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LA GUERRE ET SES TRACES
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Traces des guerres, traces de paix armée: l'apport de quatre campagnes de prospection aérienne dans le nord de l'Espagne

Feb 05, 2023

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Eduardo Maura
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LA GUERRE ET SES TRACES

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- AUSONIUS ÉDITIONS -— Mémoires 37 —

LA GUERRE ET SES TRACESConflits et sociétés en Hispanie

à l’époque de la conquête romaine (IIIe-Ier s. a.C.)

textes réunis par

François Cadiou & Milagros Navarro Caballero

— Bordeaux 2014 —

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Notice catalographiqueCadiou, F. et M. Navarro Caballero (2014) :La guerre et ses traces. Conflits et sociétés en Hispanie à l’époque de la conquête romaine (IIIe-Ier s. a.C.), Ausonius Mémoires 37, Bordeaux.

Mots-clé : péninsule Ibérique ; provinces romaines ; époque républicaine ; guerre ; conquête romaine ; archéologie militaire ; camps romains ; numismatique ; armée romaine ; épigraphie.

AUSONIUSMaison de l’ArchéologieUniversité de Bordeaux - MontaigneF - 33607 Pessac Cedexhttp://ausoniuseditions.u-bordeaux-montaigne.fr

Directeur des Publications : Olivier DEVILLERSSecrétaire des Publications : Nathalie PEXOTOCouverture : Stéphanie VINCENT PÉREZ

© AUSONIUS 2014ISSN : 1283-2995ISBN : 978-2-35613-096-9

Achevé d’imprimer sur les pressesde l’imprimerie Gráficas Calima, S.A.Avda Candina, s/nE - 39011 Santander - Cantabria - Espagne

juin 2014

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Traces de guerres, traces de paix armée : l’apport de quatre campagnes de prospection aérienne

dans le nord de l’Espagne

François Didierjean, Angel Morillo Cerdán & Catherine Petit-Aupert

– La guerre et ses traces, p. 149 à 179

L a prospection aérienne représente un volet important dans le programme “la guerre et ses traces” : on en attendait des progrès dans la connaissance des opérations militaires liées à la conquête romaine et sur la localisation desquelles les sources donnent le plus souvent des indications vagues et obscures. Cela

comprenait en premier lieu l’établissement d’une documentation des sites connus susceptibles d’être concernés par le thème étudié, sous la forme de clichés numériques à intégrer dans la base de données dont l’établissement forme l’aboutissement du programme ; en second lieu, la recherche de la solution de problèmes de géographie historique, comme la localisation d’agglomérations qui firent l’objet de sièges ou furent le théâtre de combats – par exemple la Bergidum des Cantabres –, et celle de lieux géographiques remarquables comme le mons Vindius, qui fut le dernier réduit des mêmes Cantabres sous Auguste. Le troisième objectif était une meilleure connaissance de l’appareil logistique romain, en particulier sous trois aspects : d’abord les camps militaires évoqués par les sources – par exemple celui de Caton près d’Ampurias 1 – ou signalés par des découvertes archéologiques, comme près de Segeda, ensuite les travaux de siège comme autour de Numance, enfin les routes, instruments incontournables de la pénétration et du contrôle du territoire, bien qu’en ce domaine la détection aérienne ne puisse intégrer la dimension chronologique, pourtant essentielle, puisqu’elle permet de distinguer les infrastructures mises en place pendant et après la conquête.

Près de cent trente heures de vol ont été effectuées au cours de onze missions, de 2007 à 2010, à raison de trois missions par an en moyenne. Elles le furent à divers moments de l’année, en fonction des objectifs poursuivis et des secteurs à étudier : le printemps reste la saison privilégiée, mais de bons résultats ont été obtenus en été ou en début d’automne, en particulier pour les zones non cultivées. Les recherches ont concerné la partie nord de la péninsule (fig. 1), à l’exception de la Galice, et se sont concentrées là où l’on pouvait espérer que la détection aérienne soit fructueuse, c’est-à-dire la vallée de l’Èbre et ses connexions avec l’intérieur de la péninsule (Duero, nord de la Meseta), ainsi que le littoral atlantique (Cantabrie, Asturies). La mise en œuvre du programme s’est faite grâce à l’établissement – à partir de la nomenclature fournie par la synthèse récente qu’a dirigée A. Morillo Cerdán 2 – d’une liste de sites à survoler et à surveiller, chacun faisant l’objet d’un repérage précis sur carte et sur les orthophotos du SIGPAC. C’est à documenter ces sites qu’ont été consacrées les deux premières campagnes, et ce fut l’occasion de découvrir quelques nouveautés, dont certaines ont été présentées au colloque de Madrid en novembre 2007 3. Sous l’impulsion d’A. Morillo Cerdán, les investigations se sont orientées, à partir de 2009, vers le théâtre des guerres cantabriques, où l’on pouvait définir une problématique cohérente, et où les découvertes récentes laissaient espérer des progrès significatifs 4. La surveillance des axes routiers, qui ont été les vecteurs de la conquête, et des villes qui les jalonnaient s’est poursuivie parallèlement, et a donné là aussi des résultats.

Il ne s’agit pas ici de dresser un catalogue des sites photographiés, ni d’exposer les modalités techniques de réalisation des vols ; on signalera cependant que ceux-ci ont été l’occasion de mettre en pratique la nouvelle procédure administrative prévue par les différentes législations de protection du Patrimoine instituées par les Communautés Autonomes dans les années 2000 pour la réalisation de prospections aériennes 5. Il convient aussi de souligner que les vols, comme les contrôles

* Article réalisé dans le cadre des programmes La Guerre et ses Traces. ANR-Institut Ausonius, CNRS-Université Bordeaux 3, dirigé par M. Navarro Caballero et Campamentos y militares en Hispania (HAR2011-24095), dirigé par Angel Morillo.

1. Liv. 34.11.1 ; Didierjean 2008, 95-97.2. Morillo Cerdán 2007. 3. Didierjean 2008.4. Morillo Cerdán 2002 et 2006 ; Morillo Cerdán 2008 et 2011 ; Morillo Cerdán et al. 2009 ; Peralta Labrador 2002a ou b ; Serna Gancedo 2010.5. Pour le Principado de Asturias, Ley de Patrimonio Cultural 1/2001 ; pour la Communauté de Castilla y León : Reglamento para la

Protección del Patrimonio Cultural de Castilla y León, décret 37/2007.

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150 – FRANÇOIS DIDIERJEAN, ANGEL MORILLO CERDÁN & CATHERINE PETIT-AUPERTÉléments  sous  droit  d’auteur  -­  ©  Ausonius  Éditions  juillet  2014

au sol, ont engagé non seulement les auteurs de ce travail, mais aussi, ponctuellement, des intervenants bénévoles 6. Les résultats obtenus concernent principalement les guerres cantabriques, mais divers indices semblent se rapporter à une activité militaire postérieure à celles-ci.

LES GUERRES CANTABRIQUES

La recherche dans ce domaine a concerné en premier lieu des problèmes de localisation (fig. 2) : les opérations menées par les Romains en 26-25 a.C., regroupées sous cette dénomination, ont revêtu une ampleur considérable (huit légions engagées), mais nous ne disposons, à leur égard, que des résumés d’Orose et de Florus 7, qui donnent fort peu de précisions géographiques, et les rares toponymes fournis – d’ailleurs parfois différents dans les deux textes – peuvent rarement être rapportés à des lieux existants. Il n’y a que deux exceptions : Lancia 8, localisée sans contestation à La Cuevorra, commune de Villasabariego (León), et Segisama, qui est le plus souvent placée à proximité de l’actuelle Sasamón. Mais il règne, au sujet de cette dernière, une certaine confusion, y compris dans les sources antiques, qui mentionnent parfois deux villes distinctes, Segisamo et Segisama Iulia 9 : nous reviendrons sur ce point. Les questions sont donc bien plus nombreuses que les réponses : concernant les Cantabres, où se trouvait la place-forte de Bergida ou Bergidum, lieu de la première bataille des Romains contre les Cantabres ? Le mons Vindius où les Cantabres se réfugièrent ? Aracelium, qui subit plusieurs assauts ? Le mons Medullius, dernier refuge des Astures aux abois, que les Romains entourèrent d’un fossé de quinze milles (22,5 km) ? D’après les textes de Florus et d’Orose, tous ces événements auraient concerné la même première campagne, celle de 25 a.C. À propos des Astures, Florus expose qu’ils établirent leur camp sur les bords de l’Astura, or l’identification de ce cours d’eau avec l’actuel río Esla est probable, mais n’est pas prouvée 10. Nous savons que les Romains envoyés contre eux avaient établi

6. Il s’agit, pour les vols, de pilotes de l’aéro-club de Bordeaux-Yvrac (André Demery, Daniel Théreau, Roland Bouchereau), et de chercheurs espagnols (E. Martín Hernández, P. Uribe Agudo ; pour les contrôles au sol, de chercheurs espagnols (J. Liz Guiral, E. Martín Hernández, J. Camino Mayor). Qu’ils reçoivent ici le témoignage de notre reconnaissance, de même que les responsables de l’administration du Patrimoine, tant de León que du Principado de Asturias, pour leur disponibilité et la qualité de leur accueil, sans oublier M. A. Magallón Botaya qui a grandement facilité nos recherches sur l’Aragon.

7. Flor. 2.33.55 ; Oros. 6.21.1-11 ; D.C. 7.53.25 est plus précis sur les dates, mais encore plus vague sur les lieux.8. TIR K-30, 1993, 138 ; Tovar 1989, 335-336.9. Plin., Nat., 3.26 distingue bien les Segisamaiulienses (= de Segisama Iulia) des Segisamonenses (= de Segisamo), tous deux faisant

partie des Turmogi. Il est suivi par Ptolémée 2.650 et 652 qui place cependant Segisama Iulia chez les Vaccéens.10. Santos Yanguas 2009, 70, pencherait pour l’Orbigo. On ne peut s’empêcher d’observer que le camp récemment découvert à Huerga

de Frailes (Menéndez Blanco et al. 2011) se trouve justement sur le bord de sa vallée, mais peut-être n’est-ce qu’une coïncidence…

16Vers Caesaraugusta

El Espino

K

0 300 m

Herrera de P.

PICOS DE EUROPA

?

?

TELENO

Ville actuelleVille antiqueEtablissement militaire antiqueAxe routier majeur

Limites de la zone étudiéePossible zone-refuge

ASTURESCANTABRES

Girona

Lleida

Tarragona

Huesca

Campo RealPamplona

Vitoria

SantanderOviedo

AstorgaLéon

ValladolidZamora

Villalazán

Salamanca

CalatayudZaragozaSoria

Burgos

Lancia Lybia

Numance

Segisamo

Uxama

Clunia

Duero

EbreEsl

a

M

E

S

E

T

A

0 50 100 km

| Fig. 1. Carte des zones concernées par la prospection aérienne (DAO : G. Verninas, Ausonius).

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TRACES DE GUERRES, TRACES DE PAIX ARMÉE –151Éléments  sous  droit  d’auteur  -­  ©  Ausonius  Éditions  juillet  2014

trois camps, mais leur localisation est inconnue. Ils étaient vraisemblablement situés non loin de Lancia, où les Astures défaits se réfugièrent, mais peuvent également avoir été implantés à des kilomètres de distance.

Le second axe de travail a concerné la Cordillère Cantabrique : dans sa partie est, en Cantabrie même, des travaux récents et de qualité ont permis, d’une part, de retrouver des installations défensives visant à barrer le passage aux endroits les plus aptes à stopper la progression d’une force ennemie arrivant du sud et, d’autre part, de localiser de nombreuses traces d’un dispositif de contrôle de la montagne par les Romains, jusque là totalement inconnu. Ce sont principalement des campements militaires, disposés le long de l’axe principal sud-nord qui permet une traversée assez facile de la chaîne, par les vallées du Pisuerga et du Camesa, puis, après avoir croisé la haute vallée de l’Ebre, par le chemin de crête qui passe entre les vallées du Besaya et du Pas, pour redescendre progressivement vers la baie de Santander 11. Certes, il n’est pas démontré que toutes ces structures sont à mettre en relation avec l’épisode de la conquête, mais c’est très probable pour un certain nombre d’entre elles (en particulier El Castillejo, La Poza premier état, Cildá, Las Cercas, La Muela, El Cincho...), au vu du mobilier découvert lors des prospections et des fouilles réalisées. À l’ouest de cet axe, le castro de La Loma (Santibáñez de la Peña, Palencia), situé au croisement du couloir est-ouest qui longe par le sud le pied de la Cordillère Cantabrique et du passage naturel vers le nord-ouest que constitue la vallée du Valdavia, fut le théâtre d’un siège montrant des traces indubitables d’une forte résistance indigène à la pénétration romaine 12. Plus à l’ouest encore, dans la zone asture proprement dite, on ne connaissait que le camp de Curiellos (Pico Boya) 13, qui occupe une situation comparable à celle de Cildá, contrôlant la voie de passage principale au point culminant du franchissement. Il s’agissait donc de survoler les passages traditionnels traversant la cordillère, généralement des chemins de crête, afin d’y détecter d’éventuels nouveaux barrages défensifs – deux d’entre eux avaient déjà été identifiés, l’un au nord de Curiellos et le second près du Puerto de La Mesa 14 –, ainsi que des campements en position de contrôler les cheminements, témoins d’une opération d’investissement comparable à celle qu’évoquent les textes pour la Cantabrie 15. Il fallait également explorer le piémont de la chaîne, afin de déceler d’autres “sites-verrous” comparables à celui de La Loma ; il fut survolé depuis Astorga – à l’ouest – jusqu’à Amaya – à l’est.

Les résultats obtenus sont assez divers, parfois inattendus et ne peuvent être considérés comme définitifs tant que les prospections pédestres en cours n’ont pas été menées à terme et complétées par des sondages de vérification. Pour plus de clarté, ils seront présentés par secteurs géographiques : tout d’abord, le piémont cantabrique et le nord de la Meseta, puis la cordillère cantabrique 16.

11. Peralta Labrador 1999a ; id. 1999b ; id. 2000 ; id. 2001 ; id. 2002a ; id. 2002b ; García Alonso 2006 ; Cepeda 2006 ; id. 2007.12. Peralta Labrador 2006, 524-535 ; id. 2007, 363-365.13. Camino Mayor et al. 2001 ; id. 2005.14. Fernández-Tresguerres 2007, 77.15. Flor. 2.33.48.16. Sauf mention contraire, les photographies qui illustrent ce travail sont de F. Didierjean. Elles ont été traitées par G. Verninas,

Ausonius.

| Fig. 2. Le théâtre des guerres cantabriques (DAO : G. Verninas, Ausonius).

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152 – FRANÇOIS DIDIERJEAN, ANGEL MORILLO CERDÁN & CATHERINE PETIT-AUPERTÉléments  sous  droit  d’auteur  -­  ©  Ausonius  Éditions  juillet  2014

Piémont cantabrique et nord de la MesetaIl faut reconnaître que, malgré des survols répétés, bien des mystères demeurent : la position de Bergidum reste

incertaine, même si la position géographique (contrôle d’un carrefour majeur), la logique opérationnelle et l’évidence archéologique (camps autour du site, traces de siège) font de Monte Bernorio (Pomar de Valdivia, Burgos) l’emplacement le plus probable (fig. 3) 17. En ce qui concerne la recherche des refuges, le massif du Teleno, qui pourrait convenir pour le mons Medullius, est inclus dans une zone d’exercices militaires aériens rarement accessible. L’unique mission aérienne réalisée dans ce secteur, si elle a mis en évidence des castros et d’intéressantes enceintes, n’a pas permis de retrouver le fossé de quinze milles évoqué par Florus.

Par ailleurs, le piémont cantabrique sud n’a révélé, à l’ouest du Campoo, aucun site nouveau identifiable comme établissement militaire romain. Les seuls connus demeurent les camps établis autour du castro de La Loma à Santibañez de la Peña (fig. 2), qui correspondent apparemment à une opération de courte durée 18.

En quête du camp asture établi au bord de l’Astura, nous avons parcouru les vallées de l’Esla et du Porma, du Torio et du Bernesga : le seul indice recueilli est l’existence d’un vaste site de type oppidum à San Cipriano de Rueda (commune de Quintana de Rueda, León), qui comporte une entrée défendue par des tours, et dont les traces d’occupation – avec signes d’incendie à l’entrée – sont attribuables à la période pré-romaine (fig. 4) 19. Par sa situation dominant la rive orientale de l’Esla, sur l’axe transcantabrique qui passe par le Puerto de Beza en bordure des Picos de Europa, il pourrait correspondre aux informations de Florus. En revanche, aucun indice ne peut se rapporter aux trois camps romains de la même campagne, recherchés au sud et à l’est de León, là où passait la route vers la future Asturica. La seule trace notable est celle du camp, déjà évoqué, de Huerga de Frailes, au bord de l’Orbigo. Malheureusement,le seul élément utilisable pour sa datation est son plan en forme de carte à jouer, qui semble apparaître dès l’époque césarienne 20, mais est plutôt caractéristique des périodes suivantes du Haut-Empire.

17. Torres Martínez & Domínguez Solera 2008 ; Peralta Labrador 2002a ; id. 2006. Sauf mention contraire, les photographies sont de F. Didierjean. Projet : La Guerre et ses Traces, voir la première note de cet article.

18. Peralta Labrador 2006, 524-535 ; id. 2007, 363-365.19. Contrôle au sol effectué le 23 février 2010. Le site est enregistré à l’inventaire du patrimoine archéologique.20. On en connaît des exemples datés du règne d’Auguste : Reddé 1996, 192-193 ; Morillo Cerdán 2007, 373-375 (camps de La Poza).

Mais leur apparition semble encore antérieure : Reddé 2006, 24 et 27, à propos des camps de Mauchamp et Faux-Vésigneul.

| Fig. 4. L’oppidum de San Cipriano de Rueda (Quintana de Rueda, León), vu du nord-est. Il occupe un pédoncule triangulaire du plateau qui domine la vallée de l’Esla. Le système défensif qui défend l’accès côté est se compose de deux remparts de terre, chacun précédé d’un fossé (flèches) ; il enferme un périmètre d’environ 11 ha. L’entrée naturelle par le vallon du nord-est était protégée par deux tours (A ruinée, B assez bien conservée). 5 août 2009.

| Fig. 3. L’oppidum de Monte Bernorio (Pomar de Valdivia, Burgos), vu du nord-est. On y distingue le rempart pré-romain (1), celui du castellum édifié par les Romains après la conquête de la place (2), et des traces de la guerre civile (3). 5 octobre 2008.

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TRACES DE GUERRES, TRACES DE PAIX ARMÉE –153Éléments  sous  droit  d’auteur  -­  ©  Ausonius  Éditions  juillet  2014

Dans quelques cas, la détection aérienne a enregistré des traces qui peuvent être mises directement en relation avec les sources. En premier lieu, près de Sasamón (province de Burgos) où Orose 21 indique qu’Auguste établit son camp à proximité immédiate (apud Segisamam), lors de la première campagne en 25 a.C. En effet, trois traces pouvant se rapporter à des campements ont d’abord été repérées à Carrecastro, au sud de la ville antique, et récemment publiées 22 (fig. 5, n° 1, 2 et 3). Mais les dernières campagnes de surveillance aérienne ont révélé d’autres indices, en particulier des éléments de doubles fossés parallèles incurvés, qui sont situés un peu plus au sud, au pied de la colline fortifiée de Castarreño (fig. 5, n° 4, 5 et 6). Celle-ci présente les traces d’une occupation dense (fig. 6), et pourrait bien correspondre à la Segisama de Florus et Orose 23. Il y aurait eu transfert de l’agglomération de la hauteur à la plaine, avec une légère modification du nom qui devint Segisamo. Différents éléments confortent cette hypothèse : les indices de camps enregistrés sont bien groupés au pied du Cerro Castarreño, comme l’indiquent les sources, alors que Sasamón est à au moins deux kilomètres de là ; il n’y a pas de preuves de l’existence d’une agglomération à l’emplacement de l’actuelle Sasamón avant les guerres cantabriques 24 ; les traces de rues détectées par avion aux marges de l’agglomération actuelle montrent un réseau orthogonal, qui ne correspond pas à celui des agglomérations d’origine préromaine, plus irrégulier (fig. 5, n° 8 et fig. 7) 25. Un tel transfert serait d’ailleurs conforme aux indications de Florus 26.

Les vestiges nouvellement enregistrés au pied du Cerro Castarreño sont les suivants : à l’ouest du bourg d’Olmillos, au lieu-dit El Molino, deux éléments de fossés parallèles, l’un incurvé, l’autre rectiligne, encadrant une colline basse qui domine la plaine de Sasamón, tous deux accompagnés de fosses souvent jumelées (fig. 5, n° 4, et fig. 8) ; à environ un kilomètre au sud, entre le Castarreño et l’Arroyo de la Vega, au lieu-dit Carrecastrillo (le chemin du petit camp), un autre élément de double fossé parallèle incurvé, correspondant à une croupe très faiblement marquée (fig. 5, n° 5, et fig. 9) ; enfin, un peu plus au sud, un curieux ensemble de fossés formant un enclos ouvert au sud et comportant au sud-est deux traces linéaires dessinant un angle aigu arrondi avec dédoublement (fig. 5, n° 6, et fig. 10). Au sol, rien n’est visible, mais on a repéré quelques fragments de céramique celtibérique, de céramique commune antique et d’ossements. Ces quelques indices sont bien sûrs très insuffisants pour être attribués à des campements augustéens, mais l’hypothèse ne peut être écartée et devrait être prise en compte pour d’éventuelles recherches sur le terrain.

Le second cas où une relation directe avec les sources a été envisagée concerne Lancia. Rappelons, tout d’abord, les événements relatés par Florus (2.33.57) : “Les restes de l’armée [des Astures] en déroute se réfugièrent dans la très puissante ville de Lancia. On s’y battit avec un tel acharnement que les soldats, une fois maîtres de la place, voulaient la brûler ; le général eut bien du mal à la sauver, en leur représentant que cette ville, si elle était conservée, rappellerait bien mieux leur victoire que si elle était détruite par le feu…”. Au pied du site, sur le replat qui s’étend entre le lit majeur du Porma – sans doute marécageux dans l’Antiquité – et le versant ouest de la colline où s’élevait la ville antique, nous avons observé la trace d’un grand fossé coudé selon un angle droit légèrement arrondi, qui peut appartenir à un vaste enclos rectangulaire et qui est doublé, côté est, par une extension de tracé similaire, moins marquée cependant (fig. 11). Les travaux conduits à cet endroit pour construire une voie rapide n’ont apparemment pas permis de déceler le fossé, ce qui n’a à vrai dire rien d’étonnant dans ce secteur très colluvionné. Mais ils ont mis au jour un ensemble de structures qui correspondrait à une présence militaire du Ier s. p.C. 27. Ces vestiges pourraient être ceinturés par le ou les fossés détectés d’avion, qui présentent

21. Oros. 6.21.3. 22. Didierjean & Abásolo 2007, 418-419.23. L’identification précise, on l’a vu (supra, n. 6), est compliquée par le flou des données des sources : en effet Plin., Nat., 3.26 et

Ptolémée 2.650 et 652 distinguent une Segisamo et une Segisama Julia, que le premier place chez les Vaccéens et le second chez les Turmogi. Le problème a été soulevé par A. Schulten dès 1943, et diverses solutions ont été proposées : par exemple, T. Mañanes et J. M. Solana Sainz (1985, 28-31) reprennent l’idée avancée par A. Schulten 1943, 175-177 selon laquelle Segisama Julia serait née du campement augustéen établi près de Segisamo ; l’un d’entre nous (Morillo Cerdán, 1991, 161) remet en question la localisation du camp augustéen à Sasamón même (proposée par Abásolo Álvarez 1975, 129-130) faute d’évidence archéologique. On sait que dans certains cas ces homonymies correspondent effectivement à des villes différentes (il y avait par exemple deux Tritium et trois Palantia dans la région), mais ici tous les témoignages épigraphiques, comme ceux des itinéraires, se rapportent à une unique forme Segisamone, comme l’a fait judicieusement remarquer A. Tovar 1989, 346-347. Cet indice fait soupçonner qu’il peut s’agir d’une succession dans le temps.

24. Abásolo & García 1993. Trois opérations de fouilles ont été pratiquées sur l’aire occupée par la ville antique, dont une en position centrale, sous l’église Santa María. Le mobilier le plus ancien recueilli consiste en quelques tessons de céramique campanienne B ou C. La monnaie la plus ancienne – trouvée hors fouille – est un denier de Marc Antoine de 32-31 a.C.

25. Didierjean & Abásolo Álvarez 2007, 426.26. Flor. 2.33.59 évoque “…l’habile politique de César, qui redoutant la confiance que leur donnaient les montagnes où ils se réfugiaient

les obligea à fixer leurs habitations et leur séjour dans les cantonnements établis dans la plaine”.27. Liz 2011.

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154 – FRANÇOIS DIDIERJEAN, ANGEL MORILLO CERDÁN & CATHERINE PETIT-AUPERTÉléments  sous  droit  d’auteur  -­  ©  Ausonius  Éditions  juillet  2014

| Fig. 5. Croquis de situation des traces observées aux environs de Sasamón. DAO G. Verninas, Ausonius. Légende : 1 : La Veguilla. Possible camp romain adossé à l’arroyo del Puerto. 2 : Carrecastro. Camp romain “en carte à jouer”. 3 : Villa Maria. Fossé en angle arrondi, trace possible d’un camp romain. 4 : El Molino. Traces de fossés doubles rectilignes et curvilignes, en contrebas nord-est du Cerro Castarreño. S’y ajoutent des fosses jumelées. 5 : Carrecastrillo (nord). Traces de fossés doubles curvilignes, en contrebas est du Cerro Castarreño. 6 : Carrecastrillo. Traces de fossés formant le dessin partiel d’un enclos ouvert au sud, avec un dédoublement de l’angle sud-est, en bordure d’un chemin fossile montant vers le Cerro Castarreño. 7 : Cerro Castarreño, le sommet. Des fossés de barrage défendent les étroitures au centre et au nord du plateau. Au sud, nombreuses fosses et deux petits enclos circuaires. 8 : Sasamón. Au nord et nord-ouest du village actuel, traces d’un réseau de rues orthogonales, d’où part la voie antique vers Pistoraca. 9 : Santa Eulalia. Au sud d’Olmillos de Sasamón, villa antique à plan centré, et bâtiments annexes interprétés comme greniers ou entrepôts.

| Fig. 6. Le Cerro Castarreño, au sud de Sasamón (Burgos), vu du nord. Il forme une mesa de 21 ha à la surface constellée de traces révélatrices d’un habitat dense et fortifié : au premier plan, la pointe nord est surmontée d’une plate-forme aménagée, et protégée par un fossé de barrage en arc de cercle (1). Le rétrécissement central était lui aussi aménagé en défense : deux larges bandes sombres encadrant une zone claire sont la marque d’un rempart encadré de fossés (2). La partie sud (3) est parsemée de taches sombres correspondant à des fosses : c’est la signature habituelle de l’habitat sur les sites pré-romains. La disposition correspond d’assez près à celle que présente le site de Las Cuestas (Osorno/Melgar de Fernamental) identifié avec Dessobriga. Castarreño pourrait bien être le site de la Segisama qui servit à Auguste de base d’opérations. 5 juin 2010.

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TRACES DE GUERRES, TRACES DE PAIX ARMÉE –155Éléments  sous  droit  d’auteur  -­  ©  Ausonius  Éditions  juillet  2014

| Fig. 7. Rues antiques visibles dans plusieurs parcelles en périphérie nord-ouest de l’actuelle Sasamón. L’orthogonalité du réseau tendrait à montrer que la ville fut créée après la conquête. Vue prise du sud. 5 juin 2010.

| Fig. 8. El Molino, Sasamón (Burgos). Traces de fossés parallèles au pied du Cerro Castarreño. Le tracé est rectiligne en bas à gauche, incurvé en haut de la vue. Entre les deux, nombreuses fosses (taches sombres), dont certaines sont jumelées. Vue prise de l’ouest. 5 juin 2010.

| Fig. 9. Carrecastrillo, Sasamón (Burgos). Trace d’un double fossé parallèle incurvé, au sud des précédents. Les fosses dans les céréales et les taches de couleur du sol labouré sont les signes d’une occupation importante. Vue prise de l’ouest. 5 juin 2010.

| Fig. 10. Carrecastrillo, Sasamón (Burgos). Traces linéaires d’un ensemble de fossés formant un enclos ouvert de plan complexe, en bordure d’un chemin fossile menant au Cerro Castarreño (bande sombre à droite). Vue prise de l’ouest. 5 juin 2010.

| Fig. 11. Villamoros, Mansilla Mayor (León). Au pied de l’oppidum de Lancia (La Cuevorra, Villasabariego, León), apparaît dans un champ en cours de travail une partie d’un vaste enclos fossoyé présentant un angle arrondi, avec une extension côté est (à droite). Le secteur est perturbé par les travaux de construction d’une voie rapide (bande claire en bas du cliché), à l’occasion desquels on aurait repéré des bâtiments présentant la même orientation, et qui pourraient avoir eu une utilisation militaire… Vue prise du nord-est. 5 juin 2010.

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une orientation similaire. J. Liz y voit un vaste camp légionnaire en bordure de la route vers Asturica Augusta, mais ce n’est qu’une fragile hypothèse, car le caractère militaire des traces n’est pas démontré, non plus que les relations spatiale et chronologique entre elles. De toute façon, il semble exclu qu’elles lui soient contemporaines de la conquête : elles lui sont très probablement postérieures.

Dans d’autres cas, la relation des traces enregistrées avec les sources écrites est possible, mais elle est beaucoup moins directe.

À Valdelucio (province de Burgos), près de Fuencaliente de Lucio, au lieu-dit El Alambre, une enceinte signalée en 2004 28 a été survolée en 2009 et vérifiée au sol en 2010 (fig. 12 et 13). Il s’agit d’un camp romain qui occupe une colline calcaire au sommet aplati. Il présente un rempart en agger, le plus souvent à profil de parapet, qui suit le tracé sinueux d’un carré (290 m de côté, soit 1000 pieds romains), un peu déformé pour s’adapter à la topographie. La surface hors tout, mesurée sur les orthophotos du SIGPAC, est de 8 ha. Il existe une entrée du côté ouest, simple interruption de l’agger. Une prospection pédestre, effectuée récemment, a permis de collecter un denier républicain 29 ; l’ensemble confirme l’identification comme camp militaire, avec une chronologie correspondant très probablement aux guerres cantabriques. La présence de ce camp à cet emplacement s’explique par sa position privilégiée, qui offre une vue directe à la fois sur l’oppidum de Monte Bernorio et sur le camp de Castillejo que les Romains avaient établi à 3 kilomètres à l’est, et permet également de contrôler la route qui, par la Bureba et Poza de la Sal, relie le bassin de l’Ebre au Campoo, porte sud de la Cantabrie – route dont il sera à nouveau question à propos de Lybia 30. Il est logique que les Romains, au moment de l’attaque contre les Cantabres, aient voulu contrôler cet axe de communication sud-est/nord-ouest, soit pour l’emprunter – selon les textes, la base d’opérations était Segisama, donc sur un axe nord-sud, mais Auguste divisa son armée en trois corps – soit pour éviter qu’il ne soit utilisé par l’ennemi dans une attaque de revers. En tout cas, il semble bien que El Alambre soit un élément du dispositif mis en place par les Romains lors de la campagne de 26-25 a.C.

28. Peralta Labrador 2004b.29. Martínez Velasco 2009, 521-522.30. Infra, p. 156.

| Fig. 13. El Alambre, Valdelucio (Burgos). Au sol, le rempart du camp forme un puissant agger à profil de parapet (ici, la face nord-est). Au fond à droite se profile Monte Bernorio. 24 février 2010.

| Fig. 12. El Alambre, Valdelucio (Burgos). Camp militaire romain formant un carré déformé pour s’adapter à la topographie, probablement un élément du dispositif mis en place par les Romains en 25 a.C. pour réduire la place-forte de Monte Bernorio (Bergida ?). Vue prise du sud. 19 août 2009.

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La cordillère cantabriqueLa recherche des refuges signalés par les textes n’a pas donné davantage de résultats ici que plus au sud : la zone

des Picos de Europa (fig. 1), secteur le plus probable de localisation du mons Vindius, constitue un Parc National interdit de survol rapproché ; les difficultés administratives rencontrées avec la Direction du Patrimoine de Cantabrie nous ont dissuadés d’explorer les autres passages possibles à travers la partie cantabre de la cordillère. Restait à déterminer si on retrouve, dans la partie asture de la cordillère, des installations militaires romaines comparables à celles repérées ces dernières années dans la zone cantabre. Il convient d’en rappeler les principaux éléments, qui, précisons-le, ne sont pas nécessairement contemporains, et dont le lien avec la conquête proprement dite est rarement établi (fig. 2). On observe, d’une part, des camps installés aux points d’accès au territoire des Cantabres : La Muela et El Cincho pour les accès par l’est, El Alambre pour le sud-est, Castillejo pour le sud. Il y a, d’autre part, une série de camps le long de l’axe principal sud-nord, qui relie le nord de la Meseta à l’Atlantique : Castillejo à nouveau, La Poza, Cildá et son annexe de El Cantón et enfin Las Cercas. Deux de ces camps occupent des positions-clés : Cildá est au point culminant du passage de la cordillère (1065 m) ; Las Cercas se situe au contact de la montagne et des collines, vers 700 m d’altitude, où l’on est sur une sorte de balcon ouvrant un vaste panorama sur les collines et la zone côtière. La question est donc de savoir si l’on retrouve un dispositif comparable sur le théâtre d’opérations asture, en tenant compte des différences entre les territoires. En effet, celui des Cantabres ne s’étendait guère au sud de la montagne, à la différence de celui des Astures qui occupaient largement le plateau de León. En outre, la cordillère est plus malaisée à franchir en territoire asture. Il y existe, certes, davantage de passages (quatre principaux, en chemins de crête, et un secondaire en vallée), mais il faut monter plus haut et plus longtemps : le Puerto de Beza est à 1511 m, le Puerto de San Isidro à 1520 m, Pico Boya à 1728 m, le Puerto de la Mesa à 1785 m, et la Sierra de la Serrantina culmine à 1677 m au Pico Mariecho 31.

Sur ces cinq passages possibles (fig. 2), l’un n’a pu être exploré : celui du Puerto de Beza, dont la partie sommitale se trouve à l’intérieur – protégé – du Parc des Picos de Europa. Pour les autres, un seul vol a pu être effectué, pour lequel une partie du temps et de l’attention devait être consacrée à la reconnaissance et à “l’apprentissage” du terrain, ce qui amoindrit l’efficacité de la détection.

La route dite de La Carisa Néanmoins, des résultats significatifs ont été enregistrés,

non pas sur la route du Puerto de San Isidro, où les vestiges repérés se rapportent à des époques antérieures (castro, enceinte) ou postérieures (tranchées), mais le long de la route dite de la Carisa 32. Ici les survols ont permis tout d’abord de documenter le camp de Curiellos ; ce dernier était particulièrement visible, grâce à la neige résiduelle qui soulignait le tracé des fossés (fig. 14). Nous avons aussi pu mettre en évidence le chemin d’accès au camp depuis la route, ainsi que des sortes de gradins qui furent aménagés dans la pente à l’extérieur du camp, du côté ouest, et dont la fonction reste indéterminée. Mais, surtout, ces survols ont amené une découverte importante, à mettre à

31. Nous n’avions pas connaissance, lors de la réalisation des recherches, du travail en cours sur les passages trans-asturiens à l’époque romaine qui a été publié tout récemment : González Álvarez 2011, qui envisage une vingtaine de passages. Cependant, on le verra, les résultats que nous avons obtenus viennent tout à fait à l’appui des conclusions de l’auteur, pour lequel seules les routes de la Carisa et de la Mesa correspondent certainement à des voies antiques.

32. Le nom de La Carisa est très probablement dérivé du général romain Titus Publius Carisius, lieutenant d’Auguste, le vainqueur de Lancia, qui en 22 fut mis en difficulté par les Astures l’assiégeant dans son camp (Curiellos ?), et secouru par Caius Furnius (D.C., 7.53.5). La première mention connue du toponyme apparaît en 1036 pour désigner la sierra que parcourt la route : Fernández-Tresguerres 2007, 76. Rappelons aussi qu’une monnaie de Carisius a été trouvée dans le camp de Curiellos. Les récents travaux effectués à l’intérieur par E. Martín tendraient à montrer qu’il a été utilisé aussi bien lors de la campagne de 26-25 a.C., où Carisius commandait sur le théâtre asture, que lors de celle de 22 : Santos Fernández 2011.

| Fig. 14. Le camp de Curiellos, alias Pico Boya, Lena (Asturias). La neige persistant au fond des fossés rend ceux-ci très visibles. Au premier plan, les fossés disposés en V sont une extension destinée à protéger l’accès au point d’eau. On perçoit en contrebas du camp, côté ouest, des gradins aménagés dans la pente : emplacement pour des auxiliaires ? À droite en bas du cliché, trace linéaire du chemin d’accès au camp depuis la route de La Carisa qui passe en contrebas. Vue prise du sud-ouest. Cl. A. Morillo. 19 mai 2010.

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l’actif du programme : à la limite exacte entre le Principado de Asturias et la province de León, à cheval donc sur les communes de Lena (Asturias) et Villamanín (León), a été repérée en 2009 une enceinte au lieu-dit Picu de Llagüezos (fig. 2), alias Castro del Rincón 33. Le vestige était connu, mais identifié comme castro 34. Les photographies du site ont été communiquées à l’archéologue territorial J. Camino Mayor, que l’aspect des vestiges a déterminé à reprendre le dossier. Une vérification au sol a confirmé qu’il ne s’agissait pas d’un castro, mais plus probablement d’un camp militaire romain de l’époque de la conquête.

En effet, le “Picu”, qui est en fait une colline au sommet aplati, est entouré par une enceinte à rempart du type vallum, avec agger et fossé (fig. 15 et 16). Celle-ci n’est bien conservée que du côté ouest, mais ailleurs on peut en suivre le tracé : elle forme un U orienté vers l’est, englobant le sommet de la colline et descendant sur son versant est, celui

qui est tourné vers le Collado Propinde, ensellement qui sépare le versant sud de la Cordillère Cantabrique (vers León par la vallée du Bernesga) du versant nord (vers l’Atlantique par la vallée du Pajares). C’est un emplacement particulièrement bien choisi, car il permet de contrôler le passage de la route de crête, utilisée jusqu’à l’époque moderne, qui était le principal axe nord-sud permettant de franchir la cordillère, et il est placé à l’endroit précis où la route venant du sud quittait le fond de vallée pour gagner les hauteurs 35 (fig. 17). Les dimensions de l’espace enclos sont relativement modestes : 200 m nord-sud, 260 m environ est-ouest, pour une superficie estimée à environ 4,5 ha. Mais, au début du règne d’Auguste, cela peut encore suffire à abriter une légion 36.

33. Orthographié Pico Chagüezo sur la carte I.G.N.34. Un panneau explicatif placé en contrebas du site, au bord de la piste de la Carisa, est consacré aux castros, ces villages perchés

caractéristiques de la culture asturienne pré-romaine.35. Camino Mayor & Viniegra Pacheco 2010, 378-380 la font passer sur les hauteurs à l’est de Pendilla de Arbas ce qui oblige à un

contournement compliqué de l’Arroyo de las Vegas, dont il n’y a aucune trace. Il est plus logique – et il y en a des traces – d’admettre que la route suivait la vallée du Vegas au moins jusqu’au Reguero de Bustavide et montait ensuite à flanc de montagne jusqu’au col. Mais il est vrai qu’un long usage a pu s’accompagner de variations notables du tracé.

36. Reddé 2008, 65-69.

| Fig. 15. L’enceinte du Picu de Llagüezos, alias Castro del Rincón (Lena, Asturias / Villamanín, León). Son tracé est visible par une bande plus sombre et légèrement saillante à l’emplacement du rempart. 5 août 2009.

| Fig. 16. Picu de Llagüezos. Vue au sol du rempart avec agger et fossé, du côté ouest. 11 octobre 2011.

| Fig. 17. La route de la Carisa, vue du Picu de Llagüezos, monte en lacets depuis le Collado Propinde sur le flanc du Pico Tres Concejos. De cheminement de vallée elle devient route de crête. Vue prise du sud-ouest. 5 août 2009.

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En octobre 2011, un projet de recherche conduit par J. Camino Mayor et E. Martín Hernández a permis à cette dernière de réaliser une prospection de la partie asturienne du site, avec l’aide indispensable du détecteur de métaux. Cette recherche a bénéficié d’un providentiel incendie, qui a débarrassé le site de son épaisse couverture d’ajoncs, et elle a confirmé l’identification du site comme campement militaire romain (fig. 18) : on y a trouvé un denier d’argent républicain et des militaria : pointe de lance romaine, piquets de tente 37.

Il semble donc que Llagüezos fasse partie du dispositif militaire destiné à contrôler la route dite de la Carisa, en complément du camp de Curiellos.

La route de la Mesa et les enceintes de El Mouro et BalbonaPlus à l’ouest, sur la route de la Mesa, existe un puissant ouvrage défensif avec rempart et fossé, qui barre un ensellement

un peu à l’ouest du col (Colláu del Muru) et qui est manifestement tourné contre un ennemi venant du sud. Cependant les sondages récents indiqueraient que cet ouvrage – comme celui qui existe un peu au nord de la Carisa, à Omón/Monte Faro – ne remonte pas au-delà du haut Moyen Âge (VIIe-VIIIe s.). Donc, s’il faut chercher un événement à quoi le rapporter, ce serait plutôt l’expédition du roi wisigoth Wamba (673 p. C.) ou l’invasion musulmane conduite par Musa en 714-716 p.C. 38.

El MouroC’est plus au nord que nous avons identifié, dans des circonstances qu’il convient de préciser, des traces pouvant se

rapporter aux guerres cantabriques. L’examen des clichés réalisés le long de la route de la Mesa lors de la mission aérienne du 18 mai 2010 a montré la possibilité de la présence d’une structure défensive, non perçue au moment du vol, au lieu-dit El Mouro, sur la limite communale entre Belmonte de Miranda et Grado (fig. 19). L’étude des orthophotos du SIGPAC (fig. 20) est venue confirmer l’existence d’indices pouvant s’interpréter comme ceux d’une enceinte partiellement conservée : ils montrent, en effet, une trace linéaire qui dessine l’angle arrondi d’un quadrilatère, dont les deux côtés apparents sont visibles respectivement sur 220 m (au nord) et 270 m (à l’est). Si l’on restitue la forme complète, la surface minimale enclose est de 5 ha. Le tracé ne paraît pas au premier abord très bien adapté à la topographie : il entoure le sommet d’une colline triangulaire, mais englobe aussi un haut de versant escarpé (côté sud) et une zone déprimée parsemée de dolines (côté ouest), qui est mieux abritée du vent. Le document SIGPAC avait été présenté lors du colloque de Bordeaux, le 25 novembre 2010, lors de la communication qui fait l’objet de la présente publication, et l’information a été transmise à la Direction du Patrimoine du Principat des Asturies au début de septembre 2011. Mais il restait à réaliser la vérification au sol, que nous avons effectuée le 7 octobre 2011, et les observations sur le terrain corroborent notre hypothèse de la présence d’un système défensif. Celui-ci comporte un rempart avec agger de terre et de pierres, large d’environ 3 m, complété par un fossé au profil ouvert, large d’environ 1,5 m (fig. 21). Dans le secteur de l’angle nord-est (fig. 22), partie la mieux conservée, le dénivelé apparent entre le haut du rempart et le bas du fossé atteint environ 1 m. Il y a peut-être une entrée sur ce tronçon (interruption de l’agger). Bien que l’altitude soit plus forte (1088 m), la situation correspond à peu près à celle de Las Cercas sur l’axe cantabre. L’enceinte est, en effet, implantée à la jonction entre le secteur montagneux inhabité et les collines au paysage plus occupé et plus travaillé, en situation de balcon dominant les vallées qui conduisent à Pravia et de là à l’Atlantique. Le tracé traditionnel de la route de La Mesa passe à moins de 500 m à l’ouest. Malgré son mauvais état de conservation, et en dépit de l’absence de dispositifs caractéristiques du type clavicula, cette structure est probablement un camp militaire romain, compte tenu de sa morphologie

37. Information communiquée avec l’aimable autorisation de E. Martín Hernández, qui a réalisé ces découvertes. L’opération a suscité un certain émoi médiatique qui a abouti à une communication prématurée des résultats par voie de presse : principaux articles rassemblés dans Santos Fernández 2011. Il convient d’ajouter qu’on s’est battu sur le site pendant la guerre civile, au vu des nombreuses balles retrouvées sur place.

38. Camino Mayor et al. 2007, 77. Id. 2010. Toutefois les auteurs signalent que la structure défensive fouillée à Omón, sur la route de La Carisa, a connu au moins deux états, et la muraille du haut Moyen-Âge appartient au plus récent. L’autre (fossé et premier rempart) n’est pas daté à ce jour ; on ne peut donc rejeter complètement l’hypothèse de l’existence au moment de la conquête augustéenne d’un dispositif destiné à barrer le passage.

| Fig. 18. Piquet de tente provenant du Picu de Llagüezos (Lena) découvert lors de la prospection d’octobre 2011. Reproduit avec l’aimable autorisation de E. Martín Hernández.

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| Fig. 22. El Mouro. Angle nord-est de l’enceinte, dont l’arrondi est bien visible, alors qu’à l’arrière-plan, le rempart, mal conservé, est à peine discernable sur le profil de la colline. Vue prise du nord. 7 octobre 2011.

| Fig. 21. El Mouro. Le rempart du côté nord, où agger et fossa sont le mieux conservés. Sur la gauche, interruption de l’agger pouvant correspondre à un accès. Vue prise du nord-ouest. 7 octobre 2011.

| Fig. 20. L’enceinte de El Mouro (Belmonte de Miranda / Grado, Asturias), On voit sur l’orthophoto du SIGPAC une fine trace sombre, ce sont les côtés nord et est du rempart d’une vaste enceinte, probablement un camp militaire romain.

| Fig. 19. Les enceintes de El Mouro et Balbona, sur la route de La Mesa, dans leur environnement topographique. DAO G. Verninas, Ausonius.

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et de sa position. Bien entendu cette hypothèse demande une confirmation définitive par les trouvailles mobilières que l’on peut espérer d’une prospection semblable à celle menée à Llagüezos.

BalbonaLors des vérifications au sol, un peu à l’ouest de l’enceinte de El Mouro, une nouvelle trace, qui avait complètement

échappé à la détection aérienne, a été identifiée (fig. 19 et 23). Il s’agit d’un vaste enclos annulaire, qui entoure une colline peu marquée, située entre l’ensellement de Los Pielagos, où passe la route de la Mesa, et la colline de El Mouro, à un emplacement où la carte indique Collado Balbona. Il est bien visible sur les orthophotos du SIGPAC, où on peut relever ses dimensions – 245 m E-O sur 155 m N-S – et sa superficie, estimée à 3,8 ha. Comme à El Mouro, on voit à Balbona un vallum avec un agger, constitué de terre avec quelques grosses pierres, large de 2,5 m à 3 m, bordé à l’extérieur d’un fossé en V ouvert, large de 1 m à 1,5 m (fig. 24 et 25). Il est conservé de façon plus continue que celui de El Mouro, mais nous n’avons pu reconnaître sa limite sud, dans sa partie la plus basse où il rejoint la tête d’un vallon abrité, aujourd’hui occupée par des corrals plus récents. Dans les parties bien conservées (côtés est et ouest), le profil de l’agger est plutôt en cordon, alors qu’à El Mouro il est plus proche du type “parapet”. Le dénivelé apparent entre le haut de l’agger et le fond du fossé est un peu plus faible à Balbona, semble-t-il, où il n’atteint pas 1 m (fig. 26). Le rempart est interrompu actuellement par deux passages, l’un à l’est et l’autre à l’ouest, mais ceux-ci peuvent être récents, car ils sont utilisés par des chemins actuels. L’hypothèse d’un grand corral semble peu probable, à cause de la position (insuffisamment abritée) et de la présence du fossé, qui donne au dispositif un caractère défensif.

| Fig. 23. Balbona (Belmonte de Miranda, Asturias). Sur l’orthophoto du SIGPAC apparaît comme un fin cordon le rempart d’une enceinte de forme annulaire, qui pourrait être un autre camp militaire romain.

| Fig. 25. Balbona sol. Cette vue de détail du rempart, côté ouest, montre qu’il est constitué de grosses pierres et de terre, avec un profil en cordon. Vue prise du nord-ouest.

| Fig. 26. Balbona sol. Du côté nord-est, le rempart englobe un versant abrité du vent. Vue prise de l’est. 7 octobre 2011.

| Fig. 24. Balbona. Vue de l’enceinte, côté ouest. Comme à El Mouro, elle comporte un rempart précédé d’un fossé, qui enveloppe la colline visible à l’arrière-plan. Vue prise du sud. 7 octobre 2011.

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Les deux vestiges (Mouro et Balbona) se ressemblent par de nombreux aspects : morphologie, situation topographique… Une origine antique est possible pour chacun des deux. Dans ce cas, il y aurait eu deux camps successifs, comme on l’a observé dans d’autres cas, par exemple à La Poza 39.

Route de la SerrantinaL’itinéraire le plus occidental exploré culmine au passage sur la crête de la Serrantina, dont le nom lui-même est

évocateur d’un relief aigu en dents de scie. On y a repéré des enclos à chaque extrémité et un mur de barrage dans la partie centrale. Les enclos sont murés de pierre sèche, et sont de petite taille, de forme annulaire, ce qui semble exclure une construction par les troupes romaines. Le plus vaste d’entre eux (Pico Arco-nord, communes de Cangas del Narcea/Somiedo) comporte une entrée protégée, qui ressemble à une pince de crabe, et des antennes qui augmentent beaucoup l’espace protégé. Néanmoins l’antenne nord-ouest présente un tracé en ligne brisée, qui renvoie en fait à l’époque de la récente guerre civile. Les difficultés d’accès (broussaille d’ajoncs) ont empêché de procéder aux indispensables contrôles au sol ; l’interprétation de ces anomalies demeure donc incertaine.

Par ailleurs, un site repéré sur ce même axe, bien plus au sud, semble présenter des indices intéressants : il s’agit d’un très vaste ensemble fortifié, dénommé Castro de Villaceid (commune de Soto y Amio, León). Il occupe un élément de plateau dominant le carrefour entre le chemin qui, d’Astorga, monte vers l’Atlantique par la Serrantina ou par la Mesa, et le couloir est-ouest, qui longe la bordure sud de la Cordillère Cantabrique, et par où on arrive depuis León (fig. 2). Cet ouvrage est remarquable à plusieurs titres : sa taille inusitée d’abord, puisque l’espace à l’intérieur des fortifications atteint 5,4 ha 40 ; son organisation ensuite, car il comporte deux parties, un noyau initial à l’est et une extension à l’ouest (fig. 27) ; enfin, son accès par l’ouest – le plus exposé – est défendu par une grande antenne, faite d’un talus bien marqué, qui dessine un S et qui protège l’accès à un point de ruissellement d’eau (fig. 28). Cet aménagement ne s’explique pas dans le contexte de la culture des castros. En revanche, on peut trouver des parallèles dans certains camps romains de l’époque de la conquête : ainsi à Curiellos/La Carisa, on aménagea à grands efforts une extension avec talus et fossés (fig. 14), destinée manifestement à assurer l’approvisionnement en eau 41 ; de même, à La Loma, deux grandes antennes en talus

39. Cepeda 2006 ; id. 2007.40. Mañanes 1981, 91, signale pour les castros du Bierzo tout proche le cas exceptionnel de Castro Ventosa (Cacabelos) où il voit

l’emplacement de Bergidum Flauium, “[le castro] le plus grand de tout le Nord-Ouest”. Or il ne dépasse pas 5,8 ha, fortifications comprises.41. Camino Mayor et al. 2001, 264.

| Fig. 28. Castro de Villaceid. L’accès ouest était protégé par un talus formant une longue antenne sinueuse, avec semble-t-il une chicane. Vue prise du nord-ouest. 19 mai 2010.

| Fig. 27. Castro de Villaceid (Soto y Amio, León). Malgré les destructions on perçoit encore la trace du puissant double rempart qui protégeait ce vaste castro en forme d’ovale. Les flèches indiquent le tracé d’une enceinte interne, probablement arasée pour agrandissement du périmètre protégé. Vue prise du sud-ouest. 19 mai 2010.

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protègent le flanc nord du camp oriental 42. Mais le rapprochement le plus significatif est avec le site récemment publié de Pico Viyao, situé dans l’Asturie “transmontane”, non loin de Infiesto. En effet, il s’agit là aussi d’un castro (fig. 29), situé à un emplacement stratégique et pourvu d’une extension en V vers le nord, apparemment destinée à contrôler un point d’eau, comme à Curiellos/La Carisa 43. Les auteurs proposent d’y voir un castro, occupé par les Romains après la conquête et aménagé par eux pour exercer une fonction de contrôle du territoire. Dans le cas de Villaceid, il s’agirait d’un processus similaire, concernant une autre partie du territoire asture.

Si l’on collationne tous les éléments recueillis sur le théâtre asture, on en retire l’impression que, certes, les Romains y déployèrent une activité militaire importante, notamment par la construction de camps, et si les indices présentés ici se confirment, on pourrait conclure à des similitudes d’organisation stratégique avec ceux de l’axe cantabre : contrôle d’accès (La Poza - Villaceid), occupation du point culminant (Cildá - Curiellos), camps secondaires en appui (El Cantón - Llagüezos), position de balcon sur le versant nord (Las Cercas - El Mouro). Toutefois, en pays cantabre, les traces sont nettement plus nombreuses, avec des camps très vastes, alors qu’en territoire asture il s’agirait d’un dispositif plus léger, et l’on n’y retrouve pas les nombreuses traces de castros assiégés qui jalonnent l’axe de pénétration des Romains en Cantabrie, comme l’a souligné à juste titre un récent travail 44. Cette différence entre les deux secteurs est soulignée a contrario par l’observation des traces laissées par la guerre civile : les combats de 1936/1937 – voire de 1934 – apparaissent clairement depuis l’avion par l’aménagement de tranchées au dessin zigzagant ou dentelé très caractéristique, situées très souvent à des emplacements occupés antérieurement par des castros (fig. 30) et d’autres sites défensifs pré-romains 45. Or, les traces de la guerre civile sont aussi présentes dans les Asturies qu’en Cantabrie, où nous savons par ailleurs que le conflit eut à peu près la même intensité. Donc, en l’état actuel, les observations vont plutôt dans le sens d’un conflit de niveau moins élevé chez les Astures de l’Antiquité, comme une lecture attentive des sources le laissait déjà supposer. Les éléments recueillis dans le cadre du programme, s’ajoutant à d’autres observations récentes, permettent en outre de formuler de nouvelles hypothèses sur la reconstruction des campagnes militaires de 26-25 a.C. contre les Cantabres et les Astures 46.

42. Peralta Labrador 2007, 364.43. González Alvárez et al. 2011.44. Bolado del Castillo et al. 2011.45. Torres Martínez & Domínguez Solera 2008, à propos de Monte Bernorio.46. Morillo Cerdán 2013, dans ce même volume.

| Fig. 29. Pico Viyao (Infiesto, Asturias). Ce castro occupe une colline partiellement ceinturée de fossés ; ceux-ci sont prolongés au nord par une extension triangulaire – qui serait postérieure – destinée à garantir l’accès à l’eau, D’après un croquis de D. González Alvárez 2011, fig. 4. DAO G. Verninas, Ausonius.

| Fig. 30. Valqueime (Villamanín, León). Castro préromain ceinturé d’un rempart-parapet, comportant à son sommet et sur son flanc ouest des traces de tranchées en zig-zag ou en créneau, signes de sa réutilisation comme poste fortifié à l’époque contemporaine (insurrection de 1934 ou guerre civile). Vue prise du sud-ouest. 19 mai 2010.

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Après la conquêteIl convient de rappeler que, dans le cadre du programme

ou à l’occasion de recherches antérieures, la détection aérienne a mis en évidence un certain nombre d’installations militaires romaines qui semblent se rapporter aux époques postérieures à la conquête : rappelons pour mémoire les camps – attestés ou probables – de Sasamón, Villalazán (Zamora), Olmillos près de Uxama (Burgo de Osma, Soria), Castromuza (Cervatos de la Cueza, Palencia) et Lybia (Herramelluri, La Rioja) 47. Des découvertes ont été effectuées récemment dans le cadre d’autres recherches : citons les camps de Moyapán, Illunzar, Balouta, Huerga de Frailes 48. Il faut y ajouter une dernière nouveauté de notre fait : deux traces d’un camp “en carte à jouer”, un peu à l’est de Herrera de Pisuerga, aux lieux-dits La Virgen/Las Huelgas (fig. 31). Les seuls indices visibles sont les traces linéaires des fossés marquant l’angle est et l’angle sud, tous deux caractérisés par le même arrondi à large rayon. D’un angle à l’autre, on mesure une longueur de 450 m, ce qui induit, compte tenu des proportions habituelles constatées (rapport longueur/largeur de 1,5 à 1,6) une largeur entre 280 et 300 m, donc une superficie autour de 13 ha,

qui peut suffire pour un camp légionnaire du Haut-Empire 49. Au sol, on ne perçoit aucun relief, sauf peut-être la faible trace d’un agger sur la face nord-est. Le camp fut établi sur une surface non plane, car il recoupe le coteau d’une terrasse. Il est à noter qu’il existait à l’emplacement de la ville actuelle de Herrera de Pisuerga, toute proche (à 1,7 km à l’ouest), un cantonnement permanent, dont les fouilles ont bien établi l’existence et la chronologie. C’était le stationnement d’une légion – la IIII Macedonica – jusqu’à 39 p.C., et ensuite de diverses unités auxiliaires 50. Compte tenu du fait que ce camp se situe sur la principale voie d’accès à l’intérieur du territoire cantabre et dans un secteur où l’armée romaine est très présente, l’existence de cette nouvelle enceinte militaire n’a rien de surprenant. En l’absence d’indices matériels, on ne peut trancher sur sa chronologie : elle peut remonter à la conquête ou lui être postérieure. On peut établir un parallèle avec des observations aériennes effectuées sur le Mur d’Antonin, où l’on a détecté, à proximité immédiate des forts permanents, de nombreuses traces de camps édifiés en matériaux périssables (fig. 32), qui seraient l’indice de mouvements de troupes 51. Le caractère incomplet (Villalazán) ou très sommaire (Castromuza, Herrera) de ces structures observées près des villes, les rattacherait à la catégorie des camps d’étape, et on remarque que, pour la plupart, ils sont situés, en effet, dans le nord-ouest de la péninsule ou sur un axe qui y conduit depuis l’Italie, ce qui conforte l’hypothèse communément admise d’une présence militaire limitée au nord-ouest de la péninsule après les guerres cantabriques 52.

Toutefois, certains éléments ne s’intègrent pas bien dans ce schéma. En premier lieu, il existe des signes d’une présence militaire en dehors du réduit de la zone nord-ouest, comme en témoigne l’ensemble de traces observé au sud d’Uxama (Burgo de Osma, Soria). Aux deux camps, découverts antérieurement 53, de dimensions modestes (2,3 ha et 3,84 ha) 54, il faut désormais ajouter une troisième installation militaire d’une certaine ampleur, située à un kilomètre plus

47. Didierjean 2008.48. Moyapán : González Alvárez et al. 2008 ; Illunzar : Martínez Velasco 2005 ; Balouta : López 2011 ; Huerga de los Frailes : Menéndez

Blanco et al. 2011.49. Reddé 2008, 64-69.50. Morillo Cerdán 2000 ; Morillo Cerdán 2006.51. Jones 2005.52. Le Roux 1982, 140-153, insiste surtout sur l’appartenance de la legio VII à une “région stratégique dépassant largement l’Hispanie”,

ce qui la conduit à des interventions hors de la péninsule.53. Garcia Merino 1996.54. Didierjean 2008, 113, fig. 24.

| Fig. 31. La Virgen/Las Huelgas (Herrera de Pisuerga, Palencia). Dans une culture en cours de lève, dans deux champs différents, apparaissent des lignes vertes formant deux angles arrondis (flèches), caractéristiques des fortifications d’un camp militaire “en carte à jouer” du Haut-Empire. Vue prise du sud. 6 août 2009.

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au sud, décelée lors de nos survols 55. Ce camp de Los Llanos, est remarquable par sa superficie importante (15,8 ha), et du fait de l’existence d’un agger imposant (largeur conservée de 16, 50 m), on peut douter qu’il s’agisse d’un simple camp d’étape (fig. 33). Il se situe sur l’axe Ebre-Duero qui conduit, non vers le nord-ouest, mais vers la Lusitanie en passant par Villalazán, où a été détecté un autre camp, mentionné plus haut.

En second lieu, les observations réalisées d’avion laissent soupçonner une activité militaire soutenue dans la durée, en particulier à Lybia (fig. 34 : plan). Cette agglomération antique située sur la commune actuelle de Herramelluri occupe une colline allongée appelée Las Laderas ou Piquillo 56 dominant la plaine céréalière, peu étendue, mais très fertile, qui forme l’extrémité ouest de La Rioja. Elle s’est développée sur le sommet, avec une extension sur le versant méridional de la colline 57, au pied de laquelle passe la route venant d’Italie vers Legio (León), dont la chaussée fossilisée apparaît nettement sur les vues aériennes 58 (fig. 35). Un peu au sud-est de l’agglomération, et à 60 mètres à peine au nord de la route antique, au lieu-dit Senda Limpia, est apparue lors de prospections aériennes antérieures au programme une structure dont l’identification

55. Ibid., 112-114.56. La toponymie du secteur est assez floue, les indications de la carte topographique ne correspondent pas toujours à celles du

cadastre, qui a été utilisé de préférence en cas de discordance.57. Les survols réalisés dans le cadre du programme ont permis d’enregistrer des éléments de la trame viaire et du bâti urbain, qui

viennent compléter les données de prospection aérienne présentées par Ariño Gil & Novoa 2007, 61-62.58. La fig. 34 en représente deux tronçons où la chaussée est apparente ; celui de l’ouest a été observé en prospection aérienne sur 630

m de long ; le tronçon oriental, dont le plan général ne représente qu’une partie, est visible sur les orthophotos sur presque un kilomètre ; entre ces deux tronçons, le tracé de la voie se confond avec un chemin actuel.

| Fig. 33. Los Llanos (Burgo de Osma, Soria). Dans la confluence de l’Ucero et du Sequillo, s’insère un vaste enclos formant un rectangle aux coins arrondis, situé à proximité de la route conduisant du bassin de l’Ebre vers la Lusitanie par la vallée du Duero. On perçoit en sombre la trace du fossé, et en clair celle de l’agger. Avec ses 15,8 ha il pouvait accueillir une légion. Vue prise du nord. 20 juin 2007.

| Fig. 32. Lochlands (Écosse). Traces de camps d’étape repérées par détection aérienne (au centre et à gauche) près du fort Camelon (à droite), élément du Mur d’Antonin. D’après R. H. Jones 2005, fig. 3, 558. DAO G. Verninas, Ausonius.

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| Fig. 34. Herramelluri (La Rioja). Structures détectées dans la plaine au sud et à l’est de la ville antique de Lybia. DAO C. Petit-Aupert. Légende : 1 - Senda Limpia. Petit camp militaire romain de forme carrée, probable poste routier. 2 - Senda Limpia/ El Espino. Vaste enclos formant un carré irrégulier, qui s’étend de part et d’autre de la voie antique et de la route actuelle, en superposition avec le petit camp carré 1 et avec la structure 6 (chronologie relative non établie). Les angles sud-ouest et nord-ouest forment un large arrondi avec un curieux tracé en pans coupés, l’angle sud-est forme un arrondi plus classique, et celui du nord-est n’est pas visible, détruit par des fouissements postérieurs (la trace visible un peu à l’ouest serait un leurre, probablement d’origine naturelle). On distingue nettement une entrée au milieu du côté nord, par interruption du fossé. Les côtés est et ouest sont peu visibles, mais documentés néanmoins, et le côté sud se trouve à l’intérieur de la structure 6. 3 - El Palo/ La Matilla. Ensemble de trois fossés formant un quasi-rectangle allongé d’est en ouest, dont le côté ouest n’est pas connu. La superficie minimale atteint 25 ha, elle dépasse les 30 ha avec le rectangle complet. Les deux angles reconnus, du côté est, forment un arrondi à court rayon. Le côté nord comporte une entrée par interruption du fossé, à hauteur de la structure 4, et peut-être y en a-t-il une autre sur le côté est, près de l’angle nord-est. Comme le précédent enclos, cet ensemble est traversé par la chaussée antique, qui est donc postérieure, et s’étend de part et d’autre de la route actuelle. 4 - El Palo. Fossé linéaire bien marqué, au tracé coudé formant un angle ouvert à 110°, avec arrondi, qui passe dans l’entrée nord de la structure 3. 5 - El Palo. Probable camp de forme presque carrée, avec les angles arrondis caractéristiques, celui du nord étant le plus visible. On ne distingue aucune trace d’entrée. 6 - La Matilla. Parties sud et est d’un enclos polygonal formant au sud un angle très ouvert (113°). L’angle nord-est n’apparaît pas clairement sur les orthophotos. Il y a superposition entre le côté nord de cette structure et le côté sud de l’enclos 2. Il convient de signaler la présence de taches sombres correspondant probablement à des fosses, dans l’angle nord-est. 7 - La Matilla (est). Deux fossés larges bien visibles forment un angle droit avec arrondi peu marqué. L’angle est recoupé par un fossé linéaire interprété comme le côté sud de l’enclos 2. Cette structure ne peut se rattacher à aucun des ensembles voisins. 8 - La Matilla ( sud-est). Dans le blé mûr sont apparus par croissance différentielle deux fossés parallèles dont l’un se prolonge par un arrondi. 9 - Commune de Grañon, lieu-dit El Plano (nord). Long fossé coudé formant un angle très ouvert (150°). 10 - Commune de Herramelluri. La Gurria (sud). Fossé coudé à angle droit avec arrondi, s’appuyant à l’est sur le fond d’un petit vallon occupé par une profonde rigole, qui devait être autrefois un arroyo temporaire. Ainsi est formé un enclos triangulaire, dont la branche sud recoupe un chemin fossile à chaussée orienté est-ouest. Cette trace est à rapprocher de celle observée au pied de Castromuza / Viminacium (Cervatos de la Cueza, Palencia). 11 - Grañon. El Plano (NE). Alignements de fosses circulaires de même orientation que le bâtiment 18, formant un espace rectangulaire allongé NO-SE de dimensions 85 x 24 m. Il y aurait 16 rangées de 6 fosses. L’interprétation est incertaine : grenier ou plantation ? 12 - Grañon. El Plano (NE). Autre alignement de fosses, formant avec le précédent un angle droit légèrement fermé. Il est beaucoup plus vaste (190 x 85 m), et les espacements sont plus importants dans le sens transversal. Il pourrait s’agir de fosses de plantation d’arbres. 13 - Herramelluri. Tronçons de chaussée de la voie antique de l’Italie à Legio, de direction est-ouest. 14 - Herramelluri. Senda Limpia. Tronçon de la voie vers la Bureba et le Campoo, qui se détache de la voie vers Legio à hauteur de Lybia en direction du nord-ouest. Elle apparaît tantôt en clair (chaussée) tantôt en sombre (déblai). 15 - Herramelluri, La Gurria (sud). Chemin fossile orienté est-ouest, qui recoupe à angle droit la voie précédente, en direction de la partie basse de Lybia. 16 - Herramelluri. Senda Limpia. Elément de chaussée rectiligne. 17 - Herramelluri. Caracol. Elément de chaussée orienté nord-sud, probablement une rue de Lybia, qui coupe à angle droit la voie vers Legio. 18. Grañon. El Plano (NE). Taches et lignes orthogonales dans les céréales mûres, correspondant à un bâtiment antique assez vaste, situé dans l’espace d’intersection entre les ensembles 11 et 12, avec la même orientation que le 11. En surface, mœllons, tuiles, céramique hispano-romaine. Vérification au sol F. Didierjean, 14/09/2010.

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avec un camp militaire ne fait guère de doute, même en l’absence de mobilier observé au sol (fig. 36) : il s’agit d’un enclos fossoyé formant un carré à angles arrondis de 45 m de côté, présentant une entrée du côté sud-ouest par interruption du large fossé principal. Celui-ci est doublé à quelque distance (4 m environ) par un autre fossé bien plus étroit et peu apparent. La morphologie reprend certaines caractéristiques d’un camp romain du Haut-Empire (angles arrondis), mais d’autres particularités renvoient à l’Antiquité tardive, en particulier la forme carrée, qui se répand alors pour les fortifications en terre et en bois 59 et la petite taille : en effet, la superficie enclose est estimée à moins de 2000 m2 60. Son existence soulève de nombreuses questions, en particulier celle de son utilisation : simple camp d’étape ou petit poste permanent ? En faveur de la seconde option, il faut considérer non seulement la facture soignée de la structure, mais aussi sa position par rapport au réseau routier : c’est précisément à cet endroit que se détache de la voie principale, qui se dirige vers l’ouest, une autre route qui va vers le nord-ouest, contournant l’agglomération de Lybia par le nord (fig. 34, n° 14). C’est elle, déjà évoquée pour son point d’arrivée, qui rejoint 61 la dépression de la Bureba, et de là conduit au Campoo, c’est-à-dire à Monte Bernorio, au cœur de la Cantabrie 62. Le camp 1 occuperait donc une position de contrôle de ce carrefour qui dut avoir, au moins à l’époque de la conquête romaine et sans doute encore après elle, une importance stratégique. Ainsi s’expliquerait qu’il ne soit pas aligné sur la voie principale, et cela fournirait une indication sur sa chronologie : il serait postérieur à la structure 2, qui est elle-même antérieure à la chaussée. Les éléments de comparaison disponibles vont dans le sens d’une identification comme poste routier : il en existe dans la région du limes rhénan, et en arrière de lui, un nombre suffisant pour avoir mérité une catégorie particulière dans la typologie des ouvrages militaires élaborée par M. Reddé 63. On constate une grande similitude avec le camp 1 dans les formes et les dimensions (fig. 37). Ces postes routiers de la Gaule sont attribués par M. Reddé à la fin du IIIe s. p.C., ils formeraient un réseau créé par les empereurs gaulois, en particulier le long de certaines routes qualifiées de pénétrantes 64. Il faut ajouter, pour être complet, qu’en Angleterre aussi des camps de taille très réduite ont été repérés, le plus souvent par détection aérienne, et ils sont apparemment associés à des installations plus importantes 65. Ce petit camp n’est en effet probablement pas isolé. De

59. Reddé et al. 2006, 158.60. D’après les mesures effectuées sur SIGPAC et Google Earth la superficie interne est de 1849 m2 .61. Supra, p. 156.62. On peut facilement la suivre sur les cartes et les orthophotos : elle traverse le rio Tirón à Herramelluri, rejoint par une trace fossile

la Calzada de Briviesca à Santo Domingo de la Calzada, un chemin traditionnel de hauteur qui sinue entre les têtes de vallons, et débouche dans la Bureba à Santa Maria de Ribarredonda.

63. Reddé et al. 2006, 159 et 163. On y ajoutera le fortin de Hanau/Neuwirtshaus, ibid., 290-291.64. Ibid., 43, 60.65. Welfare & Swan 1995, 107-110, camp n° 4, de même forme et mêmes dimensions que l’exemplaire de Lybia.

| Fig. 35. Herramelluri (La Rioja). La bande claire visible dans les blés en fin de croissance correspond à la chaussée de la voie stratégique conduisant de l’Italie vers Legio (León). Elle passe au pied de la colline où s’élevait Lybia (sur la gauche) pour franchir le río Tirón (à droite). L’agglomération s’étendait jusque dans la plaine, comme le montre la rue qui croise la route au centre de la vue. Celle-ci est prise du nord-ouest. = 09-721 du 3 juin 09.

| Fig. 36. La Matilla (Herramelluri, La Rioja). Petit camp romain de forme presque carrée, avec angles arrondis, avec un fossé peu visible formant une deuxième enceinte autour de la première (fig. 34, n° 1). Une entrée est possible sur le côté sud. La structure est superposée à une autre enceinte fossoyée beaucoup plus vaste (fig. 34, n° 2), qui comporte également une entrée (à gauche). En bas à gauche, angle nord-est de la structure 3. Vue prise du sud-ouest. 3 août 2009.

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nombreuses structures fossoyées ont été repérées dans ses environs, tant par l’observation aérienne directe que par l’étude des images d’IDERIOJA, d’IBERPIX, du SIGPAC et de Google Earth. L’accumulation des indices repérés par ces différents moyens et leur mise en relation ont abouti à l’élaboration d’un schéma planimétrique qui met en évidence la présence de dix ensembles décrits en légende du plan (fig. 34, n° 1 à 10). La diversité y est de règle, tant dans les formes (carrée, rectangulaire, triangulaire, polygonale) que dans les dimensions (de 0,2 à 25 ha ou plus) et la chronologie (superpositions, recouvrement de certaines structures par la chaussée antique). Bien sûr se pose la question de l’identification et de la fonction de ces dernières. Certaines hypothèses semblent à rejeter : un parcellaire fossile serait plus organisé, et distribué en fonction des chemins anciens, dont la voie antique est le principal ; des corrals ou enclos de parcage pour le bétail seraient de taille plus réduite et de formes différentes. Reste la possibilité d’installations militaires antiques, qui fournit une explication plus cohérente, malgré la diversité et le caractère fragmentaire des vestiges observés. En effet, certains (fig. 38, 39) sont constitués uniquement de tronçons de fossés (fig. 34, n° 4, 7, 8 et 9) ; d’autres plus complets, peuvent correspondre à des parties de camps : ainsi la structure 6 (fig. 41 et 44) serait la moitié sud-est d’un vaste enclos polygonal ; l’ensemble 3 (fig. 36, 38, 39, 40), bien qu’il manque le côté ouest, présente certains des caractères d’un camp d’étape convenant pour une unité importante (forme et dimensions, deux angles arrondis, au moins une entrée). Pour quatre des structures, l’hypothèse du camp est tout à fait soutenable :

le petit camp 1, bien sûr, mais aussi l’ensemble 2 (fig. 36, 40 et 41) – forme polygonale, trois angles arrondis, une entrée –, le 5 (fig. 38, 41) – forme rectangulaire, angles arrondis –, enfin la structure 10 (fig. 42) peut s’interpréter comme un petit camp d’étape triangulaire appuyé sur un cours d’eau, disposition dont on connaît d’autres exemples 66. Ces découvertes trouvent des similitudes avec les traces relevées près de Sasamón ou avec certains vestiges reconnus sur d’autres sites par prospection aérienne, notamment en Angleterre 67 ou encore et plus particulièrement à Francfort-sur-le-Main 68. Dans cet exemple (fig. 43), où dix installations militaires ont été identifiées, l’auteur propose de reconnaître huit camps de marche, dans certains cas construits dans un laps de temps court, à proximité du camp permanent A et de son annexe B. Comme à Lybia, ils présentent des formes simples, quadrangulaires ou trapézoïdales, des orientations variées et deux seulement comportent des dispositifs d’entrée caractéristiques (titulus). Notons également que trois d’entre eux ont été installés, comme à Lybia encore, avant l’implantation du réseau routier.Des parallèles peuvent également être établis, on l’a vu, avec les camps temporaires situés près du Mur d’Antonin 69. Ces divers éléments suggèrent la présence à Lybia de camps d’étape successifs, utilisant les facilités d’un relief plan, la proximité à la fois d’un cours d’eau et d’une ville située à un carrefour important et sur un riche terroir, disposant de nombreuses ressources, notamment alimentaires. Des sondages sont indispensables pour confirmer les hypothèses émises sur la fonction de ces structures fossoyées, et ils fourniraient peut-être du même coup des éléments pour dater la construction de la chaussée 70 et de vérifier sur quelle durée s’est étendue la fonction d’étape militaire que semble avoir rempli Lybia.

66. La forme triangulaire est proche de celle observée au pied de Castromuza (Didierjean 2008, 97-101), la position d’appui sur la rive d’un cours d’eau se retrouve aussi à Sasamón 1 (ibid., 109-112) et à Haltern (Reddé et al. 2006, 285-289). L’existence de camps de forme triangulaire est évoquée par Végèce I, 23, jusqu’à présent sans confirmation archéologique.

67. Welfare & Swan 1995.68. Fasold 2006, 279-281.69. supra p. 164 et fig. 32.70. Le témoignage le plus ancien de son existence à l’ouest de Caesaraugusta est le milliaire augustéen de Padilla de Abajo, près de

Sasamón, daté de 6 a.C. : Lostal Pros 1992, n° 21.

| Fig. 37. Plans de postes routiers édifiés en arrière du limes rhénan à la fin du IIIe s. p.C., extrait de Reddé 2006, 163. Le camp de La Matilla pourrait être un élément du programme de fortifications routières mis en place sous les empereurs gaulois.

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TRACES DE GUERRES, TRACES DE PAIX ARMÉE –169Éléments  sous  droit  d’auteur  -­  ©  Ausonius  Éditions  juillet  2014 | Fig. 39. La Matilla (Herramelluri, La Rioja). Angles sud-est des structures

2 et 3, aux tracés arrondis. Un troisième angle (en haut à droite) correspond au fossé coudé n° 7. En haut à gauche du cliché, fossés parallèles de la structure n° 8. Vue prise du nord-est. 5 juin 2010.

| Fig. 40. El Espino (Herramelluri, La Rioja). Partie nord de la structure fossoyée 2, avec son angle nord en arrondi à pans coupés et une interruption du fossé (entrée) ; Elle est en superposition avec le camp 1 (en haut à droite). En bas, partie nord-est de l’ensemble 3. Vue prise de l’ouest. 3 juin 2009.

| Fig. 38. Caracol / La Matilla (Herramelluri, La Rioja). Au centre, fossé coudé 4, en superposition avec le côté nord de l’ensemble 3, où l’on observe une interruption du fossé (probable entrée). Au premier plan, angle nord du camp (?) 5, au tracé en arrondi. Vue prise du sud-est. 3 juin 2009.

| Fig. 41. La Matilla (Herramelluri, La Rioja). Au centre, angle ouest de la structure 2, avec là aussi un arrondi à pans coupés, en superposition avec le côté nord de l’ensemble 6. En bas à gauche, angle est du camp (?) 5, en arrondi. Capture de l’orthophoto de Iderioja 2012.

| Fig. 42. La Gurria (Herramelluri, La Rioja). Structure 10 : fossé coudé à angle droit avec arrondi, appuyé sur le fossé où coule un petit arroyo. À l’arrière-plan, traces de la route (14) qui se détache ici de la voie principale vers Legio pour accéder à la Cantabrie par la dépression de la Bureba. Cette route est croisée par un chemin fossile (15) que le fossé coudé semble avoir coupé. Vue prise de l’est. 5 juin 2010.

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L’approvisionnement de l’armée ?À Lybia encore, signalons la présence, au sud de la ville et

des structures fossoyées, de deux ensembles, dont l’interprétation demeure incertaine. Ils se caractérisent par deux groupes d’orientation différentes (qui diffèrent également du parcellaire actuel) et composés chacun d’une série d’alignements de fosses (fig. 34, 11 et 12, et fig. 44). La structure 11 est longée, sur son côté oriental, par des constructions en dur partiellement révélées, présentant une orientation identique (fig. 34, n° 18) et qui doivent, d’après le mobilier observé au sol, appartenir à un édifice antique : elle se rattache donc vraisemblablement à la même période. Les fosses ouest, dont l’écartement d’axe en axe est estimé à environ 4 m (soit un peu moins de 12 pieds), sont, en outre, bordées sur trois côtés (nord, ouest et est) par des traces rectilignes fossoyées incomplètes. L’ensemble mesure environ 85 m de long sur 24 m de large, couvrant 2040 m2. La morphologie générale évoque les entrepôts du type I défini par M. Reddé 71 ; les fosses signaleraient l’emplacement des poteaux de bois individualisés (pour ceux situés au cœur de l’édifice), généralement circulaires, supportant le plancher surélevé, et les anomalies rectilignes externes pourraient correspondre à des sablières basses. Notons que les dernières rangées latérales de pieux semblent implantées dans des tranchées. Celles-ci sont observables sur toute la longueur de la partie orientale et plus partiellement sur le côté occidental. Cette disposition est caractéristique de ce type de greniers. Toutefois, la distance entre les poteaux des greniers est habituellement beaucoup plus réduite, de l’ordre de 5 pieds, soit 1,50 m 72 ce qui pourrait infirmer notre hypothèse.

71. Reddé et al. 2006, 111-113.72. Ibid., 113.

| Fig. 43. Installations militaires provisoires (C à L) à côté d’un camp permanent avec annexe (A et B), près de Francfort-sur-le-Main. D’après Fasold 2006, 280.

| Fig. 44. La Matilla-sud (Herramelluri, La Rioja). Alignements de fosses formant les ensembles 11 (en haut) et 12 (à gauche) encadrant les traces peu visibles de l’édifice 18. À droite, large fossé coudé à angle obtus appartenant à la structure 6. Vue prise du nord-est. 5 juin 2010.

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Le deuxième ensemble à l’est (n° 12) présente la même disposition, mais il est remarquable par ses dimensions imposantes : environ 190 m sur 85 m, une superficie dépassant les 16000 m2, plus d’un hectare et demi ! On y retrouve des anomalies rectilignes fossoyées de direction nord-sud et est-ouest, avec pour la trace la plus au sud et partiellement à l’est, le même dispositif que celui observé dans l’ensemble 11 : les fosses sont reliées entre elles par des fossés qui peuvent signaler une tranchée apte à recevoir des tirants permettant de lier les poteaux porteurs par la base. L’écartement entre les fosses n’est pas homogène : il est estimé à 4,20 m (soit 14 pieds) dans le sens longitudinal, mais il atteint 5, 50 m (18 pieds environ) dans le sens transversal. Ces installations posent problème, précisément du fait de cet écartement important, mais aussi à cause de leur taille tout à fait inhabituelle. Celle-ci, dans le cas de greniers, implique un système de couverture en bâtières longitudinales multiples, pour lequel nous n’avons pas de référence, mais qui peuvent toutefois se concevoir, étant donné la densité des supports. Or nous ne connaissons pas de greniers aussi vastes – du moins pour l’ensemble 12 – y compris à l’usage de grands camps permanents, ce qui n’est pas le cas ici. En outre, les exemples répertoriés sont généralement situés à l’intérieur de la fortification. Il faut donc évoquer une autre interprétation, celle de fosses de plantation, liées au bâtiment 20, qui n’exclurait pas la destination militaire de la production, mais sans l’impliquer aussi directement que le feraient des greniers. Par exemple, les fosses circulaires de la villa de la Gare, au Quiou, en Gaule, sont espacées de 4,5 à 5 m également 73. L’incertitude en ce qui concerne la nature et la fonction de ces deux ensembles souligne les limites de la seule prospection. Encore une fois, seules des fouilles permettraient d’apporter des données fiables.

Ces tentatives d’interprétation pour les ensembles 11 et 12 de Lybia concernent en fait les aspects logistiques de la présence militaire en Espagne. Ceux-ci ont fait l’objet récemment d’une attention nouvelle 74, justifiée par l’importance des ressources à mobiliser pour l’armée, l’interrogation sur leurs provenances et la complexité de leur acheminement. Or, la recherche aérienne a conduit à l’identification de nouvelles structures propres à résoudre le problème du ravitaillement des troupes : il s’agit d’horrea ou entrepôts destinés à stocker le grain, qui ont été repérés, tant en contexte urbain qu’en campagne, à proximité d’installations militaires ou supposées telles 75.

Le premier cas concerne l’agglomération antique de Campo Real/Fillera – Arsaos ? – à cheval sur les communes de Sos del Rey Católico (Zaragoza) et de Sangüesa (Navarra). Elle est implantée sur un plateau dominant, rive gauche, la vallée de l’Onsella, dans un terroir fertile aux aptitudes céréalières, à proximité d’un carrefour de deux axes routiers reliant Caesaraugusta (Saragosse) à Iacca (Jaca) d’une part, et à Pompaelo (Pampelune) d’autre part. L’analyse de clichés verticaux avait montré l’existence de deux grands édifices rectangulaires, présentés en 2008 sans identification 76. Le survol de 2010 a permis de mieux les documenter (fig. 45 n° 1 et 46), et il a enrichi notablement notre connaissance de la ville, d’abord par la mise évidence d’éléments de la trame viaire, d’orientations variables, et surtout par la découverte de deux bâtiments (fig. 45, 2 et 3) situés au nord des deux grands édifices reconnus antérieurement. La morphologie et les dimensions imposantes de ces derniers 77 invitent à les interpréter comme des temples monumentaux 78. Les deux autres bâtiments, inédits, ont tout particulièrement retenu notre attention. Ils sont localisés dans la partie occidentale de l’agglomération et sont distants entre eux d’une centaine de mètres. Tous deux évoquent des greniers, mais avec des dispositifs différents. Le premier (fig. 45 n° 2, et fig. 47), au nord, de dimensions modestes, comporte une série de quatre murs ou murets parallèles comme on en trouve dans les greniers en milieu rural ou en contexte militaire 79. Le second (n° 3 et fig. 48) est un ensemble plus imposant 80, de forme trapézoïdale, bordé sur ses quatre côtés par un portique. À l’intérieur, un ensemble de taches claires, de forme plus ou moins quadrangulaire, peut correspondre à une série de socles ou à leur empreinte. Il trouve des parallèles étonnants (fig. 49 et 50) dans les horrea

73. Arramond & Requi, 2008, 31-35.74. Morillo Cerdán 2006 ; Morillo Cerdán & Salido Domínguez 2010 ; Salido Domínguez 2011a ; Cadiou 2008, en particulier les chapitres

VI et VIII.75. Une étude toute récente sur le réseau que formaient ces entrepôts à travers tout le monde romain conclut que les grands entrepôts

qu’abritaient les grandes villes d’Italie du nord étaient relayés hors de l’Italie par des bâtiments d’étape, “principalement … destinés au ravitaillement de l’armée”, que “ces entrepôts ne peuvent être situés que dans des villes ou des endroits adaptés (villas, routes, lieux de rupture de charge)” : Carré 2011, 35 et 37. Les résultats présentés cadrent tout à fait avec ce schéma.

76. Andreu Pintado et al. 2008, 79.77. Dimensions mesurées sur Google Earth : plus de 80 m de long sur un peu moins de 50 m de large.78. Adreu Pintado et al. 2008, 81, fig. 7 ; une étude détaillée de cette nouvelle documentation fera l’objet prochainement d’un article

en collaboration avec Javier Salido Domínguez.79. Salido Domínguez 2011a, 133-138.80. Dimensions mesurées sur Google Earth et IDERIOJA à partir des quelques tronçons de murs visibles : 67 m N-S sur 30/37 m E-O

(Date image satellite GE : 01/01/2008).

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| Fig. 48. Campo Real. Grand bâtiment de plan trapézoïdal (à droite) inséré dans le réseau de rues (à gauche). Le semis de points remplissant l’intérieur correspond probablement aux supports d’un plancher surélevé, caractéristique des horrea granaria. Vue prise du nord. 3 juin 2010.

| Fig. 47. Campo Real. Bâtiment carré composé d’une cour encadrée de galeries sur trois côtés, avec dans un angle un local compartimenté en long par quatre murs parallèles. Il s’agit probablement d’un horreum granarium (magasin à céréales) aménagé dans un entrepôt. Vue prise du nord. 3 juin 2010.

| Fig. 45. Campo Real. Croquis en plan des édifices repérés en 2010, dessin C. Petit-Aupert. Légende : 1 - Deux grands édifices à plan de rectangles emboîtés, probablement des temples. 2 - Édifice de plan carré avec galerie en U comportant un local équipé de murets parallèles. 3 - Grand bâtiment trapézoïdal entouré d’une galerie. L’intérieur est occupé par un semis de taches claires pouvant correspondre aux socles d’un plancher suspendu.

| Fig. 46. Campo Real. Groupe de deux grands édifices à rectangles emboîtés, aux murs très épais, qui pourraient être des temples. Vue prise du nord-est. 3 juin 2010.

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| Fig. 49. Greniers militaires dans l’espace rhénan, d’après M. Reddé 2006, 112.

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de type militaire des provinces occidentales, de Bretagne insulaire, de Germanie et d’Espagne 81. La présence de grands horrea à Campo Real/Fillera invite à s’interroger sur les destinataires des produits récoltés. Pourrait-il s’agir d’un lieu de stockage de céréales produites sur ces terres à blé et destinées à être acheminées dans les camps ? La question mérite d’être posée. Cette ville n’est pas la seule à présenter des édifices identifiés comme entrepôts : on en a détecté aussi au Alto de Rodilla (Monasterio de Rodilla, Burgos), site de l’antique Tritium Autrigonum, capitale des Autrigons, alliés des Romains contre les Cantabres. Ils sont situés en périphérie de la ville, sur les bretelles qui la reliaient à la route stratégique Italie-Legio, déjà évoquée 82.

En milieu rural aussi, existaient des bâtiments à usage d’entrepôt qui pourraient bien avoir servi au ravitaillement militaire : ainsi en est-il des deux bâtiments associés à une villa détectée sur la commune de Sasamón, à proximité d’Olmillos de Sasamón, au lieu-dit Santa Eulalia (fig. 5, n° 09). De la villa, dont les matériaux ont été pillés, il ne reste que quelques taches dessinant une forme à plan centré, et les tranchées de fondation des murs d’un possible petit ensemble thermal (fig. 51). Mais, un peu à l’écart, on distingue en négatif les murs d’un édifice linéaire, contigu à un autre en forme de U. Tous deux sont divisés en cellules de forme proche du carré (fig. 52). Il s’agit là encore probablement d’horrea, qu’on pourrait penser destinés à conserver les récoltes de la villa. Cette hypothèse soulève des objections : les constructions identifiées comme greniers dans les établissements ruraux de la péninsule sont d’un type bien différent (fig. 53) et de taille bien plus réduite 83. Les parallèles que l’on peut établir avec les bâtiments de Santa Eulalia se rapportent en revanche à des horrea urbains 84 (fig. 54). Comme le site est à proximité immédiate des vestiges de campements décrits précédemment 85, il est possible que le propriétaire de la villa ait été incité à construire des locaux capables de stocker une quantité importante de grains ou d’autres denrées, par l’assurance de pouvoir les écouler auprès des troupes de passage.

81. Reddé et al. 2006, 113, et fig. 92 ; Salido Domínguez 2011, 86 et fig. 258, Baños de Bande/Porto Quintela.82. Bost & Didierjean, s.d., voir accès à Tritium.83. Salido Domínguez 2011, 133-138. Ce sont en général des bâtiments constitués d’un vestibule et d’un magasin à plancher surélevé

supporté par des murets parallèles. L’article fournit un exemple-type avec dimensions, et infère que la surface de stockage est réduite à quelques m2.84. Rickman 1971, 38, 54, 58. Ce sont de petits entrepôts trouvés à Ostie, du type à corridor, que l’auteur interprète – en raison de leur

taille modeste – comme appartenant à des propriétaires privés.85. Supra, p. 153-155.

| Fig. 50. Bâtiment identifiés comme greniers militaires en Hispanie, d’après Salido 2011a, 683.

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| Fig. 52. Santa Eulalia. Vue rapprochée des deux structures lisibles : ce sont des cellules presque carrées formant un bâtiment en U (3), et un autre de plan linéaire (4). Ces formes correspondent à des horrea, du type à corridor pour le premier, du type en ligne pour le second. Vue prise de l’est. 3 juin 2010.

| Fig. 51. Santa Eulalia (Sasamón, Burgos). Vue d’ensemble des bâtiments d’une grande villa romaine de plan centré, située au sud d’Olmillos de Sasamón, un peu à l’est des traces repérées au pied du Cerro Castarreño. Les taches marquent l’emplacement des bâtiments principaux – pillés jusqu’aux fondations (1). Les lignes vertes correspondraient aux tranchées des murs, eux aussi disparus, d’un petit ensemble thermal (2). Les seules structures assez bien conservées pour être visibles sont à l’écart, sur la droite (3 et 4). Vue prise du nord-ouest. 5 juin 2010.

| Fig. 53. Plan d’un horreum-granarium en contexte rural, d’après Salido 2011b, 135. DAO G. Verninas, Ausonius.

| Fig. 54. Plans d’horrea d’Ostie, d’après Rickman 1971. Il s’agit ici du type à corridor.

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ConclusionLes recherches menées dans le cadre du programme n’ont pas levé toutes les interrogations, loin de là, ni abouti à des

remises en cause spectaculaires. Mais elles ont parfois apporté des éléments nouveaux à l’appui des opinions traditionnelles. Ainsi, les indices recueillis convergent vers l’idée d’une conquête augustéenne inégalement difficile selon les secteurs. Dans d’autres cas, les observations conduisent à remettre en question la thèse en vigueur : il se pourrait bien qu’après les guerres cantabriques la partie nord de la péninsule ait connu une présence et une activité militaires plus fortes que les sources ne le laissent à penser, sur une durée qui reste à déterminer 86. Enfin, il semble ressortir des prospections que les routes et les villes sont des éléments indissociables du contrôle du territoire : il y a un lien évident entre les implantations des camps militaires romains et la distribution des voies de circulation – même pour ceux qui peuvent être interprétés comme des camps de campagne. On voit aussi une corrélation forte entre campements et villes : les camps ou indices de camp sont presque toujours à proximité immédiate d’une ville, et l’on trouve dans certaines de celles-ci les signes de la présence d’entrepôts, qui paraissent liés à l’armée par leur emplacement et/ou leur configuration.

86. Roldán Hervas 1974, 187-188, avait déjà signalé que la documentation épigraphique donne l’impression que les soldats de la legio VII furent abondamment employés dans toute la péninsule à travers des détachements ou uexillationes.

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