Alexis Carrel, Un mdecin parle de la prire. (1944)
Alexis CARREL [1873-1944]Chirurgien et biologiste
franais(1944)
Un mdecin parlede la prire.
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Alexis Carrel
Un mdecin parle de la prire.
Prsentation de Laurent Potvin. Paris: Plon, 1944.Source:
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[Autorisation formelle accorde par le Frre Laurent Potvin le 24
dcembre 2011 de diffuser sa prsentation de ce texte dAlexis Carrel
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Saguenay, Qubec.
Alexis Carrel
Un mdecin parle de la prire.
Paris: Plon, diteur, 1944.
Table des matires
Prsentation, Laurent Potvin, 24 dcembre 2011.
Un mdecin parle de la prire, 1944.
Introduction
Quest-ce que la prire?Comment faut-il prier?Quelles sont les
diverses formes de la prire?O et quand prier?Quels sont les effets
de la prire?Comment la prire agit-elle sur nous?Quels sont les
rsultats de la prire?Quelles sont la place et la puissance de la
prire?
Pour nous rsumer et conclure
Alexis Carrel1873-1944
Prsentation
Par Laurent Potvin, frre mariste,24 dcembre 2011.
Retour la table des matiresAlexis Carrel est un mdecin et
chirurgien franais. N le 28 juin 1873 Ste-Foy, prs de Lyon, il dcde
Paris le 5 novembre 1944. Il a travaill quelque temps Lourdes comme
expert au Bureau Mdical qui contrlait sur place les gurisons des
malades qui se disaient guris dans ce lieu de plerinage marial.En
consultant le Net, voici les donnes les plus utiles qui permettent
de prsenter sommairement ce mdecin.tabli aux tats-Unis, il
travaille lInstitut Rockefeller de New-York sur la suture des
vaisseaux sanguins et la greffe des tissus et des organes, crant
ainsi la chirurgie vasculaire tout en tudiant galement la survie
des cellules de tissus et des organes en dehors du corps. Ces
travaux de pointe et trs importants dans le domaine de la mdecine
lui valent, en 1912, le Prix Nobel de Mdecine, une sorte de
conscration de limportance des dcouvertes menes bien par ce
rcipiendaire. En 1915, il met au point la fameuse eau Dakin qui,
empchant linfection des blessures, sauve la vie de plus dun million
de soldats durant la Premire Guerre Mondiale.Alexis Carrel est
galement un pionnier de la transplantation dorganes et cre, avec
Charles Lindbergh, la circulation extracorporelle ouvrant la voie
la chirurgie thoracique et celle de laorte. Noublions pas quen
1910, il avait dj ralis le premier pontage cardiaque.Il a publi
deux ouvrages remarquables: Lhomme, cet inconnu (1935), un livre de
porte universelle, et Rflexions sur la conduite de la vie. En
portant sur Google le titre de ce dernier ouvrage, vous pourrez
tablir un lien qui vous permettra de prendre connaissance de larges
extraits choisis propres vous donner loccasion dapprcier le style
et la pense de cet auteur qui, toute sa vie, plaida pour leugnisme
dans le respect des valeurs chrtiennes et pour une politique
nataliste.En dcembre 1940, il publiait, en anglais et dans le clbre
magazine amricain Readers Digest, un article remarqu sur le pouvoir
de la prire. Au dbut de janvier 1944, il se dcida dcrire un nouvel
essai plus labor sur la prire, celui que je vous prsente dans les
pages suivantes. Ctait l son dernier ouvrage littraire.Les tirages
part de cet article dpassrent rapidement les 125000exemplaires! Ce
rsultat dmontre sans contredit la valeur dun tel expos manant dun
mdecin de cette qualit humaine et intellectuelle. Cet article fut
ultrieurement publi la fin du texte des nouvelles rditions de son
magistral ouvrage: Lhomme, cet inconnu.
Laurent Potvin24 dcembre 2011.
Alexis Carrel
Un mdecin parlede la prire.
Paris: Plon diteur, 1944.
INTRODUCTION
Retour la table des matires nous, hommes dOccident, la raison
semble trs suprieure lintuition. Nous prfrons de beaucoup
lintelligence aux sentiments. La science rayonne tandis que la
religion steint. Nous suivons Descartes, et dlaissons Pascal.Aussi
cherchons-nous dabord dvelopper en nous lintelligence. Quant aux
activits non intellectuelles de lesprit, telles que le sens moral,
le sens du beau et surtout le sens du sacr, elles sont ngliges de
faon presque complte. Latrophie de ces activits fondamentales fait
de lhomme moderne un tre spirituellement aveugle. Une telle
infirmit ne lui permet pas dtre un bon lment constitutif de la
socit. Cest la mauvaise qualit de lindividu quil faut attribuer
leffondrement de notre civilisation. En fait, le spirituel se
montre aussi indispensable la russite de la vie que lintellectuel
et le matriel. Il est donc urgent de ressusciter en nous-mmes les
activits mentales qui, beaucoup plus que lintelligence, donnent sa
force la personnalit. La plus ignore dentre elles est le sens du
sacr, ou sens religieux.Le sens du sacr sexprime surtout par la
prire. La prire, comme le sens du sacr, est, de toute vidence, un
phnomne spirituel. Or, le monde spirituel se trouve hors de
latteinte de nos techniques. Comment donc acqurir une connaissance
positive de la prire? Le domaine de la science comprend
heureusement la totalit de lobservable. Et il peut, par
lintermdiaire du physiologique, stendre jusquaux manifestations du
spirituel. Cest donc par lobservation systmatique de lhomme qui
prie que nous apprendrons en quoi consistent le phnomne de la
prire, la technique de sa production et ses effets.
Quest-ce que la prire?
La prire parat tre essentiellement une tension de lesprit vers
le substratum immatriel du monde. En gnral, elle consiste en une
plainte, un cri dangoisse, une demande de secours. Parfois elle
devient une contemplation sereine du principe immanent et
transcendant de toutes choses. On peut la dfinir galement comme une
lvation de lme vers Dieu. Comme un acte damour et dadoration envers
celui do vient la merveille quest la vie. En fait, la prire
reprsente leffort invisible, crateur de tout ce qui existe, suprme
sagesse, force et beaut, pre et sauveur de chacun de nous. Loin de
consister en une simple rcitation de formules, la vraie prire
reprsente un tat mystique o la conscience sabsorbe en Dieu. Cet tat
nest pas de nature intellectuelle. Aussi reste-t-il inaccessible
autant quincomprhensible aux philosophes et aux savants. De mme que
le sens du beau et lamour, il ne demande aucune connaissance
livresque. Les simples sentent Dieu aussi naturellement que la
chaleur du soleil ou le parfum dune fleur. Mais ce Dieu si
abordable celui qui sait aimer se cache celui qui ne sait que
comprendre. La pense et la parole font dfaut quand il sagit de le
dcrire. Cest pourquoi la prire trouve sa plus haute expression dans
un essor de lamour travers la nuit obscure de lintelligence.
Comment faut-il prier?
Nous avons appris la technique de la prire des mystiques
chrtiens depuis saint Paul jusqu saint Benot et la foule des aptres
anonymes qui, pendant vingt sicles, ont initi les peuples dOccident
la vie religieuse. Le dieu de Platon tait inaccessible dans sa
grandeur. Celui dpictte se confondait avec lme des choses. Jahv
inspirait plutt la terreur, et non lamour. Le christianisme, au
contraire, a amen Dieu porte de lhomme. Il lui a donn un visage. Il
en a fait notre pre, notre frre, notre sauveur. Pour atteindre
Dieu, il nest plus besoin dun crmonial complexe, de sacrifices
sanglants. La prire est devenue facile, et sa technique simple.Pour
prier, il faut seulement faire leffort de se tendre vers Dieu. Cet
effort doit tre affectif et non intellectuel. Une mditation sur la
grandeur de Dieu, par exemple, nest pas une prire, moins dtre en
mme temps une expression damour et de foi. Cest ainsi que loraison
suivant la mthode de saint Jean-Baptiste de La Salle, part dune
considration intellectuelle pour devenir immdiatement affective.
Quelle soit courte ou longue, quelle soit vocale ou seulement
mentale, la prire est semblable la conversation dun enfant avec son
pre. On se prsente comme on est disait un jour une petite Sur de
Charit qui depuis trente ans brle sa vie au service des pauvres. En
somme, on prie, de mme quon aime, avec tout son tre.
Quelles sont les diverses formes de la prire?
Quant la forme de la prire, elle varie depuis la courte
aspiration vers Dieu jusqu la contemplation, depuis les simples
mots prononcs par la paysanne devant le calvaire la croise des
chemins jusqu la magnificence du chant grgorien sous les votes de
la cathdrale. La solennit, la grandeur et la beaut ne sont pas
ncessaires lefficacit de la prire. Bien peu dhommes ont su prier
comme saint Jean de la Croix, ou saint Bernard de Clairvaux. Mais
il nest pas besoin dtre loquent pour tre exauc. Quand on juge de la
valeur de la prire par ses rsultats, nos plus humbles mots de
supplication et de louange semblent aussi acceptables au Matre de
tous les tres que les plus belles invocations. Des formules rcites
machinalement sont en quelque sorte une prire. De mme, la flamme
dun cierge. Il suffit pour cela que ces formules inertes et cette
flamme matrielle symbolisent llan vers Dieu dun tre humain. On prie
aussi par laction; saint Louis de Gonzague disait que
laccomplissement du devoir est quivalent la prire. La meilleure
manire de communier avec Dieu est sans nul doute daccomplir
intgralement sa volont. Notre Pre, que votre rgne arrive, que votre
volont soit faite sur la terre comme au ciel Et faire la volont de
Dieu consiste videmment obir aux lois de la vie, telles quelles
sont inscrites dans nos tissus, notre sang et notre esprit.Les
prires qui slvent comme une grande nue de la surface de la terre
diffrent les unes des autres autant que diffre la personnalit de
ceux qui prient. Mais elles consistent en des variations sur deux
thmes: la dtresse et lamour. Il est entirement lgitime dimplorer le
secours de Dieu pour obtenir ce dont nous avons besoin. Cependant,
il serait absurde de demander la gratification dun caprice, ou ce
que notre effort doit nous procurer. La demande importune, obstine,
agressive russit. Un aveugle assis sur le bord du chemin hurlait
ses supplications de plus en plus fort, malgr les gens qui
voulaient le faire taire. Ta foi ta guri dit Jsus qui passait. Dans
sa forme la plus leve, la prire cesse dtre une ptition. Lhomme
expose au Matre de toutes choses quil laime, quil le remercie de
ses dons, quil est prt accomplir sa volont quelle quelle soit. La
prire devient contemplation. Un vieux paysan tait assis seul dans
le dernier banc de lglise vide. Quattendez-vous? lui demanda-t-on.
Je le regarde, rpondit-il, et il me regarde. La valeur dune
technique se mesure par ses rsultats. Toute technique de la prire
est bonne quand elle met homme au contact avec Dieu.
O et quand prier?
On peut prier partout. Dans la rue, en automobile, en wagon, au
bureau, lcole, lusine. Mais on prie mieux dans les champs, les
montagnes et les bois, ou dans la solitude de sa chambre. Il y a
aussi les prires liturgiques qui se font lglise. Mais, quel que
soit le lieu de la prire, Dieu ne parle lhomme que si ce dernier
tablit le calme en lui-mme. Le calme intrieur dpend la fois de
notre tat organique et mental et du milieu dans lequel nous sommes
plongs. La paix, du corps et de lesprit est difficile obtenir dans
la confusion, le fracas et la dispersion de la cit moderne. Il y a
besoin aujourdhui de lieux de prires, de prfrence des glises, o les
habitants des villes puissent trouver, ne ft-ce que pour un court
moment, les conditions physiques et psychologiques indispensables
leur tranquillit intrieure. Il ne serait ni difficile ni coteux de
crer ainsi des lots de paix accueillants et beaux au milieu du
tumulte de la cit. Dans le silence de ces refuges, les hommes
pourraient, en levant leur pense vers Dieu, reposer leurs muscles
et leurs organes, dtendre leur esprit, clarifier leur jugement, et
recevoir la force de supporter la dure vie dont les accable
notrecivilisation.Cest en devenant une habitude que la prire agit
sur le caractre. Il faut donc prier frquemment. Pense Dieu plus
souvent que tu respires disait pictte. Il est absurde de prier le
matin et de se conduire le reste de la journe comme un barbare. De
trs courtes penses ou invocations mentales peuvent maintenir lhomme
en prsence de Dieu. Toute la conduite est alors inspire par la
prire. Ainsi comprise, la prire devient une manire de vivre.
Quels sont les effets de la prire?
La prire est toujours suivie dun rsultat si elle est faite dans
des conditions convenables. Aucun homme na jamais pri sans
apprendre quelque chose crivit Ralph Emerson. Nanmoins, la prire
est considre par les hommes modernes comme une habitude dsute, une
vaine superstition, un reste de barbarie. En vrit, nous ignorons
presque compltement ses effets.Quelles sont les causes de notre
ignorance? Dabord, la raret de la prire. Le sens du sacr est en
voie de disparition chez les civiliss. Il est probable que le
nombre de Franais qui prient habituellement ne dpasse pas 4 ou 5%
de la population. Ensuite, la prire est souvent strile. Car la
plupart de ceux qui prient sont des gostes, des menteurs, des
orgueilleux, des pharisiens incapables de foi et damour. Enfin ses
effets, quand ils se produisent, trs souvent nous chappent. La
rponse nos demandes et notre amour est donne habituellement de faon
lente, insensible, presque inaudible. La petite voix qui murmure
cette rponse au fond de nous est facilement touffe par les bruits
du monde. Les rsultats matriels de la prire eux aussi sont obscurs.
Ils se confondent gnralement avec dautres phnomnes. Peu de gens,
mme parmi les prtres, ont donc eu loccasion de les observer de faon
prcise. Et les mdecins, par manque dintrt, laissent souvent passer
sans les tudier les cas qui se trouvent leur porte. En outre, les
observateurs sont souvent drouts par le fait que la rponse est loin
dtre toujours celle attendue. Par exemple, tel qui demande dtre
guri dune maladie organique reste malade, mais subit une profonde
et inexplicable transformation morale. Nanmoins, lhabitude de la
prire, quoique exceptionnelle dans lensemble de la population, est
relativement frquente dans les groupes rests fidles la religion
ancestrale. Cest dans ces groupes quil est possible encore de nos
jours dtudier son influence. Parmi ses innombrables effets, le
mdecin a surtout loccasion dobserver ceux que lon appelle
psychophysiologiques et curatifs.
Comment la prire agit-elle sur nous?
La prire agit sur lesprit et sur le corps dune manire qui semble
dpendre de sa qualit, de son intensit et de sa frquence. Il est
facile de connatre quelle est la frquence de la prire et, dans une
certaine mesure, son intensit. Sa qualit demeure inconnue, car nous
navons pas le moyen de mesurer la foi et la capacit damour dautrui.
Cependant, la manire dont vit celui qui prie peut nous clairer sur
la qualit des invocations quil envoie Dieu. Mme quand la prire est
de faible valeur et consiste surtout en la rcitation machinale de
formules, elle exerce un effet sur le comportement. Elle fortifie
la fois le sens du sacr et le sens moral. Les milieux o lon prie se
caractrisent par une certaine persistance du sentiment du devoir et
de la responsabilit, par moins de jalousie et de mchancet, par
quelque bont lgard des autres. Il parat dmontr que, lgalit de
dveloppement intellectuel, le caractre et la valeur morale sont
plus levs chez les individus qui prient, mme de faon mdiocre, que
chez ceux qui ne prient pas.Quand la prire est habituelle et
vraiment fervente, son influence devient trs claire. Elle est un
peu comparable celle dune glande scrtion interne, telles que la
glande thyrode ou la glande surrnale, par exemple. Elle consiste en
une sorte de transformation mentale et organique. Cette
transformation sopre de faon progressive. On dirait que dans la
profondeur de la conscience une flamme sallume. Lhomme se voit tel
quil est. Il dcouvre son gosme, sa cupidit, ses erreurs de
jugement, son orgueil. Il se plie laccomplissement du devoir moral.
Il tente dacqurir lhumilit intellectuelle. Ainsi souvre devant lui
le royaume de la GrcePeu peu il se produit un apaisement intrieur,
une harmonie des activits nerveuses et morales, une plus grande
endurance lgard de la pauvret, de la calomnie, des soucis, la
capacit de supporter sans faiblir la perte des siens, la douleur,
la maladie, la mort. Aussi le mdecin qui voit un malade se mettre
prier peut-il se rjouir. Le calme engendr par la prire est une aide
puissante la thrapeutique.Cependant, la prire ne doit pas tre
assimile la morphine. Car elle dtermine, en mme le temps que le
calme, une intgration des activits mentales, une sorte de floraison
de la personnalit. Parfois lhrosme. Elle marque ses fidles dun
sceau particulier. La puret du regard, la tranquillit du maintien,
la joie sereine de lexpression, la virilit de la conduite, et,
quand il est ncessaire, la simple acceptation de la mort du soldat
ou du martyr, traduisent la prsence du trsor cach au fond des
organes et de lesprit. Sous cette influence, mme les ignorants, les
retards, les faibles, les mal dous utilisent mieux leurs forces
intellectuelles et morales. La prire, semble-t-il, soulve les
hommes au-dessus de la stature mentale qui leur appartient de par
leur hrdit et leur ducation. Ce contact avec Dieu les imprgne de
paix. Et la paix rayonne deux. Malheureusement, il ny a prsent dans
le monde quun nombre infime dindividus qui sachent prier de faon
effective.
Quels sont les rsultats de la prire?
Ce sont les effets curatifs de la prire qui, toutes les poques,
ont principalement attir lattention des hommes. Aujourdhui encore,
dans les milieux o lon prie, on parle assez frquemment de gurisons
obtenues grce des supplications adresses Dieu ou ses saints. Mais
quand il sagit de maladies susceptibles de gurir spontanment ou
laide des mdications ordinaires, il est difficile de savoir quel a
t lagent vritable de la gurison. Ce nest que dans les cas o toute
thrapeutique est inapplicable, ou a chou, que les rsultats de la
prire peuvent tre srement constats. Le Bureau Mdical de Lourdes a
rendu un grand service la science en dmontrant la ralit de ces
gurisons. La prire a parfois un effet pour ainsi dire explosif. Des
malades ont t guris presque instantanment daffections telles que
lupus de la face, cancers, infections du rein, ulcres, tuberculose
pulmonaire, osseuse ou pritonale. Le phnomne se produit presque
toujours de la mme manire. Une grande douleur. Puis le sentiment
dtre guri. En quelques secondes, au plus quelques heures, les
symptmes disparaissent, et les lsions anatomiques se rparent. Le
miracle est caractris par une acclration extrme des processus
normaux de gurison. Jamais une telle acclration na t observe jusqu
prsent au cours de leurs expriences par les chirurgiens et les
physiologistes.Pour que ces phnomnes se produisent, il nest pas
besoin que le malade prie. Des petits enfants encore incapables de
parler et des incroyants ont t guris Lourdes. Mais, prs deux,
quelquun priait. La prire faite pour un autre est toujours plus
fconde que celle faite pour soi-mme. Cest de lintensit et de la
qualit de la prire que parat dpendre son effet. Lourdes, les
miracles sont beaucoup moins frquents quils ltaient il y a quarante
ou cinquante ans. Car les malades ny trouvent plus latmosphre de
profond recueillement qui y rgnait jadis. Les plerins sont devenus
des touristes et leurs prires moins efficaces. Tels sont les
rsultats de la prire dont jai une connaissance certaine. ct deux,
il y en a une multitude dautres. Lhistoire des saints, mme
modernes, relate beaucoup de faits merveilleux. Il nest pas douteux
que la plupart des miracles attribus, par exemple, au cur d'Ars,
sont vridiques. Cet ensemble de phnomnes nous introduit dans un
monde nouveau, dont lexploration nest pas commence et sera fertile
en surprises. Ce que nous savons dj de faon sre, cest que la prire
produit des effets tangibles.Si trange que la chose puisse paratre,
nous devons considrer comme vrai que quiconque demande reoit, et
quon ouvre celui qui frappe.
Quelles sont la place et la puissance de la prire?
En somme, tout se passe comme si Dieu coutait lhomme et lui
rpondait. Les effets de la prire ne sont pas une illusion. Il ne
faut pas rduire le sens du sacr langoisse prouve par lhomme devant
les dangers qui lentourent et le mystre de lunivers. Ni faire
simplement de la prire une potion calmante, un remde contre notre
peur de la souffrance, de la maladie et de la mort. Quelle est donc
la signification du sens du sacr? Et quelle place la nature
elle-mme assigne-t-elle la prire dans notre vie? En fait, cette
place est trs importante. presque toutes les poques, les hommes
dOccident ont pri.La Cit antique tait principalement une
institution religieuse. Les Romains levaient partout des temples.
Nos anctres du Moyen ge couvrirent de cathdrales et de chapelles
gothiques le sol de la Chrtient. De nos jours encore, au-dessus de
chaque village slve un clocher. Cest par des glises, comme par des
universits et des usines, que les plerins venus dEurope instaurrent
dans le monde nouveau la civilisation dOccident. Au cours de notre
histoire, prier a t un besoin aussi lmentaire que celui de
conqurir, de travailler, de construire, ou daimer. En vrit, le sens
du sacr parat tre une impulsion venue du plus profond de notre
nature, une activit fondamentale. Ses variations dans un groupe
humain sont presque toujours lies celles dautres activits basiques,
le sens moral et le caractre, et parfois le sens du beau. Cest
cette partie si importante de nous-mmes que nous avons permis de
satrophier et souvent de disparatre.Il faut se souvenir que lhomme
ne peut pas sans danger se conduire au gr de sa fantaisie. Pour
russir, la vie doit tre mene suivant des rgles invariables qui
dpendent de sa structure mme. Nous courons un risque grave, quand
nous laissons mourir en nous quelque activit fondamentale, quelle
soit dordre physiologique, intellectuel ou spirituel. Par exemple,
le manque de dveloppement des muscles, du squelette, et des
activits non rationnelles de lesprit chez certains intellectuels
est aussi dsastreux que latrophie de lintelligence et du sens moral
chez certains athltes. Il y a dinnombrables exemples de familles
prolifiques et fortes qui ne produisirent que des dgnrs ou
steignirent, aprs la disparition des croyances ancestrales et du
culte de lhonneur. Nous avons appris, par une dure exprience, que
la perte du sens moral et du sens du sacr dans la majorit des
lments actifs dune nation amne la dchance de cette nation et son
asservissement ltranger. La chute de la Grce antique fut prcde dun
phnomne analogue. De toute vidence, la suppression dactivits
mentales voulues par la nature est incompatible avec la russite de
la vie.En pratique, les activits morales et religieuses sont lies
les unes aux autres. Le sens moral svanouit peu de temps aprs le
sens du sacr. Lhomme na pas russi construire, comme le voulait
Socrate, un systme de morale indpendant de toute doctrine
religieuse. Les socits o disparat le besoin de prier ne sont
gnralement pas loignes de la dgnrescence. Cest pourquoi tous les
civiliss incroyants aussi bien que croyants doivent sintresser ce
grave problme du dveloppement de chaque activit basique dont ltre
humain est capable.Pour quelle raison le sens du sacr joue-t-il un
rle aussi important dans la russite de la vie? Par quel mcanisme la
prire agit-elle sur nous? Ici, nous quittons le domaine de
lobservation pour celui de lhypothse. Mais lhypothse, mme
hasardeuse, est ncessaire au progrs de la connaissance. Il faut
nous rappeler dabord que lhomme est un tout indivisible compos dun
tissu, de liquides organiques et de conscience. Il nest donc pas
compris entirement dans les quatre dimensions de lespace et du
temps. Car la conscience, si elle rside dans nos organes, se
prolonge en mme temps hors du continuum physique. Dautre part, le
corps vivant qui nous parat indpendant de son milieu matriel,
cest--dire de lunivers physique, en est, en ralit, insparable. Car
il est intimement li ce milieu par son besoin incessant doxygne de
lair et des aliments que lui fournit la terre. Ne nous est-il pas
permis de croire que nous sommes plongs dans un milieu spirituel
dont nous ne pouvons pas davantage nous passer que de lunivers
matriel, cest--dire de la terre et de lair? Et ce milieu ne serait
autre que ltre immanent dans tous les tres et les transcendant
tous, que nous appelons Dieu. La prire pourrait donc tre considre
comme lagent des relations naturelles entre la conscience et son
milieu propre. Comme une activit biologique dpendant de notre
structure. En dautres termes, comme une fonction normale de notre
corps et de notre esprit.
Pour nous rsumer et conclure
En rsum, le sens du sacr revt, par rapport aux autres activits
de lesprit, une importance singulire. Car il nous met en
communication avec limmensit mystrieuse du monde spirituel. Cest
par la prire que lhomme va Dieu et que Dieu entre en lui. Prier
apparat comme indispensable notre dveloppement optimum. Nous ne
devons pas prendre la prire pour un acte auquel seuls se livrent
les faibles desprit, les mendiants, ou les lches. Il est honteux de
prier crivait Nietzsche. En fait, il nest pas plus honteux de prier
que de boire ou de respirer. Lhomme a besoin de Dieu comme il a
besoin deau etdoxygne.Joint lintuition, au sens moral, au sens du
beau et la lumire de lintelligence, le sens du sacr donne la
personnalit son plein panouissement. Il nest pas douteux que la
russite de la vie demande le dveloppement intgral de chacune de nos
activits physiologiques, intellectuelles, affectives et
spirituelles. Lesprit est la fois raison et sentiment. Il nous faut
donc aimer la beaut de la science et aussi la beaut de Dieu. Nous
devons couter Pascal avec autant de ferveur que nous coutons
Descartes.
F I N