retrouveà Sigena sur certains portraits d'ancétres comme ceux de Nagge, Syméon,Iesse, Gnos ou Er (ill. ll)te. Sur certains portraits les mains pointent vers lehaut, suivent la diagonale ou se retournent méme sur le personnage, tendant

soit I'index et le majeur, soit I'index et I'auriculaire, suivant des formulesrappelant celles qui sont habiruelles sur les prophètes des miniatures commeResa, Iacob ou Obed. Le fait que ces personnages pointent plus d'un doigtest un signe évident d'autorité ou de magistère. D'autres signalent le hautavec I'index, dans le geste caractéristique de I'ordre que I'on donne, comme

chez Naum, Seth et Ioseph (ill. l2)60. D'autres enfin, comme Eliachim ou

Semei, lèvent la main avec la paume retournée, ce qui traduit normalement la

disponibilité ou I'acceptation. Ce répertoire de gestes n'épuise pas la gammeutilisée pour les ancétres de Sigena. D'autres expriment la douleur ou le poidsmoral qui les accable soit en se soutenant la téte avec la main (Nathan), soiten inclinant Ia téte et se posant la main sur la joue (Ysaac), soit encore en setenant le menton avec la main (Mathatie) (ill. 13)6'.Il n'est pas impossible que les artistes ayant réalisé les peintures de la salle

capitulaire aient pu connaître un quelconque livre de prophètes, étant donné

que deux de ces rares livres se trouvent aujourd'hui en Angleterre, mais onne peut en ètre absolument certain62. Quoi qu'il en soit, autant les portraitsde Sigena que ceux du Livre des Prophètes d'Oxford émanent de la méme

tradition du portrait de chevalet que I'on remarque dans les icònes byzantinsde la fin du XII'siècle orì se manifeste I'art le plus humanisé et aimable de la

période comnène. On retrouve aussi la présence, à la fois intense et proche,qui se dégage de ces portraits dans quelques portraits-bustes des prophètes etpatriarches de Palerme, dans les ancétres de Santa Maria Nuova de Monreale

les Cohiers de Soínt-Michel de Cuxo, )OXVlll,2007 tlulcc OCOI{ AtOttSO 89

- Sigena: Syméon (photo MNAC).

l2 - Sigena :Naum (photo MNAC).

13 - Sigena: Mathatie (photo MNAC).

59. F. Gornier, Le longoge de limoge ou MoyenAge. Significotion et synbolique, Poris, 1982, ló5-r80.6o. hidem,167.óI. lbrdem, l8ì.ó2. ll íogit du monuscrit Oxford new college 44et d'un frogment de six feuilles (Bodleion Librory,I.lnf .2.12ì, J. Lowden, llluninoted Prophet Boo,(s...,20 et32.

Page 11: Une salle capitulaire pour une reine: les peintures du chapitre de Sigena

l4 - Grand Psautier de Canterbury (Paris, B.N.,ms. lat. 8846) (Dhoto: M. Mohiro).

óÍl- Melchisedec et Abrohom de chooue cóté dupresbytère de Cefolu, E. Borsoock, Àllessoges inMosoic... , Oxford, l99Q ilk l0-ìì; Somuel, Micohet Joshuo de lo chopelle sud de Polerme, ibidem,ill 43; oncéfres des soffites des orcs du tronsepl deMonreole, ,;brdem, ills. 93. 96, 98,99.ó4. Lo survivonce de l'héritoge clossique qui ypolpite pourroit expliquer lo ressemblonce desposes el gestes enke ces portroils d'oncélres duChrist et ceux sous forme de médoillon des tobleouxgenéologiques des illustrolions du commentorrede l'Apocolypse du Beotus de Liébono. On ovoulu voir comme oossible onlécédent de cesiobleoux les successions de porlroits qui, selonPline, commémoroient les oncèlres dons les moisonsromoìnes. Willioms, J., The lllvstroted [botus, London,199 4, Î. 1, 57' 59 ; \N. Neuss, Die Apololypsedes Heiligen Johonnes in der Allsponischen undAltchristlichen Bible-illustrotion. Dos Problen derBeotus - Hondschrfte4 Munster in Westfolen,

'|931,

il9-25.ó5. K. Weitzmonn, The Monostery oí SoinlColherine ot Mount Sinoi Ihe lcong l. Fron the Sixthto the Tenth Century, Princelon, 197 6, lO2.óó- Sur ce groupe de monuscrils, C.R. Dodwell, IhePictorbl Arts..., 284-286.ó7. Un outre évongélioire reolisé dons le mémescriptorium ca lì90 {Trier, Dombibliothek, MS

'|42)

renferme sur le folio 90u une Cruci{ixion encodréepor les bustes des Évongélistes quì surgissent d'unencodremeni coré tout ò lo focon des peintures surchevolet. lbridem, 286, ll. 287 .ó8. lbden,28ó. Sur lo circulotion d'oavres d'orlbyzontines en Europe el sur les sources propresdu clossicisme europeen de lo fin du Xll'siècle,E. Kitzinger, < The Byzontine Conkibution lo WeslernArt of the Twelfth ond Thirteenth Centuries >,Dumborton Ooks Popers, XX 19661,23-47,spéciolemenl 39-42.ó9. K. Weitzmonn, < lcon Pointing in the CrumderKingdom >, Dumborton Ooks Popers, XX n9óó),49'83, sp.57'58

90 Dulc.ocÓlAtoilso les Cohiers de Sornt'Míchelde Cuxo, XXXV\\L2NT

et chez les portraits de la généalogie du Grand Psautier de Canterbury(ill. 14)63. Tous ces exemples s'ajustent au srandard adopté dans I'art byzantinpour les portraits de prophètes et de patriarches de I'Ancien Testament,

modèle que I'on retrouve derrière les prophètes d'Oxford ou les ancétres

de Sigena6a. Cependant, le médaillon oìr s'insèrent tant les personnages de

Palerme ou de Monreale que ceux du psautier atténue I'impact du portrait et

accentue son caractère somptuaire. Quoique d'origine classique aussi, I'image

en médaillon est semblable à celle des portraits qui entourent le portrait de la

Vierge, du Christ ou d'un sainr dans les icònes que W'eitzman Air dériver desencadrements émaillés6t.

Latelier de I'abbaye bénédictine de Helmarhausen, transformé à l'époque du

duc de Saxe Henri Ie Lion (1129-1196) en important centre de production

de manuscrits, utilisa aux alentours de la dernière décénnie du XII'siècle

les deux formats, celui du portrait en médaillon et celui du portrait à en-

cadrement rectangulaire. On peut en observer l'alternance dans I'une des

cuvres les plus importantes issues du scriptorium, les Évangiles d'Henri le

Lion ('lflolfenbùttel, HerzogAugust Bibliothek cod. Guelph 105 Noviss. 2")

remontant à ca. 118866. Le folio l9v oir figurent les généalogies du Christ

s'inscrit dans la lignée de la formule accréditée du médaillon pour les por-

rrairs des ancérres. Lillustration occupant toute une face du folio l72r de

ce manuscrit montre en revanche un Christ en Majesté entouré aux quatre

angles de la scène par les portraits de Moise, David, Salomon et Boèce qui

semblent surgir de la structure quadrangulaire. Cette illustration fait pendant

au Couronnement spirituel d'Henri le Lion et de Mathilde figurant au revers

du feuillet antérieur. Il s'agit d'une intéressante miniature à page entière oìr

s'entremélent les portraits profanes et les sacrés ; les Ducs de Saxe y appa-

raissent accompagnés de leurs parents et le Christ des Saints - y compris

Thomas Becket, récemment canonisé, qui se trouve à la verticale d'HenriII d'Angleterre, le père de Mathilde. La. scène s'agence, comme celle de la

Majestas, avec quatre portraits et des encadrements rectangulaires. Le portrait

en buste est réservé aux personnages saints, y compris le Christ, tandis que les

laîcs sont représentés en pied67.

lr sceau profond laissé par I'art carolingien ou ottonien dans ces contrées

qui constituèrent le coeur de I'Empire pourrait sumre à expliquer I'usage de

I'encadrement rectangulaire à l'atelier d'Helmarhausen. L usage diftrent qui

en est fait et la rypologie des personnages invitent cependant à envisager la

possibilité d'une infuence exercée en ces lieux par des objets d'art byzantins

mobiliers, principalemenr des icónes, dont la circulation est accréditée avec

plus de certitude dans le nord de l'Europe qu'en Angleterre ou en d'autres

territoires européens. Dans ce sens, il n'est pas moins significatif que l'Évan-

géliaire d'Henri le Lion ait été congu pour rester ouvert sur I'autel de la Vierge

de la cathédrale de Brunswick, construite par Henri pour accueillir les reliques

qu il avait rapportées de son pèlerinage en Terre Sainte en 1172-117368.

Les portraits-buste en médaillon avaient disparu des icónes byzantines au cours

du XII'siècle et avaient été remplacés par des bustes d'aspect plus pictural.

Une icóne du mont Sinai, reconnue par K. Wietzmann comme étant I'cuvre

d'un artiste occidental ayant travaillé au milieu du XIII' siècle pour le monas-

tère de Sainte-Catherine, constitue une version oìr les bustes qui flanquent

la Crucifixion sonr dépourvus de tout rype d'encadremenr (ill. l5)6'. Sur les

mosaiques du mur sud de la nef de l'église de la Nativité de Bethléem, sous

les représentations de Conciles, des artistes byzantins réalisèrent des bustes

semblables pour celles des ancétres du Christ (ill. l6). Ces représentations,

dont la réalisation remonte à, ca. 1169, témoignent de I'introduction du sryle

pictural de l'art comnène tardif dans le royaume croisé gràce à la collabora-

Page 12: Une salle capitulaire pour une reine: les peintures du chapitre de Sigena

l4 - Grand Psautier de Canterbury (Paris, B.N.,ms. lat. 8846) (photo: M. MoLiro).

ó3. Melchisedec et Abrohom de choque cóté dupresbytère de Cefolu, E. Borsoock, lvbsnges inMosoic... , Oxford, 1990, ills l0-ll; Somuel, Micohet Joshuo de lo chopelle sud de Polerme, ibidem,ill 43; oncètres des soffites des orcs du tronsept deMonreole, r'brdem, ills. 93, 96, 98, 99.ó4. Lo survivonce de l'héritoge clossique qui ypolpite pouroit expliquer lo ressemblonce desposes et gestes entre ces portroits d'oncéires duChrist el ceux sous forme de médoillon des tobleouxgénéologiques des illustrotions du commenioirede l'Apocolypse du Beotus de Liébono. On ovoulu voir comme oossible onfécédent de cestobleoux les successions de porlroits qui, selonPline, commémoroient les oncétres dons les moisonsromoines. Willioms, J., The lllustroted bofus, London,1994,I.1, 57-59;W. Neuss, Die Apololypsedes Heiligen Johonnes in der Ahsponischen undAhchristlichen Bhle-illustration. Dos Problem derBeotus' Hondschrlte4 Múnsler in Westfolen, 1931,il9-25ó5. K. Weitzmonn, The Momstery ol SointColherine ot Mount Sinoi. The lcons,l. From lhe Sixthto the Tenth Cenfury, Princeton, 197 6, \O2.óó. Sur ce groupe de monuscrits, C.R. Dodwell, IhePict or'al Art s..., 28 4'286.ó7- Un outre évongélioire reolise dons le mèmescriplorium co. ll90 firier, Dombibliothek, MS

.|42)

renferme sur le folio 9Ov une Crucifixion encodréepor les bustes des Évongélistes qui surgissent d'unencodremeni corré tout ò lo fogon des peiniures surchevolet. lbidem, 286,'ll. 287 .ó8. lbiden,28ó. Sur lo circulotion d'oeuvres d'ortbyzontines en Europe el sur les sources propresdu clossicisme europeen de lo fin du Xll'siècle,E. Kitzinger, < The Byzontine Contribution lo WesternArt of the Twelfth ond Thirteenth Cenluries >,Dunborton Ooks Popers, XX 11966lr,23'47,spéciolement 39-42.ó9. K. Weitzmonn, < lcon Pointing in the CrusoderKingdom >, Dumborton Ooks Popers, XX 09óó),49-83. sp. 5Z-58

90 Duh. ocót{ Atoilso tes Colriers de Soint'Michel de Cuxo, Xydvlll,2007

et chez les portraits de la généalogie du Grand Psautier de Canterbury(ill. 14)63. Tous ces exemples s'ajusrenr au srandard adopté dans I'art byzantinpour les portraits de prophètes et de patriarches de l'Ancien Testament,modèle que I'on retrouve derrière les prophètes d'Oxford ou les ancétresde Sigenae. Cependant, le médaillon où s'insèrent tant les personnages dePalerme ou de Monreale que ceux du psautier atténue I'impact du portrait etaccentue son caractère somptuaire. Quoique d'origine classique aussi, I'image

en médaillon est semblable à celle des portraits qui entourent le portrait de laVierge, du Christ ou d'un saint dans les icònes que Weizman fait dériver desencadrements émaillés6t.Latelier de I'abbaye bénédictine de Helmarhausen, transformé à l'époque duduc de Saxe Henri le Lion (1129-1196) en important centre de productionde manuscrits. utilisa aux alentours de la dernière décénnie du XII'siècle

les deux formats, celui du portrait en médaillon et celui du portrait à en-cadrement rectangulaire. On peut en observer I'alternance dans I'une descuvres les plus importantes issues du scriptorium, les Évangiles d'Henri leLion ('$lolfenbúttel, HerzogAugust Bibliothek cod. Guelph 105 Noviss. 2")remontant à ca. 118866. Le folio l9v oìr figurent les généalogies du Christ

s'inscrit dans la lignée de la formule accréditée du médaillon pour les por-traits des ancétres. Lillustration occupant toute une face du foho l72r de

ce manuscrit montre en revanche un Christ en Majesté entouré aux quatreangles de la scène par les portraits de Moise, David, Salomon et Boèce quisemblent surgir de la structure quadrangulaire. Cette illustration fait pendant

au Couronnement spirituel d'Henri le Lion et de Mathilde figurant au revers

du feuillet antérieur. Il s'agit d'une intéressante miniature à page entière oùs'entremélent les portraits profanes et les sacrés ; les Ducs de Saxe y appa-raissent accompagnés de leurs parents et le Christ des Saints - y comprisThomas Becket, récemment canonisé, qui se trouve à la verticale d'HenriII d'Angleterre, le père de Mathilde. La scène s'agence, comme celle de la

Majestas, avec quatre portraits et des encadrements rectangulaires. Le portrait

en buste est réservé aux personnages saints, y compris le Christ, tandis que les

larcs sont représentés en pied67.fr sceau profond laissé par I'art carolingien ou ottonien dans ces contrées

qui consdtuèrent le coeur de I'Empire pourrait suffire à expliquer I'usage deI'encadrement rectangulaire à I'atelier d'Helmarhausen. L usage different qui

en est fait et la rypologie des personnages invitent cependant à envisager la

possibilité d'une influence exercée en ces lieux par des objets d'arr byzanrins

mobiliers, principalement des icònes, dont la circulation est accréditée avec

plus de certirude dans le nord de I'Europe qu'en Angleterre ou en d'autres

territoires européens. Dans ce sens, il nest pas moins significatif que l'Évan-

géliaire d'Henri le Lion ait été congu pour rester ouvert sur I'autel de la Vierge

de la cathédrale de Brunswick, construite par Henri pour accueillir les reliques

qu'il avait rapportées de son pèlerinage en Terre Sainte en 1172-117368.

Les portraits-buste en médaillon avaient disparu des icònes byzantines au cours

du XII'siècle et avaient été remplacés par des bustes d'aspect plus pictural.

Une icòne du mont Sinai, reconnue par K. W'ietzmann comme étant I'cuvre

d'un arrisre occidenral ayant rravaillé au milieu du XIII' siècle pour le monas-

tère de Sainte-Catherine, constitue une version oir les bustes qui flanquent

la Crucifixion sonr dépourvus de tout type d'encadremenr (ilI. l5)6'. Sur les

mosaiques du mur sud de la nef de l'église de la Nativité de Bethléem, sous

les représentations de Conciles, des artistes byzantins réalisèrent des bustes

semblables pour celles des ancétres du Christ (ill. l6). Ces représentations,

dont la réalisation remonte à ca. 1169, témoignent de I'introduction du sryle

pictural de I'art comnène tardif dans le royaume croisé gràce à la collabora-

Page 13: Une salle capitulaire pour une reine: les peintures du chapitre de Sigena

l5 - Sinai. Monastère de Sainte-Catherine. Icóne l8 - Église dela Panagiz touArahos, Chypre.avec la Crucifixion et bustes de saints (phon: Siméon (c.1 192) (photo: R. Conic, . Coppo diK. tVcinrunn, Lcs icóna, ill. p. 188). MarcouaUoi Madonru ùl bodonc... ,, fg. 4).

tion politique et artistique entre le roi Amalric (1136-1174) et I'empereurManuel Comnène, dont la petite fille Marie Comnène s'était mariée avec leroi de Jérusalem en 1167. Il est aisé de supposer que ces peinrures aient pufaire partie de I'imaginaire européen évoqué avec nostalgie par les religieuxHospitaliers lorsque, devant abandonner leurs établissements en Palestine, ilsfurent contraints de chercher de nouveaux emplacements sur le Continent.S'il est risqué de proposer que les généalogies de Bethléem aient pu se refléterdans la programmation d'un cycle des ancétres dans la salle capitulaire deSigena étant donné la popularité dont jouissait ce cycle dans I'art européen dela fin du XII'siècle, du moins y a-t-il des raisons de penser que dans I'espritdes promoteurs occidentaux il existait des liens enúe la Terre Sainte et le stylepictural bfzantin avec lequel les principaux édifices du royaume croisé de

Jérusalem avaient été décorés.La typologie des poruaits doubles, père et 6ls, de la généalogie de Matthieudes arcs de la salle capitulaire de Sigena renvoie au monde artistique de laMéditerranée orientale (ilI. l7). Mutatis muta4dis,la typologie dont dériventces personnages de la généalogie de Matthieu, correspond à celle des ViergesEleousas ; les portraits de Sigena partagent avec elles la rypologie générale etdes détails concrets tels I'inclinaison de la téte. Lart byzantin avait associévisuellement la Vierge Eleousa et le personnage de Syméon avec l'enfant. LInedes versions les plus intéressantes de par la proximité stylistique et chronolo-gique avec Sigena est celle du Syméon des fresques dela Panagia tou Arhakos,près de Lagoudera à Chypre (c. ll92) (ill. 18)?0. Comme d'autres exemplesen icòne ou en peinture murale du XII'siècle, il s'agit d'un Syméon conguen tant qu'image dévotionnelle isolée extraite de la scène de la Présentationau TempleTt. Ses traits distillent I'intensité émotionnelle de I'art qui émanede Constantinople en ces années et reflètent assez fidèlement un des canonshumains les plus repris dans les livres de prophètes qu'on produit en métro-pole à la fin du XII' siècle72. En tant que version particulière de I'art comnènetardifvis à vis des archérypes traditionnels adoptés à Bfzance pour représenterles prophètes, le stéréotype humain qui correspond à Simeón sera repris dansles réalisations occidentales appartenant à I'orbite de I'art byzantin, mais ilest plus rare qu'on adopte la solution avec I'enfant. Ainsi peut-on reconnaître

les Colrrbrs de Soint'Mkhel de Cuxa, y,XXVlll, 2007 Dulc.ocfoAtoilso 9l

16 - Bethléem. Église de la Nativité. Mosaiquesavec les conciles et les ancètres du Christ bhotoM. Gudid.

l7 - Sigena : Anon/losian et Abuit/Eleachi(photo : Vl! Oahcshot, Sigcna : Romancsqu Painting inSpain and thc Anist of thc Winchc*cr Bibh, ilk. 85 ct90.

7O. D. Mouriki, < Thirteenth Century lcon Pointing inCyprus >, The Gilfon, N.S. l-ll 11985-198ó1, 9-112,so.3l .71. R.W. Conie, u Coppo di Morcovoldo's lv'lodonnodel bordone ond the lv'leoning of the Bore-LeggedChrist Child in Zieno ond the Eost >, Gesto, XXXV/Ifì99ó), 43- ó5; Ce Siméon présente une gronderessemblonce ovec celui de lo Présentotion ouTemole d'une ic6ne de Soinle Cotherine du MontSinoi G. et M Sotriv, lcines du Mont Sr'nol; Athènes,195ó, ill.78.72. Ains| por exemplg sur le Jérémie ou le Zochoriedu livre d'Oxford lfol. ó8r y fol 28v respectivementlou encore sur l'lsoie du livre de Topkoki fiopkopi S.gr.13,Íolio275 r ). J. Lowden, lllumirated ProphetBools.., fio.93.

Page 14: Une salle capitulaire pour une reine: les peintures du chapitre de Sigena

19 - Sigena : Annos (photo: MNAC).

73. L'lsoie du mur sud des premières décodes duXll" siècle et l'lsoiè de lo coupole esl hosoiquesrefoites oorès ll5O).7l- A Sigeno, tel que W. Ookeshot l'o souligné,quelques uns des types humoins des oncètres seréoètent dons les scènes de l'Ancien Testomenl.W. Ookeshot, Sigeno,'10ì-ì04. Le iype commentédu Siméon-lsoiè se reoèle dons le Moise de lo scènede lo colonne de feu. On retrouve le méme lypehumoin chez les oncètres de lo vo0te de Moissoc,vrd V. Czerniok, < Les peiniures muroles... >, 85.75. F. Bucher, The Ponplono B;b/eg New Hoven,1970.7ó. K.F. Schuller, The PictoriolProgromm... ,76-77.77.F. Bucher, The Pomplono Bibles... , 38-4O5/-ó0. Le moîlre principol, ou mdrtre A, trovoilloduront lo oremière decennie du Xlll" siècle ouxpeinlures de Uncoslillo, Arotoiono et Artoiz.78. W.H. Ookeshot, Srgeno-, lOó.O. Pocht, ottirol'otlention, quonl ò lui, sur lo présence ò Sigenode voriontes iconogrophiques totolemenl ìgnoréesdes peintres onglois, O. Pócht, < A Cycle of EnglishFrescoes in Spoin >, lóó-25.79. Sur lo présence d'ortistes européens qui, donsles royoumes croisés, ouroient ossimilé les stylespicturoux byzontins, H. Buchtol, Miniorure Poinfingin the Lotin Kingdom of Jerusolem, OxÍord,1957 ,XXXlll et suivontes; K. Weiizmonn, < lcon Poiniing > ,49-83.80.lbidem,74.81. P. L. Vocotopoulos, < Funciones y tipologío delos iconos >, en T. Velmon ldi.l El Mundo dellcono,lvlodrid,20O3, 109150, sp. l09l4l. A portir duX" siècle les icónes étoienl siluées sur l'entoblementdes templo. Aux olentours du Xlll'siècle, les icónescochoient déio le sonctuoire. Cette tendonceotteindroiî son zénilh 20O ons olus tord sur lesoectoculoie iconostose de l'Annonciotion du(remlin, de Moscou, ovec ses rongees d'ic6nessuperposées. A cette époqug lo cinquièmerongée des iconostoses sero oppelée < ordredes potriorches > et y figureront les oncèkes deNoé ò Moise. tvt Chotzidoquis, < lkonoslos 4dons Reollexilon zu byzontiníschen Kunsf, lll, cols.32ó-353.

92 DulccocólAtollso les Cohiers de Soìnt'Michel de Cuxo, XMVlll, 2AO7

des vieillards au physique identique dans les bustes des prophètes du tambourde la coupole de la Chapelle Palatine et dans les deux Isare des mosarques deVenise73. On en retrouve à Sigena de semblables sur les représentations dela généalogie de Luc (Naum, Noe, Ioram, Abraham, Job, Iamne, Jesse ouIehesu) quoique avec quelques variantes - telles une chevelure et une barbeplus ou moins longues ou encore des coiffes - qui montrent I'adaptation desmodèles byzantins aux goùts occidentaux et aux critères esthétiques de la( variatio rTa. Adoptant le méme processus observé dans les génédogies duPsautier de Canterbury les artistes de Sigena combinent un nombre restreintde physionomies, de barbes, coifrrres, coiffes et vétements, et obtiennent desrésultats très variés.

Des portraits d'ancétres représentés en couple père et fils furent réalisés

aussi pour illustrer la généalogie de Mamhieu dans une cuvre plus ou moins

contemporaine des peinrures de Sigena, en I'occurrence la Bible de Pampelune(Harburg MS li2 lat. 4"-15) que F. Boucher situe ca. 1199-120275. Dans cemanuscrit, les ancétres sont représentés assis et tenant leur descendance sur un

genou, suivant un modèle plus conforme à la rypologie des vierges à I'enfant

gothiques qu'à celle des vierges Eleousas. Le caractère exceptionnel de cettefagon de représenter les ancétres n'est pas l'unique point de coincidence entrela Bible Harburg et Sigena; de méme que dans les peintures de sa salle duchapitre, le cycle des généalogies y établit un lien entre I'Ancien et le NouveauTestamentT6. Pour Boucher, pour qui ce manuscrit aurait pu étre réalisé parDoia Sancha, celui-ci ne serait pas à I'origine des peintures mais, au contraire,le transvasement d'infuences se serait fait en sens inverse, et ce serait Sigena

qui aurait influencé le maître principal de la Bible de PampeluneTT.

l,a connaissance de la version masculine de la Vierge Eleousa, confirme I'aÈfirmation de \7. Oakeshot pour qui les artistes de Sigena durent avoir accès àd'autres sources byzantines en dehors des mosarques de Sicile78. Le problèmeest de déterminer à quelles cuvres ils eurent accès. La circulation d'objetsd'art mobilier en Europe de la fin du XII'siècle et du début du XIII' putmettre à leur disposition tout un éventail d'Guvres, de manuscrits, d'icònes

ou d'émaux, pas forcément réalisés à Constantinople mais aussi bien dans desateliers de Jérusalem, Acre ou ChypreTe. Comme I'a observé K.

'Weitzmann,

c'est au contact de ces cuvres que des artistes européens assimilèrent le style

pictural byzantin et produisirent un nombre considérable de manuscrits et

d'icónes. Méme si les manuscrits semblent avoir été destinés principalement

à la cour, les icònes eurent aussi pour patrons de puissants ordres militaires

comme les templiers. Quoique la plupart de ces cuvres ait disparu, on peut

raisonnablement imaginer qu'un certain nombre d'entre elles doivent avoir

abandonné la Terre Sainte avec ces derniers8o.

[,a disposition architectonique des portraits d'ancétres des intrados de Sigena a

été comparée avec les rangées des portraits-médaillon superposés des arcs de la

Chapelle Palatine ou de Santa Maria Nuova de Monreale. Cependant, ce quesuggère la succession de cases sous forme de panneaux des portraits de Sigenaest plutót une succession d'icònes. La similitude se trouverait renforcée parI'incorporation d'éléments métalliques - aujourd'hui disparus mais dont fonr

foi les petits orifices que leur ancrage a laissés dans le mur - qui embellissaient

chacun des portraits (ilI. l9). Tout cela intensifierait la ressemblance de cette

atmosphère avec celle des églises byzantines. Là, au cours du Xll'siècle, se

renforga la tendance à décorer avec des icónes de grande taille le templon etles murs d'autres endroits de l'église, comme Ie naos olule nartaèI. Beaucoup

de ces icònes ont été retirées de leur lieu d'origine mais cerraines de celles qui,

Page 15: Une salle capitulaire pour une reine: les peintures du chapitre de Sigena

20 - San Pantaleimon de Nerezi : temolon(photo : T Velman (dir), Et mundo drt icon;, itt. t03).

21 - Icòne de I'ange aux chevaux d'or. Museerusse de Saint Petenbourg(phon: T Vclrun (dir), Elmundo da icono, ill. I l2).

aujourd'hui, se présentent comme des cuvres isolées doivent avoir rempli cettefonction comme c'est le cas de deux icònes de Novgorods2. A San Pantaleimon

de Nerezi (1164) on apertoit encore les saints intercesseurs de chaque còté du

remplon en marbre, ainsi qu'à l'église de Studenica (c. 1207-1208), sur le pilier

du mur septentrional de la nef (ill. 20)83. De méme, beaucoup d'icónes repré-

sentant un saint à mi-corps et mi-pro6l durent faire partie d'une Grande Deesissituée dans un epysdlion dont les autres panneaux ont été perdus, comme c'estle cas de I'icòne de I' n ange aux cheveux d'or o (ill. 2l), de la seconde moitié

du XII'siècle, conservée au musée russe de Saint-Petersbourgsa. Certaines deces figurations qui, en réalité, étaient de la peinture murale, feignaient étre

des icònes portables ; parfois, I'encadrement était simulé ou bien elles étaient

entourées d'un véritable cadre en marbre ou en stuc. Il arrivait méme qu'onimite le clou et l'anneau servant à suspendre les vraies peintures sur table.Ces icònes murales existèrent dans beaucoup d'églises de Constantinople, deKastoria, du Péloponnèse, de Serbie ou de Kied5.

La tendance à tapisser les églises d'icònes authentiques ou feintes gagna les

édifices d'orientation occidentale très influencés par les modes de I'empire

byzantin. Les colonnes de l'église de la Nativité de Bethléem firrent I'objet

d'une décoration picturale représentant des évéques latins et des vierges

Glykophilousa et Galaktotrophousa, ce qui dénote qu'elles ont pour ori-

gine une icòne bfzantine86. Le fait est que les Occidentaux eux non plusne pourraient échapper au prestige de I'icòne, à son effectivité en tant que

propagande picturale, qu'affirmation d'une vérité religieuse. On retrouve laméme tendance dans les peintures de la cathédrale du Puy (Haute-Loire) qui,

dans le centre de la France, constitue un exemple culminant de byzantinismeen peinture européenne ca. 120087. À còté des personnages aux auréolesornées de métal gaufré et entourés de cadres dorés, on retrouve sur I'impres-

sionnante Crucifixion de la salle du chapitre, ou salle des Morts, le splendiderevétement métallique de certaines icónes (ill. 22)88. Malgré les différencesiconographiques, la force expressive des peintures de la cathédrale du Puy est

très proche de celle des peintures de Sigena. On y représente d'impression-nants personnages à mi-corps, tel Isaie et Jean-Baptiste qui accompagnentla Vierge à I'Enfant sur le mur nord du porche, ou Osée, Isaîe, Philon et

Jérémie, disposés deux à deux dans la scène de la Crucifixionse.Tout comme I'ont entrevu certains historiens d'art, I'aptitude que le principal

maître de Sigena manifeste à se mouvoir avec aisance dans le monde picturalbyzantin ne peut s'expliquer uniquement par une hypothétique connaissancedes mosarques de Sicile ; d'après Oakeshot, il serait à présumer que ce maître,

les Cohiers de Soint'Mkhel de Cuxo, yJ,XVlll, 2007 DulccocÓlAfoilso 93

82. L'une de lo cothédrole de Sointe-Soohiede Novgorod où Soint Pierre el Soint Poul sontreprésenlés (2,3ó n xl,47l, de lo moilié duXl" siècle ; une outre orovenont du monoslèrede Soint-Georges et remontont ou second quortdu Xlle siècle. P.L. Vocotopoulos, < Funciones ytipologío-. >. lì2, figs.89 y 90.fXl. Comme ò Nerezi, ces imoges sont souvententourées d'un codre mormoréen ou en sluc ouiprolonge le templon. lbidem,l4O.U. hidem,fie.ll2.85. A. Grobor, Lo peinture du Moyen Age enBu/gonb Poris, 1928, 64-66 ; V. Lozoreff, Storiodelh pitturo bizontino, f urin, 1967, 222, 224.-225 ;Dons l'eglise des Soints Anórgiros {Cosme et Domien)de Kostorìo, des soints tituloires en piloshe séporenllo nef centrole de lo lolerole.8ó. B. Kohnel, Gusoder Art o( the Twelfth Century.A Geogrophicol, on Hisforicol, or on Arl HistoricolNorion ?, B€rlin, ì994, 55-5ó.87. P. Deschomps, et lvt Thibout Lo peinture muroleen Fronce ou début de lépoque gothr''qug Poris,1963,8l-87 ; R. lv'lesuret , Les peintures muroles duSud-ouest de lo Fronce du XP ou XVF siecle, Poris,l9ó2. 158159 et ìó8120.88. Ainsi reconnue por Thiollier, N., t'Architecturereligieuse ès lépoque romone dons lAncien diocèsedu Puy,LePvy, in-4q, s.d., p. ó1.O. Demus ropprochel'effet produit por celte peinture murole ò une covred'orfèvrerie {< o goldsmith's work >1, O. Demus,< Europeon Woll Pointing oround 12Co >, The Yeorl2@..,95-118, sp.99.89. D'outres bustes, des onges ici, opporoissenl surlo troverse de lo croix comme ò Sigeno, mois ils sontmorns monumenloux.

Page 16: Une salle capitulaire pour une reine: les peintures du chapitre de Sigena

90. Ookeshor, Sigeno-. , ììl-1.l3. O. Póchi, ( Acycle...>>,172. De méme, G. Borrós Guolis etM Gorcío Guotos considèrent que Sigeno exigermmonquoblemenl une expérience de premièremoin en peinlure monumenlole byzontine, G. BorrósGuolis y M. Gorcío Guotos, Pinturo romonico... ,2\391. R. M. Gosol Forgos, << Study of the originoltechnique... >, 4ó9.92.L. M. Ayres croil que ces peinlures onl étéréolisées entre ìì80 et lìBó et propose de foireun ropprochemenl ovec lo visite du potriorchede Jérusolem o Winchester ori il ouroit eu uneentrevue ovec Henri ll dons le but de solliciter sonoide pour lo défense des Lìeux Soinls el dons celuide lui remeltre les clés de lo ville. L.M. Avres. < TheMorgon Mosler... >, 213. C.R. Dod*ell ne pense posou'elles soient de ce mdrlre et oréfère en reculerlo doie jusqu'o 1190, C.R. Dodwell, < The PictoriolArts... >,372.93. K. Weitzmonn , < lcon Pointing... >,7 4-78.94.Locoro, J. M., Gonzólez Antón, L, ( Lestestoments de lo reine Morie de Montpellier >,Annoles du Midi,l9Z8 (90), ì05-ì20 sp. ll0 et n. 5.Après tout, le morioge ne fut pos dissoul et leur fils,Jocques | 11213'1276ll, succédo ò son père dons leroyoume d'Arogon.

94 Duh.ocfoAtoilso tes Cohiers de Soint-Michelde Cuxo, XXXVlll,2007

quoique anglais, ait fait une partie de son apprentissage en milieu bfzantin

plus à I'est de la Sicile, y acquérant une expérience de première main en

peinture monumentaleeo. Lutilisation, dans les peinrures de Sigena, de la mé-

thode caractéristique des peintres byzantins consistant à incorporer des 6bres

végétales à I'enduit pour conserver plus longtemps l'humidité, confirme cette

opinioner. D'après les conclusions de l'étude technique réalisée en 1996, le

dessin préliminaire des peintures des arcs et du mur sud de la salle capitulaire

de Sigena, est une synopie faite à main levée directement en ocre rouge etnon en deux étapes comme c'est le cas pour les scènes peintes de I'Ancien

Testament et les peintures de la Holy Sepulcre Chapel de Winchester attri-

buées au Maître de la Hoja Morgane2. Cela jette un doute sur I'attribution

de la totalité des peintures de Sigena à une méme équipe ou un méme

peintre. Peut-étre faut-il envisager qu'avec les maîtres anglais, ou après eux,

soit intervenu un maître formé dans un quelconque foyer byzantin oriental.

Comme I'a proposé K. Weitzmann, il n'y a aucune raison de croire que tousles peintres occidentaux ayant travaillé dans les ateliers de Terre Sainte où

ils avaient appris les méthodes picturales byzantines soient restés à Chypre

après la perte de Jérusalem; certains d'entre eux durent rentrer dans leurs

pays d'origine en emmenant leurs livres de modèles et y auront produit des

cuvres d'artel.

Les peintres qui arrivèrent en Aragon pour réaliser la décoration de cette

salle magnifique révèlent à travers le répertoire pictural qu'ils utilisent, qu'ils

possèdent une formation rypique d'artistes itinérants. Ces artistes eurent sans

doute I'occasion de se mouvoir dans ce monde de la Méditerranée orientale

qui, en dépit de la débàcle des croisés, continuait à susciter I'ambition des la-

tins. Après la perte de Jérusalem, Richard Caur de Lion conquerra et vendra

Chypre, d'abord aux templiers (l l9l) puis à Guy de Lusignan (l192) pour

compenser la perte par ce dernier du tróne de Jérusalem. A Saint-Jean d'Acre,

Pierre II enverra en 1206 des émissaires avec des propositions concrètes pour

préparer ses noces avec Marie de Montferrat, héritière du tróne de Jérusalem,alors que le pape ne s'était pas encore prononcé sur la dissolution de son

mariage avec Marie de Montpellierea. C'est dans ce contexte historique des

années immédiatement antérieures et postérieures à la perte des Lieux Saints

que fut encouragée la production et diffusion des modèles picturaux byzan-

tins dans le bassin méditerranéen et eue la décoration de la salle capitulaire

de Sigena s'explique.

22 - Le Puy. Salle capitulaire. Cruciffxion, relevé par Ciraud (photo : R. Mesuret, ht peintures murula du sudoucst dc h France. PL. XXV).