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JUDITH HORMAN UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN LIGNE LORS DE LA RÉALISATION D’ACTIVITÉS D’APPRENTISSAGE COLLABORATIF DANS DEUX ESPACES INTERACTIFS : UN SITE INTERNET ET DES WIKIS Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en technologie éducative pour l’obtention du grade de maître ès arts (MA) FACULTÉ DES SCIENCES DE L’ÉDUCATION UNIVERSITÉ LAVAL STE-FOY 2005 © Judith Horman, 2005
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UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

May 28, 2020

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JUDITH HORMAN

UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN LIGNE LORS DE LA RÉALISATION

D’ACTIVITÉS D’APPRENTISSAGE COLLABORATIF DANS DEUX ESPACES

INTERACTIFS : UN SITE INTERNET ET DES WIKIS

Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval

dans le cadre du programme de maîtrise en technologie éducative pour l’obtention du grade de maître ès arts (MA)

FACULTÉ DES SCIENCES DE L’ÉDUCATION

UNIVERSITÉ LAVAL STE-FOY

2005 © Judith Horman, 2005

Page 2: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

Résumé Cette étude qualitative vise une exploration de l’interaction sociale en ligne dans le

contexte d'un cours de niveau universitaire pré-gradué. Huit étudiants ont été rencontrés.

Leurs témoignages ont été analysés à partir de cinq incidents critiques : obtenir la

collaboration des pairs ; comprendre le travail à faire ; co-construire un texte dans un wiki

(une technologie Internet) ; l’obligation de donner un feed-back et la forme textuelle du

feed-back. Les résultats sont comparés à une revue de la littérature selon trois perspectives

de l’interaction sociale en ligne lors de la réalisation de tâches d’apprentissage collaboratif :

1) les obstacles à la participation ; 2) les limites de la communication médiatisée par

l’ordinateur (CMO) et 3) la performance des équipes virtuelles. Cette étude apporte un

éclairage sur la présence d’enjeux relationnels de réciprocité et de confiance entre les pairs

qui pourraient être accentués par la CMO. À partir des limites de cette étude quelques pistes

de recherche sont suggérées.

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Abstract This qualitative research study explores online social interaction in the context of an

undergraduate university course. Eight students were interviewed. Their testimonies were

analysed from five criticals incidents : the difficulty to get peers’ collaboration ; the

difficulty to understand expectations associated with the tasks to be performed ; the

difficulty to co-construct a text while using a wiki (an Internet technology) ; the obligation

to give a feedback on peers’ productions and the textual form of this feedback. The results

are compared to a review of the literature according to three perspectives of online social

interaction associated with collaborative learning tasks : 1) studies on obstacles to

participation ; 2) studies on limits associated with computer mediated communication

(CMC) ; studies on virtual teams performances. This study highlights the presence of

relational stakes of reciprocity and trust among peers that could be increased by CMC.

From the limits of the present study we suggest a few questions for futures investigations.

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Remerciements Une entreprise telle que celle-ci se réalise difficilement sans le support de nombreuses

personnes. Je veux d’abord souligner le support de ma famille et des mes amies qui ont

accueilli mes doutes et mes espoirs tout au long de ma démarche. Je souligne aussi l’aide

concrète de mes amies Solange Asselin et Laurette Vigneault. Solange a accepté de réviser

tous mes textes et Laurette m’a aidée pour la transcription des enregistrements sonores des

entrevues. Je remercie mes collègues étudiants Patrick Plante, Steeve Maltais, David

Carrier, Marie Walsh, Sami Badreddine et Soulyman Barry. Merci pour toutes les

complicités qui ont facilité mon travail et mon intégration au milieu académique. Je veux

aussi reconnaître l’aide et l’attention que m’a accordées Yvon Pépin. Merci de m’avoir

donné accès à des espaces conceptuels peu communs. Enfin, je remercie Renée Fountain

qui a dirigé ma démarche. Merci pour les feed-back qui ont allié ouverture, sensibilité et

rigueur. Merci de m’avoir supportée lors des périodes de renoncement. Merci pour les

échanges qui ouvrent de nouveaux espaces d’actualisation.

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La science a une tout autre manière d’aborder le chaos, presque inverse : elle

renonce à l’infini, à la vitesse infinie, pour gagner une référence capable d’actualiser le

virtuel. […] Dans le cas de la science, c’est comme un arrêt sur image.

Deleuze & Guattari (1991, p. 112)

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Table des matières Chapitre 1-Problématique .......................................................................................................5

Introduction.........................................................................................................................5 1.1- Contexte.......................................................................................................................6

1.1.1-Les NTIC en éducation..........................................................................................6 1.1.2-Communication médiatisée par l’ordinateur (CMO) ..........................................10 1.1.3-Participation aux interactions sociales en ligne...................................................12

1.2- L’interaction sociale ..................................................................................................15 1.2.1-Perspective pragmatique de la communication ...................................................15 1.2.2-Une situation d’interdépendance .........................................................................17 1.2.3-Un lieu d'organisation du comportement.............................................................20

1.3-Questions de recherche...............................................................................................23 1.4- Résumé du chapitre ...................................................................................................25

Chapitre 2-Revue de la littérature.........................................................................................27 Introduction.......................................................................................................................27 2.1- Les obstacles à la participation aux interactions sociales en ligne............................28

2.1.1- Sentiment de sécurité..........................................................................................28 2.1.2- La valeur accordée aux interactions sociales entre les pairs ..............................31 2.1.3- Un changement de valeurs et d’attitudes............................................................35

2.2- Limites liées à la médiatisation de la communication par l’ordinateur.....................39 2.2.1- Contexte social et CMO .....................................................................................40 2.2.1- Interinfluence et CMO........................................................................................46

2.3- Réalisation de tâches interdépendantes par des équipes virtuelles............................52 2.3.1- Lien social et performance des équipes virtuelles ..............................................52 2.3.2- Pratiques structurelles et performance des équipes virtuelles ............................54 2.3.3- Interdépendance de la récompense et performance des équipes virtuelles ........57

2.4- Synthèse de la revue de la littérature.........................................................................59 2.5- Positionnement de la présente étude..........................................................................64

Chapitre 3- Cadre théorique..................................................................................................67 Introduction.......................................................................................................................67 3.1- Théorie des effets de l’interdépendance ....................................................................67

3.1.1- Définition de l’interdépendace ...........................................................................67 3.2- Interdépendance des résultantes ................................................................................71

3.2.1- Matrice d’interdépendance des résultantes.........................................................71 3.2.2- Facilitation et interférence..................................................................................73

3.3- Évaluation des résultantes de l'interaction sociale.....................................................75 3.3.1- Une évaluation par comparaison ........................................................................75 3.3.2- Interaction sociale non volontaire ......................................................................78

3.4- Exercice du pouvoir et schéma d'interdépendance....................................................79 3.4.1- Exercice du contrôle et dépendance ...................................................................80 3.4.2- Dépendance réciproque ......................................................................................81 3.4.3- Application à l’interaction dans une équipe .......................................................82

3.5- Impact de la tâche sur les schémas d’interdépendance .............................................84 3.5.1- Interdépendance entre une personne et une tâche ..............................................84 3.5.2- Schémas d'interdépendance lors de la réalisation d’une tâche ..........................85

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Synthèse ............................................................................................................................90 Chapitre 4- Méthodologie.....................................................................................................93

Introduction.......................................................................................................................93 4.1-Contexte du déroulement de l’étude...........................................................................93

4.1.1-Description du site...............................................................................................93 4.1.2-Description des technologies utilisées.................................................................94 4.1.3-Description des deux tâches ................................................................................96

4.2-Méthodologie de recherche ........................................................................................98 4.2.1- Approche méthodologique .................................................................................98 4.2.2-Cueillette et analyse de données........................................................................100

4.3-Considérations éthiques et méthodologiques ...........................................................106 Synthèse de la méthodologie de recherche .....................................................................108

Chapitre 5- Présentation des résultats .................................................................................109 Introduction.....................................................................................................................109 5.1- La tâche de co-construction d’un hypertexte dans les wikis ...................................110

5.1.1- Obtenir une collaboration équitable .................................................................110 5.1.2- Comprendre le travail à faire............................................................................116 5.1.3- Produire un texte final en co-construction dans les wikis ................................124 Synthèse des difficultés vécues liées à la tâche de co-construction ...........................133

5.2- La tâche d’échange de feed-back sur les textes partagés ........................................134 5.2.1- L’obligation de donner un feed-back ...............................................................134 5.2.2- Donner un feed-back par texte dans un espace public virtuel ..........................141 Synthèse des difficultés liées à la tâche d’échange de feed-back ...............................146

5.3- Perception de l’utilité des interactions sociales entre étudiants ..............................147 5.4- Synthèse de la présentation des résultats.................................................................152

Chapitre-6 Discussion des résultats ....................................................................................156 Introduction.....................................................................................................................156 6.1 Retour sur nos questions de recherche......................................................................157

6.1.1- Description des difficultés rencontrées par les étudiants .................................159 6.1.2- Description des réactions des étudiants face aux difficultés rencontrées.........160 6.1.3- Description de la perception de l’utilité des interactions sociales en ligne......163

6.2- Comparaison des résultats avec les études antérieures............................................164 6.2.1- Limites liées à la collaboration.........................................................................164 6.2.3- Limites liées à la CMO.....................................................................................168 6.2.3 –La perception de l’utilité de l’interaction sociale en ligne...............................174

Synthèse de la discussion................................................................................................176 Bibliographie ......................................................................................................................182 Annexe 1- Lettre aux participants.......................................................................................192 Annexe 2-Formule de consentement ..................................................................................194 Annexe 3- Inventaire du sens de la communauté ...............................................................195 Annexe-4 Échantillonnage à partir du SCCI ......................................................................197 Annexe-5 Grille d’observation et élaboration des deux questionnaires .............................198 Annexe 6-Questionnaire 1 : Co-construction et partage de textes......................................201 Annexe 7-Questionnaire 2 : Échange de feed-back............................................................203 Annexe-8 Compilation des réponses à choix multiple des questionnaires 1 et 2 ...............205 Annexe 9- Identification des incidents critiques.................................................................207 Annexe-10 : Tableau 6- Incidents critiques explorés en entrevues individuelles...............209

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Liste des tableaux Tableau 1- Synthèse de la revue de la littérature p. 60

Tableau 2- Illustration de la matrice coûts/bénéfices p. 73

Tableau 3- Synthèse des schémas d'interdépendance p. 89

Tableau 4- Échantillonnage à partir du score au SCCI p. 197

Tableau 5- Échantillonnage théorique p. 104

Tableau 6- Incidents critiques explorés en entrevues p. 209

Tableau 7- Synthèse du vécu des étudiants p. 154

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Introduction L’interaction sociale qui prend place dans les espaces virtuels numériques se présente

comme un phénomène complexe. Les technologies supportées par Internet soulèvent un

problème de traduction de la richesse de la communication humaine dans un nouveau

contexte, voire un nouvel espace de création de liens sociaux.

En support aux approches socio-constructivistes de l’apprentissage, les technologies

interactives supportées par Internet se répandent rapidement en éducation. Ce sont les

interactions sociales centrées sur des tâches interdépendantes tel que le travail en équipe qui

sont le véhicule d’un apprentissage collaboratif. Le travail en équipe implique une capacité

à mettre en place et à conduire des processus psychosociaux tels que la négociation, le

consensus, la prise de décision, la gestion de conflit.

Or, plusieurs chercheurs suggèrent que les communications médiatisées par l’ordinateur

(CMO) rendent plus difficiles ces processus d’influence interpersonnelle (Tu, 2000 ;

Wilson, 2003 ; Wagner, 2002 ; Tidwell & Walther, 2002). La réduction des indices socio-

émotifs et contextuels influence le type de messages échangés et prive de l'information

nécessaire pour développer une relation interpersonnelle significative (Chou, 2001; Kreijns,

Krischner & Jochem, 2003). Cependant, les chercheurs suggèrent aussi que les gens

développent des moyens alternatifs pour obtenir l'information nécessaire pour composer

avec l’incertitude des relations humaines (Tidwell & Walther, 2002 ; Ramirez, Walther,

Burgoon & Sunnafrank, 2002).

Peu d’études documentent spécifiquement les difficultés vécues par les étudiants lors de ces

interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du

vécu des étudiants lors de la réalisation de tâches d’apprentissage collaboratif en ligne. Un

groupe de 72 étudiants inscrits à un cours obligatoire au programme de baccalauréat en

enseignement au secondaire nous a fourni un contexte authentique d’exploration de ces

interactions sociales en ligne. Dans le cadre des exigences du cours les étudiants devaient

réaliser deux tâches qui impliquaient des interactions sociales en ligne entre les pairs. La

première tâche consistait à co-construire un texte en équipe de trois personnes et la

deuxième tâche consistait à donner un feed-back sur deux des textes ainsi produits par les

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autres équipes. Ces deux tâches ont pris place dans des espaces virtuels numériques : un

site Internet et des wikis. Nous avons rencontré en entrevues individuelles huit étudiants

qui ont participé à ces activités d’apprentissage collaboratif.

La démarche de recherche, réalisée dans le cadre de ce mémoire, sera présentée en six (6)

chapitres : 1) la problématique ; 2) la revue de la littérature ; 3) le cadre théorique ; 4) la

méthodologie de recherche ; 5) la présentation des résultats et 6) la discussion sur les

résultats.

La problématique présente les enjeux de l'interaction sociale en ligne liés à une double

complexité de création de liens sociaux et de médiatisation de la communication par

l'ordinateur. En regard de ces enjeux, la première partie de ce chapitre trace un bref portrait

de l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC)

en éducation. La deuxième partie situe la présente étude dans une perspective pragmatique

de la communication. Cette section propose également une définition de l’interaction

sociale comme une situation d'interdépendance et un lieu où s’organise le comportement

(Watzlawick, 1972). Nous terminons ce premier chapitre par une précision de notre objet

d’étude.

Cette étude propose une exploration du vécu des étudiants selon une perspective qui permet

de s’intéresser aux effets de l’interdépendance et aux dimensions contraignantes de

l’interaction sociale. C’est-à-dire que les étudiants ne peuvent pas construire,

indépendamment des autres, n’importe quel type d’interaction sociale. L’exploration des

effets de l’interdépendance et des contraintes est susceptible de nous éclairer sur cette

double complexité de création de liens sociaux et de médiatisation de la communication par

l’ordinateur dans un contexte d’apprentissage collaboratif. Conséquemment, nous avons

formulé la question principale de recherche suivante :

Comment se traduisent les effets de l’interdépendance dans le vécu des étudiants lors de la réalisation de tâches qui impliquent une interaction sociale supportée par les technologies Internet ?

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Le deuxième chapitre présente une revue de la littérature qui documente les obstacles et les

limites rencontrées lors d'interactions sociales en ligne. Nous avons retenu des études selon

trois perspectives qui nous sont apparues complémentaires à l’étude des interactions

sociales lors de la réalisation de tâches dans des espaces virtuels numériques. Ces trois

perspectives sont respectivement : les observations des chercheurs dans les études sur les

obstacles à la participation à l'interaction sociale en ligne ; les études sur les limites de la

CMO et les études sur la performance des équipes virtuelles.

Le troisième chapitre présente le cadre théorique qui a guidé notre réflexion sur

l'interdépendance conçue comme un ensemble de contraintes ou « dépendance

réciproquement éprouvée » (Racine, 1999). Nous avons résumé les principaux concepts

élaborés par Kelley et Thibaut (1986) soit une approche psychosociale de l’interaction dans

les groupes. L’interdépendance y est définie essentiellement comme le problème conjoint,

des participants à une interaction sociale, issu de la possibilité pour chacun d’exercer un

contrôle sur les résultantes que l’autre retire de l’interaction sociale. Ce cadre théorique

propose que la tâche puisse aussi exercer une influence sur l'interaction sociale.

Le quatrième chapitre présente le contexte et le déroulement de l’étude. Ce chapitre décrit

en première partie les technologies utilisées et les tâches réalisées par les étudiants. Dans la

deuxième partie les choix méthodologiques y sont décrits. Notamment nous décrivons une

approche de cueillette et d’analyse des données influencée par la Grounded Theory et

nommée « échantillonnage théorique ». Cette section décrit les étapes et les instruments

utilisés au cours de l’étude. La dernière partie présente les considérations éthiques et

méthodologiques dont nous avons tenu compte.

Le cinquième chapitre présente les résultats de l’analyse des données. Essentiellement,

nous avons identifié cinq événements critiques autour desquels sont regroupées toutes les

observations sur le vécu des étudiants. Les cinq principales difficultés rencontrées par les

étudiants sont respectivement : obtenir une collaboration équitable des pairs, comprendre le

travail à faire, co-construire un texte final dans un wiki, être obligé de donner un feed-back

et donner un feed-back par texte dans un espace virtuel numérique.

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Le dernier chapitre propose une comparaison des résultats de la présente étude avec les

résultats et observations des études recensées dans la revue de la littérature. Suite à cette

comparaison ce chapitre se termine par une synthèse de notre démarche, des principaux

points saillants et des limites. Finalement, nous suggérons des pistes de réflexion et de

recherche liées à la problématique de l’interaction sociale en ligne lors de la réalisation de

tâches d’apprentissage collaboratif.

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Chapitre 1-Problématique

Introduction L’interaction sociale dans les espaces virtuels se présente comme un phénomène complexe

où sont imbriquées une variété de pratiques sociales, de types de communication et de

technologies à travers lesquels sont produites des dynamiques relationnelles. Les nouvelles

technologies de l’information et de la communication (NTIC) permettent l’émergence de

nouvelles formes de socialité (Gaiser, 2000) au sens où « ce qui est fabriqué » sur les

réseaux de communication supportée par ordinateur ne serait « ni plus, ni moins que du lien

social » (Latzko-Toth, 1998, chap. 2.1.1, para.1). La virtualité ne doit pas être comprise ici

comme « une dénaturation du social » ou du réel « mais plutôt comme un aspect, un effet

d’optique de sa complexification croissante, amplifié par ses propres artefacts » (Latzko-

Toth, 2000, p. 117). Cette double complexité, de création de liens sociaux et de

médiatisation de la communication par les technologies, rend nécessaire l’étude de

l’interaction sociale dans les espaces virtuels.

D’une part, les groupes virtuels semblent partager les mêmes dynamiques relationnelles

caractéristiques des groupes qui entretiennent des liens en situation de face à face. Les

chercheurs observent des dynamiques de support et d’exclusion (Cottrell, 2003) ;

d’exercice du pouvoir et d’attribution de statuts (Butler, 1992) ; d’établissement de normes

de groupe (Postmes, Spear & Lea, 2000) et de liens sociaux de confiance (Kimble, Feng &

Barlow, 2000). D’autre part, il semble que la perception de la présence des autres

personnes, nécessaire à l'interaction sociale, soit plus limitée dans un espace virtuel (Tu,

2000). La perception de la présence de l’autre dans une situation de face à face est

habituellement captée par les sens et transmise par des gestes corporels tel qu'un sourire,

l’intonation de la voix ou un mouvement du corps.

Confrontés à l’absence ou à la réduction d’indices physiques, plusieurs chercheurs

suggèrent que la médiatisation de la communication par l’ordinateur (CMO) pose un

problème de transposition des stratégies de communications habituellement utilisées en

situation de face à face (Tu, 2000 ; Wilson, 2003). La CMO transforme notre façon de

créer des liens et de développer une relation avec les autres personnes (Tidwell & Walther,

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2002 ; Ramirez, Walther, Burgoon & Sunnafrank, 2002). Conséquemment, l’interaction

sociale dans des espaces virtuels numériques nous oblige à reconsidérer nos conceptions du

contexte social (Grambling, 2003 ; Roper, 2001). L’interaction sociale lors de

communications médiatisées par l’ordinateur est un phénomène encore récent qui nécessite

de nouvelles études susceptibles de nous fournir une meilleure compréhension des enjeux

impliqués (Kreijns, Kirschner, & Jochems, 2003).

Dans la première partie du présent chapitre nous tracerons un bref portrait de l’utilisation

des NTIC en éducation et préciserons les enjeux de cette double complexité (création de

liens sociaux et CMO) dans un contexte éducatif. La deuxième partie de ce chapitre vise à

situer la présente étude dans une perspective théorique qui clarifiera les définitions que

nous donnerons, au cours de cette étude, aux notions de communication et d'interaction

sociale. Nous terminerons ce premier chapitre par une précision de notre objet d’étude et

par la formulation de nos questions de recherche.

1.1- Contexte

1.1.1-Les NTIC en éducation En éducation l’utilisation de l’ordinateur comme support à l’apprentissage peut faire l’objet

de divers degrés d’intégration dans une démarche d’apprentissage. Trois formes peuvent

être distinguées : 1) les cours à distance diffusés entièrement en ligne 2) les cours mixtes

dont la moitié des activités liées au cours sont réalisées en ligne; 3) les cours qui utilisent

les ressources technologiques comme un complément aux activités qui prennent place

principalement dans une classe traditionnelle en situation de face à face (Tu, 2000).

En support aux perspectives socio-constructivistes de l’apprentissage (Boudourides, 2003),

les applications des TIC se répandent rapidement. Ces perspectives éducatives prennent

appui sur le présumé que la connaissance est façonnée par le contexte social plutôt que

d’être seulement un produit transmis ou partagé (Daniel, Schwier & McCalla, 2003 ;

Kozolanka, 2000 ; Mitchell, 2001 ; Castanheira, 2000). Ainsi, l’enseignement privilégie la

responsabilité et l’initiative de l’étudiant, des activités génératrices d’apprentissages, des

apprentissages en contexte authentique et des collaborations entre les pairs (Kearsly, en

ligne ; Kearsley & Shneiderman, 1999 ; Vonderwell, 2002 ; Nesbit & Winne, 2003 ;

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Karsten, 2000 ; Bragg, 1999). Ces perspectives socio-constructivistes de l’apprentissage

guident la réforme de l’enseignement telle qu’elle est proposée par le ministère de

l’Éducation du Québec :

Le programme de formation, conçu dans la perspective de connaissances construites par l’élève plutôt que transmises par l’enseignant, tient pour acquis qu'une personne ne peut apprendre à la place d'une autre.

Gouvernement du Québec (en ligne, chap. 1, p. 9)

L’intégration des technologies, jusqu’à récemment, a été présentée comme « un objet de

connaissance et un outil pédagogique parmi d’autres » (Orientations ministérielles du

RÉCIT, 2000, p.3, en ligne). L’intégration des TIC à l’enseignement, dans le nouveau

programme du ministère de l’Éducation, occupe une place essentielle à l’apprentissage. Les

TIC sont liées aux compétences d’ordre méthodologique associées à toutes les disciplines

et à tous les aspects du développement des élèves :

Le nouveau programme de formation prévoit ainsi l’utilisation des NTIC pour faciliter des apprentissages disciplinaires et soutenir le développement des compétences […] d’ordre intellectuel, personnel et social ou de l’ordre de la communication.

Orientations ministérielles du RÉCIT, (2000, p.3, en ligne)

L’apprentissage supporté par les TIC a évolué avec les possibilités croissantes offertes par

la technologie numérique et plus particulièrement par les logiciels liés au protocole

Internet. Les réseaux d’apprentissage médiatisés par la technologie Internet (Synchronous

and Asynchronous Learning Networks1) offrent des outils qui supportent la performance

des équipes, permettent de structurer le dialogue et la prise de décision; facilitent les

activités collectives et fournissent un contexte social qui supporte et motive l’apprentissage

(Lee, 2003 ; Rovaï, 2002 ; DeArment, 2002 ; Legault & Laferrière, 2002 ).

L’interaction sociale entre les étudiants est identifiée comme critique au succès de

l’implantation de démarches d’apprentissage en ligne (Barclay, 2001 ; Zhang, 2003).

L’interaction sociale encourage la collaboration, la conversation et la réflexivité,

conséquemment l'apprentissage est enrichi par le partage de plusieurs perspectives et par 1. La présente étude explore un contexte d’apprentissage mixte où les technologies utilisées proposent uniquement une situation de communication asynchrone.

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les commentaires critiques entre les pairs (Kumari, 1999 ; Campos, Laferrière & Harasim,

2001 ; Rovaï, 2002). L’interaction sociale apparaît comme une clé de l’apprentissage

collaboratif. Afin qu’il y ait collaboration, une interaction sociale doit nécessairement

prendre place entre les étudiants:

If there is collaboration then social interaction can be found in it, and vice versa, if there is no social interaction then there is also no real collaboration.

Kreijns, Krischener et Jochem (2003, section 1.1, para. 3)

Le développement rapide de nouvelles technologies supportées par Internet ne cesse d'offrir

de nouvelles possibilités d’activités d’apprentissage. Au-delà de l’accès individuel aux

ressources informationnelles et à la communication entre individus, des technologies

autorisant l’interaction sociale entre plusieurs personnes sont maintenant disponibles. Sites

Internet interactifs (phpWeb Site, BlackBoard), forums de discussion en temps réel (IRC),

logiciels de co-élaboration de concepts (KnowledgeForum, Cmap), logiciels de publication

(carnet ou blog), moteurs de recherche et fil de discussion (RSS) font de plus en plus partie

du répertoire instrumental lié à l’apprentissage.

La communication peut être médiatisée par l’audiovisuel ou par le texte. La communication

médiatisée par l’ordinateur (CMO) peut être informelle (conversations libres entre les

étudiants) ou elle peut être formelle (liée à la réalisation d’une tâche prescrite par le

professeur). Les technologies utilisées ont un impact sur le type de communication et de

tâches réalisées par les participants (Thomas, 2002 ; Chou, 2002 ; Tu, 2000) et,

conséquemment, elles influencent le type d'interaction sociale qui prend place. Chou (2001)

suggère que les technologies synchrones favorisent les interactions sociales socio-émotives

alors que les technologies asynchrones favorisent les interactions sociales orientées sur la

tâche.

L'interaction sociale réciproque n'est pas une partie inhérente de la technologie. Ces

environnements composés de la technologie et de la pédagogie sont conducteurs

d'occasions d'interactions sociales entre les personnes (Tu, 2000). La diversité

technologique engendre une diversité de tâches potentielles et conséquemment une

diversité d'interactions sociales potentielles dans les espaces virtuels. Le type de tâche et le

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contexte de réalisation peuvent comporter des exigences émotionnelles pour les

participants. Les activités réalisées dans un espace virtuel impliquent que les participants

interagissent dans un espace public et qu'ils communiquent le plus souvent par des

messages textuels. Cette textualité laisse des traces de leurs interactions sociales. Le travail

en équipe dans un espace virtuel supporté par les technologies Internet exige une ouverture

au regard des pairs puisqu'il se déroule dans un espace public (contrairement au travail en

équipe en situation de face à face).

Certains auteurs suggèrent que différentes exigences de collaboration représentent des

enjeux relationnels différents pour les étudiants. Campos, Laferrière & Harasim (2001)

observent différents niveaux de collaboration selon les tâches que les étudiants ont à

réaliser. Selon ces auteurs, des activités de nature différente entraîneront un niveau de

collaboration et d’implication personnelle différente. À titre d’exemple, une activité

d’exploration d’un sujet qui vise à générer des idées sur le site Internet du cours impliquera

un niveau plus faible de collaboration et d’implication personnelle qu’une activité tel que

réaliser et publier un projet en équipe. Conséquemment, nous avons besoin de mieux

comprendre ces interactions sociales au fur et à mesure que sont disponibles les

technologies qui rendent possible l’intégration (aux pratiques éducatives en ligne) d’une

variété grandissante d’activités.

L’étude de l’interaction sociale est concernée par les dimensions humaines de la

communication qui facilitent l’apprentissage et la construction d’une communauté à travers

les réseaux d'apprentissage médiatisé par l’ordinateur (Chou, 2001). Castanheira (2000)

suggère que l'apprentissage, ou des représentations viables, soit conçu à la fois comme une

résultante de l'interaction sociale et un processus de construction du système interactionnel.

Comme éducateur nous proposons d'étudier des interactions sociales entre les étudiants afin

d’accroître la qualité des apprentissages et la performance. Il faut examiner si, d’une part, la

médiatisation de la communication par l'ordinateur peut limiter et réduire la qualité de

l’interaction sociale et, d’autre part, si des enjeux psychosociaux peuvent faire obstacle à

l’interaction sociale entre les pairs. Certaines études que nous présenterons brièvement aux

points suivants proposent des éléments de réponses à ces questions et permettent de tracer

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10

un premier portrait des enjeux à explorer en regard de la création de liens sociaux et de la

CMO.

1.1.2-Communication médiatisée par l’ordinateur (CMO) Les technologies supportées par Internet donnent accès à des possibilités d’interactions

sociales multiples. Elles soulèvent aussi le problème de comment faire fonctionner la

complexité et la richesse de la communication humaine dans un nouveau contexte, voire un

nouvel espace de création de liens sociaux. Selon Tidwelll & Walther (2002) un des

facteurs qui influence la formation de lien interpersonnel est la formation d’impressions

basées sur les indices non verbaux (expression faciale, posture, geste, regard, rythme et ton

de la voix). Le contexte social affecte l’activation de catégories ou schémas cognitifs que

les gens utilisent pour se former des impressions positives ou négatives. Lorsque les

participants utilisent différents cadres conceptuels, différentes significations peuvent être

attribuées au même message textuel (Jacobson, 1999). Or, le contexte de médiatisation de

la communication par l’ordinateur, sans contact visuel entre les personnes, réduit les

indices non verbaux et socio-émotifs nécessaires pour adresser l’ambiguïté des relations

interpersonnelles (Ramirez, Walther, Burgoon & Sunnafrank, 2002).

Les environnements d'apprentissage collaboratif, principalement médiatisés par le texte et

asynchrones, sont surtout utilisés lors de la réalisation de tâches alors que les participants

ne sont pas familiers les uns avec les autres. L’anonymat procurant une forme d’égalité, la

médiatisation de la communication par le texte peut être perçue comme un avantage.

Certains étudiants préfèrent prendre contact sur la base des idées émises au lieu

d’impressions physiques et stéréotypées (Roper, 2001). Pour d’autres étudiants, ces

environnements introduisent des barrières situationnelles, moins ou non présentes, dans les

situations de face à face.

Les études sur la communication organisationnelle et la psychologie sociale font état

d’effets négatifs de l’utilisation des communications médiatisées par l’ordinateur. La

réduction des indices socio-émotifs et contextuels influence le type de messages échangés

(Chou, 2001) et prive de l'information nécessaire pour développer une relation

interpersonnelle significative (Kreijns, Krischner & Jochem, 2003). Pour les participants,

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les messages médiatisés par le texte apparaissent incomplets et isolés (Rice, 1996). La

médiatisation de la communication par le texte peut générer de la confusion, dramatiser les

comportements, conduire à de mauvaises interprétations des situations et à des conflits (Tu,

2000). L’impossibilité d’évaluer l’importance de l’auditoire et l’impact des interventions

sur celui-ci peuvent rendre les participants inconfortables (Klinger, 2002). L’absence

d’indices socio-émotifs et contextuels peut troubler l’interaction sociale et limiter les

possibilités de participation.

Une théorie qui rend compte des aspects socio-émotifs et contextuels de la médiatisation de

la communication par l’ordinateur est la théorie de la présence sociale. D’abord définie

comme la capacité d’un médium à transmettre les indices socio-émotifs, la présence sociale

devient, depuis quelques années, synonyme de climat et d’espace social (Gunawardena

1995, 2004 ; Rourke, Anderson, Garrison & Archer 2001 ; Jacobson, 1999, 2004 ; Blocher,

1999 ; Tu, 2000 ; Abeygunawarneda, 2002 ; Anderson, 2002 ; Ramirez, Walther, Burgoon

& Sunnafrank, 2002 ; Tidwelll, & Walther, 2002 ; Rovaï, 2002 ; Grambling, 2003).

Selon plusieurs auteurs, la présence sociale est une capacité à se projeter sur le plan

émotionnel et social et une sensibilité à la présence des autres. La création d'un niveau

adéquat de présence cognitive, sociale et éducative conduit à des apprentissages en

profondeur (Rourke, Anderson, Garrison et Archer, 2001). Tu (2000) a grandement

contribué à clarifier la notion de perception de la présence sociale à partir de trois

dimensions : le contexte social (l'orientation de la tâche, intimité, choix du sujet, relation

sociale) ; la communication en ligne (anxiété face à la communication, expertise

informatique et utilisation du paralangage) et l’interactivité (accent sur l'immédiateté du

feed-back).

Même si la CMO est considérée comme un médium faible conducteur d’indices socio-

émotifs et contextuels, il semble que ces environnements offrent des mécanismes alternatifs

qui permettent d’acquérir l’information sociale nécessaire au développement d’une relation

(Ramirez, Walther, Burgoon & Sunnafrank, 2002). Cependant, les chercheurs montrent que

cette information n'est acquise que suite à un plus grand nombre d’interactions sociales et

requiert plus de temps (Tidwell & Walther, 2002). Gunnawardena (1995) et Brown (2000)

montrent dans leurs études que ces environnements peuvent être perçus comme interactifs,

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actifs, intéressants et stimulants. Cependant, ce sont les conditions relationnelles (Sullivan,

1997 ; McHorney, 2000), le type d'interaction sociale et le sens de la communauté

(Gunawardena, 2004) qui ont un impact sur la perception par les participants des CMO

comme un médium social.

1.1.3-Participation aux interactions sociales en ligne L’interaction sociale est un des sujets qui a fait l’objet d’un grand nombre d’études liées à

l’apprentissage supporté par l’ordinateur. Selon plusieurs auteurs la distance géographique

et l’indépendance de l’étudiant, lors de démarches d’apprentissage supportées par

l’ordinateur, s’inscrivent en continuité avec les études sur la formation à distance par

correspondance (matériel textuel et audiovisuel) (Zhang, 2003 ; Rovaï, 2002 ; Grambling,

2003 ; Tu, 2000 ; Abeygunawardena, 2002). Dans leurs recherches ces auteurs prennent

appui sur le modèle développé par Moore (1973-1980). Les chercheurs retiennent surtout,

du modèle proposé par Moore, la précision qu'il apporte à la notion d'interaction sociale en

terme de distance transactionnelle.

Moore (1989) établit trois catégories d’interactions soit : 1) l’interaction avec le contenu, 2)

l’interaction entre le professeur et l’étudiant et 3) l'interaction entre les étudiants. Il

distingue les interactions sociales caractérisées par leur orientation sur la structure et les

interactions sociales caractérisées par leur orientation sur le dialogue. Les interactions

sociales orientées sur la structure sont liées à la réalisation des tâches et contrôlées par

l'éducateur. Elles prennent la forme des réponses des étudiants aux discussions générées par

l'éducateur et de l'évaluation par les pairs. Les interactions sociales orientées sur le dialogue

sont liées aux aspects socio-émotifs et prennent la forme d’intérêts partagés, de messages

de support et de partage de ressources. Les interactions sociales orientées sur le dialogue

sont plutôt vues comme contrôlées par les participants bien qu'elles puissent être générées

par l'éducateur sous forme d'un encouragement à la transparence, à l'ouverture et aux

messages emphatiques.

Selon Moore (1989), les interactions orientées sur la structure créent une distance

transactionnelle et les interactions orientées sur le dialogue réduisent la distance

transactionnelle. Une distance transactionnelle élevée influence négativement la persistance

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et l'apprentissage. Selon Shin (2001), l'interaction sociale doit être conductrice d’une

perception de la présence des autres personnes. Ce n’est pas l’interaction sociale en soi,

mais bien la perception de la présence des autres personnes en tant que qualité de

l’interaction sociale qui influence positivement la persistance et les résultats dans une

démarche d’apprentissage en ligne.

Selon plusieurs auteurs (Zhang, 2003 ; Rovaï, 2002 ; Grambling, 2003 ; Tu, 2000 ;

Abeygunawardena, 2002), les interactions sociales orientées sur le dialogue contribuent à la

perception de la qualité de l’interaction sociale et engendrent une réciprocité entre les

étudiants. La collaboration est un type d’interaction sociale qualitativement caractérisée par

des relations d’interdépendance entre les étudiants :

There might be certain conditions necessary for promoting collaborative learning. One such condition is that the thinking is distributed among members of the group by interdependent relationships.

Lee (2003, p. 21)

Or, la qualité de l'interaction sociale ne doit pas être prise pour acquise. Kreijns, Krishner &

Jochem (2003) suggèrent deux pièges associés à l'apprentissage collaboratif en ligne : 1)

nous avons tendance à prendre pour acquis que les gens vont interagir parce qu'il est

possible de le faire et 2) nous avons tendance à ignorer les aspects psychosociaux liés à

l'interaction sociale. Selon Abeygunawardena (2002), les étudiants n’aiment pas faire des

travaux en équipe et préfèrent réaliser seul leurs travaux. Elle suggère que la collaboration

représente un changement majeur de valeurs et d'attitudes chez les étudiants.

Ces comportements de non-collaboration ne sont pas uniquement liés aux environnements

d’apprentissage collaboratif supporté par ordinateur, ils sont aussi observés en situation de

face à face (Tu, 2000 ; Abeygunawardena, 2002 ; Kreijns, Krishner & Jochem, 2003). Kerr

& Bruun, (1983) ont observé que les étudiants cessent de collaborer lorsqu’ils ne

perçoivent pas l’utilité de leurs efforts pour le succès du groupe « free rider effect, social

loafing, hitchiking effect » et que les membres les plus productifs cessent de faire des

efforts lorsqu’ils perçoivent que les autres profitent de leur travail sans fournir une

contribution, voire le « sucker effect ».

Page 22: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

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À travers la revue de la littérature nous avons constaté que plusieurs chercheurs notent une

participation inégale et inconstante aux interactions sociales intégrées à des activités

d’apprentissage en ligne (Kelsey, 1999 ; Hegngi, 1997 ; Ehrlich, 2002 ; Tu, 2000 ; Pena-

Perez, 2000 ; Brown, 2000 ; Abeygunawardena, 2002 ; Sutton, 2000 ; Blocher, 1999).

Plusieurs facteurs psychosociaux influencent la participation à l'interaction sociale en ligne.

Parmi ceux-ci nous présentons ici brièvement les principaux, soit : a) l’ouverture aux

autres; b) le sentiment de sécurité et c) l'évaluation des efforts requis en vue d’obtenir une

satisfaction.

a) Ouverture aux autres La participation et le succès dans une démarche d’apprentissage collaboratif en ligne

requiert non seulement une autorégulation (self regulated learning) mais aussi une

ouverture au feed-back (Lee, 2003). Le sens de la communauté (Rovaï, 2002 ; Brown,

2000), les expériences antérieures, la comparaison évaluative entre l’interaction sociale face

à face et l’interaction sociale en ligne, la perception du contexte social et la valeur accordée

à l’interaction sociale avec les pairs (Sutton, 2000 ; Blocher, 1999 ; Lowe, 20003 ; Brown,

2000) ont un impact sur la participation aux interactions sociales.

b) Sentiment de sécurité Une appréhension à communiquer (Kelsey, 1999), un intérêt non partagé pour un sujet

(Muirhead, 2004) et une méconnaissance du sujet à l’étude (Brett, 2002) peuvent retarder

ou diminuer la qualité de l’interaction sociale. L’évaluation par les pairs, en l’absence de

feed-back immédiat, peut réduire le sentiment de sécurité (Rovaï, 2002).

c) Évaluation de l’effort requis en vue d’obtenir une satisfaction Lors de l’interaction sociale en ligne les étudiants réagissent aux exigences en temps et en

effort supplémentaires (Brown, 20000 ; Abeygunawardena, 2002 ; Pena-Perez, 2000), à

l'obligation de participation (Pena-Perez, 2000) et aux différences interpersonnelles

(Gabriel & McDonald, 2002). L'adoption des TICs par les étudiants est liée à la perception

d'utilité et de facilité d’utilisation de la technologie (Miller, Rainer & Corley, 2003 ; Zhang

& Peck, 2003) et à l’évaluation de l’expérience de l’interaction sociale en ligne (Lowe,

2003).

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Synthèse de la section 1.1 En somme, l'interaction sociale orientée vers une communication informelle de type

conversation peut contribuer à la perception de présence sociale et au sens de la

communauté. Cependant, il semble que ce soit les interactions sociales centrées sur des

tâches interdépendantes telles que le travail en équipe qui sont le véhicule de

l’apprentissage collaboratif. Or, le travail en équipe implique une habileté et une capacité à

mettre en place et à conduire des processus psychosociaux tels que la négociation, le

consensus, la prise de décision, la gestion de conflit. Plusieurs chercheurs suggèrent que les

CMO rendent plus difficiles ces processus d’influence interpersonnelle (Tu, 2000 ; Wilson,

2003 ; Wagner, 2002 ; Tidwell & Walther, 2002).

Lorsque nous introduisons des activités d'apprentissage collaboratif nous augmentons les

enjeux psychosociaux de l'interaction sociale entre les étudiants. Ceci dans un contexte où

la CMO peut réduire la perception de la présence de l’autre et de l’impact qu’on peut avoir

sur celui-ci. L’inégalité et l’inconstance de la participation aux interactions sociales en

ligne suggèrent plusieurs obstacles et limites avec lesquels les étudiants doivent composer.

Une meilleure compréhension de ces difficultés peut nous éclairer sur les impacts des

exigences de participation aux interactions sociales entre les pairs dans un espace virtuel

numérique 2.

1.2- L’interaction sociale

1.2.1-Perspective pragmatique de la communication La définition donnée par Erving Goffman de l’interaction sociale suggère que celle-ci soit

essentiellement une situation où des individus agissent et réagissent les uns aux autres :

L’interaction sociale peut être définie, de façon étroite, comme ce qui apparaît uniquement dans des situations sociales, c’est-à-dire des environnements dans lesquels deux individus, ou plus, sont physiquement en présence de la réponse de l'un et de l’autre. (On peut supposer que le téléphone et le courrier offrent des versions réduites de la chose réelle primordiale.)

L’ordre de l’interaction par Erving Goffman (1983). Textes recueillis par Winkin (1988, p. 191)

2. Dans la présente étude nous spécifions le caractère numérique de ces espaces virtuels afin de distinguer notre objet d’étude des espaces virtuels au sens philosophique.

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Nous adoptons dans la présente étude une perspective pragmatique de la communication

c’est-à-dire « une vision du langage comme activité sociale et non comme produit cognitif

pur » (Winkin, 1981, p.85). Selon cette perspective, tout comportement verbal et non verbal

est une communication et toute communication influence le comportement. C’est-à-dire

que la communication n'est pas seulement la transmission d’une information neutre elle est

un geste qui « fait3 » quelque chose. Cette perspective pragmatique de la communication

nous amène à déplacer notre attention et « mettre moins l'accent sur les relations de

l’émetteur (ou du récepteur) et du signe, que sur la relation qui unit émetteur et récepteur,

en tant qu'elle est médiatisée par la communication » (Watzlawick, 1972, p.17).

L’interaction sociale renvoie aux raisons qui motivent la communication en tant que celle-

ci « médiatise la relation » entre les émetteurs et récepteurs. Selon Watzlawick (1972,

p.84), la communication a « ce pouvoir de confirmer un être dans son identité ». Ainsi,

toute communication ou interaction sociale ne se limite pas à un échange d’information

neutre mais induit un comportement qui suppose un engagement au cours duquel l’émetteur

définit la manière dont il « voit sa relation au récepteur » (Watzlawick, 1972, p.48). Selon

Goffman, l'inverse est aussi valable c'est-à-dire que les participants peuvent « interagir en

fonction de ce qu’ils croient être l’identité désirée de l’autre » (Winkin, 1988, p.77).

Habituellement au cours de nos interactions sociales, nous supposons que ce que nous

percevons d’une personne « représente une image complète et durable de sa personne, ce

que lui-même, dans ces rapports avec nous, admet également » (Goffman, 1974, p.193). Il

semble qu’au contraire l’individu construise « un moi fondamentalement situationnel

produit par l'engagement dans l'interaction sociale » (Winkin, 1988, p.77). Cette

construction situationnelle du moi de l’autre par chacun des participants est liée à une

perception à l’effet que l’autre « a projeté dans la situation une présupposition quant à la

façon dont il estime devoir être traité et dès lors, par implication, une conception de lui-

même » (Winkin, 1988, p.77).

3. Austin, J. L. (1970) a élaboré cette perspective des énonciations conçues en elles-même comme des actes. Austin a nommé celles-ci « énonciations performatives » dans son livre Quand dire c’est faire, publié aux Éditions du Seuil.

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Ainsi, les enjeux de l'interaction sociale se présentent sous la forme d’un processus

dynamique de définition situationnelle, et réciproque des participants, issu des attentes de

l’un et de l’autre et des attentes inférées par l'un et l’autre. Selon Goffman « tout acte,

substantiel ou cérémoniel, prend le sens d'une obligation pour son auteur et d'une attente

pour l’autre » (Goffman, 1974, p.199). C’est cet équilibre fragile qui est en jeu lors de

l’interaction sociale dans un groupe et autour duquel s'organise le comportement. L'ordre

interactionnel ou code rituel pour Goffman « demande un équilibre délicat que peut

aisément détruire quiconque le soutient avec trop ou insuffisamment d’ardeur, par rapport

aux idéaux et aux attentes du groupe dont il fait partie » (Goffman, 1974, p.38).

Ainsi, essentiellement, l'interaction sociale peut être conçue comme une situation

d’interdépendance et comme un lieu où s'organisent les comportements. A titre d’exemple

on considérera qu’il y a une certaine prise de risque à partager, dans un groupe, un travail

personnel ou à donner un feed-back sur le site Internet d’un cours et ainsi à s’exposer aux

attentes des pairs. Situation d’échange à travers une dynamique de contraintes composée

d’obligations et d’attentes dont les résultantes sont à l’origine de la qualité ou d’un type

d’interaction sociale telle que collaboration ou hostilité :

Lorsque chaque participant a l’impression qu’il doit sacrifier plus pour les autres que ceux-ci n’ont sacrifié pour lui, il peut s’ensuivre une sorte de complaisance réciproque perverse, très semblable à l’hostilité circulaire qui provoque les esclandres, où chacun reçoit ce dont il n'a pas besoin et donne en retour ce qu'il préférerait garder.

Goffman (1974, p.37)

1.2.2-Une situation d’interdépendance Plusieurs chercheurs qui ont contribué à l'étude de l'interaction sociale en ligne acceptent la

proposition de Wagner (1997) pour définir l’interaction sociale comme une séquence de

comportements et une situation d’interinfluences « reciprocal events that require at least

two objects and two actions. Interaction occurs when these objects and events mutually

influence one another » (Chou, 2001; Roblyer & Ekhami, 2000; Rice, 1996; Anderson,

2002).

En sociologie, l’interaction sociale est une unité d’analyse de base « constituée de la

mutuelle détermination de l’action d’au moins deux personnes, la première action et la

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seconde étant interdépendantes » (Racine, 1999). L’interaction sociale peut donc être

comprise comme une séquence (pas nécessairement linéaire) de comportements ou

d’actions « par lesquelles les individus se trouvent liés par [des influences et des

déterminations réciproquement éprouvées] (Simmel, 1981, p.90)» (Racine, 1999). Or, cette

réciprocité de l’influence entre les personnes, lorsque comprise comme des

« déterminations réciproquement éprouvées », correspond à la définition que donne

Watzlawick de l’interdépendance :

Nous savons tous de quoi il s’agit lorsqu’une chose dépend d'une autre. Mais quand l’autre chose dépend de la première à un degré égal, de sorte qu’inévitablement elles s'influencent réciproquement, on dit qu'elles sont interdépendantes […] Le comportement de chacune des parties impliquées détermine celui de l’autre et en est déterminé […] une interaction est presque toujours circulaire, la cause produisant l'effet et l’effet se changeant en cause pour rétro-agir (feedback) sur la cause initiale.

Watzlawick (1978, p.99)

La notion d’interdépendance de Watzlawick est près des concepts de lien social chez

Simmel, soit une « réciprocité de causation » et chez Elias, soit une « dépendance

réciproque » (Racine, 1999). Cet ajout de la notion de « dépendance réciproque » ou

« interdépendance » est importante parce qu'elle suggère au-delà de l'influence mutuelle,

une dynamique de contrainte, lieu où s'organise le comportement en une sorte d'ordre (que

nous illustrerons plus loin).

Il s’agit là d’une « réciprocité de causation » (ibid. p. 166), d’une « dynamique de l’agir et du subir par lesquels les individus se modifient réciproquement » (ibid. p.91). Le concept simmélien d’action réciproque est proche de celui de configuration chez Élias, pour qui le social est fait de multiples « dépendances réciproques » entre individus (Elias, 1991, p.91), qui « à cause de leur interdépendance et de la constante interconnexion de leurs actes et de leurs expériences forment un ensemble, une sorte d'ordre ».

Racine (1999, p.77)

L’interaction sociale sera définie, dans la présente étude, comme une situation

d’interdépendance qui implique l'interinfluence alors que les participants sont en présence

des réponses aux comportements émis les uns envers les autres. Conséquemment, on

entendra par interaction sociale la séquence de comportements ou d’actions incluant les

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effets des réponses reçues suite aux actions posées. Dans la présente étude l’acte isolé

d'afficher un message sur le site Internet d’un cours ne sera pas considéré comme une

interaction sociale. L'interaction sociale, en situation de face à face et dans un contexte de

virtuel numérique, inclut le geste verbal ou non-verbal posé, la réponse des interlocuteurs et

les effets produits lors de la réception de cette réponse (tels qu’ils seront rapportés par les

participants).

Dans un contexte virtuel le geste verbal inclut le contenu des messages textuels et le geste

non verbal inclut les signes tels que les émoticons « ☺ ». Une interaction sociale

significative doit fournir des indices que l’interlocuteur est attentif et ces indices doivent

être perçus. Ces indices sont fournis, dans un contexte virtuel numérique, par les réponses

interactives c’est-à-dire des messages spécifiquement associés aux idées et aux personnes

qui ont émis ces idées précédemment. À titre d’exemple, les réponses interactives peuvent

être fournies par l’utilisation de la fonction de « réponse » aux messages postés sur un site

Internet (Rourke, Anderson, Garrison & Archer, 2001).

Cependant, on doit considérer en accord avec le premier axiome de Watzlawick (1972) sur

la logique de la communication, qu’« on ne peut pas ne pas communiquer » (Watzlawick,

1972, p.48). Cet axiome repose sur le constat que le comportement n’a pas de contraire,

c’est-à-dire qu’il n’y a pas de « non–comportement » ou « on ne peut pas ne pas avoir de

comportement ».

[…] si l’on admet que, dans une interaction, tout comportement a la valeur d’un message, c’est-à-dire qu’il est une communication, il suit qu’on ne peut pas ne pas communiquer, qu’on le veuille ou non. Activité ou inactivité, parole ou silence, tout a valeur de message. De tels comportements influencent les autres, et les autres ne peuvent pas ne pas réagir à ces communications, et de ce fait eux-mêmes communiquer.

Watzlawick (1972, p.46)

Conséquemment, le geste de ne pas répondre à un message est aussi une réponse et cette

réponse aura un effet sur la personne qui la reçoit. C'est par ce processus de circularité des

effets que s'organise, en une sorte d'ordre, le comportement lors de l'interaction sociale.

Selon Bonito (2002), au cœur du concept d’interdépendance on trouve la notion des

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conséquences ou effets du comportement d’une personne et de sa façon de penser sur le

comportement et la façon de penser des autres :

Participation is bound up in the interdependent nature of group processes in the sense that individual-level concerns, such as members’ proclivities and competencies, as well as group-level issues, including the nature of the task and group composition, frequently affect who says what, when, and to whom. The same is true of participation as a predictor in the sense that its effect on various behavioral, cognitive, and group outcomes are interwinded with how others think and behave.

Bonito (2002, p.416)

1.2.3-Un lieu d'organisation du comportement Cette perspective pragmatique de la communication suggère que l’interaction sociale soit

un lieu où s'organise le comportement. La communication y est présentée comme : 1) une

méta-communication, 2) un système interactionnel et 3) un ordre constitué.

1) MÉTA-COMMUNICATION

Selon le deuxième axiome de la logique de la communication de Watzlawick (1972, p. 52),

« Toute communication présente deux aspects : le contenu et la relation tel que le second

englobe le premier et par suite est une méta communication ». Contenu et relation sont

deux opérations simultanées qui font partie intégrante de toute communication donc de

toute interaction sociale. Un message sous son aspect contenu « transmet une information »

alors que sous son aspect relation il transmet un signal qui « désigne la manière dont on

doit entendre le message » (Watzlawick, 1972, p.49). Cette dernière, la relation, constitue

une information sur l’information (méta-communication) et appartient à un « type logique

plus complexe que le contenu du message ».

Au niveau de la méta-communication ou des signaux, les individus « ne communiquent pas

sur des faits extérieurs à leur relation, mais s’offrent mutuellement des définitions de cette

relation, et par implication, d'eux-mêmes » (Watzlawick, 1972, p. 83). Une interaction

sociale ou séquence de messages échangés pourrait être conçue de la façon suivante :

« voici comment je me vois » ; « voici comment je vous vois » ; « voici comment je vous

vois me voir » ; « voici comment je vous vois me voir vous voir » (Watzlawick, 1972,

p.89).

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Dans une interaction sociale toute confusion sur ces deux niveaux, contenu et relation, peut

conduire à l’ambiguïté. La communication médiatisée par le texte est sensible à ce type de

confusion. Watzlawick (1972) donne à titre d’exemple une affiche dans un restaurant qui

porte l’inscription suivante « que les clients qui trouvent nos serveurs impolis voient plutôt

le directeur ». Nous pouvons entendre ce message selon au moins deux perspectives en

fonction de l’auteur présumé qui s’adresse à nous.

2) LA COMMUNICATION CONÇUE COMME UN SYSTÈME INTERACTIONNEL

Pour Goffman et pour Watzlawick l’interaction sociale possède des mécanismes de

régulation qui maintiennent l'ordre. L’ordre de l'interaction sociale se traduit par « l’ordre

rituel » pour Goffman (Winkin, 1988, p.62) et par « les règles relationnelles » pour

Watzlawick (1972, p. 134).

Selon Watzlawick (1972), l’interaction sociale peut être conçue comme un système. Un

système est différent de la somme de ces parties, il est défini par les relations qui prennent

place entre ses parties. Ce sont ces relations qui constituent « ce qui fait tenir ensemble le

système » (Watzlawick, 1972, p.120). Ainsi, le système interactionnel inclut les individus,

leurs attributs « conçus comme des comportements de communication plutôt que des

attributs intra psychiques » (Watzlawick, 1972, p.120) et la relation établie entre les

individus (et leurs comportements).

Conséquemment, un système interactionnel sera défini « comme étant deux ou plusieurs

participants cherchant à définir la nature de leur relation, ou parvenus au stade d’une telle

définition » (Watzlawick, 1972, p.120). L'accent mis sur l'aspect « relation » de la

communication humaine, ceci peu importe le contenu de la communication, traite des

processus d’organisation du comportement en une sorte d’ordre : règles systémiques ou

règles relationnelles.

3) LA COMMUNICATION COMME UN ORDRE CONSTITUÉ

En somme, les participants d'une interaction sociale n'ont pas nécessairement la même

définition de leur relation et chacun cherche par son comportement à actualiser sa définition

(par exemple : qui doit écouter et qui doit parler). Au fil des interactions sociales entre deux

ou plusieurs personnes, le comportement s’organise en une sorte d’ordre constitué de la

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22

répétition de séquences particulières de comportements. Conséquemment, le comportement

conjoint des deux participants définira l’interaction sociale et c'est en ce sens qu'ils sont

interdépendants.

Cependant, le modèle d'interdépendance peut varier grandement selon la manière dont

s'organise le comportement. C'est-à-dire quelles seront les séquences de comportements

récurrentes dans l'interaction - couper la parole, supporter les énoncés de l'autre,

questionner, reformuler - et qui fait quoi lors de l'interaction. Ce sont ces configurations

particulières de séquences de comportements que Watzlawick nomme « règles de la

relation » (Watzlawick, 1972).

Afin qu'une configuration particulière apparaisse, une contrainte doit s'exercer. Pour

exprimer cette contrainte on dira que des séquences de comportements manifestent une

« redondance ». Contrainte ou redondance sont assimilées au concept de modèle :

Dans la théorie de l'information, on dira que les processus stochastiques manifestent une redondance ou une contrainte (« constraint »), termes que nous considérons comme interchangeables avec le concept de modèle (« pattern »).

Watzlawick (1972, p28)

L'interaction sociale est donc constituée par des configurations redondantes de séquences

de comportements. Ces redondances peuvent être exprimées par la notion de « règle

relationnelle » et constituent le modèle (ou schéma4) d'interdépendance et la forme que

prend l’interaction sociale. L'interaction sociale peut se présenter sous la forme d'une

collaboration, d'une compétition, de l'hostilité ou toute autre variante possible dans un

contexte donné:

Dans tous les cas, on remarque que les comportements possibles en fonction d'un type déterminé sont étroitement circonscrits dans une configuration redondante, ce qui a poussé Jackson à dire que la famille était un système régi par une règle […] Cette règle peut déterminer la symétrie ou la complémentarité, un type particulier de ponctuation (par exemple le bouc émissaire) […] ou tout autre aspect de la relation.

Watzlawick (1972, p.134)

4. Dans la présente étude le terme « schéma » sera privilégié afin de traduire la notion de « patterns ».

Page 31: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

23

Synthèse de la section 1.2 Nous avons défini l'interaction sociale comme une situation d'interdépendance et un lieu où

s’organise le comportement. Tel que suggéré ci-haut, l’interaction sociale dans un espace

virtuel est l’objet d’une double médiatisation. La relation interpersonnelle est médiatisée

par la communication (Watzlawick, 1972) et la communication supportée par l’ordinateur

est principalement médiatisée par le texte. Un message ne transporte pas seulement une

information neutre (contenu), il dit quelque chose de la relation avec l’autre. La

communication implique toujours deux niveaux, le contenu (le message) et la relation

(comment le message doit être compris). Les signaux habituellement non verbaux sont

porteurs de l’information sur la relation (ordre). Or, en contexte de communication

médiatisée par la technologie et plus particulièrement par le texte nous n'avons

pratiquement pas accès aux informations sur la relation.

Lorsqu’en éducation nous introduisons des activités d’apprentissage collaboratif supportées

par l’ordinateur nous induisons un accroissement de l'interaction sociale. Conséquemment,

les effets de l'interdépendance et de l'interinfluence pourraient être accentués alors que les

signaux porteurs de l’information sur la relation sont réduits par la CMO. Dans ce contexte

de double médiatisation de l’interaction sociale (par la communication et par la

technologie), la façon dont les étudiants réagissent et composent avec ces « dépendances

réciproques », peut créer des schémas d'interdépendance et conséquemment des types

interactions sociales plus ou moins conductrices d’apprentissage.

1.3-Questions de recherche L'évolution rapide des technologies génère une diversité de tâches potentielles et

conséquemment une diversité d'occasions et de types d'interaction sociale. Les

environnements technologiques et pédagogiques dans une perspective d'apprentissage

collaboratif accroissent les exigences d'interaction sociale entre les étudiants. Comme

éducateur nous présumons que l'interaction sociale entre les étudiants contribuera à un

accroissement de la qualité de l'apprentissage. L'interaction sociale conductrice

d'apprentissage est associée à des tâches interdépendantes. Cependant, on observe (tel

qu’illustré dans le présent chapitre) des évidences de participation inégale et inconstante à

l'interaction sociale nécessaire aux apprentissages collaboratifs qui suggèrent des

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24

difficultés. D'une part, la communication médiatisée par la technologie peut rendre plus

difficile la création de liens interpersonnels et la conduite de processus d'interinfluence.

D'autre part, la collaboration et la réalisation de tâches interdépendantes peuvent

représenter un changement d'attitudes et de valeurs chez les étudiants.

Nous avons défini l’interaction sociale comme une situation d’interdépendance et un lieu

où s’organise le comportement. Malgré de nombreuses études sur l’interaction sociale, les

chercheurs soulignent la nécessité de mieux comprendre les aspects psychosociaux liés à

l'interaction sociale intégrée à des environnements d’apprentissage collaboratif supporté par

l’ordinateur (Jacobson, en ligne; Kreijns, Krishner et Jochem 2003; Grambling, 2003; Tu,

2000; Lee, 2003; Abeygunawardena, 2002; Gunawardena, 2004). Peu de recherches

documentent les difficultés vécues par les étudiants et liées aux interactions sociales en

ligne lors de la réalisation de tâches interdépendantes. Et peu de recherches documentent la

façon dont les étudiants composent avec les effets de l’interdépendance lors de leurs

interactions sociales.

La présente étude vise à fournir une meilleure compréhension de l'impact des tâches

interdépendantes et de la médiatisation de la communication par l’ordinateur sur

l’interaction sociale construite par les étudiants. Nous nous proposons de documenter le

vécu des étudiants selon une perspective qui permet de s’intéresser aux effets de

l’interdépendance et aux dimensions contraignantes de l’interaction sociale. C’est-à-dire

que les étudiants ne peuvent pas construire indépendamment des autres n’importe quel type

d’interaction sociale.

De façon plus spécifique nous voulons documenter les effets de l’interdépendance lors de la

participation aux interactions sociales entre les pairs. Conséquemment nous formulons la

question de recherche suivante :

Comment se traduisent les effets de l’interdépendance dans le vécu des étudiants lors de la réalisation de tâches qui impliquent une interaction sociale supportée par les technologies Internet ?

Puisque l’interdépendance se présente comme une dynamique de contraintes et une

résolution de problèmes il nous apparaît que l'exploration des difficultés vécues par les

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25

étudiants est un terrain propice à l’étude des effets de l’interdépendance entre les pairs.

Afin de préciser notre objet d’exploration nous formulons les trois sous-questions

suivantes :

1. Quelles sont les difficultés vécues lors de l’interaction sociale entre les pairs ? (obstacles et limites rencontrés)

2. Face à ces difficultés, comment les étudiants réagissent-ils et pourquoi ? 3. Comment les étudiants perçoivent-ils l’utilité de leur expérience de l’interaction

sociale médiatisée par l’ordinateur ?

1.4- Résumé du chapitre En support aux approches socio-constructivistes de l’apprentissage, les TIC se répandent

rapidement en éducation. L’évolution rapide des TIC génère la possibilité de réaliser de

nouvelles activités et conséquemment de nouvelles possibilités d'interaction sociale. Les

problématiques de participation aux interactions sociales ne se retrouvent pas uniquement

dans les espaces virtuels. Cependant, une double complexité rend nécessaire la recherche

sur l’interaction sociale lors d’activités d’apprentissage supportées par la technologie

Internet. Plusieurs aspects psychosociaux influencent la participation aux interactions

sociales et la médiatisation de la communication présente des obstacles potentiels à

l’interaction sociale en réduisant les indices socio-émotifs et les informations sur le

contexte social.

Plusieurs chercheurs observent une inégalité de la participation aux interactions sociales en

ligne qui suggère des obstacles et des limites rencontrées par les étudiants. Une exploration

des manières dont se traduisent les effets de l’interdépendance dans le vécu des étudiants

est susceptible de nous éclairer sur l’impact des exigences de participation aux interactions

sociales lors des activités d’apprentissage collaboratif en ligne. La présente étude vise à

explorer de façon plus spécifique les difficultés vécues par les étudiants en terme

d’obstacles, de limites rencontrées et de perception de l’utilité de ces interactions sociales.

Le chapitre-2 propose une revue de la littérature qui documente les obstacles et les limites

rencontrés par les étudiants lors d'interactions sociales en ligne à partir 1) des études sur la

participation aux interactions sociales, 2) des études sur la médiatisation de la

communication par l'ordinateur et 3) des études sur les particularités de la réalisation de

Page 34: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

26

tâches interdépendantes par des équipes virtuelles. Une définition de l’interdépendance en

termes de « contraintes réciproques » sera fournie au chapitre-3 lors de la présentation du

cadre théorique de Kelley et Thibaut (1986). Ce cadre théorique présente une approche

psychosociale des interactions dans les groupes dont les applications à la réalisation de

tâches permettent de distinguer divers schémas d’interdépendance. Le chapitre-4 sur la

méthodologie décrira de façon plus spécifique les tâches, les technologies utilisées et le

contexte du déroulement de l’étude.

.

Page 35: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

27

Chapitre 2-Revue de la littérature

Introduction Notre recherche se veut une étude de l’interaction sociale entre les pairs, qui prend place

dans des espaces virtuels lors de la réalisation de tâches liées à des apprentissages

collaboratifs. Nous avons suggéré précédemment que les activités d’apprentissage

collaboratif accroissent l’interaction sociale entre les étudiants; que l’interaction sociale se

présente essentiellement comme une situation d'interdépendance qui implique une

interinfluence ; que les tâches interdépendantes soient conductrices d’apprentissage ; que

les différents types d’interactions sociales sont issus de la façon dont les participants

organisent leurs comportements afin de composer avec les effets de l’interdépendance.

Nous voulons par cette étude mieux comprendre comment se traduisent les effets de

l'interdépendance dans le vécu des étudiants lors de la réalisation de tâches

interdépendantes. Nous nous proposons de documenter les difficultés vécues par les

étudiants, leurs réactions à ces difficultés et leurs perceptions de l'utilité de leur expérience.

La littérature documente amplement les avantages de l'interaction sociale et de

l’apprentissage collaboratif en ligne (Beatty, 2002 ; Bradner, 2001 ; Brannan, 2001 ;

DeBourg,1998 ; Wallace, 2002 ; Roby, 2002 ; Sarkozi, 2001 ; Tello, 2002 ; Plank, Enerson,

Johnson (en ligne) ; Mc Call, 2002 ; Herie, 2003). Peu d’études portent spécifiquement sur

les difficultés vécues par les étudiants. Cependant plusieurs auteurs observent, aux cours de

leurs études, des comportements de non-participation et de non-collaboration qui suggèrent

des obstacles et des limites avec lesquels les étudiants doivent composer.

La présente revue de la littérature vise à tracer un portrait de ce nous savons des difficultés

vécues par les étudiants. Conséquemment, nous avons sélectionné, parmi des études selon

divers positionnements épistémolgiques, des études qui font mention d’obstacles et de

limites rencontrés, de comportements ou de réactions liées aux difficultés vécues par les

étudiants. Nous présenterons dans un premier temps les observations des chercheurs à

travers 1) des études sur la participation aux interactions sociales en ligne, 2) des études sur

l’impact de la médiatisation de la communication par la technologie et 3) des études sur la

réalisation de tâches par des équipes virtuelles. Nous résumerons ensuite ces informations

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en un tableau synthèse et enfin nous préciserons le positionnement et la contribution de la

présente étude. Les observations des chercheurs présentées dans ce chapitre seront

comparées ultérieurement à nos résultats de recherche et feront l’objet d’une discussion au

dernier chapitre de cette étude.

2.1- Les obstacles à la participation aux interactions sociales en ligne Plusieurs chercheurs notent une faible participation aux interactions sociales en ligne. Bien

que le degré de confort avec la technologie contribue aux difficultés, associées aux

interactions sociales médiatisées par la technologie, les résultats de recherches associent

plutôt ces obstacles à des dimensions psychosociales. Parmi les dimensions psychosociales

il semble que le sentiment de sécurité dans un groupe, la valeur accordée aux interactions

sociales entre les pairs, la nécessité d’un changement d’attitude et de valeur soient les

principaux obstacles à la participation aux interactions sociales en ligne.

2.1.1- Sentiment de sécurité Les technologies supportées par Internet se révèlent être complexes et requièrent une

conception soignée des activités et des interactions sociales (Hegngi, 1997). Lors d’une

étude sur le discours en ligne d’un groupe d’étudiants de niveau universitaire, Hegngi

(1997) a observé que la participation globale aux forums de discussion en ligne était faible.

Le contenu du cours était livré en ligne sur Internet. Le courrier électronique et un forum de

discussion synchrone supportaient les interactions sociales entre les étudiants. Les étudiants

ont assisté à une session de familiarisation avec la technologie et les autres participants au

début du semestre.

Dans son étude Hegngi (1997) a observé que l’expérience de participation aux interactions

sociales fût à la fois frustrante pour les étudiants et décevante pour le professeur. Les

étudiants novices trouvaient difficile de suivre les conversations sur les forums synchrones,

les délais de réponse lors de forums asynchrones créaient de la frustration et les étudiants

devaient composer avec une surcharge d’information sur les forums asynchrones (40 sujets

de discussion au cours du semestre). Le professeur était souvent déçu du manque de

discussion autour des sujets liés au cours. Les étudiants généralement répondaient aux

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29

questions affichées par le professeur sans développer le sujet. Les étudiants initiaient un

peu plus souvent (55 % des interventions) des discussions sur les forums asynchrones.

Hegngi (1997) souligne la nécessité du contact personnel et de la confiance pour faciliter le

fonctionnement du groupe.

Le sentiment de sécurité plutôt que le confort avec la technologie se présente comme un

obstacle à l’interaction sociale dans d’autres études aussi. L’étude de Kelsey (1999) auprès

d’un groupe d’étudiants de niveau universitaire montre qu’au cours du semestre le confort

des étudiants avec la technologie augmente sans que le niveau d’interaction sociale dans les

ateliers ne soit accru. Kelsey (1999) n’a pas observé beaucoup d’échange didactique et de

discussion de type négociation de signification, ni lors de l'utilisation de forum audiovisuel

synchrone, ni lors de l’utilisation des forums asynchrones (messages sous forme de texte).

Kelsey (1999) dit que généralement les étudiants écoutaient et apprenaient des

conférenciers ou affichaient une question sur le site du cours et recevaient une réponse du

chargé de cours. Elle a trouvé que 15 % des étudiants vivaient une appréhension à

communiquer telle que mesurée par deux tests écrits et standardisés à partir de questions

qui référaient à des situations de face à face. Selon Kelsey (1999), les étudiants qui ont une

appréhension à communiquer dans un espace virtuel numérique présentaient aussi cette

caractéristique dans les situations de face à face. Ils préféraient apprendre en regardant et en

écoutant les autres. Selon les données recueillies au cours d’entrevues individuelles avec les

étudiants il semble que l’appréhension à communiquer sur un site Internet soit liée

principalement :

• à des préoccupations sociales (ne pas avoir l'air stupide face aux pairs),

• au manque de temps pour réfléchir et poser des questions (lors des forums synchrones),

• au manque de connaissances du sujet à l’étude,

• au manque d’interventions facilitantes,

• au manque d’indices nonverbaux.

Selon Rovaï (2002), le sentiment de sécurité est associé au sentiment d’appartenance à un

groupe et au sens de la communauté. Le sens de la communauté est défini comme 1) une

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perception d’avoir des obligations les uns envers les autres et envers l’école ; 2) une

croyance partagée en l'importance de chacun pour les autres et 3) une croyance que chacun

recevra satisfaction à ses besoins d’apprentissage à travers un engagement commun envers

des buts partagés. L’interaction sociale semble directement liée au sens de la communauté,

Rovaï (2002) note qu’il y a plus de messages échangés lorsque le sens de la communauté

est plus élevé.

Dans son étude de 2002, Rovaï a exploré en quoi le sens de la communauté différait chez

des étudiants inscrits à un cours traditionnel (en situation de face à face) et des étudiants

inscrits à un cours structuré en un réseau d’apprentissage asynchrone (ALN). Rovaï a

comparé le sens de la communauté chez 326 étudiants (participant de façon volontaire)

répartis dans 14 groupes d’étudiants (gradués et pré-gradués). Sept groupes d’étudiants

étaient inscrits à des cours de forme traditionnelle en situation de face à face et sept groupes

étaient inscrits à des cours supportés par un site Internet qui offrait divers outils de

communication, de gestion de la tâche, de gestion des contenus et d'évaluation. Il a

administré un inventaire sur le sens de la communauté et il a comparé les groupes entre eux

par traitement statistique.

Il a noté qu’il n’y a pas de différence sur le sens de la communauté entre les cours

traditionnels et les cours en ligne. Les résultats de son étude suggèrent que les sentiments

d'isolement rapportés par d’autres études proviennent de la pédagogie employée plutôt que

du système lui-même. Les groupes traditionnels en situation de face à face et les groupes en

ligne, qui ont un sens de la communauté plus faible, étaient généralement plus centrés sur la

tâche et leur modèle de communication était formel plutôt que centré sur les aspects socio-

émotifs.

Selon Rovaï (2002), les résultats de son étude indiquent que le sens de la communauté est

plus sensible à la pédagogie dans un environnement virtuel numérique. Selon ses

observations, un environnement de discussion est plus facilement créé en situation de face à

face que dans un environnement où la communication est médiatisée par le texte. Dans un

environnement virtuel numérique l’interaction sociale doit être créée et facilitée par le

professeur, ce qui requiert plus d’efforts de sa part et de la part des étudiants.

Page 39: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

31

Rovaï (2002) mentionne, entre autres, cinq aspects qui requièrent plus d’attention dans un

environnement virtuel numérique : 1) la similarité des besoins des étudiants ; 2) le

sentiment d’être lié aux autres ; 3) l’amitié ; 4) le sentiment d’appartenance en terme

d'identité de groupe et 5) le besoin de réduire la confusion liée à la médiatisation de la

communication. Rovaï a noté six facteurs qui influencent négativement le sens de la

communauté et l’interaction sociale, notamment parce qu’ils réduisent le sentiment de

sécurité :

• la personnalité et les connaissances de l'étudiant ;

• les modèles de communication ;

• la non-volonté de donner un feed-back honnête ;

• la difficulté à se légitimer à formuler une critique envers les pairs ;

• la perception d’être en compétition avec les autres étudiants ;

• une surcharge de communication et d'interaction qui affaiblit la qualité du contact entre les étudiants.

2.1.2- La valeur accordée aux interactions sociales entre les pairs La nécessité de la participation aux interactions sociales dans une démarche

d’apprentissage est controversée. Selon Sutton (2000), certains étudiants apprennent en

regardant les autres agir. Lors d’une étude sur les comportements liés à la fréquence de la

participation aux interactions sociales, Sutton (2000) a identifié quatre types d’interaction

soit, les interactants, les interactants directs, les non- interactants et les interactants par

procuration.

Les interactants par procuration apprenaient en regardant les autres interagir. Ils étaient

différents des non-interactants qui eux ne lisaient pas les messages des autres et ne

contribuaient pas aux discussions en ligne. Les interactants sont des gens qui contribuaient

aux discussions en ligne mais ne lisaient pas les messages des autres alors que les

interactants directs lisaient les messages des autres et contribuaient aux discussions. Selon

Sutton (2000), les interactants par procuration et les interactants directs sont deux groupes

qui valorisent l'apprentissage auprès des pairs. Dans son étude, seuls les non-interactants ne

développaient pas un sentiment d’appartenance au groupe suite aux discussions en ligne.

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Selon Sutton (2000), tous les étudiants semblaient être inconfortables avec l’anonymat lors

des forums mais les interactants par procuration n’étaient pas soucieux de faire un lien entre

un visage et un nom. Ils étaient plutôt centrés sur le contenu des messages. Sutton (2000) a

comparé ces quatre types d’interactants entre eux et il suggère que ce ne soient pas tous les

étudiants qui aient besoin d’interagir directement pour apprendre, que ce soit en classe ou

sur le site Internet du cours. Selon les données recueillies il semble que la satisfaction de

l’étudiant et sa réussite ne soient pas liées à un type particulier d'interactant. Sutton

distingue chacun des types d’interactant en fonction de la manière dont l’individu :

• perçoit les objectifs et les exigences de l’interaction en ligne ;

• perçoit son degré d’expérience avec la technologie et avec le contenu du cours (une personne moins habile aura tendance à apprendre en regardant faire les autres) ;

• perçoit la nécessité de construire un contexte social et le besoin de feed-back des pairs ;

• est capable et manifeste la volonté d’accorder du temps aux interactions en ligne ;

• évalue la pertinence des contenus en ligne, le but éducatif et la valeur des échanges ;

• manifeste une préférence pour l’interaction en ligne ou l'interaction face à face. Même si certains étudiants apprennent en regardant les autres agir, on doit cependant

reconnaître que certains doivent interagir pour que les autres puissent apprendre de leurs

interactions. Les résultats de l'étude de Sutton (2000) ne spécifient pas jusqu'à quel point le

type d'interaction adopté par une personne peut être situationnel. C’est-à-dire qu’une

personne pourrait interagir plus activement dans un environnement où elle est plus

familière avec le contenu ou avec les personnes. Nous ne savons pas non plus quel est

l'effet de cette non-participation apparente sur les autres participants. Cependant, d’autres

études confirment que la valeur accordée aux interactions sociales avec les pairs influence

la participation aux interactions sociales.

Blocher (1999) a utilisé trois technologies : 1) le courrier électronique ; 2) une liste de

distribution et 3) un site d’affichage de messages en ligne. Il a recueilli par questionnaire et

entrevues des informations sur la motivation, les stratégies, l’engagement et la perception

de la présence sociale tout au long du semestre. Les étudiants, de niveau universitaire,

assistaient à un cours hebdomadaire en situation de face à face et n'étaient donc pas limités

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à une communication médiatisée par l’ordinateur (CMO). La participation aux interactions

sociales, au-delà des travaux requis pour le cours, se faisait sur une base volontaire.

Selon Blocher (1999), la perception de la présence sociale et la fréquence de l’interaction

sociale supportée par des technologies asynchrones décroissent au cours d’un semestre

même si la confiance des étudiants (envers leur capacité à utiliser les systèmes de

communication médiatisée par ordinateur) s’accroît. Il note au cours de son étude que

même si les étudiants accordaient une valeur au contenu du cours, ils percevaient les tâches

proposées comme ayant peu de valeur5 et conséquemment, ils faisaient moins d’effort de

participation. Malgré un changement positif, au niveau des attitudes envers la valeur

accordée à la tâche au cours du semestre, les comportements de demande d’aide et de

collaboration de la part des pairs sont en corrélation négative avec la CMO. Blocher

suggère que ceux qui n'ont pas besoin d’aide s’engagent plus fréquemment dans la CMO,

ce qui expliquerait que la demande d’aide ne soit pas liée à l'utilisation de la CMO.

Lowe (2003) a étudié la valeur de l’interaction sociale telle qu’elle est perçue par des

étudiants gradués inscrits à un cours en ligne. Elle a identifié quatre facteurs : 1) la culture

de la discipline concernée dans le cours ; 2) le degré de complexité des connaissances et des

problèmes traités dans le cours ; 3) la perception de la valeur de la compréhension par les

pairs du contenu du cours et 4) l’obligation de participer aux interactions sociales lors du

cours versus la valeur perçue de l'expérience de l'interaction et des apprentissages. Lowe

rapporte que la valeur perçue de l'interaction sociale entre étudiants est liée :

• à l’expérience de participation à l’interaction sociale ;

• à la valeur accordée à la compréhension que les pairs ont du contenu du cours ;

• au travail sur des problèmes complexes. La perception d'utilité et de facilité influence la valeur attribuée à l’expérience de

l’interaction sociale en ligne. Zhang et Peck (2003) ont comparé, lors d'un cours en ligne,

trois groupes d’étudiants impliqués respectivement dans des forums non animés, un forum

animé par le professeur et un forum animé par des étudiants. Les auteurs ont comparé les

5. La faible valeur accordée aux tâches était liée au fait que ce cours ne procurait qu’un (1) crédit dans l’ensemble du programme de formation.

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résultats sur deux mesures : 1) la performance ou qualité du raisonnement sur le sujet à

l’étude et 2) la perception de l'utilité de l'ordinateur dans l’apprentissage ou la possibilité

que les étudiants utilisent à nouveau ce médium. Ils ont trouvé que :

• les groupes affectés au forum animé par le professeur obtiennent des notes plus élevées que les groupes où les forums étaient contrôlés par les pairs ;

• les étudiants affectés aux forums animés ont indiqué qu’ils étaient plus susceptibles d’utiliser ce médium lors de futures collaborations ;

• les étudiants qui n’ont éprouvé aucune difficulté pendant l’activité de collaboration ont également indiqué qu'ils étaient susceptibles d’utiliser un forum lors de futures collaborations.

L’étude de Brown (2000) confirme la possibilité d’un processus de construction d’une

communauté d’apprentissage en ligne. Utilisant un forum asynchrone pour favoriser les

discussions libres (non centré sur la tâche) entre des étudiants gradués de niveau

universitaire, Brown a étudié le processus de formation d’une communauté en ligne. Elle a

identifié un processus en trois étapes : 1) se faire des amis ; 2) prendre part à des fils de

discussion autour de sujets d’importance et 3) construire une camaraderie et une association

évoluant vers une relation à plus long terme.

Elle note qu’un sens de la communauté : 1) motive les gens à demeurer dans un programme

de formation ; 2) fait la promotion de l’engagement dans une démarche et dans un groupe ;

3) facilite l’apprentissage collaboratif et 4) encourage le maintien de la communication

après la fin du programme. Elle a observé des comportements de partage d’expériences

pertinentes, d’intérêts réciproques et de respect des contributions entre pairs. Bien que

plusieurs étudiants reconnaissaient la contribution des discussions en ligne entre pairs,

Brown a identifié aussi une minorité de gens qui ne partageait pas ce sens de la

communauté, pour lequel elle a recueilli auprès des étudiants les pistes d’explication

suivantes :

• le sens de la communauté ne faisait pas partie des intérêts des individus ;

• les participants étaient inscrits au cours seulement pour obtenir des connaissances ou des crédits, ils n’étaient pas intéressés par des messages de support ou des interactions sociales informelles ;

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• ces interactions sociales non-évaluées représentaient, pour certains étudiants, un travail supplémentaire ;

• pour d’autres participants des problèmes de santé ou un engagement à temps plein dans un travail et des responsabilités familiales ne permettaient pas d’accorder plus de temps pour les interactions sociales avec le groupe-classe ;

• d’autres avaient le sentiment de ne pas suivre le rythme des conversations dû à un retard à débuter avec le groupe ou à des difficultés à utiliser un clavier ;

• pour d’autres leur conception d’une communauté ne permettait simplement pas son existence dans un espace virtuel ;

• pour d’autres le caractère obligatoire des interactions sociales venait en contradiction avec leur conception de l’appartenance à une communauté comme un choix librement consenti ;

• certains étudiants ne donnaient pas une priorité à la classe à un niveau qui requiert plus de temps et de dévouement.

Brown note que l’interaction sociale et la construction de relations interpersonnelles en

ligne sont possibles mais elles requièrent beaucoup plus de temps et d'effort que lors de

rencontres face à face. Elle conclut à ce propos que le niveau de formation de la

communauté ressemble au niveau d’engagement des individus, « une communauté en ligne

se forme si, et seulement si, les gens veulent que ceci arrive ». Ce qui confirme ce que

d’autres études précédemment mentionnées ont aussi suggéré à propos de l’impact, sur la

participation, de la valeur accordée à l’interaction sociale.

2.1.3- Un changement de valeurs et d’attitudes Les activités d’apprentissage proposées dans un cours en ligne sont variées. À titre

d’exemple, elles peuvent porter sur : 1) un travail à réaliser de façon individuelle ; 2) un

travail à réaliser en équipes et 3) la participation à des discussions en ligne (qui requièrent

plus ou moins un échange formel). Ces exigences de participation aux discussions en ligne

peuvent être plus ou moins obligatoires. C’est-à-dire qu’elles peuvent plus ou moins

contribuer au résultat scolaire. Nous avons précédemment mentionné la réflexion de

Abeygunawardena (2002) à l’effet que la collaboration pourrait représenter un changement

de valeur et d’attitude chez les étudiants. Nous avons répertorié quelques études dans

lesquelles les auteurs rapportent des observations en ce sens.

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Tu (2000) note dans son étude que la participation aux interactions sociales formelles et

informelles dépend de la volonté des gens à s’engager. Tu (2000, p.135) observe que les

étudiants se limitaient aux exigences énoncées par le professeur « Very few students posted

more than two messages for discussion assignement which was the discussion

requirement » (Tu, 2000, p.135). De même Ehrlich (2002) indique que les participants à

son étude ne s’engageaient pas dans des interactions sociales sauf s’ils étaient obligés de le

faire. L’auteur note que :

• les étudiants ne voyaient pas les discussions en ligne comme partie intégrante du cours même s'ils étaient évalués sur leur participation ;

• plusieurs étudiants préféraient travailler de façon indépendante ;

• parmi ceux qui participaient aux discussions plusieurs étaient plus intéressés à structurer leur propre réponse que de construire sur les idées exprimées par les autres étudiants.

L’accroissement de la participation et de l’interaction sociale dans les discussions en ligne

semble dépendre largement (comme dans la situation de face à face) de la disposition des

étudiants à participer. Dans son analyse des contenus des messages échangés sur le site

Internet d’un cours universitaire Pena-Perez (2000) n’identifie pas beaucoup de situations

(dans le virtuel numérique) où les étudiants collaboraient réellement entre eux,

développaient des idées et construisaient des consensus. Les étudiants ne percevaient pas

les discussions en ligne comme ayant un impact sur leur apprentissage même si les

observations montrent qu'ils s’engageaient (jusqu’à un certain point) dans des processus de

construction interactive de connaissances. Selon les données recueillies Pena-Perez (2000)

identifie plusieurs facteurs qui inhibent la participation aux interactions sociales :

• la peur d’exposer publiquement et par écrit leurs idées,

• le manque de feed-back des autres étudiants,

• du ressentiment à l'égard du caractère obligatoire et évalué de la participation,

• le manque de temps,

• les étudiants admettaient participer parce que ceci faisait partie des travaux évalués dans le cadre du cours,

• les étudiants ne considéraient pas la contribution des pairs comme une source de connaissance valide,

Page 45: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

37

• ils ont jugé que les commentaires étaient superficiels et visaient uniquement à obtenir les points.

Abeygunawardena (2002) a étudié l’expérience et les significations de la collaboration

efficace auprès de six équipes d’étudiants inscrits à un cours en ligne. Les équipes devaient

compléter un projet dans un délai de 24 jours et les étudiants étaient évalués par le

professeur sur la base de leur effort de collaboration individuel. Elle a utilisé une

technologie asynchrone de communication médiatisée par le texte soit, un logiciel de de co-

élaboration de connaissances supporté par Internet (KnowledgeForum).

Selon Abeygunawardena (2002), l’interaction sociale dans un groupe de travail se produit

sur la base d’une volonté à produire une tâche déterminée. Le processus de réalisation de la

tâche dépend des relations interpersonnelles qui se manifestent à travers la collaboration.

L’auteur a répertorié des études qui montrent que les étudiants passifs (qui ne fournissent

pas d’efforts) deviennent encore moins contributifs lorsqu'ils travaillent avec des gens

performants. Selon ces études, l’auteur souligne que les gens dits passifs ne semblent pas

être intéressés à participer aux interactions sociales et que le degré de maturité pourrait

avoir un effet à ce qu'ils s'intéressent aux interactions sociales. Abeygunawardena (2002)

suggère que la collaboration requiert de nouvelles habiletés et que la communication

interactive structure, en grande partie, la performance des groupes dans la réalisation d'une

tâche.

Toujours selon Abeygunawardena (2002), le travail en équipe peut être réalisé de façon

interdépendante ou de façon parallèle. Elle distingue la coopération de la collaboration par

le degré d’interdépendance entre les membres d’une équipe. Dans un travail coopératif les

individus travaillent ensemble pour réaliser des tâches individuelles alors que dans la

collaboration tous les membres travaillent ensemble vers un but commun afin de réaliser

une tâche ou de créer un produit. Dans une collaboration l’effort mutuel est basé sur un

engagement mutuel alors que dans la coopération le travail est accompli par division des

tâches.

Selon Abeygunawardena (2002), c’est cette différence de dynamique interpersonnelle qui

requiert de nouvelles habiletés et qui représente un changement d’attitude et de valeur chez

Page 46: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

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les étudiants. À titre d’exemple, le geste de poster un message sur un site interactif ne

constitue pas en soi une interaction sociale de type collaboration. Selon cet auteur, pour

collaborer les gens ont besoin d'un échange d’information dans les deux sens, voire

réciproque, autour de la tâche à réaliser. Ce ne sont donc pas tous les messages qui

contribuent positivement au processus de collaboration.

À partir des données recueillies auprès des étudiants, Abeygunawardena a développé une

théorie ancrée de la signification de la collaboration efficace, qu’elle a nommée « Timely

Action » (action synchronisée). La manifestation de l’« action synchronisée » est liée à

quatre éléments : 1) à la nécessité de la planification et du support de la part de

l’enseignant ; 2) aux événements d’équipe qui contribuent à l’association, 3) à la

responsabilité partagée et 4) à l’effort collaboratif individuel.

L’action synchronisée inclut l’observation et l’attention à ce qui arrive dans

l’environnement asynchrone ainsi que l’ajustement du comportement afin de favoriser

l’interaction sociale collaborative de tous les participants. Globalement, Abeygunawardena

(2002) note que les étudiants ont trouvé la collaboration dans un espace virtuel plus

difficile que la collaboration en situation face à face. Elle dit que la collaboration en ligne

requiert plus de temps et que la prise de décision (autour de la réalisation d'une tâche)

représente un défi. Conséquemment, ce type d'interaction sociale – la collaboration - peut

être vue comme une occasion de développement personnel. Elle a observé des problèmes

d’attraction et de compétition qu’elle explique principalement par le fait que les étudiants

n’avaient pas le choix de leurs coéquipiers.

Concernant l’effort collaboratif individuel, Abeygunawardena (2002) souligne l’enjeu pour

chacun de reconnaître son positionnement personnel parmi les autres membres d’un

groupe. Plusieurs mettaient à contribution leurs habiletés différentes mais ils ne le faisaient

que d'une façon individuelle. Parmi les défis liés à l’effort collaboratif individuel (soit le

quatrième élément de cette théorie ancrée de l’action synchronisée « Timely Action ») elle

identifie principalement deux limites : 1) la capacité à prendre place dans le groupe en

construisant sur les idées déjà exprimées par les autres et 2) la capacité à résoudre des

problèmes de leadership et de normes sur les processus de groupe (tel que le temps de

réponse désiré aux messages électroniques).

Page 47: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

39

Synthèse de la section 2.1 Nous avons documenté divers aspects liés aux obstacles à la participation aux interactions

sociales en ligne. Nous reprendrons ces éléments lors de la synthèse en fin de chapitre.

Brièvement nous retenons pour l’instant que plusieurs études suggèrent que :

• le sentiment de sécurité plutôt que le confort avec la technologie présente un obstacle à la participation ;

• la valeur accordée aux interactions sociales entre les pairs et à la tâche ainsi que le sens de la communauté favorisent ou limitent la participation ;

• les valeurs et les attitudes des étudiants envers la collaboration et le travail en équipe ainsi que leur niveau d’engagement dans une démarche d’apprentissage présentent aussi des conditions variables à la participation aux interactions sociales en ligne tel que proposé dans le cadre d’un programme de formation académique.

Dans la section qui suit nous explorerons les limites liées à la médiatisation de la

communication par l’ordinateur.

2.2- Limites liées à la médiatisation de la communication par l’ordinateur La littérature supporte l’utilité d’encourager l’interaction sociale sous forme de travaux

d’équipe ou d’un nombre déterminé de messages à afficher sur le site d’un cours.

Cependant les liens entre la participation (aux interactions sociales en ligne) et le succès

scolaire semblent inconsistants (Picciano, 2002).

D’une part, l'interaction sociale en ligne peut contribuer à la satisfaction des étudiants mais

ce n'est pas toujours le cas. À titre d’exemple, Picciano (2002) mentionne les cas où les

étudiants dans un forum doivent s’adapter à une conversation non linéaire. Selon les

observations de Picciano (2002), un forum asynchrone a généré la création de plusieurs fils

de discussions simultanés et de la confusion. Il conclut en suggérant qu’un étudiant peut

interagir en postant un message sans se sentir membre du groupe.

D’autre part, l’interaction sociale peut contribuer à la satisfaction des étudiants inscrits à un

cours en ligne mais ne pas avoir d'impact sur la qualité de l’apprentissage. À titre

d’exemple, Picciano (2002) a trouvé une relation positive entre le degré d'interaction

sociale et la perception des étudiants de la qualité et de la quantité d’apprentissage réalisées

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dans un cours en ligne. Cependant, il n’a pas identifié de liens entre les résultats à l’examen

final et ces perceptions de la qualité et de la quantité des apprentissages. Il est important à

noter que nous avons précédemment présenté les résultats de la recherche de Sutton (2000)

à l’effet que la technologie permettait à certains étudiants qui ne participaient pas aux

interactions sociales d’apprendre par l’observation et de réussir aussi bien que ceux qui

participaient.

Alors, il semble difficile de distinguer ce qui est attribuable aux limites technologiques et

ce qui est attribuable aux limites des individus. Cependant on peut suggérer que la CMO

(par la réduction des indices socio-émotifs) pose le problème du transfert des styles de

communication utilisés en situation de face à face (Ramirez, Walther, Burgoon &

Sunnafrank, 2002 ; Tu, 2000). La revue de la littérature suggère deux limites importantes à

ce problème de transfert : 1) la CMO peut influencer la construction du contexte social où

prend place l’interaction et 2) la CMO peut limiter les processus d'interinfluence.

2.2.1- Contexte social et CMO Parmi les études qui adressent les aspects psychosociaux de la CMO, le concept de

présence sociale a émergé à titre d’une composante importante de l’interaction sociale. La

présence sociale peut être définie par la capacité de la technologie et des utilisateurs à

transmettre les indices socio-émotifs et contextuels (Tidwell & Walther, 2002). La

définition de présence sociale a été étendue pour inclure le contexte social. Appliqué à la

CMO le contexte social peut être défini par la perception de la présence des autres

personnes en ligne. Plusieurs auteurs définissent la présence sociale dans le virtuel

numérique à partir du processus social, de la finalité, de la mise en situation, de

l’interactivité, de l’utilisation du langage affectif, de la motivation et de l’intimité (Rovaï,

2002 ; Tu, 2000 ; Abeygunawardena, 2002 ; Grambling, 2003). Appliqué à l’éducation, le

concept de présence sociale rejoint les études en psychologie sociale qui cherchent à

comprendre les dynamiques de l'enseignement et de l’apprentissage en ligne (Grambling,

2003).

Grambling (2003) a comparé l’interprétation de la présence sociale d’un groupe d’étudiants

inscrits à un cours en ligne et celle d’un groupe d’étudiants inscrits à un cours en situation

Page 49: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

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de face à face. Elle a observé des similarités et des différences de perception du contexte

social. Elle a trouvé que la signification de la présence sociale pour les étudiants inscrits au

cours traditionnel (face à face) était associée à des processus réciproques entre étudiants et

professeur lorsqu'ils s’engageaient dans des discussions et interactions pédagogiques. Les

étudiants décrivaient leur expérience de la présence sociale en terme temporel, le temps

requis pour bâtir une relation.

Les étudiants du groupe inscrit au cours en ligne décrivaient leur perception de la présence

sociale en termes d'incidents qui ont pris place lors de la session d'orientation (face à face)

au début du semestre, et en termes de compassion exprimée par les messages de support et

d’encouragement échangés sur le site du cours. Les étudiants inscrits au cours en ligne

déploraient l’absence de discussions anodines qui peuvent prendre place avant et après un

cours en situation de face à face. Ils décrivaient leur expérience de la présence sociale en

ligne en terme de technologie tel que l’utilisation des émoticons (icône utilisée pour

exprimer une émotion « ☺ ») et en terme de créativité manifestée (par l’obligation

d’imaginer de nouvelles façons de concevoir l’école).

Pour les deux groupes d'étudiants la présence sociale référait à des expériences partagées et

des événements où ils s’étaient engagés dans des interactions. Tous les participants ont

attribué une signification à la présence sociale en terme d’enseignement, d’apprentissage et

de sentiment d’être relié les uns aux autres. Les étudiants des deux groupes étaient plus

conscients de la présence les uns des autres lorsqu'ils étaient en interaction et apprenaient

les uns des autres. Pour le groupe traditionnel, en situation de face à face, la présence

sociale était caractérisée par une fluidité des échanges alors que le groupe en ligne déplorait

un manque de spontanéité. La technologie occupait une place importante pour les groupes

en ligne mais pour les deux groupes l’environnement social était composé de personnes, de

sentiments, de prises de conscience et d’histoires.

Selon Tu (2000), deux concepts issus de la psychologie sociale sont associés à la présence

sociale, soit l’intimité et l’immédiateté. L’intimité et l’immédiateté sont constituants de la

proximité dans une situation de face à face. À titre d’exemple, Tu (2000) mentionne des

gestes porteurs de proximité tel que se pencher vers quelqu’un, sourire, donner une tape sur

l’épaule. L’auteur suggère que dans un environnement où la communication est médiatisée

Page 50: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

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par l'ordinateur, ces gestes puissent être remplacés par l’utilisation d’un paralangage et des

émoticons. La présence sociale selon les résultats de l’étude de Tu (2000) correspond à un

degré de sensation (feeling), de perception et de contact entre des personnes qui utilisent les

CMO.

Tu (2000) a redéfini le concept de présence sociale en termes de contexte social, de

communication en ligne et d’interactivité. Il a ajouté à cette définition la notion de

proximité qu’il a traduit en terme d’intimité. Il a ancré cette construction théorique dans les

données recueillies à l’aide d’observations, de questionnaires et d'entrevues informelles

auprès d’un groupe d’étudiants de niveau universitaire. Il a comparé la capacité de trois

technologies vis-à-vis la perception de la présence sociale. Ces trois technologies sont le

courrier électronique, un forum de discussion asynchrone (BlackBoard) et un forum de

discussion synchrone.

Il conclut que les trois technologies utilisées se révèlent comparables sur les facteurs

composant la perception de la présence sociale, même si le forum asynchrone s’est révélé

être le plus faible conducteur de présence sociale. Nous présentons ici les six principaux

enjeux liés à la perception de la présence sociale lors des interactions sociales en ligne tel

que documenté par Tu (2000) : a) la familiarité; b) la confiance; c) l’immédiateté; d)

l’intimité; e) la réponse des interlocuteurs et f) le type de tâche.

a) La familiarité Le degré de familiarité influence la perception de la présence sociale. La réduction des

indices non verbaux lors des interactions sociales en ligne peut conduire à de mauvaises

interprétations, des échecs de la communication, des distorsions de l’interaction sociale.

Selon les observations de Tu (2000), lorsque les étudiants étaient peu familiers les uns avec

les autres ils participaient peu aux discussions et ils étaient plus prudents dans leurs

réponses. Les étudiants disent qu’ils avaient peur d’être mal interprétés et de causer des

sentiments de colère ou d’insulter quelqu’un sans en avoir eu l’intention.

La mauvaise compréhension et une mauvaise interprétation des messages ont été un sujet

de préoccupation constante des étudiants de cette étude. La connaissance des autres

semblait déterminante dans l’interprétation des messages. Tu (2000) a observé plusieurs

Page 51: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

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situations de mauvaises interprétations que les étudiants expliquaient par un manque de

communication. À titre d’exemple, deux étudiants ont corrigé un texte de sorte que chacun

a effacé le travail précédent de l’autre.

b) La confiance Selon Tu (2000), la confiance, le sentiment de sécurité et des enjeux identitaires sont des

facteurs critiques dans la relation entre les pairs lors d'interaction sociales en ligne, « Trust

issues among students played a very critical role in online interaction » (Tu, 2000, p.81).

Les interactions sociales en ligne nécessitaient plus de temps pour établir la confiance entre

les participants. Tu (2000, p.88) a aussi observé des comportements de protection de

l'image de soi, « face saving ». Ce comportement semble associé à un sentiment

d’insécurité. À titre d’exemple, une étudiante a corrigé son orthographe lors des forums

synchrones, elle a expliqué qu’une mauvaise rédaction de ses messages pouvait donner une

mauvaise image d’elle-même.

Les manifestations d’affection et l’information partagée ont eu un impact positif sur la

confiance lors de l'interaction sociale alors que les relations de statut ont conduit à des

communications formelles. Par exemple, le statut du professeur a rendu les interactions

sociales plus formelles et les étudiants ont dit que ceci servait à protéger leurs résultats

scolaires (la note). Les étudiants qui participaient peu et ceux qui s’affirmaient ont

influencé les autres participants en provoquant un sentiment d’inégalité dans l'interaction

sociale qui a nuit à la relation de confiance.

c) L’immédiateté L’immédiateté est conçue dans cette étude comme une proximité psychologique et

correspond à une capacité d’expression à travers le texte dans un espace virtuel numérisé.

Plusieurs étudiants du groupe-sujet ont rapporté une difficulté à transmettre clairement par

écrit leur pensée et une difficulté à utiliser le clavier pour transmettre leur pensée, « A

person is able to think faster than they can type » (Tu, 2000, p. 162). Les discussions sur

les forums synchrones étaient vues comme étant plus difficiles mais elles étaient également

perçues comme générant plus d’interaction sociale. En plus, et toujours dans un forum

synchrone, les étudiants ont vécu de la confusion parce qu’ils pouvaient être plusieurs à

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répondre simultanément à un message. Tu (2000) note que l’utilisation du paralangage et

des émoticons était facilitant.

d) L'intimité L’intimité est conçue ici comme l’histoire relationnelle partagée par deux ou plusieurs

personnes. Selon les résultats recueillis par Tu (2000), l’intimité s'oppose au caractère

public des communications et elle est liée positivement à la perception de présence sociale

dans un environnement virtuel numérique. À titre d’exemple, les participants du groupe-

sujet percevaient les technologies « many to many » comme publiques et, dans ce cas,

comme moins intimes. Tu (2000) constate que ces technologies généraient des

conversations plus orientées sur la tâche et conséquemment moins personnelles. Malgré

l’anonymat lors de ces forums il semble qu'avec le temps les personnes développaient des

relations interpersonnelles par la formation d'impression à travers l’information transmise

par le texte.

e) La réponse des interlocuteurs La relation sociale suppose une réponse, un retour, une réaction à une action. Selon les

observations de Tu (2000), le temps de réaction influence l’interaction sociale et la

perception de la présence de l’interlocuteur dans un environnement virtuel numérique.

Dans les systèmes asynchrones de communication le feed-back se manifeste à des temps

différents. Tu (2000) a observé une faible perception de la présence sociale lorsque le

feed-back était attendu dans l'immédiat et qu'il retardait. Selon Tu (2000), la

communication asynchrone permet la liberté de travailler selon un horaire individualisé

mais présente aussi le désavantage que les participants prennent pour acquis que les autres

vérifient leurs messages. À partir de ses constats Tu (2000) suggère que la communication

asynchrone exige une discipline personnelle ou une entente entre les participants sur la

fréquence de vérification des messages et les délais de réponse.

Tu (2000) a observé dans son étude que des messages plus courts et un style informel ont

eu un impact positif sur l’incitation à répondre rapidement à un message. L’utilisation

d’une communication stylisée (par exemple un style personnel, amical, imagé) a influencé

positivement l'interaction sociale. À titre d’exemple, Tu (2000) observe que diverses

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stratégies, telles que faire des compliments, l’humour et la transparence, ont influencé

positivement les interlocuteurs à donner une réponse aux messages.

f) Le type de tâche Selon Tu (2000), le type de tâches influence le degré de présence sociale parce que celles-ci

influencent les processus sociaux. À titre d’exemple, dans un contexte de communication

en ligne, une tâche interdépendante et complexe ou une mise en situation qui génère de

l’incertitude est associée à une centration sur la tâche plutôt que sur les aspects socio-

émotifs conducteurs de présence sociale.

Tu (2000) a observé que lors de tâches qui requièrent de la créativité il y avait plus

d'interactions sociales et de conversations cognitives (telles que le partage et l'association

aux idées liées au projet du groupe). Dans la réalisation des travaux en équipe les étudiants

ont manifesté des comportements de partage, de support, de prise de décision et de

négociation. Tu (2000) a observé aussi que certaines équipes ont généré des relations

sociales négatives comme l’hostilité. À titre d’exemple, la procédure de sélection du leader

dans une équipe a généré des désaccords et dans une autre équipe les tentatives d’amener

l’équipe à mieux s’organiser ont été interprétées comme un comportement de contrôle.

Donc, ce ne sont pas toutes les interactions sociales qui ont un impact positif sur la

présence sociale (lorsque celle-ci est définie par un sentiment de proximité).

Synthèse sur le contexte sociale et la CMO Nous venons de voir dans cette section sur la présence sociale que celle-ci est associée à

des processus de réciprocité (Grambling, 2003) et à la proximité (Tu, 2000). L’étude de Tu

(2000) suggère que la distance physique et la médiatisation de la communication par le

texte pose un défi de transposition des stratégies de communication habituellement utilisées

en situation de face à face. Essentiellement, Tu (2000) suggère que la perception de la

présence sociale en ligne soit associée à la capacité de se sentir psychologiquement proche

de quelqu’un malgré la distance physique. Les données recueillies par Tu (2000) portent

notre attention sur certains aspects, qui contribuent à la constitution d’un sentiment de

proximité lors de l’interaction sociale en ligne, tels que :

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• la familiarité entre les participants réduit le risque de mauvaises interprétations des messages ;

• la confiance se construit par des manifestations d’affection et de partage d’information plutôt que par les relations de statut ;

• l’utilisation du paralangage et des émoticons facilite l’expression de soi à travers le texte et soit conductrice d’immédiateté ;

• les technologies « many to many » soient perçues comme moins intimes et favorisent moins le développement de relations personnelles ;

• la communication en ligne exige que les participants favorisent une réponse rapide de la part des interlocuteurs (ceci peut être fait par des ententes sur les délais de réponse, la rédaction de courts messages et l’utilisation d’un style de communication informel) ;

• le type de tâche influence les processus sociaux mis en place par les participants et peut avoir un impact positif (tel qu'accroître l’association au groupe) ou négatifs (tel que générer des situations de conflits) sur le sentiment de proximité.

Nous allons explorer dans la section suivante quelques études qui portent sur l’interaction

sociale qui implique des processus sociaux tel que la négociation, la prise de décision et la

résolution de conflits dans des espaces virtuels numériques.

2.2.1- Interinfluence et CMO Les résultats des recherches ne sont pas clairs concernant les possibilités et les limites des

processus qui requièrent une interinfluence entre les participants lorsque la communication

est médiatisée par l’ordinateur. Selon Wilson (2003), d’une part, des recherches disent qu'il

est possible d’établir, dans les espaces virtuels, des relations interpersonnelles qui se

développent avec le temps. D’autre part, selon Wilson (2003), des comparaisons entre les

situations de rencontre face à face et les CMO rendent compte de limites associées à la

réduction de la compréhension des messages tel que : les difficultés de faire des consensus,

de prendre des décisions, de produire des résultats. Il y aurait aussi plus de comportements

inappropriés comme des expressions de colère « flaming » et des menaces. Nous

présenterons dans cette section des recherches qui documentent quelques-uns de ces

processus d’interinfluence dans le virtuel numérique : 1) la persuasion °; 2) le travail en

équipe et 3) l’échange de feed-back.

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2.2.1.1- La persuasion Wilson (2003) a réalisé, auprès de trois groupes d’étudiants de niveau universitaire, une

étude sur la perception de la capacité de persuasion lorsque la communication est

médiatisée par l’ordinateur. La persuasion est conçue, dans cette étude, comme l’efficacité

perçue de la communication interpersonnelle ou du message. Il a utilisé une technologie

asynchrone soit le logiciel de courrier électronique EudoraPro. Wilson (2003) a comparé

l’évaluation par les étudiants de l’efficacité perçue (soit leur capacité de persuasion) de

leurs stratégies de communication. À partir de la revue de littérature il a classé en quatre

catégories les stratégies de communication : 1) les stratégies logiques (telles que le

raisonnement et l’expertise) ; 2) les stratégies émotionnelles (telles que l’expression

d’émotions et d’altruisme) : 3) les stratégies de récompenses (telles que la promesse de

bénéfices suite à l’obéissance) et 4) les stratégies de punitions (telles que la menace de

sanctions suite à une désobéissance).

À partir de ces catégories il a construit un test qui invitait les étudiants à évaluer leur

perception de l’efficacité de chacune des quatre catégories de stratégies de communication.

Les résultats de son étude (résultats de l’évaluation quantitative par les étudiants) montrent

que les étudiants préfèrent la communication lors des rencontres face à face plutôt que les

communications par courrier électronique. L’efficacité perçue de la communication

associée aux stratégies logiques et émotionnelles est évaluée comme élevée dans les

situations de face à face et comme faible pour les CMO. Les stratégies de récompenses et

punitions prennent plus d'importance lors d’une situation de communication médiatisée par

l’ordinateur.

Wilson (2003) rapporte que les CMO obtiennent une évaluation faible sur la capacité à

supporter des stratégies émotionnelles. Cependant l’évaluation faible des CMO associée

aux stratégies logiques interroge l’auteur. Il suggère que les communications rationnelles

(telles que l’argumentation) requièrent un éventail plus large d'expression que ce qui est

fourni par le texte lors d’une communication médiatisée par l’ordinateur. Il formule des

hypothèses sur la vitesse réduite de l'expression écrite à l'aide d’un clavier

comparativement à la rapidité de la parole, des différences cognitives entre la parole et

l'écriture, un manque de feed-back immédiat.

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Selon Wilson (2003), les participants à cette étude trouvent plus difficile de réaliser des

activités qui requièrent l’influence interpersonnelle lorsqu’ils utilisent un système de

communication médiatisée par l’ordinateur. La perception des étudiants de leur capacité

d’influencer ou à persuader leurs collègues est plus faible dans ces environnements virtuels

numériques. En conclusion, Wilson (2003) souligne que l’intégration d’un système de

communication asynchrone médiatisée par le texte peut réduire la capacité des étudiants à

réaliser des travaux d’équipe.

2.2.1.2- Le travail en équipe La qualité des processus d’interinfluence dans les équipes semble à la fois liée aux limites

des CMO et aux limites des habiletés interpersonnelles des participants. Gabriel et

McDonald (2002) ont étudié comment les étudiants décrivent leurs expériences de

participation à un programme de MBA (maîtrise en science de l’administration) en ligne et

quelles sont les structures de support qu'ils développent.

Les participants à ce programme en ligne assistaient à un séminaire de trois semaines en

situation de face à face, au début de chacune des trois années du programme. Ces

séminaires avaient pour objectif de développer des habiletés (liées au travail en équipe)

suivantes : 1) instaurer une familiarité entre les participants en termes de connaissances des

forces et des faiblesses de chacun dans le groupe; 2) acquérir des compétences (liées à

l’étiquette de la communication en ligne) et 3) sensibiliser les participants aux différents

styles d’apprentissage.

Globalement, les étudiants dans l’étude de Gabriel & McDonald (2002) rapportent que le

rythme du travail en ligne, les exigences en termes de compétences techniques et le besoin

de liens alternatifs de communication sont des facteurs différents de ceux qui prévalent lors

d’expériences d’apprentissage en face à face. Selon les étudiants, le travail en équipe est

meilleur en situation de face à face dû au fait que le travail en ligne requiert plus d'effort et

que la prise de décision nécessite plus de temps. (Par exemple, les membres doivent

attendre que tous aient été sur le site pour donner leur opinion.).

Selon les auteurs, l’aspect coopératif du programme de MBA sur Internet de cette

université apporte des avantages et également des défis. Parmi les avantages les auteurs

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notent un sentiment d’isolement moindre que dans les programmes traditionnels (de type

individuel), le développement de plus de systèmes de soutien, une perception d'un

apprentissage dans un contexte authentique et une meilleure capacité à communiquer

clairement en ligne.

Les étudiants de cette étude ont dit qu’ils étaient plutôt un groupe d’apprentissage qu’un

groupe de travail puisque les résultats portent principalement sur l'apprentissage et surtout

sur l’apprentissage du travail en équipe. Les étudiants ont identifié les dynamiques de

groupe comme leur principal apprentissage personnel. Lors des semaines de résidence, un

accent a été mis sur la compréhension des enjeux du travail en équipe virtuelle. Les

étudiants étaient conscients que l’ensemble des professeurs impliqués dans leur programme

de formation attendait d’eux, notamment, qu’ils résolvent par eux-mêmes les difficultés

interpersonnelles.

Cependant, plusieurs événements sont survenus dans les équipes qui ont eu comme effet

une remise en question de cette attente envers les étudiants. Entre autres, la difficulté à

composer avec les différences interpersonnelles a donné lieu à plusieurs situations

frustrantes et conflictuelles comme nous allons le voir dans ce qui suit. Même si les

différences avaient été adressées pendant les semaines de résidence en situation de face à

face plusieurs différences n'ont émergé que lors du travail en ligne. À titre d’exemple, les

étudiants avaient différents degrés de connaissances des sujets à l’étude et différents degrés

de maîtrise de la technologie, le temps investi dans les études variait selon la disponibilité

des individus et les autres engagements de leur vie personnelle (tels que des responsabilités

familiales ou un emploi), certains individus préféraient le travail individuel et d’autres

préféraient le travail en équipe. Ces différences ont donné lieu à des situations frustrantes

telles que :

• un membre de l’équipe décidait de relâcher ses efforts laissant aux autres la responsabilité de fournir un effort supplémentaire ;

• dans une équipe un membre s’est montré abusif au point qu’un autre étudiant se soit senti harcelé ;

• dans un groupe un membre se donnait des exigences de performances très élevées et cherchait à les imposer aux autres. Lorsque les autres ont refusé ses exigences

Page 58: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

50 l'individu en question a refusé de poursuivre avec son équipe mais aucune autre équipe n’a voulu l’accueillir.

À travers les CMO tous les étudiants du programme de MBA étaient conscients des

difficultés vécues dans les autres équipes. Quatre étudiants ont formellement demandé

l’intervention d’un spécialiste en gestion de conflits. Les résultats de cette étude montrent

que des difficultés émergeantes de l’interaction sociale en ligne peuvent être liées non

seulement à la CMO mais aussi aux habiletés interpersonnelles des participants telles que la

gestion des différences et la gestion des conflits. L’étude de Gabriel & McDonald (2002)

montre que les situations de conflits dans une équipe virtuelle ou face à face peuvent

dépasser la capacité des individus impliqués personnellement dans le confit et nécessiter

l’aide d’un expert.

Comme le suggèrent les études précédentes, selon Wagner (2002), il semble que la gestion

des différences et des conflits est plus difficile lorsque la communication est médiatisée par

l’ordinateur. Wagner (2002) a documenté les processus de gestion des conflits auprès de 32

équipes virtuelles provenant de vingt compagnies différentes. Elle a trouvé que les limites

de temps de rencontre, la faiblesse des relations entre les individus ainsi que les différences

de statuts décourageaient les membres des équipes à aborder directement les conflits. La

complexité des conflits, associée à la dispersion et aux différences culturelles, incite les

participants à se replier sur des mécanismes structurels et des raccourcis ou stratégies de

prise de décision non consensuelle. Parmi les technologies utilisées le courrier électronique

et le téléphone sont préférés par les participants pour traiter les conflits.

2.2.1.3-L’échange de feed-back Parmi les études sur l’interaction sociale en ligne entre les pairs le manque de feed-back

immédiat est fréquemment souligné par les chercheurs. L’étude de Juwah (2003) montre

que l’évaluation entre les pairs joue un rôle important dans le support aux démarches

d’apprentissage et permet le développement d’habiletés tel que la pensée critique, l’analyse

et l’esprit de synthèse. Juwah (2003) suggère que pour être efficace l’évaluation par les

pairs doit être l’objet d’un entraînement approprié qui inclut l’habileté à recevoir et à

donner du feed-back.

Page 59: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

51

Malgré ceci nous n’avons pas identifié beaucoup d’études sur cette pratique de l’échange

de feed-back lorsque la communication est médiatisée par l’ordinateur. Cependant les

études soulignent : 1) les risques de mauvaise interprétation et des comportements de

protection de l’image de soi (Tu, 2000) ; 2) un impact potentiel sur le sentiment de sécurité

(Rovaï, 2002) et 3) une réticence à critiquer le travail des pairs dû à un manque de

connaissances du sujet (Juwah, 2003). L’échange de feed-back semble être une habileté

interpersonnelle liée aux processus de communication (un besoin d'obtenir une réponse à

un geste) et aux processus d’apprentissage de type expérientiel (développement personnel).

L’étude de Enoch (1996) est une étude sur l’échange de feed-back dans un contexte

d’apprentissage de type expérientiel. Enoch (1996) a réalisé une étude dans un contexte de

cours traditionnel face à face où il démontre l’impact positif du feed-back (expérientiel)

entre les pairs. Les étudiants (en équipe de quatre) se sont rencontrés six fois pendant le

semestre pour s’entraider. L’échange de feed-back entre les étudiants avait pour objectif

une entraide dans le développement des habiletés personnelles et interpersonnelles

associées à l’exercice du leadership. L’échange de feed-back entre les étudiants a eu un

impact positif sur le développement des habiletés à exercer un leadership

transformationnel : 1) la capacité à communiquer ; 2) la capacité à donner du support et à

être attentif aux autres ; 3) une centration sur les membres de l'équipe ; 4) la capacité à être

visionnaire ; 5) le courage ; 6) la crédibilité ; 7) la confiance en soi et 8) la capacité à se

donner des normes personnelles.

Nous avons vu dans cette section que la médiatisation de la communication par l’ordinateur

peut réduire la perception de la capacité d'influencer l’interlocuteur (Wilson, 2003). Nous

avons aussi proposé quelques recherches qui explorent le vécu des participants dans un

espace virtuel numérique lors de processus qui requièrent une interinfluence telle que le

travail en équipe (Gabriel & McDonald, 2002), la gestion de conflit (Wagner, 2002) et

l’échange de feed-back (Juwah, 2003). Dans la prochaine section nous allons présenter

quelques études qui tentent de faire ressortir les enjeux plus spécifiques à la réalisation de

tâches interdépendantes par des équipes virtuelles.

Page 60: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

52

2.3- Réalisation de tâches interdépendantes par des équipes virtuelles Dans la section précédente nous avons présenté les résultats des chercheurs concernant les

processus de négociation, de prise de décision et de résolution des conflits dans les équipes

qui travaillent dans un espace virtuel. L’interdépendance d’une tâche requiert une

coordination et une cohésion entre les membres d’une équipe. Conséquemment, on peut

raisonnablement interroger la performance des équipes lorsque la communication est

médiatisée par l’ordinateur.

Selon Wong (2002), les processus de développement de la cohésion (les pratiques

structurelles) et les processus de développement du lien social (la confiance et l’entraide)

sont deux dimensions associées à la performance des équipes virtuelles. Compte tenu que la

production de travaux d’équipe dans un cours conduit à un résultat scolaire ou une

appréciation de la performance, la récompense nous apparaît comme une troisième

dimension liée à la performance des équipes virtuelles. Seule une étude réalisée en situation

de face à face apporte un éclairage sur l’impact de la distribution de la récompense sur la

performance des équipes. La possibilité de transférer ces résultats à une situation virtuelle

numérique reste à documenter.

La revue de la littérature que nous présenterons dans cette section documente trois aspects

associés à la performance des équipes : 1) le lien social ; 2) les pratiques structurelles et 3)

la récompense. Les deux premiers aspects – le lien social et les pratiques structurelles - sont

documentés par des recherches spécifiques aux équipes virtuelles. Le dernier aspect - la

distribution de la récompense - est documenté par une recherche en situation de face à face.

2.3.1- Lien social et performance des équipes virtuelles Le développement des groupes en ligne est similaire au développement des équipes en

situation de face à face et suit à peu près les étapes du processus de résolution de problème

(Thomas, 2002). Thomas (2002) a étudié la fréquence, le type d’interaction sociale et les

perceptions des étudiants de l’apprentissage par projet. Vingt et un étudiants, structurés en

six équipes, ont participé à l’étude. Les étudiants avaient accès à des technologies

asynchrones et synchrones lors de la réalisation du travail en équipe.

Page 61: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

53

Les résultats de la recherche de Thomas (2002) montrent que les technologies utilisées ont

un impact sur la réalisation des tâches. Les forums asynchrones sont plus adaptés aux

tâches qui requièrent de la réflexion et du temps pour approfondir, les forums synchrones

sont plus conducteurs de connexions sociales et de construction de solidarité. L’auteur a

observé que le travail en équipe requiert des habiletés interpersonnelles et que les groupes

moins performants différaient des groupes plus performants sur la fréquence et le temps

d'interaction sociale en ligne. Selon Thomas (2002), cette différence suggère que les

équipes moins performantes ne confrontaient pas la nécessité de résoudre des problèmes

telle que la coordination des tâches et des contributions.

Nous venons de voir que les étapes de développement des équipes virtuelles sont similaires

aux étapes de développement des équipes en situation de face à face et qu'essentiellement

c’est la pratique de faire face aux problèmes de coordination qui distingue les équipes

performantes dans le virtuel. L'étude suivante confirme que la capacité de résoudre les

problèmes (plutôt que la confiance) soit un élément clé de la performance des équipes

virtuelles.

L'interdépendance de la production des résultats exige un présumé de la part des membres à

l’effet que chacun fournira une contribution suffisante. C’est ce présumé que Aubert &

Kelsey (2003) nomment la confiance. « It is generally assumed that a critical factor in the

successful completion of a project is trust in fellow team members to deliver their share of

the work on time and with sufficient quality » (Aubert & Kelsey, 2003, p. 577).

Selon Aubert & Kelsey (2003), au fil de la progression d'un projet, les membres doivent

composer avec des processus qui peuvent avoir un effet positif ou négatif sur la confiance.

À titre d’exemple de ces processus, les auteurs mentionnent : la répartition des tâches ; la

prise de décision ; la gestion de conflit et la construction d’un esprit de corps et de

cohésion. Aubert & Kelsey (2003) ont réalisé une étude sur ces liens entre la confiance et la

performance dans les équipes virtuelles. Selon les résultats de cette recherche, la

performance des équipes était indépendante de la confiance. Au-delà de la confiance c’est

la symétrie de l’information et une bonne communication qui distinguaient les équipes

performantes des équipes plus faibles.

Page 62: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

54

L'étude démontre que même si la confiance n’est pas nécessaire à la performance d'une

équipe lorsque présente, la confiance réduit le coût associé au travail en équipe. Lorsque

présente, la confiance a réduit les efforts nécessaires à la coordination, a réduit l’asymétrie

de l'information et a accru la compréhension par chaque membre de l'évolution des projets

d’équipe. Selon les auteurs la perception des habiletés, de l’intégrité et de la volonté des

membres d’une équipe virtuelle est plus faible que ce qui est observé chez les membres

d'une équipe locale (en situation de face à face) et ce fossé s’accroît au fil de l’exécution

d'un projet dans le virtuel.

Les résultats de Aubert & Kelsey (2003) montrent que les équipes moins performantes

partagent certaines caractéristiques : les membres percevaient différemment les buts

poursuivis, ils rencontraient des problèmes de communication et ils pouvaient reconnaître

qu'ils avaient des problèmes de performance et de processus de travail mais ne les traitaient

pas de façon satisfaisante. Les équipes performantes - qui manifestaient de la confiance - se

donnaient des normes de groupe et élaboraient une éthique de travail. Elles avaient aussi un

haut degré de transparence et elles partageaient l'information. Les équipes performantes -

qui ne manifestaient pas de confiance - reconnaissaient leurs problèmes de performance et

elles se dotaient de stratégies efficaces pour résoudre ces problèmes.

2.3.2- Pratiques structurelles et performance des équipes virtuelles LeMay (2000) a décrit le processus de développement des équipes virtuelles. Elle a étudié

comment les équipes virtuelles travaillent ensemble pour atteindre leurs objectifs. Et elle a

tenté d’établir dans quelle proportion sont mélangées les communications orientées sur la

tâche et sur la dimension sociale. À l’intérieur d’un programme de MBA, des étudiants en

équipe devaient réaliser un audit, analyser les résultats et produire un rapport. Les équipes

devaient se constituer en équipes virtuelles sur une période de huit semaines pour réaliser

ce projet. Les équipes devaient tenir un forum synchrone hebdomadaire (chat room).

Elle a trouvé que les équipes virtuelles suivent des étapes de développement similaires aux

équipes en situation de face à face telles que décrites par les principales approches

théoriques sur le développement des groupes. Les modèles utilisés pour comparer ses

résultats se résument aux étapes de développement de la tâche (l'orientation, l'organisation,

Page 63: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

55

la circulation de l'information, la résolution de problème) et aux étapes de développement

social de l’équipe (la dépendance, le conflit, la cohésion, l'interdépendance). Elle a noté

quelques différences telles que :

• les équipes virtuelles se développaient à un rythme plus lent et restaient en proportion plus centrées sur la tâche alors que les équipes en situation de face à face modifiaient leur lien social plus rapidement ;

• les équipes virtuelles franchissaient plus d’étapes de développement liées à la tâche que des étapes de développement liées au développement social ;

• les étapes de développement observées dans les équipes virtuelles n’étaient pas linéaires ;

• les équipes virtuelles passaient plus de temps sur les communications liées à la tâche que sur les conversations sociales (comme dans le cas des équipes face à face) ;

• à long terme les équipes virtuelles développaient aussi des liens sociaux et les conversations sociales étaient accrues.

Selon LeMay (2000), les équipes virtuelles manifestent des processus de travail associés à

des pratiques structurelles tel que : 1) l’autogestion ; 2) le volontarisme ; 3) l’absence de

conflit ; 4) des processus de prise de décisions similaires et 5) des protocoles (normes)

d’équipe similaires. LeMay note que l’absence de conflit peut être liée à la difficulté

d’exprimer un désaccord dans un espace virtuel (il semble que ceci soit lié au fait que la

communication transmise dans un format texte laisse des traces).

Le développement des équipes virtuelles semble plus fortement associé à leurs pratiques

structurelles alors que le lien social est plus important pour les équipes en situation de face

à face. L’étude suivante suggère le rôle clé de la cohésion dans l’exécution de la tâche sur

la performance de l’équipe. L’engagement dans des pratiques structurelles autour de la

tâche à réaliser (plutôt que l’attraction et les comportements de facilitation entre les

membres) semble plus fortement associé à la performance des équipes virtuelles.

La nécessité de coordination, de partage d’information, de prise de décision est liée au

degré d’interdépendance des tâches réalisées par les équipes virtuelles. Selon Gonzàlez,

Burke, Santuzzi & Bradley (2003), les tâches cumulatives ou parallèles, non

interdépendantes et les tâches interdépendantes influencent le degré d’importance de

l’attraction et de la cohésion entre les membres d’une équipe. Une plus grande attraction et

Page 64: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

56

cohésion du groupe sont nécessaires à la performance de l’équipe lors de tâches

interdépendantes.

Gonzàlez, Burke, Santuzzi & Bradley (2003) ont comparé l’efficacité et la performance de

71 groupes d’étudiants inscrits dans un programme d’éducation selon une approche

d’apprentissage collaboratif (en ligne). Les auteurs ont étudié la performance des équipes

lors de l’exécution de tâches interdépendantes et ont comparé quatre aspects socio-

motivationnels liés à la performance : 1) la cohésion du groupe dans l’exécution de la tâche

(engagement envers la tâche) ; 2) l’attraction (affinité entre les membres de l’équipe) ; 3)

l’efficacité collective (croyance partagée en la réussite du projet d'équipe) et 4) la

performance comportementale (facilitation entre les membres de l’équipe).

Selon Gonzàlez, Burke, Santuzzi & Bradley (2003), il semble que, dans les équipes

virtuelles, la cohésion dans l’exécution de la tâche soit un facteur qui médiatise la relation

entre l'efficacité collective et la performance comportementale. Ceci semble lié aux limites

imposées par la technologie en terme de réduction des indices socio-émotifs. Les

participants établissaient un lien à travers la tâche à réaliser plutôt qu’à travers une

attraction des uns envers les autres. L’efficacité collective, c’est à dire la croyance en la

capacité de l’équipe de réussir à accomplir la tâche, contribuait à une cohésion dans

l’exécution de la tâche et celle-ci (plutôt que l’attraction) influençait le fonctionnement du

groupe. Ceci expliquerait, selon les auteurs, l’efficacité et la performance des équipes

virtuelles.

Dans cette étude de Gonzàlez, Burke, Santuzzi & Bradley (2003), la performance

comportementale (facilitation) est le seul facteur à ne montrer qu'une faible corrélation avec

les autres facteurs. Ces auteurs suggèrent que lorsque les gens croient qu’ils peuvent

accomplir une tâche ils ont moins besoin de support et d’encouragement. Les

comportements sont alors surtout orientés vers la tâche plutôt que sur des comportements

(contextuels) de facilitation des relations sociales dans l’équipe.

Parmi les variables associées au rôle de médiatisation de la cohésion (dans l’exécution

d’une tâche), lors de collaborations à distance, les auteurs suggèrent d’étudier la réciprocité

des relations. Il semble que des comportements de cohésion dans l’exécution de la tâche à

Page 65: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

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travers des pratiques structurelles peuvent avoir des effets sur la qualité du travail

collaboratif à distance. Selon Gonzàlez, Burke, Santuzzi & Bradley (2003), des différences

individuelles - telles qu'une orientation vers le travail indépendant - peuvent influencer le

degré de cohésion et conséquemment les processus et la qualité de la production des

équipes.

2.3.3- Interdépendance de la récompense et performance des équipes virtuelles Fréquemment (lors de travaux d’équipe dans un cours) le professeur attribue une note

globale à l’équipe. Il semble que cette pratique de la récompense ait un impact sur la

performance des équipes. Allen, Sargent & Bradley (2003) ont exploré les effets de

l’interdépendance de la tâche et de la récompense sur la perception de l'effort, les

comportements d’entraide et la performance de groupe dans un environnement de

laboratoire en situation de face à face.

Ils ont créé une mise en situation où quatre conditions ont été observées ; deux tâches

interdépendantes (interdépendance élevée et faible) et deux contextes de récompenses

interdépendantes (interdépendance élevée et faible). Ils y ont mesuré quatre facteurs : les

comportements d’entraide ; l’effort ; la performance et la perception de l’interdépendance

de la récompense. Les résultats de leur étude démontrent que ce sont les groupes où

l’interdépendance de la récompense était faible qui ont été capables de réduire les erreurs

de production. Autrement dit, l’interdépendance de la récompense peut réduire la

performance des équipes. Nous verrons dans ce qui suit l’impact de l’interdépendance de la

récompense sur les comportements d’entraide et sur l’effort des individus.

Selon Allen, Sargent & Bradley (2003), les résultats de cette recherche montrent que

l'interdépendance de la tâche est positivement liée aux comportements d’entraide, (surtout

lorsque la tâche requiert une interdépendance élevée). Cependant, contrairement aux

théories, qui disent que pour produire une interaction sociale positive la récompense doit

être également distribuée, les comportements d’entraide ne sont pas liés à l’interdépendance

de la récompense. Étonnamment, les niveaux de perception d’entraide chez les étudiants

étaient plus élevés lorsqu’une tâche fortement interdépendante était combinée avec une

faible interdépendance de la récompense.

Page 66: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

58

Selon Allen, Sargent & Bradley (2003), il n’y aurait pas non plus de relation entre

l’interdépendance de la récompense et l’effort. L'accroissement de la complexité (lié aux

tâches hautement interdépendantes) ne permettait pas à l’effort d’influencer positivement

les comportements d'entraide et conséquemment la performance de l'équipe. C’est plutôt un

effet inverse qui a été observé : l'interdépendance de la récompense diminuait les effets

positifs de l’effort sur la performance lorsque l'écart entre la complexité et l’habileté était

accru.

Les auteurs suggèrent qu’il y ait (à propos des effets de l’interdépendance de la

récompense) une différence entre les groupes où l'interdépendance de la tâche est élevée et

les groupes où l’interdépendance de la tâche est faible. Les groupes, où l'interdépendance

de la tâche était élevée, expérimentaient la tâche comme complexe, devaient soutenir un

nombre élevé d’interactions sociales entre eux et ils se débattaient pour interagir entre eux

de façon efficace. Selon Allen, Sargent & Bradley (2003), lorsqu’une tâche devient plus

complexe, le niveau d’habileté des individus (en regard des exigences) décroît et

l’interdépendance de la récompense n’accroît pas la performance. Autrement dit, il y a une

limite aux efforts que peuvent fournir les gens dans un contexte où leurs habiletés sont déjà

sollicitées au maximum.

Alors que les groupes affectés à une tâche où l’interdépendance était faible expérimentaient

celle-ci comme moins complexe, l’attention des membres du groupe restait centrée sur les

exigences critiques de la performance, ils étaient plus efficaces et ceci a servi d’effet positif

sur les comportements d'entraide et l’effort. Allen, Sargent & Bradley (2003) ajoutent en

conclusion que les groupes (pour être efficaces) ont besoin de temps pour développer des

stratégies efficaces de travail en équipe.

Selon ces études, les équipes virtuelles se distinguent des équipes en situation de face à face

principalement sur trois aspects 1) l'importance de la tâche (plutôt que le lien social) dans le

développement des équipes virtuelles, 2) la priorité de la cohésion dans l’exécution de la

tâche (plutôt que l’attraction) et 3) la priorité à la synchronicité de l’information (plutôt que

la confiance). Ces distinctions, entre équipes virtuelles et équipes en situation de face à

face, incitent à interroger les difficultés et l’organisation du comportement des étudiants

lors de travaux d’équipes réalisés dans un espace virtuel. De plus, les résultats de l’étude

Page 67: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

59

sur la pratique de l’interdépendance de la récompense sont peu documentés et

particulièrement en situation de médiatisation de la communication par l’ordinateur.

2.4- Synthèse de la revue de la littérature Nous avons vu dans le présent chapitre les indications fournies par la revue de la littérature

sur les obstacles et les limites liés aux individus (sentiments de sécurité, valeurs et attitudes,

habiletés interpersonnelles). Nous avons vu aussi des indications concernant les limites

liées aux CMO (transfert du style de communication, risques de mauvaise interprétation,

interinfluence plus difficile). Il s’agit ici de tenter de mieux comprendre cette double

médiatisation de la relation par la communication et par l’ordinateur dans un espace virtuel

numérique.

Cette revue de la littérature indique plusieurs difficultés potentielles avec lesquelles les

étudiants doivent composer lors de la réalisation de tâches plus ou moins interdépendantes.

Nous présentons dans le Tableau-1 une synthèse de la revue de littérature. Ce tableau sera

suivi des principaux constats sur la revue de la littérature.

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Tableau 1- Synthèse de la revue de la littérature

Obstacles à l’interaction sociale en ligne Limites liées aux CMO Équipes virtuelles : particularités Évaluation de la pertinence et la valeur accordée aux contenus, aux tâches, à la contribution des pairs, la valeur accordée à l’expérience vécue de l’interaction sociale en ligne. Sutton (2000) ; Blocher (1999) ; Lowe (2003) ; Zang et Peck (2003); Ehrlich (2002); Pena-Perez (2000)

La complexité, l’interdépendance de la tâche, l'incertitude, les technologies de plusieurs à plusieurs (dites moins intimes) ainsi que les relations de statut conduisent à des interactions orientées vers la tâche et aussi à des communications plus formelles. Tu (2000)

Développement similaire aux équipes en situation de face à face sauf sur trois dimensions : un processus non linéaire, une communication et un processus centrés sur la tâche et le développement requiert plus de temps. Thomas (2002); LeMay (2000)

Réactions aux délais, au manque de feed-back, au manque d’indice non verbal, à la distance, au manque d’intimité et d’immédiateté, au manque de spontanéité. Rovaï (2002); Kelsey (1999); Sutton (2000); Hegngi (1997); Tu (2000); Grambling (2003); Pena-Perez (2000)

Globalement, la CMO est perçue comme utile pour générer des idées, mais moins efficace pour des tâches qui requièrent de l’interinfluence telle que la négociation, le choix, la prise de décision et l'exécution de tâches en équipe. La technologie utilisée a un impact sur la tâche : le forum asynchrone est plus adapté aux tâches qui requièrent une réflexion et le forum synchrone mieux adapté aux tâches qui génèrent de la solidarité. Thomas (2002); Tu (2000); Wilson (2003)

La performance des équipes virtuelles est liée à l’efficacité collective (croyance en la réussite) et à la cohésion dans l’exécution de la tâche (engagement) plutôt que l’attraction entre les membres du groupe. Gonzàlez, Burke, Santuzzi & Bradley (2003)

Réactions aux différences individuelles : connaissances, buts, disponibilité, effort des autres, préférence pour le travail indépendant, style d’apprentissage. Ehrlich (2002), Gonzàlez, Burke, Santuzzi & Bradley (2003); Gabriel & McDonald (2002)

La capacité d’influence et de persuasion est perçue comme plus limitée dans un espace virtuel; les stratégies de récompense et de punition prennent plus d'importance dans le virtuel. Les conflits sont plus difficiles à résoudre et ne sont pas adressés directement dans un espace virtuel. Certains conflits (dans les équipes virtuelles) peuvent nécessiter une aide spécialisée lors de rencontres face à face. Wilson (2003); LeMay (2000); Gabriel & McDonald (2002); Wagner (2002)

L’absence de conflits peut être liée à la difficulté d’exprimer par écrit un désaccord dans un espace public. Les équipes moins performantes n’adressent pas les problèmes de coordination des tâches. LeMay (2000); Thomas (2002)

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Tableau 1- Suite Obstacles à l’interaction sociale en ligne Limites liées aux CMO Équipes virtuelles : particularités Sentiment de sécurité : le manque de connaissance du sujet et d’expérience de la technologie (dont l’utilisation du clavier); la peur d’exposer publiquement leurs écrits; la protection de l'image de soi, le degré de familiarité avec les autres, la volonté de donner un feed-back honnête; la légitimité de critiquer le travail des pairs. Kelsey (1999); Tu (2000); Pena-Perez (2000); Rovaï (2002); Sutton (2000); Brown (2000)

Mauvaise interprétation des messages et des événements par manque de familiarité entre les participants; difficultés à exprimer la pensée par écrit. La collaboration est plus difficile et prend plus de temps dans le virtuel. Des problèmes sont observés : leadership, contributions individuelles et indépendantes au travail de l'équipe, problèmes d’attraction, comportements d’hostilité et relation de compétition. Importance de la confiance, celle-ci prend plus de temps à bâtir dans le virtuel. Abeygunawardena (2002); Ehrlich (2002); Tu (2000)

En situation de face à face, l’interdépendance de la tâche est liée aux efforts et à l’entraide mais l’interdépendance de la récompense produit un effet négatif sur l’effort et sur la performance. Allen, Sargent & Bradley (2003)

Réactions à l’obligation d’interagir à la surcharge de travail liée aux interactions sociales et à la surcharge d’information dans la communication par écrit, au manque de temps, à l’anonymat. Sutton (2000); Hegngi (1997), Brown (2000); Tu (2000); Pena-Perez (2000)

Un style de communication informel, des manifestations d’affection et de partage d’information et l’intimité génèrent des comportements d’immédiateté (incite à répondre au message) dans le virtuel. Nécessité de se donner des normes telles que les délais de réponse aux messages. Des études en situation de face à face montrent l’utilité de l’échange de feed-back entre les pairs. Hegngi (1997); Tu (2000); Enoch (1996); Juwah (2003)

Dans le virtuel la performance est liée à une synchronicité du partage de l’information et une synchronicité de l’information (plutôt que sur la confiance). La confiance réduit les coûts de coordination. Les équipes moins performantes interagissent moins fréquemment et n’adressent pas les difficultés rencontrées. Thomas (2002); Aubert & Kelsey (2003)

La participation dépend de la volonté, de l’intérêt et de la capacité à investir dans l'interaction en ligne. Sutton (2000); Brown (2000); Tu (2000); Pena-Perez (2000)

Le contact personnel et la confiance sont nécessaires et ceux-ci requièrent plus de temps et d’effort dans le virtuel numérique. Le travail en équipe requiert des habiletés interpersonnelles « team building ». Hegngi (1997); Rovaï (2002); Brown (2003); Tu (2000); Thomas (2002); Abeygunawardena (2002)

Les équipes en ligne ont besoin de temps pour développer des stratégies efficaces de travail en équipe et des normes de travail en équipe efficaces. Belinda, Sargent& Bradley (2003); Thomas (2002); Abeygunawardena (2002); Gabriel & McDonald (2002

Page 70: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

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Constats évoqués dans ces études

1) VALEUR ACCORDÉE AUX INTERACTIONS SOCIALES ENTRE LES PAIRS

La fréquence des interactions décroît au cours d’un semestre même si la confiance envers

les compétences techniques s’accroît (Blocher, 1999). Le manque de connaissance du sujet

à l’étude, le manque d’expérience des technologies et le manque de familiarité entre les

participants peuvent réduire le sentiment de sécurité et la participation (Rovaï, 2002;

Kelsey, 1999; Sutton, 2000; Tu, 2000; Brown, 2000).

Les étudiants tendent à réagir surtout à des aspects psychosociaux de l’interaction

médiatisée par l’ordinateur. À titre d’exemple, mentionnons les réactions aux différences

individuelles (Ehrlich, 2002, Gonzàlez, Burke, Santuzzi & Bradley, 2003 ; Gabriel &

McDonald, 2002), à l’obligation d’interagir (Sutton, 2000 ; Brown, 2000 ; Tu, 2000; Pena-

Perez , 2000) et au manque de proximité psychologique de l’interaction en ligne (Rovaï,

2002 ; Kelsey, 1999 ; Hegngi, 1997 ; Tu, 2000 ; Grambling, 2003).

Plusieurs recherches montrent que la participation aux interactions sociales dépend de

l’évaluation de la pertinence et de la valeur accordée aux contenus, aux tâches, à la

contribution des pairs et de la valeur accordée à l’expérience vécue de l’interaction sociale

en ligne (Sutton, 2000 ; Blocher, 1999 ; Lowe, 2003 ; Zang & Peck, 2003 ; Ehrlich, 2002 ;

Pena-Perez, 2000).

Or, dans les études rapportées, les étudiants ne voient pas les interactions sociales en ligne

comme partie intégrante du cours même s'ils sont évalués au niveau de leur participation.

Les étudiants participent peu aux discussions en ligne et initient peu de discussion. Ils se

limitent à afficher une question, à attendre la réponse et à afficher un message tel que

demandé par le professeur (Hegngi, 1997 ; Tu, 2000 ; Ehrlich, 2002 ; Pena-Perez, 2000).

Abeygunawardena (2002) observe peu de situations où les étudiants collaborent réellement

entre eux. Elle suggère que la collaboration nécessite un changement d’attitudes et de

valeurs chez les étudiants.

Page 71: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

63

Cette revue de la littérature suggère que la participation aux interactions sociales dépend de

la volonté, de l’intérêt et de la capacité des gens à investir dans l'interaction en ligne

(Sutton, 2000 ; Brown, 2000 ; Tu, 2000 ; Pena-Perez, 2000).

2) PERFORMANCE DES ÉQUIPES VIRTUELLES

La performance des équipes virtuelles semble plutôt liée à des pratiques structurelles (telles

que des normes) plutôt qu'à des processus d’intégration sociale (telles que l’attraction)

(Thomas, 2002 ; LeMay, 2000 ; Gonzàlez, Burke, Santuzzi & Bradley, 2003). En situation

de face à face, l’interdépendance de la tâche est positivement liée aux efforts et à l’entraide.

Cependant, l’interdépendance de la récompense semble produire un effet négatif sur l’effort

et sur la performance (Allen, Sargent & Bradley, 2003). Nous avons peu d’information à ce

sujet pour les équipes virtuelles. Nous retenons de ces études sur les équipes virtuelles que

dans les espaces virtuels numériques :

• le contact personnalisé est souhaitable mais requiert plus de temps et d’effort dans un contexte de CMO (Hegngi, 1997 ; Rovaï, 2002 ; Brown, 2003 ; Tu, 2000 ; Abeygunawardena, 2002 ; Aubert & Kelsey, 2003),

• les risques de mauvaises interprétations sont une préoccupation et induisent des comportements de prudence, d’hésitation et de peur (Tu, 2000),

• la connaissance et la familiarité avec les autres semblent déterminantes dans l’interprétation des messages (Tu, 2000),

• la perception des habiletés, de l’intégrité et de la volonté des membres d’une équipe virtuelle est plus faible que la perception d’une équipe locale (Aubert & Kelsey, 2003),

• la perception des étudiants de leurs capacités à influencer leurs collègues est plus faible (Wilson, 2003).

3) HABILETÉS INTERPERSONNELLES

La collaboration dans un espace virtuel est au moins aussi exigeante que la collaboration en

situation de face à face. Les équipes virtuelles ont besoin de temps et d’habiletés

interpersonnelles pour développer des stratégies efficaces de travail en équipe (Allen,

Sargent & Bradley, 2003 ; Thomas, 2002 ; Abeygunawardena, 2002 ; Gabriel & McDonald

2002). Certaines équipes génèrent des interactions sociales négatives tel que l’hostilité.

Certains conflits dépassent la capacité de résolution des étudiants et nécessitent une aide

professionnelle spécialisée (Gabriel & McDonald 2002 ; Tu, 2000). Les équipes moins

Page 72: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

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performantes ne confrontent pas les difficultés rencontrées (Thomas, 2002 ; Aubert &

Kelsey, 2003). La prise de décision, la coordination et la résolution des conflits sont d’une

telle importance que plusieurs étudiants suggèrent que le travail en équipe ait été l’objet

principal de leur démarche d’apprentissage (Abeygunawardena, 2002 ; Gabriel &

McDonald, 2002).

L’échange de feed-back semble important à la fois dans la création de lien interpersonnel et

dans l’apprentissage dans un espace virtuel numérique (comme dans les situations de face à

face). D’une part, les étudiants disent que le manque de feed-back des pairs limite leur

participation aux interactions sociales (Tu, 2000 ; Pena-Perez, 2000) et, d’autre part, les

chercheurs notent que l’attitude, le besoin non ressenti ainsi que la non-volonté de donner

et de recevoir un feed-back honnête est associé à la faible participation aux interactions

sociales en ligne (Sutton, 2000 ; Brown, 2000 ; Rovaï, 2002 ; Pena-Perez, 2000). Des

études en situation de face à face montrent la contribution de l’échange de feed-back entre

les pairs, au développement d’habiletés interpersonnelles tel que le leadership, (Enoch,

1996). Or, nous avons peu d’information sur le vécu des étudiants lors d’échange de feed-

back dans un espace virtuel numérique. Seule l’étude de Juwah (2003) indique que cette

activité (dans le virtuel numérique) requiert un encadrement, une formation spécifique6..

2.5- Positionnement de la présente étude Cette étude est associée aux études, sur l’apprentissage supporté par les technologies

Internet, réalisées à partir de la perspective des étudiants (telles que les études de

Gunawardena, 2004 ; Tu, 2000 ; Grambling, 2003 ; Abeygunawardena, 2002 ; Blocher,

1999). La revue de la littérature nous indique que les attitudes et les habiletés des individus

- autant que les attributs des technologies choisies et le type de tâche à réaliser - influencent

l’interaction sociale en ligne.

Le travail en équipe et la réalisation de tâches interdépendantes dans un espace virtuel

semblent être plus difficiles, requièrent plus de temps et d’effort. La familiarité et la

6. Rappelons ici que les habiletés interpersonnelles et l’importance de l’échange de feed-back en situation de face à face ont été documentées depuis plusieurs années par des auteurs appartenant à diverses perspectives théoriques, mentionnons : Rogers (1970) une approche non directive et humaniste; Carkhuff ( 1973) une approche plutôt behavioriste ; Senger (1990) une approche systémique.

Page 73: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

65

confiance semblent nécessaires. Cependant, c'est le geste de traiter les problèmes qui

distingue les équipes performantes des autres. Les chercheurs observent des comportements

d’entraide et de support ainsi que d'hostilité. La résolution de conflits est plus difficile

lorsque la communication est médiatisée par l'ordinateur et peut dépasser la capacité des

étudiants.

Nous avons repéré deux dimensions (l’échange de feed-back et l'interdépendance de la

récompense) pour lesquelles nous n’avons pas d’étude en situation de communication

médiatisée par l'ordinateur. L'interdépendance des tâches influencerait les comportements

de support mais l'interdépendance de la récompense produirait un effet inverse dans les

équipes face à face. L'échange de feed-back, alors que les CMO sont plus porteuses encore

d'un risque de mauvaise interprétation que les situations en face à face, pourrait mettre une

certaine pression sur les habiletés interpersonnelles des individus.

Cette étude se veut une étude centrée sur les interactions sociales qui prennent place lors de

la réalisation de tâches d’apprentissage plutôt que lors de conversations socio-émotives.

Lors de la réalisation de tâches interdépendantes nous présumons des difficultés et des

satisfactions. Nous avons défini l’interaction sociale comme une situation

d’interdépendance qui implique une interinfluence. Conséquemment, nous présumons que

la façon de réagir des étudiants à ces difficultés et à ces avantages aura un impact sur leurs

collègues.

L’exploration des difficultés vécues par les étudiants nous semble un terrain propice à

l’étude des problèmes posés par l’interdépendance lorsque l’interaction sociale est

contrainte par les exigences d’un cours et prend place dans un espace virtuel. À titre

d'exemple, des études mentionnent que les étudiants réagissent à l'obligation d’interagir

avec les pairs, ils ajoutent que s'ils n'étaient pas obligés, ils ne le feraient pas (Pena-Perez,

2000). Comment se comportent-ils dans ces interactions forcées et quel impact celles-ci

risquent de produire sur le type d'interaction qu'ils construisent entre eux?

La présente étude vise à explorer et documenter la présence de difficultés vécues par les

étudiants, des réactions à ces difficultés et des effets que celles-ci risquent de produire sur

les interactions sociales. Nous voulons explorer le vécu des étudiants lors de la réalisation

Page 74: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

66

de deux tâches interdépendantes : 1) une tâche de co-construction avec interdépendance de

la récompense et 2) une tâche d’échange de feed-back sur des textes produits et partagés

dans un espace virtuel. Ces deux tâches seront décrites plus en détail dans le chapitre sur la

méthodologie.

La présente étude comporte un intérêt pratique et un intérêt théorique. D’une part, la

participation aux interactions sociales en ligne semble associée à la qualité de l’expérience

vécue. Il nous apparaît qu'une étude fournissant une meilleure compréhension des

difficultés vécues peut nous éclairer sur la qualité de cette expérience et nous donner des

pistes sur les aspects qui nécessitent un support particulier. D’autre part, la plupart des

modèles théoriques de l’interdépendance ont été développés en situation de face à face et

des recherches sont nécessaires afin d’identifier le degré de transférabilité de ces modèles

aux interactions sociales qui prennent place dans des espaces virtuels. Le cadre théorique

retenu pour notre étude sera présenté au prochain chapitre.

Page 75: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

67

Chapitre 3- Cadre théorique

Introduction À partir de l’expression employée par Simmel soit, une « dépendance réciproquement

éprouvée » (Racine, 1999), nous avons précédemment défini l’interaction sociale comme une

situation d’interdépendance et un lieu où s'organise le comportement. Nous avons défini

l’interdépendance à partir de l’énoncé de Watzlawick (1978) comme une dynamique de

contraintes où chacun des participants ne peut indépendamment de l’autre construire n’importe

quel type d’interaction sociale. Dans le présent chapitre nous allons proposer un cadre

théorique qui explicite le concept d’interdépendance selon cette perspective de « dépendance

réciproque ».

Nous avons suggéré qu’avec l’accroissement de l’interaction sociale, les effets de

l’interdépendance soient accentués. Nous voulons mieux comprendre comment se traduisent

les effets de l’interdépendance dans le vécu des étudiants lors de la réalisation de tâches

interdépendantes supportées par les technologies Internet. Le cadre théorique de Kelley et

Thibaut (1986) permet de concevoir et d'analyser les effets de l'interdépendance associée à

l'interaction sociale qui prend place lors de la réalisation de tâches en équipe.

Au début de ce chapitre nous présenterons la définition de l’interdépendance selon Kelly et

Thibaut (1986). Nous tracerons ensuite les grandes lignes de ce cadre théorique puis nous

expliciterons les avantages qui nous ont incités à le choisir. Nous présenterons par la suite de

façon détaillée les composantes de ce modèle d’analyse et son application aux situations de

travail en équipe. Finalement, nous résumerons ce cadre théorique et nous nous intéresserons à

la possibilité de transfert de celui-ci dans un contexte où la communication est médiatisée par

l'ordinateur.

3.1- Théorie des effets de l’interdépendance

3.1.1- Définition de l’interdépendace Kelley et Thibaut (1986) proposent une définition de l’interdépendance en terme de possibilités

de contrôle par chacun des participants sur les résultantes positives (bénéfices) et négatives

Page 76: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

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(coûts) que retirent l'un et l'autre des participants de l'interaction sociale. Les résultantes

coûts/bénéfices sont conçues comme les conséquences des comportements réciproques et ces

résultantes contribuent à conceptualiser la structure de l'interdépendance entre les individus

impliqués dans une interaction sociale :

If rewards and costs, or some such behavioral consequences, have important effects on interaction process (and we see no reason to doubt this), there is no way we can avoid conceptualizing the structure of interdependence, at least in part, in their terms.

Kelley & Thibaut (1986, p. xv)

Ils assument qu'une interaction sociale procure à la fois des bénéfices et des coûts pour chacun

des participants. Ces bénéfices et coûts sont conçus d’abord comme des conséquences

affectives plutôt que des objets matériels ou économiques. Dans cette approche d'analyse la

décision des gens de s'engager et de poursuivre ou de rompre une relation est clé. Cette

définition de l'interdépendance en terme de résultantes positives et négatives est compatible

avec d'autres approches de l'interaction sociale qu'elles soient orientées sur les phénomènes

intra ou interpersonnelles:

[…] including a compatibility with the wide variety of intra-and interpersonal processes that characterize interaction, a special focus upon feeling states (satisfaction, frustration, envy, anger) associated with interaction, and, as emphasized in the model of the personal relationship (Kelley, 1979), a specification of the stimulus material employed in the attributional and self-representational processes of interaction.

Kelley & Thibaut (1986, p. xiii)

Kelley et Thibaut assument que l'interaction est volontaire. Un niveau de satisfaction suffisant

contribue à l'adoption d'une orientation vers l'interaction avec les participants désignés.

L'insatisfaction contribue à l'adoption d'une orientation vers d'autres participants (ou la

solitude). Ce rôle déterminant (accordé au niveau de satisfaction des individus) laisse entrevoir

l'apport important de la subjectivité dans la problématique de l'interdépendance entre les

participants. Kelley et Thibaut (1986) suggèrent que l'attraction et la dépendance envers une

relation soit l'objet d'une évaluation comparative (CL) constituée de l'ensemble des possibilités

Page 77: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

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(connues de l'individu à partir d'expériences relationnelles antérieures) et des relations

alternatives potentielles (CLalt):

Cognitive processes, including problem solving and insight, are also assumed to play important roles. Even psychological significance of objective outcomes is assumed to be affected by the cognitive process of comparative evaluation that underlies the membres'CL and CLalts.

Kelley & Thibaut (1986 p. xii)

Selon Kelley et Thibaut, le problème de l'interdépendance est issu de la possibilité, pour

chacun des participants (au cours de l'interaction) de contribuer à augmenter ou à diminuer les

résultantes positives et négatives de l'un de l'autre. C'est en ce sens qu'ils sont interdépendants.

Autrement dit, la possibilité d'exercer un contrôle et d'affecter les résultantes coûts/bénéfices

pour soi et pour l'autre constitue le problème partagé par les participants. La grille d’analyse

proposée par cette théorie veut décrire la façon dont les actions, conjointes et séparées des

individus, affectent la qualité et la viabilité de leur relations. En ce sens cette théorie n'est pas

une théorie sur les schémas ou « patterns » d'interdépendance mais plutôt sur leurs

conséquences :

It is not a theory of patterns of interdependence and, assuming that these patterns play an important causal role in the processes, roles, norms of relationships, it is a theory of their consequences.

Kelley & Thibaut (1986, p. xii)

La préoccupation centrale des auteurs porte sur la manière avec laquelle les gens solutionnent

les problèmes engendrés par l'interdépendance sans présumer ou privilégier des moyens

particuliers utilisés par les participants en vue de cette résolution. Le cadre théorique proposé

par les auteurs permet une analyse de la façon dont les participants résolvent les enjeux de

l’interdépendance. Le cadre théorique de Kelley et Thibaut permet une analyse des schémas

d'interdépendance conçus en termes de comment s'effectue, au cours de l'interaction, le

contrôle des résultantes obtenues par chacun des participants « As social psychologists our

focus is on patterns of interdependence, as these described in terms of control of outcomes »

(Kelley & Thibaut, 1986, p. xii).

Page 78: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

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L’analyse des effets de l'interdépendance (c’est-à-dire comment sont résolus les enjeux de

l’interdépendance) se pose en termes d'exercice du contrôle réciproque (facilitation ou

interférence) sur l'obtention de résultantes coûts/bénéfices. Ces modes de contrôles réciproques

constituent le schéma d’interdépendance instaurée entre les participants. Kelley & Thibaut

(1986) représentent ces schémas d'interdépendance dans une matrice composée à la fois des

comportements et des résultantes de chacun des participants. (Cette matrice sera présentée de

façon plus détaillée à la section 3.2.1).

Cette matrice prend en compte les transformations opérées par les participants au cours de

leurs interactions. Les schémas d'interdépendance révèlent, selon eux, non seulement

l’utilisation de deux formes de contrôle (« fate control and behavior control ») mais aussi

comment les résultantes se structurent en harmonie ou conflit. C'est-à-dire, à savoir si les

participants seront guidés par des actions coopératives ou compétitives. Les résultantes

coûts/bénéfices sont des reflets des sentiments et valeurs de chaque participant, qu'ils soient

des sentiments sympathiques ou qu'ils soient des sentiments hostiles l’un envers l’autre :

The assessment of antisocial versus prosocial orientations is made by determining how individuals transform given matrices in respect to their degree of correspondence of outcomes. Prosocial matrices are revealed by enhancing the apparent correspondence of outcomes and antisocial ones, by enhancing the noncorrespondence.

Kelley &Thibaut (1986, p. ix)

Un présumé central de cette théorie est qu’un haut niveau d'interdépendance rend désirable

pour les participants une régulation de leurs comportements qui tient compte à la fois des

résultantes pour le participant et pour soi. L'importance des attitudes et des motivations des

participants implique que ceux-ci sont non seulement interdépendants dans leurs activités

concrètes mais qu' ils sont aussi interdépendants dans leurs attitudes et sentiments (tels que la

perception, par les participants, d’intégrité et d’honnêteté des actions réciproques).

Kelley et Thibaut résument le problème de l'interdépendance des participants en quatre

dimensions : 1) l’interdépendance des résultantes coûts/bénéfices rend nécessaire la

synchronisation ou compatibilité des comportements, 2) la satisfaction envers la dyade ou le

groupe détermine le degré de dépendance; 3) les arrangements dans l'exercice du contrôle

Page 79: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

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déterminent un schéma (« pattern ») d’interdépendance et 4) la tâche influence les schémas

d'interdépendance.

3.2- Interdépendance des résultantes

3.2.1- Matrice d’interdépendance des résultantes Kelley et Thibaut (1986) adoptent une définition de l'interaction sociale similaire à la définition

de Goffman (1983, cité dans Winkin, 1988) voire une situation où les participants sont en

présence des comportements émis les uns par les autres.

By interaction it is meant that they emit behavior in each other’s presence, they create products for each other, or they communicate with each other.

Kelley &Thibaut (1986, p. 10)

L'unité d'analyse du comportement est une série d'actions verbales ou non verbales qui se

présentent comme une séquence organisée vers l'atteinte d'un but. Des séquences de cette sorte

peuvent être de type instrumental (tel que produire un dessin) ou de type appréciatif (tel

qu'éprouver du plaisir à contempler un dessin). Conséquemment, les buts ou bénéfices tirés

d'une interaction peuvent être considérés selon deux points de vue, soit en terme de la qualité

du produit créé par A, soit en terme de l'appréciation par B du produit créé par A. Chaque

personne a la possibilité de manifester plusieurs comportements qui constituent en quelque

sorte un répertoire composé de plusieurs séries de comportements. Parmi ce répertoire (de

comportements possibles) une série particulière de comportements sera actualisée, au cours

d'une interaction, à partir de divers incitatifs.

Kelley et Thibaut (1986) assument que certaines relations sont plus satisfaisantes que d'autres.

Il en est de même pour l'interaction. C'est-à-dire que certaines séries de comportements auront

différentes conséquences pour les individus. Les conséquences de l’interaction sont conçues

comme les bénéfices obtenus et les coûts engendrés par l’interaction. Les bénéfices réfèrent

aux plaisirs, satisfactions, récompenses qu’une personne apprécie. Les coûts de l'interaction

sociale réfèrent aux facteurs qui inhibent ou détériorent la performance d'une séquence de

comportement (tel l’effort physique ou mental, l’anxiété ou l’embarras qui accompagne une ou

des actions). Chaque portion de l'interaction peut donc être décrite par la combinaison des

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items comportementaux actuellement produits (à partir des répertoires respectifs des individus)

et des coûts/ bénéfices engendrés par ces comportements réciproques:

The consequence or outcomes for an individual participant of an interaction or series of interactions can be stated, then in terms of the rewards received and the cost incurred, these values depending upon the behavioural items which the two persons produce in the course of their interaction.

Kelley & Thibaut, (1986, p.13)

Kelley & Thibaut (1986) proposent de représenter l'interaction entre les personnes à l'aide

d'une matrice où l'axe horizontal représente les comportements possibles de A et l'axe vertical

les comportements possibles de B. Les entrées dans les cellules de la matrice illustrent les

coûts et les bénéfices obtenus par chacun suite aux combinaisons de comportements de A et de

B :

We have chosen to represent patterns of affective interdependence in the outcome matrix, a device that permits the portrayal of the simultaneous effects of the two persons' actions taken separately and jointly on their separate and joint outcomes.

Kelly & Thibaut (1986, p. v)

Une version de ce type de matrice est illustrée par le dilemme des prisonniers. Ce dilemme

illustre l'interdépendance des résultantes à partir de la synchronisation ou non du

comportement de deux personnes. Nous résumons ici ce dilemme à partir de la description

qu’en fait Watzlawick (1972, p. 228-229). Accusés d'un crime pour lequel le juge n'a pas de

preuves, deux prisonniers doivent décider d'avouer ou non leur culpabilité sans avoir la

possibilité de se consulter sur la décision à prendre. Les conséquences de leur comportement

sont les suivantes : s'ils avouent tous les deux, ils sont condamnés à 1 an de prison; si aucun

des deux n'avoue sa culpabilité, ils sont condamnés à 6 mois de prison; si seulement un des

deux avoue, il est libéré et l'autre est condamné à 25 ans de prison.

Le tableau-2 illustre ce dilemme selon la matrice utilisée par Kelly et Thibaut. L’axe horizontal

présente les comportements possibles de A et l’axe vertical présente les comportements

possibles de B. Les entrées dans les cellules indiquent les résultantes coûts/bénéfices pour

chacun des participants selon les combinaisons de comportements actualisés par ceux-ci.

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Tableau 2- Illustration de la matrice coûts/bénéfices à partir du dilemme des prisonniers

Comportements de A Comportements de B

a1 (avouer) a2 (ne pas avouer)

b1 (avouer) A = 1an B = 1an

A= 25 ans B=0

b2 (ne pas avouer) A = 0 B= 25 ans

A= 6 mois B=6 mois

Les situations de vie sont pour la plupart plus complexes que ce dilemme. Dans ce dilemme les

répertoires de comportements possibles et les coûts/bénéfices potentiels sont limités. Dans le

dilemme des prisonniers le lecteur peut voir que des comportements similaires produisent des

résultantes coûts/bénéfices similaires. Ceci n’est pas toujours le cas, nous verrons plus loin que

certaines situations requièrent une non-correspondance des comportements et nous verrons

dans quelles conditions ces non-correspondances peuvent conduire à des bénéfices pour chacun

des participants.

Selon la théorie d'interdépendance de Kelley & Thibaut (1986) chaque individu transporte et

transpose (dans une situation donnée) un bagage de valeurs, d’habiletés, de besoins, et d'outils

ainsi que des prédispositions personnelles. A titre d'exemple, des habiletés sociales telles que la

stabilité émotionnelle, la tolérance, la flexibilité, le sens de l'humour et le sens des

responsabilités contribueront à maintenir faibles les coûts occasionnés. Tandis qu’une

similarité des attitudes et des valeurs constituera une source de bénéfices pour le participant et

pour soi (sous la forme d'un support social et/ou d'une validation de l'image de soi). La

complémentarité des besoins et des habiletés semble aussi procurer des bénéfices aux

participants, et ceci au moindre coût pour soi.

3.2.2- Facilitation et interférence Les bénéfices tirés de l’interaction peuvent donc provenir soit du comportement de la personne

A, soit du comportement du participant B. Les bénéfices peuvent aussi provenir de l’interaction

elle-même et dépendent d’une série de comportements actualisés par le participant B (en

réponse au comportement de la personne A). Les séries de comportements peuvent donc

former des paires compatibles ou incompatibles. Lorsque des paires compatibles sont

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actualisées Kelley & Thibaut disent qu’il y a « facilitation ». Lorsque des paires incompatibles

sont actualisées Kelley & Thibaut disent qu'il y a « interférence » (au sens où les

comportements d'une personne agissent comme une distraction pour les autres personnes) :

By incompatibility is meant that these responses tend to interfere with the performance of one another. The performance of one response serves as a distraction or disturbance to the performance of the other.

Kelley & Thibaut (1986, p. 16)

L'interférence peut produire des effets à la fois sur la capacité à actualiser une série de

comportements (conduisant ainsi à une augmentation des coûts) et sur l'appréciation du

comportement actualisé par l'autre (conduisant à une réduction des bénéfices).

Conséquemment, l'interférence produit souvent des impacts symétriques ou correspondance de

résultantes négatives. Selon Kelley & Thibaut (1986), dans les situations sociales ces

possibilités d'interférences sont constantes. Lorsqu’une personne travaille seule on assume

qu’elle peut se concentrer entièrement sur la tâche alors qu’avec la participation sociale elle

doit composer simultanément avec plusieurs tâches :

[…] the subject is not only focused on the task itself but also on the various social tasks of competing with, defending against, affiliating with, and otherwise generally coping with social stimulus (i.e., the other person’s activities arouse some social responses which may assumed to interfere in some degree with task set.

Kelley & Thibaut (1986, p. 56)

L'interaction peut aussi résulter en une facilitation lorsque les comportements sont compatibles.

Lors de la facilitation le bénéfice pour l'un est maximal seulement si l'autre participant se

comporte de manière appropriée. (C’est-à-dire actualise une série de comportements

compatibles avec la série de comportements de l’autre personne). Les deux participants ont

donc avantage à adopter des comportements de facilitation plutôt que d'interférence lors de

l'interaction. Les observations de Kelley & Thibaut (1986) montrent une tendance à la

disparition des comportements insatisfaisants et à la récurrence des comportements plus

satisfaisants. La qualité et la viabilité d'une interaction sont donc associées à la production

réussie de séries de comportements compatibles, à la facilitation et à la réduction des

interférences :

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75

In what might be characterized as a true trading relationship all each person's rewards are driven from the other's efforts. More typical, perhaps, is the case in which each one’s rewards depend in part upon his own behaviors and in part upon the other's behaviors. When A produces an item from his repertoire, his costs depend on his skills and on the availability to him of efficient tools or instruments as well as on the degree to which anxiety or discomfort is associated with producing the various elements. Where A's actions are concerned, B's costs depend on the degree to which any of A's behaviors are punishing to him, whether by arousing anxiety or embarrassment or by causing physical harm.

Kelley & Thibaut (1986, p. 15)

Les résultantes coûts/bénéfices sont souvent contradictoires. C'est-à-dire qu'une série de

comportements peut à la fois être bénéfique pour une personne et représenter un coût pour

l'autre. On ne peut dans l'interaction considérer seulement les bénéfices et les coûts d'une des

personnes. Les bénéfices pour soi (associés par exemple à réussir à obtenir une faveur) et les

coûts pour l’autre (associés par exemple à perdre la face dans cette situation) peuvent devenir

des coûts pour soi (associés par exemple à la décision, par l’autre personne, de rompre la

relation). Ainsi les gens doivent composer avec un ensemble de contraintes souvent

contradictoires.

3.3- Évaluation des résultantes de l'interaction sociale

3.3.1- Une évaluation par comparaison On retrouve à travers la grille d'analyse de Kelley et Thibaut (1986) le présumé à l'effet que les

gens entrent volontairement dans une interaction sociale et demeurent dans une relation aussi

longtemps que celle-ci est satisfaisante en termes de résultantes coûts/bénéfices. Les auteurs

précisent qu'il n'est pas nécessaire d'adopter un préjugé sur le type de besoin satisfait par

l'interaction ou sur le type d'échange qui prend place lors de l'interaction sociale. Ce cadre

théorique suggère que les participants, pour réussir à atteindre la meilleure position alternative

en termes de résultantes coûts/bénéfices, aient avantage à adopter un comportement qui vise à

produire le maximum de bénéfices pour l'autre au moindre coût pour soi :

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If both persons are able to produce their maximum rewards for the other at minimum cost for themselves, the relationship will not only provide each with excellent reward-cost positions but will have the additional advantage that both persons will be able to achieve their best alternative reward-cost positions at the same time.

Kelley & Thibaut (1986, p.31)

Les conséquences ou résultantes de l'interaction sociale sont, avant tout, affectives (bien

qu'elles puissent comporter des dimensions matérielles et économiques). Les individus doivent

nécessairement faire une évaluation de la qualité des résultantes de leur interaction. Or, selon

Kelley & Thibaut (1986, p. 80), cette évaluation ne peut qu'être liée à la signification

psychologique qu'une personne attribue aux résultantes « What social psychology knows about

how people evaluate themselves and their circumstances indicates that these evaluations also

involve a good deal of relativity of judgment ». Selon ces auteurs la signification

psychologique attribuée aux résultantes est influencée par un processus cognitif d'évaluation

par comparaison. Une personne évalue une situation en fonction de ce qu'elle croit que les

autres peuvent accomplir ou en relation avec ce qu'elle a déjà accompli par le passé.

Pour faire une évaluation subjective les individus ont besoin de standards qui fournissent des

indicateurs de « l'adéquation et de l'acceptabilité » des résultantes qu'ils obtiennent. Kelley et

Thibaut proposent que deux standards soient utilisés par les individus pour effectuer cette

évaluation des résultantes. Selon les auteurs ces standards sont établis à partir de la possibilité

de comparer les résultantes qu’ils obtiennent avec 1) les résultantes auxquelles les individus

ont le sentiment d’avoir droit dans une relation que les auteurs nomment « comparaison level »

(CL) et 2) avec les résultantes qu’ils perçoivent possibles d’obtenir dans une relation ou

interaction alternative que les auteurs nomment « comparison level for alternative » (Clalt ).

Nous allons dans ce qui suit présenter ces deux standards de façon plus détaillée.

1) LE STANDARD DE COMPARAISON (CL)

Le CL est un standard qui permet de calibrer le degré de satisfaction ou d'insatisfaction vécue

dans une interaction sociale. L'établissement du CL (niveau de comparaison) dépend de

l’histoire personnelle des individus. Le CL constitue en quelque sorte la capacité cognitive d'un

individu et, conséquemment, sa capacité d’évaluation des résultantes coûts/bénéfices. Sa

capacité cognitive est constituée de l'ensemble de ce qui lui est connu à partir d’expériences

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personnelles antérieures et à partir d'observations de l’expérience de personnes significatives

tel que les pairs.

L’intérêt de la définition du CL est de localiser un point milieu sur une échelle de résultantes

possibles en terme de satisfaction ou insatisfaction. Si les résultantes surpassent le CL,

l’individu considère la relation comme satisfaisante et sera attiré par l’interaction ou relation

avec ce ou ces participants. Le CL nous permet d’analyser les conséquences perçues de

l’appartenance à une dyade ou à un groupe. Il indique un point au-dessous duquel un sentiment

positif se transforme en un sentiment négatif et où l’orientation vers la relation change en une

orientation hors de la relation.

Une personne au cours d'une interaction sociale tend à ajuster son comportement afin d'obtenir

les meilleures résultantes possibles. Les résultantes sous un contrôle personnel (par exemple je

peux décider de laisser l’autre parler afin d’influencer sa disposition à m’écouter) ont tendance

à être plus importantes que celles sous le contrôle des autres personnes ou circonstances à

moins que celles-ci ne fassent interférence dans une situation immédiate.

Le CL dépendra donc de la conception personnelle d'un individu de son pouvoir personnel

(autrement dit de sa capacité à composer avec les contraintes et les exigences contextuelles).

En ce sens le CL est une indication de ce qu'une personne a le sentiment de mériter et être en

droit de recevoir :

By virtue of the tendency for selective salience or instigation of the different class of outcomes, the CL depends in part upon the person's conception of his own power, his ability to cope with the contingent demands of others, and the realms over which he believes his own causal efficacy extends.

Kelley & Thibaut (1986 p. 86)

2) LE STANDARD DE COMPARAISON ALTERNATIF (CLALT )

Que les individus entrent de façon volontaire dans une interaction signifie que les individus ont

le choix des participants avec qui ils interagissent. Ces interactions sociales potentielles

représentent des alternatives et ce sont ces interactions sociales alternatives qui servent de

deuxième point de comparaison à l'évaluation des coûts/bénéfices de la relation. Alors que le

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premier standard de comparaison, le CL, est lié à l’évaluation de la satisfaction et l’attraction

envers la relation, le deuxième standard de comparaison, le CLalt, est lié à la dépendance envers

la relation et conséquemment à l’exercice du pouvoir.

Le standard de comparaison alternatif (CLalt ) représente le minimum des résultantes globales

(les bénéfices obtenus et les coûts associés) au maintien de l’interaction sociale. Si les

résultantes descendent au-dessous du CLalt une personne est susceptible de quitter le groupe ou

la relation. Lorsque les résultantes dépassent le CLalt les individus deviennent de plus en plus

dépendants de la relation. L'absence d'interactions sociales alternatives (Clalt) (procurant le

même niveau ou un niveau supérieur de satisfaction) augmente la dépendance envers

l'interaction actuelle. Cette dépendance se présente comme un potentiel d'exercice du pouvoir

par l'autre personne si celle-ci a accès à des interactions sociales alternatives (lui procurant le

même niveau de satisfaction ou un niveau supérieur à ce qu'il obtient dans l'interaction sociale

actuelle).

Nous avons vu jusqu'ici l’application de la théorie de Kelley et Thibaut lorsque la relation est

volontaire. Nous verrons au prochain point les conséquences de l’interaction lorsque la relation

est non-volontaire et les particularités de l'exercice du pouvoir ou contrôle.

3.3.2- Interaction sociale non volontaire Considérons la situation où la relation est non volontaire. Une interaction non volontaire peut

être une relation où l'association est « artificielle ». Le terme « artificiel » suppose l'exercice

d'une influence par un agent social qui interdit un choix de relation et en impose un autre

comme dans les situations de contrainte ou d'exclusion. On peut penser à des situations

extrêmes comme l'emprisonnement et la discrimination ethnique ou des situations plus

courantes comme une file d'attente ou comme le passager qui s'assoit près d'un autre dans un

autobus ou encore des situations mitoyennes comme l'occupation d'un emploi dans un groupe

non choisi ou la participation à une formation ouverte à un public large

L’exercice de l’influence par un agent social interdit aussi la possibilité de sortir de la relation

non volontaire et rend coûteuse la possibilité pour un individu de rompre l’interaction sociale

et de se tourner vers des interactions alternatives. Cette limite (la capacité de rompre et

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conséquemment d’aller vers une autre) imposée à la capacité de rompre l'interaction sociale a

pour première conséquence, de l'interaction non volontaire, une réduction du CLalt de

l'individu. La deuxième conséquence de l'interaction non volontaire est une augmentation de la

possibilité d'exercice de contrôle par les autres personnes impliquées dans l'interaction sociale

(causé par la réduction du CLalt):

To use words like constraint and exclusion implies the exercise of power by some social agent [...] these constraints act to make it unprofitable for B to enter certain of his alternative relationships,[...] Making certain relationships unavailable moves down B's CLalt and the lower the CLalt , of course, the greater the power others in the relationship have over B.

Kelley & Thibaut (1986, p. 170)

Lorsqu'une personne se trouve dans une association non-volontaire (une situation où s'exerce

une contrainte) les coûts liés à l'interaction sont facilement dissociés des bénéfices.

Conséquemment, les bénéfices et non les coûts déterminent le CL même si les coûts ont leurs

effets au cours de l'interaction. Cependant les bénéfices sont, en partie, constitués des coûts

associés à une rupture de la relation (telle que déroger à une norme et rencontrer la critique ou

la désapprobation). Ainsi les coûts évités deviennent des bénéfices associés à l'attraction et au

maintien de la relation. Les individus sont ainsi contraints à ne pas entrer dans des relations

alternatives et à demeurer dans des situations au-dessous de leur niveau de comparaison (CL).

Or, ceci est le cas de la plupart des situations jusqu'à un certain degré « a person often knows

of some better situations which, out of cost considerations, he dares not to enter » (Kelley &

Thibaut, 1986, p. 169).

Les conséquences d'une interaction sociale non-volontaire sont principalement la possibilité

d'être forcé à tolérer une situation dont les résultantes coûts/bénéfices sont pauvres; la

frustration de se trouver dans une situation au-dessous de ce que la personne croit mériter; la

possibilité d'être sujet au contrôle d'autres personnes impliquées dans l'interaction dont il ne

peut sortir sans assumer certains coûts.

3.4- Exercice du pouvoir et schéma d'interdépendance Kelley et Thibaut suggèrent que les schémas d'interdépendance se constituent par l’exercice du

contrôle de la part des participants à l’interaction sociale. Tel que suggérées par Kelley et

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Thibaut (1986) nous verrons dans la section 3.4.1 les formes d’exercice du contrôle. Dans la

section 3.4.2 nous présenterons la source de ce pouvoir d’exercer un contrôle soit la

dépendance envers la relation. Et dans la section 3.4.3 nous verrons les applications de cet

exercice du pouvoir à l’interaction sociale dans une équipe.

3.4.1- Exercice du contrôle et dépendance Si deux personnes entretiennent une interaction sociale on assume que chacune en retire des

bénéfices et qu'elles sont - jusqu'à un certain point - mutuellement dépendantes de l'interaction

sociale. Selon la matrice d'interdépendance des coûts/bénéfices lorsque deux personnes

interagissent, elles ont la possibilité d'influencer la position coûts/bénéfices de l'autre personne.

Selon Kelley & Thibaut (1986) cette possibilité d’influencer la position coûts/bénéfices de

l’autre constitue pour chaque personne la possibilité d’exercice d’un pouvoir.

Kelley & Thibaut (1986) distinguent deux sortes de pouvoir exercé au cours des interactions

sociales : a) le contrôle sur les résultantes (FC) de l’autre en terme d’impact sur les

coûts/bénéfices que l’autre obtient « Fate control » et b) le contrôle sur les comportements

(BC) de l'autre « Behavioral control ». Nous expliciterons ces deux formes de contrôle dans ce

qui suit.

a) Le contrôle sur les résultantes (FC): Si, en modifiant son comportement, A peut avoir un impact sur les résultantes de B (peu

importe comment B agira) on dira que A exerce un pouvoir sur la qualité des résultantes de B.

De façon générale, on peut dire que le pouvoir de A s'accroît avec son habileté à influencer la

qualité des résultantes que B peut obtenir dans l'interaction avec lui. Ceci signifie que A peut

faire descendre les résultantes de B jusqu’au niveau qui représente les relations alternatives

(CLalt) de B. En deçà de ce niveau (CLalt) B n’aurait plus avantage à demeurer dans la relation

et pourrait simplement quitter (si l’environnement ou la tâche le permet).

b) Le contrôle sur les comportements (BC): Si, en modifiant son comportement, A rend souhaitable pour B de modifier son comportement

on dira que A exerce un contrôle sur le comportement de B. C’est ce que Kelley et Thibaut

nomment l'effet d’interaction. L'effet d'interaction suggère que l'un et l'autre puissent adapter

leur comportement au cours de l'interaction de sorte que chacun peut neutraliser l'action de

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l'autre. Conséquemment, les résultantes de B ne varient pas en fonction ni du comportement de

A ni du sien propre mais en fonction de l’interaction entre eux. Le contrôle comportemental de

A sur B dépend de la valeur que B accorde aux résultantes de l’ajustement de son

comportement.

Les deux types d'exercice du contrôle se distinguent à partir de ce qui les détermine. Le

contrôle sur les résultantes (FC) est déterminé par l'habileté de A à procurer des bénéfices pour

B à un moindre coût pour lui-même (A). Le contrôle sur le comportement (BC) est cette même

habileté à laquelle s'ajoute l'effet d'interaction (soit la capacité de A et B à synchroniser ou non

leurs comportements en un effet de facilitation ou en une interférence):

A’s fate control rests on his ability to supply high rewards to B at low cost for himself, A’s behavioral control rests on this same ability plus an interaction effect contributed by interferences or facilitations which [...] reduce or enhance B’s outcomes in certain cells of the matrix. [...] A's behavior control over B requires B to discriminate A's behavior choices and to make appropriate choices himself. If B is unable to do either of these (i.e., if the problem is too difficult for him for either reason), then the situation resembles that of fate control insofar as there are fluctuations in B's outcomes which he is unable to control or counteract.

Kelley & Thibaut (1986, p.104)

3.4.2- Dépendance réciproque Il n'y a pas de correspondance absolue entre le pouvoir de A et les résultantes coûts/bénéfices

de A. La théorie proposée par Kelley et Thibaut (1986) suggère que si A possède un niveau

élevé de pouvoir il pourra atteindre plus fréquemment une meilleure position coût/bénéfice.

Dans n'importe quelle interaction sociale on assume que chacun est jusqu'à un certain point

dépendant de la relation avec l'autre ce qui est signifié par le terme « interdépendant ». Cette

interdépendance repose sur les perceptions et les croyances de chacun des participants. B

modifiera son comportement seulement s'il croit que A peut réellement livrer les bénéfices

promis (ou réduire les coûts) et s'il tient vraiment à ces bénéfices.

Cette dépendance réciproque (mais pas nécessairement égale) impose une limite à l'exercice du

pouvoir. Le pouvoir ne peut être exercé à un degré où il pénaliserait son détenteur (soit

directement, soit indirectement) par la capacité de l'autre à le neutraliser. Dans la situation où

A et B, tous deux, ont la possibilité d’affecter les résultantes de l'autre (FC) et de transformer

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ce contrôle les résultantes (FC) en un contrôle sur le comportement de (BC), l’interaction peut

se stabiliser en une situation mutuellement satisfaisante.

Whenever A performs a1, he rewards B, and, whenever he performs a2, he punishes (i.e., adds high cost to) B regardless of B's behavior. B's behaviors have the same effects on A. […] In a situation of this sort, through conversion of fate control, the interaction can eventually stabilize in the mutually satisfactory cell (a1, b1) and this can be achieved implicitly, without any discussion or explicit communication.

Kelley & Thibaut (1986, p.105)

Dans les situations où chacun peut neutraliser l’exercice du pouvoir de l’autre de façon égale,

on peut observer différents schémas d'interdépendance se former. Ces différents schémas

d'interdépendance peuvent avoir des conséquences importantes sur la relation. Selon que les

résultantes pour chacun des participants sont en corrélation positive ou en corrélation négative,

on pourra observer soit une orientation vers une synchronisation (volonté de travailler

ensemble), soit une orientation vers une instabilité (voire de l’hostilité).

La correspondance des résultantes (obtenues par l’un et l’autre) peut être engendrée par un

arrangement coopératif des buts des participants. C’est–à-dire un processus d'identification

conduisant à une satisfaction à fournir des bénéfices à l'autre ou par le développement de

normes qui régissent l'interaction sociale au sein d'une dyade ou d'un groupe. La non-

correspondance des résultantes (obtenues par l’un et l’autre) ressemble à une situation de

compétition où chaque personne atteint le maximum de bénéfices au détriment de l'autre (qui

obtiendra des résultantes plus pauvres).

3.4.3- Application à l’interaction dans une équipe L'application de la matrice des résultantes coûts/bénéfices et la formation de schémas

d'interdépendance (par l'exercice du contrôle) se retrouvent aussi dans les situations où plus

d'une personne sont en interaction (tel que dans une triade ou un groupe). Selon Kelley et

Thibaut (1986), un groupe est viable seulement si tous les membres sont en quelque sorte

dépendants de l'existence du groupe. (C'est-à-dire si le groupe offre des résultantes supérieures

au CLalt de chacun des membres.) La cohésion dans un groupe réfère à ce degré

d'interdépendance entre les membres. Le groupe est cohésif seulement s'il procure des

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résultantes supérieures à celle de n'importe quelles dyades qui pourraient se former à l'intérieur

du groupe. L'avantage du groupe réside dans la valorisation des contributions et des possibilités

d'obtenir des bénéfices au moindre coût pour chacun des membres.

Cette supériorité des résultantes créées par la valorisation des contributions provient de la

possibilité pour les membres, de tout groupe, de produire des contributions différentes les unes

des autres. Dans un groupe les contributions de chacun peuvent être appréciées simultanément

par plusieurs personnes et une personne a accès à la variété des contributions produites dans le

groupe. Dans un groupe la distribution des échanges est plus variée que dans une dyade, c'est à

dire que A peut tirer des bénéfices de B alors que B reçoit des bénéfices de C et C reçoit des

bénéfices de A (de même que A peut profiter des résultats produits conjointement par B et C).

Conséquemment, les membres du groupe exercent une attraction (FC) supérieure à ce que

l'individu pourrait obtenir dans une relation alternative (CLalt). Cette dépendance envers le

groupe constitue le pouvoir conjoint que les autres membres du groupe peuvent exercer en

terme de contrôle comportemental (BC).

It is implicit in this statement that dependence upon the triad means being dependent upon both of the other persons-upon their joint actions of'' belonging to ''the triad […] B and C possess this power. Any improvement in A's available alternative or any impairment of the ability of B and C to deliver acceptable outcomes to A may threaten the continued integrity of the triad by a possibly critical reduction in A's dependence on it.

Kelley & Thibaut (1986, p.192)

L'exercice du pouvoir conduisant à la viabilité de l’interaction requiert un échange social et une

coordination. Les deux modes d’exercice du pouvoir sont reflétés dans des schémas distincts

d’interdépendance :

In general, the pattern of values in the matrix, considering the outcomes of both A and B, determines the degree to which each person's potential control over the other is usable and also affects the modes of interaction and kinds of agreements the two persons must work out in order to maximize their outcomes.

Kelley & Thibaut (1986, p.108)

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3.5- Impact de la tâche sur les schémas d’interdépendance Selon Kelley et Thibaut (1986), l'interaction entre une personne et une tâche est comparable à

l'interaction entre deux personnes, et la matrice des coûts/bénéfices est applicable. Nous allons

dans un premier temps, à la section 3.5.1, expliciter l'interdépendance dans l'interaction entre

une personne et une tâche. Par la suite nous présenterons à la section 3.5.2, l'impact de la tâche

sur l'interaction sociale dans les groupes de travail.

3.5.1- Interdépendance entre une personne et une tâche Selon Kelley et Thibaut (1986), une tâche est un ensemble de stimulus tel qu'un problème à

résoudre ou un travail à produire. La résolution du problème ou la production du travail

nécessitera un ensemble de réponses ou de comportements qui conduira à un ensemble de

résultantes. Les résultantes peuvent être de type instrumental (trouver la solution à un

problème, vérifier la conformité des livres comptables) ou de type appréciatif (tel que plaire ou

déplaire au professeur, obtenir une augmentation de salaire, un plaisir à contempler une oeuvre

d’art). Une tâche peut prendre différentes formes ou changer d'états en cours de réalisation

suite à des facteurs externes ou suite aux actions posées par les individus. Conséquemment, les

individus doivent adapter leur comportement en fonction de ces changements.

Ces changements d'état d'une tâche sont un changement seulement si ceci fait une différence

pour la personne qui travaille sur cette tâche. À titre d'exemple, le mécanicien fait évoluer la

situation problématique de la voiture. Les premiers comportements serviront probablement à

établir la source du disfonctionnement, alors que par la suite les comportements visent à

corriger progressivement le disfonctionnement. La tâche à accomplir varie d'un moment à

l'autre en termes de variation des résultantes potentielles (suite à un ou des comportements).

Les différents états d'une tâche seront donc définis comme une distribution unique de

résultantes spécifiques pour une personne :

We, shall then, define a given state of a task at any given moment in terms of its unique distribution of outcomes to a particular person over the items of his repertoire, the definition aims to emphasizes those conditions of the task that fix outcomes for a particular person.

Kelley & Thibaut (1986, p. 151)

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Lorsqu'une tâche est stable, c'est-à-dire qu'elle procure constamment les même résultantes suite

au même comportement, une personne exerce un contrôle sur la tâche et la tâche ne peut

neutraliser ses actions. Lorsqu'une tâche est variable, c’est-à-dire que différents comportements

sont requis afin de produire des résultantes maximales (comme dans le cas de problèmes

complexes qui impliquent plusieurs opérations afin de produire une solution), la tâche peut

exercer un contrôle sur les résultantes coûts/bénéfices (FC) et/ou un contrôle sur le

comportement (BC).

Si une personne peut obtenir, en variant son comportement, les résultantes souhaitées on dira

que la tâche exerce un contrôle sur le comportement (BC). Si la personne ne peut adapter son

comportement à ces variations de la tâche on dira que la tâche exerce un contrôle sur les

résultantes (FC). De plus, une personne doit être capable d'interpréter l'état de la tâche afin de

décider des comportements appropriés pour l'obtention des meilleures résultantes

coûts/bénéfices :

[…] a person's ability to make inference about his distribution of outcomes will be improved to the degree that he has the power to determine the sates that the task will take, situation in which the individual has control over the evidence presented to him and other situations in which he must try to make sense of what happens to come along.

Kelley & Thibaut (1986, p. 153)

Si une personne ne peut interpréter l'état d'une tâche et si une personne ne peut adopter les

comportements requis par la tâche on dira que la tâche est trop difficile par rapport aux

habiletés de la personne (ou la tâche exerce un contrôle que la personne est incapable de

neutraliser). Selon Kelley & Thibaut (1986), les tâches posent des exigences qui se manifestent

comme l'exercice d'un contrôle (ou d'un pouvoir) qu'on peut considérer comme un ensemble de

contraintes avec lesquelles les individus doivent composer.

3.5.2- Schémas d'interdépendance lors de la réalisation d’une tâche Sachant que la tâche comporte des exigences et peut exercer un contrôle à la fois sur le

comportement et sur les résultantes, on peut considérer que l'interaction de deux personnes

avec une tâche est comparable à l'interaction dans une triade :

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As already implied, the starting point for this discussion is the assumption that person–task phenomena can be analysed in the same terms as person-person interactions... when the joint action of A and B upon a task is analysed, the results are in some degree applicable to the triad in which A and B interact with a third person, C.

Kelley & Thibaut (1986, p. 150)

Lorsque deux ou plusieurs personnes sont confrontées à une tâche elles doivent décider un ou

des comportements à adopter et elles doivent s'entendre sur la distribution des résultantes.

Conséquemment, deux variables sont identifiées pour définir les propriétés d'une tâche : 1) les

exigences d'actions conjointes ou disjointes requises par la tâche afin de produire des bénéfices

à tous les participants et 2) la correspondance ou non-correspondance de ces exigences envers

chacun des participants afin que ceux-ci obtiennent des bénéfices :

When the analysis turns to several persons dealing with the same task, it is often found that the task creates internal problems for their relationship. Different patterns of interdependency are created by the properties of the task (although the task is not the only factor having this effect). Two such pattern variables were noted. The first is the variable of conjunctivity versus disjunctivity. A major consequence of a conjunctive task requirement is that coordination of the several persons' behaviors is required for them to receive good outcomes. The second variable, correspondence versus noncorrespondence of outcomes, has effect (when non correspondence characterizes the situation) of necessitating an alternation in the attainment of good outcomes.

Kelley & Thibaut (1986, p.168)

La tâche influence l'interaction sociale en imposant des exigences ou contraintes avec

lesquelles les individus doivent composer. Des patterns d'interdépendance émergent à la fois

des contraintes imposées par la tâche et de la façon dont les participants solutionnent les

problèmes créés par leur interdépendance. Selon Kelly et Thibaut (1986), ces contraintes sont

issues des propriétés d'une tâche. Les auteurs attribuent à une tâche deux catégories de

propriétés : 1) les propriétés conjointes/disjointes et 2) les propriétés correspondantes/non-

correspondantes. Nous expliciterons, dans les deux sous-sections suivantes, ces deux catégories

de propriétés et chacun des schémas d'interdépendance constitués par le croisement de ces

propriétés.

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1) EXIGENCES D'ACTIONS CONJOINTES OU DISJOINTES REQUISES PAR LA TÂCHE

Une tâche conjointe est une tâche qui procure le bénéfice maximum à chacun des participants.

(Par exemple, tirer sur une corde et laisser aller la corde simultanément). Une tâche disjointe

requiert seulement qu'un des participants donne une bonne réponse afin que tous reçoivent les

bénéfices. (Par exemple, construire un casse-tête) Ces caractéristiques propres à la tâche ont

des impacts importants pour les personnes.

Lors d'une tâche disjointe les membres d'une équipe peuvent accomplir leur travail de façon

indépendante sans avoir à communiquer ou à coordonner leurs efforts avec les autres. Dans

l'exemple du casse-tête, une tâche disjointe, chacun peut compléter une partie du casse-tête

sans se coordonner avec les autres. Alors qu'un groupe de discussion, (par exemple autour d'un

problème humain) est une tâche conjointe puisqu'elle n'est résolue que suite au consensus du

groupe (soit par un comportement de ralliement, soit par un consentement de la part de chaque

individu).

Les tâches conjointes requièrent plus d'attention et de communication entre les participants.

Les groupes qui travaillent sur des tâches disjointes ont la possibilité de se diviser le travail en

sous-tâches. La production de façon simultanée et indépendante suggère une des raisons pour

lesquelles, dans certaines situations, les groupes sont plus performants que les individus.

Confronté à un problème de calcul (une tâche disjointe qui ne peut pas être divisée en sous

tâches) un individu est plus performant qu'un groupe. Alors que lors de l'exécution de certaines

tâches, qui requièrent des actions conjointes, le succès de l'équipe est limité à ce que peut

accomplir la personne la moins attentive ou la moins habile du groupe (par exemple trois

personnes doivent actionner simultanément un levier à un moment déterminé) :

[…] if any member gets the answer, they all get credit for it, the puzzle task can be characterized as disjunctive […] there was more initiation of communication and more attentiveness to it in the case of the human relations (conjunctive) problems than for the puzzle (disjunctive) problems […] tasks which make conjunctive requirements of members’ behavior may place groups at a disadvantage in comparison with individuals.

Kelley & Thibaut (1986, p. 164)

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Bien que la structure de la tâche détermine habituellement son caractère conjoint ou disjoint, la

relation entre les participants peut influencer celle-ci. Les participants peuvent exercer un effet

de facilitation les uns envers les autres en partageant des informations ou des outils (soit par

sympathie pour le participant, soit par responsabilité envers le groupe).

2) CORRESPONDANCE ET NON-CORRESPONDANCE DES COMPORTEMENTS PROCURANT DES BÉNÉFICES

La correspondance des résultantes dans la matrice réfère à la situation où les comportements à

adopter par l’un des participants (afin qu’il obtienne le bénéfice maximum) sont identiques aux

comportements que l'autre doit adopter (afin d'obtenir, lui aussi, le bénéfice maximum). La

correspondance ou non-correspondance des résultantes s'applique aux tâches conjointes et aux

tâches disjointes.

Le degré de correspondance des exigences conduisant à des résultantes positives (pour A et B)

influencera l'exercice du contrôle dans les groupes et conséquemment différents schémas

d'interdépendance seront produits. Le tableau-3 illustre chacun des schémas7

d’interdépendance selon les quatre combinaisons8 possibles à partir du croisement des

propriétés d’une tâche. Nous présenterons au point a) les schémas 2 et 4 liés aux tâches

disjointes, et au point b) les schémas 1 et 3 liés aux tâches conjointes.

Tableau 3- Synthèse des schémas d'interdépendance lors de la réalisation d'une tâche

Propriétés de la tâche Exigences conjointes (requiert une simultanéité)

Exigences disjointes (division des tâches réalisées de façon indépendante)

Correspondance des comportements requis pour l'obtention des bénéfices (requiert des comportements similaires)

(schéma-1) a1 et b1 = bénéfices pour A & B requiert une synchronisation du comportement (tirer ensemble sur une corde)

(schéma-2) a1 ou b1 = bénéfices pour A & B requiert qu'un des participants donne une bonne réponse afin que tous les participants obtiennent des bénéfices (répondre au téléphone, problème de calcul)

7. Les schémas d'interdépendance émergent à la fois des contraintes imposées par la tâche et de la façon dont les participants solutionnent les problèmes créés par leur interdépendance. 8. Afin de faciliter la référence au tableau-3 lors de la lecture du texte explicatif nous avons attribué un numéro aux schémas constitués des combinaisons possibles selon les propriétés des tâches.

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Propriétés de la tâche Exigences conjointes (requiert une simultanéité)

Exigences disjointes (division des tâches réalisées de façon indépendante)

Non-correspondance des comportements requis pour l'obtention des bénéfices (requiert des comportements différents)

(schéma-3) a1 et b2 = bénéfices pour A et a2 et b1 = bénéfices pour B requiert une complémentarité et une alternance du comportement qui permet d'obtenir des bénéfices (parler/écouter et écouter/parler)

(schéma-4) a1 et b2 = bénéfices pour A & B ou a2 et b1 = bénéfices pour A & B requiert indistinctement plus ou moins une complémentarité des comportements (faire un casse tête)

a) Lors de tâches disjointes : Dans le cas de tâches disjointes la simultanéité des comportements de A et de B n’est pas

requise (afin que A et B obtiennent le maximum de bénéfices).

• Tâches disjointes avec correspondance des comportements (schéma-2) Comme dans le cas de la résolution d’un problème de calcul, lors d’une tâche disjointe avec correspondance des comportements, seulement un des deux participants doit donner une bonne réponse. Le comportement a1 ou b1 procurera le maximum de bénéfice pour A et pour B. Ceci peut importe le comportement de l’autre participant.

• Tâches disjointes avec non-correspondance des comportements (schéma-4) Si la tâche est disjointe et que les comportements exigés de la part de A et de B sont non correspondants alors le comportement qui procure les bénéfices n’est pas le même pour A et B. À titre d'exemple, lors d’une division de la tâche en partie réalisée de façon indépendante, comme dans le cas du casse-tête, des comportements différents sont requis indistinctement de la part de A ou B afin de procurer des bénéfices pour A et B. Les comportements a1 et b2, ou les comportements a2 et b1 procurent des bénéfices pour A et pour B.

b) Lors de tâches conjointes : Lors de tâches conjointes les résultantes de chacun des participants sont dépendantes des

actions simultanées de tous. Ces situations sont assimilées à des cas d'interdépendance extrême

et présentent des risques d’échec plus nombreux que lors de la réalisation de tâches disjointes.

• Tâches conjointes avec correspondance des comportements (schéma-1) Dans une situation de tâches conjointes avec correspondance des comportements tous les membres obtiennent le maximum de résultantes positives en adoptant simultanément le même comportement (a1 et b1 procure des bénéfices pour A et B).

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Dans le cas de tâches conjointes avec correspondance des exigences les personnes, qui ont le plus de pouvoir (en poursuivant leur intérêt) vont aussi maximiser le bénéfice des plus faibles. Chaque personne peut alors exercer un effet de facilitation ou d'interférence (par exemple, tirer ensemble sur une corde, puis laisser aller ensemble). Donc, dans une situation de tâches conjointes avec correspondance des comportements, les individus devront coordonner leurs comportements. Dans une telle situation si une personne ne peut coordonner son action avec les autres, tous en sont pénalisés. C'est-à-dire, chacun des participants reçoit des bénéfices seulement si tous adoptent le comportement adéquat. Selon Kelley & Thibaut (1986), avec la croissance du nombre de membres dans un groupe cette coordination peut devenir un problème et facilement échouer.

• Tâches conjointes avec non-correspondance des comportements (schéma-3) Les risques d’échec sont d'autant plus critiques lorsque dans une tâche conjointe les comportements exigés sont noncorrespondants. Le caractère conjoint exige une simultanéité des comportements. Et la non-correspondance des comportements exigés commande des comportements différents et complémentaires de la part de A et de B. Dans ce cas, la tâche ne peut procurer simultanément le bénéfice maximum pour tous les participants. C'est pourquoi dans le cas d'une tâche conjointe avec une non-correspondance des comportements exigés, les participants devront non seulement coordonner leur comportement mais ils devront aussi le faire en alternance. À titre d'exemple, lors des tours de parole dans un groupe, on observe une alternance entre parler et écouter : Le comportement de parler a1 et le comportement d’écouter b2 procurent des bénéfices pour A alors que a2 et b1 procurent des bénéfices pour B.

Synthèse L'interdépendance est définie comme la possibilité pour chacun des participants d’exercer un

contrôle (positif ou négatif) sur les résultantes coûts/bénéfices obtenues par les participants lors

de l’interaction sociale. L'interdépendance provient de la dépendance des participants envers la

satisfaction qu’ils obtiennent de l'interaction sociale. Une relation d'échange optimum est une

situation où chacun vise à procurer le maximum de bénéfices aux autres participants au

moindre coût pour soi. Ces enjeux de l'interaction sociale se présentent comme des

conséquences des solutions données (par les participants au problème de l'interdépendance) et

se traduisent par une qualité et une viabilité de l'interaction sociale.

Les solutions données par les participants (au problème de leur interdépendance) se traduisent

en schémas d'interdépendance. Ces schémas d'interdépendance sont construits à travers un

processus d'interinfluence issu de l'exercice de deux types de contrôle : 1) un échange social lié

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au contrôle sur les résultantes (FC) et 2) une coordination liée au contrôle comportemental

(BC).

Les effets de l’interdépendance se déclinent par l'ensemble des coûts à éviter, des coûts

acceptables, des bénéfices négociables ainsi que des bénéfices non négociables.

Conséquemment, les effets de l'interdépendance sont conçus comme un ensemble de

contraintes plutôt qu'un ensemble de causes. C'est-à-dire que, face à plusieurs comportements

possibles, une personne doit décider d'une action plutôt qu'une autre en vue d'obtenir la

meilleure position coûts/bénéfices. Une analyse des effets de l'interdépendance (par les

contraintes qui s'exercent) est une analyse par la négative. Cette analyse donne accès aux

contraintes et révèlent, entre autres, les gains liés aux coûts qui sont évités par la personne.

La matrice des résultantes coûts/bénéfices représente à la fois les actions qui sont pertinentes

pour l'individu et pour la viabilité du groupe ou de l'interaction sociale. La matrice des

résultantes coûts/bénéfices et les patterns d'interdépendance qui en émergent représentent à la

fois les besoins et les habiletés individuelles des participants et aussi les sentiments et les

valeurs qui guident leurs comportements.

Selon Kelley & Thibaut (1986), bien que la structure de la tâche détermine habituellement son

caractère conjoint ou disjoint, la relation (un effet de facilitation) entre les participants peut

influencer celle-ci. Ainsi, la tâche influence l'exercice du contrôle dans les groupes et la

relation influence aussi l'exercice du contrôle. (Autrement dit la tâche peut servir de contexte à

la relation autant que la relation peut servir de contexte à la tâche). À titre d’exemple, en

partageant des informations ou des outils (par sympathie pour les autres participants ou lors de

responsabilités partagées une équipe peut transformer une tâche disjointe en une tâche

conjointe.

Les auteurs ne spécifient pas si l'inverse est aussi applicable. C'est-à-dire, si une tâche

conjointe peut être transformée en une tâche disjointe (division des tâches et réalisation

indépendante). Étant donné que les individus peuvent être plus ou moins enclins à favoriser des

ententes de collaboration et que le pouvoir exercé sur une tâche dépend de la capacité des

individus (à déterminer l'état de la tâche) on peut supposer que ceci est possible.

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Le présent cadre théorique a été développé par Kelly et Thibault (1986) en situation de face à

face. Nous pouvons donc interroger la possibilité de transférer celui-ci aux situations de

médiatisation de la communication par l’ordinateur. La revue de la littérature, au chapitre

précédent, suggère que la communication médiatisée par l’ordinateur réduit les indices socio-

émotifs et contextuels qui selon Kelley& Thibaut (1986) permettent en situation de face à face

de coordonner son propre comportement aux comportements des autres (ce qui n’est pas

nécessairement facile).

L'incapacité d'identifier ces indices peut ressembler à la situation du dilemme des prisonniers

que Watzlawick (1972, p.228-231) associe à une situation de désinformation. C'est-à-dire une

situation où les membres d'une paire (ou d'un groupe) sont dans l'impossibilité de se consulter

et de coordonner leurs actions par des ajustements ou des ententes (auxquelles ils accordent

suffisamment confiance). D’où un intérêt pour notre question de recherche qui vise à mieux

comprendre comment se traduisent les effets de l’interdépendance dans le vécu des étudiants

lors de la réalisation de tâches interdépendantes supportées par les technologies Internet. Nous

procèderons en examinant les difficultés vécues par les étudiants.

Au prochain chapitre nous présenterons notre méthodologie de recherche. Nous donnerons des

spécifications concernant le site, le groupe-sujet, les tâches et les technologies utilisées au

cours de cette étude.

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Chapitre 4- Méthodologie

Introduction Le choix d’une étude qualitative est souvent issu du besoin d’explorer et de décrire le vécu des

individus dans leur milieu de vie (Creswell, 1998). Nos questions de recherche, porteuses de

telles préoccupations, nous ont incités à opter pour une méthodologie qui donne la parole aux

sujets participant à l’étude.

Tel qu’énoncé par Miles & Huberman (2003, p. 28), souvent les données qualitatives

constituent « la meilleure stratégie de découverte et d’exploration d’un nouveau domaine ».

Cet enjeu d'appréciation de la nouveauté du domaine nous apparaît être le cas de la

médiatisation de l’interaction sociale par l’ordinateur et plus particulièrement de l’intégration

des technologies interactives en éducation.

Dans la première partie de ce chapitre nous décrirons le site qui nous a fourni un contexte

authentique d’investigation. Dans la deuxième partie du chapitre nous décrirons l’approche

méthodologique retenue. Dans la troisième partie nous présenterons les considérations éthiques

et méthodologiques qui ont retenu notre attention.

4.1-Contexte du déroulement de l’étude

4.1.1-Description du site La situation qui a retenu notre attention pour l’étude de l’interaction sociale en ligne associée à

des activités d'apprentissage collaboratif est un cours de niveau universitaire de premier cycle.

Le dit cours s’adresse à des étudiants inscrits à un programme de formation en enseignement

au secondaire dans une université québécoise. Les objectifs du cours proposent une

familiarisation avec plusieurs technologies et une réflexion sur l'utilisation de celles-ci dans

l’enseignement. Plusieurs problématiques y sont explorées notamment l’utilisation de logiciels

libres ou de logiciels propriétaires ; l’évaluation de la crédibilité des informations trouvées sur

Internet ; des préoccupations éthiques de l’utilisation des espaces publics virtuels avec des

enfants ou des adolescents.

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Le cours étudié s’adressait à soixante et douze (72) étudiants inscrits. Ces étudiants étaient

répartis en deux groupes selon les proportions suivantes : section-A, 52 étudiants ; section-B,

19 étudiants. Les étudiants assistaient en situation de face à face à un cours hebdomadaire dans

un laboratoires informatique. Les exercices pratiques et les travaux à remettre pour fin

d’évaluation étaient réalisés dans les espaces virtuels numériques du cours. Notons que

plusieurs étudiants ne se connaissaient pas entre eux et qu'il était possible que les étudiants

appartenant respectivement aux sections A et B ne se rencontrent jamais en situation de face à

face.

Donc, le contexte de notre étude est un contexte mixte d’interactions en situation de face à face

et d'interactions dans des espaces virtuels numériques entre de jeunes adultes inscrits dans un

programme de formation universitaire de premier cycle. Nous présenterons dans les deux

sections qui suivent les tâches et les technologies utilisées lors des interactions sociales en

ligne qui ont fait l’objet d’investigations dans cette étude.

4.1.2-Description des technologies utilisées Les deux technologies utilisées font partie des récents développements de sites Internet dit

« interactifs ». Ces sites interactifs sont identifiés dans la littérature comme des outils qui

favorisent l’intégration des TIC en support aux approches pédagogiques socio-constructivistes.

Lorsque nous utilisons des sites interactifs nous introduisons, au-delà de l’interaction avec les

contenus, une interaction entre les personnes. Cette interaction entre les personnes prend place

dans les espaces communs de communication ainsi créés.

Les deux sections (ou sous-groupes) d’étudiants inscrits au cours ont partagé ces espaces

virtuels communs. C’est-à-dire que non seulement les gens pouvaient interagir entre eux mais

tous pouvaient voir les interactions entre les membres du groupe d’étudiants inscrits au cours.

Avec ces technologies nous ne sommes plus dans une interaction plutôt privée de « un à un »

ou de « un à plusieurs » comme avec le courrier électronique. Ces espaces de communication -

les sites interactifs - permettent une relation de « plusieurs à plusieurs » c’est-à-dire une

interaction « publique » se rapprochant des situations de face à face dans un groupe.

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Ainsi, ces sites interactifs permettent la création d’espaces qui favorisent la participation active

de tous. Deux technologies de ce type ont été utilisées avec le groupe sujet : a) la technologie

des wikis et b) un site Internet. Nous décrivons ici brièvement ces deux technologies.

a) Description de la technologie des wikis Le premier système Wiki a été développé sous la licence « Open source9» par Ward

Cunninghan en 1995. Le terme Wiki origine d’une expression hawaïenne « wikiwiki » qui

signifie rapide. Le concept de la technologie des wikis « est simple : il s'agit d'un modèle

coopératif de rédaction de documents » en ligne (Wikipedia, consulté en ligne). Nous

reprenons ici la description donnée dans Wikipedia10 :

Un wiki est un site web dynamique dont tout visiteur peut modifier les pages à volonté. Il permet non seulement de communiquer et diffuser des informations rapidement (ce que faisait déjà Usenet), mais de structurer cette information pour permettre d'y naviguer commodément. Il réalise donc une synthèse des forums Usenet, des FAQ et du Web en une seule application intégrée (et hypertexte).

Wikipedia (consulté en ligne)

La technologie des wikis se démarque par la liberté d’intervention du visiteur. Les wikis sont

des systèmes hypertextes qui permettent à plusieurs personnes de collaborer à co- éditer

facilement (co-rédiger sur la même page ou des pages différentes et inter-reliées), en ligne, un

hypertexte. N’importe quel visiteur peut consulter, commenter, modifier ou créer les pages du

wiki auquel il accède avec n’importe quel navigateur Internet (Mozilla, Explorer, Netscape,

Konqueror etc.). Toutes les modifications sont enregistrées dans un historique et toutes les

versions historiques sont accessibles. Comme lors de l’édition d'un site Internet les wikis

permettent d'insérer des liens hypertextes, des images et du texte. Les règles de formatage pour

la lecture HTML sont simples.

9. Le terme Open source désigne des logiciels et programmes développés dans un esprit de libre accès au code source. Les conventions liées à ce libre accès au code source préconisent la liberté de copier, distribuer et modifier tout programme créé sous la modalité Open Source. Ce libre accès au code source s’oppose aux logiciels dit propriétaires. Plusieurs sites Internet proposent de plus amples informations. Parmi ceux-ci le site de la Free Sotfware Fondation GNU/LINUX http://www.gnu.org/. 10. Wikipedia est une application de la technologie des wikis qui propose une encyclopédie co-élaborée par des contributeurs volontaires en plus de 25 langues.

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b) Description du site interactif Le site web interactif utilisé dans le cours est une technologie « Open source » qui permet

facilement de créer et d’administrer un espace interactif virtuel. Nous proposons ici une

description de ce site Internet tel qu'on la retrouve sur le site Internet du cours :

Les utilisateurs peuvent envoyer des messages, rédiger des commentaires pour chaque message, créer des sondages permettant de voter (les résultats s'affichent automatiquement), créer des pages web, soumettre des documents, gérer un calendrier commun, créer des forums de discussion, avoir une pensée du jour qui se renouvelle automatiquement à chaque visite du site, etc. De plus, toutes les données sont enregistrées dans une base solide et souple. Il est possible d'y faire plusieurs types de recherche, ce qui rend la navigation aisée et riche. Par exemple, tous les messages, tous les liens web, tous les thèmes discutés sont archivés automatiquement et disponibles grâce aux outils de recherche et de navigation intégrés.

Extrait du site TICs au secondaire,

Hébergé par Lévinux11

Ce qui différencie ces technologies interactives est donc la possibilité non seulement de

production en ligne mais que tous soient témoins de cette production et que tous puissent

intervenir sur ces productions et cette interaction en ligne. Site Internet interactif et wiki sont

deux espaces publics virtuels accessibles par tous, incluant des visiteurs non inscrits au cours,

de n'importe quel ordinateur en tout temps. Les propriétés de l’interaction sociale dans ces

espaces virtuels numériques seront d’être une interaction publique, asynchrone et médiatisée

par le texte.

4.1.3-Description des deux tâches Dans notre étude nous avons centré notre attention sur le vécu des étudiants lors de la

réalisation de deux tâches obligatoires dont la performance était notée. Ces deux tâches

impliquaient des interactions sociales en ligne. Dans le travail en équipe les étudiants devaient

« co-construire 12», dans un wiki, un hypertexte à partir de deux options 13 imposées dans le

11. Ce site est réalisé avec des logiciels libres (GNU/Linux) et hébergé gratuitement par LÉVINUX (un laboratoire de l'UQAR à Lévis, dirigé par Jacques Daignault). 12. Nous n’avons pas défini dans cette étude le concept de co-construction. Nous reprenons ce terme tel que formulé dans les consignes sur la tâche à réaliser dans le contexte du cours. 13. Dans l’option-1 les étudiants devaient documenter et produire un texte qui présente la controverse autour des logiciels libres et des logiciels propriétaires. Dans l’option-2 les étudiants devaient documenter et rédiger un texte

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plan de cours. La première version ainsi rédigée dans les wikis devait être affichée sur le site

Internet du cours. La deuxième tâche consistait à lire et à commenter deux des textes produits

par les autres équipes. Le feed-back donné et reçu devait servir à améliorer la rédaction finale

du texte produit par les équipes.

Nous reprenons ici des extraits de l’attente formulée dans le plan de cours afin de montrer ce

que les étudiants ont été invités à produire et dans quelles conditions.

a) La tâche de co-construction d'un hypertexte supportée par la technologie des wikis

• Les consignes de l’option-1, Co-élaborer un concept, ont été présentées de la façon suivante : « Pour travailler sur votre concept vous vous servez de votre wiki. Il n'est pas nécessaire de vous rencontrer dans le présentiel (le face à face) » Un accent a été mis, dans les consignes, sur le fait que dans les wikis il est possible de retracer les contributions des individus.

• Les consignes de l’option–2,-Co-construire un texte théorique, ont présenté une élaboration sur le principe de la co-construction. On y précisait le sens de la réflexion à faire lors du travail de co-construction « le travail en équipe habituel consiste souvent à diviser en parties puis de mettre les parties ensemble à la fin […] Mais séparer les tâches puis les remettre ensemble à la fin, est-ce vraiment un travail collectif? ». On y proposait une réflexion sur le travail collectif qui intègre les contributions ayant pour objectif « Pour essayer de répondre à ces questions vous allez co-écrire un hypertexte ».

b) La tâche d’échange de feed-back, sur les travaux partagés, supportée par la technologie des sites web interactifs

• Les consignes de l’activité d’échange de feed-back ont été présentées de la façon suivante : « Dans le site interactif chaque étudiant devra critiquer (donner des commentaires, critiquer pour aller plus loin) DEUX autres travaux du même genre (option 1 et option 2) ». Les étudiants devaient s'identifier, les feed-back n'étaient pas donnés de façon anonyme. Les étudiants avaient aussi la consigne de s’assurer que chaque travail ne recevait pas plus de deux feed-back (ils devaient donc choisir un travail qui n'avaient pas encore reçu deux feed-back).

Dans le contexte de notre étude, les étudiants avaient la possibilité de se rencontrer en situation

de face à face, notamment lors de l’assistance au cours hebdomadaire en situation de face à

face dans un laboratoire de la faculté. Mentionnons que lors du travail en équipe même si les

étudiants ont été fortement invités à utiliser les espaces virtuels du cours (wikis), ils avaient la

possibilité de déroger à cette consigne. Le partage des textes et l’échange de feed-back dans les

qui présente un concept pertinent dans le domaine des TIC tel que les firewall, la noosphère, la critique de l’information trouvé sur Internet.

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espaces virtuels numériques étaient incontournables, l'interaction a nécessairement eu lieu dans

un espace virtuel ( le site Internet du cours où devait être déposé et commenté le texte rédigé en

équipe).

4.2-Méthodologie de recherche Nous décrirons dans cette section l’approche méthodologique retenue. Notamment, les

méthodes d’échantillonnage, de cueillette et d’analyse des données. Après avoir situé notre

approche et les méthodes employées nous présenterons chacune des étapes du déroulement de

la cueillette et de l’analyse des données.

4.2.1- Approche méthodologique Associée au courant de l’anthropologie sociale, la tâche analytique que nous nous sommes

proposée a été de décrire et de comprendre la façon dont les gens interprètent leur situation et

agissent sur celle-ci. L’approche de la cueillette et celle de l’analyse de données qualitatives se

concentre sur des événements qui surviennent dans les contextes authentiques c’est-à-dire le

plus près possible des situations de vie (Miles & Huberman, 2003).

Influencés par l’approche Grounded Theory développée par Strauss & Corbin (1998) nous

nous sommes intéressés au comment et au quoi plutôt qu'au nombre. Conséquemment, nous

avons privilégié une exploration plus en profondeur auprès d'une population plus restreinte

(huit étudiants) plutôt qu’une exploration auprès d'une population plus étendue. Toutefois, dans

notre analyse des données recueillies nous avons tenu compte du caractère significatif des

fréquences d’apparition des thèmes. Nous avons voulu dégager une compréhension qui soit

ancrée dans les données en nous limitant à une description ordonnée sans prétendre à une

conceptualisation théorique.

De façon plus spécifique nous avons emprunté à cette approche - des théories ancrées - une

méthode de cueillette de données qui procède de l’alternance des séquences de cueillette et

d’analyse des données. Ce mouvement d’aller-retour entre la cueillette et l’analyse des données

permet de faire un échantillonnage théorique (« theoritical sampling »)à partir des thèmes et

des questions qui se posent au cours de la cueillette des données. Le but de l'échantillonnage

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théorique est de maximiser les opportunités de découvrir des variations en termes de propriétés

et de dimensions attribuées à une catégorie qui émerge de l’analyse préliminaire des données.

The aim of theorical sampling is to maximise opportunities to compare events, incidents, or happenings to determine how a category varies in terms of its properties ans dimensions.

Strauss & Corbin,1998, p.202

Conséquemment, sur une période intensive de quatre semaines, concomitantes aux délais de

remise des travaux en équipe et de l’échange de feed-back sur le site interactif du cours, nous

avons recueilli les témoignages des étudiants et effectué une analyse préliminaire des données.

Trois méthodes de cueillette des données ont été utilisées :

• observation : au cours des mois de janvier et de février 2004 nous avons effectué des observations des interactions sociales sur le site du cours en situation de face à face et sur les sites virtuels du cours (site Internet et wikis). L’objectif principal de ces observations était d’être informé des événements qui pourraient être mentionnés par les participants et de valider la pertinence des questionnaires. (Voir annexe-5 Grille d’observation et élaboration des deux questionnaires)

• questionnaires : deux questionnaires ont été transmis par courrier électronique à chacun des 27 étudiants qui se sont portés volontaires à l’étude. Chacun de ces questionnaires (Voir annexe-5 Grille d’observation et élaboration des deux questionnaires) a été transmis à la dernière étape de réalisation de chacune des tâches. L’objectif principal de ces questionnaires était d’identifier les incidents critiques et les difficultés à explorer en priorité en entrevues individuelles. (Voir annexe-6 Questionnaire 1 et annexe-7 Questionnaire 2)

• entrevues individuelles : suite à l’analyse des données, recueillies par questionnaire, huit (8) étudiants ont été invités par courrier électronique à participer à des entrevues individuelles. L’objectif des entrevues individuelles était de recueillir des données concernant le vécu des étudiants lors de leurs interactions sociales en ligne. Ceci à partir des incidents critiques identifiés par l’analyse des réponses aux questionnaires. Ces entrevues ont fait l’objet d’enregistrements sonores lesquels ont par la suite été transcrits en format texte.

Nous présenterons dans la section suivante les séquences de cueillette et d’analyse de données.

Nous expliciterons au fur et à mesure comment nous avons utilisé les différentes méthodes de

cueillette de données.

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4.2.2-Cueillette et analyse de données Nous présenterons dans cette section les informations sur le déroulement de la cueillette et de

l’analyse des données : 1) sollicitation de la participation ; 2) envoi et réception du

questionnaire 1 ; 3) envoi et réception du questionnaire 2 ; 4) sélection des participants aux

entrevues individuelles ; 5) tenue des entrevues individuelles ; 6) analyse et compte rendu des

données.

ÉTAPE-1 : SOLLICITER LA PARTICIPATION DES ÉTUDIANTS

Essentiellement cette étape a consisté en une présentation du projet de recherche dans le but

d’obtenir la participation des sujets. Nous avons procédé de la façon suivante :

• Une présentation du projet de recherche lors du premier cours a été conduite par l’étudiante-chercheure. Nous avons à ce moment sollicité une participation volontaire de la part des étudiants. Deux documents ont été remis aux étudiants : une présentation du projet et un formulaire de consentement (Voir annexes 1 et 2).

• Nous avons invité les étudiants à compléter sur place, toujours de façon volontaire, l’inventaire sur le sens de la communauté dans une classe (Voir annexe-3 SCCI). L’inventaire sur le sens de la communauté a été utilisé pour la sélection des participants aux entrevues individuelles comme nous le verrons plus loin dans ce chapitre.

• À la fin de la période qui nous était allouée tous les étudiants nous remettaient l’inventaire, complété ou non, et le formulaire de consentement, signé ou non. Ceux qui désiraient participer à l'étude, ajoutaient à leur signature une adresse de courrier électronique destinée à servir de lien entre l’étudiante-chercheure et les étudiants.

Parmi les soixante douze (72) étudiants inscrits dans les deux groupes, cinquante huit (58)

étudiants ont complété sur place l’inventaire sur le sens de la communauté dans une classe

(Rovaï, 2002). Vingt sept (27) étudiants ont donné leur consentement pour participer à l’étude

dont quatorze (14) dans la section-A et douze (12) dans la section-B. Parmi ceux-ci neuf ont

complété les questionnaires 1 et 2 et trois n'ont complété que le questionnaire 1. Parmi ces

douze étudiants, huit ont été rencontrés en entrevues individuelles dont quatre (4) dans chacune

des deux sections du cours.

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ÉTAPE-2 : ENVOI ET RÉCEPTION DU QUESTIONNAIRE-1 : LA CO-CONSTRUCTION EN ÉQUIPE

Essentiellement cette étape a consisté à :

• valider les questions du premier questionnaire14 : suite aux observations des interactions sociales sur les sites virtuels numériques du cours, nous avons ajouté quelques choix de réponses aux questions à choix multiples. À titre d’exemple les observations sur la fréquence d’intervention dans les wikis d’équipe nous ont suggéré un choix de réponse concernant la difficulté à « obtenir une collaboration équitable ».

• transmettre et recevoir par courrier électronique le premier questionnaire : le premier questionnaire a été transmis par courrier électronique aux 27 étudiants qui s’étaient portés volontaires. Cette transmission électronique a eu lieu le jour même du délai de remise du travail en équipe sur le site Internet du cours. À l’intérieur d’un délai d'une semaine, douze (12) étudiants ont retourné leur questionnaire complété.

• faire une première analyse des réponses au questionnaire-1 : nous avons débuté une première analyse (par codification des textes) et identifié les premiers thèmes (ou catégories thématiques) abordés par les étudiants .

ÉTAPE-3 : ENVOI ET RÉCEPTION DU QUESTIONNAIRE-2- : L’ÉCHANGE DE FEED-BACK

Essentiellement cette étape a consisté à :

• valider les questions du deuxième questionnaire : suite à nos observations sur les sites virtuels du cours, nous n’avons pas modifié les questions ni les choix de réponse du deuxième questionnaire.

• transmettre et recevoir par courrier électronique le deuxième questionnaire : le deuxième questionnaire a été transmis par courrier électronique aux 27 étudiants qui s’étaient portés volontaires. Cette transmission électronique a eu lieu le jour même du délai de remise des deux feed-back sur les textes des pairs sur le site Internet du cours. À l’intérieur d’un délai d'une semaine, neuf (9) étudiants ont retourné leur questionnaire complété.

• faire une première analyse des réponses au deuxième questionnaire : nous avons effectué une première analyse des réponses au questionnaire-2, (par codification des textes) et identifié des thèmes (ou catégories thématiques) abordés par les étudiants.

• intégrer les analyses des deux questionnaires : nous avons effectué une compilation des réponses à choix multiples des deux questionnaires (Voir annexe-8) et nous avons analysé les textes des réponses aux questions ouvertes et identifié les thèmes et incidents critiques à explorer en entrevues individuelles.

Nous avons fait le choix de ne pas faire une analyse des réponses aux questionnaires, qui

impliquerait d’imposer le cadre théorique aux données recueillies. Notre analyse a consisté à 14. Voir annexe-5 Grille d’observation et élaboration des questionnaires

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identifier des catégories thématiques qui nous ont servi essentiellement à identifier des

incidents critiques15 à explorer en entrevues individuelles. Nous avons repéré cinq incidents

critiques ou difficultés et huit catégories thématiques (le tableau–5 présente ceux-ci).

ÉTAPE-4 : SÉLECTION DES ÉTUDIANTS POUR LA TENUE D’ENTREVUES INDIVIDUELLES

Parmi les personnes qui ont répondu aux questionnaires nous en avons sélectionné huit (8). à

partir a) du score obtenu sur l’inventaire du sens de la communauté et b) des thèmes abordés

dans les réponses aux questionnaires 1 et 2.

a) Sélection des participants à partir des scores à l’inventaire du sens de la communauté Rovaï (2002) a montré que le sens de la communauté influence la participation aux interactions

sociales en ligne dans une classe. Selon Rovaï (2002), le sens de la communauté est composé

de l’importance de l’apprentissage et du sentiment d’être relié aux autres. Nous voulions tenir

compte de cette variable dans notre sélection des personnes à rencontrer en entrevues

individuelles.

Nous voulions une sélection, parmi les étudiants volontaires, qui constituerait un échantillon

représentatif de la variété des attitudes de base envers le sens de la communauté. Vingt sept

(27) personnes se sont portées volontaires pour participer à l’étude, parmi celles-ci douze (12)

personnes ont répondu aux questionnaires transmis. Seules des personnes qui ont obtenu des

scores élevés et moyens ont répondu aux questionnaires (l’annexe–4 fournit des informations

sur le traitement et les résultats obtenus par le SCCI).

Nous avons tout de même tenu compte des résultats obtenus à cet inventaire lors de notre

sélection des participants aux entrevues individuelles. Notamment, nous avons choisi dans

chacun des deux groupes (section A et B) des personnes qui ont obtenu un score élevé et des

personnes qui ont obtenu un score moyen. L’annexe-4 présente un tableau de la sélection des

étudiants rencontrés en entrevues individuelles selon les scores obtenus au SCCI et selon leur

appartenance au groupe de la section A ou au groupe de la section B.

Conséquemment, les informations fournies par les résultats au SCCI sont de deux ordres :

15. Voir annexe-9 Identification des incidents critiques.

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103

• une idée du climat global dans les deux groupes notamment : le sens de la communauté dans ce groupe s’est avéré plus élevé que la moyenne16 observée dans d’autres groupes, l’importance de l’apprentissage est plus élevée que le sentiment d’être relié aux autres.

• une indication sur le sens de la communauté des étudiants qui ont participé à notre étude notamment : les témoignages recueillis en entrevues individuelles proviennent de personnes pour qui le sens de la communauté est plutôt important (score moyen et élevé).

b) Sélection des participants à partir des thèmes Notre sélection des personnes à inviter à participer aux entrevues individuelles a aussi tenu

compte des thèmes émergeant de l’analyse des réponses aux deux questionnaires. Le tableau-6

présente les thèmes abordés par chacune des personnes invitées à participer à une entrevue

individuelle Voici les critères qui nous ont guidés dans cette sélection :

• faire en sorte que la proportion des personnes à rencontrer soit suffisamment représentative de la proportion des personnes qui avaient mentionné l’une ou l’autre des cinq difficultés identifiées dans l’analyse de l’ensemble des réponses aux questionnaires. À titre d’exemple, quatre personnes qui avaient rapporté la difficulté de collaboration ont été invitées en entrevue individuelle soit la proportion observée dans l’ensemble des questionnaires (6/12).

• un souci de couvrir, par plus d’une personne, les principaux thèmes qui ont émergé de l’ensemble des questionnaires.

• inviter des personnes qui obtiennent des scores différents sur l’inventaire du sens de la communauté.

• inviter une personne pour qui il y a eu peu de difficulté ou d’insatisfaction pour représenter les deux personnes qui ont répondu dans leur questionnaire qu’elles n’avaient éprouvé aucune difficulté.

• choisir les personnes qui abordent autant que possible plusieurs des thèmes qui ont émergé des questionnaires.

16. Voir annexe-3 Inventaire sur le sens de la communauté de Rovaï (2002) et annexe 4- le tableau des scores obtenus par les étudiants de notre groupe-sujet.

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Tableau 5- Échantillonnage théorique selon les thèmes abordés dans les questionnaires

Sujet

Difficultés rencontrées

Thèmes abordés dans le questionnaire et à explorer en entrevue

Difficultés documentées en entrevue

Commentaire constructif

Obligé/ libre

Faire de son mieux

Effet sur soi

Effet sur les autres

Attentes envers les pairs

Donner /recevoir feed-back

Virtuel/ face à face

S-3 Quest. 1&2

Obtenir une collaboration équitable

Effort et implication des pairs

S-8 Quest. 1&2

Comprendre travail à faire

Co-construire, autonomie des pairs

S-24 Quest. 1&2

Co-construction dans virtuel

La CMO

S-6 Quest.1

Co-construction dans virtuel, collaboration

Habitude de travail, composer avec les différences

S-16 Quest. 1&2

Comprendre travail à faire

Relation entre les pairs, CMO

S-7 Quest.1

Obtenir une collaboration équitable

Comprendre les attentes : prof./pairs

S-15 Quest. 1&2

Obtenir une collaboration équitable

Effort des pairs, la CMO

S-17 Quest. 1&2

Comprendre travail à faire et la technologie

CMO, risque d’interprétation

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ÉTAPE 5 : ENTREVUES INDIVIDUELLES

Les entrevues individuelles réalisées étaient semi-dirigées. Nous n’avons pas utilisé un protocole

d’entrevue unique. Nous avons cherché à mieux comprendre les thèmes et les difficultés tel que

mentionnés dans les questionnaires par chacune des personnes rencontrées individuellement.

Même les questions sur les thèmes fréquemment abordés dans les questionnaires n'ont pas été

systématiquement explorées avec chacune des personnes rencontrées. Ces questions ont été

posées uniquement à ceux qui les avaient mentionnées dans leurs réponses aux questionnaires.

De plus, nos questions ont varié en fonction de l’éclairage progressif apporté par les sujets au

cours des entrevues. Ainsi, chacun des participants pouvait rapporter des informations qui

nuançaient ou complétaient ce qu’un autre avait rapporté.

Le plus fréquemment nous avons posé des questions ouvertes aux étudiants, à titre d'exemple

citons :

• La « difficulté à obtenir une collaboration équitable » comment ça s’est passé dans votre équipe ?

• Quand tu dis que tu as vécu de l’incertitude, c’était de l’incertitude par rapport à quoi ?

• Un commentaire constructif ça veut dire quoi pour toi ?

ÉTAPE 6-ANALYSE DES DONNÉES ET COMPTE RENDU

Suite aux entrevues réalisées, sur une période de deux semaines consécutives au retour du

deuxième questionnaire, les enregistrements sonores ont été transcrits et numérisés en format

texte. Ces transcriptions ont fait l'objet de codifications. Le choix des catégories thématiques a

émergé de la fréquence des mentions dans le témoignage des étudiants. Ceci sans exclure des

témoignages moins fréquents qui ont présenté l’avantage d’élaborer qualitativement l’expérience

vécue par les étudiants. Nous donnons un bref portrait a) de la codification des textes des

entrevues et b) du compte rendu de l’analyse des données.

a) Principaux codes (catégories et variations) :

• relation entre les pairs : enjeux relationnels, réciprocité, attentes envers les pairs, évaluation de l’échange, comparaison

• implication variable : effort personnel, perception de l’effort des pairs, implication envers les études en général

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• perception d'utilité : pour l’apprentissage, pour la qualité du travail, dans l’ensemble du cours

• habitude de travail : changement d’habitude, façon de procéder, pratiques structurelles

• rapport aux exigences et obligations : perception des exigences du cours, obligations qu’on s’impose à soi-même, obligations imposées par les autres

• CMO médiatisation par le texte, interaction dans un espace public

• feed-back attendu, donné, reçu, réaction, interprétation, ouverture aux feed-back

• risques : surcroît de travail, uniformisation, mauvaise interprétation

b) Compte rendu Les thèmes émergeant des entrevues ont fait l'objet d’une analyse autour des cinq événements

critiques17. Nous avons, par la suite, structuré les données selon nos questions de recherche soit

une description des difficultés, des réactions face à ces difficultés et de la perception d'utilité.

Nous avons opté pour une présentation des résultats (chapitre-5) selon un ordre chronologique

associé au déroulement des tâches afin de permettre au lecteur de mieux apprécier la description

de l’expérience terrain qui sera rapportée dans le prochain chapitre.

4.3-Considérations éthiques et méthodologiques 1) CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES

Le projet de recherche a fait l’objet d'une approbation de la part du comité d’éthique de

l’université18. Le projet de recherche a été présenté par l’étudiante-chercheure en situation de face

à face aux deux groupes d'étudiants inscrits au cours. Au cours de ces présentations le rôle de

l’étudiante-chercheure et toutes les conditions de réalisation de l'étude ont été exposés aux

étudiants : objectifs, procédures, avantages et risques à la participation. Nous avons été

transparents concernant le double rôle de la directrice de recherche qui était aussi le professeur

responsable du cours. Nous avons sollicité une participation volontaire.

Un document de présentation a été remis à tous les étudiants. Une lettre de consentement

établissait clairement les conditions auxquelles l’étudiante-chercheure s’engageait. (Voir ces

documents en annexe 2 et 3). Parmi ces garanties notons la confidentialité de l’identité des

17. Voir annexe-10 Incidents critiques explorés en entrevues individuelles pour chacune des deux tâches et avec chacun des sujets. 18. Numéro d’approbation CERUL 2003-333

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participants, la confidentialité des données brutes et la garantie que l’étude n’influencerait pas les

résultats académiques des étudiants. Notamment, nous avons pris les mesures suivantes :

• Nous avons pris soin de respecter la garantie aux étudiants qu’il n’y aurait pas de conséquence de leur consentement ou non à la participation à l’étude sur leurs résultats scolaires. À ce titre, le professeur était absent lors de la présentation aux groupes. Nous n’avons pas informé le professeur de l’identité des participants à l’étude.

• Nous avons pris soin de préserver l’identité des participants entre eux. Les communications entre l’étudiante-chercheure et les étudiants - subséquente à la présentation aux groupes - a pris la forme d’un lien individuel par courrier électronique privé. Nous n’avons pas effectué de distribution de groupe des questionnaires afin que la participation d’un étudiant reste ignoré par les autres participants à l’étude.

• Nous avons pris soin de faire en sorte que les témoignages n’influencent pas l’évaluation académique par le professeur (qui était aussi la directrice de recherche). Nous avons transmis à la directrice de recherche les premiers résultats de l’analyse des données recueillies seulement après la fin du cours et de l’évaluation (à la fin du mois de mai).

• Nous avons pris soin de préserver l’identité des étudiants lors de la cueillette et de l’enregistrement des données. Dans les témoignages recueillis, nous avons ignoré toute information qui pourrait permettre l’identification d’une personne participant à l'étude.

2) CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES -CRÉDIBILITÉ DES RÉSULTATS

Miles & Huberman (2003) distinguent la crédibilité des études quantitatives et des études

qualitatives par le type de compréhension susceptible d’émerger de l’étude. Notamment, notre

étude visait à dégager une compréhension descriptive du vécu des étudiants dans une situation

spécifique. À ce titre, la crédibilité et l’authenticité de l'étude qualitative reposent sur la richesse

du contexte en termes de densité des données. Miles & Huberman (2003, p.504) suggèrent un

compte rendu qui permet au lecteur « une présence par procuration ». À ce titre nous avons pris

les mesures suivantes :

• Nous avons fourni une description du contexte du déroulement de l’étude et nous avons joint en annexe les documents transmis aux étudiants lors de la présentation.

• Nous avons décrit les procédures employées pour la cueillette et l’analyse des données. Nous avons fourni les instruments de cueillette de données utilisés, explicité les considérations dont nous avons tenues compte lors de la rédaction de ceux-ci et nous avons fourni les résumés synthèse de nos analyses.

• Nous avons présenté nos observations en regroupant des extraits des témoignages des étudiants rencontrés en entrevue individuelle sans retrancher les citations similaires. Nous avons ainsi voulu permettre au lecteur de reconstituer un portrait qui rend compte des nuances dans le discours et qui rend compte du nombre de personnes qui ont témoigné d'un aspect ou d'un autre.

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• Nous avons respecté, dans le compte rendu, la chronologie des événements afin de favoriser une meilleure appréciation de la situation par le lecteur.

• Nous avons tenté de discerner les zones d’incertitude, les témoignages contradictoires et les limites de notre stratégie de recherche.

La crédibilité des résultats et des conclusions repose aussi sur la vraisemblance. Selon Miles &

Huberman (2003), cette vraisemblance peut être obtenue par une comparaison à partir de

différentes sources de données (tels que différentes personnes, différents chercheurs et différents

cadres théoriques). Nous avons rendu transparent le cadre théorique (chapitre 3) qui a guidé notre

réflexion et nous avons comparé les résultats de notre étude à plusieurs études antérieures.

Notamment, nos résultats seront comparés au chapitre 6 à des études selon trois perspectives : les

études sur les obstacles à la participation aux interactions sociales en ligne, les études sur les

limites de la communication médiatisée par l’ordinateur et les études sur la performance des

équipes virtuelles.

Synthèse de la méthodologie de recherche Nous avons présenté dans ce chapitre le contexte du déroulement de l’étude. Un groupe

d'étudiants de premier cycle universitaire au baccalauréat en enseignement au secondaire ont eu à

réaliser deux tâches dans deux espaces virtuels numériques. Nous avons opté pour une étude

qualitative sur une population restreinte afin de privilégier une compréhension du vécu des

étudiants dans leur contexte authentique. Nous avons recueilli les témoignages des étudiants à

l’aide de méthodologies variées. Nous nous sommes dotés de divers moyens afin de tenir compte

de considérations éthiques et méthodologiques associées à une étude de qualité. Au prochain

chapitre nous présenterons les résultats de cette étude et ceux-ci seront discutés au chapitre-6.

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Chapitre 5- Présentation des résultats

Introduction Rappelons que l’interaction sociale a été définie dans cette étude comme une situation

d’interdépendance et un lieu où s’organise le comportement. Afin de préciser notre objet

d’étude il nous est apparu que l'exploration des difficultés vécues par les étudiants serait un

terrain propice à l’étude des effets de l’interdépendance entre les pairs. Conséquemment nous

avons formulé les trois sous-questions suivantes :

1. Quelles sont les difficultés vécues lors de l’interaction sociale entre les pairs? (obstacles et limites rencontrées)

2. Face à ces difficultés, comment les étudiants réagissent-ils et pourquoi? 3. Comment les étudiants perçoivent-ils l’utilité de leur expérience de l’interaction sociale

médiatisée par l’ordinateur? Nous présenterons dans ce chapitre les résultats recueillis (à partir des entrevues19) en

respectant autant que possible un ordre chronologique du déroulement des tâches. Ceci

permettra une meilleure appréciation de la façon dont les effets de l’interdépendance se sont

traduits dans le vécu des étudiants lors de la réalisation des ces deux tâches. Les indications,

fournies par les réponses aux questionnaires, concernant les principales difficultés rencontrées

par les étudiants sont présenté au début de chacune des parties du présent chapitre. Nous

présenterons respectivement chacune des deux tâches et les incidents qui s’y rapportent :

1. La tâche de co-construction : la difficulté à obtenir des pairs une collaboration équitable ; la difficulté à comprendre le travail ; la difficulté à réaliser le travail de co-construction ;

2. La tâche d’échange de feed-back : les réactions à l’obligation de donner un feed-back ; l’interaction dans un espace public sous forme de texte.

Le chapitre se divise en quatre sections. La section 5.1 présente une description de chacune des

difficultés liées à la tâche de co-construction et des réactions des étudiants à celles-ci. 5.1.1-

Obtenir la collaboration des pairs ; 5.1.2- Comprendre le travail à faire ; 5.1.3- Produire un 19. L’anexe-10 présente un tableau synthèse des thèmes abordés lors des entrevues individuelles. Pour chacune

des tâches et des personnes rencontrées en entrevues nous préciserons dans ce tableau : 1) les difficultés

rencontrées et ce qui a le plus influencé la participation ; 2) la redéfinition du problème lors des entrevues et 3) les

principaux thèmes abordés.

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texte en co-construction. La section 5.2 présente chacune des situations qui ont influencé la

participation à l’échange de feed-back : 5.2.1- Les réactions à l’obligation de donner un

feed-back ; 5.2.2- Les réactions à l’interaction dans un espace public sous forme de texte. La

section 5.3 présente un compte rendu de la perception de l’utilité (par les étudiants) des

interactions sociales associées à la réalisation des deux tâches. La section 5.4 présente un

portrait synthèse des difficultés et du vécu des étudiants lors des interactions sociales liées à la

réalisation des deux tâches interactives.

5.1- La tâche de co-construction d’un hypertexte dans les wikis La section 5.1 présentera une description de chacune des difficultés et des réactions des

étudiants, liées à la tâche de co-construction d’un hypertexte dans les wikis. Au début de

chacune des sous-sections nous présenterons des informations extraites des réponses aux

questionnaires qui nous ont incitée à explorer ces thèmes en entrevues individuelles. Par la

suite, nous présenterons la description de la difficulté et des réactions selon les témoignages

recueillis en entrevues individuelles.

5.1.1- Obtenir une collaboration équitable Obtenir la collaboration des pairs est la principale difficulté rapportée par les participants. Six

personnes sur douze la mentionnaient dans leurs réponses aux questionnaires. À titre

d’exemple, le commentaire de cette étudiante dans le questionnaire-1 soulève les principaux

enjeux de non-collaboration, soit une baisse de la qualité ou un surcroît de travail et un

sentiment d’impuissance et une démotivation :

Franchement, nous l’avons fait à deux […] Il est certain que notre texte est moins complet que si nous avions été trois […] Je devrai parler au membre de l’équipe qui ne s’implique pas du tout. Ce que j’ai fait, mais cette personne ne s’intéresse pas du tout au cours. Résultat : nous ne pouvons l’exclure, ni, du moins, l’évaluer en conséquence et c’est un peu démotivant. (S-25, extrait du quest. 1)

Nous présenterons d’abord, ici, une description de cette difficulté telle qu’illustrée par les

quatre étudiants rencontrés en entrevues qui ont vécu cette difficulté. À partir de leur

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111

témoignage nous décrirons, dans la deuxième partie, leurs réactions. C'est-à-dire comment se

sont-ils comportés et comment ont-ils interprété la situation.

5.1.1.1- Description de la difficulté « obtenir la collaboration » La difficulté à obtenir une collaboration équitable entre les pairs réfère aux situations où une ou

plusieurs personnes, d’une équipe, ne contribuaient pas ou peu à la production du travail

demandé. La non-collaboration pouvait se manifester de différentes manières :

• par l’absence lors des rencontres d’équipe :

Nous n’avons pas réellement réglé les problèmes, puisque l’un des membres de notre équipe est très souvent absent. (S-15)

• par la non réponse au message électronique ou appel téléphonique :

Les membres de l’équipe disaient qu’il fallait le laisser sur le wiki. J’étais aussi fâchée contre mes coéquipiers car je leur ai écrit et je n’ai pas eu de réponse. (S-3)

• par la non production d'une partie du travail dont la personne était responsable :

Oui c’est toujours des rendez-vous, des rendez-vous, puis, il n’est pas là au rendez-vous. On ne peut pas reporter un rendez-vous. On commence le travail, on arrive à la remise du travail, puis il dit« Est-ce que vous l’avez remis, j’ai oublié de le faire ». (S-7)

Cette difficulté ne serait pas liée aux technologies selon les perceptions de quatre étudiants qui

ont déclaré avoir eu de la difficulté à obtenir une collaboration équitable des pairs. Parmi ceux-

ci deux témoignent explicitement du lien entre cette difficulté et l’implication des individus

dans un cours :

Faut quand même que tu investisses le temps pour le travail, que ce soit dans le wiki ou dans le présentiel, donc tu peux avoir autant de problèmes avec ton coéquipier. (S-8).

Ca n’a rien à voir avec le virtuel à mon avis, en tout cas moi comme je le vois. Moi, je le vois comme un laisser-aller, un je m’en foutisme, je le vois plus comme ça. (S-3)

Cette difficulté pose le problème de l’implication variable des pairs dans un cours. Nous

verrons dans la section suivante le témoignage des étudiants à propos de l’implication variable

des pairs.

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5.1.1.2-Réactions des étudiants face à cette difficulté « obtenir la collaboration » Au premier point nous présenterons les réactions globales des étudiants. Au deuxième point

nous rendrons compte d’un risque de surcroît de travail. Au troisième point nous présenterons

quelques interprétations par les étudiants sur l’implication variable des pairs.

1) RÉACTIONS GLOBALES À LA NONCOLLABORATION DANS LES ÉQUIPES

Parmi les huit personnes, rencontrées en entrevues individuelles, quatre personnes avaient

mentionné la difficulté à obtenir la collaboration des pairs. Une personne a dit que ce fût

surtout un problème d’équitabilité « Faire des rencontres d’équipe, ce qui est difficile car on a

pas tous le même emploi du temps. Ce qui amène des problèmes d’équitabilité. (S-6) »

Trois personnes ont dit que leurs équipes ont éprouvé des difficultés à obtenir la collaboration

et qui ont eu comme conséquence la non-production du travail de la part d’un des membres de

l'équipe. Une personne s’est dite très insatisfaite Elle considère que les deux autres lui

laissaient la responsabilité de compléter la tâche :

Je suis allée sur le site pour voir si le texte a été envoyé, j’ai vu que cela n’avait pas été fait. Je l’ai pris sans même le réarranger ni rien, je l’ai pris et je l’ai envoyé alors que j’avais dans mon idée de compter sur eux pour l’envoyer du fait que moi j’avais fait une recherche, c’était la moindre des choses qu’ils l’envoient, mais cela n’a pas été fait. (S-3)

Les deux autres personnes, qui ont éprouvé cette difficulté, ont dit avoir créé une alliance avec

une autre personne (plus impliquée) de leur équipe. Dans un cas en particulier cette alliance a

servi à confronter la personne qui ne travaillait pas :

Non, bien je pense moi ça touche plus quand tu parles de note. C’est sûr que quand tu parles de note mon dieu ! Et nous autres dans notre équipe il y en avait un qui travaillait pas. On s’est mis avec lui pour lui montrer sur l’historique dans les wikis, pour voir qu’il y avait mon nom, puis lui le nom de l’autre fille dans l’équipe. Regarde c’est à toi de voir et c’est à toi de voir la note que tu veux avoir à la fin. Nous autres on est bien parti et si t’embarques pas c’est ton problème. C’est à ce moment-là qu’il a commencé à travailler. Si on lui avait dit qu’on ne voulait pas se taper le travail tout seul, je ne pense pas que cela aurait changé grand chose. Ca été moins direct mais ça eu de l’impact (S-15).

Dans l’autre cas les deux personnes (alliées) ont dit avoir fait le travail à la place de la

personne qui avait « oublié » de produire sa partie de texte :

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Il y a un membre de notre équipe qui ne semblait pas intéressé ou ne semblait pas vraiment comprendre le travail [...] Bref, on s'est organisé à deux en lui expliquant de notre mieux et en lui laissant une partie vraiment facile. Malheureusement, il a fallu compléter celle-ci […] on a complété nos parties, en se disant on va faire ça, puis après on se corrigera mutuellement nos erreurs. Mais quand l’autre n’a pas fait, on s’est comme dit on a pas le temps de compléter, on va faire sa partie à deux. (S-7).

Dans la deuxième partie de la session, il semble que ces même deux personnes (qui ont produit

le travail de celui qui avait « oublié ») aient obtenu une sorte de compensation en laissant la

troisième travailler seule pour compléter la deuxième version du texte :

Mais c’est pas grave, je pense qu’il se reprend. On lui laisse un petit peu plus de travail, parce qu’on est plus pris sur notre autre projet. Puis il a l’air de moins comprendre l’autre projet, puis là il dit : Ah ! J’aurai pas vos commentaires. (S-7).

2) UN RISQUE DE SURCROÎT DE TRAVAIL

La non-collaboration semble impliquer un surcroît de travail pour obtenir la collaboration et/ou

faire le travail à la place des autres. Une étudiante a décrit la situation et les efforts qu’elle a dû

faire suite à la non-collaboration de ses co-équipiers :

Je trouve que certaines personnes de l’équipe ne se sont pas forcées beaucoup. Même là, il faut faire la version finale, il n’y a personne qui en parle. Il faut que j’en parle et que j’insiste. J’en ai parlé, je n’ai pas eu de réponse […] Ils attendent à la dernière minute, il faut courir après, il faut téléphoner et à la fin je me retrouve à faire le travail toute seule pour toute l’équipe. (S-3)

Les étudiants produisent le travail à la place des autres pour quatre raisons. Interrogés sur les raisons pour lesquelles ils ont fait le travail à la place des autres, les étudiants ont répondu :

• par l’expression de critères personnels de qualité :

Moi, je suis peut-être un peu perfectionniste, j’aime ça avoir un travail fini, qui est beau, qui est complet. (S-7)

• par l’expression de règles de conduite personnelles :

En ayant quelque chose à faire, bien il faut le faire [...] C’est que les membres de l’équipe remettent un travail qui n'est pas présentable au prof.. Quand je mets mon nom sur un travail, j’aime ça que ce soit pas un super bon travail [...] Bon, je ne suis pas bonne partout, mais je parle d’un travail fini décemment. (S-3)

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• par l’expression d’une crainte d’être pénalisé par le professeur, conséquence d'une non-qualité du travail :

Je ne voulais pas être pénalisé non plus. Je me suis dit si eux, ils n’en n’ont rien à faire, moi c’est que j’en ai quelque chose à faire. (S-3)

Sa partie pas faite ? Non il fallait avoir un travail fini à la fin. Lui dire : on complète pas ta partie, c’est toi qui va le faire ? On te donne jusqu’à telle date, nous autres on risque d’avoir une note, qui est plus basse juste à cause de ça. (S-7)

• par l’expression d’une crainte d’être pénalisé par le professeur, conséquence d'une non-collaboration de tous les membres de l’équipe :

Il y a l’idée aussi de la collaboration dans le groupe, le but de l’exercice. On perd des points parce qu’on n’a pas bien collaboré […] Oui quand on dit qu'il y a un historique qui est fait, je me suis dit, ça va paraître en quelque part. (S-7)

• par l’expression d’une crainte d’être pénalisé par les pairs lors de l’échange de feed-back sur les textes partagés sur le site Internet du cours :

De dire, bon on va laisser une partie, que les autres vont lire et qui vont faire un commentaire, on sait tous que cela va être basé sur ça, puis pas sur notre travail. Dire, oui vous avez abordé tel problème ou tel aspect, mais il n’est pas complet. Tu sais que les commentaires vont être sur cette partie non complétée, où le travail n’est pas complet. C’est plate, parce que tu te dis, bon le travail que tu as fait, ils ne l’ont pas commenté, ils n’ont rien dit. (S-7)

3) IMPLICATION VARIABLE DES PAIRS

Essentiellement, les étudiants ont attribué cette difficulté à l’implication variable des pairs dans

le cours. L’implication variable semble associée à deux dimensions : a) les attitudes envers les

obligations et b) les attentes envers le cours.

a) Les attitudes envers les obligations Une personne a interprété la difficulté à obtenir la collaboration par les différences entre les

étudiants concernant l’attitude envers les obligations. Selon ce témoignage, l’attitude envers les

exigences des études en générale a pu influencer le degré d’implication et d’effort fourni. Deux

attitudes ont été mentionnées, soit une orientation vers l’apprentissage et une orientation vers la

note de passage :

Il doit y avoir des personnes qui sont impliquées parce qu’il y a une note au bout, donc c’est pas plus que ça. Il y en a qui s’impliquent parce quand ils ont un cours, ils s’impliquent dedans. Ils font leur job. (Comment je vais dire cela, je ne veux pas utiliser de gros mots.) D’autres bien ça leur passe par-dessus la

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tête, ils font les choses à la dernière minute. Ils en ont rien à faire donc ces personnes là. Ils vont fournir l’effort minimum et encore. Alors que pour ceux qui se sont investis bien ça vaut la peine. (S-3)

Nous avons retrouvé dans les témoignages des étudiants deux exemples de ces différentes

attitudes envers les obligations:

• l’attitude orientée sur l’apprentissage :

Ben parce que je suis à l’université pour apprendre, tu sais, je ne suis pas à l'université pour avoir un diplôme, tu sais ça dépend des gens dépendamment des personnes, ils ont des conceptions différentes. Je suis à l’université pour apprendre, pour être une professionnelle, une enseignante compétente. Ceci fait que si on me donne des travaux à faire ça veut dire que ce sont normalement des travaux pertinents à mon apprentissage. Je paie pour apprendre, je serais niaiseuses de ne pas en profiter. (S-24)

• l'attitude orientée sur la note de passage :

En fait c’est qu’à l’école tu as ta consigne, puis tu la fais, comme tout autre cours […] Oui, de l’indifférence dans le fond, c’est un cours comme un autre. Je fais le travail demandé, point à la ligne. Je m’emballe avec ce travail-là. On est humain aussi, si je sais que je suis capable d’avoir une bonne note en forçant moins. Elle en demande pas plus. […] Bien je persiste à croire que je vais bien réussir à la fin de la session même si je ne vais pas au cours […] Peut-être qu’avoir eu des barèmes de corrections aurait ajouté (au cours). D’un autre côté, c’est pas un cours où on veut mettre une charge de travail excessive. On a d’autres cours, on appelle ça des cours bonbons. (S-8)

b) Les attentes envers le cours En entrevue deux étudiants ont exprimé une frustration par rapport au fait qu’ils doivent subir

le manque d’implication des pairs. Cette frustration a soulevé une insatisfaction pour le cours

en général. Le témoignage de ces deux étudiants suggère que l’implication variable des pairs

pourrait avoir un impact sur la qualité de l’apprentissage :

• par manque de participation :

Il y a même des personnes qui ne se déplacent même pas pour le cours… Oui, il faut que les efforts soient équitables. C’est sûr que tout le monde ne travaille pas de la même façon. Il y en a qui en font un peu plus, y en a qui en font un peu moins, il faut quand même qu’il y ait un minimum d’effort pour atteindre l’objectif même de l’essence du cours du wiki […] Cela handicape le travail, pour que ça soit riche il faut que tout le monde participe. Alors que dans un cours ordinaire chacun fournit l’effort qu’il veut, il assume. Mais quand c’est

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interactif si quelqu’un ou une grande majorité ne fournit pas assez d’effort, ça ampute l’interactivité. (S-3)

• par manque d’autonomie :

Je pense que rendu à l’université, deuxième année, on commence à avoir une certaine autonomie qui permet, on en a vu d’autres […] Souvent ça m’irrite un peu d’entendre pour la 10e fois qu’ils n’ont pas compris le wiki. Tu deviens un peu plus impatient et tu te dis : on vas-tu passer à d’autres choses […] Je me donnerai pas du mal pour rien. Mais je pense que dans le cours on aurait été en droit d’exiger des élèves déjà en partant. Ce qui aurait déjà mis un petit intérêt supplémentaire et qui aurait fait que l’on aurait pas mis plus de temps, parce que j’aurais été au cours de la même façon, mais j’aurais appris. (S-8)

Nous avons vu dans cette section que la non-collaboration des pairs a pu impliquer, pour

certains, un surcroît de travail pour obtenir la collaboration des pairs et/ou pour faire le travail à

la place des autres. Cette situation a engendré de la frustration qui s’est répercutée sur

l’appréciation globale envers le cours. Dans la section suivante nous allons voir la deuxième

difficulté rencontrée par les étudiants, soit la difficulté à comprendre le travail à faire.

5.1.2- Comprendre le travail à faire La difficulté à comprendre le travail à faire est rapportée par cinq personnes sur douze sujets

qui ont répondu au questionnaire-1. À partir du témoignage des étudiants, cette difficulté sera

décrite, au point 5.1.2.1, comme une confusion liée à la complexité de la tâche et des consignes

données par le professeur. En 5.1.2.2 nous présenterons les réactions des étudiants : 1) la

comparaison entre les pairs et 2) leurs interprétations de l’impact sur la qualité des travaux.

5.1.2.1- Description de la difficulté « comprendre le travail à faire » La difficulté à comprendre le travail à faire a été exprimée par les étudiants, lors des entrevues,

comme de la confusion et de l’incertitude concernant les attentes du professeur :

Je pense que tout le monde est un peu incertain. Je pense que cela nous a pris deux heures à comprendre, qu’est-ce qui est attendu dans ce travail-là. C’était pas clair. Personne n’était capable de répondre avec certitude. (S-6)

Les étudiants ont dit apprendre par essaie-erreur et avec des amis. Cependant le professeur est

perçu comme l'élément structurant de la démarche d’apprentissage d’où, selon un étudiant,

l'importance de bien comprendre les exigences et les consignes :

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117

Pour apprendre, ben la dimension matérielle c'est de l’essai-erreur et de l’entraide aussi. C’est juste les balises que je comprenais pas au début c’est plus ça. Tu sais l’apprentissage il se fait quand même entre ami c’est ça c’était les balises en fait, c’est pour ça que je comprenais pas ce qui se disait entre les gens qu’est-ce qui était vrai et qu'est ce qui était faux t’es toujours mieux d’avoir la version du professeur […] des balises pour dire perds-toi pas par-là, va pas te perdre, perds pas ton temps à faire ça c'est de te concentrer et d’apprendre ça comme il faut et fais ça comme ça c’est le chemin pour se rendre là […] C’est ça qui dirige l’apprentissage. (S-16)

Selon le témoignage des étudiants, l’incertitude et la confusion ont pu être générées à partir de

cinq exigences liées aux consignes données par le professeur :

• fournir des efforts : la tâche présentait un degré de complexité qui nécessitait un effort de compréhension. Certaines expériences de confusion ont pu être liées à un non-effort (pour expliciter les consignes) :

Quand j’ai parlé de confusion, je me disais peut-être qu’ils ne savaient pas quoi faire. Ce qu’ils avaient à faire c’était clair quand même, il suffit d’aller dans le plan de cours […] Donc je ne sais pas si c’est une vraie confusion ou une confusion qui arrange. C’était quand même clair. Puis quand on est confus, ben on cherche à éclaircir. (S-3)

• composer avec la nouveauté : un étudiant a expliqué que l’incertitude était liée à la fois à la nouveauté du logiciel et à la complexité de la tâche à réaliser:

Premièrement, c’était le fait de travailler dans les wikis, on a jamais travaillé avec ça au départ[...] On sait pas comment ça fonctionne, ça fait en sorte que l’on s’accroche un peu… je ne comprenais pas exactement qu’est-ce qu’il fallait faire comme travail dans les wikis, je ne les connaissais pas. Il y avait là une grosse incertitude. Au début c’était assez rough [...] On travaillait avec un outil que l’on ne connaissait pas, puis là on nous demandait de faire un travail qu’on comprenait pas exactement qu’est-ce qui était attendu dans ce travail. (S-6)

• construire à partir des textes des autres : pour un autre étudiant la difficulté de compréhension des consignes données par le professeur portait sur les exigences de construction à partir des idées déjà émises par les autres étudiants À tire d’exemple, l’exigence d’aller sur le site Internet du cours pour lire les textes des étudiants (de l’année précédente) avant d’écrire son propre texte est apparue insensée à un étudiant « Mais c'était le fait de se baser sur tous les textes des autres, j’ai pas compris pourquoi. (S-16) »

• composer avec la diversité des multiples sources d’information : la diversité des sources d'information a pu introduire une complexité et une confusion. Un étudiant a nommé, à titre d’exemple, les consignes données en classe, les textes sur le site du cours, les discussions entre les pairs:

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Ben ce que moi j’ai trouvé difficile c'est de trouver les informations sur son site web parce qu’il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup d'information pis c’était difficile à trouver. Et dans le cours c'était pas toujours la même information qui était véhiculée donc ça, ça été la première difficulté. Pis ensuite y a tous les ouï-dire aussi. Tout ce que le monde disait aussi, ça m'a mélangé encore plus. Donc c'est ça, je savais pas ce que le professeur voulait jusqu'à temps qu’il y ait un document qui soit mis sur l'Internet. (S-16)

• s’adresser à des destinataires multiples : pour d’autres, c’était la l’attente du professeur concernant la production d’un texte destiné à être lu, commenté et évalué par plusieurs personnes (étudiants et professeurs20) qui était source de confusion :

Oui, mais en même temps je veux que ce soit intéressant pour le professeur et que ce soit complet. C’est lui qui m’évalue. Si je me fiais seulement au professeur, je perdrais le côté efficace, libre, ouvert à tout le monde, au public. Mais, c’est le professeur qui m’évalue. Ca tombe un peu dans la confusion. Tu te poses la question à qui, et pourquoi, c’est le prof et c’est lui qui t’évalue, qui émet des commentaires […] D’habitude, le travail c’est juste le professeur qui le lit et il te donne une note sur le travail, puis c’est fini. Ils vont être basés aussi sur les commentaires des gens, puis sur ce que lui il perçoit du travail. (S-7)

Ces exigences liées aux consignes données par le professeur pourraient avoir remis en question

les règles habituelles d’évaluation de la performance par le professeur et induit une situation de

non-familiarité.

5.1.2.2- Réactions face à cette difficulté « comprendre le travail à faire » Dans un espace virtuel, la production des étudiants est partie intégrante d’un ensemble de

productions publiques. Le partage des textes dans un espace public virtuel a engendré une

comparaison entre les pairs à laquelle était associée la difficulté et l’importance de comprendre

le travail à faire :

Mais par rapport aux autres équipes, ou à ce que les autres équipes ont fait, je sais pas si cela a du bon sens, si c’est assez long, si le site est attrayant, plaisant à lire[...] Cela émerge des commentaires que l’on a, après l’avoir lu, si les autres trouvent ça intéressant. Sur le coup quand on le met, on ne le sait pas. On a fait quelque chose, on trouve ça bien, on pense qu’on a fait un bon travail, la version finale va être vraiment bonne. Mais d’un autre côté est-ce vraiment ce qui est attendu de nous? […] Par rapport aux autres est-ce correct, est-ce trop court, trop long, est-ce que cela répond à ce que le professeur attendait de nous. (S-6)

20. Le travail final devait être donné aux pairs sur le site web du cours et commenté par ceux-ci. Le travail devait donc satisfaire à la fois les intérêts des pairs et les critères d’évaluation du professeur.

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Le partage des textes dans un espace public a pu produire deux types d’impact soit, 1) des

réactions à la comparaison entre les pairs et 2) différentes interprétations de l’impact du travail

dans un espace public.

1) RÉACTIONS À LA COMPARAISON AVEC LE TRAVAIL DES PAIRS

Au-delà de l'intérêt à satisfaire les exigences du professeur et obtenir une bonne évaluation,

trois étudiants ont dit avoir été influencés par le caractère public de l’espace de partage des

textes. Le partage des textes dans un espace unique où tous pourront être lus et comparés par

tous a suscité quatre types de réactions.

• une sensibilité au regard des autres : le caractère public de l’exposition peut rendre les étudiants plus ou moins inconfortables

Veux, veux pas, ça te fait réfléchir aussi de ce que les autres vont penser. C’est toujours important de savoir ce que les autres pensent de toi. Par rapport à juste une production les gens vont comme se forger une image de ce que tu es. J’y pense deux fois plutôt qu’une avant de faire des commentaires ou d’émettre une opinion. Toujours en pensant que tout le monde le verra. (S-15)

• la comparaison de la performance : cette comparaison introduit une visibilité de la performance des pairs en réponse à une attente du professeur :

La conformité aux attentes puis veux, veux pas quand on fait un travail, on se compare aux autres […] C’est sûr que pendant qu’on le faisait puis après, on est allé voir d’autres travaux avant qu’ils soient mis sur le site ou après. On a comparé, on s’est dit bon, s’il y en a trois qui ont fait ça comme ça, bon cela a de l’allure. Je pensais que cela aurait pu arriver que tout monde ait mal compris les consignes, mais je pense que ce n’était pas le cas. (S-6)

• le support : la possibilité de comparer son travail à celui des pairs pourrait servir de support à la démarche d’apprentissage. Deux étudiants ont dit qu’ils ont cherché à valider leur compréhension des attentes en allant voir ce que les autres avaient fait. Cependant, le deuxième a ajouté que ceci peut ne pas être suffisant pour rassurer par rapport aux attentes du professeur :

C’est parce que t’arrives à te situer en regardant ce que les autres font t’arrives à dire bien moi est-ce que je suis dans le champ. Tu le vois tout de suite autrement dit. C’est pas comme si on a un travail à faire dans un cours précisément sur papier puis on essaie de poser des questions, t’es rendu, toi ça va comment, t’as tu parlé de ça […] T’es inquiet. T’essaie d’aller chercher comme un petit peu l’appui des autres pour voir est-ce que je suis correct, est-ce que je suis dans la bonne voie. (S-15)

• une pression : pour d’autres, il y aura une pression attachée au calibrage relatif à la performance à accomplir. Selon un étudiant, l’évaluation de la qualité du travail produit

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ne porte pas seulement sur un critère de réponse de type vrai ou faux. Il a formulé cette difficulté de se conformer à des exigences d’ordre plus qualitatif en comparant le travail demandé à un exercice de résolution de problème en mathématique :

Parce que tu es livré à toi-même. Tu regardes les autres équipes et tu te dis eux autres font-ils bien le travail ou ils en font trop. Le prof. qu’est-ce qu’il voulait? Lui, en fait-il trop ou pas assez ? Suis-je dans le milieu ? Si je suis dans le milieu et que celui qui en a fait beaucoup, c’était ce que le prof. voulait ? Si lui en a fait trop et que moi j’essaie de le mettre comme ça, c’est du temps que je prends et que je mets pas sur mes autres travaux […] En mathématique c’est clair : t’as le problème, la résolution de problème et la réponse à la fin. T’écris ton nom en haut et voilà, c’est clair net et précis. (S-7)

La comparaison entre les pairs dans un espace virtuel n'est pas vécue de la même façon par

tous. Ils peuvent être conscients qu’ils projettent une image d’eux-mêmes sans vivre un stress

particulier attaché au caractère public de leur production :

Le fait de le mettre sur Internet et que les autres fassent des commentaires ça changera pas la qualité de mon travail […] je le fais parce qu'on me l’a demandé et pour apprendre, ce que les autres en pensent ce qu'ils veulent, ça me dérange pas. (S-24)

2) INTERPRÉTATION DE L’IMPACT DU TRAVAIL DANS UN ESPACE PUBLIC

Nous présenterons ici l’interprétation que donnent les étudiants de l’impact du travail dans un

espace public (avec les wikis) : a) l’expérience positive du travail avec cette technologie; b) des

témoignages contradictoires de l’impact sur la qualité des travaux et c) la perception d’un

risque d’uniformisation.

a) L’expérience positive du travail avec cette technologie Malgré que cinq personnes aient mentionné avoir eu de la difficulté à comprendre le travail à

faire, les participants ont résumé leur expérience des wikis, en majorité de façon positive. Trois

étudiants ont qualifié d’originale la technologie des wikis. Pour un étudiant l'originalité des

wikis tient surtout à ce qu'ils rendent possible le travail à distance et à un rythme personnel

« Ça fait changement des rencontres en personne où il faut souvent faire des concessions de

temps. Avec les wikis, si je veux travailler à 12 h le soir, je travaille à 12 h le soir. (S-8) »

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Un autre étudiant exprime son appréciation de la nouveauté malgré la nécessité de s’adapter au

fonctionnement du logiciel : « Original parce que c’est nouveau les wikis. Adaptation parce

que c’est un mode de travail qu’on ne connaît pas et on doit apprendre à l’utiliser efficacement

pour construire quelque chose en équipe. (S-6) » Et une étudiante exprime son appréciation des

fonctionnalités de mise en forme graphique et d’hypertexte : « Lorsque nous savons comment

les wikis fonctionnent, cela devient très amusant. On peut jouer avec la grosseur des caractères,

mettre des images, des puces. (S-14) » Plusieurs étudiants mentionnent les aspects qu'ils ont

appréciés du travail avec la technologie des wikis :

• permet une diffusion des innovations

L’effet de curiosité est là partout quand même dans un travail comme ça aussi[...] Puis là vu qu’on a vu la construction graduelle du travail des autres, moi j’ai pu me baser là-dessus Ah ! Ils ont rajouté une petite icône, où ils ont pris ça. J’ai essayé d’en trouver un plus beau. C’était toujours comme ça d’essayer d’en mettre plus. (S-15)

• favorise l’entraide :

Nous nous sommes aidées pour trouver des articles et lorsqu’il était impossible pour nous de se voir, nous avions la possibilité de nous laisser des messages dans notre wiki afin de nous orienter et de nous entraider pour faire notre travail. (S-17)

• permet un suivi de l’évolution des travaux en cours

Étant donné que c’est un espace virtuel interactif, ça me pousse à suivre l’évolution des travaux et des discussions. J’aime être au courant de tout en temps réel et non trois semaines plus tard, alors les sites interactifs me conviennent parfaitement. (S-15)

• permet un partage des idées

Je considère cette expérience comme une autre. J’ai appris, mais je n’utiliserai pas ça autrement. C’est bien pour mettre un paquet d’idées, mais pas pour co-construire un texte. (S-24)

b) Impact sur la qualité des travaux Les témoignages recueillis sur l’impact du partage des textes, dans un espace public

virtuel,sont contradictoires. D’une part, les données recueillies suggèrent que le partage de

texte dans un espace public virtuel incite à la qualité des productions. Cinq éléments de qualité

ont été soulignés :

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• une rédaction plus soignée

Le fait que ce soit public, ça me pousse à penser à mes structures de phrases, à mon langage, à mes fautes d’orthographe et surtout à ce que les autres vont en penser. (S-15)

• un texte plus précis

Si le texte ne s’adressait seulement qu’au professeure, il y a beaucoup de termes qui n’auraient pas eu à être définis, prenant pour acquis qu’elle les connaît. Étant donné que le texte s’adresse à tout le monde, il doit être accessible à tous. (S-6)

• une rédaction plus recherchée

Étant donné que le professeur connaît le domaine de l'informatique, probablement que le texte aurait été moins explicite ! Avouons-le, on aurait cherché à plaire plus au professeure en cherchant son idéal dans ses explications (S-7)

• un retour critique sur les productions personnelles

L’avantage est peut-être que nous avons dû lire d’autres textes pour avoir un jugement plus critique sur son propre texte. (S-25)

• une réflexion plus poussée

Je suis certaine que cela est utile tant pour exercer notre jugement critique que pour savoir accepter l’opinion des autres. Les gens sont plus portés à élaborer et à aller plus en profondeur. (S-15)

D’autre part la plupart des répondants (soit dix sur douze) déclarent dans le questionnaire–1

que leur texte n'aurait pas été différent s'ils l’avaient remis seulement au professeur. Pour eux,

la qualité de leur production ne dépend pas de leur auditoire mais de l’effort personnel investi

dans la démarche d’apprentissage par la production des travaux. La mention à l'effort personnel

revient fréquemment dans l’expression « faire de son mieux » et ses variantes soit « faire à

100 % », « je suis perfectionniste » ou « mieux s’améliorer ». Interrogés en entrevue

individuelle à ce propos, les étudiants ont dit que leur texte n’aurait pas été différent pour des

raisons similaires :

• une satisfaction personnelle

C’est la satisfaction personnelle. Je me disais que c’est pas parce que mon texte va être lu par toute la classe, par le prof, qui que ce soit, par le pape ou par quiconque, je le fais pas pour les autres, je le fais pour moi. C’est un accomplissement personnel et c’est pour mon enrichissement personnel. (S-17)

• une constance dans les efforts personnels fournis

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J’ai fourni les mêmes efforts que d’habitude. (S-3)

• une discipline personnelle

J’ai fait de mon mieux, alors je n’aurais pas pu faire mieux. Généralement, mon souci du travail bien fait ne vient pas de ma conscience envers les autres mais provient de la pression que je me mets moi-même. (S-8)

• une motivation personnelle pour l’apprentissage

Parce que j'ai un travail à faire et je vais le faire à 100 %. Lorsque je fais un travail, je le fais pour moi, dans le but d’apprendre et non d’impressionner les autres. (S-24)

• une qualité personnelle

Je suis très perfectionniste à la base, alors mon texte n’aurait pas été différent. (S-15)

c) La perception d’un risque d’uniformisation Quatre personnes ont mentionné le risque d’une uniformisation de la production. Cette

perception a été exprimée à divers degrés. Une étudiante dit que, malgré les ressemblances, elle

pouvait apprécier les distinctions dans chacun des textes produit par les pairs :

J’étais contente de voir que malgré le fait que nos travaux pouvaient tous se ressembler, ils avaient tous une force particulière, une tangente unique à chaque travail. Ainsi, on pouvait percevoir le sujet de différents angles. (S-17)

Trois des étudiants, qui disent avoir perçu une uniformisation des textes, suggèrent des limites à cette activité de partage de textes dans un espace public:

• Les textes ne présentaient pas un intérêt additionnel à ce qui était vu en classe

On écrit des textes qui reviennent pas mal essentiellement aux mêmes arguments […] la majorité, je dirais 95 % des commentaires qu’on lisait dans les textes, c’était du déjà vu en classe… Personnellement ça m’intéressait pas d’aller lire les textes des autres parce que je savais que la majorité ce serait pas nécessairement forcé ça reviendrait tout aux mêmes commentaires. T’en aurais peut-être un qui pourrait se démarquer, qui aurait poussé en quelque part d’autre que l’autre avait pas vu. (S-8)

• Les commentaires sur les textes orientaient vers une normalisation des productions

J’ai l’impression que le partage des textes amènera une uniformisation du contenu. Les commentaires que nous avons reçus portaient généralement sur le fait que, par exemple, nous n’avions pas fait d’historique […] Je ne crois pas que ça ajoute de la qualité dans les travaux. (S-25)

• Les productions des pairs ne satisfaisaient pas la curiosité intellectuelle

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Ce qui m’a le plus influencé c’est pas les textes des autres, c’est les textes disponibles sur le site web…j’ai cherché par moi-même, les textes que j’ai vus sur le site […] m’ont permis de découvrir beaucoup d’autres choses. Tu sais, je suis allé plus loin que ce qui était demandé, je suis allé voir d’autres auteurs […] tandis que dans les textes faits par les élèves c’était tout le temps les même idées […] tu sais c’est sûr qu'ils ont tout fait ça à partir de la même chose. (S-16)

Nous avons vu dans cette section sur la difficulté à comprendre le travail à faire, le vécu de

confusion lié à la complexité de la tâche et aux consignes données par le professeur. Nous

avons également souligné les points positifs que les étudiants associent à cette manière de

travailler. Nous avons aussi vu les réactions des étudiants à la comparaison entre les pairs et

leurs interprétations de l’impact sur la qualité des travaux de cette façon de travailler. Dans la

prochaine section nous allons voir la troisième difficulté liée au travail en équipe dans les

wikis, soit la difficulté à produire un texte final en co-construction.

5.1.3- Produire un texte final en co-construction dans les wikis La difficulté à produire un texte final en co-construction dans les wikis n’est rapportée dans les

questionnaires que par deux personnes sur douze sujets. Cependant, selon le témoignage des

huit personnes rencontrées en entrevues individuelles, aucune des équipes n'a produit un texte

final en co-construction dans cet espace virtuel numérique. Nous verrons au point 5.1.3.1 que

la co-construction dans les wikis a été, d'une part, une exigence non perçue par plusieurs

étudiants et que, d’autre part, la tâche représentait un changement d’habitude de travail. Par la

suite nous décrirons au point 5.1.3.2 les trois réactions des étudiants face à cette difficulté : 1)

le choix des rencontres de coordination en situation de face à face ; 2) le choix du travail par

division des tâches et 3) une limite à l’inter-influence entre les pairs.

5.1.3.1- Description de la difficulté « co-construction dans les wikis » Selon nos observations en ligne de l'utilisation des wikis et les témoignages recueillis, les

équipes ont exploré les fonctionnalités des wikis. Ils ont mentionné avoir créé des pages

personnelles et des pages pour l’équipe, inséré des images et des liens cliquables, et utilisé la

fonction commentaire. Le degré d’utilisation des wikis semble aussi dépendre de l’implication

des co-équipiers. Certaines équipes ont créé plusieurs pages wiki, d’autres se sont limitées à

une page d’accueil avec peu d'information et une page pour le texte final.

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Quatre des huit personnes rencontrées en entrevues individuelles ont dit ne pas avoir perçu la

co-construction dans les wikis comme une exigence21 du cours. Pour ceux-ci, l’attente du

professeur était de produire et de partager un texte sur le site Internet du cours. La familiarité

entre les étudiants semble avoir contribué d’autant plus à une non-perception de la co-

construction dans un espace virtuel comme une exigence du cours. À la question « Est-ce que

vous avez perçu le travail de co-construction dans les wikis comme une exigence du cours? »,

ces étudiants ont répondu :

• par les consignes sur la remise des travaux

Le travail lui-même, qui était de mettre notre texte dans un wiki et ensuite de le remettre sur le site internet. C’est ce que j’en ai compris. (S-15)

• par les consignes sur la suite de l’activité

Ce que je perçois qui était obligatoire? De remettre le travail sur Internet, dans un wiki, pis que les gens viennent faire des commentaires. (S-24)

• par une priorisation du texte à produire

De construire un texte sur le logiciel libre. En faire une critique. Si possible utiliser les wikis pour découvrir. (S-8)

• par la perception de non-pertinence de l’utilité du logiciel

S’il fallait vraiment passer par là. Plus ou moins. C’est arrivé quelques fois qu’on s’est laissé des messages là-dessus. Mais étant donné qu’on passe pas notre temps dans notre wiki, ça pouvait prendre, mettons, deux jours avant de voir. Ah ! Oui une telle a écrit ça. Tandis qu’on s’était vu la veille. Puis elle nous l’avait dit avant. Question d’accessibilité plus facile entre nous autres. J’ai pas perçu, non une exigence. (S-17)

Pour deux personnes l’expérimentation se limitait à apprendre le fonctionnement du logiciel -le

wiki- et à explorer son utilité potentielle :

Pas vraiment, moi dans ma tête, elle nous donnait l’outil, pis tu regardais voir les possibilités de l’utiliser […] découvrir les wikis pour qu’on adopte ça peut-être dans le futur, soit avec nos élèves aussi peut-être, ça peut nous donner des idées pour construire plus tard. (S-8)

De voir l’utilité du virtuel, c’est plus l’utilité que l’exigence de le faire. Comme je le disais tantôt veux, veux pas, oui on a fait les deux. On a travaillé chacun chez nous. Les petites améliorations que j’ai apportées toute seule de mon côté

21.Voir les consignes dans l’extrait du plan de cours au chapitre 4, section 4.1.3 Description des deux tâches.

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et que chacun a apporté au travail après qu’on ait travaillé toutes les trois ensemble […] De connaître l’utilité et savoir comment ça fonctionnait. (S-15)

L’inconfort semble avoir été assez important puisque certains mentionnent cette difficulté en

même temps qu’ils ont soutenu que ceci n’était pas une exigence. À tire d’exemple, à la

question posée en entrevue « Est-ce que tu as perçu que de produire un texte en co-construction

dans les wikis était une exigence du cours? » une personne a répondu « Non, parce que c’est

pas productif […] J’aime pas avoir un lien d’ordinateur à ordinateur. (S-24) ». De plus, la

rédaction d'un texte en co-construction au sens de co-écriture semble présenter un défi

particulier aux étudiants. Même les personnes qui ont perçu la co-construction dans les wikis

comme une exigence ne l'ont pas réalisé. Un participant exprime la limite rencontrée en termes

de changement des habitudes de travail « Construire comme ça, dans ma tête c’est comme pas

logique, c’est pas automatique. C’est comme le contraire de ce que l’on fait habituellement. (S-

6) »

5.1.3.2- Réactions face à la difficulté « co-construction dans les wikis » Face à la difficulté de co-construction dans un espace virtuel numérique, les étudiants ont

témoigné de réactions qui suggèrent des limites associées au travail en équipe et à la

médiatisation de la communication par l'ordinateur (par la technologie des wikis). Nous

présenterons dans cette section les trois réactions des étudiants : 1) le choix des rencontres de

coordination en situation de face à face; 2) le choix du travail par division des tâches et 3) une

limite à la capacité d’inter-influence.

1) LE CHOIX DES RENCONTRES EN SITUATION DE FACE À FACE

Même si les étudiants ont dit avoir eu un certain plaisir à travailler dans des espaces virtuels

communs, la mise en commun du travail (produit de façon indépendante) a été faite lors de

rencontres en situation de face à face :

Malgré tout, nous avons eu beaucoup de plaisir à regarder ce que les autres de l’équipe avaient ajouté au wiki. De plus, nous avons surtout travaillé tous ensemble sur un ordinateur lors de la construction en général. (S-15)

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En situation de choix les étudiants ont préféré les rencontre face à face. Pour les équipes

composées de personnes qui se connaissent déjà et se fréquentent régulièrement, le travail dans

un espace virtuel est apparu non pertinent.

Nous autres en particulier, c’était la situation. On est toutes les trois dans le même bac, dans les mêmes cours. Notre temps libre on l’avait pour le passer ensemble. Si on l’avait pas eu on aurait pas eu le choix de passer par le virtuel mais là on avait la possibilité de le faire. (S-15)

La communication médiatisée par l'ordinateur semble avoir représenté une première limite au

travail en équipe dans les wikis. Le témoignage des étudiants suggère trois obstacles à

l’utilisation de la CMO lors du travail en équipe dans les wikis :

• une préférence pour la communication en situation de face à face

On était un ordinateur un à côté de l'autre pis on se disait des commentaires. C’était plus oral que sur Internet […] C’est juste que l'interaction est là sur Internet mais il me semble que c’est encore plus puissant oralement. (S-16)

• une complexité de la CMO

Il est difficile de travailler dans le virtuel et je trouve ça beaucoup plus long et compliqué. Nous avons mis toutes nos sections de travail sur le wiki pendant les 2 semaines de recherche puis, nous nous sommes rencontrés pour produire le texte final. (S-24)

• un manque de familiarité avec la tâche

Je ne peux pas dire que le problème ait été résolu. Il semble extrêmement difficile de co-construire un travail sans qu’il y ait une rencontre des membres de l’équipe pour de vrai, pas en communiquant par mail ou sur le chat. Pour la co-construction, je pense que le fait de ne pas y être habitué la rend difficile. Pour être efficace, il faudrait déjà être familiarisé avec cette méthode. Notre premier réflexe est de faire comme on a toujours fait, c’est-à-dire faire des rencontres d’équipe. (S-6)

• une familiarité entre les participants (cas particuliers de fréquentation régulière)

C’est arrivé comme ça. Peut-être que si on était des gens qui se connaissaient moins on aurait plus tendance à y aller par le wiki pour se donner la division du travail. Mais on était trois filles dans le bac. et on se rencontre pratiquement tous les jours. C’était plus facile comme ça. (S-17)

• un manque d’immédiateté

C’est pas productif, c’est long pis comme je disais les idées viennent pas. Pis c’est en discutant, on voit les réactions des gens, je parle en général, les réactions des gens. Tu peux parler tout de suite tu vois la réaction, tandis que si

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tu t’écris sur e-mail bon […] Tu peux pas avoir, tu dis quelque chose la personne veut répondre, pis là ça fait des conversations déconnectées[…] se voir en personne c’est plus suivi […] parce que j’entends la voix, tu entends l’intonation on peut échanger directement maintenant là. (S-24)

Le choix des rencontres en situation de face à face dans le travail de co-construction suggère

que la communication asynchrone et médiatisée par le texte rende plus difficile les processus

d'inter-influence. Trois étudiants ont rapporté des situations où selon eux la réaction immédiate

tel que vécue en situation de face à face est plus efficace:

• la réaction immédiate et la façon de s’entendre

On a essayé d’inclure les deux et c’était le fait qu’on pouvait à la place le travailler chacun chez nous. Mais on revenait en groupe et on disait bon pourquoi t’as mis ça, j’ai pas compris pourquoi t’a inclus ça dans le wiki ou des choses comme ça. Là on perdait du temps à s’expliquer. Tandis que là, si on travaillait tous ensemble on changeait les mots toutes les trois ensemble. Je trouve que ça allait plus vite comme ça et on avait les trois opinions d’un coup sec avant de continuer. Donc, on poursuivait le travail et cela allait beaucoup mieux parce qu’on avait les trois idées à la fois. (S-15)

• la réaction immédiate et la production d’idées.

Il faut que t’attende que l’autre aille sur le site, que là il lise ce que tu as fait, ça c’est s’il le lit ok, là toi faut que tu retourne après, t’es vraiment dépendant. Tandis que si on se fixe qu’on se rencontre telle heure lundi matin. Tu me dis quelque chose, moi je vais argumenter tout de suite…pis sur le moment, des discussions interactives, les idées ressortent. Tandis que là c’est mon idée, ton idée. C’est en discutant que les bonnes idées sortent, pis ça on a pas ça avec ça. C’est ce que je trouve dommage. (S24)

• la réaction immédiate et la dynamique de l’équipe

La communication verbale premièrement c’est mieux, c’est plus rapide, expliquer par des écrits[...] Que ce soit quelque chose sur le wiki, il y a comme un délai, ça ralentit. Il n’y a pas la dynamique que quand on tout le monde est ensemble. Puis à la limite tu peux couper la parole à l’autre, puis dire moi je ne suis pas d’accord là-dessus. La dynamique est différente je pense. Il y a une grosse différence, ça demande beaucoup plus de temps. (S-6)

2) LE CHOIX DU TRAVAIL PAR DIVISION DES TÂCHES

Que l’exigence de co-construction dans les wikis ait été perçue ou non, les étudiants ont dit que

dans leur équipe ils ont procédé à une répartition des tâches. Certains ont tenu des rencontres

de coordination et de mise en commun des travaux en situation de face à face. Essentiellement,

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nous avons retrouvé quatre degrés d’indépendance ou d’interdépendance lors de la réalisation

du travail (surtout caractérisé par la division des tâches) :

• Division des tâches avec une rencontre de mise en commun : après avoir réalisé de façon individuelle les parties du travail les étudiants se sont rencontrés en situation de face à face pour intégrer les textes

Ben en fait, on a fait chacun notre partie, après on les a recorrigés chacun. Pis ensuite on a mis ça ensemble, on a refondu le texte, pis on a fait ça en partie ensemble, pis en partie sur les wikis […] on s'est rencontré une fois les trois en même temps. (S-16)

• Division des tâches avec un partage des ressources : dans ce cas après la division des tâches, les étudiants se sont donnés un certain support

On s’était rencontré avant pour se diviser le travail, diviser les parties […] On s’était trouvé des références ensemble, lorsqu’on trouvait quelque chose qui pouvait intéresser l’autre on se transférait ça, chacun notre tour et on écrit notre texte dans le wiki. (S-15)

• Division des tâches avec une validation par les pairs : dans ce dernier cas, la co-construction était limitée à ce que l’autre donne son accord sur la partie du travail rédigé par le collègue. Ils ont travaillé ainsi en sachant très bien que l’exigence formulée par le professeur était différente.

C’est ça, il a regardé, il a confirmé que ça faisait son affaire. Ce qui était moins bien, on en rediscute après. La même chose de son bord. C’est plus traditionnel comme travail d’équipe. Ce que le prof. était pas supposée vouloir. Mais bon. (S-8)

Si la plupart ont travaillé par division des tâches, les trois personnes qui ont dit avoir, avec

leurs équipes, fait un essai de co-construction nous informent d’une deuxième limite

rencontrée, soit un changement d’habitude de travail :

On a quand même pas mal de travaux d’équipe de fait depuis qu’on est à l’école. C’est la première fois que ça fonctionne comme ça. À chaque fois c’était vraiment classique. On a une rencontre, on divise le travail, on fait chacun notre partie. Là vous voulez vraiment qu’on fasse un travail de co-construction mais on est pas habitué. Puis là on sait pas vraiment comment gérer ça. C’est sûr que le premier réflexe que tout le monde a, en tout cas nous autres on a eu, c’est vraiment encore de se rencontrer, de voir, on prend quelle partie, puis après on se réunira. Se rencontrer,peut être essayer de faire le travail dans un espace virtuel c’est pas évident. (S-6)

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Le changement d’habitude de travail semble porter sur la façon de structurer l’interdépendance.

La coordination et la mise en commun des travaux se font habituellement lors de rencontres

face à face et la possibilité de le faire autrement a pu apparaître « inconcevable » à certains :

Construire un texte qui va être le fruit du travail coordonné de tout le monde? Pas le travail dans son entier, mais chaque partie construite par des personnes différentes mais chaque partie à l’intérieur du travail co- construire […] Moi je vois ça un peu comme presque une tâche impossible, de nous autres c’est quasi impossible […] On s’est réuni dans le même endroit, dans le même poste informatique. On a même pas essayé, je pense que c’était pas concevable [...] c’est vraiment dans le présentiel, se réunir dans le même poste informatique. (S-6)

Un étudiant a expliqué comment habituellement ils mettent à profit leurs compétences

respectives dans le travail en équipe en mettant les gens à contribution à partir de leur force :

Quelqu’un qui est plus à l’aise pourrait plus facilement aller travailler dans cet espace-là, alors qu’une autre personne qui a plus de chemin faire, va peut être être moins à l’aise de travailler dans cet espace-là […] Puis au moins dans le pire des cas, mettons celui qui est le plus à l’aise si l’on veut, peut être devant le clavier, puis les deux autres sont à côté. Il va directement jouer sur le wiki, c’est celui qui est le plus à l’aise, c’est plus facile pour lui. (S-6)

Cependant une personne a rapporté ne pas vraiment avoir utilisé les wikis ni n’avoir travaillé

en situation de face à face. Les co-équipiers ont convenu d’une répartition du travail, qu'ils ont

réalisé de façon individuelle et qu'ils se sont transmis par courrier électronique:

C’est un peu dur à dire, on a pas vraiment utilisé le wiki, mais on a pas vraiment non plus travaillé côte à côte. Ça pas été une expérience concluante […] Sérieusement, on n’a pas vraiment beaucoup utilisé le wiki. On a mis le texte là, peut-être qu’il l’a repris à partir de là. Je ne peux pas dire que je l’ai vraiment utilisé. Peut-être aussi que c’est parce que c’est un nouvel outil. Aujourd’hui par les e-mail, surtout que c’est pas des textes relativement bien gros, souvent ce qu’on fait, on écrit le texte, on l’envoie par e-mail, regarde ça mon grand, travaille-le de ton bord. (S-8)

Un étudiant a souligné que cette nouvelle façon de travailler -la co-construction - requiert une

bonne entente entre les membres de l’équipe et, conséquemment, plus de temps et d’effort :

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Je pense que ça demande plus de temps. Comme c’est de la co-construction si les membres de l’équipe ne s’entendent pas bien ensemble, c’est plus difficile. Si on divise le travail comme d’habitude, chacun fait sa partie comme il l’entend, on critique pas trop la partie des autres. Au pire on jette un oeil, puis on essaie de corriger, ça sans trop vouloir [...] Oui je pense que ça demande un effort de plus, on est pas habitué de faire la conciliation de tout ça, on est pas habitué. (S-6)

3) UNE LIMITE À LA CAPACITÉ D’INTER-INFLUENCE

Les choix du travail par division des tâches et en situation de face à face pourrait être lié à la

capacité d’inter-influence entre les pairs. Les étudiants ont témoigné de deux obstacles : a) un

sentiment de propriété et b) une difficulté à composer avec les différences individuelles.

a) Un sentiment de propriété Trois personnes ont réagi à la possibilité que dans un wiki une autre personne que l'auteur

d’origine puisse venir faire des modifications dans le texte. « Je trouvais ça plate aussi de faire

un travail puis que quelqu’un pouvait éditer ma page et s’amuser à effacer un paragraphe sans

que je m’en aperçoive. (S-7) » L’exploration de ces réactions semble indiquer une conception

du travail produit comme une propriété personnelle plutôt qu’une construction à partir des

idées émises par les autres :

La seule chose qui me plaît moins c’est la possibilité pour toute personne de venir éditer notre page wiki. C’est un peu comme si ce qu’on y fait ne nous appartenait pas du tout […] Dans le fond on s’approprie le travail qu’on fait. (S-6)

La capacité à construire à partir des idées exprimées par les autres semble liée au sentiment de

propriété d’un texte produit, considéré comme :

• une création personnelle

Moi tout ce que je fais, j’ai quand même une certaine fierté, c’est le fruit de notre travail on a mis du temps et de l’énergie là dedans. Chaque phrase c’est nous autre qui l’avons formulée, c’est notre travail on l’a produite, c’est notre création. (S-6)

• une extension de la personnalité (selon un étudiant)

Un texte, ça en dit beaucoup sur la personne. Ton style d’écriture est pas le même d’une personne à l’autre. Donc, si on rechange ça de son bord, peut-être

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que ça voudra pas dire exactement la même chose. Peut-être qu’il ira pas dans la même idée que toi. J’ai de la misère un peu à dire, on va remodifier chacun de notre bord, puis que ça va donner quelque chose […] Mais un texte c’est ta personnalité. (S-8)

Cette réaction à la possibilité que plus d’une personne soit propriétaire d’un texte ou d’un

travail produit semble liée à la capacité d’inter-influence (influencer et être influencé).

En côte à côte, bien là les idées se confrontent puis qu’est-ce qui arrive à l’écran, c’est le commun entre les deux. Si on se jase pas, qu’est-ce que tu veux dire par là, je crois pas qu’on peut changer le texte de l’autre comme ça. (S-8)

Il semble que les étudiants ne se soient pas donnés dès le départ les permissions d’inter-

influence requises pour co-construire un texte :

Même si c’était un autre membre de l’équipe qui venait changer quelque chose dans la partie que j’ai faite, sans me le dire, j’aimerais pas ça non plus, même si ça reste à l’intérieur de notre équipe. Quand on fait un travail, si on travaille en équipe, on aime ça être au courant de tout, on aime ça que si quelqu’un vient changer ou jouer dans ce que l’on fait ou jouer, le demande au moins. Ça le fait de se rencontrer physiquement ça peut jouer aussi […] Si on marchait chacun de notre coté en co-construction, je ne sais pas ce que cela aurait pu donner. (S-6)

b)Une difficulté à composer avec les différences individuelles Selon le témoignage d’un étudiant il semble qu’il ait été difficile pour les étudiants de

concevoir comment on peut construire à partir des différences individuelles :

Ça c’est quelque chose de dur à concilier ensemble, de dealer ces différences de chacun et de construire un texte qui va être le fruit du travail coordonné de tout le monde. Pas le travail dans son entier, mais chaque partie construite par des personnes différentes, mais chaque partie à l’intérieur du travail, co-construire. (S-6 )

La difficulté à composer avec les différences individuelles pourrait se présenter sous la forme

de plusieurs obstacles :

• le manque de familiarité

C’est sûr, on se ramasse au début de la session avec des personnes, on se connaît pas personne. Bon, peut-être que les équipes pourraient être constituées de personnes au niveau de l’université qui se connaissent. C’est encore une difficulté, une barrière de plus. (S-6)

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• des différences individuelles lies à des caractéristiques personnelles

C’est pas facile, premièrement on est tous différents dans le milieu, on est tous de provenance différente, on a des emplois du temps différents, on a des manières de voir, de s’exprimer, de construire un texte, un travail différent. (S-6)

• des degrés variables de connaissances

Même le côté informatique, on a pas le même background, moi j’ai un coéquipier qui est vraiment plus avancé que nous deux il sait html, moi je ne connais pas ça, mais je suis quand même à l’aise avec l’ordinateur, tandis que l’autre, le troisième a plus de misère. On dirait que c’est une autre barrière, une autre différence. (S-6)

• un risque d’insatisfaction

Telle personne aurait aimé mieux que ce soit dit de telle manière, que ce soit plutôt présenté autrement, que ce soit la mise en page, la forme, le contenu, la manière que c’est dit. C’est difficile, ça avance pas vite, ça demande beaucoup de conciliation et de discussion. Ca avance beaucoup moins vite, puis à la fin, étant donné que tout le monde regarde ça […] Moi de la manière que je vois ça, tout le monde regarde ça, puis moi de la manière que je vois ça, tu regardes ça, même après la version finale je me dis moi j’aurais pas fait ça comme ça, pis après ça je le sais pas […] On a vite repris nos vieilles habitudes. (S-6)

Synthèse des difficultés vécues liées à la tâche de co-construction Nous avons vu dans cette section trois difficultés vécues lors de la réalisation de la tâche

demandée dans les wikis. Premièrement, la difficulté à obtenir la collaboration des pairs pose

le problème de l'implication variable des pairs et suggère un risque de surcroît de travail avec

lequel les étudiants doivent composer. Deuxièmement, la difficulté à comprendre le travail à

faire a été associée au caractère public de l’interaction dans un espace virtuel numérique et

suggère un changement des règles habituelles de l’évaluation par le professeur. Ce caractère

public de l’interaction sociale, lors de la production de travaux, engendre une comparaison

entre les pairs et certains y ont vu un risque d'uniformisation des productions des étudiants.

Troisièmement, la difficulté à produire un texte en co-construction dans les wikis semble être

liée à un changement d’habitude de travail et à la médiatisation de la communication par

l'ordinateur. D'une part, les étudiants ont choisi de faire un travail par division des tâches et,

d’autre part, ils ont choisi, dans la plupart des situations, de réaliser les tâches de coordination

de l’équipe lors de rencontres en situation de face à face. Ces deux choix semblent liés à des

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enjeux ou limites relationnelles entre les pairs tels que la capacité à construire à partir des idées

exprimées par les autres et la capacité à composer avec les différences individuelles. Nous

verrons dans la prochaine section que l’échange de feed-back dans un autre type d’espace

public virtuel (le site Internet) a aussi soulevé des enjeux relationnels ente les pairs.

5.2- La tâche d’échange de feed-back sur les textes partagés La section 5.2 présente chacune des deux situations qui ont influencé la participation à

l’échange de feed-back soit, 5.2.1-Les réactions à l’obligation de donner un feed-back, 5.2.2-

Les réactions à l’interaction dans un espace public sous forme de texte. Au début de chacune

des sous-sections nous présentons des informations extraites des réponses au questionnaire-2

qui nous ont incité à explorer, en entrevues individuelles, les thèmes de cette section. Chacune

des sous-sections est structurée comme précédemment c’est-à-dire une description des

difficultés, à partir des témoignages recueillis en entrevues individuelles, et un compte rendu

des réactions des étudiants.

5.2.1- L’obligation de donner un feed-back La situation la plus fréquemment rapportée dans les questionnaires comme ayant eu un impact

négatif sur la participation est l’obligation de donner un feed-back sur les textes des pairs.

L’exploration de la réaction à l'obligation de donner un feed-back indique que les étudiants

réagissent plutôt au fait de recevoir un feed-back. Nous verrons au point 5.2.1.1 dans la

description de la réaction à l'obligation de donner un feed-back que l’expression de la

satisfaction suite au feed-back reçu est parfois contrdictoire. Dans le point 5.2.1.2 nous verrons

que l’interprétation qu'ils font du peu de qualité du feed-back reçu fournit des pistes concernant

ce à quoi ils réagissent le plus soit, a) l’effort et l’intérêt des pairs, b) des enjeux relationnels de

réciprocité entre les pairs et c) un changement d’habitude.

5.2.1. 1- Description de la difficulté liée à l’obligation

Bien que les étudiants réagissent fortement (soit cinq personnes sur neuf) à l’obligation de

donner un feed-back sur les textes partagés (sur le site interactif du cours), ils se disent ouverts

aux feed-back des pairs. L’exploration de cette contradiction apparente suggère que la réaction

à l’obligation de donner un feed-back constitue surtout une réaction au feed-back reçu des

pairs. Dans les réponses aux questionnaires six personnes sur neuf se déclarent déçues de la

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qualité du commentaire reçu et cinq personnes sur neuf se disent satisfaites et encouragées par

le commentaire reçu. On retrouve parmi celles-ci trois personnes qui se disent satisfaites des

commentaires reçus (parce qu’elles acceptent le commentaire sur leur texte) et en même temps

elles sont critiques (et déçues) envers la qualité de l’effort des pairs. L’exploration de cette

contradiction apparente suggère la présence d’un désir de s’améliorer et une évaluation du

feed-back reçu comme étant peu contributif à cette amélioration. Nous allons ici rendre compte

des témoignages des étudiants concernant : 1) l’ouverture aux feed-back des pairs et 2)

l’évaluation du feed-back reçu comme ayant peu de qualité.

1) OUVERTURE AUX FEED-BACK DES PAIRS

Les étudiants ont manifesté de l’ouverture à recevoir des feed-back sur leur production.

L’ouverture aux feed-back des pairs semble liée à l’importance de l’apprentissage pour les

étudiants.

Je trouve cela très utile car le fait d’avoir plusieurs points de vue permet de mieux s’améliorer. Car plus de gens voient et critiquent notre texte, plus il y a de chances que nos lacunes soient perçues et ainsi, il est plus facile pour nous d’améliorer notre texte. (S-17)

Selon les témoignages recueillis auprès des étudiants, les principaux critères de qualité d’un

commentaire constructif sont :

• d’indiquer des pistes d’amélioration

Pour moi un commentaire constructif c’est de dire justement, être capable de cibler les points qui sont à améliorer. C’est juste les mots que l’on choisit [...] Ça nous dit pas que c’est mauvais ça nous dit juste que si tu le grossis encore un peu plus, ça va être encore meilleur, c’est juste ça. (S-15)

• indiquer les points faibles

Quand on a des commentaires, c’est pour notre bien qu’ils soient positifs ou négatifs, ça la question ne se pose pas[…] c’est avec des feed-back qu’on s’améliore. Si on en a pas, on ne sait pas si on est sur le bon chemin ou pas et d’autant plus quand les commentaires sont négatifs. En tout cas moi personnellement, je préfère qu’on me donne les commentaires négatifs, qu’on me parle du moins bon[…] On ne les voit pas toujours nos points faibles. (S-3)

J’ai besoin de me faire dire certains aspects de travail est pauvre. N’importe quoi dans la vie de tous les jours, j’ai besoin de ça. (S-15)

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• ouvrir des perspectives sur son travail

Ben, comme je disais, plus il y a de gens qui ont accès à tes choses, plus tu reçois des commentaires[…]plus il y a de gens qui viennent t’aider. Te dire, s’il y a des choses à modifier ou même qui viennent dire c’est bon ton texte, ça ajoute au travail. (S17)

2) FAIBLE QUALITÉ DES FEED-BACK REÇUS

La réaction à l’obligation de donner un feed-back semble liée à une perception des feed-back

reçus comme ayant peu de qualité :

En fait, tous les commentaires reçus ne disaient strictement rien à l'exception d'un seul. Peu de gens ont fait des commentaires constructifs, ce qui m'a en quelque sorte déçu. (S-16)

Les étudiants ont décrit un feed-back de qualité en termes de commentaires constructifs. C’est-

à-dire une analyse du texte et une formulation du commentaire qui incite à une action ou

amélioration. Trois étudiantes indiquent des carences aux feed-back reçus :

• un feed-back qui se limite à un jugement

Constructif, c’est il y a tel point qui a pas marché et que moi je n’ai pas compris Est-ce que tu peux l’élaborer un peu plus. Dire ton travail est bon c’est pas constructif et dire « il n’est pas bon »c’est pas constructif. Dire pourquoi tu comprends pas ça et qu’est-ce que je pourrais faire pour le changer. (S-15)

• un feed-back qui n’indique pas de piste d’amélioration

Parce que dans le fond je vulgarise un concept alors je veux que les gens qui le connaissent pas puissent le comprendre, ben c’est le but alors il faut que les autres comprennent. Donc, ben, s’ils me disent qu’ils comprennent pas, ben s'ils me disent « ben je comprends rien » ben où tu comprends pas où tu comprends pas aides-moi à l'améliorer ça c'est constructif si c’est comme « bon travail », c'est pas constructif. Ça me dit pas ce que j'ai à améliorer, qu’est-ce qui était de bon qu’est-ce qui était pas bon. (S-24)

• un feed-back qui ne vient pas d’un effort d’analyse du texte

Ben y faut premièrement avoir lu le texte comme il faut, avant tout. Mais les conditions c’est qu’ils connaissent un peu le sujet et ça c’était voulu tous ceux de l'option 2 lisent les textes de l’option-2. Mais pour être constructif il aurait fallu qu’ils donnent le temps ou qu’ils se donnent du temps. Pis c’est ça qu'ils le lisent pour vrai je pense que c'est ça la principale condition tu sais relever systématiquement les points forts et les points faibles. (S-16)

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5.2.1.2- Réactions à l’obligation de donner un feed-back En réaction à la faible qualité des feed-back reçus les étudiants ont donné quelques

interprétations des obstacles et limites qu'ils ont rencontrées : 1) des enjeux relationnels de

réciprocité entre les pairs et 2) un changement d’habitude.

1) ENJEUX RELATIONNELS DE RÉCIPROCITÉ ENTRE LES PAIRS

Les étudiants ont manifesté une sensibilité à la dimension relationnelle de la tâche d'échange de

feed-back. Ceci a été exprimé en terme d'une exigence de réciprocité de l’échange :

Au départ oui, j’espérais que les gens allaient aimer ça, mais je pensais qu’en plus, il y allait y avoir des commentaires constructifs. De me dire, oui c’est bon, mais peut-être que tu aurais pu améliorer certains points […] Je comprends très bien que les gens ne veuillent pas décevoir, mais je pense que c’est pire. (S-15)

Cet enjeu de réciprocité entre les pairs s’est manifesté a) dans l’expression des attentes ; b) par

les gestes posés et c) dans l’expression de leur évaluation de la valeur de l’échange de

feed-back.

a) L’expression des attentes Dans la formulation des attentes envers les pairs, les participants expriment :

• des doutes quant à l’effort qui sera fourni

Moi je savais que c’était ça que je voulais avoir, ce que je donnais c’était ce que je voulais avoir. […] Puis, je me doutais bien que les gens allaient pas faire ça non plus, parce que des fois j’allais regarder sur les travaux des autres et je vois les commentaires, et je me disais ça pas de bon sens. C’est pour ça que j’étais beaucoup plus sûre de moi et que je savais que j’allais peser mes mots et que ça allait glisser, tandis que je ne savais pas à quoi m’attendre. (S-15)

• un souhait de réciprocité des efforts et de l’intérêt

Ce que je suis capable d’offrir aux autres équipes. Je voudrais que les autres équipes en fassent autant dans le sens qu’ils mettent autant de sérieux. Le but c’est vraiment d’améliorer son texte de façon à ce qu’il soit le meilleur qu’il puisse être. Je ne veux pas qu’il soit fait nécessairement à moitié ou qu’on se fasse dire « il est super votre texte » […] Je veux pas qu’on trouve des bibittes s’il n’y en a pas, il faut que ce soit juste[…] Oui c’est ça, même s’ils ne sont pas justes, qu’ils soient justifiés. (S-17)

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b)Les gestes posés Deux personnes mentionnent les efforts fournis par souci pour la réaction de l’autre :

• Reconnaître les efforts des pairs

C’est ça, on peut travailler un texte et il n’y a pas de commentaires. J’ai pas regardé tous les travaux, mais j’en ai vu un et il n’y avait pas de commentaires alors qu’il s’est donné la peine de faire un travail, pourquoi lui n’a pas eu de commentaires. Je ne sais pas. La date des commentaires était passée, j’ai émis un commentaire parce que j’estime qu'il a fourni le même effort que tout le monde, il y a droit lui aussi. (S-3)

• reconnaître les forces

Je sais au moins que mes commentaires, j’ai essayé d’élaborer, j’ai mis les « pour » du texte aussi. Il faut aussi voir le beau côté et leur dire: bien, c’est beau, vous avez bien poussé dans ce sens là. (S-8)

c) L’évaluation de la valeur de l’échange L’échange de feed-back a eu lieu entre les étudiants inscrits aux deux sections du cours. Le

manque de familiarité entre les étudiants et l’utilisation de pseudonymes sur le site interactif du

cours semblent avoir placé les étudiants dans une situation de devoir pour évaluer la valeur de

l’échange, interpréter les comportements des autres à partir du feed-back reçu :

C’est de nick-name, y a plein de gens dans le cours qu’on connaît pas […] Ben en même temps si la personne a écrit ça sur mon travail ça veut dire qu'elle a rien d’autre à dire sur mon travail, qu'à veut pas nécessairement en dire plus. (S-24)

Une interprétation que les participants font du peu de qualité des commentaires (selon les

étudiants) indique que les participants sont sensibles à la valeur de l’échange interpersonnel

lors de cette activité. Ils interprètent cette non-qualité comme :

• un manque de réciprocité des efforts

Tu devais faire une critique, je pense que les gens l’ont pas compris. Moi en tout cas j’ai essayé de mettre deux paragraphes pour un commentaire parce que je trouve ça le fun à lire. Moi j’ai reçu une ligne ou deux, pour dire que mon travail est bon. J’ai trouvé ça plate un petit peu, oui c’est décevant mais je vois l’utilité quand même parce qu’il y a moyen de faire ça dans plusieurs années ou quoi que ce soit. (S-15)

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• un manque de réciprocité de l’intérêt

Si elle en avait plus à dire elle en aurait dit plus probablement. Si elle était plus intéressée par le sujet probablement qu’elle aurait fait des commentaires plus constructifs. Elle se serait plus intéressée sur le sujet. (S-24

• un manque d’implication personnelle dans un contexte particulier où les gens ont aussi une relation d’amitié :

C’est pas juste appuyer bêtement ce qui a été dit [...] on dirait qu'il y a une barrière à franchir, tu sais ce sont des amis ils ne veulent pas donner de commentaires […] Ils vont dire : « Ah! Oui c’est bon c’est bon ». Mais que ça va jamais en profondeur, ça va jamais chercher à la base on dirait qu’ils ont lu en diagonale et ils disent : « Ah! C’est correct ». (S-16)

• un manque de connaissance du sujet :

Pertinent effrayant, ça fait que ils l’ont tu lu mon travail? Non, tu sais, y ont tu vraiment pris le temps d’analyser ? Mais en même temps je comprends […]. Les commentaires que les gens ont fait pouvaient comme pas compléter mon travail parce qu’ils ne connaissent pas les sujets. (S-24)

• un manque de rigueur

Tu te croises les doigts pour que l’autre ait au moins lu au complet ton texte avant de le commenter[…] C’était une crainte, mais en même temps une certitude. Je le savais que ce serait pas un travail qui allait être fait consciencieusement. (S-8)

2) CHANGEMENT D’HABITUDE

L’échange de feed-back pourrait représenter un changement lié aux habitudes de travail. Selon

un étudiant il semble que ce ne soit pas une pratique habituelle :

Il y a une échéance et tout le monde fait son travail à la dernière minute pour le remettre directement au prof sans qu'il y ait eu une autre lecture nécessairement c’est pour ça on est pas habitué de lire les textes des autres et de donner des commentaires tandis que ça c’était un bon moyen d’obliger le monde à commencer à le faire. (S-16)

Deux autres étudiantes ont suggéré que cette habileté à l’échange de feed-back entre les pairs

est en lien avec l’exercice futur de la profession :

• le feed-back est lié à l’approche pédagogique

En plus, cette façon de travailler est d’autant plus pertinente car en tant qu’étudiants en enseignement, avec la nouvelle réforme, nous serons de plus en

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plus appelés à travailler en co-construction et nous aurons à faire travailler nos élèves de cette façon et à trouver des activités afin qu’ils développent leurs habiletés à la co-construction. (S-17)

• le feed-back est lié au travail en équipe avec les collègues

Un étudiant y va finir par se retrouver dans un milieu professionnel, un milieu professionnel ça suppose le travail d’équipe, la collaboration. Qui dit travail d’équipe et collaboration, dit commentaires. Si j’ai à présenter, à préparer un travail ou une activité à un collègue, je vais forcément avoir un commentaire. Pourquoi ne pas s’habituer et s’entraîner quand on est étudiant? (S-3)

Deux étudiants ont dit que l’échange de feed-back représente un apprentissage à faire :

• un apprentissage relationnel

Je sais pas y pas de besoin de leur part[…] C’est ça y a un échange[…] C’est peut-être une habileté à développer qui a pas encore été développée. (S-3)

• un apprentissage méthodologique

Le potentiel des commentaires n'est pas encore utilisé à son plein, mais lorsqu'il va l'être, la qualité des productions va se trouver grandement améliorée. Peut-être que l'habitude de donner des commentaires constructifs apparaît après quelques temps, après quelques essais du genre[…] C’est juste le réflexe de le faire, c’est ça. On est peut être pas porté à le faire[…] Oui de donner des commentaires pis avec le temps la qualité des commentaires va s’améliorer. (S-16)

L’obligation de donner un feed-back semble aussi se présenter comme un changement

d’habitude qui touche l’attitude face aux contraintes contextuelles. Deux personnes évaluent

les feed-back qu’elles ont donnés comme moins intéressants pour l’autre parce qu’elles disent

avoir été limitées par des contraintes contextuelles

• liées aux consignes de l’activité sur les délais :

C’est pas le fait d’être obligé de faire le commentaire, c’est d’être limité, telle date […] par exemple, il faut faire le commentaire avant vendredi 5 h. [...]. Je vais dans des forums de discussion quand le sujet m’intéresse, que la discussion me prend et qu’il y a une réaction, j’interviens. C’est la même chose à mon avis. Parce qu’il se peut. On lit un travail et qu’il y a aucun commentaire qui vient mais que si on est obligé, on va mettre un commentaire pour mettre un commentaire. Ça va pas forcément donner des commentaires intéressants et enrichissans pour l’autre. Mais comme on a affaire à des personnes qui n’ont pas forcément envie de travailler, on ne peut pas ne pas les obliger. (S-3)

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• liées aux consignes de l’activité sur le nombre de feed-back à donner par texte :

Non c'est l’obligation de le faire non parce que bon, il y avait des commentaires à faire mais fallait pas tout les faire sur le même sujet mais moi y avait un sujet qui m’intéressait plus que d’autre. Là j’aurais probablement passé de meilleurs commentaires ou je me serais plus attardé à ce qui m'intéressait mais il y avait déjà 4 commentaires, fallait pas que ça dépasse plus que 4. Bon ça fait que j’ai lu une affaire qui m’intéressait moins. Ça fait que j’avoue, je l’ai lu plus vite et j’ai fort probablement fait un commentaire moins intéressant pour la personne. (S-24)

Nous avons vu dans cette section que « l’obligation de donner un feed-back » a été la première

situation à influencer négativement la participation des étudiants lors de l’échange de feed-

back. Par contraste les étudiants se disaient ouverts à recevoir un feed-back des pairs. C’est

leur intérêt pour l’apprentissage et l’amélioration de leur travail qui semble avoir motivé cette

ouverture. En réaction au peu de qualité des feed-back reçus les étudiants ont donné quelques

interprétations des obstacles et limites qu'ils ont rencontrées : a) un enjeu relationnel de

réciprocité ente les pairs et b) un changement d’habitude. Nous verrons dans la prochaine

section que la deuxième situation qui a influencé la participation des étudiants a été de donner

un feed-back sous forme de texte dans un espace public virtuel.

5.2.2- Donner un feed-back par texte dans un espace public virtuel Deux personnes sur neuf ont mentionné dans leurs réponses au questionnaire-2 que

l’interaction médiatisée par le texte a eu un impact sur leur participation et une personne a

mentionné être influencée par le caractère public de cette interaction sociale médiatisé par

l’ordinateur. Cependant, lors des entrevues, quatre personnes sur huit ont exprimé des

difficultés liées à la forme textuelle et/ou au caractère public22 de la médiatisation de la

communication par l'ordinateur lors de la réalisation de la tâche d’échange de feed-back entre

les pairs. Dans la section 5.2.2.1 nous verrons une description de cette difficulté à partir des

témoignages recueillis en entrevue individuelle soit, essentiellement un risque de mauvaise

interprétation. Dans la section 5.2.2.2 nous verrons que ce risque de mauvaise interprétation a

soulevé des enjeux relationnels entre les pairs et a conduit à des comportements de prudence.

22. Nous avons regroupé les témoignages sur la forme textuelle et le caractère public de la communication puisque l’échange de feed-back sur le site Internet du cours comportait nécessairement ces deux caractéristiques.

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5.2.3.1- Description de la difficulté liée à la forme textuelle et au caractère public de l’échange de feed-back La plupart ne se connaissaient pas et ils ne savaient pas trop à quoi s’attendre des pairs. Les

étudiants ont dit qu'ils étaient incapables de prévoir la réaction des pairs lors de l’échange de

feed-back. « Mais on sait pas comment la personne est prête à recevoir un tel commentaire. (S-

17) » Le feed-back médiatisé par le texte ajoute à cette difficulté d’intervenir auprès d’une

personne sans connaître ses prédispositions. Trois étudiants ont dit que privés de la voix, le

message textuel véhicule difficilement le sens d’un message. Les étudiants ont réagi au risque

de mauvaise interprétation lié à la communication médiatisée par le texte. Ils ont réagi aux

quatre aspects suivant de la CMO :

• le manque d’indice non verbal pour accompagner les mots du message

C’est là que j’ai de la misère entre le contact réel puis le contact virtuel. Parce que moi c’est de me dire, bon le mot que je vais écrire là, comment elle va le prendre, c’est écrit là. Si j’avais une intonation de voix quand je le dis à la personne, je pourrais dire n’importe quel mot. Mais la manière que je vais le dire, ça va bien passer, mais là c’est écrit. (S-15)

• le manque d’indice non verbal pour observer les réactions de la personne qui reçoit le message

Parce que quand t’envoie un message écrit, on a pas le ton. C’est plus facile quand on est face à face de s’exprimer clairement et voir que l’autre comprend bien ce que l’on veut dire. Tandis que quand tu as un message écrit, c’est ce que je pense, des fois ça peut être interprété de tellement de façon que t’as pas le choix de peser tes mots comme il faut pour que ton commentaire soit perçu de la façon dont tu l’as envoyé. (S-17)

• les limites de l’expression écrite

Tu sais les commentaires que je faisais sur les travaux des autres[...] J'étais pas nécessairement capable de m'exprimer clairement par écrit pour qu'eux y comprennent tandis que quand j’étais à coté d’eux c’était beaucoup plus simple avec une interaction comme ça… Tu sais j'aurais pu le faire par écrit mais on dirait que c'est plus long l’écrire que le dire comme ça peut être qu’ils se seraient souvenus de plus de chose si je l’avais écrit… ok ben le feed-back ça reviens encore à ça, il est meilleur oralement... un contact personnel. (S-16)

• l’impossibilité d’ajuster le message au fur et à mesure que se déroule l'interaction

Qu’est ce qui est pas là dans le virtuel ? Ben c’est qu'il y a de l'interaction directe je dis quelque chose et a répond « ouais, ben c’est pas pour ça que je dis ça ». Y a pas de délais. En fait, je pense que c'est ça le principal avantage, y a pas de délais […] je peux adapter tout de suite, c’est ça y a du bon à faire des

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commentaires sur Internet mais j’ai l'impression que c’est encore plus fort en personne. On peut s’adapter puis continuer, aller plus loin et pas oublier. (S-16)

5.2.3.2- Réaction à la forme textuelle et au caractère public de l’échange de feed-back Le caractère public de l’échange de feed-back et la forme textuelle des messages échangés ont

1) soulevé certains enjeux liés à la relation entre pairs et 2) conduit à des comportements de

prudence.

1) ENJEUX RELATIONNELS ENTRE LES PAIRS

Deux étudiants ont énoncé le rôle de la relation dans l’interprétation du message (Voir

Watzlawick, 1972. Deux niveaux à la communication : le contenu est une information, la

relation indique comment l’information doit être comprise). L’étudiante dont nous présentons

ici le témoignage réfère clairement aux indices non verbaux et aux « deux niveaux de la

communication » :

Dans le virtuel on met le langage parlé et écrit, on essaie de le mettre ensemble, les deux relations on essaie de le mettre sur un et c’est là que c’est difficile tandis que quand tu as le contact réel ce que tu dis, peu importe, j’arrive à me faire comprendre et prendre l’intonation de voix que je veux prendre pour le dire mais écrit c’est tellement différent, je trouve ça beaucoup plus difficile. (S-15)

Ces deux étudiants ont donné des exemples d’enjeux différents selon la relation. Ils ont

distingué les enjeux du feed-back selon qu’il est donné :

• par des pairs ou par un professeur

C’est pas la même chose que d’avoir un commentaire des gens que je côtoie ou des gens qui suivent le même bac que moi, ils sont rendus au même stade d’évolution autrement dit. Donc ils vont comprendre au même stade que moi… c’est une enseignante, ce qu’elle va voir de mon travail, c’est un travail d’élève, tandis que les autres vont voir le travail d’une collègue[…] J’ai besoin d’en mettre plus, on dirait parce que c’est des gens de mon âge que si c’était l’enseignante[…] c’est parce que l’enseignante va comprendre ce que je veux dire[…] C’est plus exigeant, oui. (S-15)

• à une personne connue ou inconnue

Quand tu comprends les idées de la personne parce que tu la connais […] c’est difficile de reformuler ce qu’elle veut dire parce que tu comprends quand même

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ce qu’elle a veut dire […] d’un point de vue complètement professionnel [...] c’est moins difficile de détacher le social du texte, du contenu. (S-16)

Le témoignage de ces étudiants suggère que la relation entre les pairs puisse impliquer des

soucis importants : a) la protection de l'image de soi, b) une légitimité à formuler un jugement,

c) une peur de blesser et d) une crainte des représailles.

a) La protection de l’image de soi Le regard des autres est important lors du partage de texte et lors de l’échange de feed-back.

C’est-à-dire que le texte partagé sur le site du cours et le feed-back sont deux occasions où

l’image de soi est en quelque sorte soumise au regard des autres. Dans l’expression des attentes

une étudiante manifeste une préoccupation pour la protection de l’image de soi :

Au départ moi j’avais peur du regard des autres sur ce que moi je fais, comment moi je voyais ça[…] C’est important pour moi de savoir ce que les autres pensent[…] Veux, veux pas, ça te fait réfléchir aussi de ce que les autres vont penser. […] C’est toujours important de savoir ce que les autres pensent de toi, par rapport à juste une production les gens vont comme se forger une image de ce que tu es. (S-15)

b) La légitimité à formuler un jugement entre pairs Le jugement sur le travail des pairs peut être interprété comme une évaluation de soi par

rapport à l’autre :

Parce que tout le monde encore une fois c’est des gens de mon âge. On est tous au même stade. On fait tous le même travail. On se permet pas nécessairement de juger les travaux des autres. Je pense que c’est ça que les gens ont pas nécessairement compris que tu pouvais juger d’une certaine manière, ça dépend comment c’est dit. (S-15)

c) La peur de blesser La peur de blesser exprime une préoccupation non seulement pour l’image de soi mais aussi

pour l’impact de son geste sur l’autre et sur la relation avec l’autre :

Je voulais pas blesser les gens. En fait qu’ils pensent que j’écris « ça c'est pas bon dans ton texte » et qu’ils le prennent personnel, qu’ils le prennent à un niveau… pas, qu’ils le prennent. Les commentaires que j’ai donnés en fait c’était tout le temps dans le but d’améliorer le texte c’était jamais pour blesser les gens.(S-16)

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d) La crainte des représailles Selon une étudiante l’évaluation ou la critique du travail des pairs peut être interprétée comme

une évaluation comparative, entre soi et l'autre, à laquelle les autres peuvent réagir :

Tu peux pas dire que lui est vraiment pas bon son travail, c’est que tu considères que le tien est super. Puis comparativement aux autres, ce qui est peut-être pas vrai. Puis en plus toi reçois des commentaires, donc tu veux pas être méchant envers les autres parce que toi aussi tu vas avoir la même chose. (S-15)

2) COMPORTEMENTS DE PRUDENCE

Trois étudiants ont témoigné à l’effet que les risques de mauvaise interprétation les ont

conduits à des comportements de prudence tel qu’illustré dans ce qui suit :

• éviter le contact confrontant

Le regard critique face à des textes de personnes que l'on connaît est beaucoup plus difficile que lorsque les rapports entretenus avec les auteurs sont strictement professionnels. C'est pourquoi je crains que certaines personnes se retiennent de faire des commentaires autres que de l'éloge. (S-16)

• rendre recevable le feed-back

Oui exactement, ça dit pas que mon texte est mauvais ça dit que je pourrais. En plus c’est ça c’est le mot « pourrait ». Moi j’ai utilisé ça dans tous les commentaires que j’ai fait de dire, regarde c’est juste une suggestion mais peut-être que se serait le fun si tu rajoutais ça[...] Les gens je pense pas qu’ils peuvent prendre ça mal. Tu dis pas« Changez ça parce que moi j’ai rien compris ». C’est la même phrase mais dite différemment et je pense que ça glisse et je pense que les gens l’acceptent bien. (S-15)

• créer de l’ouverture

Je ne ferais pas exprès par exemple pour dire ton texte c’est de la « bull shit ». C’est sûr que si tu dis ça, la personne va se fermer tout de suite. Ce sera pas ce qu’il y a de plus enrichissant pour elle. Il y a toujours moyen d’amener ça de façon à ce que justement la personne soit ouverte à recevoir son commentaire, je pense en tout cas. (S-17)

• tenter de prévoir comment le message sera interprété

Donc c’est plus de travail de dire bon si je mets ça peut-être qu’elle peut penser que… peut-être que ça[...] c’est plus d’élaboration, c’est plus de penser justement, de structure de phrase, de penser à tout pour pas que ça vire comme ça. (S-15)

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Mais je le sais pas comment les gens peuvent prendre ça c’est ça c’était surtout dans une peur de blesser les gens, qu'ils ne comprennent pas la différence entre le travail ben pas l’amitié. (S-16)

• hésiter à exprimer directement le message

C’est quelque chose qu'on s'empêche de faire. Je sais pas pourquoi là mais moi en tout cas je donne des commentaires c’est sûr[...] je vais avoir une petite cloche en arrière pour dire « Ouais! Tu sais t'es peut être mieux d’essayer d’être moins direct d’apaiser un petit peu puis de dire détourner que de le dire en pleine face ». (S-16)

• supporter les autres : une personne déclare avoir invité les autres à lui donner un feed-back honnête sur le site Internet du cours

Comparé à d’autres équipes j’ai trouvé que les commentaires que nous on a reçus étaient plus constructifs que ceux qui ont été donnés dans d’autres équipes, j’en ai lu une couple[…] parce que je l’ai demandé à d’autres, je l'ai demandé dis pas n’importe quoi, je l’ai dit. (S-16)

Nous avons vu dans cette sous-section que les feed-back donnés sous forme de texte, sans

contact en situation de face à face, introduisent un risque de mauvaises interprétations. Le

risque d’être mal interprété a soulevé des enjeux relationnels entre les pairs tel que la

protection de l'image de soi, la légitimité de se juger entre pairs, la peur de blesser, la crainte

des représailles. Selon les étudiants, le feed-back par texte est plus difficile. Plusieurs ont

témoigné de comportements de prudence dans la formulation du texte de leur message.

Synthèse des difficultés liées à la tâche d’échange de feed-back Nous avons vu dans cette section deux situations qui ont influencé négativement la

participation des étudiants à l’activité d’échange de feed-back. Les étudiants ont réagi

fortement à l’obligation de donner un feed-back. Par contraste, ils se disaient ouverts à recevoir

un feed-back des pairs. La deuxième situation qui a influencé la participation des étudiants a

été le risque de mauvaise interprétation associé au feed-back donné sous forme de texte dans

un espace public virtuel. La réaction au peu de qualité (selon les étudiants) des feed-back reçus,

de la part des pairs, et la difficulté de donner un feed-back sous une forme textuelle ont soulevé

des enjeux relationnels entre les pairs tel que : l’exigence de réciprocité ; la protection de

l'image de soi, la légitimité de se juger entre pairs, la peur de blesser, la crainte des représailles.

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5.3- Perception de l’utilité des interactions sociales entre étudiants Dans les deux sections précédentes nous avons donné, à travers la présentation des

témoignages des étudiants, un compte rendu de la perception de l’utilité des interactions

sociales. Dans cette section nous allons faire ressortir les réactions des étudiants quant à leur

perception de l'apport global des interactions sociales dans le cours lors de la réalisation des

deux tâches : la co-construction dans les wikis et l'échange de feed-back. Afin de tracer un

premier portrait nous présenterons 1) les résultats des réponses aux questionnaires à propos de

la perception d’utilité et 2) nous décrirons quelques réactions sur l’ensemble de l’expérience

d’interaction sociale lors de la réalisation des tâches.

1) RÉPONSES AUX QUESTIONNAIRES

a) Perception d’utilité liée à la tâche de co-construction dans les wikis : réponses aux questionnaire-1 Parmi les douze personnes qui ont répondu au premier questionnaire, une personne a dit qu’elle

ne pouvait pas se prononcer, dix personnes ont dit que le partage de texte a été utile et une

personne a perçu le partage comme très utile. À la question « Par rapport à l’ensemble du

cours, comment percevez-vous l'utilité de faire ce partage de textes sur le site Internet du

cours? » les étudiants ont répondu : (1) TRÈS UTILE ; (10) UTILE ; (0) INUTILE.

b) Perception d’utilité liée à la tâche d’échange de feed-back : réponses aux questionnaire-2 Parmi les neuf personnes qui ont répondu au deuxième questionnaire, deux personnes ont

perçu comme très utile de faire des commentaires critiques sur les textes des pairs, quatre ont

perçu ceci comme utile et deux ont dit que cet échange de feed-back a été inutile. À la question

« Par rapport à l’ensemble du cours, comment percevez-vous l'utilité de faire ces commentaires

critiques sur le site Internet du cours? » les étudiants ont répondu : (2) TRÈS UTILE ; (4)

UTILE ; (2) INUTILE.

2) TÉMOIGNAGES DES ÉTUDIANTS

Nous avons regroupé ici les témoignages à propos de la perception de l'utilité des interactions

sociales liées aux deux tâches. La question sur l'utilité perçue a soulevé des réactions à propos

de leur évaluation globale du cours. Nous tentons ici de traduire ces réactions (parfois assez

fortes) autour du thème du changement d’habitude de travail : a) un changement d’habitude qui

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implique un apprentissage, b) un changement d’habitude qui requiert plus d'implication et c) un

changement d’habitude qui pose un dilemme concernant les attentes envers le rôle du

professeur.

a) Changement d’habitude de travail qui implique un apprentissage La co-construction dans un espace virtuel numérique pourrait représenter un changement

d’habitude de travail acquise depuis plusieurs années. Le travail en équipe par division des

tâches semble ancré dans les habitudes de travail personnel des étudiants. Une étudiante, pour

qui le travail dans les wikis est apparu inutile et une autre étudiante pour qui l’activité est

apparue très utile ont dit que ce qui est important pour elles, c’est la satisfaction personnelle

obtenue par la production d’un travail :

• Étudiante qui juge inutile les wikis

Les wikis c’est pas nécessaire […] (le plus important) pour moi c’est d’être satisfaite de ce que moi j'ai fait. (S-24)

• Étudiante qui juge très utile les wikis

C’est la satisfaction personnelle. Je me disais que c’est pas parce que mon texte va être lu par toute la classe, par le prof, qui que ce soit, par le pape ou par quiconque, je le fais pas pour les autres, je le fais pour moi. C’est un accomplissement personnel et c’est pour mon enrichissement personnel. C’est pour ça que je voyais ça comme ça. (S-17)

Cette première étudiante a décrit sa démarche d’apprentissage dans un cours comme une

activité de résolution de problème :

Tu sais sérieusement on me met devant le fait accompli, faut que je fasse quelque chose, je vais taponner, je vais fouiller, pis je vais apprendre, parce qu’on me montre comment faire mais pas tant que ça, si j’ai quelque chose à faire avec mettons avec Composer pour faire un site Internet et que je trouve que ça été mal expliqué ou j’ai rien compris ben je vais taponner tout seul et je vais le trouver toute seule ou je vais demander à des amis qui connaissent ça de m'aider à comprendre finalement. (S-24)

Un autre étudiant parle du travail par division des tâches comme d'un réflexe qui nécessite pour

être changé une démarche de rééducation « désapprendre et réapprendre »

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Vu que c’est pas mal nouveau et vu que c’est la première fois, je ne dirais pas que c’est concluant. On a des habitudes, ça fait longtemps, moi je regarde, ça fait cinq ans d’université de fait. C’est un réflexe. Il faudrait désapprendre et réapprendre à travailler de cette manière là. C’est un réflexe, on y pense pas, on fait ça comme ça parce qu’on a toujours fait ça comme ça. C’est une expérience vu que ça c’est comme jamais fait. Faudrait presque essayer d’implanter ça. Si c’était des choses qui se faisaient depuis le secondaire. Depuis quelques années, là c’est vraiment le réflexe que l’on a de faire comme on a toujours fait. (S-6)

Certains ont vu dans l’échange de feed-back, un second changement d’habitude de travail qui

pourrait représenter un potentiel dans l’immédiat ou à plus long terme soit :

• accroître la qualité des travaux à l'université

À l’université on a des travaux à faire, on peut juste les remettre au prof pis ça finit là, y pas vraiment toujours du feed-back… tandis que ça c’était un bon moyen d’obliger le monde à commencer à le faire. … Tu sais théoriquement ça toujours été là oui on fait lire des fois… Si c’était plus présent en fait, je pense que les textes de tout le monde seraient pas mal meilleurs. (S-16)

• développer des habiletés en lien avec l’exercice de la profession

J’ai dit que moi les commentaires j’aime ça en avoir. Les autres étudiants, je ne sais pas peut-être oui, peut-être non, mais moi je ne sais pas. Peut-être est-ce dû au fait que je viens du milieu professionnel, que j’étais déjà habitué[...] C’est comme un besoin pour qu’il y ait travail d’équipe. Tu peux pas travailler en équipe sans qu’il y ait des commentaires sur ce qu’on fait, sur notre part d’apport à ce travail d’équipe. (S-3)

b) Un changement d’habitude de travail qui requiert plus d’implication La tâche de co-construction a été perçue comme utile sous condition de l’implication et de

l’effort des pairs :

Mais comme tout le monde n’est pas intéressé de la même façon. C’est ça qui à mon avis peut créer des problèmes dans ce cours-là… Bien oui, parce que comme les wikis, le principe même du terme est la co-construction du travail inter-relationnel, un échange. Si les gens ne s’impliquent pas de la même façon, bien l’objectif n’est pas atteint […] Il y en a plusieurs, ça appauvrit le résultat final à mon avis. (S-3)

Comme nous l’avons vu précédemment, dans l’activité d’échange de feed-back sur les textes

partagés, la satisfaction des participants semble exprimer leur ouverture à recevoir des

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feed-back. Une étudiante s’est dite très satisfaite de l’exercice d’échange de feed-back et des

feed-back qu'elle a reçus :

Oui, j’ai été contente des commentaires. Plus j’en avais, plus j’étais contente d’en avoir […] Il s’en est rajouté au fur et a mesure. On est rendu à six commentaires et là j’avais hâte d’aller voir ce que les gens avaient dit. Pour voir, en même temps, s’il y avait une cohérence, avec tous les commentaires. Pour voir ce qui ressortait : tu peux voir les forces et les faiblesses. Ça j’aimais ça[...] Tu dis on va améliorer ce point-là, on a bien travaillé pour ce point là. (S-17)

Cependant, les sept autres personnes rencontrées en entrevue se sont dites déçues par la faible

qualité des textes produits et des feed-back reçus des pairs. Cette faible qualité a été interprétée

par les étudiants comme un manque d’implication des pairs. Quelques étudiants dans

l’expression de leur évaluation de l’interaction sociale en ligne ont manifesté une certaine

frustration. Les témoignages suivants expriment cette frustration transmise à la fois par le

contenu et par le ton du discours :

• productions de peu d’intérêt

Là qu’est-ce que je fais là, je piétine à la même place… Personnellement ça m’intéressait pas d’aller lire les textes des autres parce que je savais que la majorité se serait pas nécessairement forcée, ça reviendrait tous au même. (S-8)

• participation par obligation

On est pas mal tous rendus au même niveau tout le monde à l'université […]un commentaire constructif la définition est quand même sensiblement la même pour tout le monde[...] C'est ça tout le monde sait qu’un commentaire qui veut rien dire c’est plate à recevoir, y a rien…Ouais ! Beau texte. C’est juste un commentaire pour donner un commentaire qui était demandé. (S-16)

• manque de pertinence

Ça change rien honnêtement ça change rien dans ma vie qu’ils le lisent qu’ils le lisent pas, je vais dormir ce soir pareil, parce que les commentaires que j’ai reçus, ça là « Ah ! Beau travail continu c’est excellent » Ouh ! Pertinent effrayant. (S-24)

• manque d’implication personnelle

C’est pour ça que j’ai dit inutile, ils vont aller lire le commentaire qui leur est adressé quand il est sur papier et qu’il y a une note à côté et quand ça fait pas leur affaire ben ils vont aller le discuter. (S-3)

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L’évaluation de l'utilité de l’échange de feed-back sur les textes partagés semble reposer sur la

perception de la réciprocité vécue au cours de l’interaction sociale en ligne :

• réciprocité de l’implication

Je dis que c’est inutile dans la mesure ou ça n’intéresse pas les gens. Il ira même pas les lire les commentaires. Moi quand je vois qu’il y a un commentaire, par curiosité même s’il est pas adressé à moi, je vais aller le lire. S’il y a un message, je vais aller lire la réponse, je sais pas, peut-être que je suis curieuse j’en sais rien. Alors que je suis persuadée qu’il y en a qui vont pas aller lire le texte encore moins les commentaires. S’ils lisent le texte, c’est déjà pas mal. (S-3)

• réciprocité des efforts pour comprendre les textes des autres

Je suis sûr à 90 % du monde qui auront pas dégagé l’essentiel des textes qu’ils ont lu, ça c’est presque certain[...] certains de mes copains qui m’ont dit regardes j’ai reçu des commentaires aucunement constructifs, je le sais par ses commentaires qu’il n’a pas lu mon texte. Ça me sert à quoi de corriger mon texte en fonction de ce qu’il m’a écrit, alors qu’il n’a pas du tout compris qu’est-ce que je voulais dire. ( S-8)

• réciprocité des efforts de rigueur

Oui c’est ça, Ah ! Oui tu m’avais dit que ça c’était pas bon, et que c’est pas dans ce sens la tu voulais dire…Oui, ou un commentaire que la personne a lu le texte a moitié. Elle ne comprend pas trop, et elle va dire des affaires qui n’ont pas été dites, au fond, qui manquent de rigueur dans l’écriture du commentaire, que ça été fait à moitié[…] C’est pas nécessairement grave, c’est juste dommage pour la personne. Ça rend pas le texte à sa juste valeur nécessairement, je le sais pas qu’est-ce que ça peut avoir comme incidence. (S-17)

c) Un changement d’habitude et attentes envers le rôle du professeur Les frustrations envers le non-effort semblent avoir un impact sur les attentes et la satisfaction

globale envers le cours. Malgré que les technologies permettent aux étudiants de travailler à

distance et à leur rythme, les activités d'apprentissage collaboratif en ligne pourrait réactiver un

des dilemmes du rôle du professeur, soit d’obliger et de faciliter l’apprentissage :

L'apport des commentaires est très considérable lorsque les commentaires sont pertinents […] Pourtant, le fait de forcer les gens à mettre des commentaires ne garantit pas du tout la qualité de ceux-ci. Mais au moins il y en a. (S-16)

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Trois étudiants ont déploré le manque d’autonomie des pairs dans le cours et les conséquences

sur le comportement du professeur qu’ils doivent par conséquent subir. À titre d’exemple

mentionnons les comportements :

• d'être obligé d'obliger les étudiants

Mais comme on a affaire à des personnes qui n’ont pas forcément envie de travailler, on ne peut pas ne pas les obliger. […] Oui ils ne vont pas le faire. Oui ça c’est mon opinion à moi d’idéaliste. Mais c’est sûr que les étudiants que ce soit universitaire ou au secondaire ou au cégep, si on les force pas, ils ne le font pas. (S-3)

• d’être obligé de suivre le rythme de la moyenne

La professeur est pris dans un dilemme qu’on est tous pris comme enseignant. T’as ceux qui connaissent vraiment rien de l’informatique, mais vraiment zéro. T’as ceux qui en savent un peu plus et t’as ceux qui connaissent tout. Ceux qui connaissent tout, tu peux pas faire le cours en fonction d’eux parce que tu perds tous les autres. Mais généralement, on nous dit vise la moyenne, le reste va essayer de suivre. (S-8)

• d’être obligé d’ajuster les attentes d’autonomie

Des fois je me demande s’ils se sont donnés la peine d’essayer de comprendre ou ils ont juste une lâcheté mentale. Ben coudon je comprends pas, il va falloir qu’elle vienne à côté de moi pour me l’expliquer. Ou j’ai peut-être l’habitude de vouloir explorer par moi-même ce que les autres ont pas et c’est ça qui m’a donné ma longueur d’avance. (S-8)

Nous avons vu dans cette section que la perception de l’utilité des interactions sociales semble

associée à un changement d’habitude de travail engendré par ces deux tâches. Ce changement

d’habitude de travail semble avoir exigé plus d'implication et plus d'effort chez les étudiants.

Les deux tâches ont aussi soulevé des limites et frustrations par rapport à l’ensemble des

attentes envers le cours et le rôle du professeur. Dans la section suivante nous terminons ce

chapitre par une synthèse des témoignages recueillis.

5.4- Synthèse de la présentation des résultats Ce chapitre a présenté le témoignage des étudiants qui ont participé à notre étude concernant

les difficultés vécues lors d'interactions sociales liées à la réalisation de deux tâches dans un

espace virtuel numérique. Nous avons présenté les difficultés rencontrées et les réactions des

étudiants face à ces difficultés à partir de cinq incidents critiques : obtenir une collaboration

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153

équitable23; comprendre le travail à faire ; co-construire un texte final dans les wikis ; être

obligé de donner un feed-back sur les textes des pairs et avoir à donner un feed-back sous

forme textuelle plutôt qu’orale. Pour conclure ce chapitre nous présentons ici l’essentiel de nos

constats.

Essentiellement, la tâche de co-construction dans les wikis a soulevé des difficultés liées 1) à la

complexité de la tâche réalisée dans un espace public virtuel et 2) à un changement d’habitude

de travail. L'échange de feed-back sur les textes partagés entre les pairs a soulevé des

difficultés liées au risque de mauvaise interprétation des feed-back donnés par le texte dans un

espace public virtuel. L’implication variable des pairs dans le travail de co-construction et lors

de l’échange de feed-back ont provoqué respectivement 1) de la frustration liée à un surcroît de

travail et 2) de la déception liée à l’évaluation des feed-back reçus comme étant de faible

qualité.

Le tableau-8 présente une synthèse des résultats regroupés autour des trois occasions

d’interactions sociales en ligne : la co-construction dans les wikis, le partage de textes dans un

espace public, l’échange de feed-back en ligne. Pour chacune de ces trois occasions nous avons

regroupé les constats à partir de quatre dimensions : 1) l’interaction sociale en ligne se présente

comme un changement d’habitude de travail ; 2) l’interaction sociale en ligne soulève des

enjeux relationnels entre les pairs ; 3) l’interaction sociale en ligne est porteuse de risques et 4)

les perceptions d'utilité de l'interaction sociale en ligne sont parfois contradictoires.

23. Nous n’avons pas défini les critères d’équitabilité. La collaboration équitable est une perception des étudiants concernant leur contribution personnelle comparée à la contribution des pairs dans la réalisation du travail en équipe. Le terme de collaboration équitable a été employé dans le questionnaire-1. La collaboration équitable a semblé signifier pour les étudiants que les co-équipiers avaient suffisamment contribué à la production du travail.

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154

Tableau 7- Synthèse du vécu des étudiants

Changement d’habitude Relation entre les pairs Risques Perception d’utilité Co-construction en équipe virtuelle

Passage du travail par division des tâches à un travail en association avec les autres : aucune équipe n’a produit un texte final en co-construction et la moitié des équipes ont eu de la difficulté à obtenir la collaboration.

Exige plus d’implication des pairs dans la production du travail. Exige une capacité à vivre l'interinfluence (composer avec les différences, construire à partir des idées des autres).

Risque de dépasser ce qui est concevable par les étudiants : exigence non réalisée et/ou non perçue. Risque de surcroît de travail pour obtenir la collaboration ou faire le travail à la place des autres.

La CMO, comme espace de partage de ressources, est appréciée. Le travail en équipe dépend de l’implication. La CMO est moins pertinente pour les gens qui se fréquentent régulièrement et limite la capacité d’interinfluence.

Partage de texte dans un espace public virtuel numérique

Nouvelle façon de travailler : écrire un texte destiné aux pairs et non seulement au professeur. Ceci a introduit une complexité et une difficulté à comprendre le travail à faire.

Le caractère public des productions a introduit des possibilités de comparaison entre les pairs. Ceci a été vécu comme de l’incertitude ou un support.

Risque d’uniformisation par conformité au groupe des pairs. Les étudiants pourraient avoir tendance à produire des travaux similaires à ceux des autres étudiants.

Le caractère public des productions a introduit une possibilité de qualité accrue (texte plus précis, plus élaboré, mieux structuré, jugement critique). Cependant les étudiants disent que leur texte n’aurait pas été meilleur s’il l’avait remis seulement au professeur.

Échange de feed-back médiatisé par l’ordinateur

L’habitude de faire le travail à la dernière minute et de le remettre au professeur sans relecture contraste avec la pratique de l’échange de feed-back. La forte réaction à l’obligation de donner et recevoir du feed-back indique que la pratique de l’échange de feed-back pourrait être une habileté à développer.

Exigence de réciprocité entre les pairs (effort et intérêt). Enjeux relationnels entre les pairs : la protection de l’image de soi, la légitimité de critiquer le travail des pairs, la crainte des représailles de la part des pairs et la peur de blesser.

Risque de mauvaise interprétation par les pairs liée à la CMO. Les étudiants ont réagi fortement à la forme textuelle du feed-back.

Ouverture au feed-back des pairs. Perception par les étudiants d’un potentiel d’amélioration des productions. La perception d’utilité de l’échange de feed-back est conditionnelle à l’implication des pairs. L’interaction médiatisée par le texte soulève des enjeux relationnels et exige plus d'effort que dans les situations de face à face.

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155

La complexité de la tâche réalisée dans un espace virtuel numérique a introduit une

comparaison des performances entre les pairs, parfois vécue comme un support et parfois

vécue comme une complexité. L’impact du partage de texte dans un espace public virtuel sur la

qualité de productions des étudiants est parfois contradictoire. D'une part, les étudiants disent

que le caractère public des productions incite à rédiger un texte de meilleure qualité et, d’autre

part, les étudiants disent que leur texte n'aurait pas été différent s’ils l’avaient remis seulement

au professeur.

Les difficultés vécues, lors de la réalisation de la tâche de co-construction, semblent être liées

aux habitudes de travail en équipe et à la médiatisation de la communication par l'ordinateur.

Les habitudes de travail en équipe se caractérisent essentiellement par : 1) une répartition des

tâches qui sont par la suite réalisées de façon indépendante et 2) des rencontres, en situation de

face à face, de mise en commun des parties du travail rédigées individuellement. L’exploration

de ces deux habitudes de travail en équipe a suggéré deux limites : a) la difficulté à composer

avec les différences individuelles et b) la difficulté à construire à partir des idées exprimées par

les autres. Ces deux limites ont pu être accentuées par la CMO. Les étudiants n’ont pas utilisé

les espaces virtuels numériques pour les processus qui requièrent une interinfluence.

L’interprétation par les étudiants, de la qualité jugée faible des feed-back reçus, indique des

enjeux de réciprocité dans la relation entre les pairs. L'exploration du risque de mauvaises

interprétations a soulevé des enjeux relationnels entre les pairs telles que la protection de

l'image de soi, la légitimité de critiquer le travail des pairs, la crainte des représailles et la peur

de blesser. Plusieurs étudiants ajoutent que l’interaction dans un espace virtuel numérique,

alors que la communication est médiatisée par le texte, requiert plus de temps et d’effort.

Quelques étudiants nous ont suggéré que l’interactivité représente un changement d’habitude.

Ce changement d’habitude de travail pourrait à la fois nécessiter un apprentissage (de

nouvelles habiletés) et présenter un potentiel d’amélioration de la qualité des apprentissages et

des productions. La perception d’utilité de ces interactions sociales semble conditionnelle à

l’implication des pairs. Au chapitre suivant, nous comparerons les résultats de la présente étude

aux recherches présentées dans la revue de la littérature et verrons en quoi ces données

répondent à nos questions de recherche.

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156

Chapitre-6 Discussion des résultats

Introduction Nous avons présenté au chapitre précédent une analyse des données recueillies auprès de huit

étudiants de niveau universitaire (1er cycle). Nous avons surtout tenté de comprendre et de

décrire comment étaient vécues les difficultés rencontrées lors d’activités d’apprentissage

collaboratif en ligne. Nous proposerons dans cette introduction quelques énoncés qui résument

notre compréhension du vécu des étudiants lors de ces interactions sociales en ligne. Par la

suite nous effectuerons un retour sur nos questions de recherche et les principaux constats en

réponse à celles-ci. Dans la deuxième partie du chapitre, nous discuterons de nos résultats en

regard des résultats produits par les études antérieures. Le chapitre-6 se terminera par la

présentation des conclusions de la présente étude.

Les interactions sociales en ligne que nous avons documentées suggèrent un changement

d’habitude de travail : construire à partir des idées exprimées par les autres, écrire pour les

autres, donner et recevoir du feed-back. Ce changement d’habitude de travail implique des

changements de pratiques structurelles de travail en équipe et la capacité à composer avec les

différences individuelles.

Bien que l’expression écrite liée à la CMO, dans les circonstances ayant prévalues dans la

situation étudiée, exige plus de temps et d’effort ce sont les exigences liées à la collaboration

qui requièrent le plus d’efforts additionnels. La collaboration exige de travailler en association

avec les autres. Ce travail en association requiert plus d'implication personnelle que le travail

réalisé de façon indépendante (que ce soit en contexte de face à face ou en contexte virtuel

numérique). L'interdépendance de la récompense24 ne semble pas accroître l’effort et

l’entraide, ni en contexte de face à face, ni en contexte virtuel numérique.

L'interaction sociale en ligne lors de l’échange de feed-back a soulevé des enjeux relationnels

entre les pairs. La relation entre les pairs nous est apparue porteuse d’enjeux de réciprocité. Ces

enjeux relationnels pourraient bien être accentués par la réduction des indices socio-émotifs

24. L’interdépendance de la récompense réfère à la pratique de distribution égale de l’appréciation de la performance par le professeur. La note attribuée à l’équipe contribue au résultat scolaire de chacun des individus.

Page 165: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

157

associés aux environnements virtuels numériques et à la médiatisation de la communication par

le texte. Mentionnons en particulier cinq des enjeux relationnels entre les pairs qui ressortent

de cette étude : la réciprocité des efforts entre pairs, la protection de l’image de soi, la

légitimité de critiquer le travail des pairs, la crainte des représailles de la part des pairs et la

peur de blesser des amis.

Les perceptions de l'utilité des interactions sociales en ligne entre les pairs sont parfois

contradictoires. Ces perceptions semblent être conditionnées par l'implication variable des

pairs, la perception des buts éducatifs et les limites de la CMO dans la situation étudiée.

L’interaction sociale en ligne a présenté certains risques pour plusieurs étudiants : le risque de

surcroît de travail, le risque d'uniformisation et le risque de mauvaise interprétation.

6.1 Retour sur nos questions de recherche Dans la présente étude nous avons défini l'interaction sociale comme une situation

d'interdépendance et un lieu où s’organise le comportement. Conséquemment, nous nous

sommes proposés d’explorer l’interaction sociale en ligne sous l'angle de l'interdépendance.

Nous avons formulé la question de recherche suivante : Comment se traduisent les effets de

l’interdépendance dans le vécu des étudiants lors de la réalisation de tâches qui impliquent une

interaction sociale supportée par les technologies Internet ? Afin de préciser notre objet

d’exploration nous avions formulé les trois sous-questions suivantes :

1. Quelles sont les difficultés vécues lors de l’interaction sociale entre les pairs ? (obstacles et limites rencontrés)

2. Face à ces difficultés, comment les étudiants réagissent-ils et pourquoi ? 3. Comment les étudiants perçoivent-ils l’utilité de leur expérience de l’interaction sociale

médiatisée par l’ordinateur ?

L’analyse des données recueillies a établi la présence de cinq difficultés et l’exploration des

réactions face à ces difficultés a suggéré certains risques et certaines limites. En réponse à nos

questions de recherche nous présentons une description 1) des difficultés tel qu'elles se sont

présentées pour les étudiants rencontrés ; 2) des réactions des étudiants face à ces difficultés et

3) des perceptions de l’utilité des interactions sociales en ligne. La figure-1 illustre cette

description sous forme de schéma.

Page 166: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

158

Figu 1- L’inte ociale

Lié à l’implication variable des pairs et à l'interdépendance de la récompense

Liée à la comparaison entre les pairs dans un espace public virtuel et à l’impact sur la qualité des productions

Liée à la réduction des indices

Surcroît de travail

Uniformisation

re

Comment traduisent effets de l’interdépe(Difficultéréactions, perceptiond’utilité)

raction s

Les percepti

se les

ndance? s,

en ligne: le vécu des étudi

5 difficultés

Trois

-Obtenir la collaboration-Comprendre le travail à faire -Produire un texte en co-construction -Obligation de donner un feed-back -Donner un feed-back par texte

socio-émotifs qui pourrait accentuer des enjeux relationnels entre les pairs : réciprocité ; protection de l'image de soi ; légitimité de critiquer le travail des pairs ; crainte

Mauvaise interprétation

ons de l’utilité sont parfo

ants

risques

de représailles et peur de blesser

Liée à la capacité de mettre en place des pratiques structurelles : normes et une éthique de travail en équipe; mécanismes de prise de décision, de coordination, de concertation, de support et de contrôle

Liée à l’interinfluence, à la préférence pour le travail individuel et à la capacité de composer avec

is c

Limites liées à l’habitude du travind

ail épendant

les différences individuelles

ontradictoires

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159

6.1.1- Description des difficultés rencontrées par les étudiants Les étudiants ont identifié en priorité cinq difficultés : a) obtenir une collaboration

équitable ; b) comprendre le travail à faire ; c) produire un texte final en co-construction ;

d) être obligé de donner un feed-back sur le texte des pairs et e) donner un feed-back par

texte dans un espace public virtuel. Nous donnerons ici une description de la manière dont

se sont posées ces difficultés pour les étudiants.

a) Obtenir une collaboration équitable La difficulté à obtenir une collaboration équitable dans le travail en équipe est liée à

l’implication variable des pairs. La moitié des équipes ont rapporté avoir éprouvé cette

difficulté de collaboration équitable. Cette difficulté s’est manifestée par des absences lors

des rencontres de travail en équipe, par l’absence de réponse aux messages électroniques,

par la non-production d'une partie du travail ou par une production jugée de faible qualité

par les co-équipiers.

b) Comprendre le travail à faire La difficulté à comprendre le travail à faire est souvent liée à la nouveauté de la tâche et de

la technologie utilisée. Le partage des textes dans un espace public virtuel a introduit une

nouvelle forme de comparaison entre les pairs. L’exercice de rédaction d’un texte destiné à

être lu et commenté par les pairs a introduit une complexité qui a été vécue par certains

comme de la confusion et de l’incertitude. La comparaison des travaux produits a été vécue

par d’autres comme un support à la validation de la compréhension des attentes du

professeur.

c) Produire un texte final en co-construction Aucune des équipes dont faisaient partie les étudiants rencontrés n'ont produit un texte en

co-construction dans les wikis tel que demandé par le professeur. Plusieurs n’ont pas perçu

cette attente comme une exigence du cours. Cette difficulté s'est manifestée sous deux

formes : 1) la tâche de co-écriture a représenté un changement d’habitude de travail et 2) la

CMO a été perçue comme un obstacle à la qualité du contact interpersonnel et à

l’interinfluence.

Page 168: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

160

d) Être obligé de donner un feed-back sur le texte des pairs Les étudiants ont réagi fortement à l'obligation de donner un feed-back sur le texte des

pairs. Par contraste, ils se sont dits ouverts à recevoir des feed-back de la part des pairs.

L’exploration de cette contradiction a révélé que les étudiants ont été déçus par les feed-

back reçus qu’ils ont perçu comme ayant une faible qualité. Ils ont interprété cette

faiblequalité (peçue) des feed-back reçus comme des feed-back donnés seulement par

obligation c’est-à-dire uniquement pour satisfaire les exigences du cours.

e) Donner un feed-back par texte dans un espace public virtuel Les étudiants ont rapporté avoir eu de la difficulté à exprimer par écrit leur feed-back. Ils

ont aussi dit avoir eu de la difficulté à donner un commentaire sans être en présence

physique de la personne à qui ils s’adressaient. Cette difficulté semble liée à la réduction

des indices socio-émotifs lors de la CMO.

6.1.2- Description des réactions des étudiants face aux difficultés rencontrées Face aux cinq difficultés présentées ci-haut les étudiants ont réagi par des tentatives de

résolution. Chacune des occasions d'interaction sociale a représenté un changement

d’habitude de travail : construire à partir des idées émises par les autres, écrire pour les

pairs, donner et recevoir un feed-back des pairs. Le changement d’habitude de travail

pourrait être résumé par le passage d’un travail en équipe réalisé de manière indépendante

(division des tâches) à un travail en équipe réalisé en association. Les choix et les gestes

posés par les étudiants pour résoudre les difficultés suggèrent : 1) trois risques et 2) des

limites liées à l’habitude du travail réalisé de façon indépendante.

1) TROIS RISQUES

Face aux trois difficultés, « obtenir la collaboration équitable », « comprendre le travail à

faire » et « donner un feed-back par texte dans un espace virtuel numérique », l’analyse des

réactions des étudiants a révélé respectivement trois risques :

a) Risque de surcroît de travail lié à l’implication variable des étudiants Face au manque d'implication des pairs dans le travail en équipe les étudiants ont posé des

gestes variés envers leurs co-équipiers afin d’obtenir une meilleure collaboration. Ces

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161

gestes ne semblent pas avoir donné de résultats très satisfaisants pour eux. Dans certains

cas l’effort fourni est demeuré faible tout au long du travail et dans d’autres cas les

étudiants plus impliqués ont fait le travail à la place des autres (afin d’éviter d’être eux–

même pénalisés). La difficulté à obtenir la collaboration équitable25 semble étroitement liée

à l'implication variable des étudiants envers les études en général et à l’interdépendance de

la récompense dans une tâche collaborative (que ce soit dans un contexte virtuel numérique

ou en situation de face à face). Tous les cas de non-collaboration ont nécessité, selon les

dires des étudiants concernés, un surcroît de travail soit pour obtenir une meilleure

collaboration, soit pour faire le travail à la place des autres.

b) Risque d’uniformisation liée à l’interaction sociale dans un espace public virtuel Le caractère public de la production et du partage des textes dans un espace virtuel

numérique a engendré une comparaison entre les pairs qui a été vécue de différentes façons.

Certains ont dit que la possibilité de voir les textes des pairs pendant la réalisation leur a

procuré un support. D'autres ont dit que ce partage de textes dans un espace public a

conduit à une uniformisation qui réduit l’intérêt à lire les textes des pairs. Parmi ceux-ci

certains ont dit que ce partage favorise un retour critique mais que leur texte n'aurait pas été

meilleur. Cependant certains soulignent que la possibilité de distribution des innovations a

été facilitée dans ces espaces publics. La qualité et l'originalité des productions semblent

plus liées à l’effort individuel d’approfondissement dans la production du travail.

c) Risque de mauvaise interprétation liée à la communication médiatisée par le texte La réduction des indices socio-émotifs liée à la communication médiatisée par le texte dans

un espace virtuel numérique semble avoir introduit un risque additionnel de mauvaise

interprétation. Les étudiants auraient réagi à ce risque de mauvaise interprétation par des

comportements de prudence. L'exploration de la réaction à la difficulté de donner un

feed-back par texte dans un espace public virtuel a révélé des enjeux relationnels entre les

pairs notamment : la protection de l'image de soi, la légitimité de critiquer le travail des

pairs, la crainte des représailles et la peur de blesser des amis.

25. La notion d’équitabilité ne réfère pas à des critères spécifiques. La perception d’équitabilité était attribuée par les étudiants selon qu’ils jugeaient suffisante ou non la contribution de leurs co-équipiers.

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162

2) LIMITES LIÉES À L’HABITUDE DU TRAVAIL INDÉPENDANT

L’habitude du travail indépendant semble avoir limité la réalisation de tâches qui exigent de

tenir compte des autres et de leurs différences individuelles. Les limites liées à l’habitude

du travail indépendant sont liées : a) à la production d’un texte en co-construction dans les

wikis et b) à la déception suscitée par les feed-back reçus des pairs.

a) La production d’un texte final en co-construction La tâche de co-construction définie dans le plan du cours supposait que les étudiants

rédigent à partir des idées exprimées par les autres. La tâche était définie comme hautement

interdépendante, c’est-à-dire une tâche conjointe avec non-correspondance des

comportements exigés (voir le cadre théorique au chapitre-3). Le caractère conjoint avec

non-correspondance des comportements exigés supposait une alternance des contributions

afin de co-écrire un texte dans les wikis.

Or, ceci s’est avéré une limite pour les étudiants. Cette tâche a été redéfinie, dans la plupart

des cas par les étudiants, en une tâche disjointe avec non-correspondance des

comportements exigés (division du travail en parties réalisées de façon indépendante). Et

dans certains cas elle a été redéfinie en une tâche disjointe avec correspondance des

comportements exigés (une personne fait le travail et tous bénéficient du résultat). Face à la

difficulté de produire un texte final en co-construction dans les wikis, les étudiants ont

procédé par division des tâches et par des rencontres en situation de face à face.

• Le travail en équipe par division des tâches : toutes les équipes ont procédé à une répartition du travail en segments réalisés de façon indépendante. Certaines personnes ont rapporté avoir réalisé quelques parties du travail en association avec les autres tels que la prise de décision concernant les responsabilités de chacun, le partage de ressources, la mise en commun des travaux produits de façon individuelle. La tâche de co-écriture est apparue à certains comme « inconcevable » et comme nécessitant une « rééducation ».

• Le travail en équipe en situation de face à face : les quelques parties de la tâche produites en association ont été réalisées la plupart du temps en situation de face à face. Seul le partage de ressources et la validation des textes rédigés par les pairs ont pu être réalisés dans les espaces virtuels numériques. Les tâches de prise de décision sur la répartition du travail et la mise en commun des textes ont été réalisées en situation de face à face. Les étudiants ont évoqué les limites de la CMO pour expliquer leur manière de procéder. Les limites de la CMO évoquées sont le

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163

manque d'immédiateté et la complexité des discussions asynchrones qui nuisent aux processus d’interinfluence.

b) La déception envers les feed-back reçus des pairs Les feed-back reçus des pairs ont été évalués comme étant de faible qualité. Cette faible

qualité des feed-back reçus a provoqué des réactions de déception. Face à cette déception

les étudiants ont évoqué le manque d’implication des pairs et le manque de savoir-faire

(habileté à donner du feed-back).

• Le manque d’implication des pairs : les étudiants ont interprété la faible qualité des feed-back reçus comme un manque d’efforts et d’intérêt de la part des pairs. L’exploration de cette réaction a montré que les étudiants ont des exigences de réciprocité lors de situations d'interaction sociale avec leurs pairs. Ces exigences de réciprocité se sont manifestées dans les attentes, les gestes posés et l’évaluation de la valeur de l’échange. Pour certains le feed-back a été donné seulement par obligation pour satisfaire les exigences du cours et il n’était pas porteur d’entraide authentique.

• Le manque de savoir-faire : quelques étudiants ont mentionné que l’échange de feed-back représente un changement d’habitude de travail et conséquemment que celui-ci représente une nouvelle habileté à développer.

6.1.3- Description de la perception de l’utilité des interactions sociales en ligne Les perceptions transmises par les étudiants, de l’utilité de l’expérience de ces interactions

sociales en ligne, sont porteuses de contradictions.

Premièrement, les témoignages des étudiants, concernant l’impact de l’interaction sociale

en ligne sur la qualité des productions, sont contradictoires. Quatre-vingts pour cent (80 %)

des étudiants ont affirmé que leur texte n'aurait pas été différent s'ils l’avaient remis

seulement au professeur. Ces mêmes étudiants mentionnent que le partage des textes dans

un espace public oblige à produire un texte de meilleure qualité et permet un retour critique

sur ses productions personnelles.

Deuxièmement, la perception transmise, de l’utilité du caractère public du partage des

textes entre les pairs, est aussi contradictoire. D’une part, certains mentionnent que le

travail dans un espace public virtuel facilite la distribution des innovations ou un

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164

apprentissage par imitation. D’autre part, certains mentionnent un risque d'uniformisation

des productions.

Troisièmement, malgré la difficulté à comprendre ce qu’on attendait d’eux et les

déceptions, les étudiants en majorité26 disent que ces interactions sociales en ligne sont

utiles. Les difficultés et les insatisfactions sont liées à la nouveauté de la tâche, aux limites

imposées par la médiatisation de la communication par l'ordinateur et au manque

d’implication des pairs. La perception d’utilité semble être conditionnée par la perception

des buts éducatifs liés aux activités interactives.

Dans la section suivante nous discuterons de manière plus détaillée les principaux constats

élaborés dans cette section en les comparant aux études antérieures.

6.2- Comparaison des résultats avec les études antérieures Nous avons regroupé la comparaison entre nos résultats et les observations des études

antérieures (présentées au chapitre-2 Revue de la littérature) sous trois thèmes : 1) les

limites liées à la collaboration ; 2) les limites liées à la CMO et 3) les perceptions de

l’utilité de l’interaction sociale en ligne.

6.2.1- Limites liées à la collaboration Les limites liées à la collaboration que nous avons identifiées sont regroupées ici selon les

recherches qui font état 1) de l’implication variable des pairs et 2) de l’habitude du travail

indépendant.

1)- IMPLICATION VARIABLE DES PAIRS

Ehrlich (2002), Pena-Perez (2000), Tu (2000) et Abeygunawardena (2002) ont observé que

les étudiants font le minimum d’effort requis et collaborent peu. Nos résultats confirment à

la fois l’implication variable des étudiants et la difficulté à obtenir une collaboration. Tel

qu’observé par Abeygunawardena (2002), même si le professeur attribue une note

individuelle selon les efforts fournis, les étudiants ne semblent pas accroître leurs efforts de

collaboration. 26. Tous les étudiants ont dit que le partage de texte dans un espace virtuel a été utile et seulement deux étudiants ont dit que l’échange de feed-back a été inutile.

Page 173: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

165

Nous avons vu que plusieurs chercheurs ont noté dans leurs études, une implication

variable des étudiants lors des interactions sociales en ligne. L'étude de Kelsey (1999) et

Brown (2000) suggère qu’une minorité ne collabore pas. Notre étude montre que ce faible

pourcentage d’étudiants qui ne collaborent pas peut produire un impact sur la moitié du

groupe-classe lors de tâches réalisées en équipe. Dans notre étude la moitié des équipes ont

éprouvé des difficultés à obtenir la collaboration et dans les trois quarts de ces cas la non-

collaboration a impliqué une non-production du travail.

De plus, nos résultats confirment les études antérieures sur l’inefficacité des deux types de

stratégies employées pour tenir compte des impacts reliés à l’implication variable des

étudiants : a) l’inefficacité des efforts des pairs pour faire face aux problèmes de

collaboration et b) l'inefficacité de l’interdépendance de la récompense sur l’accroissement

des efforts.

a) Inefficacité des efforts des pairs pour obtenir la collaboration Tel qu’observé par Aubert & Kelsey (2003) et Gabriel & McDonald (2002), l’implication

variable des pairs occasionne un risque de surcroît de travail pour les étudiants qui

s'impliquent. Le surcroît de travail serait lié aux efforts pour obtenir la collaboration ou

pour faire le travail à la place des autres. Gabriel & McDonald (2002), Aubert & Kelsey

(2003) et Thomas (2002) ont observé que les équipes moins performantes ne confrontaient

pas ou étaient incapables de résoudre les problèmes telle que la coordination des tâches et

des contributions. Dans notre étude, les étudiants ont dit avoir posé des gestes pour tenter

de résoudre ces problèmes. Cependant, la collaboration obtenue est restée insatisfaisante

pour eux. Certains étudiants ont dit que l’implication additionnelle obtenue est restée faible.

D’autres étudiants ont dit que l’implication additionnelle obtenue a consisté à laisser la

personne se débrouiller pour finaliser seule la deuxième version du travail de l’équipe.

(Alors que les deux autres avaient fait la première partie incluant le texte non rédigé de la

troisième personne).

b) Inefficacité de l’interdépendance de la récompense L'étude de Allen, Sargent & Bradley (2003) a montré qu'en situation de face à face la

distribution égale de la récompense dans une équipe ne produisait pas d’effets positifs sur

Page 174: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

166

l'effort. Les résultats recueillis dans la présente étude confirment cette proposition. Le

surcroît de travail engendré par la non-collaboration est assumé par les étudiants qui

s'impliquent le plus dans leurs études en général. Ces étudiants assument ce « surcroît de

travail »pour ne pas être pénalisés par l'attribution d'une évaluation faible par le professeur

ou par les pairs. En accord avec les observations de Tu (2000), Pena-Perez (2000),

Abeygunawardena (2002) et Brown (2000), la participation aux interactions sociales en

ligne et la collaboration dans le travail en équipe dépendent de la volonté des gens à

s’engager. L’implication et l’effort ne sont pas liés à l'interdépendance de la récompense

mais plutôt à l’engagement envers les études en général.

2) L’HABITUDE DU TRAVAIL INDÉPENDANT

Abeygunawardena (2002) et Ehrlich (2002) ont observé que plusieurs étudiants étaient plus

intéressés à structurer leur propre réponse que de construire sur les idées exprimées par les

autres étudiants. Notre étude confirme cette observation. Il semble que la collaboration

représente non seulement un changement d’attitude tel que proposé par Abeygunawardena

(2002), mais aussi un changement d’habitude de travail. Ce changement d’habitude de

travail semble lié à trois conditions relationnelles que nous avons retrouvées dans les études

antérieures : a) la préférence pour le travail individuel; b) la mise en place de pratiques

structurelles de travail en équipe et c) la capacité de co-construire à partir des différences

individuelles. Nous verrons en quoi notre étude confirme ces trois conditions relationnelles.

a)Préférence pour le travail individuel Tel qu’observé par plusieurs chercheurs (Abeygunawardena, 2002 ; Ehrlich, 2002 ;

Gonzàlez, Burke, Santuzzi & Bradley, 2003 ; Gabriel& McDonald, 2002) le choix du

travail par division des tâches confirmet une préférence pour le travail individuel.

Abeygunawardena (2002) souligne que plusieurs étudiants mettaient à contribution leurs

habiletés diversifiées mais ils ne le faisaient que d'une façon individuelle. Notre étude

confirme cette proposition. L'étude de Allen, Sargent & Bradley (2003) montre qu'en

situation de face à face l’interdépendance de la tâche (tâche réalisée de façon conjointe) a

eu un impact positif sur les comportements d’entraide. Notre étude confirme ces résultats

pour les équipes qui n’ont pas eu de difficulté à obtenir la collaboration des pairs. De plus,

cette entraide a été limitée par le choix du travail par division des tâches.

Page 175: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

167

b) Pratiques structurelles de travail en équipe Selon Gonzàlez, Burke, Santuzzi & Bradley (2003), c'est la cohésion dans l’exécution de la

tâche (pratiques structurelles de travail en équipe) plutôt que l’attraction entre les membres

de l’équipe qui contribue à la performance des équipes virtuelles. Les auteurs suggèrent que

ceci soit lié aux limites imposées par la technologie (réduction des indices socio-émotifs).

Malgré que les étudiants dans notre étude rapportent avoir surtout travaillé en situation de

face à face, il semble que la cohésion dans l’exécution de la tâche ait joué un rôle. C’est-à-

dire que même si le travail a été exécuté par division de la tâche - voire en parties réalisées

de façon indépendante- les équipes ont pu réaliser conjointement certaines parties de la

tâche.

Selon LeMay (2000), les équipes virtuelles performantes manifestent des processus de

travail associés à des pratiques structurelles tels que : 1) l’autogestion ; 2) des processus de

prise de décisions et 3) des protocoles (normes) d’équipe. Nous avons recueilli quelques

indications sur l’absence de pratiques structurelles : les étudiants ne semblent pas s’être

donné des normes concernant les délais de réponse aux messages affichés dans les wikis

des équipes. Nous avons recueilli des témoignages sur la présence de quelques pratiques

structurelles en situation de face à face : la répartition du travail et la tenue de rencontres de

mise en commun des travaux individuels. Nous avons aussi noté quelques pratiques

structurelles qui ont pris place dans les espaces virtuels numériques : la validation des

parties rédigées par les autres et le partage de ressources.

c) Co-construire à partir des différences individuelles Peu d’études mentionnent la difficulté à composer avec les différences individuelles. Notre

étude confirme la présence de trois différences individuelles qui font réagir les étudiants :

• Implication variable des étudiants dans leurs études en général Le temps investi dans les études a été souligné par Gabriel & McDonald (2002) et

Brown (2000). Nous avons observé les même impacts d’un relâchement des efforts

précédemment documenté par ces études, notamment un surcroît de travail assumé par

les pairs.

• Différences des exigences personnelles de performance

Page 176: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

168

Ehrlich (2002) et Abeygunawardena (2003) ont mentionné les différences

d’exigences personnelles de performance. Nous avons retrouvé des exigences

personnelles liées à la performance tel que différentes « manières de voir », de

« s’exprimer » et de construire un texte.

• Différence du degré de connaissance des étudiants Sutton (2000), Kelsey (1999) et Rovaï (2002) rapportent que des différences de

connaissance de la matière à l’étude dans le cours et des technologies utilisées

pouvaient influencer la participation aux interactions sociales en ligne. Nous avons

retrouvé des différences liées aux connaissances des contenus et des technologies à

l’étude dans le cours. (À titre d’exemple ceux qui connaissent le langage html, ceux

qui savent ce qu’est la noosphère et ainsi de suite pour tous les sujets à l’étude dans

le cours). Toutefois, contrairement à l’interaction sociale en ligne, nos observations

suggèrent qu’en situation de face à face, les étudiants s’accommodent de ces

différences en se divisant la tâche selon leurs forces respectives.

6.2.3- Limites liées à la CMO Nous venons de voir dans la section précédente qui traitait des limites liées à la

collaboration, le rôle de l’implication variable des étudiants et de l’habitude du travail

indépendant. Nous présenterons ici les limites de la CMO associées à la réduction des

indices socio-émotifs. Hegngi (1997), Kelsey (1999) et Blocher (1999) ont observé que,

malgré l’accroissement du confort avec la technologie, la participation aux interactions

sociales en ligne diminuait au cours d’un semestre scolaire. Dans notre étude, nous avons

aussi constaté que malgré une familiarisation avec les technologies, les étudiants ont

préféré les rencontres en situation de face à face.

Nos observations confirment et nuancent plusieurs des observations retrouvées dans les

études antérieures sur les limites associées à la CMO. Notre étude témoigne de trois aspects

liés à la réduction des indices socio-émotifs lors de la CMO. Notamment 1) nous

confirmons plusieurs des composantes de la perception d’une présence sociale positive27 en

ligne tel que proposé par Tu (2000) ; 2) nous confirmons le risque accru de mauvaise

27. La présence sociale perçue pourrait être négative comme dans le cas de l’hostilité.

Page 177: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

169

interprétation liée à la réduction des indices socio-émotifs ; 3) nous proposons d’ajouter,

aux enjeux relationnels liés à la confiance, des enjeux relationnels liés à la réciprocité de

l’échange entre les pairs.

1) COMPOSANTES DE LA PERCEPTION DE LA PRÉSENCE SOCIALE EN LIGNE

Grambling (2003) dit qu’en situation de face à face, la présence sociale se caractérise par

une fluidité des échanges. Elle a noté que les groupes en ligne déplorent un manque de

spontanéité. Nous avons fait les mêmes observations. Selon Tu (2000), Gabriel &

McDonald (2002), Wilson (2003), Rovaï (2002), Wagner (2002) et Brown (2000), le

caractère asynchrone de la CMO réduit la qualité du contact interpersonnel et la perception

d’une présence sociale positive. Nos résultats confirment cette proposition. Nos résultats

confirment quatre composantes de la perception positive de la présence sociale lors de

l’interaction en ligne tel que décrite par Tu (2000) : a) les délais réponse aux messages ; b)

l’immédiateté ; c) la familiarité.

a) Délais de réponse aux messages Tu (2000) a mentionné l'importance de se donner des normes sur les délais de vérification

et de réponse aux messages dans un espace virtuel numérique. Nous avons aussi noté que

l’absence de normes introduit une incertitude et réduit la perception de la présence sociale

positive. Le caractère asynchrone de la CMO ne serait pas uniquement lié aux délais de

réponse aux messages, il serait aussi lié au manque d’indices non-verbaux. Nos

observations confirment ce constat.

b) Immédiateté Tel qu’énoncé par Tu (2000), l'expérience de l'immédiateté dans un environnement virtuel

serait associée à une capacité d’exprimer par le texte les indices socio-émotifs. Nos

observations confirment cette proposition. Les étudiants de notre étude ont évoqué une

complexité associée aux délais de la CMO qui privent de la réponse immédiate, porteuse

des indices socio-émotifs, et de la possibilité de réagir immédiatement aux propos des pairs.

Conséquemment, tel que constaté par Wilson (2003), la perception de la capacité

d’influence interpersonnelle a été affectée non seulement lors des activités de prise de

décision mais aussi lors des activités qui visent à générer des idées. Nos observations

Page 178: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

170

montrent que les espaces virtuels ont été surtout utilisés pour partager des ressources mais

n’ont pas été perçus comme un espace de travail en équipe et d’interaction sociale.

c) Familiarité Selon Tu (2000), la familiarité déjà établie entre les participants facilite l'interprétation des

messages dans un espace virtuel numérique. Notre étude démontre aussi que les étudiants

ont eu besoin de s’expliquer, en situation de face à face, les messages affichés des espaces

virtuels. L'enjeu des explications mutuelles ne portait pas seulement une interprétation du

message mais portait sur une compréhension du geste posé dans le contexte de la

contribution au travail de l’équipe. Gabriel & McDonald (2002) suggèrent d'offrir des

moyens de communication alternatifs (telles que des rencontres en situation de face à face)

lors de la diffusion de cours en ligne. Cependant, notre étude démontre qu’en situation de

choix (entre la CMO et les situations de face à face) la familiarité influence négativement la

perception de la CMO comme utile au travail en équipe. Il semble que la fréquentation

régulière en situation de face à face rende la CMO moins pertinente.

2) RISQUE DE MAUVAISE INTERPRÉTATION ET SENTIMENT DE SÉCURITÉ

Selon Rovaï (2002), la non-volonté de donner un feed-back honnête peut réduire le

sentiment de sécurité et conséquemment réduire la participation à l’interaction sociale en

ligne. Nous avons observé que malgré la volonté de participer (en terme d'ouverture et

d’implication) le risque de mauvaise interprétation a été une préoccupation constante chez

les étudiants. Le risque de mauvaise interprétation liée au manque d’indices socio-émotifs a

été aussi observé par Tu (2000), Kelsey (1999) et Rice (1996). Les témoignages des

étudiants ont suggéré trois difficultés liées à l’absence d’indices socio-émotifs et au risque

de mauvaise interprétation lors de l’échange de feed-back :

• les étudiants ne se connaissaient pas (sauf des cas particuliers de fréquentation régulière) et ne pouvaient pas prévoir le degré d’ouverture de la personne à qui ils donnaient un feed-back ;

• les étudiants étaient dans l’impossibilité d’ajuster leur message au fur et à mesure de l'interaction comme lors d'une situation de face à face ;

• les étudiants avaient de la difficulté à transmettre par écrit le message et le sens du message.

Page 179: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

171

Selon Hegngi (1997), Brown (2000), Tu (2000), Wilson (2003), Rovaï (2002) et

Abeygunawardena (2002), la réduction des indices socio-émotifs lors de la CMO nécessite

plus de temps et d'effort pour bâtir un sentiment de sécurité que lors de rencontres face à

face. Les difficultés vécues par les étudiants et les critiques recueillies sur l’inefficacité de

la CMO confirment ces exigences de temps et d’efforts additionnels.

Wagner (2002) a montré que la complexité associée à la faiblesse des relations

interpersonnelles en ligne décourageait les participants à adresser les différends. Nos

observations confirment cette limite. Le risque de mauvaise interprétation réduit le

sentiment de sécurité et peut nuire à la perception d’une présence sociale positive. Tel

qu’observé par Tu (2000) et Kelsey (1999), le risque de mauvaise interprétation a conduit à

des comportements de prudence lors de l’échange de feed-back :

• faire des efforts pour rendre le feed-back recevable,

• tenter de prévoir comment le message sera interprété,

• hésiter à exprimer directement le message,

• supporter les pairs en les invitant à être honnêtes.

3) ENJEUX RELATIONNELS ENTRE LES PAIRS

Tel qu’observé par Tu (2000), nous avons aussi retrouvé la présence d’enjeux relationnels

liés à la confiance définie comme une composante de la perception d’une présence sociale

positive. Notamment, nos observations confirment la présence d’un enjeu identitaire de

«protection de l’image de soi» lié à la confiance entre les pairs. Nos observations ont aussi

permis d’identifier la présence d’autres enjeux relationnels tantôt associés à la confiance et

tantôt associés à la réciprocité. Nos données indiquent la présence de deux catégories

d’enjeux relationnels entre les pairs qui contribuent ou nuisent à la perception d'une

présence sociale positive : a) des enjeux relationnels liés à la confiance et b) des enjeux

relationnels liés à la réciprocité de l’échange entre les pairs. Nous verrons en quoi notre

étude correspond et apporte des nuances aux études antérieures qui font état d’enjeux

relationnels entre les pairs.

Page 180: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

172

a) Enjeux relationnels liés à la confiance entre les pairs L’absence d’indices socio-émotifs semble accentuer les enjeux relationnels liés à la

confiance entre les pairs. Nous présentons ici les correspondances entre les observations

des chercheurs et les témoignages que nous avons recueillis sur trois enjeux relationnels

liés à la confiance entre les pairs.

• La protection de l’image de soi Selon Kelsey (1999), un obstacle à l’interaction sociale en ligne était lié à des

préoccupations sociales (ne pas avoir l'air stupide face aux pairs). Pena-Perez (2000)

a noté la peur des étudiants d’exposer publiquement par écrit leurs idées. Tu (2000)

a aussi observé des comportements de protection de l’image de soi (tel que soigner

la rédaction des messages affichés sur le site Internet du cours). Nos données

confirment ces préoccupations sociales et ces comportements de protection de

l’image de soi. Dans notre étude, des étudiants ont dit être conscients que les pairs

pouvaient « se forger une image » de l’auteur à travers les textes (travail et

feed-back) affichés dans les espaces publics virtuels.

• La légitimité de critiquer le travail des pairs La difficulté à se légitimer à formuler une critique envers les pairs est mentionnée

par Rovaï (2002). La réticence à critiquer le travail des pairs, associée à un manque

de connaissance du sujet, est mentionnée aussi par Juwah (2003). Cependant, dans

notre étude, la légitimité de critiquer le travail des pairs a été associée à la réduction

des indices socio-émotifs et au risque de mauvaise interprétation. Selon nos

participants le message sous forme de texte peut involontairement transmettre une

information sur la relation, c’est-à-dire créer un positionnement hiérarchique de soi

par rapport à l’autre. Autrement dit, si l'étudiant voit que la qualité de travail d'un

autre est faible, il a tendance à croire que l’autre interprétera cette évaluation comme

un jugement à l’effet que le sien (son travail) est supérieur.

• La crainte des représailles et la peur de blesser Bien que Tu (2000) ait mentionné la crainte d’un étudiant d’insulter

involontairement les pairs et de provoquer de la colère, ce souci s’est manifesté dans

notre étude avec une nuance additionnelle. La crainte des représailles tel qu’observé

Page 181: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

173

par Tu (2000), reflète une conscience d’être soi-même exposé aux commentaires et

aux réactions des autres. Une étudiante a suggéré que les pairs puissent exercer des

représailles suite à un feed-back qui serait mal accepté. Nous avons noté une

préoccupation additionnelle soit la peur de blesser. La peur de blesser comme une

crainte d’introduire dans un lien interpersonnel étroit (une amitié) un comportement

critique qui serait interprété comme une réaction par rapport à la relation d’amitié,

plutôt qu’une réaction à une production académique. Ce constat nuance aussi

l'affirmation de Tu (2000) à l’effet que la familiarité réduit le risque de mauvaise

interprétation. L’enjeu serait tout simplement différent dans le cas particulier de

situation de familiarité tel que l’amitié.

b) Enjeux relationnels liés à la réciprocité de l’échange entre les pairs Zhang (2003), Rovaï (2002), Grambling (2003), et Abeygunawardena (2002) ont suggéré

que l’interaction sociale engendre une réciprocité entre les pairs. Nos observations

confirment le rôle crucial de la réciprocité lors de l'interaction sociale entre les pairs.

Cependant tel qu’observé par Tu (2000), nos données indiquent que l’interaction sociale

n'engendre pas nécessairement une réciprocité de l’échange entre les pairs. Au contraire le

manque de réciprocité de l’échange a suscité de fortes réactions. La réciprocité semble

plutôt une exigence et un enjeu dans l'interaction sociale en ligne entre les pairs. La forte

réaction des étudiants à l’obligation de se donner du feed-back semble être liée à cette

exigence implicite de réciprocité.

La qualité, jugée faible, des feed-back reçus a été interprétée comme un manque de

réciprocité des efforts et de l’intérêt des pairs. À ce propos notre étude confirme les

observations de Pena-Perez (2000) : 1) les étudiants avaient jugé que les commentaires

étaient superficiels ; 2) les étudiants admettaient participer parce que ceci faisait partie des

travaux évalués dans le cadre du cours ; 3) les commentaires ne visaient uniquement qu’à

obtenir les points et 4) les étudiants éprouvaient du ressentiment à l'égard du manque de

temps et du caractère obligatoire de la participation.

Brown (2000) et Tu (2000) ont noté que la participation aux interactions sociales dépend de

la volonté des gens à s’engager. Brown (2000) a observé que les gens inscrits à un cours à

Page 182: UNE EXPLORATION DE L’INTERACTION SOCIALE EN ......interactions sociales en ligne. La présente étude qualitative propose une exploration du vécu des étudiants lors de la réalisation

174

seule fin d’obtenir des crédits ne sont pas intéressés à des interactions sociales en ligne. Tu

(2000) a observé que peu d’étudiants ont affiché plus de messages que le minimum requis

par le professeur. Nos données confirment ces observations sur l’implication variable des

étudiants et problématise celle-ci en un enjeu de réciprocité de l’échange entre les pairs.

Nos données reflètent un écart perçu dans la valeur de l’échange entre les pairs interprété

ici comme un manque de réciprocité.

D’une part, la réaction de déception envers les feed-back reçus traduit une perception du

manque d’implication des pairs, d’autre part, les témoignages à propos du soin mis dans la

formulation des feed-back donnés (par les étudiants que nous avons rencontrés) traduisent

une plus grande implication. Peut-être que les étudiants qui ont participé à notre étude de

façon volontaire étaient des étudiants plus impliqués dans leurs études et, conséquemment,

ils auraient fait des efforts plus importants que ceux de leurs pairs.

Nous avons traité dans les deux sections précédentes des limites liées à la collaboration et

des limites liées à la CMO. Nous avons comparé nos données aux résultats des études

antérieures sur plusieurs thèmes : implication variable des pairs ; habitude du travail

indépendant ; perception de la présence sociale ; risque de mauvaise interprétation et enjeux

relationnels entre les pairs. Nous traiterons dans la prochaine section de la perception de

l’utilité de l’interaction sociale en ligne.

6.2.3 –La perception de l’utilité de l’interaction sociale en ligne Les études antérieures suggèrent trois indicateurs qui influencent la perception de l’utilité

de l’interaction sociale en ligne dans un cours : 1) la qualité de l’expérience vécue ; 2) la

perception des buts éducatifs et 3) l’impact sur la qualité des productions des étudiants. Nos

observations suggèrent que a) la perception des buts éducatifs ait joué un rôle plus

important que la qualité de l’expérience vécue et b) les perceptions de l’impact sur la

qualité des productions soient parfois contradictoires.

a) La qualité de l’expérience vécue et la perception des buts éducatifs Les études de Lowe (2003) et Zhang & Peck (2003) ont montré que la perception de

l’utilité de l’interaction sociale en ligne dépend de la qualité de l’expérience vécue. Ces

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175

auteurs ont observé que les étudiants qui n’avaient pas éprouvé de difficultés importantes

adoptaient une attitude positive envers l’interaction sociale en ligne. Nous avons vu dans

notre étude que les étudiants ont dû faire face à plusieurs difficultés et ont vécu plusieurs

insatisfactions. Or la majorité des étudiants évaluent tout de même positivement l'utilité de

ces tâches interactives.

Selon Sutton (2000), la perception de l’utilité de l’interaction sociale en ligne est associée à

la perception des objectifs, des buts éducatifs et des exigences de l’interaction sociale en

ligne. Les témoignages des étudiants confirment cette proposition. Malgré les difficultés et

les insatisfactions, la plupart ont perçu comme utiles28 les buts éducatifs proposés par le

professeur. Plusieurs ont regardé leurs insatisfactions sous forme de conditions à mettre en

place : importance de l’implication des étudiants lors d’activités collaboratives, critères de

qualité d'un feed-back constructif, nécessité de développer de nouvelles habiletés, attente

envers le rôle du professeur d’exiger plus d’autonomie de la part des étudiants.

b) Perceptions contradictoires de l’impact sur la qualité des productions Comme dans l’étude de Picciano (2002), l'impact sur la qualité des productions est

contradictoire dans notre étude. D’une part (tel qu’observé par Picciano, 2002), le caractère

public de la diffusion des textes rédigés semble avoir été bénéfique à la qualité des travaux

écrits (favorise une analyse selon plusieurs points de vue). D’autre part, la plupart des

étudiants ont dit que leur texte n’aurait pas été différent s'il l’avait remis seulement au

professeur.

Rovaï (2002) mentionnait qu’un des avantages du partage des travaux entre les étudiants est

d'offrir la possibilité de faire un retour critique sur ces productions personnelles. D’une

part, certains ont suggéré que ce partage des textes permette un retour critique et donc une

meilleure qualité des textes. D’autre part, certains ont exprimé que le partage des textes

conduit à un risque d’uniformisation des travaux qui pourrait réduire l’intérêt pour les

textes produits par les pairs. À titre d’exemple, trois étudiants nous ont dit qu’ils n’étaient

28. Il est possible que l’intérêt de ces étudiants inscrits à un programme de formation en enseignement ait joué un rôle dans la perception des buts éducatifs de ces activités interactives.

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176

pas intéressés à lire les textes des pairs parce que ceux-ci reprennent essentiellement

toujours les mêmes idées (déjà vues en classe).

Synthèse de la discussion Nous avons vu que notre étude confirme plusieurs propositions et constats déjà documentés

dans la revue de la littérature. Notamment, notre étude confirme certains risques associés

aux activités d’apprentissage collaboratif en ligne : le risque que l’étudiant plus impliqué ait

a assumer un surcroît de travail et le risque de mauvaise interprétation.

Notre étude se démarque par quatre contributions. Notre étude fournit une description du

vécu des étudiants face à l’implication variable des pairs. Notre étude explore quelques

contradictions notamment : la réaction négative des étudiants à l’obligation de donner un

feed-back malgré l’ouverture aux feed-back des pairs et la perception de l'impact de

l’interaction sociale en ligne sur la qualité des productions des étudiants. Notre étude

suggère qu’une limite à la collaboration puisse être liée à l’habitude du travail indépendant.

Notre étude suggère un enjeu relationnel de réciprocité entre les pairs, en ajout aux

composantes de la perception d’une présence sociale positive lors des interactions sociales

en ligne.

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177

Conclusion La présente étude s'intéressait aux aspects psychosociaux de la participation aux

interactions sociales en ligne dans un contexte d’apprentissage collaboratif. Nous avons

défini l'interaction sociale comme une situation d'interdépendance et un lieu où s’organise

le comportement. Afin de mieux comprendre comment se traduisent les effets de

l'interdépendance dans le vécu des étudiants nous nous sommes fixé comme objectif

d'explorer les difficultés vécues par les étudiants. Nous avons documenté le vécu des

étudiants lors de la réalisation de deux tâches qui impliquaient des interactions sociales

entre les pairs dans deux espaces virtuels numériques soit : des wikis et un site Internet

interactif.

Nous avons interrogé plus en profondeur huit étudiants (4 hommes et 4 femmes)

sélectionnés à partir des thèmes qu’ils avaient abordés dans deux questionnaires distribués

auprès de 27 étudiants volontaires (sur 72 étudiants inscrits au cours). La participation à

l'étude était sur une base volontaire. La méthodologie utilisée emprunte à la Grounded

Theory une méthode d’échantillonnage par l’alternance de séquences de cueillettes et

d’analyses des données recueillies. Conséquemment, les entrevues tenues avec les

participants n'ont pas fait l’objet d'un protocole unique. Les questions adressées à chacun

exploraient les thèmes émergents de l’ensemble des questionnaires et les thèmes abordés de

façon spécifique (dans les questionnaires) par chacun des répondants rencontrés en

entrevues individuelles. Les questions explorées en entrevues individuelles reflétaient aussi

la compréhension développée au fur et à mesure de l’investigation par l’étudiante-

chercheure.

Les difficultés vécues par les étudiants se sont avérées un aspect de l’interaction sociale en

ligne peu documenté dans la littérature scientifique. Le mérite de la présente étude est peut-

être d’avoir regroupé les observations éparses de chercheurs dans la revue de la littérature

et les témoignages des étudiants lors d'une mise en situation authentique. Plusieurs de nos

résultats confirment ou ajoutent aux observations antérieures des chercheurs sur des aspects

tels que : l’attitude envers la collaboration, l’ouverture aux feed-back des pairs, les risques

associés à l’interaction sociale médiatisée par l’ordinateur et à la réalisation de tâches

interdépendantes.

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178

D’une part, à partir des témoignages recueillis, nous avons obtenu des résultats intéressants.

L’interaction sociale dans un espace public virtuel et la communication médiatisée par le

texte suggèrent des enjeux relationnels entre les pairs qui pourraient être accentués par la

réduction des indices socio-émotifs liée à la CMO. Les activités d'apprentissage collaboratif

en ligne et la réalisation de tâches interdépendantes semblent introduire un changement

d’habitude de travail. Un tel changement d’habitude de travail nécessite plus d'implication

personnelle, la mise en place de pratiques structurelles dans le travail en équipe et le

développement d’habiletés relationnelles.

D’autre part, la discussion sur les résultats soulève un certain nombre de questions qui

renvoient aux limites de la présente étude. Nous conclurons ce travail par un énoncé de ces

limites et questions qui pourraient faire l’objet de recherches futures.

Limites de l’étude : Cette étude se voulait une exploration de l’interaction sociale à partir de la perspective des

étudiants. Conséquemment, nous avons recueilli leurs témoignages sans toutefois utiliser de

mesures comparatives autres que la revue de la littérature et le cadre théorique. Nous

n'avons pas confronté les témoignages des étudiants à des mesures standardisées tels que

les résultats scolaires. De même, nous n’avons pas établi au départ des critères de qualité

auxquels nous aurions pu comparer les feed-back échangés entre les étudiants. Nous nous

sommes intéressés à la perception qu’en ont eu les étudiants.

Nous étions préoccupée par l’interaction sociale conçue comme une situation

d'interdépendance et un lieu d’organisation du comportement. Nous avons centré notre

investigation surtout sur les difficultés vécues par les étudiants. Conséquemment, notre

étude documente presque uniquement les limites et les coûts associés à l'interaction sociale

en ligne dans une démarche d'apprentissage. Des avantages et des bénéfices nous sont

certainement restés inconnus puisque les participants perçoivent plutôt l'exercice comme

utile malgré les insatisfactions.

Nous avons choisi une exploration du vécu sur une population restreinte. Conséquemment,

les résultats obtenus ne sont valides que pour les personnes rencontrées et uniquement dans

le contexte du déroulement d’un cours et d’un groupe spécifique. Nous ne pouvons retenir

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179

les résultats de cette étude qu’à titre indicatif et en aucun cas généraliser ceux-ci à une

population plus étendue.

Pistes de recherche : Premièrement, nous avons montré quelques impacts de l’implication variable des pairs sur

le vécu des étudiants (surcroît de travail et déception). La proportion de non-collaboration

ou non-effort nous étonne. Il y aurait lieu d’explorer, sur une population plus étendue, le

degré de présence et les impacts de cette difficulté. L’interdépendance de la récompense ne

semble pas produire d’effet sur l’effort. La distribution égale de la récompense pourrait-elle

placer les étudiants en situation de relation non volontaire, occasionner un surcroît de

travail et produire un impact négatif sur la motivation ? De plus, dans un contexte

d'apprentissage collaboratif, l’implication variable des pairs pourrait-elle produire une

baisse de la qualité de l’apprentissage chez les personnes plus impliquées et chez les

personnes moins impliquées ? Comment concilier cette possibilité avec les études qui

montrent les impacts positifs de la collaboration sur l’apprentissage?

Deuxièmement, la collaboration pourrait non seulement être liée à un changement

d’attitude chez les étudiants mais aussi à changement d’habitude de travail. Ce changement

d’habitude de travail semble impliquer la capacité à mettre en place des pratiques

structurelles de travail en équipes et des habiletés relationnelles. Peut-être qu’il y a lieu de

documenter ces aspects de façon systématique. La référence, dans le témoignage des

étudiants à la nécessité de « réapprendre », nous suggère une limite à la capacité

d’inférence sur l’état d’une tâche. Le travail en équipe par division des tâches pourrait-il

être vu comme un sous-produit d’un apprentissage plutôt centré sur les contenus que sur les

habiletés interpersonnelles? Peut-être pourrions-nous aussi y voir un effet de contrainte

exercée par des agents institutionnels telle que la nécessité d’une évaluation qui conduit à

une certification ou un diplôme accordé aux individus ?

Troisièmement, les attentes de réciprocité suggèrent un caractère spécifique attribué à la

relation entre les pairs. Donner et recevoir du feed-back, entre pairs, semblent soulever des

enjeux relationnels liés à la confiance (la protection de l'image de soi, la légitimité de juger

le travail des pairs; la crainte des représailles et la peur de blesser) qui sont peut être

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accentués par la CMO ? Est-ce qu’il y aurait lieu de documenter cette dynamique des

enjeux relationnels entre les pairs ? Peut être y aurait-il lieu de vérifier les liens entre la

réduction des indices socio-émotifs dans un environnement virtuel numérique et la présence

d’enjeux relationnels de confiance et de réciprocité entre les pairs ?

Quatrièmement, l’interaction sociale dans un espace public virtuel engendre une

comparaison qui peut être vécue comme un support et/ou une complexité. Les témoignages

recueillis suggèrent qu’un risque d’uniformisation pourrait accroître ou réduire sous

certaines conditions la qualité des productions. Les effets du partage des textes dans un

espace public virtuel ne sont pas clairs. La comparaison entre les pairs, conduit-elle à plus

de créativité, le partage des travaux et l’échange de commentaires oriente-il une production

finale normée ? Quelles sont les circonstances qui influencent un accroissement de la

créativité ou une normalisation ? Comment, s’il y a lieu, la qualité des apprentissages en

est-elle influencée ?

Cinquièmement, la privation d’information sur la relation et le risque de mauvaise

interprétation, lors de l’interaction sociale en ligne, suggèrent que les étudiants se soient

trouvés dans une situation de désinformation. Ces interdépendances, lors d’interactions

sociales en ligne, pourraient-elles être vécues comme une situation indécidable tel que

Watzlawick (1972) la présente dans son illustration du dilemme des prisonniers ? Selon

Watzlawick (1972), la résolution de situations indécidables repose sur la confiance qu'une

personne peut avoir en l’information que l’autre possède sur soi. L’importance de la

confiance pourrait-elle se présenter dans un environnement virtuel non seulement comme

l’information obtenue sur l’autre, mais sur la confiance en l'information que l’autre détient

sur soi pour interpréter les messages ? Sans cette confiance, un impact potentiel sur le

sentiment de sécurité aurait-il pu inciter les étudiants à réagir avec une telle prudence que le

contact, entre eux, en soit sérieusement dilué ?

Sixièmement, malgré les difficultés et les déceptions la majorité des étudiants ont perçu

comme utile l’interaction sociale entre les pairs dans un espace public virtuel. Peut-être que

ce qui représente des avantages ou des impacts positifs nous a échappé vu que cela n’était

pas l’objet de notre étude. Peut-être qu’il y aurait lieu de documenter de façon systématique

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les impacts de l’interaction sociale en ligne sur la qualité de l’apprentissage dans des

environnements mixtes ou hybrides ? Quels pourraient être, par exemple, les liens entre la

qualité de l’apprentissage, l’expérience vécue et la perception des buts éducatifs associés

aux interactions sociales en ligne ?

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Annexe 1- Lettre aux participants Les sites interactifs en éducation…

Vous trouverez ci-joint une formule de consentement que je vous demande de signer si vous acceptez de participer à la recherche que je projette de mener. Ce projet porte sur les effets d'un partage et d'interactions forcées qui prennent place dans des espaces virtuels tel que vous, les étudiants, l'expérimentez dans ce cours. Dans un premier temps, je vais vous demander de compléter un inventaire qui porte sur le sens de la communauté. Ces informations vont me permettre d’inviter quelques-uns d'entre vous à répondre à un questionnaire pour chacune des trois étapes de la réalisation du premier travail exigé dans votre cours. Les informations recueillies par les questionnaires pourraient être précisées et enrichies au besoin par une entrevue individuelle. Vous êtes libre de participer ou non à la recherche. Si vous refusez, votre choix ne portera aucun préjudice à vos résultats scolaires puisque votre professeur n'en sera pas informé (les échanges entre la chercheure et les participants se feront par courrier électronique, je suis la seule utilisatrice de cet ordinateur). Le sens de la communauté est important dans les environnements virtuels d'apprentissage. Le sens de la communauté se développe à travers les interactions. (Wenger, McDermott, Snyder, 2002). La méthodologie du cours vise à faire expérimenter l'interaction dans un espace virtuel et pour ce faire propose des activités en face à face et des activités sur un site web interactif (php web site). Une des exigences consiste à partager en ligne vos travaux, à commenter et critiquer les travaux des autres et à refaire une analyse réflexive en tenant compte de l'influence des textes des autres et des critiques. Nous avons besoin de mieux connaître les effets psychosociaux de cette façon de procéder. De façon plus spécifique, je veux recueillir des données concernant votre vécu à chacune des trois étapes de réalisation de votre premier travail de session. Voici les grandes lignes sur la façon dont je recueillerai les données. Je procéderai en trois temps : 1. Un inventaire sur le sens de la communauté : ceux qui veulent participer à la première étape je vais

vous demander de compléter sur place cet inventaire qui comporte 20 items avec choix multiples. À partir des résultats je vais inviter un certain nombre de personnes à participer à l'étude.

2. Trois questionnaires : les personnes qui feront l'objet d'un suivi et à qui il sera demandé de compléter les trois questionnaires seront contactées par courrier électronique (coordonnées fournies lors de la remise du formulaire de consentement). Les questionnaires complétés seront transmis par courrier électronique et retournés à l'adresse de la chercheure. Les questionnaires comportent de 4 à 6 questions avec choix multiples et des sous-questions qui invitent à préciser et élaborer. Ces questions portent sur votre vécu c'est-à-dire comment vous percevez, ressentez et comment vous décidez d'agir.

3. Au besoin des entrevues individuelles semi-dirigées permettront d’enrichir et approfondir les données recueillies avec les questionnaires. Les participants seront invités par courrier électronique.

4. L’étudiante-chercheure observera aussi les interactions sur le site web du cours et assistera à quelques rencontres en face à face.

Dans le cadre des questionnaires et des entrevues enregistrées (enregistrement sonore seulement), l'analyse que j'effectuerai de votre discours veillera à préserver en tout temps la confidentialité. La première précaution sera de remplacer votre nom par un numéro, je conserverai le lien entre questionnaires, adresse électronique et identité jusqu'à la fin de l'étude afin de pouvoir inviter certains d'entre vous à participer à une entrevue individuelle. Tous les documents seront détruits à la fin de l'étude. Si l'un ou l'une de vous mentionne une idée qui permet de l'identifier, cette idée sera automatiquement exclue de mon analyse ainsi que des articles que je projette de publier sur les résultats de cette recherche.

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Par ailleurs, comme cette recherche vise à formuler une représentation ou schéma conceptuel du vécu interactionnel, les apports des uns et des autres seront fondus au portrait d'ensemble. Les discours qui se démarqueront seront regroupés et présentés, toujours de façon confidentielle, comme des ensembles de « cas particulier ». Seules l’étudiante-chercheure et la directrice de recherche pourront avoir accès aux données recueillies (sans lien avec le nom des personnes). Dans le but d’inviter certains à participer à des entrevues individuelles, la chercheure aura en main une liste de correspondance entre les adresses électroniques et les réponses aux questionnaires (ceci ne concerne que les neuf personne choisies pour participer à l'étude). Au terme de la rédaction toutes les données électroniques et enregistrements audio seront détruits. Je ne vais conserver que les fichiers relatifs à l'analyse des données lesquels ne permettent pas de retracer l'auteur d'un commentaire. Les résultats de cette recherche sous forme de mémoire, seront mis en ligne sur un site web pour lequel j'inscrirai un lien sur le site de votre cours. Vous pourrez aussi consulter mon mémoire à la bibliothèque de l'université. N'hésitez pas à communiquer avec moi pour toute information supplémentaire. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Merci de votre collaboration. Judith Horman Étudiante de maîtrise en technologie éducative Université Laval Numéro du CERUL 2003-333

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Annexe 2-Formule de consentement Formule de consentement pour les étudiants

et les étudiantes participant au projet de recherche «°Les sites interactifs en éducation°»

J'ai bien pris connaissance du projet de recherche dirigé par Judith Horman. Ce projet porte sur les effets d'un partage et d'interactions forcées qui prennent place dans des espaces virtuels tel que nous, les étudiants, l'expérimentons dans ce cours. Nous aurons à compléter un inventaire qui servira à inviter quelques-uns d'entre nous à répondre à un questionnaire pour chacune des trois étapes de la réalisation du premier travail exigé dans notre cours. Les informations recueillies par les questionnaires pourraient être précisées et enrichies au besoin par une entrevue individuelle. J'ai été informé(e) des buts de ce projet ainsi que des méthodes d'enquête retenues, des questionnaires et/ou des entrevues enregistrées. Les entrevues seront d'une durée d'environ 20 à 30 minutes. J'ai été informé(e) des mesures prises lors de l'analyse de la transcription de mes réactions :

• La première précaution prise par la chercheure consistera à remplacer mon nom par un numéro, je transmettrai mes questionnaires complétés par courrier électronique et le lien entre mon adresse électronique et mes questionnaires ne servira qu'à inviter quelques individus à participer aux entrevues, suite à quoi ce lien sera détruit.

• Si je développe une idée permettant de m'identifier, cette idée sera exclue du rapport de recherche et des diverses publications du chercheur.

J'ai également été informé(e) des aspects suivants:

• la confidentialité en tout temps ;

• la possibilité d'obtenir des renseignements professionnels au sujet du chercheur ;

• le droit de me retirer en tout temps de cette recherche, sans préjudice et sans être tenu(e) de préciser les motifs de ce retrait ;

• des données seront conservées pour fins d'analyse puis détruites à la fin de la recherche. � J'accepte de participer au projet de recherche. � J'accepte que l'entrevue soit enregistrée. Votre nom(en majuscule) :______________________________________________________ Coordonnées : No. de tél. : (____) ____-______ Courriel : _______________@_________________ Votre signature ______________________________________________________ La date : ____________________________________ Judith Horman Date Étudiante à la maîtrise en technologies éducatives Pour toutes critiques ou plaintes concernant ce projet communiquer avec : Ombudsman de l'Université Laval,Bureau 3320, Université Laval,Québec (Québec) G1K 7P4, (418) 656-3081 Numéro du CERUL 2003-333

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Annexe 3- Inventaire du sens de la communauté

Classroom Community Scale (CCS ou SCCI)

Développé et autorisé par Alfred P. Rovaï, PhD [email protected]

Copyright © 2002 by Alfred P. Rovai, PhD, All rights reserved

Numéro du CERUL 2003-333

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Inventaire du sens de la communauté dans une classe (SCCI)-Consignes°: Plus bas vous allez voir une série d'énoncés concernant un cours que vous suivez présentement ou que vous avez complétez récemment. Prenez le temps de lire chaque énoncé et, à droite de l'énoncé, placez un X dans la parenthèse qui exprime le mieux ce que vous ressentez dans ce cours. Vous pouvez utiliser un crayon ou un stylo. Il n'y pas de réponse correcte ou incorrecte. Si vous n'êtes ni en accord ni en désaccord avec l'énoncé placez votre X dans la zone neutre(N). Ne prenez pas trop de temps pour donner votre réponse, donner la réponse qui semble le mieux décrire comment vous vous sentez. S'il vous plaît, répondez à tous les items. Merci. Fortement

d'accord D'accord Neutre Désaccord Fortement

en désaccord

1. Je sens que les étudiant(e)s, dans ce cours, sont importants les unspour les autres

(FA) (A) (N) (D) (FD)

2. Je me sens encouragé(e) à poser des questions

(FA) (A) (N) (D) (FD)

3. Je me sens en contact (relié) avec les autres personnes dans ce cours

(FA) (A) (N) (D) (FD)

4. Je sens qu'il est difficile d'obtenir de l'aide, quand j'ai une question

(FA) (A) (N) (D) (FD)

5. Je ne sens pas un esprit de communauté

(FA) (A) (N) (D) (FD)

6. Je sens que je reçois des feed-back au bon moment

(FA) (A) (N) (D) (FD)

7. Je sens que ce groupe est comme une famille

(FA) (A) (N) (D) (FD)

8. Je me sens mal à l'aise de montrer les lacunes dans ma compréhension

(FA) (A) (N) (D) (FD)

9. Je me sens isolé(e) dans ce cours

(FA) (A) (N) (D) (FD)

10. Je me sens réticent(e) à parler ouvertement

(FA) (A) (N) (D) (FD)

11. Je fais confiance aux autres dans ce cours

(FA) (A) (N) (D) (FD)

12. Je sens que ce cours produit peu d'apprentissages

(FA) (A) (N) (D) (FD)

13. Je sens que je peux compter sur les autres dans ce cours

(FA) (A) (N) (D) (FD)

14. Je sens que les autres étudiants ne m'aident pas à apprendre

(FA) (A) (N) (D) (FD)

15. Je sens que les autres membres de ce cours comptent sur moi

(FA) (A) (N) (D) (FD)

16. Je sens qu'on me donne amplement d'opportunités d'apprendre

(FA) (A) (N) (D) (FD)

17. Je me sens incertain(e) à propos des autres dans ce cours

(FA) (A) (N) (D) (FD)

18. Je sens que mes besoins éducationnels ne sont pas satisfaits

(FA) (A) (N) (D) (FD)

19. Je me sens confiant(e) que les autres vont me supporter

(FA) (A) (N) (D) (FD)

20. Je sens que ce cours ne fait pas la promotion du désir d'apprendre (FA) (A) (N) (D) (FD)

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Annexe-4 Échantillonnage à partir du SCCI Rovaï a construit une échelle de mesure standardisée sur un total possible de 80 points composé

des deux scores de 40 points chacun. Ainsi le sens de la communauté mesuré par cet inventaire

est constitué de deux composantes: l’importance de l’apprentissage et le sentiment d'être relié aux

autres. Selon Rovaï un score de 40 points sur 80 représente un score moyen.

Dans notre étude globalement les étudiants des deux groupes obtiennent plus fréquemment des

résultats au-dessus de 40 points au total et au-dessus de 20 points pour chacune des composantes.

Les étudiants des deux groupes (sections A et B du cours) obtiennent plus fréquemment des

résultats élevés sur la dimension de l’apprentissage plutôt que sur le sentiment d’être relié aux

autres.

Nous n’avons pas fait de traitement statistique de ces données. Notre but étant seulement de

fournir une indication sur la variété des sujets participants à notre étude. Nous avons considéré

les résultats entre 38 à 48 (sur un total de 80) comme moyen. Le lecteur peut consulter, au tableau

4, les score des 27 étudiants qui se sont portés volontaire pour la recherche. Le tableau 4 illustre

aussi le nombre de personnes qui ont répondu aux questionnaires et parmi celles-ci le nombre de

personnes qui ont été rencontré en entrevues.

Tableau 4-Échantillonnage à partir du score au SCCI

Groupe-B Score des personnes volontaires (27)

Réponses reçues aux questionnaires

Sélectionné pour l’entrevue individuelle

Groupe-A Score des personnes volontaires

Réponses reçues aux questionnaires

Sélectionné pour l’entrevue individuelle

total élevé 3 pers

2 personnes 1 personne GA-HT : 4 pers

3 personnes 2 personnes

élevé sur l’apprentissage 3 pers

2 personne 2 personnes GA-HL 6 personnes

1 personne 1 personne

élevé sur le sentiment d’être relié 1 pers

1 personne aucun aucun aucun aucun

total moyen 4pers

1 personne 1 personne total moyen 4 pers

2 personnes 1 personne

total faible 1pers

aucun n’a complété les questionnaires

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Annexe-5 Grille d’observation et élaboration des deux questionnaires 1) L’observation

L’objectif principal de l’observation en classe, sur le site Internet et les wikis était d’être

informée des événements et incidents qui pourraient être mentionné par les participants dans leurs

réponses aux questionnaires ou en entrevue. Le deuxième objectif de cette observation était de

valider la pertinence des questions et le choix de réponses aux deux questionnaires. Nous

présentons brièvement les points qui ont retenu notre attention lors de 1) l’observation en classe

et 2) lors de l’observation dans les espaces virtuels numériques.

A-L’observation en classe :

• les sujets abordés par le professeur,

• le déroulement des exercices pratiques,

• le sens des travaux à réaliser,

• les consignes sur les travaux à réaliser,

• les questions des étudiants,

• l’espace et la disposition physique des étudiants dans le laboratoire,

• la présence ou l’absence d’interactions entre les étudiants pendant les exercices pratiques.

B-L’observation dans les espaces virtuels numériques :

Le site Internet :

• Des indications de fréquentation du site Internet (réponses au quiz, messages envoyés sur le site) ;

• Des indications des difficultés rencontrées (demandes d’aide, réactions à des événemetns ou exigences) ;

• Des indications de présence dans les espaces virtuels numériques (réponses aux messages affichés, support, allliance, information, opinions etc.).

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Les wikis :

• Des indications sur les pratiques de travail en équipe dans les wikis (fréquence d’intervention de chacun des membres de l’équipe dans le wiki de l’équipe, questions et discussions liées au travail à produire ;

• Des indications sur la progression du travail à produire (degré d’élaboration progressive des pages wikis de l’équipe, ex. certaines équipes n’ont rien écrit dans leur wiki sauf un texte final) ;

• Des indications sur la manière dont les équipes utilisent cet espace (nombre de pages wiki créé par les équipes et utilisation de celles-ci ex. partage de ressources, forum de discussion, présentation de l’équipe).

2) Élaboration des questionnaires

Les principales considérations qui ont retenu notre attention lors de l’élaboration des deux

questionnaires sont de trois ordres : A) solliciter plusieurs dimensions du vécu, B) offrir des

questions fermées (choix multiples de réponses) et des questions ouvertes (développement de

l’expression personnelle) C) explorer la présence des difficultés mentionnées dans la revue de la

littérature.

A-Plusieurs dimensions du vécu :

Notre préoccupation a été de proposer des questions qui sollicitent trois dimensions de

l’expérience vécue : émotives (émotions, sentiments), cognitives (perception, jugement,

évaluation, opinion) et comportementales (des gestes posés ou non, des réactions traduites en

comportements). Les questions 2 et 3 du questionnaire 1 sont un exemple de questions qui

explorent une dimension plus émotive et qualitative de l’expérience; les questions 4 et 5 du

même questionnaire sont un exemple de questions plus cognitives qui sollicitent une évaluation

ou une perception.

B-Offrir des questions fermées et des questions ouvertes :

Notre préoccupation était ici de faciliter et même susciter la transmission d’information en

amenant les étudiants à se prononcer sur un choix de réponse puis en demandant d’expliciter leur

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positionnement. Nous avons pris soin de proposer un choix de réponse « autre » afin de laisser

une ouverture sur des réponses alternatives imprévues.

C-Explorer la présence des difficultés mentionnées dans la revue de littérature :

Lors de la rédaction des questions et des choix de réponses nous avons retenu des thèmes

pertinents dans le contexte des deux tâches à réaliser soit le travail en équipe virtuel dans les

wikis, l’obligation de formuler un commentaire sur les textes des pairs, la médiatisation de la

communication par le texte dans un espace public, la perception de la pertinence et la valeur

accordée aux tâches proposées.

Puisque nous avions l’objectif d’explorer les difficultés vécues, la question-1 du questionnaire-1

demande directement aux étudiants de se prononcer surcelles-ci. Les choix de réponses à cette

question sont principalement issus de nos observations des interactions et des messages échangés

dans les espaces virtuels du cours. À titre d’exemple plusieurs personnes demandaient des

explications additionnelles sur les tâches à réaliser. Nous avons donc formulé un choix de

réponse concernant la difficulté « à comprendre le travail à faire ». D’autres choix de réponses

sont issus de la revue de la littérature tel que « la difficulté à comprendre la technologie des

wikis » réfère aux études sur le confort avec les technologies utilisées. De même dans le

questionnaire –2 nous demandons directement aux étudiants de se prononcer sur ce qui a

influencé le plus leur participation. Cette façon de procéder nous permettait d’identifier les

incidents critiques à explorer en limitant l’interprétation qu’aurait pu en faire l’étudiante-

cherheure.

Le questionnaire–2 qui portait spécifiquement sur l’échange de feed-back a été structuré afin de

permettre une exploration des trois temps de cette interaction soit le geste posé de donner un texte

ou un feed-back, le geste attendu et obtenu de recevoir un feed-back. Cette exploration respecte

notre définition de l’interaction sociale (Chapitre1) conçue comme une action, une réponse à

cette action et l’effet de celle-ci sur la personne qui la reçoit.

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Annexe 6-Questionnaire 1 : Co-construction et partage de textes Rappel des objectifs : Je veux documenter le vécu interactionnel dans un espace virtuel. Plus précisément je vous demande de me décrire comment vous vous sentez et comment vous réagissez à cette co-construction et à ce partage de textes sur le site web du cours. Je veux aussi savoir comment vous décidez d’agir ou de vous comporter dans cette situation. Les questions suivantes ont pour but de vous aider à m’exprimer ceci. Votre questionnaire sera traité sur une base strictement confidentielle. Merci de nous consacrer de votre temps. Consignes :

• Enregistrez ce questionnaire sur votre ordinateur afin de le compléter

• Répondez à chaque question après l’avoir lue attentivement

• Vérifiez que vous avez répondu à toutes les questions.

• Faites le parvenir en pièce attachée à l'adresse électronique qui vous aura été fournie. 1- Au cours du travail de co-construction dans les wikis quelle est ou quelles sont les difficultés rencontrées? Placez un X devant l’énoncé correspondant le mieux à votre vécu et précisez à la question suivante: (vous pouvez cocher plus d’un énoncé mais assurez-vous de préciser, à la sous question qui suit) (....) Aucune difficulté (....) Comprendre la technologie des wikis (....) Comprendre le travail à faire (....) S'organiser entre nous dans les wikis (....) Produire et travailler à partir des synthèses individuelles dans les wikis (....) Produire le texte final en co-construction dans les wikis (....) Que chacun collabore de façon équitable dans les wikis (....) Autre. Précisez en nommant la difficulté: ( ) Et dites comment vous avez résolu cette (ces)difficulté(s)? 2cp((((((( E 3l

-Comment résumez-vous votre expérience de co-construction dans les wikis? Placez un X devant la aractéristique qui correspond le mieux à votre expérience et dites pourquoi à la question suivante: (vous ouvez cocher plus d’une caractéristique mais assurez-vous de dire pourquoi à la sous question suivante) ....) CONFUSION ....) PLAISIR ....) ORIGINALE ....) ORDINAIRE ....) PÉNIBLE ....) ENTRE-AIDE ....) AUTRE. Préciser en nommant ce qui caractérise votre expérience ( )

t dites pourquoi :

-Au moment de mettre votre texte en ligne, comment vous sentiez-vous, qu'est-ce qui vous habitait e plus ? Placez un X devant l’émotion ou le sentiment correspondant le mieux à votre vécu et précisez à

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202

la question suivante: (vous pouvez cocher plus d’une émotion ou sentiment mais assurez-vous de préciser , à la sous question qui suit) (....) INQUIÈTUDE (....) ENTHOUSIASME (....) PEUR (....) ESPOIR (....) NERVOSITÉ (....) CONFIANCE (....) RÉTICENCE (....) SATISFACTION (....) INDIFFÉRENCE (....) AMBIVALENCE (....) CURIOSITÉ (....) AUTRES. Précisez en nommant le sentiment ou l’émotion (……………………). Et précisez en racontant votre dialogue intérieur (ce que vous pensez et ce que vous décidez de faire):

4P(( E 5s((( E Nd NJÉUN

Je me dis que.... Je me demande si... Je décide de....

-Est-ce que votre texte aurait été différent si vous vous l'aviez remis seulement à votre professeur? lacez un X devant la réponse correspondant à votre situation :

....) OUI

....) NON

t dites pourquoi :

-Par rapport à l’ensemble du cours, comment percevez-vous l'utilité de faire ce partage de textes ur le site web du cours? Placez un X devant la réponse correspondant à votre perception. ....) TRÈS UTILE ....) UTILE ....) INUTILE

t dites pourquoi :(qu'est-ce que ceci ajoute ou empêche?)

ote: Dans ce document, le générique masculin est utilisé sans discrimination et uniquement dans le but 'alléger le texte.

ous vous remercions pour votre participation, votre aide est grandement appréciée. udith Horman tudiante à la maîtrise en technologie éducative niversité Laval uméro du CERUL 2003-333

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Annexe 7-Questionnaire 2 : Échange de feed-back Rappel des objectifs : Je veux documenter le vécu interactionnel dans un espace virtuel. Plus précisément je vous demande de me décrire comment vous vous sentez et comment vous réagissez à cet échange de commentaires critiques, sur les textes que vous avez partagés sur le site web du cours. Je veux aussi savoir comment vous décidez d’agir ou de vous comporter dans cette situation. Les questions suivantes ont pour but de vous aider à m’exprimer ceci.Votre questionnaire sera traité sur une base strictement confidentielle. Merci de nous consacrer de votre temps. Consignes :

• Enregistrez ce questionnaire sur votre ordinateur afin de le compléter

• Répondez à chaque question après l’avoir lue attentivement

• Vérifiez que vous avez répondu à toutes les questions.

• Faites le parvenir en pièce attachée à l'adresse électronique qui vous aura été fournie. 1- Au moment D'ÉCRIRE vos commentaires critiques sur les textes de vos collègues, comment vous sentiez-vous, qu'est-ce qui vous habitait le plus? Placez un X devant l’émotion ou le sentiment correspondant le mieux à votre vécu et précisez à la question suivante: (vous pouvez cocher plus d’une émotion ou sentiment mais assurez-vous de préciser , à la sous question qui suit) (....) INQUIETUDE (....) ENTHOUSIASME. (....) PEUR (....) ESPOIR. (....) NERVOSITÉ. (....) CONFIANCE (....) RÉTICENCE (....) SATISFACTION. (....) INDIFFÉRENCE. (....) AUTRES. Précisez en nommant le sentiment ou l’émotion (…………………..) Précisez, dites pourquoi : 2-Comment réagissez-vous aux COMMENTAIRES REÇUS? Placez un X devant l'item le plus pertinent pour vous: (vous pouvez cocher plus d’une émotion ou sentiment mais assurez-vous de préciser , à la sous question qui suit) (....) COLÈRE (....) TRISTESSE (....) ENTHOUSIASME (....) CONFUSION (....) SATISFACTION (....) COLÈRE (....) ENCOURRAGEMENT (....) INQUIÈTUDE (....) CONFIANCE (....) AUTRES. Précisez en nommant le sentiment ou l’émotion (…………………..)

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Précisez l'effet que ceci produit chez vous : résumez ce que vous retenez des COMMENTAIRES REÇUS, racontez comment vous comprenez ceux-ci , dites ce que vous décidez de faire suite à ces commentaires .

3Ppc(((((( Ea

4Cc((( E NtNJÉ

Ce que je retiens des commentaires reçus : (J'accepte...,Je n'accepte pas..., Je ne comprend pas...) Comment je comprends des commentaires reçus: (Je me dis que....,Je me demande si..., Je pense que…) Ce que je décide de faire : (Je décide de....)

-Quelle situation INFLUENCE le plus votre ENGAGEMENT ET VOTRE PARTICIPATION? lacer un X devant la situation qui correspond le mieux à votre vécu et répondez aux sous-questions:(vous ouvez choisir plus d'une situation mais vous devez répondre à toutes les sous questions des situations hoisies) ....) le fait que ces interactions se passent dans un espace publique ( le site web) ....) le fait que vous ayez reçu des commentaires sur votre texte ....) le fait que vous soyez obligé de faire des commentaires critiques ....) le fait de faire des commentairs critiques sous forme de texte plutôt que de vive voix ....) le fait d'avoir lu les textes des autres ....) AUTRES. préciser en décrivant la situation qui vous influence (..........…………..)

t précisez COMMENT CECI INFLUENCE votre engagement et votre participation, en répondant ux sous-questions suivantes:

-Par rapport à l’ensemble du cours, comment percevez-vous l'utilité de faire ces OMMENTAIRES CRITIQUES sur le site web du cours? Placez un X devant la réponse

orrespondant à votre perception. ....) TRÈS UTILE ....) UTILE ....) INUTILE

t dites pourquoi : (qu'est-ce que ceci ajoute ou empêche?)

ote : Dans ce document, le générique masculin est utilisé sans discrimination et uniquement dans le but d'alléger le exte. ous vous remercions pour votre participation, votre aide est grandement appréciée.

udith Horman tudiante à la maîtrise en technologie éducative,Université Laval, Numéro du CERUL 2003-333

Comment cette situation influence votre engagement et votre participation? Quel effet ceci produit sur vous? Et pourquoi? Comment décidez-vous de vous comporter dans cette situation et pourquoi?

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Annexe-8 Compilation des réponses à choix multiple des questionnaires 1 et 2 Questionnaire 1 : 1- Au cours du travail de co-construction dans les wikis quelle est ou quelles sont les difficultés rencontrées? (2) Aucune difficulté (1) Comprendre la technologie des wikis (5) Comprendre le travail à faire (1) S'organiser entre nous dans les wikis (2) Produire le texte final en co-construction dans les wikis (6) Que chacun collabore de façon équitable dans les wikis (0) Autre. 2-Comment résumez-vous votre expérience de co-construction dans les wikis? (3) CONFUSION (3) PLAISIR (4) ORIGINALE (3) ORDINAIRE (3) ENTRE-AIDE (1) AUTRE. (adaptation) 3-Au momment de mettre votre texte en ligne, comment vous sentiez-vous, qu'est-ce qui vous habitait le plus ? (2) INQUIÈTUDE (3) NERVOSITÉ (4) CONFIANCE (4) SATISFACTION (2) INDIFFÉRENCE (1) AMBIVALENCE (0)AUTRES. 4-Est-ce que votre texte aurait été différent si vous vous l'aviez remis seulement à votre professeur?: ( 2) OUI (10) NON 5-Par rapport à l’ensemble du cours, comment percevez-vous l'utilité de ce partage de textes sur le site Internet du cours? ( 1) TRÈS UTILE (10) UTILE (0) INUTILE

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Questionnaire 2 : 1-Au momment D'ÉCRIRE vos commentaires critiques sur les textes de vos collègues, comment vous sentiez-vous, qu'est-ce qui vous habitait le plus? (1) INQUIETUDE (3) ENTHOUSIASME. (2) CONFIANCE (1) RÉTICENCE (2) SATISFACTION. (3) INDIFFÉRENCE. (0) AUTRES. 2-Comment réagissez-vous aux COMMENTAIRES REÇUS? (..1..) ENTHOUSIASME (..2. ) SATISFACTION (..2..) ENCOURRAGEMENT (..1.) CONFIANCE (....) AUTRES. (…3 Déçu ; 1 normal ; 1 contente) 3-Quelle situation INFLUENCE le plus votre ENGAGEMENT ET VOTRE PARTICIPATION? (1) le fait que ces interactions se passent dans UN ESPACE PUBLIQUE ( le site web) (0) le fait que vous AYEZ REÇU des commentaires à votre texte (5) le fait que vouS SOYEZ OBLIGÉ DE FAIRE des commentaires critiques (2) le fait de faire des commentairs critiques SOUS FORME DE TEXTE plutôt que de vive voix (2) le fait D'AVOIR LU les textes des autres (0) AUTRES. 4-Par rapport à l’ensemble du cours, comment percevez-vous l'utilité de faire ces COMMENTAIRES CRITIQUES sur le site web du cours? (2) TRÈS UTILE (4) UTILE (2) INUTILE

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Annexe 9- Identification des incidents critiques Nous présentons ici l’essentiel des réponses aux questionnaires 1 et 2 qui nous ont conduit à

identifier cinq incidents critiquess. Trois incidents sont reliés à la co-construction dans les wikis.

Deux incidents sont reliés à l’échange de feed-back sur le site interactif du cours.

La tâche de co-construction dans les wikis

Parmi les douze participants qui ont répondu au premier questionnaire, deux ont déclaré n’avoir

eu aucune difficulté dans l’activité de co-construction et de partage de textes. Les 10 autres

étudiants ont rapporté avoir eu des difficultés principalement sur trois aspects : 1) obtenir la

collaboration des pairs, 2) comprendre le travail à faire, et 3) produire un texte en co-

construction.

Suite à la tenue des entrevues individuelles nous avons regroupé les données concernant les

difficultés «à comprendre la technologie des wikis» et «à s'organiser entre nous dans les wikis»

avec la difficulté « à produire le texte final en co-construction dans les wikis».

En réponse à la question «Au cours du travail de co-construction dans les wikis quelle est ou

quelles sont les difficultés rencontrées? » les étudiants ont répondu :

( 2 ) Aucune difficulté ( 1 ) Comprendre la technologie des wikis ( 5 ) Comprendre le travail à faire ( 1 ) S'organiser entre nous dans les wikis ( 2 ) Produire le texte final en co-construction dans les wikis ( 6 ) Que chacun collabore de façon équitable dans les wikis ( 0 ) Autres

La tâche d’échange de feed-back sur les textes partagés

Les neuf personnes(sur 12) qui ont complété le deuxième questionnaire ont rapporté trois

situations qui ont principalement influencé leur l’engagement et leur participation (lors de

l’échange de feed-back sur les textes partagés) soit, 1) l’obligation de donner un feed-back, 2)

l’échange de feed-back sous forme de texte et 3) le caractère public de l’interaction sociale.

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208

Comme nous le verrons plus loin la plus répandue des trois situations soit, cinq personnes sur

neuf, a influencé négativement la participation : cinq personnes sur neuf ont réagi négativement

à l'obligation de donner un feed-back sur le texte des pairs. La deuxième situation à influencer la

participation soit, l’échange de feed-back sous forme de texte dans un espace virtuel, révèle

certaines difficultés ou enjeux liés à la relation entre les pairs.

La troisième situation a influencé positivement la participation : trois personnes sur neuf ont

réagi positivement au caractère public de l’interaction sociale dans un espace virtuel. Cependant

ces réactions sont plutôt liées à la tâche de co-construction dans les wikis. Conséquemment, nous

avons regroupé ces données avec les précédentes dans la section qui porte sur la difficulté à

comprendre le travail à faire. En réponse à la question «Quelle situation influence le plus votre

engagement et votre participation? » les étudiants ont répondu :

( 1 ) Le fait que ces interactions se passent dans un espace publique ( le site Internet) ( 0 ) Le fait que vous ayez reçu des commentaires sur votre texte ( 5 ) Le fait que vous soyez obligé de faire des commentaires critiques ( 2 ) Le fait de faire des commentaires critiques sous forme de texte plutôt que de vive voix ( 2 ) Le fait d'avoir lu les textes des autres ( 0 ) Autres

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Annexe-10 Tableau 6- Incidents critiques explorés en entrevues individuelles Travail en équipe

(aucune équipe n’a réalisé une co-construction dans les wikis) Échange de feed-back

Sujet Difficulté rencontrée

La difficulté redéfinie en entrevue

Relation avec les pairs

Utilité perçue Ce qui influence la participations

Relation avec les pairs

risques Utilité perçue

S-3

Obtenir une collaboration équitable

Implication et effort minimum de pairs; responsabilité (pas de réponse aux demandes de collaboration)

Attente envers les pairs d’un intérêt pour le travail en équipe

Si les gens s’impliquent

Être obligé Différence d’âge et d’expérience, utilité non perçu par les pairs Peu de valeur des feed-back, superficiel et similaire

Manque de spontanéité

Inutile, manque d’implication, apprendre à donner des feed-back

S-6

Co-construction dans le virtuel; obtenir une collaboration équitable

Adaptation à la nouveauté de la tâche; la CMO, possibilité que les autres changent le texte, incertitude

Composer avec les différences : style, compétences, disponibilité

Changement d’habitude, besoin d’apprendre cette méthode, requiert plus d’effort, texte plus précis

comparaison entre les pairs, ne sait pas si le travail répond aux attentes des pairs et du professeur

S-7

Obtenir une collaboration équitable

Une personne ne collabore pas, les deux autres font le travail à sa place

Ambiguïté :concilier les attentes des pairs et du professeur

Utile pour le contenu des recherches mais confusion, insécurité, incertitude

Évaluation du prof. tiendra compte des commentaires des pairs, insécurité comparaison aux pairs

S-8 Comprendre travail à faire

Co-construction, différence de personnalité (a travaillé par courrier électronique)

Attente envers les pairs de plus d’autonomie

Un cours bonbon, production des pairs sans intérêt, apprentissage autodidacte

Être obligé Pas d’intérêt pour les textes ou les feed-back des pairs. La seule motivation est l’obligation

Risque d’uniformisation des textes

Inutile de commenter ces textes

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210

Tableau-6 Suite Travail en équipe

(aucune équipe n’a réalisé une co-construction dans les wikis) Échange de feed-back

Sujet Difficulté rencontrée

La difficulté redéfinie en entrevue

Relation avec les pairs

Utilité perçue Ce qui influence la participations

Relation avec les pairs

risques Utilité perçue

S-15

Obtenir une collaboration équitable

Une personne ne collabore pas

Alliance de 2 personnes qui confrontent et obtiennent la collaboration partielle de la troisième personne

La CMO favorise la distribution des innovations dans le virtuel, valide la compréhension des attentes du professeur

Espace public virtuel

Ouverture, aide à améliorer, protection de l’image de soi, crainte des représailles, feed-back superficiel, déception, pas d’effort réciproque

Risque mauvaise interprétation. La CMO prend plus de temps et d’effort rendre recevable, texte plus difficile

Permet un retour critique sur les productions personnelles

S-16 i

Comprendre travail à faire

Changement d’habitude de travail, le face à face est meilleure. Confusion.

Les attentes envers les technologies sont différentes

Travailler à distance, à son rythme, apprentissage par essai-erreur, dirigé par le professeur

Avoir lu les textes des auteurs (pas les textes des pairs)

Difficile avec des personnes connues, peur de blesser, différence amitié et travail, appréhension des réactions. Déception, effort de lire, connaître le sujet

Risques de mauvaise interprétation et de non-qualité. La CMO introduit des délais, expression écrite plus difficile

Apprendre à donner feed-back. Changement habitude. Potentiel d’amélioration du travail.

S-17

Comprendre travail à faire; comprendre la technologie

Demande d’explication au professeur et aux autres équipes

Entraide Virtuel non pertinent pour les personnes qui se fréquentent régulièrement

Feed-back donné par texte

Ne pas savoir si l’autre est ouvert, Réciprocité des efforts, être juste dans les commentaires

CMO : risque mauvaise interprétation. Être bien reçu et perçu

Très utile, recevoir des critiques selon plusieurs points de vue

S-24

Co-construction dans virtuel

La CMO : les délais introduisent une dépendance.

Dépend de l'effort et de l’intérêt des pairs

Non essentiel, apprentissage par la production du travail exigé

Être obligé Légitimité à évaluer les pairs, méconnaissance du sujet par les pairs, pas d’effort et d’intérêt, déception

Inutile. n’aide pas à s’améliorer