L es vestiaires de la piscine sont encombrs. Des palmes
s'entassent, on remarque un fauteuil roulant, plusieurs paires de
bquilles et des bouteilles d'oxy-gne. Les membres du club Tom Plouf
se retrouvent, comme tous les lundis soir, au bord de la piscine de
Villenave-d'Ornon, prs de Bor-deaux. En situation de handicap
ou
valides, ils partagent tous la passion de la plonge. La
philosophie, c'est beaucoup d'autonomie , explique Claude Chamoux,
responsable technique du club. Celui-ci offre la possibilit
d'voluer sous l'eau, avec un tuba ou des bouteilles, et ce quel que
soit le handicap. Le club compte 25 adhrents, dont la moiti sont en
situation de handicap, et l'activit rencontre de plus en plus de
succs. Depuis deux ou trois ans la demande augmente, prcise Claude,
et pour maintenir un travail de qualit nous sommes obligs de
refuser des plon-geurs, car nous ne disposons pas dun encadrement
suffisant.
Plongeurs valides et handicaps ensembleMaillots et combinaisons
enfils, des quipes de deux ou trois plon-geurs, appeles palanques,
sont constitues en dbut de sance. Chaque palanque organise la sance
en fonction des envies de chacun. Chez Tom Plouf, vous ne faites
pas partie d'une palanque han-dicape ou d'une palanque valide, vous
tes tous des plongeurs ,
Parapente, ski alpin ou saut llastique Dans le domaine du sport,
cela fait bien longtemps que handicap rime avec extrme. Pourquoi ne
pas se jeter l'eau et dcouvrir la pratique d'une activit singulire
: la plonge sous-marine ? Reportage au cur du bassin.
insiste un encadrant. Sous l'eau, la communication est
essentielle et les signes changs peu com-prhensibles pour un
observateur non averti. Chaque plongeur doit connatre le langage
qui permet de communiquer dans le bassin en restant attentif son
parte-naire, handicap ou non. Certains s'apprtent travailler
l'apne, d'autres crent un parcours en dis-posant des arceaux au
fond de l'eau pour s'entraner ensuite avec les bouteilles. Ce n'est
pas toujours facile quand on est 25 au fond du bassin , observe
Claude, amus. Au programme du jour, l'expira-tion et l'immersion.
Tom Plouf est un club original pour plusieurs raisons. Fond fin
1999 pour per-mettre aux personnes atteintes d'un handicap de
pratiquer la plon-ge sous-marine, il offre la pos-sibilit de
dcouvrir une nouvelle forme d'autonomie en mettant l'ac-cent sur
l'intgration par le sport. Comme toute autre activit, la plon-ge
est sans danger condition que sa pratique soit encadre par des
professionnels. Une exprience
Tom Plouf, tous l'eau !
SPORTCULTURE ET LOISIRS
72 tre . Handicap Information n131
TMOIGNAGE DE CHRISTIANE QUI PLONGE DEPUIS 4 ANSPrte se mettre
l'eau aux cts de Norbert, un cadre de lquipe, Christiane avance
avec aisance dans son fauteuil. L'amputation de la jambe subie par
la plongeuse de 67 ans la suite dune erreur mdicale ne lui a pas
fait perdre son intrt pour le sport. Aprs l'esca-lade et le ski
nautique, elle plonge depuis quatre ans. Pour moi, c'est une
histoire de combat , explique-t-elle en souriant. Christiane n'est
pas l pour la comptition, mais pour dpasser ses propres peurs. J'ai
toujours aim la mer mais je ne pouvais pas mettre la tte sous
l'eau, c'tait une vritable phobie , se rappelle-t-elle.
Depuis, leau est devenue son lment : Dans l'eau vous existez
comme une personne part entire. Lobtention de son diplme de plonge
reste dans sa mmoire comme le plus beau jour de sa vie. La mto tait
tellement mauvaise qu'au dbut je ne voulais pas y aller, je voulais
remonter, je croyais tre dans un aquarium !...
Aujourd'hui, lors des entranements, l'environnement est plus
calme. Sous l'eau les gestes prennent de lampleur et les corps se
dlient avec joie. Il n'y a plus cette notion de lourdeur de
l'existence, sous l'eau tout va bien , explique Claude. Christiane
enchane les mouvements avec la grce d'une si-rne. Elle refait
surface, trs relaxe , aprs de longues minutes passes en
immersion.
Tom Plouf, tous l'eau !
de plus de vingt ans de la pratique de cette activit nous a
montr que le handicap visible ne posait pas de rels problmes ,
prcise Pascal Chauvrire, rfrent pour la plonge handisport au sein
de la Fdration franaise des sports sous-marins. Une bonne condition
physique pr-vaut sur le handicap. L'attention doit tre porte sur
des lments plus insidieux , poursuit-il, parmi lesquels la fatigue
ou le refroidis-sement. Pour pratiquer la plonge, l'important est
donc de connatre son corps, ses limites et de res-pecter les avis
mdicaux. Avec Tom Plouf, des plongeurs atteints d'une infirmit
moteur crbrale, d'un traumatisme crnien, d'un han-dicap mental ou
d'une paraplgie se retrouvent au fond du bassin. L'une de nos
plongeuses est mal-voyante , ajoute Claude Chamoux.
Confiance et vasionChaque handicap doit tre encadr de manire
personnalise. Les handicaps les plus lourds sont par-fois un peu
plus difficiles grer , reconnat-il, mais tous prsentent un dfi
relever. Prsent aux cts de sportifs d'horizons varis, un employ de
la piscine tmoigne du plaisir que les plongeurs trouvent sous
l'eau. Contrairement aux nageurs traditionnels qui simposent
parfois de nager, ils ne viennent pas ici avec la contrainte de
venir, ils sont contents d'tre l. Joie d'voluer sous l'eau et lgret
des corps, Claude Chamoux remarque aussi que la plonge rduit les
douleurs physiques de certains. La plonge est l'une des rares
activits spor-tives permettant aux personnes atteintes d'un
handicap moteur d'oublier leur fauteuil. Mais quels sont les
bienfaits de cette acti-vit ? Elle permet en premier lieu aux
plongeurs de pratiquer une activit physique douce. Je suis
convaincu que c'est trs bnfique.
On arrive dvelopper chez les plon-geurs d'tonnantes capacits ,
explique le responsable technique. Ainsi, que ce soit dans l'eau ou
au bord du bassin, ils prennent de l'assurance car le club leur
fait confiance et leur donne des res-ponsabilits. La plonge permet
la rencontre et le partage d'motions et, pour beaucoup, cest un
moyen de s'vader dun quotidien qui n'est pas facile. Habitu du
bassin, Olivier, atteint d'une IMC, plonge depuis douze ans. Ce
jeune professeur de physique aime le sentiment d'galit que procure
cette acti-vit, car sous l'eau nous sommes tous gaux .
Du bassin dArcachon la mer RougePour les plongeurs valides
aussi, les bnfices ne sont pas ngligeables : Ils dcouvrent dautres
gens et cela en aide certains relativiser , observe le responsable
technique.Tourn vers le loisir, Tom Plouf est aussi une ppinire
dont le rle est de former des moniteurs
l'encadrement de plongeurs en situation de handicap. Ainsi, tous
les ans, cinq ou six professionnels obtiennent leur certificat.
Diplms, ils retournent dans leur club res-pectif pour accompagner
des plon-geurs handicaps. Avec Tom Plouf, les sances ne se limitent
pas au bassin olympique de Villenave-d'Or-non. En fonction des
mares et de la mto, des sorties sont organises environ cinq fois
par an, sur la cte atlantique ou le bassin d'Arcachon. La faune
aquatique y est bien plus tonnante qu'il n'y parat ! dclare Claude
Chamoux. Le champ dexer-cice dpasse mme les frontires. Nous avons
organis des voyages en gypte et Malte , tmoigne-t-il, des sjours de
quinze jours avec une vingtaine de plongeurs. Au-del des eaux
cristallines de la mer Rouge, le but de Tom Plouf est d'essaimer
l'envie de plonger . Pari russi car, aprs le passage des plongeurs
de Tom Plouf, le club gyptien a commenc faire plon-ger des
personnes handicapes. Textes et photos : Eugnie Baccot
n131 tre . Handicap Information 73