Tradition and Innovation in the Ancient Near East Proceedings of the 57th Rencontre Assyriologique Internationale at Rome 4–8 July 2011 edited by ALFONSO ARCHI in collaboration with Armando Bramanti Winona Lake, Indiana EISENBRAUNS 2015 Early Byzantine mosaic from the Hama Museum Offprint From:
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Une armure expérimentale du Premier Millénnaire av. J.-C.
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Tradition and Innovation in the Ancient Near East
Proceedings of the 57th Rencontre Assyriologique Internationale at Rome
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Rencontre assyriologique internationale (57th : 2011 : Rome, Italy)Tradition and innovation in the ancient Near East : proceedings of the 57th
Rencontre Assyriologique Internationale at Rome 4–8 July 2011 / edited by Alfonso Archi in collaboration with Armando Bremanti.
History—To 622—Congresses. 3. Assyriology—Congresses. I. Archi, Alfonso. II. Bremanti, Armando. III. Title. IV. Title: Proceedings of the 57th Rencontre Assyriologique Internationale at Rome 4–8 July 2011.
Hereditary Transmission of Specialized Knowledge in Hittite Anatolia: The Case of the Scribal Families of the Empire Period . . . . . . . . 577
giuliA torri
The Transmission of Offices, Professions, and Crafts within the Family in the Neo-Assyrian Period . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 587
hEAthEr D. bAkEr
Families, Officialdom, and Families of Royal Officials in Chaldean and Achaemenid Babylonia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 597
M. JursA
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Une Armure Expérimentale du Premier Millénaire av. J.-C.
Fabrice De BackerlouvAin
IntroductionL’ensemble d’écailles PK06 04055.0002–11 fut découvert lors de la campagne de
fouilles archéologiques effectuées à Zeyve Höyük en 2006 (Fig. 1–3). 1
Ce mobilier, encore peu attesté dans la région, permet d’étoffer la connaissance actuelle des armures du Proche-Orient ancien durant le Premier millénaire avant notre ère.
I. Contexte de la découverteL’ensemble d’écailles apparut durant la campagne de fouilles de Porsuk 2006, le
16 août, sur la pente Est du Chantier IV, sur le sol 04055, à proximité d’un fond de jarre, à ∆103, 16. 2 Celle-ci se situe au sommet d’un système défensif, Caisson n° 2, et au-dessus d’une couche de destruction datée du niveau V de Porsuk, qui correspond à la fin de la période hittite impériale. 3
II. Le lot d’écailles 4Les neuf plaquettes rectangulaires de fer découvertes présentent une surface
doublement bombée, dans le sens de la largeur et dans celui de la longueur (Fig. 1–3). 5 Sur la face longitudinale bombée de chacune d’entre elles, malgré l’état parfois délabré de certaines, on remarque une berme centrale convexe, aux extrémités arrondies. Sur chaque extrémité des plaquettes, bien que souvent celle-ci manque suite à la brisure ou à l’érosion de l’objet, trois perforations organisent l’espace disponible en deux secteurs relativement égaux: un trou près de chaque angle, et un troisième entre eux, dans l’axe de la berme centrale.
Chacune des plaquettes complètes mesure entre 6 et 7 cm de long sur 1,5 cm de large et presque 3 mm d’épaisseur maximale à la berme centrale.
Au moment du dégagement, l’ensemble était disposé sur un registre horizontal, dont chaque écaille, couverte en partie par la précédente, couvrait une partie de la
1. D. Beyer. “Zeyve Höyük (Porsuk): Rapport sommaire sur la campagne de fouilles de 2006” Ana-tolia Antiqua 15 (2007), 298, fig. 14.
suivante. Sur l’extrémité gauche de cette bande métallique, une écaille particulière mérite d’être signalée.
En effet, l’objet dénommé 04055.04 comporte, en plus des caractéristiques essentielles des autres éléments, une série de trois perforations supplémentaires sur la face longitudinale. 6
Constituées de fer, très oxydées, et très fragiles, les écailles furent prélevées in situ après avoir été enduites de Peg 2000 dilué dans l’acétone à 70 %, ce qui permit d’en récupérer certaines dont les multiples fragments pouvaient se perdre aisément dans la terre. 7
III. TypologieQuelques définitions permettront au lecteur de comprendre les termes plus
spécifiques qui seront utilisés dans les paragraphes suivants. Ceux-ci porteront respectivement sur l’origine et l’évolution de la cotte d’écailles au Proche-Orient ancien, avant de proposer une identification possible pour les écailles de Porsuk.
a. Définitions actuellesDans ce premier paragraphe, on établira une définition particulière pour chaque
type de protection qui pourrait être représenté par ces plaquettes de métal, afin
6. Ibid., 298, fig. 14.7. Le matériel a été déposé au Musée de Niğde.
Fig. 1. L’ensemble des écailles PKO6 04055.0002-11 dé-couvertes à Porsuk. Photographie Mission Archéologique de Porsuk.
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de pouvoir proposer l’une ou l’autre possible identification. Les principaux types de protection que nous passerons en revue seront la cotte de mailles et la cotte d’écailles.
1. La cotte de maillesElle est constituée de plusieurs centaines d’anneaux entrelacés et solidarisés par
le moyen de rivets ou d’autres anneaux. Contrairement à une erreur de nomenclature fortement répandue dans la littérature, les plaquettes métalliques découvertes au Proche-Orient ancien, les monuments figurés et les textes ne permettent en aucun cas de penser que ce type d’armure fut utilisé dans cette région avant la période gréco-romaine.
Fig. 3. L’écaille PK06 04055.04, dotée de trois perforations supplé-mentaires. Photographie Mission Archéologique de Porsuk.
Fig. 2. L’ensemble PK06 04055.0002-11. Dessins de A. Horren-berger (Beyer, 2007: 298, fig. 14).
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Fig. 4. Fragment de panse du style dit “Phrygian” Ware, découvert à proximité des écailles PK06 04055.0002-11. Dessin de l’auteur.
2. La cotte d’écaillesCe type d’armure se décline en deux variantes,
principalement différenciées par le mode de fixation des éléments qui les composent.
Un premier modèle est constitué de plusieurs petites plaquettes reliées et cousues sur un support de cuir ou de tissu. La confection de registres horizontaux permet de réaliser de longues bandes d’écailles dont chacune recouvre le flanc de celle qui la suit, afin de renforcer la résistance de l’ensemble aux coups qui y sont portés. Les armuriers utilisaient, bien sûr, de nombreuses techniques de laçages différentes qui se reflètent sans aucun doute dans le nombre, la position et l’agencement des perforations réalisées sur la surface des écailles. 8
La variante de ce modèle, principalement observée sur les monuments et matériels d’époques romaine et plus tardives, repose sur l’assemblage des écailles entre elles, par le truchement d’anneaux métalliques, sans
recourir au support de cuir ou de tissu. Bien évidemment, le choix de l’un ou l’autre type d’armure reposait certainement sur les possibilités matérielles et les conditions de combat propres aux civilisations concernées.
Comme le lecteur l’a certainement déjà compris, les plaquettes métalliques découvertes à Zeyve Höyük appartiennent à un fragment de cotte d’écailles.
b. L’apport des textes hourrites et akkadiensLes premières mentions de cottes d’écailles proviennent d’Anatolie et se
rapportent à l’armure attribuée aux soldats, aux chevaux et aux chars de guerre. 9 Elles apparaissent dans les textes hourrites de Nuzi durant le Deuxième Millénaire avant notre ère sous la forme du terme za-ri-(a-)am, ou šar-ya-an-ni dans ceux de Boğasköy. 10
Ce terme correspond à l’Akkadien des textes d’Amarna contemporains, KUŠsa-ri-am. 11 Ce dernier terme permet également d’apprendre, quand il est adjoint à siparru, que l’armure était réalisée sur une base de cuir ou de tissu. 12
Ces armures se composaient d’écailles réalisées selon deux tailles standardisées: “grande” et “petite”, de bronze ou de cuir, et assemblées par centaines sur une seule cotte, que celle-ci couvre le corps d’un homme ou d’un animal.
Le terme hourrite qui désigne une écaille, souvent relevé au pluriel, kùr-zi-me-teMEŠ, est kùr-zi-me-tù à Nuzi et gur-pi-ši à Boğasköy, dont l’étymologie révèle qu’il provient de l’Akkadien classique kursindu, “serpent sauvage”. 13
8. D. Stronach, “Metal Objects from the 1957 Excavations at Nimrud” Iraq 20 (1958), 173.9. E. Speiser, “On Some Articles of Armour and their Names” Journal of the American Oriental
Society 70 (1950), 47.10. Ibid., 48.11. Ibid., 47.12. Ibid., 48.13. Ibid., 48–49; M. Civil, et alii, eds. The Assyrian Dictionnary of the Oriental Institute of the Uni-
versity of Chicago, vol. 8, K (Chicago: The Oriental Institute, 1971), 567, 1; 568, 2.
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Dans les textes akkadiens du Premier Millénaire avant notre ère, dont les Annales et le courrier néo-assyriens sont une des composantes essentielles, deux variantes, issues de cette racine commune, apparaissent: gur-pi-si dans les documents d’Assurnasirpal II, et gur-si-pi dans ceux de Sargon II. 14 Précisément, dans ces deux cas, les cottes d’écailles semblent suffisamment onéreuses pour être mentionnées parmi les cadeaux royaux, et suffisamment importantes pour l’être également parmi la liste du butin ramené de la huitième campagne de Sargon II en Urartu. 15
IV. Datation des objets découverts: les références comparatives
Le contexte archéologique dont proviennent les écailles de Porsuk ne permet pas de les dater avec beaucoup précision. Les dessins et schémas qui illustrent cet article ont pour seul but de représenter certains principes, et ce dans le seul cadre de celui-ci.
1. XVe siècle av. J.-C.: Les témoignages de l’Âge du Bronze Récent (Kamid el-Loz)Au Deuxième Millénaire avant notre ère, l’avancée technologique représentée
par l’invention et le développement du char de combat léger entraîna également l’évolution des moyens de protection corporelle. En effet, comme le combattant prin-cipal d’un char léger porte souvent un arc, pour l’utilisation duquel le soldat a besoin des deux mains, le corps doit être efficacement protégé des projectiles et des coups ennemis. Comme il doit également pouvoir évoluer sur le champ de bataille en cas de problème, bander son arc et tenir sur le char, il faut que l’armure soit assez sou-ple et stable à la fois (Fig. 5, d). En tenant compte de ces objectifs, les écailles d’un reptile sont une bonne solution à envisager. D’après certains auteurs, il était normal que l’animal dont le système défensif naturel avait été copié donne son nom à l’ar-mure issue des recherches entamées pour adapter celui-ci à l’être humain. 16
Avec la pratique et l’expérimentation, quelques améliorations apparaissent. Par exemple, la forme originellement arrondie et plate des écailles deviendra de plus en plus rectangulaire, bombée dans le sens de la longueur, et l’espace entre celles-ci sur le support sera de plus en plus restreint jusqu’à ce que les plaquettes se chevauchent (Fig. 5, a–b). De la sorte, les coups reçus sont amortis par le coussin d’air qui se forme entre les écailles et la cotte sur laquelle elles sont cousues, déviés par le contour convexe des écailles, et arrêtés par les trois couches superposées du matériau protecteur (Fig. 5, c). Certains types d’armure d’écailles de bronze datant de l’Âge du Bronze Récent apparaissent dans les fouilles, comme sur le site de Kamid el-Loz. 17
14. E. Speiser, “On Some Articles of Armour and their Names”, 50.15. Fr. Thureau-Dangin, Une relation de la huitième campagne de Sargon (Paris: W. De Gruyter.
1912), 60, l. 392.16. E. Speiser, “On Some Articles of Armour and their Names”, 48.17. W. Ventzke, “Zur Rekonstruktion eines bronzen Schuppenpanzers” Pp. 94–100; 117, 149. in
Frühe Phöniker in Libanon 20 Jahre Deutsche Ausgrabungen in Kamid el-Loz, Ph. Von Zabern ( Mainz am Rhein, 1983), 97, fig. 47; 98, fig. 48–49; 99, fig. 50; 117; 149, fig. 54.
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2. IXe –VIIIe siècles av. J.-C.: Les témoignages des Pré-SargonidesAu début du Premier Millénaire avant notre ère, l’expérience de la cotte d’écaille
comme armure donna lieu à certaines adaptations du modèle ancien, selon les besoins et les disponibilités propres à chaque civilisation, comme la recherche de protection supplémentaire et l’allègement du poids du vêtement (Fig. 6, a-c ). Néanmoins, si les proportions rétrécissent, l’extrémité des écailles est encore très souvent arrondie, comme les bas-reliefs néo-assyriens contemporains et les fragments d’armure retrouvés en fouilles à Nimrud et à Hasanlu, par exemple, l’attestent bien. 18
Bien que généralement portée par les équipages de char, les monuments figurés présentent également des archers protégés par des porteurs de bouclier revêtus d’armure d’écailles, et combattant au pied des villes assiégées (Fig. 6, d). 19
18. D. Stronach, “Metal Objects from the 1957 Excavations at Nimrud”, 169–181, pl. XXXIV, fig. 1–1, 0; O. White-Muscarella, Bronze and Iron. Ancient Near Eastern Artifacts in The Metropolitan Mu-seum of Art, (New York: The Metropolitan Museum of Art. 1988) 54, n° 62–63, fig. 62–63.
19. R. Barnett, The Sculptures of Aššur–Nasir–Apli II (883–859 B. C.), Tiglath–Pileser III (745–727 B.C.), Esaraddon (682–669 B.C.) from the Central and South-West Palaces at Nimrud, (Londres: Trustees of the British Museum, 1962), 178–179, pl. CXXXIII; F. De Backer, “The Neo-Assyrian Siege-Archers: Some Remarks” In Proceedings of the 54th Rencontre Assyriologique Internationale, Würzburg, 20–25 July 2008. Edited by G. Wilhelm. Forthcoming.
Fig. 5. Quelques types d’écailles de bronze utilisées au XVe siècle av. J.-C. à Kamid el-Los. a) Tête pointue, b) Tête plate, c) Fragment en position de couture, d) Le vêtement d’écailles utilisé par un soldat juché sur un char. Dessins de l’auteur (d’après Ventzke, 1983: 97, fig. 47).
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3. VIIIe-VIIe siècles av. J.-C.: Les témoignages des SargonidesAu milieu du VIIIe siècle avant notre ère, on fixe un format qui durera pour
les cottes d’écailles, constituées de lamelles métalliques, ou de cuir, rectangulaires, bombées dans le sens de la longueur et de la largeur, et renforcées par une longue
Fig. 6. Quelques types d’écailles utilisées au IXe siècle av. J.-C. a) Tête ronde, b) Tête plate, c) Vue d’un fragment en position de couture, d) Le vêtement d’écailles utilisé par un soldat assiégeant une cité. Écailles découvertes à Kalhu / Tell Nimrud. Dessins de l’auteur (d’après Stronach, 1958: 173, pl. XXXIV, n° 1-3; Barnett R., 1962: 178).
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berme aux extrémités arrondies sur le centre des objets (Fig. 7, a-c). 20 Ce type d’armure apparaît de plus en plus sur les bas-reliefs et dans les objets découverts en fouilles dans les palais néo-assyriens, principalement sous les règnes de Téglath-Phalazar III, Sennachérib et Assurbanipal (Fig. 7, d). 21 Parmi les sites sur lesquels ce genre de d’écailles se retrouve, on peut penser aux palais de Nimrud 22 et de Memphis (Fig. 10). 23 Cela, bien sûr, n’empêche pas la continuation ou la variation des modèles plus anciens à l’échelle locale et très dispersée, comme en Syrie, en Iran ou à Chypre. 24
20. O. White-Muscarella, Bronze and Iron, 317–321, n° 451–459, fig. 451–459.21. R. Barnett, The Sculptures of Aššur–Nasir–Apli II (883–859 B. C.), Tiglath–Pileser III (745–727
B.C.), Esaraddon (682–669 B.C.) from the Central and South-West Palaces at Nimrud, 108; 122; R. Bar-nett, Sculptures from the North Palace of Ashurbanipal at Nineveh (668–627 B.C.), (Londres: Trustees of the British Museum, 1976), 42; 511.
22. O. White-Muscarella, Bronze and Iron, p. 316, n° 451; n° 453; p. 318, fig. 451 a – c; p. 319, fig. 453.
23. Inv. UC 63420, 63421, 63413, 63401–63403 (London University Museum); W. Petrie, Tools and Weapons Illustrated by the Egyptian Collections of the University College of London, (Londres: British School of Archaeology, 1917), pl. XLII, V115–117; 127; p. 38.
24. H. Klengel, Geschichte und Kultur Altsyriens, (Vienne: A. Schrall, 1980), 141, fig. 59; 324; T. Dezsö, “Panzer” Pp 319–323 in Reallexikon der Assyriologie und Vorderasiastischen Archäologie, Bd 10, 5./6. Lief., Panzer-Pflanzenkunde. (Edited by E. Ebeling, et alii. Berlin: 2004), 319–323.
Fig. 7. Quelques types d’écailles utilisées au VIIIe-VIIe siècle av. J.-C. Écailles découverte à Porsuk / Zeyve Höyük. a) Écaille seule, b) Fragment d’armure en position de couture, c) Vue en coupe de la même position, d) Le vêtement d’écailles utilisé par des soldats assyriens au combat sous Sennachérib. Dessins de l’auteur (d’après Muscarella, 1988: 317-321, n° 451-459, fig. 451-459; Barnett, 1998: pl. 334).
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Les écailles néo-assyriennes comparables à celles de Porsuk sont datées du règne de Sargon II, donc entre 722 et 705 av. J.-C., voire du VIIe siècle avant notre ère. 25 De plus, les premières représentations certaines de ce type d’écailles apparaissent sous Sennachérib, donc entre 705 et 704 av. J.-C., sur les bas-reliefs qui relatent la prise de Lakish (Fig. 7, d). 26
Par conséquent, on peut concevoir que l’ensemble des écailles découvertes à Zeyve Höyük en 2006 daterait de cette période.
4. VI e–IV e siècles av. J.-C.: Les témoignages des Perses AchéménidesAprès la chute de Harrân, en 609 avant notre ère, qui marqua la fin du Nouvel
Empire assyrien, les Babyloniens, puis les Perses Achéménides continueront à utiliser l’armure d’écailles, souvent sous d’autres formes, plus simples (Fig. 8). 27
V. Identification des objets découverts: PK06 04055.0002–11
D’après le matériau utilisé, la forme choisie et les similarités iconographiques, ce fragment d’armure d’écailles fut vraisemblablement réalisé entre le début du VIIIe et le VIIe siècle avant notre ère.
Cependant, peu d’éléments permettent d’attribuer ce fragment de cuirasse à une civilisation locale particulière, comme les Néo-Hittites, ou plus lointaine, comme les Néo-Assyriens. Au début du Premier Millénaire avant notre ère, l’Asie Mineure était souvent traversée et secouée par des armées en guerre, et les soldats qui les composaient provenaient parfois de lointaines régions, comme l’Urartu. Par conséquent, l’origine exacte de ce fragment d’armure reste difficile à établir.
a. Comme armure de véhicule ou d’animalL’identification spécifique de ces écailles reste aussi relativement problématique.
En effet, il existe peu de probabilités qu’un fragment d’armure d’écailles de char soit retrouvé sur le flanc d’une colline en Cappadoce, bien que l’érosion du site en fasse disparaître une partie conséquente avec le déroulement des siècles. De même, la possible attribution de ces plaquettes métalliques à un caparaçon de cheval ne semble pas plus adéquate pour le lieu de la découverte, mais l’érosion pourrait aussi expliquer cela.
b. Comme armure destinée à l’hommeLa deuxième proposition d’identification reste la plus valable, puisque l’idée
principale en est que les écailles proviennent d’une armure corporelle humaine. La question qui se pose alors est de savoir quelle partie de la cuirasse est représentée par ces objets.
Quelques éléments peuvent permettre d’envisager une solution, comme le fait que les plaquettes furent retrouvées en position de couture sur le vêtement, se chevauchant côte à côte. De plus, l’une d’entre elles, située sur une extrémité de la
25. M. E. L. Mallowan, Nimrud and Its Remains (Londres: Collins,. 1966), 421; O. White-Muscarella, Bronze and Iron, 318.
26. R. Barnett, The Sculptures from the South–West Palace of Sennacherib at Nineveh, 328–334; 349–351.
27. O. White-Muscarella, Bronze and Iron, 212, n° 321, fig. 321.
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Fig. 9. La cotte d’écailles du VIIIe siècle av. J.-C. a) Vue de face, b) Vue de profil droit, c) Vue de profil gauche. Dessins de l’auteur.
Fig. 8. Quelques écailles utilisées au VIe siècle av. J.-C. Fragment d’armure découvert à Parsagardes. Dessins de l’auteur (d’après la photographie pub-liée dans Muscarella O., 1988: 212, n° 321, fig. 321).
bande ainsi formée, comportait une série de trois perforations sur l’une des faces longitudinales (Fig. 2–3). Les monuments figurés des VIIIe et VIIe siècles avant notre ère présentent toujours les écailles des armures en registres horizontaux superposés, et composés d’écailles latéralement assemblées (Fig. 7, d).
Les écailles semblables découvertes dans les contextes archéologiques contemporains comportent toujours deux séries de trois perforations, réalisées sur les deux extrémités longitudinales de l’objet et, parfois, deux perforations de plus, situées sur les deux extrémités arrondies de la berme centrale (Fig. 7, a). Par conséquent, cette seule écaille dotée de perforations latérales devait sans doute appartenir à une rangée située sur le flanc de couture de la cuirasse, là où la première plaquette était cousue sur le support, afin de commencer un nouveau registre horizontal (Fig. 7, b-c). La taille de la plaquette en question, et des autres écailles, est trop importante pour avoir appartenu au secteur qui couvrait la nuque et
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les épaules, on peut donc considérer que ce fragment couvrait le flanc du combattant à ce stade actuel de la recherche (Fig. 9, a-b-c). 28
Sur l’illustration utilisée dans le cadre de cet article, on aperçoit la fermeture éventuelle qui permettait de revêtir l’habit (Fig. 9, c). Le côté gauche fut délibérément choisi pour recevoir cette fonction car, au combat, et sur les monuments figurés concernés, le bouclier se trouve plus généralement dans la main gauche du soldat, et que des sangles gêneraient sans doute un archer pour bander l’arc (Fig. 6, d; Fig. 7, d).
ConclusionCe fragment d’armure fut sans doute utilisé entre le milieu du VIIIe et celui du
VIIe siècle avant notre ère.Dans le cadre de la transition entre l’Âge du Bronze et l’Âge du Fer dans le
contexte anatolien, ce type de matériel tombe à point nommé. Cette période voit, non seulement le développement du métal prédominant pour son efficacité, le fer, et l’apparition de technologies différentes, comme l’équitation et le char de combat lourd, mais aussi un retour vers les guerres à grandes échelles, ce qui amena la démocratisation des armures d’écailles. En effet, les textes contemporains montrent que certaines villes exportaient de grandes quantités de ces armures. 29
Par conséquent, ce type de mobilier, retrouvé sur une portion de rempart et à proximité d’une couche de destruction, peut constituer le souvenir d’un affrontement contemporain des campagnes anatoliennes des rois néo-assyriens, principalement durant le VIIIe siècle avant notre ère.
Dans l’ensemble découvert, un type particulier d’écaille, qui comporte les perforations latérales, n’a pas encore été recensé dans la littérature sur les armures orientales anciennes que l’auteur a pu consulter. 30
28. D. Stronach, “Metal Objects from the 1957 Excavations at Nimrud ”, 73, XXXIV, fig. 5–10; D. Ussishkin, The Conquest of Lachish by Senacherib (Tel-Aviv: Tel-Aviv University Institute for Archaeol-ogy, 1982), 57, fig. 48.
29. O. White-Muscarella, Bronze and Iron, 318.30. T. Dezsö, “Panzer”, 319–323.
De plus, cette découverte, que suivit celle du Professeur T. Matney à Ziyaret Tepe, permet de penser que d’autres pourraient encore survenir. 31 En effet, on a jusqu’ici découvert fort peu d’écailles d’armure remontant au début de l’Âge du Fer en Anatolie.
D’autres sites contemporains ont néanmoins fourni quelques illustrations de l’utilisation de ce type d’armure en combat, monté sur un char, voire sur le pagne d’une figure d’autorité. 32
La relation entre ce fragment d’armure et le secteur des remparts dans lequel il fut découvert n’est pas encore claire à ce stade de la recherche.
31. T. Matney, “Report on Excavations at Ziyaret Tepe, 2006 Season” Anatolica 33 (2007), 23–73.32. W. Orthmann, Untersuchungen zur Späthetitischen Kunst (Bonn: R. Habelt, 1971), 79–82, pl.