LEBRETON FESNOUX Séverine UN REGARD SUR L’AIDE-SOIGNANTE : Les fonctions de sa participation au staff pluridisciplinaire Mémoire présenté pour l’obtention du diplôme de Cadre de Santé de la 1 ère année du Master Economie et gestion de la santé – parcours : Economie et gestion des établissements de santé Sous la direction de Florence Moncorps Année scolaire 2016/2017 Institut de Formation des Cadres de Santé Centre Hospitalier Universitaire De Nantes Université Paris Dauphine Département d’éducation permanente
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UN REGARD SUR L’AIDE-SOIGNANTE : Les fonctions de sa ...
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LEBRETON FESNOUX Séverine
UN REGARD SUR L’AIDE-SOIGNANTE :
Les fonctions de sa participation au staff pluridisciplinaire
Mémoire présenté pour l’obtention
du diplôme de Cadre de Santé
de la 1ère
année du Master Economie et gestion de la santé –
parcours : Economie et gestion des établissements de santé
Sous la direction de Florence Moncorps
Année scolaire 2016/2017
Institut de Formation
des Cadres de Santé
Centre Hospitalier Universitaire
De Nantes
Université Paris Dauphine
Département d’éducation permanente
LEBRETON FESNOUX Séverine
UN REGARD SUR L’AIDE-SOIGNANTE :
Les fonctions de sa participation au staff pluridisciplinaire
Mémoire présenté pour l’obtention
du diplôme de Cadre de Santé
de la 1ère
année du Master Economie et gestion de la santé –
parcours : Economie et gestion des établissements de santé
Sous la direction de Florence Moncorps
Année scolaire 2016/2017
Institut de Formation
des Cadres de Santé
Centre Hospitalier Universitaire
De Nantes
Université Paris Dauphine
Département d’éducation permanente
AVERTISSEMENT
Les mémoires des étudiants de l’Institut de Formation des Cadres de Santé de Nantes en
partenariat avec l’Université Paris Dauphine, sont des travaux réalisés au cours de leur
formation. Ils ne constituent donc pas nécessairement des modèles. Les opinions exprimées
n’engagent que les auteurs. Ces travaux ne peuvent faire l’objet d’une publication, en tout ou
partie, sans l’accord des auteurs, de l’I.F.C.S. de Nantes et de l’Université Paris Dauphine.
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier avec toute ma sincérité, et par ces quelques lignes :
Ma tutrice de recherche, Florence Moncorps, sa guidance m’a éclairé et m’a permis de
réaliser et d’écrire ce mémoire. Je tiens également à souligner sa disponibilité et sa
bienveillance.
L’équipe pédagogique de l’IFCS et les enseignants de l’Université Paris Dauphine pour leur
accompagnement.
Les professionnels qui ont accepté de partager leurs expériences, qui m’ont accordé leur
temps, et sans qui ce travail n’aurait pu être alimenté.
Je remercie chaleureusement :
Mon mari, qui m’accompagne, me soutient, et m’encourage avec confiance et détermination.
Mais aussi pour m’avoir supplée cette année auprès de nos enfants avec tout l’amour, le soin
et l’énergie nécessaire pour combler mon absence.
Mes trois enfants, qui ont fait preuve de patience, qui m’ont nourri par leur joie et bonne
humeur, et qui ont compris l’importance de ce travail en me laissant « tranquille dans le
bureau ».
Ma famille, pour tout leur soutien moral et organisationnel, pour toutes les attentions et la
confiance portées à mon égard.
Un vrai voyage de découverte n’est pas de chercher de nouvelles terres,
mais d’avoir un œil nouveau.
Marcel Proust
TABLE DES SIGLES
APA : Activité Physique Adaptée
ASH : Agents de Service Hospitalier
ATIH : Agence Technique de l’Information sur l’Hospitalisation
AVQ : Activités de Vie Quotidienne
CAFAS : Certificat d’Aptitude aux Fonctions d’Aide-Soignant
DPAS : Diplôme Professionnel des Aides-Soignants
DMS : Durée Moyenne de Séjour
CH : Centre Hospitalier
DREES : Direction de la Recherche des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques
HAS : Haute Autorité de Santé
HPST : Hôpital Patient Santé Territoire (loi)
IFAS : Institut de Formation des Aides-Soignants
IFCS : Institut de Formation de Cadre de Santé
MCO : Médecine Chirurgie Obstétrique
MCRO : Mesure Canadienne de Rendement Occupationnel
PMSI : Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information
ANNEXES .................................................................................................................................. I
ANNEXE I : Guide d’entretien exploratoire ............................................................................. II
ANNEXE II : Guide d’entretien définitif aide-soignant .......................................................... IV
ANNEXE III : Guide d’entretien définitif équipe pluridisciplinaire ........................................ VI
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INTRODUCTION
Les services de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) offrent une prise en charge
pluridisciplinaire à la personne soignée. En 2015, 996 000 patients ont été hospitalisés en SSR
selon l’Agence Technique de l’Information sur l’Hospitalisation (ATIH)1 en France. Les
prises en charge peuvent être le plus souvent polyvalentes, relatives à la personne âgée poly
dépendante, orthopédiques, ou neurologiques. Selon la Direction de la Recherche des Etudes,
de l’Evaluation et des Statistiques (DREES)2, en 2009, la durée moyenne de séjour est de 34
jours en hospitalisation complète, avec 5% des séjours qui ont une durée supérieure à trois
mois. L’équipe soignante est employée à un ratio de 0,52 par lit, dont 0,30 par lit
correspondant aux aides-soignants. Elle accompagne les patients lors de cette hospitalisation
en s’adaptant à leurs besoins. Les rééducateurs représentent le ratio de 0,13 par lit. Alors, le
staff, tel un espace de concertation permet aux professionnels, qui composent l’équipe
pluridisciplinaire, d’échanger autour des objectifs, des pratiques, et des savoirs relatifs à cette
prise en charge. Il vise à optimiser la réadaptation, à anticiper et organiser le devenir du
patient. Notre participation au staff, au titre de faisant fonction cadre de santé en service de
SSR, nous a permis de mesurer l’importance des interactions qui s’y jouent, au bénéfice de la
personne soignée. Investie tout au long de notre exercice infirmier à collaborer avec les aides-
soignantes, nous avons été interrogée du positionnement de retrait de certains de nos
collègues lors de réunions d’équipe. Nous avons cherché à comprendre ce qui se cache
derrière cet effacement. Nous nous sommes ainsi questionnée sur les conditions de la
participation de ce professionnel au staff pluridisciplinaire, ainsi que les fonctions de sa
parole. D’abord, nous avons posé notre recherche en définissant d’une part le SSR et l’aide-
soignant, et d’autre part la participation et la collaboration. Ensuite, nous avons organisé notre
travail dans une méthodologie compréhensive, qui nous a amené à ouvrir une fenêtre, dans
une unité de SSR, sur une équipe pluridisciplinaire. Orientée par le cadre méthodologique,
nous avons cependant rencontré des limites relatives à nos premiers pas de chercheur, décrites
aux différentes étapes. Puis, nous avons procédé à l’analyse de nos résultats qui dégage cinq
axes de recherche tels que le travail de l’aide-soignant en SSR, sa collaboration avec l’équipe
pluridisciplinaire, les conditions favorables mais aussi les freins à sa participation au staff, et
enfin les fonctions de la parole de ce professionnel.
1 L’ATIH, est un établissement public de l’État à caractère administratif, sous la tutelle des ministères sociaux.
Elle est chargée de la collecte, de l’hébergement et de l’analyse des données des établissements de santé.
2 La DREES, est une direction de l’administration centrale des ministères sociaux, et est chargée d’étudier et de
fournir des informations fiables et des analyses sur les populations et les politiques sanitaires et sociales.
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1 LA PARTICIPATION DE L’AIDE-SOIGNANT AU STAFF
1.1 Quand l’expérience professionnelle interroge
Lors de mon exercice en SSR en tant que faisant fonction cadre de santé, nous avons
pu observer l’importance des staffs pluridisciplinaires pour la prise en soins rééducative du
patient. En effet, de façon hebdomadaire se déroule une réunion pluridisciplinaire afin
d’échanger et de poser les objectifs dans le projet personnalisé de soins du patient. Chaque
mardi, l’équipe pluridisciplinaire concernée par ce staff présente 7 dossiers de patients pris en
soins en rééducation, la programmation est établie en amont avec l’infirmier de
programmation, les médecins et les cadres de santé. L’infirmier de programmation est un
infirmier détaché de l’équipe deux jours et demi par semaine pour organiser les plannings de
rééducation des patients, gérer les entrées et les sorties, et il est chargé de la programmation
des examens ou consultations des patients hospitalisés. Les professionnels représentés à ce
staff sont : le chef de service, qui est professeur en médecine physique et réadaptation, les
praticiens hospitaliers exerçant en SSR, les internes, les kinésithérapeutes, les
ergothérapeutes, les orthophonistes, les éducateurs sportifs en activité physique adaptée
(APA), les assistantes sociales, la psychologue, l’art thérapeute, les cadres de santé, et
l’infirmier de programmation, ainsi qu’un infirmier et un aide-soignant de secteur de soins.
Arrivée en septembre 2015, nous encadrons l’équipe des rééducateurs c’est-à-dire les
kinésithérapeutes, les ergothérapeutes, les éducateurs sportifs en APA, et les orthophonistes.
Ma collègue cadre de santé encadre les aides-soignants, les infirmiers, les Agents de Service
Hospitalier (ASH), les brancardiers, et les secrétaires. Dans le service nommé dans notre
établissement par sa spécialisation médicale : médecine physique et réadaptation adulte, les
trois modes d’hospitalisation sont présents. Il y a l’hospitalisation conventionnelle, l’hôpital
de semaine, et l’hôpital de jour. Il y a cinq secteurs de soins : deux secteurs en hospitalisation
conventionnelle, un secteur en hôpital de semaine, et un secteur en hôpital de jour.
Notre collègue est arrivée dans le service fin 2014. Elle a été interpelée par l’absence
des infirmiers et des aides-soignants au staff. Les soignants : infirmiers et aides-soignants
écrivaient une synthèse de préparation au staff dans le dossier patient informatisé. Celle-ci
comportait les éléments significatifs dans la prise en charge du patient : son degré
d’autonomie (toilette, alimentation, mobilisation), son comportement (moral, motivation,
fatigue, communication), des éléments techniques (soins, appareillages) et parfois des
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particularités rencontrées dans la prise en charge selon les situations des patients. Ces données
étaient lues par l’interne lors de la présentation du dossier du patient devant l’auditoire du
staff pluridisciplinaire. Il a semblé évident à ma collègue qu’il fallait intégrer ces soignants à
cette réunion. En effet, elle considère que l’échange entre les divers professionnels lors du
staff est une réelle source d’informations relatives à la prise en soins et au patient lui-même, et
que les infirmiers et les aides-soignants sont des acteurs essentiels dans l’hospitalisation du
patient. Pour elle, ils doivent participer à l’établissement du projet personnalisé de soins du
patient hospitalisé en SSR. Elle a mis en place, en avril 2015, en accord avec le chef médical
de service, une organisation afin de faciliter leur présence à cette réunion pluridisciplinaire
qui a lieu tous les mardis. Ce projet a été travaillé en amont sur quelques mois, et a demandé à
la cadre de santé un réel accompagnement de ces soignants, en particulier pour les aides-
soignants. Au départ les aides-soignants lui ont exprimé une appréhension d’être « des
potiches », et la peur de prendre la parole devant le groupe comportant les médecins et les
rééducateurs, se posant aussi la question de leur légitimité. Elle a modifié les fiches de poste
de l’infirmier et de l’aide-soignant d’horaire de journée en incluant qu’ils devaient remplacer
leurs collègues exerçant en secteurs de soins concernés par le staff à l’heure de
programmation de la présentation du ou des patients relevant de leur secteur de soins. Le
roulement du planning faisant, les infirmiers et aides-soignants peuvent à tour de rôle, et au
fur et à mesure des semaines être amenés à participer à ce staff.
Avant son arrivée, la cadre de santé supérieure et le chef médical du service l’ont
alertée sur les difficultés de liens entre les rééducateurs et les soignants malgré des groupes de
travail, notamment entre les ergothérapeutes et les aides-soignants. En effet, dans l’historique
du service, les ergothérapeutes prenaient en soins les patients pour la toilette, et cela
constituait une séance rééducative. La charge de travail des aides-soignants était ainsi
soulagée. Les groupes de travail avaient été mis en place après une réorganisation de l’activité
d’ergothérapie par le chef médical de service. En effet, depuis les cinq dernières années, les
évolutions dans la profession d’ergothérapeute sont axées autour de la prise en charge
rééducative sous divers angles (AVQ =activités de vie quotidienne, MCRO=mesure
canadienne de rendement occupationnel), nécessitant des temps plus conséquents en salle de
rééducation individuelle, et au sein du plateau technique de rééducation. Les effectifs aides-
soignants ont été revus afin de réintroduire les prises en charge des toilettes des patients. Les
ergothérapeutes n’interviennent désormais que dans des bilans dits d’indépendance, c’est-à-
dire évaluer les capacités motrices, organisationnelles, cognitives et attentionnelles des
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patients à effectuer les soins d’hygiène corporelle et alimentaire, ainsi que les transferts et
mobilisations en chambre. Les groupes de travail ont épuisés les ressources de ces
professionnels (ergothérapeutes et aides-soignants), suite à l’incompréhension des aides-
soignants quant à l’évolution des pratiques en ergothérapie, mais aussi par le côté
chronophage des réunions de travail dans les activités respectives des ergothérapeutes et des
aides-soignants, avec toujours les mêmes professionnels volontaires pour y participer.
Au fur et à mesure des staffs, et des échanges entre les rééducateurs et les soignants,
nous avons pu voir des modifications d’interactions entre les différents intervenants. La cadre
de santé des secteurs de soins a valorisé leur présence lors de réunions d’équipe soignante, et
lors des entretiens avec les professionnels en individuel. Cela a généré des changements de
comportement de part et d’autre, par l’intérêt et la curiosité des activités de travail faites par
les différents professionnels ergothérapeutes, kinésithérapeutes, aides-soignants, avec ensuite
une répercussion sur leur collaboration. Leur intérêt, et leur objectif commun d’optimiser la
prise en soins rééducative du patient se sont retrouvés au centre même de leur travail en
collaboration.
Pour situer un peu plus ces éléments, voici le déroulement du staff : l’infirmier de
programmation, les médecins et les cadres de santé établissent la liste de présentation des
patients au staff lors d’une réunion préparatoire. Pour le staff d’un patient, chaque
professionnel prépare en amont une feuille de synthèse qui retrace les éléments essentiels à la
prise en soins du patient selon sa fonction (l’aide-soignant : toilette, mobilisation,
alimentation, élimination, comportement, entourage ; le kinésithérapeute : les bilans réalisés,
le contenu des séances, les objectifs réalisés et à atteindre ; l’ergothérapeute : les différents
bilans, les visites à domicile, le contenu des séances). Lors du staff, il y a d’abord une
présentation du patient (pathologie, situation socio-familiale, situation socio-professionnelle)
et des problèmes médicaux actuels ou examens à prévoir par l’interne. Si besoin en est, le
médecin chef de clinique ou assistant clinique réajuste et complète les données signifiées par
l’interne Puis, les professionnels interviennent à tour de rôle et présentent leur synthèse de
prise en soins. D’abord l’aide-soignant, puis l’infirmier, puis le kinésithérapeute,
l’ergothérapeute, l’orthophoniste, l’éducateur en APA, la psychologue, et enfin l’assistante
sociale. Le chef de service après ce tour de table fait une synthèse et il reformule les différents
éléments avec des mots simples. Il favorise ensuite la discussion avec les professionnels
concernant les nouveaux objectifs à poser dans la rééducation du patient. Puis, il dit à chaque
professionnel sa mission dans cette prise en soins personnalisée, et pose le délai du prochain
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staff concernant cet usager. L’interne retranscrit tous ces données au fil de la réunion dans le
dossier patient informatisé. Les cadres de santé prennent en note pour effectuer une
transmission succincte à l’ensemble de l’équipe des secteurs de soins.
Le déroulement est reproduit à chaque patient présenté et suivant le même ordre
d’intervention des professionnels. Le chef médical de service a formalisé ce staff comme cela
par son attachement à ce que chaque professionnel s’exprime et soit entendu, avant de donner
la possibilité à chacun d’interagir en connaissance des données relatives au patient. Il a choisi
avec notre collègue cadre de santé de donner la parole en premier lieu à l’aide-soignant afin
de favoriser son intervention, plutôt qu’après les rééducateurs qui ont souvent un vocabulaire
plus spécifique et technique dans leurs prises en charge, du fait des bilans pratiqués
notamment. Après ce staff, le médecin et l’interne rendent un retour au patient de ce qui s’est
dit au staff, et lui demande son avis, recherche son consentement, ou ses souhaits. Selon les
situations, ce retour peut être organisé avec les aidants (troubles cognitifs du patient).
Avec notre collègue, nous avons noté une meilleure compréhension des soignants au
regard des séances de rééducation du patient. Les aides-soignants ont pu participer à des
séances avec le patient et le rééducateur pour mieux visualiser ce que fait le patient sur le
plateau technique de rééducation. Parfois, certaines phrases de patient interpellent les aides-
soignants « l’ergothérapie me fatigue, aujourd’hui vous pourriez faire ma toilette complète au
lit », « c’est le week-end », « je ne fais pas, je ne peux pas ». Ainsi de par leur connaissance
de cette prise en charge rééducative et la traçabilité du projet personnalisé de soins dans le
dossier, l’aide-soignant peut justifier de ne pas faire à la place du patient, tout en s’adaptant
effectivement selon les cas à la fatigue, ou à la baisse de moral. Les soignants ont aussi
mesuré des écarts entre les possibilités des patients par les bilans kiné et les bilans ergo, et les
bénéfices secondaires des patients en service de soins, tout en prenant en compte la dimension
psychologique et sociale de la personne hospitalisée. Les ergothérapeutes et les
kinésithérapeutes vont eux-aussi plus facilement voir les aides-soignants dans le service, dans
la chambre du patient pour expliquer certaines techniques, et installations.
Cependant, cela n’a pas été facile au départ pour les aides-soignants, ils se sont posés
la question de la légitimité de leur participation, avec une peur de s’exprimer devant tous les
professionnels, y compris devant les médecins. Quelques aides-soignants ont mis en avant le
fait « d’être timide », ou encore « d’avoir peur de parler devant le médecin », se demandant
même si ils allaient pouvoir « répondre correctement aux questions des autres professionnels
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lors du staff ». D’autres ont renvoyé au cadre de santé avoir une charge de travail
conséquente. Concernant les infirmiers, il ne leur est pas difficile d’intervenir, mais ces
professionnels mettent en avant une question de disponibilité quand le secteur de soins
présente une activité dense, il s’agit là plus d’une vigilance dans l’organisation du travail et
une aide des autres infirmiers des autres secteurs de soins. Il peut y avoir une réticence à
passer le relai à un collègue pour aller à cette réunion quand un patient présente une
aggravation de son état de santé. Cela a demandé un accompagnement par le cadre de santé, et
le chef médical de service les a remerciés et félicités de leur présence et assiduité. Nous avons
pu remarquer quand nous remplaçons notre collègue, lors de ses congés, que les habitudes
d’assister à cette réunion pluridisciplinaire sont désormais acceptées, mais nous portons
également une attention envers les aides-soignants et les infirmiers pour poursuivre cet
accompagnement.
Durant notre exercice infirmier, en neuro-vasculaire, nous avons pu observer un autre
type de staff, dit plus staff social c’est-à-dire pour discuter de l’orientation du patient après
l’hospitalisation en Médecine Chirurgie Obstétrique (MCO). Les médecins y sont en nombre
plus conséquent (minimum 5), notamment avec la présence du chef médical de pôle,
professeur en neurologie et en neuro-vasculaire. Les aides-soignants sont présents et
accompagnés de l’infirmier de secteur. Le tour de table n’est pas aussi formalisé qu’en SSR.
Le chef de service sollicite parfois l’aide-soignant et l’infirmier sur la dépendance du patient
lors de soins quotidiens, la technicité des soins. Cependant, il y a souvent des discussions dans
un vocabulaire médical spécifique entre confrères. Nous nous rappelons de certains collègues
aides-soignants qui ont dit se sentir mal à l’aise avant et durant ce staff collégial.
Notre expérience professionnelle nous conduit à poser une question de départ : En
quoi la participation de l’aide-soignant au staff pluridisciplinaire permet sa collaboration avec
l’équipe pluridisciplinaire ? De là, nous nous orientons à explorer le terrain pour nous
permettre de confirmer, d’infirmer ou de préciser notre problématique.
1.2 Cheminement vers la problématique par l’exploration du terrain
Cela nous amène à questionner de ce qui se joue pendant les staffs pluridisciplinaires
et notamment concernant la participation des aides-soignants durant ce staff. L’aide-soignant
est la personne de proximité du patient durant son hospitalisation. Sa relation avec lui, parfois
même de confident, l’amène à apporter des connaissances du patient que n’ont pas les
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médecins ou les autres professionnels, et qui pourtant peuvent être essentielles dans la prise en
soins. La division du travail au sein du service fait que l’aide-soignant pratique les soins au
patient sous délégation de l’infirmier. Il est au plus près du patient dans l’accompagnement et
la réalisation des AVQ. En ce sens, il a un rôle primordial dans l’évaluation des capacités, de
l’autonomie du patient. Sa présence au staff lui permet de prendre aussi connaissance
d’éléments (médicaux, rééducatifs, psychologiques, sociaux…) non abordés pendant les
transmissions orales. Ils peuvent être notés dans le dossier informatique mais pas forcément
lus. Les aides-soignants peuvent mettre en évidence a priori une difficulté d’accès, ou un
manque de temps pour consulter tous les dossiers patients. Nous avons cependant remarqué
dans notre expérience professionnelle, que la participation des aides-soignants au staff a
encouragé l’ensemble de l’équipe à regarder les comptes rendus de ces réunions par la suite,
et les aides-soignants montrent aux collègues le chemin d’accès aux données dans le dossier
patient informatisé. Ces expériences nous interrogent autour de la participation de l’aide-
soignant au staff pluridisciplinaire : en termes d’enjeux, d’interactions et de fonctions de sa
parole.
Afin d’élaborer la question de recherche sur le sujet, nous avons effectué deux
entretiens exploratoires et une observation d’un staff pluridisciplinaire en SSR dans un CH du
Grand Ouest. Nous avons pu observer que, dans ce service de SSR, les prises de paroles de
l’aide-soignante au staff portent majoritairement sur les éléments relatifs à la cotation
Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI), c’est-à-dire ce qui relève
de l’autonomie, la continence, la relation, la mobilisation, et la communication. Nous voyons
ici que cette réunion n’a pas exactement la même fonction pour les aides-soignants par
rapport au staff que nous avons expérimenté lors de notre exercice professionnel. Cela nous
pose la question des différents usages que peuvent avoir les staffs en fonction des services.
Les prises de paroles auxquelles nous avons pu assister lors de notre observation produisent
des échanges, sous forme de débat positif. Aussi, nous avons souhaité ensuite interviewer
l’aide-soignante présente afin d’approfondir notre exploration et lui permettre de s’exprimer
sur sa participation au staff. Elle nous a dit intervenir beaucoup car elle profite de ces temps
d’échanges pour nourrir sa curiosité professionnelle en interrogeant notamment le médecin
sur la pathologie ou les capacités de réadaptation possibles du patient au regard de son état de
santé. Elle relate également que ce médecin autorise ce fonctionnement de prise de parole, à
contrario de l’autre médecin de SSR avec qui, elle se l’autorise moins. En revanche, elle
soulève des remarques relatives à ses pairs concernant leur attitude au staff. En effet, elle dit
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qu’elle ne comprend pas pourquoi ses collègues n’interviennent pas autant qu’elle le fait, et ne
posent pas de question pour ne pas gêner le médecin, ou encore par appréhension des
réactions des différents participants : « moi je n’ai pas de gêne à m’exprimer, je ne
comprends pas mes collègues, est-ce de la timidité ou de la gêne vis-à-vis des médecins, voilà
je ne comprends pas pourquoi elles ne prennent pas ce temps-là ». De plus, elle parle de
positionnement de retrait des aides-soignants en général, et tient à valoriser son métier. Elle
définit son métier comme « un rôle important », et trouve que l’aide-soignant « est là au
quotidien avec les patients » et a « un rapport justement avec les patients d’intimité, de
proximité » qui permet « de savoir des choses, de ressentir des choses avec eux, et de voir
l’évolution ». Elle pense que ce professionnel est « même aux premières loges sur la question
de l’autonomie, du bien-être du patient ». Cette aide-soignante a exercé dans d’autres
domaines tels que la coiffure et le commerce avant de se former aide à domicile puis aide-
soignante. Son positionnement et sa facilité d’expression lors du staff observé ont suscité
notre questionnement, sa représentation à cette réunion est-elle conditionnée par son
expérience antérieure ?
L’autre aide-soignante interviewée se positionne différemment, et considère qu’elle
intervient pendant le staff relativement plus après sollicitation du médecin et des autres
participants. Elle indique s’être retenue de prendre la parole notamment quand il y a un
désaccord dans la prise en charge avec le kinésithérapeute ou avec le médecin : « c’est surtout
par rapport à certaines choses quoi, comme les mobilisations quand nous on leur dit qu’on y
arrive pas et que finalement ils veulent pas qu’on utilise soit le lève-malade ou…comme quoi
les personnes déambulent beaucoup et on demande à ce qu’ils soient un petit peu attachés
pour se reposer et que c’est pas accordé, enfin…donc du coup quand on peut pas parler
ben…on ne parle pas ». Nous voyons, en croisant ces deux entretiens, deux positionnements
différents dans leur exercice, qui nous amène à nous questionner sur la participation au staff
de ces professionnelles. La seconde peut avoir de la rétention à s’exprimer en équipe
pluridisciplinaire et cela peut se répercuter sur la prise en soins personnalisée du patient par
l’absence de données à considérer par les autres professionnels dont les médecins. Nous
avions perçus dans notre exercice professionnel, lors de nos participations au staff, des aides-
soignants qui semblaient plus à l’aise pour s’exprimer et d’autres plus gênés sans pour autant
réussir à l’objectiver.
12
En fonction de leur vécu, leurs parcours, leur représentation du corps médical et des
rééducateurs, de l’organisation du staff (animation, lieu, intervenants, durée, modalités en
rapport avec le travail), la participation, en termes de prise parole de l’aide-soignant, peut
varier d’un individu à un autre.
Cela nous conduit à émettre des hypothèses qui sont les suivantes :
L’échange de l’aide-soignant avec l’équipe pluridisciplinaire lors du staff est facilité par le
nombre restreint d’intervenants.
La participation de l’aide-soignant au staff dépend de sa représentation de son rôle dans
l’équipe pluridisciplinaire.
La prise de parole de l’aide-soignant au staff dépend de sa représentation du médecin ou des
intervenants.
La participation de l’aide-soignant au staff dépend de son positionnement professionnel, de
ses expériences.
La participation de l’aide-soignant dépend des fonctions qu’elle a de cette réunion
pluridisciplinaire pour son exercice.
Ainsi, nous pouvons formuler une question de recherche pour poser notre travail :
Que comprendre de la prise de parole de l’aide-soignante lors du staff pluridisciplinaire
en SSR ?
Pour éclairer notre problématique, nous allons nous appuyer sur des textes
réglementaires, des concepts, des auteurs qui se sont intéressés d’abord au service de soins de
suite et de réadaptation, puis au métier d’aide-soignant avec son histoire et dans une approche
sociologique de l’identité professionnelle, et enfin à la dimension de la collaboration et la
coordination qui sont mises en avant lors des staffs pluridisciplinaires.
13
2 UN CADRE, UN LIEU, UN METIER, ET LA COLLABORATION
2.1 Les SSR : lieux de prises en soins spécifiques
2.1.1 La règlementation, l’organisation et l’évolution des SSR
Les soins de suite et de réadaptation sont des unités ou services qui accueillent les
patients en aval d’une prise en soins de MCO pour la majeure partie des orientations. Ces
patients ont un besoin de rééducation, de réadaptation, et/ou de retour à l’autonomie après un
changement d’état de santé. Les personnes qui y sont orientées peuvent présenter des
pathologies chroniques ou avoir été exposées à un problème aigu. Elles nécessitent une prise
en soins personnalisée pour envisager le retour à domicile, ou sont en attente d’une structure
d’accueil particulière et adaptée à leur situation. Les SSR sont définis par le décret du 17 avril
20083 comme une activité qui regroupe différentes missions de la prise en charge répondant
aux besoins du patient. Cela concerne « les soins, la rééducation et la réadaptation, la
prévention et l’éducation thérapeutique, l’accompagnement à la réinsertion ». Avant ce décret,
les activités de soins étaient dissociées en « activité de soins de suite d’une part, et de
l’activité de rééducation et réadaptation fonctionnelle d’autre part » par le décret du 26
novembre 20044. Le regroupement de ces différentes missions a donc été réglementé et
précisé par le texte de 2008 et distinguent l’activité de SSR polyvalente, spécialisée, et
relative à certaines populations (enfants, adolescents, adultes, personnes âgées). Pour cela, la
circulaire du 03 octobre 20085 vient appuyer le décret de 2008, et précise les principes
d’organisation en structure de SSR.
Tout d’abord, l’évaluation des besoins médicaux avant toute admission. Ce principe
nécessite la détermination d’un objectif de prise en charge justifié dans l’orientation du patient
c’est-à-dire « apportant une plus-value réelle au patient permettant une prise en charge globale
destinée à lui permettre de retourner dans son lieu de vie d’origine », mais aussi la
réévaluation régulière du besoin et de l’objectif thérapeutique.
3 Décret n° 2008-377 du 17 avril 2008 relatif aux conditions d'implantation applicables à l'activité de soins de
suite et de réadaptation 4 Décret n° 2004-1289 du 26 novembre 2004 relatif à la liste des activités de soins et des équipements matériels
lourds soumis à autorisation en application de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique et modifiant ce
code (deuxième partie : Décrets en Conseil d'Etat) 5 Circulaire n°DHOS/O1/2008/305 du 03 octobre 2008 relative aux décrets n° 2008-377 du 17 avril 2008
réglementant l'activité de soins de suite et de réadaptation
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Ensuite, la mise en place de coordination en SSR concerne le rapprochement entre les
services MCO dits de courte durée et les SSR. En effet, la durée moyenne de séjour est de
plus en réduite en MCO, et les prises en charge de plus en plus techniques. Cela sollicite une
continuité de prise en soins et de réadaptation des patients pour envisager le retour dans son
lieu de vie, mais aussi d’organiser si besoin une coordination avec le secteur médico-social,
ou une orientation en unité de soins longue durée ou en Ehpad6.
Puis, l’inscription dans des filières spécifiques de prise en charge telle que la gériatrie
et dans un réseau de partenariat hôpital-ville pour « garantir aux patients un accès aux
compétences ou plateaux techniques indispensables et à assurer son accompagnement jusque
dans son milieu habituel de vie, familial, social ou professionnel ». Dans ce cadre, la présence
de l’assistante sociale est nécessaire, de même que la possibilité d’intervention de certains
professionnels comme l’ergothérapeute sur le lieu de vie des patients. Cela se réalise en
liaison avec les professionnels sanitaires et/ou sociaux extérieurs au SSR et qui pourront
prendre le relai dans la suite de la prise en charge du patient à sa sortie. Enfin, les deux
derniers principes concernent « la mission d’expertise et de recours » relative à la
spécialisation du SSR, et « l’inscription dans le Répertoire Opérationnel de Ressources »
(ROR) afin d’assurer la « lisibilité de l’offre d’activité » des SSR dans le territoire.
Selon l’ATIH (Agence Technique de l’Information sur l’Hospitalisation), 1589
établissements de santé en France en 2015 assurent l’offre en soins de suite et de réadaptation.
Ces établissements sont à 46% du secteur public, 29% du secteur privé commercial, et 25%
du secteur privé d’intérêt collectif. Selon une étude de la DREES (Direction de la Recherche
des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques) réalisée en 2008, l’activité en SSR représente
34 millions de journées d’hospitalisation en France. Pour assurer la demande de soins, le
personnel soignant est d’environ 0,52 par lit ou place, et le personnel de rééducation de 0,13.
En effet, nous avons constaté des équipes d’infirmiers et aides-soignants plus importantes au
regard des équipes de rééducateurs, qui s’expliquent par la continuité de service assurée aux
patients accueillis. Les rééducateurs interviennent auprès du patient sous forme de séances.
Ainsi, l’activité en SSR est structurée.
6 Ehpad : établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes
15
2.1.2 La division du travail dans les SSR au sens d’une organisation
Comme l’organisation de l’offre de soins en SSR est décrite, l’exercice des acteurs
dans ces services est réglementé selon le décret de 2008 relatif aux conditions techniques de
fonctionnement applicables à l’activité de SSR. En effet, la structure doit constituer « une ou
plusieurs équipes pluridisciplinaires qui prennent en charge les patients et dont les membres
détiennent les compétences médicales, paramédicales, psychologiques, sociales et
éducatives » pour mettre en œuvre l’activité de soins. De plus, cette équipe doit comporter
« au moins les compétences de médecin, d’infirmier et d’assistant de service social ». Par
ailleurs, elle doit comprendre « également, en tant que de besoin, les auxiliaires médicaux ».
Ces auxiliaires médicaux sont les professionnels de santé tels que : les infirmiers, les
masseurs-kinésithérapeutes, les ergothérapeutes, les psychomotriciens, les orthophonistes, les
diététiciens. L’activité en SSR assure une permanence de soins en continuité, dont la réponse
à des besoins médicaux urgents. Ce qui induit une astreinte médicale minimum en dehors des
heures ouvrables, et la présence continue d’un infirmier sur le site d’hébergement des patients.
La présence des aides-soignants n’est pas visible dans la réglementation, cela nous
interroge. Cependant il est stipulé que les effectifs des professionnels doivent être adaptés au
besoin des prises en soins des patients accueillis. En nous appuyant sur notre expérience
professionnelle, et sur les explorations que nous avons effectuées, nous situons l’exercice de
l’aide-soignant comme essentiel pour accompagner le patient dans les actes de la vie
quotidienne, et comme un acteur indispensable pour assister l’infirmière dans ces tâches.
Ainsi, nous pouvons le considérer comme un auxiliaire des auxiliaires médicaux explicités
dans le décret.
Par ailleurs, il y a plusieurs modes d’hospitalisation en SSR en fonction des besoins du
patient : selon son état clinique, son degré d’autonomie, mais aussi en tenant compte de son
environnement familial et de la proximité de son domicile. Ainsi, nous pouvons distinguer
l’hospitalisation complète, de semaine, et de jour. Dans ces modalités d’hospitalisations, nous
nous intéressons plus particulièrement à la pluridisciplinarité de l’équipe qui exerce en SSR.
2.1.3 La pluridisciplinarité au service de la prise en charge du patient
La finalité de l’activité des SSR implique une équipe pluridisciplinaire. Les
compétences multiples sont nécessaires en termes « de prévention, et de limitation des
conséquences et en vue de la réadaptation du patient ». Cette pluridisciplinarité est intégrée
16
aux critères d’évaluation des établissements de santé avec une activité de SSR pour la
certification dans le manuel de la Haute Autorité de Santé (HAS) de 2010. Ces critères
tiennent compte de « l’échange des informations utiles à la prise en charge du patient » et à sa
continuité, notamment avec « l’élaboration d’un projet personnalisé de soins avec le patient »,
son entourage et les professionnels concernés. Notre vécu professionnel nous permet ici de
situer l’aide-soignant comme un des professionnels qui contribue à l’accès des informations
utiles pour ce projet personnalisé, de par sa proximité, sa connaissance du patient.
Dans le manuel de la HAS, un critère d’évaluation de la « continuité et la coordination
de la prise en charge des patients » encadre plus largement la pluridisciplinarité et les
modalités de coordination, de transmissions d’informations, de collaboration des
établissements de santé. Entre autre, cela concerne le « suivi et la continuité dans les transferts
des patients dans les structures extérieures ». Les SSR sont amenés à travailler en partenariat
avec les structures ambulatoires, les cabinets libéraux, le secteur médico-social. En ce sens,
les informations nécessaires à la continuité de prise en charge doivent être définies et
accessibles. Ainsi, l’assistante sociale et le médecin de SSR doivent regrouper ces données
pour permettre d’optimiser, d’organiser le suivi des personnes à leur sortie, et ainsi
coordonner la prise en charge globale du patient. Un des moyens utilisés pour l’échange
d’information est le staff pluridisciplinaire, il regroupe ainsi les différents professionnels qui
gravitent autour du patient dans un espace-temps défini.
2.2 Le staff pluridisciplinaire
2.2.1 Comme élément de coopération
Le staff pluridisciplinaire est une réunion de l’équipe pluridisciplinaire, c’est un temps
d’échanges des professionnels de santé autour de la prise en charge du patient. Il répond entre
autre à l’objectif : « évaluer périodiquement le projet thérapeutique individualisé » déterminé
avec le patient et sa famille. La règlementation de 2008 applicable aux SSR stipule en effet les
conditions « d’assurer des bilans réguliers et d’adapter la prise en charge du patient », mais
aussi de contribuer régulièrement au suivi médical, rééducatif, et à l’évaluation des
traitements mis en place. De même que la HAS préconise l’élaboration d’un « projet
personnalisé de prise en charge » en spécifiant la « concertation avec tous les professionnels
concernés ». Nous pouvons nous interroger : est-ce que cela sous-entend la présence ici de
17
tous les acteurs intéressés par la prise en charge du patient comme les rééducateurs,
l’infirmière, l’aide-soignant, l’assistante sociale, le médecin ?
Dans le cadre du projet personnalisé de soins, la HAS introduit aussi les Réunions de
Concertation Personnalisée (RCP) qui sont définies par la présence de trois médecins
spécialisés, et d’une équipe pluridisciplinaire pour participer à « une discussion collégiale en
regard du dossier du patient et sa situation sanitaire et sociale ». Elles visent à « une prise de
décision tracée dans la prise en soins du patient », qui sera soumise et expliquée au patient. Le
médecin traitant du patient peut être sollicité à y participer, mais sa présence n’est pas
obligatoire. Les RCP en oncologie sont développées, réglementées et ont lieu tous les deux
mois. Dans les autres domaines, elles sont recommandées pour les prises en charges
complexes. Ainsi certaines prises en charges de patients en SSR peuvent se situer dans cette
complexité : problématique de retour à domicile, d’aménagement du domicile voir de
nécessité de logement adapté, avec un allongement de durée de séjour. Selon la DREES, les
DMS les plus longues concernent les patients âgés de plus de 75 ans, ils représentent la moitié
des patients accueillis en SSR. Nous voyons, au regard du contexte en SSR, la nécessité des
interactions pluridisciplinaires dans la coordination des professionnels qui selon le Petit
Robert7 se définit comme « l’agencement des parties d’un tout, selon un plan logique, pour
une fin déterminée ».
2.2.2 Comme lieu d’interactions
Chaque professionnel est donc invité à intervenir, selon l’ HAS, au staff
pluridisciplinaire afin d’exprimer son point de vue sur la prise en charge du patient et aboutir
à une « discussion collégiale ». Claude Dubar8 définit l’interaction comme un processus de
mise en commun des pratiques afin que « les activités de travail soient analysées à la fois
comme des processus subjectivement signifiants et comme des relations dynamiques avec les
autres » (Dubar, 1998, p.95). Pour que les interactions puissent être effectives, cela suppose
d’abord une participation des acteurs. Elle est un facteur primordial, qui « dépend, à des
degrés variables, de 5 groupes de conditions : les conditions de nombre, le degré de maturité
du groupe, auquel est relié le degré de richesse des échanges, les conditions matérielles
proprement dites, le moral du groupe, la qualité de la conduite de la réunion par son président
7 Le Petit Robert [en ligne] disponible sur http://www.lerobert.com/le-petit-robert/
8 Claude Dubar, sociologue français, professeur de sociologie à l'université de Versailles Saint Quentin en
Yvelines
18
ou son animateur » (Mucchielli, 1967, p.23). Nous nous rappelons effectivement de notre
expérience du staff en neurologie en tant qu’infirmière où le nombre de participants médicaux
immobilisait la parole de l’aide-soignant présent, par ailleurs le « groupe » évoqué par Roger
Mucchielli9 fait référence ici à la notion d’équipe, cela implique que cette équipe se
connaisse, se reconnaisse et forme une entité. Quand nous avons observé le staff en SSR pour
affiner notre problématique, nous avons vu que l’aide-soignante, nouvellement arrivée dans le
service participait activement à cette réunion, et que les échanges étaient productifs. Elle se
positionnait comme membre de l’équipe, nous nous interrogeons sur le « degré de maturité »
(ibid.) décrit, cela dépendrait, non seulement du temps passé avec le groupe, mais aussi du
positionnement dans celui-ci. De plus, le rôle de l’animateur est une des conditions à la
participation, et ainsi à la production d’interactions. Lors du staff observé, ce rôle était assuré
par le médecin du service. Nous nous référons à l’entretien avec cette aide-soignante observée
qui nous avait dit en dehors de l’enregistrement que « ce médecin était plus dans l’échange et
sollicitait plus la participation des aides-soignants ». Alors, les conditions sont-elles toujours
identiques aux différents staffs en SSR ?
Par ailleurs, la production des interactions est liée à la richesse des échanges. Pour
échanger, il faut que la personne ait de la matière à apporter. Ainsi, Claude Dubar s’est inspiré
d’Everett Hugues10
, et de son développement du point de vue interactionniste, qui « a
plusieurs fois écrit que c’était la personne elle-même qui était la mieux placée pour décrire
son travail » (Dubar, op. cit, p.95). En ce sens, l’accompagnement des patients vers un retour
à l’autonomie intéresse notamment les actes de la vie quotidienne des patients en
réadaptation. Un acteur de cet accompagnement n’apparait pas visiblement dans les textes
règlementaires, il constitue cependant un élément clé dans la proximité avec le patient, et
indispensable dans l’organisation du travail, et dans la connaissance des besoins du patient.
Nous introduisons cet agent invisible qui représente le métier d’aide-soignant.
9 Roger Mucchielli, psycho-sociologue, et psychopédagogue français, était aussi agrégé de philosophie et
neuropsychiatre. 10
Everett Hughes, sociologue américain, et représentant de la pensée sociologique de l'école de Chicago, courant
de pensée sociologique apparu au début du XXᵉ siècle aux États-Unis
19
2.3 Le métier d’aide-soignant
2.3.1 La règlementation de la profession et de la formation
L’aide-soignant assure les soins d’entretien et de continuité des AVQ, pour répondre
aux besoins de prise en charge du patient. Il a un rôle relationnel auprès de la personne
soignée. C’est un professionnel de proximité qui exerce ses fonctions en collaboration et sous
la responsabilité de l’infirmier, dans le cadre du rôle propre de ce dernier et selon la définition
de son activité dans le décret n°2002-194 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la
profession d’infirmier. Le métier d’aide-soignant est régit, lui, par le décret n°2007-1301 du
31 août 2007 relatif aux diplômes d’aide-soignant, d’auxiliaire de puériculture et
d’ambulancier, modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires).Ce texte
explicite entre autre « la dispensation des soins d’hygiène et de confort à la personne,
l’observation du patient, dont la mesure de paramètres vitaux, la transmission par écrit et par
oral de ses observations, l’accueil, l’accompagnement et l’information du malade et de son
entourage ».
La formation au métier d’aide-soignant est définie par l'arrêté du 22 octobre 2005
modifié relatif à la formation conduisant au diplôme d’Etat d'aide-soignant. Cette formation
est d’une durée de 41 semaines alternant les enseignements théoriques, cliniques en institut de
formation, et les stages. Elle est répartie respectivement en 17 semaines d’apports en institut
et en 24 semaines de stages. Elle comprend huit modules d’enseignements : accompagnement
d'une personne dans les AVQ ; état clinique d'une personne ; soins ; ergonomie ; relation-
communication ; hygiène des locaux hospitaliers ; transmission des informations ;
organisation du travail. En effet, les aides-soignants qui exerçaient dans le service de SSR où
nous avons exercé assuraient toutes ses activités, en collaboration avec l’infirmier du secteur.
Des temps de transmissions étaient définis par secteur de soins, et l’organisation divisait les
activités en fonction des horaires travaillés par les agents.
Ce métier aujourd’hui définit a évolué depuis les dernières décennies, l’historique
nous éclaire dans les représentations portées sur ce métier.
2.3.2 L’historique et l’évolution du métier d’aide-soignant
Le métier d’aide-soignant apparait sous sa dénomination en 1949 dans l’arrêté du 03
février 1949 qui énonce pour la première fois « la catégorie d’aide-soignant » comme un
20
grade provisoire dans les hôpitaux publics, mais ce n’est qu’en 1956 avec la création du
CAFAS (Certificat d’Aptitude aux Fonctions d’Aide-Soignant) et selon l’arrêté du 23 janvier
1956 qu’il est défini officiellement. Avant, il s’agit des « servantes » ou « filles de salle »
exerçant dans les hôpitaux. Leur histoire est très liée à l’historique de la profession
d’infirmier. La création de cette catégorie professionnelle est liée aux besoins de « faire face à
une augmentation des effectifs hospitalisés » (Arborio, 2001, p.41), et à la nécessité de
« position intermédiaire» (ibid.). En effet, l’aide-soignante assiste alors l’infirmière dans les
soins, et assure l’entretien des locaux et de l’environnement du malade. Le diplôme d’Etat
d’infirmier de 1946 souligne la légitimité de la profession d’infirmier, en revanche il rend
aussi caduque la position de ceux qui n’ont pas le diplôme, et qui pourtant en exercent les
fonctions depuis les besoins de la deuxième guerre mondiale. Au départ, la définition de ce
« professionnel intermédiaire » (ibid.) était provisoire, rendant le statut de ce personnel
incertain.
De même, cela introduit une division de travail au sein des hôpitaux, l’aide-soignant
seconde l’infirmier, et l’ASH est affecté aux tâches ménagères. Le rôle de proximité dans le
soin et le relationnel de l’aide-soignant pour la personne soignée s’est vu défini et précisé tout
au long de ces dernières années. De même, en termes de formation, le CAFAS est devenu le
DPAS en 2005, puis s’est vu modifié en diplôme d’Etat par la modification de l’arrêté de
2005 en 2007, puis 2009. Le programme de formation s’est vu étoffé. Depuis 2005, une
nouvelle modalité diplômante a été mise en œuvre : la Validation des Acquis de l’Expérience
(VAE) professionnelle. Elle permet ainsi de valider des modules sans effectuer les douze mois
en institut, en remplissant un livret administratif, en participant à une formation obligatoire de
courte durée, puis en élaborant un livret de compétences à argumenter devant un jury. Le
métier d’aide-soignant existe depuis le XIXème siècle, et a connu différentes étapes pour être
reconnu aujourd’hui comme résultant d’un diplôme d’Etat. Cette évolution a été marquée par
l’accès à une reconnaissance des compétences via la VAE professionnelle. Le programme de
formation s’est aussi construit selon un référentiel de huit compétences. De même que la
profession a évolué parallèlement à une activité d’offre de soins de plus en plus complexe. En
effet, l’organisation des établissements de santé, et la société ont évolué. La demande de soins
s’est accrue avec une espérance de vie allongée, et est de plus en plus exigeante en termes de
qualité des soins et de confort hôtelier dans les hôpitaux. Les règlementations en matière de
financement visent à l’efficience, c’est-à-dire à produire du soin à moindre coût et par là-
même à moindre moyen. Les établissements de santé doivent rendre compte de la qualité des
21
soins, notamment par le biais de la certification. Nous avons pu effectivement échanger avec
les aides-soignants lors de notre exercice, pour certaines qui étaient diplômées par le CAFAS,
elles ont vu cette évolution dans le rythme et la charge de travail. Nous avons pu également
remarqué lorsque nous étions infirmière que les patients étaient de plus en plus en demande de
prestations hôtelières, et sollicitaient à ce titre l’aide-soignant.
Au regard de ces évolutions, nous nous proposons de découvrir qui est l’aide-soignant
d’aujourd’hui.
2.3.3 L’identité démographique de l’aide-soignant
Ce métier est attractif : il bénéficie de la sécurité de l’emploi pour le secteur public, il
est accessible par une formation de courte durée, et à un coût pouvant correspondre à la classe
moyenne des ménages, avec un salaire mensuel net « compris entre 1500 et 2000 euros »11
.
Des aides de financement peuvent être attribuées par le Conseil Général sur étude du dossier.
Alors, depuis vingt-cinq ans, les effectifs d’aides-soignants se sont vus augmentés, et
concernent entre 2007 et 2009 près de 513000 emplois en France. Ce métier est à neuf
emplois sur dix occupé par des femmes, et de plus en plus de personnes de plus de trente ans
soit 79% contre 58% il y a vingt-cinq ans. De plus, l’exercice à temps partiel est répandu, et
concerne 22% des agents entre 2007 et 2009. Les personnes qui accèdent à cette
professionnalisation aujourd’hui sont pour la plupart titulaire du baccalauréat ou d’un diplôme
supérieur pour 40% des effectifs selon la DREES (Arborio, 2013, p.11). Les données
démographiques éclairent une partie identitaire. Combinées avec l’histoire et la
réglementation du métier, la formation professionnelle, elles participent à la construction
d’une identité sociologique de l’aide-soignant.
2.3.4 L’identité sociologique de l’aide-soignant
Même si l’évolution du métier et de la formation de l’aide-soignant tendent à une
autonomie et une professionnalisation, l’aide-soignant se voit souvent attribué une
représentation négative des tâches qui lui sont déléguées et une image de subordination de
l’infirmier. En effet, la notion de « dirty work » (Hugues, 1996, p.69) décrite tout d’abord par
Everett Hugues est définie par la délégation des « tâches serviles, fastidieuses ou dégradantes
dans un métier donné » (id. p.70), notamment entre l’infirmier et l’aide-soignant, ou entre le
médecin et l’infirmier. Ce paradigme sociologique de « sale boulot » a été repris en France