THÈSE Présentée pour obtenir le grade de DOCTEUR EN SCIENCES BIOLOGIQUES Par Mouldi GAMOUN Impact de la mise en repos sur la dynamique du couvert végétal: Application à la gestion durable des espaces pastoraux sahariens du Sud tunisien Thèse présentée et soutenue publiquement le 18 Mai 2012 devant le jury composé de : Mme. Samira ASCHI-SMITI Professeur – FST Présidente Mr. Mekki BOUKHRIS Professeur émérite – FSS Rapporteur Mr. Mohamed Néjib REJEB Directeur de recherche – INRGREF Rapporteur Mr. Mohamed NEFFATI Directeur de recherche – IRA Examinateur Mr. Belgacem HANCHI Professeur – FST Directeur de thèse RÉPUBLIQUE TUNISIENNE MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE UNIVERSITÉ DE TUNIS EL MANAR FACULTÉ DES SCIENCES MATHÉMATIQUES, PHYSIQUES ET NATURELLES DE TUNIS DÉPARTEMENT DES SCIENCES BIOLOGIQUES
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THÈSE
Présentée pour obtenir le grade de
DOCTEUR EN SCIENCES BIOLOGIQUES
Par
Mouldi GAMOUN
Impact de la mise en repos sur la dynamique du couvert végétal: Application
à la gestion durable des espaces pastoraux sahariens du Sud tunisien
Thèse présentée et soutenue publiquement le 18 Mai 2012 devant le jury composé de :
Mme. Samira ASCHI-SMITI Professeur – FST Présidente Mr. Mekki BOUKHRIS Professeur émérite – FSS Rapporteur Mr. Mohamed Néjib REJEB Directeur de recherche – INRGREF Rapporteur Mr. Mohamed NEFFATI Directeur de recherche – IRA Examinateur Mr. Belgacem HANCHI Professeur – FST Directeur de thèse
RÉPUBLIQUE TUNISIENNE MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
UNIVERSITÉ DE TUNIS EL MANAR FACULTÉ DES SCIENCES MATHÉMATIQUES, PHYSIQUES ET NATURELLES DE TUNIS
DÉPARTEMENT DES SCIENCES BIOLOGIQUES
Remerciements
C’est au sein du laboratoire d’Écologie Pastorale de l’Institut des Régions Arides de Médenine que j’ai commencé ce travail de recherche.
Si une thèse représente un investissement personnel, c’est aussi avant tout un travail d'équipe. C'est pourquoi, la réalisation de cette thèse n’aurait pu être menée à bien sans la participation d’un certain nombre de personnes qui m’ont réellement aider et soutenu.
Je tiens à remercier en premier lieu Mr. NEFFATI Mohamed, directeur du laboratoire de l’Écologie Pastorale de l’IRA, pour avoir accepté d’encadrer cette thèse au sein de son laboratoire ainsi que pour son soutien sans faille et pour leur lourd travail de révision de ce document. Sans ce soutien, ce travail de thèse n’aurait pu aboutir.
Bien entendu, mes plus vifs remerciements s’adressent à mon directeur de thèse, Mr. HANCHI Belgacem, qui a su me lancer avec sa confiance qui permit de m’épanouir scientifiquement pendant ces années. Merci pour ses nombreux conseils, ses remarques constructives et éclairantes. Combien de fois ses commentaires pertinents ont permis de déceler les aspects importants noyés sous mes résultats ou dans mes commentaires, et les failles de raisonnement.
Je remercie les membres du jury, particulièrement Mr. BOUKHRIS Makki, Professeur émérite, à la Faculté des Sciences de Sfax et Mr. REJEB Mohamed Néjib Directeur de recherche à l’INRGREF de m’avoir fait l’honneur d’être rapporteurs de cette thèse et ont accepté de prendre de leur temps pour lire et juger ce travail. Merci pour la richesse et qualité scientifique de leurs remarques. Un merci particulier à Mme Samira ASCHI-SMITI, Professeur à la Faculté des Sciences de Tunis, je la remercie profondément et je suis très honoré qu’elle ait bien voulu accepter de présider le jury de ma thèse.
Je souhaite également remercier le fondateur de ce travail Mr. OULED BELGACEM Azaiez pour son dévouement, professionnalisme et pour avoir toujours eu une grande disposition pour discuter mes doutes (depuis mon master). Au travers de nos discussions, ils m’ont apporté une compréhension plus approfondie des divers aspects du sujet. Je salue aussi leur souplesse et leur ouverture d’esprit qui ont su me laisser une large marge de liberté pour mener à bien ce travail de recherche. Merci pour votre amitié !
Je tiens à exprimer ma reconnaissance à tous les personnels de l’IRA pour leur dévouement à cette expérimentation. Je suis reconnaissant aux Directeur Général Mr. KHATTELI Houcine, le Secrétaire Général Mr. BEN ABED Mohamed Ali et à ses collaborateurs pour les différents partenariats qu’ils développent en vue de faciliter le travail des jeunes chercheurs. J’aimerais également remercier l’équipe technique du laboratoire de l’Écologie Pastorale, qui m’a permis de mener à bien l’ensemble de ce travail et un merci spécial à DEBBABI Said et DADI Kamel, sans lesquels ce travail de thèse n’aurait pas pu se réaliser, ainsi qu’à tous les membres de l’équipe qui ont donné des coups de main ponctuels: GUESMI Ali, KARDI Ammar, BOUZBIDA Bechir, TLIG Taher, BEN ARFA Abdelkarim, NAJJAA Hanen, ABDELLAWI Raoudha, TLIG Majid, ZAIDI Slah, TLIG Saad, BOUZNIF Mohamed, MIHDAOUI Mohamed, SAKRAFI Mansour, YAHYA Mohamed, BEYOULI Hajer, ZAMOURI Ghalia, YAHYA Boutheina et HAMED Lassaad.
Remerciements tous particuliers à ZOUARI Sami, GADDOUR Amor, TARHOUNI Mohamed, GORAI Mustapha et BEN SALEM Farah pour la formidable collaboration qu’il nous a offerte durant mes travaux de thèse.
Cette thèse n’aurait vu le jour sans la confiance, la patience et la générosité de ZAMMOURI Jamila. Je la remercie vivement pour le temps, les discussions et les conseils qu’elle m’a accordés tout au long de ces années, d’avoir cru en mes capacités.
Un remerciement tout particulier est destiné à Mr. OUASSAR Mohamed, ESSIFI Bouajila, GUIED Massoud, LAMOUROU Habib, OUNI Mohamed, OUNI Habib et AOUINI Ridha qui m’ont apporté une aide inoubliable quand j’étais en difficulté.
Je voudrais également remercier JEDER Habib, ZAIDI Ali, LANOUAR Mabrouk, MABROUK Abderrazak, FADHLI Said, BOUBAKRI Boubaker et ATAOUI Fethi pour les services qu’ils m’ont rendus. Je remercie également l’équipe de l’IRA de Tataouine pour l’intérêt qu’ils ont porté à ce travail; BEN SALEM Mokhtar, RAOUAN Mohamed, BOUCHNAG Nourdine, TALAMOUDI Mohamed, TOUMI Iness, AYADI Nabil et ALJENE Fateh.
Une thèse ne serait pas ce qu’elle est sans les collègues mais-néanmoins-amis, merci donc pour tout; BEN KHALED Abdennaceur, OUNI Mabrouk, YAHYA Yassine, FALLAH Walid, MRABET Abdessalem, CHNITER Mohamed, HARABI Hassen, DAB Houcine, LAMARI Taoufik, GUTET Arbi, BEN OTHMEN Mahmoud, LASSOUED Soufiène et TELAHIGUE Samir.
Je remercie également les enseignants de l’ISBAM qui m’ont donné la chance de me lancer dans l’enseignement; DEBOUBA Mohamed, GUERFEL Mokhtar, BEN MANSOUR Mohamed, RABAOUI Lotfi et ZOUARI Nassim.
Mes plus chaleureux remerciements à tous les camarades de thèse du laboratoire; Chiraz, Chadia, Amina, Fairouz, Olfa, Hassen, Imed, Mouna, Zohra, Mbarka, Dhikra et Nahla. A tous, je leur souhaite un brillant avenir.
Je remercie enfin toutes les personnes intéressées par mon travail, en espérant qu’elles puissent trouver dans mon rapport des explications utiles pour leurs propres travaux.
Je dédie cette thèse de doctorat à toute ma famille, à savoir, mon père Belgacem et ma mère Mabrouka, mes sœurs, mes frères et en particulier mon frère Mohamed et son petit fils Bacem. Toutes ces personnes ont toujours été derrière moi pour m’encourager, me propulser sur le devant de la réussite. Leur sensibilité et leur support à plusieurs niveaux m’ont fortement permis de réaliser ce projet de doctorat avec enthousiasme et ténacité. Un grand merci à la famille Gamoun, je pense particulièrement a mon cousin Ali et sa femme Saloua pour leur bonne humeur et qui ont toujours su me «dépanner» depuis mon Mastère en prenant le temps de m’écouter.
Merci à tous… et mille excuses à ceux que j’oublie.
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Résumé
Les parcours sahariens du Sud tunisien constituent des espaces pastoraux susceptibles de fournir de nombreux services économiques et environnementaux. Lentement et silencieusement, la destruction du couvert végétal met en péril l’état des parcours. De nombreuses mesures ont été mises en place par les pouvoirs publics, en vue de modifier certaines pratiques du pâturage liées à l'utilisation des terres. Elles risquent, cependant, de ne pas être suffisantes pour garantir une gestion durable des espaces pastoraux. Le pâturage rationnel peut constituer un mode de gestion durable de ces espaces adapté à des objectifs de préservation et de restauration des parcours, pouvant concilier les enjeux écologiques et agronomiques.
Dans ce contexte, l’objectif de cette thèse est d’arriver à une meilleure compréhension de la réponse des communautés végétales sahariennes à la mise en repos et au pâturage et par conséquent à une gestion durable des ces espaces.
Le résultats obtenus montrent que la mise en repos a un impact positif sur le taux de recouvrement, la densité, la richesse et la diversité floristiques, la biomasse et la productivité de tout les parcours étudiés, et que les écosystèmes sahariens peuvent avoir une résilience élevée face à l’exploitation à long terme. Le surpâturage conduit à une baisse du taux de recouvrement et de la richesse floristique qui sont les principaux contributeurs à la productivité des parcours. Notre étude montre aussi que la dégradation du couvert végétal, sous l’effet de la sécheresse varie selon le type du sol. Il parait que les sols sableux et les parcours à accumulation sableuses sont plus productifs que les sols calcaires, alors que ces deux derniers qui sont plus affectés par la sécheresse, étaient plus résistants au pâturage. Sur les substrats sableux la végétation est disposée selon un mode diffus, et selon un mode contracté, sur les substrats squelettiques. Les résultats montrent aussi que la combinaison de la sécheresse et le surpâturage prolongée conduit à la dégradation continue de la végétation.
En raison de la dégradation sévère des parcours sahariens, la durabilité de la production d’élevage est en question. Avec une charge animale qui ne dépasse pas la capacité de la charge d’équilibre pendant une courte période de pâturage estival (2 mois), le pâturage contrôlé constitue un outil efficace de gestion durable des parcours sahariens. Ce travail qui constitue une étape vers une approche prédictive de la gestion des parcours basée sur la structure et le fonctionnement des écosystèmes peut se révéler d’une grande utilité dans l’optique de la gestion des parcours naturels après une période de sécheresse.
Mots clés : restauration, parcours sahariens, mise en repos, gestion, résilience.
Abstract
Rangeland of Saharan Tunisia may provide economic and environmental services. Slowly and quietly, degradation of vegetation cover threatens rangeland sustainability. Many measures have been implemented by the Government with a view to change some grazing practices related to land use. They may, however, not be sufficient to ensure sustainable rangeland management. Rational grazing can be a way of sustainable management of these areas suitable for the goals of restoration and rangeland management, to be able to balance ecological and agronomic issues.
In this context, the main objective of this thesis seek towards a better understanding the response of different Saharan rangelands to protection and grazing and therefore, more sustainable management strategy of these rangeland.
The current results have shown a significant effect of protection on vegetation cover, density, species richness, diversity, biomass and productivity of all studied rangeland, and the Saharan ecosystems may have high resilience front the long term exploitation. Overgrazing leads to a reduction of vegetation cover and diversity which are major contributors to rangeland productivity. Our study showed that, the degradation of vegetation cover, under drought depends on soil types. It appears that, the sandy soil and wadi bed are more productive than limestone soils, while the latter two most severely affected by drought were more resistant to grazing. On sandy substrates, the plants are arranged in a diffuse mode and contracted on limestone soil. The results also show that combination of droughts and overgrazing led to rangeland degradation.
Due to the severe degradation of Saharan rangeland, the animal production is the question of sustainability. Livestock stocking rates not exceed the carrying capacity for short period of grazing (2 months), controlled grazing can be an effective tool to sustainable Saharan rangeland management. This work is a step towards a predictive approach to rangeland management based on ecosystem-structure and function can be very useful in the context of the rangeland management after a period of drought.
Key words: restoration, rangeland of Saharan, rest, management, resilience.
I. Caractéristiques générales des zones sahariennes ....................................................... 5
1. Étendue et définition ......................................................................................................... 5 2. Particularités écologiques des zones sahariennes ............................................................. 5
II. La végétation naturelle ................................................................................................. 11
1. Diversité biologique et fonctionnement des écosystèmes sahariens .............................. 11
2. Production et biomasse végétale ..................................................................................... 13 3. Dynamique de la végétation steppique ........................................................................... 18
3.1. Notion de succession et de série évolutive ............................................................ 18
3.2. Stabilité et résilience des écosystèmes .................................................................. 20 3.3. Dynamique actuelle des steppes nord africaines ................................................... 23
3.4. Principales préoccupations environnementales ..................................................... 25
3.5. Conséquences de la dynamique du couvert végétal saharien ................................ 33
3.5.1. Exploitation des parcours par l’élevage extensif.............................................. 34
3.5.2. Effets des principales contraintes environnementales sur la végétation et les sols : la désertification ...................................................................................... 35
III. Gestion et aménagement de l’espace pastoral ............................................................ 42
1. Cadre théorique et posture scientifique pour la gestion de l’environnement ................. 42
1.1. Qu’est ce que la gestion des parcours ? ................................................................. 42
1.2. Conservation des parcours - Aspects de la gestion ............................................... 42
1.2.1. Prise en compte du système écologique ........................................................... 42
1.2.2. Préparation d’un plan de gestion ...................................................................... 43
1.2.3. Les objectifs ..................................................................................................... 43 1.2.4. Caractérisation de la végétation ....................................................................... 44
ii
1.2.5. Les mesures et les outils de gestion ................................................................. 44
2. Attributs vitaux de l’écosystème ..................................................................................... 45 3. Savoir faire local en matière de modélisation de la gestion des parcours sahariens ...... 46
4. Restauration des parcours ............................................................................................... 47 4.1. La mise en défens .................................................................................................. 50 4.2. La réhabilitation .................................................................................................... 51 4.3. Le contrôle de la capacité de charge ..................................................................... 51 4.4. La création des points d’eau .................................................................................. 53
5. Le concept de développement durable ............................................................................ 54 6. Questions et objectifs de la recherche ............................................................................. 57
PARTIE II: MATÉRIELS & MÉTHODES
I. Description de la région d’étude .................................................................................. 58
1. Caractéristiques générales de la Tunisie saharienne ....................................................... 58 1.1. Caractéristiques générales du climat ..................................................................... 58 1.2. Géomorphologie et sols ......................................................................................... 58
1.2.1. L’histoire géologique et la géomorphologie .................................................... 58
1.3. La végétation naturelle .......................................................................................... 60 2. Facteurs anthropiques ..................................................................................................... 64 3. Zones d’intervention ....................................................................................................... 66
II. Méthodes ........................................................................................................................ 72
1. Les paramètres suivis ...................................................................................................... 72 1.1. Taux de recouvrement, phytomasse, productivité et densité ................................. 72
1.2. Diversité spécifique ............................................................................................... 74 1.3. Indices de diversité de Hill .................................................................................... 75 1.4. Valeur pastorale ..................................................................................................... 76
I. Caractéristiques écologiques de quelques parcours de la région de Tataouine : Cas d’Ouled Chéhida.................................................................................................... 77
II. Effet de la mise en repos sur la végétation naturelle des parcours communautaires sahariens ........................................................................................... 93
iii
1. Conditions climatiques au cours de la période d’étude .................................................. 93
2. Effet de la mise en repos ................................................................................................. 94 2.1. Variation du taux de recouvrement végétal ........................................................... 96
2.2. Variation de la densité ......................................................................................... 100 2.2.1. Variation de la densité des espèces pérennes ................................................. 100
2.2.2. Variation de la densité des espèces annuelles ................................................ 102
2.3. Variation de la biomasse végétale aérienne ........................................................ 104
2.4. Variation de la production primaire .................................................................... 107 2.5. Diversité spécifique ............................................................................................. 109
2.5.1. Diversité de Shannon-Weaver ........................................................................ 109
2.5.2. Variation des Indices de Hill en fonction du mode de gestion ....................... 113
2.6. Relations entre les différents indices de diversité de Hill ................................... 116
2.7. Discussion et conclusion ..................................................................................... 118
III. Effet de la sécheresse sur les parcours sahariens ..................................................... 120
1. Effet de la sécheresse sur quelques parcours protégés ................................................. 120
2. Effets interactifs de la sécheresse et du pâturage sur les parcours sahariens ................ 125
IV. Diagnostic et pilotage des parcours pour une gestion durable ............................... 130
2. Typologies, description et caractérisation de la végétation des parcours protégés ...... 132
2.1. Variation du taux de recouvrement en fonction du type de sol ........................... 133
2.2. Variation de la densité en fonction du type de sol .............................................. 134
2.3. Variation de la diversité floristique en fonction du type de sol ........................... 136
2.4. Variation de la productivité primaire et de la capacité de charge en fonction du type de sol ............................................................................................................ 138
2.5. Relation entre la diversité spécifique et la productivité primaire ........................ 141
2.6. Relation entre le recouvrement et la biomasse aérienne ..................................... 142
3. Effet du pâturage contrôlé sur la structure végétale des parcours collectifs ................. 142
3.2.1. Variation du taux de recouvrement global en fonction du mode de gestion .. 143
3.2.2. État de la diversité en fonction du mode de gestion ....................................... 144
3.2.3. Variation de la richesse floristique en fonction du mode de gestion ............. 146
3.2.4. Variation de la composition en familles botaniques en fonction du mode de gestion ........................................................................................................ 148
3.2.5. Variation des spectres biologiques en fonction du mode de gestion .............. 149
3.2.6. Variation de la productivité primaire en fonction du mode de gestion .......... 151
3.2.7. Capacité de charge ......................................................................................... 152 3.2.8. Évaluation de l’état des parcours soumis au pâturage contrôlé ..................... 154
3.2.9. Capacité de résilience ..................................................................................... 156 4. Discussions et conclusions ............................................................................................ 158
V. Conclusion générale .................................................................................................... 163
1982 ; Zahran et al. 1985 ; Zahran et Willis, 1992 ; Dallman, 1998 ; Blondel et Aronson,
1999).
En plus des considérations bioclimatiques (Grouzis, 1988), l’activité humaine et la
pression du pâturage ont eu un effet négatif sur la diversité végétale particulièrement près des
zones sédentarisées. Cette activité humaine n’a cessé d’évoluer au cours des derniers siècles.
Son évolution a modifié la nature, suite à l’apparition des perturbations climatiques
(réchauffement de la planète), à la destruction de certains habitats naturels et à l’extinction de
plusieurs espèces. Ces contraintes d’origine climatique conditionnent diverses stratégies
fonctionnelles pour les espèces mais également permettent d’expliquer la structure, la
composition des communautés végétales et leur biodiversité (Alard et al. 2007).
La variété de la flore méditerranéenne aride est estimée à plus de 25 000 espèces (Olson et
Dinerstein, 1989). Ces écosystèmes ont été pâturés par des petits ruminants principalement
des moutons et des chèvres, pendant plus de 5000 années (Noy-Meir et Seligman, 1979;
Perevolotsky et Seligman, 1998), face à ces facteurs, la biodiversité et les services associés
résiste ou augmente avec le surpâturage (Perevolotsky et Seligman, 1998 ; Bestelmeyer et
Wiens, 2001).
Les études phytosociologiques menées dans les milieux steppiques ont défini des
phytocénoses dont la composition était significativement individualisée et relativement stable
selon les types de milieux et de steppes. Selon Le Houérou (1989), il y aurait en Afrique
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13
3 500 espèces végétales, dont les herbivores de tout le continent se nourrissent, comparées
aux 150 espèces, au plus, dont dépendent les être humains. En Afrique du Nord, le nombre
d’espèces végétales vasculaires actuelles dans les steppes arides est approximativement 2630,
c’est à dire environ 44% de la flore globale des cinq pays (Le Houérou, 2001a). Ce cortège
floristique des steppes Nord africaines est composé de thérophytes et de «petites vivaces».
Ces deux derniers types biologiques sont regroupés sous les vocables d’«éphémères» ou
d’arido-passives (Noy Meir, 1973; Evenari, 1985) en raison de leur dormance physiologique
estivale.
La résistance de la richesse en espèce contre la pression des herbivores a été démontrée par
la manipulation de la diversité des espèces (Lanta, 2007). Leur dégradation actuelle
s’accompagne de la disparition de nombreuses espèces caractéristiques des groupements et de
l’arrivée d’espèces plus ou moins ubiquistes, qui, de ce fait, expliquent l’homogénéisation
progressive des cortèges floristiques des steppes et leur banalisation (Aidoud, 1994; Jauffret,
2001; Quézel et al. 1992; Le Floc’h et Aronson, 1995). Avec les effets liés à l’altitude, les
variables abiotiques locales peuvent également agir en tant que refuges pour des espèces
végétales, contre les contraintes climatiques (Burke, 2002) ou les perturbations anthropiques
telles que le pâturage (Milchunas et Noy-Meir, 2004).
La flore tunisienne compte de 2162 espèces dont 2103 espèces, réparties en 115 familles et
742 genres, figurent dans les trois volumes de la Flore de Tunisie (Cuénod et al. 1954 ;
Pottier-Alapetite, 1979, 1981). A ces derniers trois volumes de la flore de Tunisie, le
catalogue de Le Floc’h et al. (2010) ajoute 194 taxa dont 138 espèces, 49 sous-espèces et 7
variétés avérées alors que 113 taxons probables requièrent une confirmation, selon les
auteurs. Par contre 66 taxons apparaissent douteux ou à exclure tandis que 628 taxons sont
éliminés par suite de regroupements taxonomiques. 32 taxons paraissent en danger
d’extinction tandis que 43 sont de nouvelles endémiques tunisiennes et maghrébiennes.
2. Production et biomasse végétale
La fonction majeure d’un parcours est la production pastorale qui dépend, en plus du type
de végétation, d’un complexe de facteurs que l’on peut décliner en un ensemble d’attributs
vitaux (Aidoud et al. 1992). Des mesures de la structure de végétation fournit des
informations sur la convenance d’habitat, et la productivité de l’écosystème (Jones et al.
2004; Silver et al. 2004; Wang et al. 2004).
L’étude de l’influence des facteurs anthropiques sur l’érosion floristique et la productivité
des terres montre que les systèmes de production évoluent en fonction de la pression
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démographique (Roose, 1993). En contrôlant la reproduction et l’alimentation des animaux,
l’éleveur intervient indirectement sur l’exploitation du couvert végétal; dans les systèmes
agropastoraux, il intervient également sur la production fourragère (Milleville, 1993).
Les données de précipitation peuvent être employé pour estimer la productivité dans les
terres arides (Le Houérou, 2009; Huxman et al. 2004). Les couvertures de végétation des
parcours montrent des fluctuations significatives dans la biomasse verte qui sont déclenchées
par des précipitations et sont provoquées par les réponses rapides des herbes annuelles (Kutiel
et al. 2000). Le recouvrement des grands groupements identifiés varie de 15 à 45% et leur
production fourragère est variable selon les années et notamment selon le coefficient
d’efficacité pluviométrique (CEP), qui est généralement faible dans l’étage bioclimatique
présaharien, 5 à 10 Kg de matière sèche par mm de pluie dans les steppes dynamiques et
0,1~1 Kg de matière sèche par mm de pluie dans les steppes désertifiées (Le Houérou et
Hoste, 1977; Le Houérou, 1982). Ces potentialités sont situées à une moyenne inférieure à 20
UF.ha-1.an-1 et peuvent atteindre plus de 50 UF/ha/an dans certaines unités situées dans les
dépressions et les milieux rupicoles. En termes de charge, ces unités supportent actuellement
un effectif qui dépasse de loin l’optimum d’une année normale. Il convient de souligner que
conformément aux différentes unités pastorales et leur composition floristique, les ressources
disponibles peuvent couvrir une bonne part des besoins du cheptel présent. En outre, la
production pastorale dépend de la longueur de la période active, du potentiel de fertilité des
sols qui varie avec la nature géologique du sous-sol, la situation topographique, et surtout le
rapport d’équilibre existant entre strate herbacée et strate ligneuse (Boudet, 1977). Selon Le
Houérou (1996a), les causes directes de la dégradation de terre dans des secteurs arides
proviennent d’une réduction de la couverture des espèces pérennes et de la simplification
éternelles de la structure de végétation avec un certain nombre de conséquences graves pour
la productivité, la structure du sol, les relations de l’eau et microclimat. La productivité de
biomasse d’une communauté végétale peut être changée par le nombre d’espèces végétales
(Hector et al. 1999; Tilman et al. 2002). L’éradication de nombreuses ligneuse et le
surpâturage abusif consécutif à l’abandon de certaines traditions pastorales (rotation des
parcours, maintien d’une charge convenable à l’hectare,…), ont générés des transformations
profondes dans les potentialités et la physionomie des parcours. L’action conjuguée de ces
facteurs s’est traduite par une diminution de la production de la biomasse moyenne, la
raréfaction des meilleures populations d’espèces pastorales et une prolifération d’espèces
ubiquistes peu palatables (Waechter, 1982; Aidoud et Aidoud, 1991). Ainsi le niveau de la
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charge animale (nombre d’animaux et temps de présence sur une surface) détermine de
manière importante la végétation en place et sa productivité.
Le Centre et le Sud tunisiens, régions très peu arrosées se caractérisent (en dehors des
périmètres irrigués et des oasis) par l’importance des parcours qui couvrent une superficie de
3248800 ha soit environ 62% des parcours du pays (IRA-CRDI, 1989). Ces parcours se
caractérisent par une végétation steppique dégradée ayant une production fourragère faible et
irrégulière variant de 50 à 250 UF/an (Floret et Pontanier, 1982).
La production nette aérienne est basée sur des mesures de la phytomasse tout au long de la
saison de croissance végétale (Aidoud, 1989), elle est évaluée par la différence entre un
minimum et un maximum de phytomasse. Le suivi saisonnier de cette dernière permet de
minimiser les erreurs liées à la différence du cycle phénologique entre les espèces. Par
ailleurs, la communauté doit être suffisamment homogène car une hétérogénéité spatiale
importante peut masquer les variations saisonnières. Les résultats de 11 ans de mesures sont
résumés dans le tableau 3.
Tableau 3. Productivité primaire nette de trois steppes arides et efficacité biotique des espèces
pérennes (Aidoud, 1989).
Productivité (kg de matière sèche / ha /an) Steppe Totale espèces
pérennes (Pr) autres
espèces Phytomasse
maximale (B) Efficacité
biotique (%) à Stipa tenacissima à Artemisia herba-alba à Lygeum spartum
480 (41) 470 (47) 420 (73)
410 (40) 340 (41) 260 (64)
80 (85) 140 (90) 160 (140)
1030 1200 310
40 37 84
Entre parenthèses sont donnés les coefficients de variation en %. L’efficacité biotique exprimée par le rapport Pr/B pour lequel la phytomasse maximale est une moyenne sur 11 ans. Dans le rapport Pr/B de Artemisia herba-alba, la phytomasse B inclue la partie ligneuse évaluée à 100 kg MS/ha/an.
Des travaux, moins nombreux, consacrés au fonctionnement (notamment au niveau de la
production primaire) ont conduit à mieux cerner la productivité et les potentialités pastorales
en tenant compte des variations interannuelles (Floret et al. 1973; Aidoud, 1989).
L’efficacité biotique est, au plan dynamique, diversement interprétée par certains auteurs.
Elle exprime le taux de renouvellement ou à l’inverse un taux d’accumulation de la biomasse
(Noy-Meir, 1985) ce qui va de pair avec la stabilité des communautés ou encore le degré de
maturité d’un écosystème (Ramade, 1981). En milieu steppique, l’efficacité biotique exprime
le taux de pérennité qui constitue un important indicateur de dynamique. En comparant le
Stipa tenacissima et les Lygeum spartum, considérés comme deux espèces pérennes, Aidoud
(1989) montre que le rapport est nettement plus élevé chez le Lygeum spartum, ce qui lui
confère une plus faible pérennité. D’une façon générale, de nombreux paramètres fonctionnels
Données bibliographiques
16
(phénologie, taux d’espèces annuelles) relevés dans cette steppe, indiquent une moindre
stabilité. Ce caractère se confirme à l’examen de la variabilité interannuelle de la production.
La figure 1 montre la relation entre la production annuelle totale et la quantité de pluie
cumulée de septembre à juin jugée comme la plus efficace (corrélation la plus significative).
Comme pour la richesse spécifique, bien que moins nette, la dispersion des points est plus
grande pour les valeurs élevées de pluie. Il est probable que pour ces valeurs, d’autres
facteurs, comme la répartition des pluies ou la température interviennent. Cependant, la
relation de la production totale avec la pluviosité saisonnière ou avec la température ne donne
pas des corrélations plus significatives, cette relation change selon l’état de parcours (Blanco
et al. 2005).
0
200
400
600
800
1000
1200
100 200 300150 250
y = 853.Ln(x) – 3993.2 (r² = 0.787)r = 0.887
x = Pe mm /an (s-j)
Production aérienne y en kg MS/ha
Figure 1. Relation entre la production et la pluie efficace (Pe sept-juin) dans trois steppes
arides d’Algérie (d’après Aidoud, 1989).
La productivité relative calculée par le rapport de la production à la pluie annuelle exprime
l’efficacité du millimètre de pluie. La figure 2 représente cette efficacité en fonction de la
pluviosité elle même. La tendance représentée par une régression polynomiale est obtenue
avec un coefficient hautement significatif. Ceci confirme un résultat similaire obtenu dans le
Sud tunisien (Floret et Pontanier, 1982), qui exprimerait comme pour la richesse floristique,
l’existence d’une limite fonctionnelle que le système ne peut dépasser.
Données bibliographiques
17
0
1
2
3
4
5
100 200 300150 250
x = Pe mm /an
350
y = -0.0001x² + 0.686x – (r² = 0.652)r = 0.8à7
y = EP en kg MS /mm/an
Figure 2. Relation entre l’efficacité pluviale (EP) et la pluie efficace (Pe sept-juin) dans trois
steppes arides d’Algérie (d’après Aidoud, 1989).
Au sein du système fourrager, les aléas climatiques rendent difficile l’articulation entre
l’offre fourragère et la demande du troupeau et engendrent des difficultés de gestion du
parcours ou des stocks fourragers (Andrieu, 2004). Il en ressort que la production pastorale
dans ces parcours est globalement marquée par un déclin significatif surtout au cours des cinq
dernières décennies (Aidoud et al. 2006). Dans une steppe à alfa (Stipa tenacissima) pour une
biomasse de 1 000 kg MS/ha, la productivité nette aérienne moyenne est de 410 ± 110 kg
MS/ha/an (Aidoud, 1992). Pour la majorité des steppes sur glacis à sol squelettique, le couvert
végétal oscille actuellement entre 1 et 10 % (Le Houérou, 1995b) soit des baisses de l’ordre
de 60 à 80 % (Le Houérou, 1995c; Aidoud et al. 1992; Hourizi, 2004). La réduction serait
sensiblement moins importante dans les steppes à sol profond et sableux. La biomasse
aérienne des pérennes est, dans les mêmes conditions de sol et de couvert végétal, toujours
inférieure à 500 kg MS/ha et, dans la majorité des cas, inférieure à 100 kg MS/ha (Le
Houérou, 1995b), en année moyenne (P = 200 mm). La production pastorale varie de 10 à 50
UF/ha (Aidoud et al. 2006).Comparé à d’autres zones désertiques en Argentine (Guevara et
al. 2000), la biomasse sous des précipitations annuelles moyennes de 294 mm est inférieur par
rapport aux terres arides sous précipitations annuelles moyennes de 200-400 mm (Le
Houérou, 1996b).
Données bibliographiques
18
Tous ces facteurs, affectant l’équilibre et la productivité des steppes, en général et la
fertilité des sols en particulier (Frossard, 1996), imposent une réflexion sur les stratégies
possibles à entreprendre pour améliorer la situation actuelle.
3. Dynamique de la végétation steppique
La compréhension de la dynamique de la végétation est un préalable essentiel pour
comprendre et prévoir les réponses d’un système écologique à la perturbation (Goldberg et
Turner, 1986). Dans les écosystèmes terrestres, la distribution des végétaux, est influencée par
des facteurs climatiques, topographiques et géopédologiques. Tous ces facteurs s’inscrivent
dans un régime de perturbations, qui structurent, dans l’espace et dans le temps, ces
écosystèmes. La distribution des végétaux est donc la résultante de processus complexes dans
un continuum hiérarchisé (Allen et Starr, 1982).
Beaucoup d’études bioclimatologiques ont considéré la distribution des espèces à la fois
dans l’espace environnemental et dans l’espace géographique (White et Miller, 1988; Hill,
1991; Lees et Ritman, 1991; Lenihan, 1993; Brown, 1994). L’espace environnemental d’une
espèce correspond à sa niche fondamentale, c’est à dire à la combinaison des conditions
écologiques que l’espèce peut tolérer. Quand cet espace est réduit par des interactions
biotiques (ex. compétition), il s’agit de sa niche réalisée (Grubb, 1977).
3.1. Notion de succession et de série évolutive
La connaissance de l’occupation des terres qui combine la structure de la végétation, le
degré d’artificialisation du milieu, et les espèces dominantes, permettent d’obtenir une image
du paysage végétal à un instant donné, mais n’apporte qu’une part de l’information que peut
donner la végétation. Par contre, la dynamique de la végétation qui s’exprime par la
cinématique des successions dans le temps est beaucoup plus significative (Godron, 1984).
Les populations naturelles ne sont pas des entités amorphes subissant passivement les effets
des facteurs externes ou de leurs variations (Barbault, 1981). Les modèles de successions
végétales ont été élaborés par Clements (1916) sous l’angle des changements qui s’opèrent
dans un système écologique depuis un état initial jusqu’au stade ultime dit « climacique ».
Cette vision, déjà critiquée par Gleason (1926), dénoncée par Connell et Slayter (1977), puis
Lepart et Escarré (1983), assimile la succession à un processus déterministe. En partant d’un
sol nu et en l’absence de perturbations ultérieures, la dynamique du système doit suivre
clairement une séquence de successions (Sheil et Burslem, 2003).
Les communautés végétales forment en un lieu donné des successions, suite à l’évolution
de leur composition floristique sous l’action des modifications du biotope, leur évolution
Données bibliographiques
19
spontanée et lente permet aux groupements des végétaux de se succéder. En effet, la
transformation au cours de laquelle des groupements végétaux différents se succèdent, est
lente (Ozenda, 1982). Par conséquent, cette transformation a été reconnue par (Ozenda, 1979)
comme "dynamique de la végétation". Ces modifications peuvent être d’origine exogène
(succession allogénique), ou endogène (succession autogénique), d’autre part on distingue des
successions primaires correspondant à l’occupation d’un milieu pour la première fois (sable
dunaire), et des successions secondaires apparaissent dans un milieu occupé autre fois par un
peuplement détruit par des facteurs exogènes et dépendent en premier lieu des caractéristiques
des perturbations (Turner et al. 1998; Frelich et Reich, 1999; Young et al. 2001; Frelich,
2002). De cette façon la succession désigne le processus de colonisation d’un biotope par les
êtres vivants, et les changements dans le temps de la composition floristique d’une station
après qu’une perturbation ait détruit partiellement ou totalement l’écosystème préexistant
(Lepart et Escare, 1983). Une caractéristique fondamentale de la succession est d’être
réversible, une perturbation peut en effet entraîner la disparition d’une partie ou de la totalité
des espèces présentes. Si la perturbation est forte et intervient sur un stade mature, le cycle de
succession est réinitialisé.
L’évolution des groupements végétaux peut être soit cyclique soit linéaire, les groupements
qui se succèdent dans le temps, en un lieu donné, constituent une série évolutive qui peut
être :
- progressive: lorsque l’évolution débute par un groupement installé sur une surface nue
(ou groupement pionnier), et se termine par un groupement en équilibre avec le climat et le
sol (climax). Les groupements intermédiaires sont qualifiés de transitoire. Cette série est
une série de reconstitution, très observée dans les zones plus ou moins protégées des
facteurs de dégradation. L’ensemble des processus observés est appelé "remontée
biologique" (Le Houérou et Hoste, 1977). Elle se caractérise par la régénération du couvert
végétal; augmentation de la biomasse pérenne, du taux de matière organique dans le sol, de
la stabilité structurale, de la perméabilité et du bilan d’eau, de l’activité biologique et de la
productivité primaire, tandis que la variabilité de la production annuelle diminue.
- régressive : lorsque l’évolution aboutit, sous l’action de l’homme, à un groupement
souvent analogue à un groupement pionnier, c’est une série de dégradation, très observée
dans des milieux soumis à un défrichement ou un pâturage extensif. Les facteurs agissants
de la dégradation des écosystèmes sont le déboisement, le surpâturage, notamment par les
caprins, le défrichement et la culture des steppes (Le Houérou, 1995a). Ces changements
de végétation steppique sont toujours accompagnés d’une évolution des sols.
Données bibliographiques
20
3.2. Stabilité et résilience des écosystèmes
Ces notions, d’après Geerling et De Bie (1986), reposent sur le principe de base qu’il
existe une relation entre l’évolution du couvert végétal (recouvrement et production) et le
niveau d’exploitation de cette végétation (Figure 3).
biomasse
exploitation
B1
B2
B3
E1 E20
Figure 3. Hypothèse sur l’évolution du couvert végétal en fonction des conditions
d’exploitation (source: Geerling et De Bie, 1986).
Son raisonnement est le suivant, si le niveau d’exploitation est inférieur à la capacité de
charge du système (E2), la biomasse est maintenue à un niveau d’équilibre élevé (palier
supérieur). Un accroissement du niveau d’exploitation entraîne une réduction du couvert
végétal jusqu’à une limite d’équilibre avec sa capacité de régénération naturelle (E1). A ce
stade, une baisse de la charge d’exploitation permet aux processus de régénération végétale
d’être à nouveau prédominants. Par contre, si au-delà de ce seuil d’équilibre, la pression de
l’exploitation augmente, le couvert végétal et la production baissent (pallier inférieur de la
courbe) et peuvent alors se maintenir dans les conditions nouvelles de survie des végétations.
Apparaît alors un nouveau stade d’équilibre où l’exploitation ne peut plus dépasser le niveau
atteint, en raison de la baisse de production.
En présence de perturbations et en leur absence, les systèmes écologiques sont caractérisés
par différents concepts: équilibre, résistance, résilience. Résistance et résilience sont ainsi
considérées comme les deux traits fondamentaux de la stabilité (Larsen, 1995; Loreau et
Behera, 1999; Mitchell et al. 2000; Carpenter et al. 2001). Sun et Liddle (1991) ont souligné
l’importance de la résistance d’espèces (capacité de résister à l’impact), de la survie (la
Données bibliographiques
21
probabilité de la survie après impact), et du rétablissement (le taux de croissance après des
dommages) dans la régulation de la stabilité d’écosystèmes.
Les changements d’état des écosystèmes intéressent particulièrement les écologistes depuis
qu’ils se préoccupent des conséquences des activités humaines sur les milieux naturels. D’une
part, il s’agit de comprendre le rôle respectif des facteurs naturels par rapport aux facteurs
anthropiques dans les changements observés, d’autre part, on s’interroge sur les capacités des
écosystèmes à résister aux impacts, c’est-à-dire à les absorber et à se manifester dans un état
plus ou moins identique (ou stable) sur le long terme (figure 4).
Structure et fonction de l’écosystème
perturbation récupération
mesure de la résilience
mesure de la résilience
dégradation
intervalle normal de variabilité
temps Figure 4. Représentation théorique des réponses (résilience et résistance) d’un écosystème
(modifié d’après Vogt et al. 1997).
La stabilité peut être exprimée comme la persistance des espèces en l’absence de toute
autre perturbation, c’est pourquoi les systèmes de succession sont intrinsèquement instables
(Walker et Del Moral, 2003). Différents essais pour définir le terme stabilité ont aboutit à la
conclusion qu’il était trop complexe pour être définit précisément, et qu’il était donc
nécessaire de le fragmenter en concept plus petits. On distingue ainsi:
La résilience ou homéostasie : le terme de résilience au sens de l’écologie fut proposé par
Holling (1973), terme emprunté à la mécanique qui traduit la capacité d’un écosystème à
retrouver sa structure primitive après avoir été affecté par une perturbation. Elle est définie
comme la capacité de réorganiser et fournir les fonctions, les structures, et les rétroactions
Données bibliographiques
22
semblables en réponse aux perturbations (Walker et al. 2004). Il peut aussi être définie
comme « le processus de retour du système (après une perturbation) à un état de référence
(non perturbé) » (Balent, 1994; Balent et al. 1999; Fresco et Kroonenberg, 1992) (figure 5).
Pro
cess
us
éco
logi
qu
ePerturbation changement
brusque des facteurs de l’environnement
=
État de référence
Résilience
temps
Figure 5. Modèle théorique mettant en relation perturbation et processus écologiques (Balent,
1994) d’après Fresco et Kronenberg (1992).
• Cette résilience est fonction de l’intensité et de la fréquence des perturbations, de
plus ou moins isolement du système, de la présence de substances toxiques, etc. Si un
système a été fortement affecté par une perturbation, il est possible qu’il ne revienne
jamais à un état proche de son état initial; mais quelques systèmes arides peuvent
montrer un potentiel énorme pour la résilience face à la perturbation anthropique
(Seifan, 2009). Généralement, la résilience est considérée comme une propriété de
fonction d’écosystème (Havstad et al. 2007). Il s’agit parfois d’élasticité pour
qualifier la vitesse de retour au stade original après une perturbation, et d’amplitude
pour qualifier l’ampleur maximale de la perturbation qui permet encore un retour au
stade original ; on admet alors implicitement qu’au-delà le système bascule vers un
autre état (Levèque, 2001).
• La résistance, la persistance ou la rémanence: capacité d’un écosystème à rester
constant ou à se manifester qu’une réponse limitée aux variations de milieu. Dans le
même ordre d’idée, il s’agit également d’inertie pour qualifier la résistance aux
perturbations (Levèque, 2001).
• La réversibilité/irréversibilité: lorsqu’un écosystème ne peut revenir par les seuls
processus naturels à son état antérieur, on dit qu’il a franchi un « seuil de
réversibilité ». Ce concept est complémentaire à celui de résilience, car il définit des
limites à la capacité de réaction (Levèque, 2001).
Données bibliographiques
23
• La vitesse de cicatrisation: les séquences de végétation donnent une idée du mode de
réaction de la végétation quand l’homme vient la bouleverser, mais le pastoralisme
s’intéresse spécialement à la vitesse de cicatrisation du tapis végétal; la vitesse de
cicatrisation peut être définie comme celle à laquelle après destruction de la
végétation, un milieu est apte, par son activité biologique à produire la formation
ligneuse caractéristique de la séquence majeure.
Les concepts de résilience et de résistance sont ainsi une version moderne de la notion
d’équilibre. Ils ont pour objet de décrire comment un système est susceptible de répondre à
une perturbation et de revenir à son état initial Malheureusement aucun de ces concepts n’a pu
être précisé suffisamment pour être réellement opérationnel à son tour. La résilience s’appuie
sur l’existence de domaines de stabilités (Ludwig et al. 1997; Carpenter et al. 2001) mettant
l’accent sur les limites du domaine d’existence des systèmes écologiques. Ce concept de
stabilité recouvre un grand nombre de significations différentes (Grimm et Wissel, 1997;
Gunderson, 2000). Le dénominateur commun aux définitions de la stabilité est la notion de
résilience et de perturbation (Holling, 1973, 1986), c’est la capacité du système à absorber ou
contrecarrer les effets d’une perturbation (Grimm et Wissel, 1997). Plus la résilience des
écosystèmes est faible et plus leur résistance est forte (Loreau, 1994). En effet, la stabilité est
principalement assurée par la résilience de l’écosystème après une perturbation.
3.3. Dynamique actuelle des steppes nord africaines
À ce jour, les écosystèmes naturels sont profondément différents de ce qu’ils étaient au
cours des premières périodes de colonisation de la terre, et même différents de ce qu’ils
étaient il y a quelque dizaines d’années, alors que le climat, sur l’ensemble de la terre, était
déjà celui que nous connaissons désormais.
Depuis le XXème siècle, l’accroissement de la population et la sédentarisation, ont provoqué
les phénomènes dynamiques actuels, qui entraînent une régression importante de la végétation
(Floret et Pontanier, 1982). Cette végétation est généralement qualifiée de steppique. Elle se
caractérise par l’importance des espèces vivaces, ligneuses ou graminéennes, couvrant 10 à 80
% de la surface du sol et hautes de 10 à 50 cm avec un développement très variable des
espèces annuelles liées aux pluies.
Dans les zones désertiques, surtout dans l’étage méditerranéen saharien inférieur, et eu-
saharien, la végétation est généralement disposée selon un mode « contracté » (Monod, 1954)
c’est-à dire localisée dans les zones basses et le long du réseau hydrographique. Dans les
Données bibliographiques
24
zones arides, au contraire, les steppes sont disposées selon un mode « diffus », c’est-à-dire à
recouvrement végétal relativement régulier.
Entre les isohyètes de 200 et 400 mm les steppes résultent de la dégradation d’une
végétation forestière (Le Houérou, 1968, 1969) à Pinus, halepensis, Juniperus phoenicea et
Tetraclinis articulata, selon les zones. Par exemple, les zones arides du Sud-Ouest marocain
sont encore, couvertes sur 600 000 ha, d’une forêt claire d’Argania spinosa. Les reliefs inclus
dans ces zones arides sont couverts de boisements plus ou moins dégradés à Pinus halepensis,
Juniperus phonicea, Rosmarinus officinalis et Stipa tenacissima. Les reliefs situés en bordure
ou en enclaves non arides portent une végétation forestière plus ou moins dégradée à:
Quercus ilex, Pinus halepensis, Cedrus atlantica (altitude supérieure à 1 200 m pour ce
dernier).
Une très bonne vue globale de la succession dans l’ensemble de la zone aride (100-400mm)
nord africaine a été proposée par Le Houérou (1981) (figure 6).
Figure 6. Dynamique de la végétation dans la zone aride nord africaine (Le Houérou, 1981).
Stade 5 : Culture à Jahère à annuells et Cynodon dactylon
Steppe dégradée à stipa capinsis et Peganum harmala
Surpâturage Culture
Arrachage
Surexploitation
Steppe à chamaephyte Artemisia herba alba Stade 4 :
Formation arbustive à Juneperus phoenica Rosamrinus officinalis et Stipa tenacissima
Stade 2 :
Forêt couverte de pint d’Alep Stade 1 :
Déforestation
Steppe graminéenne à Stipa tenacissima Stade 3 :
Données bibliographiques
25
3.4. Principales préoccupations environnementales
Le 1/5 de la surface de la terre est constitué de régions sahariennes (Allaby, 2003), leur
fragmentation s’est révélé comme une composante primaire du changement global (Hobbs et
al. 2008). Ces régions connaissent actuellement des difficultés croissantes. Sécheresses
répétées, surpâturage, agriculture trop friande en ressources ou encore augmentation
démographique créent des ruptures et sont causes de dégradations graves provoquant la
désertification, l’appauvrissement, la famine, voire la misère. Les deux premiers facteurs sont
responsables de la désertification, et affectent la densité et la taille des touffes des espèces
pérennes (Whitford, 2002).
Dans les milieux où la pression démographique est forte, on peut s’attendre à des
perturbations importantes dans la végétation, perceptibles sur des échelles de temps même
réduites. Ce phénomène de perturbation est donc vague et ambigu (Rykiel, 1985 ; Regan et al.
2002).
Actives à toutes les échelles de temps et d’espace, modifiant les interactions entre les
individus et favorisant les flux d’espèces, les perturbations représentent un facteur écologique
fondamental à même d’agir sur la structure des communautés (Tilman et Pacala, 1993), et
sont parfois mêmes considérées comme les déterminants majeurs de la distribution des
espèces à l’échelle régionale (Huston, 1994; White et Jentsch, 2001). Elles peuvent provoquer
des bouleversements, des changements radicaux de comportement des systèmes écologiques
(Paine et al. 1998) ainsi que des fluctuations importantes de leurs variables caractéristiques
(De Angelis et Waterhouse, 1987; Turner et al. 1993).
Le déroulement du processus de perturbation est accompagné de trois grandes étapes ;
occurrence d’un agent de perturbation (ex. pâturage), effet sur le système (ex. mortalité) et
réponse du système (ex. régénération, croissance). Cette distinction offre l’avantage de bien
séparer la cause de l’effet, souvent confondu dans les études sur les perturbations (Rykiel,
1985; Collins et al. 1995). Ainsi, le rôle moteur des perturbations dans la persistance
l’air, évapotranspiration poussée (Mainguet, 1995). Les évènements climatiques extrêmes
vont se développer et peut être devenir la règle: orages de forte intensité, cyclones sur
certaines façades océaniques, températures extrêmes, sécheresses plus longues, périodes de
grosses chaleurs (Raunet, 2005). Ces périodes d’aridité, conjuguées à d’autres facteurs
climatiques tels que des épisodes de précipitations extrêmes et de vent violent, peuvent
entraîner une dégradation des sols et, si rien n’y fait obstacle, une progression des terres arides
ou de la désertification (OMM, 2006). Cet effet est le plus fort en années sèches. Il reflète une
perte de résilience à la sécheresse par suite d’une pression de pâturage élevée (Pimm, 1984).
Jusqu’au début des années 1970, sur le plan international; la sécheresse était encore perçue
comme un phénomène périodique, voire conjoncturel. Le lien existant entre les différents
éléments du processus de dégradation des ressources naturelles dans les zones d’aridité
n’apparaissait pas toujours clairement. De fait ce n’est qu’après des années d’observation et
d’analyse qu’on a pu apprécier plus précisément la nature, l’ampleur et la complexité du
phénomène.
S’agissant des causes de la sécheresse, la responsabilité est d’abord attribuée au climat.
Dorize (1990) note à ce propos que :
«La première cause de la sécheresse réside dans une déficience pluviométrique plus ou moins accusée. C’est donc une anomalie météorologique qui ne s’identifie que par référence à une norme climatique reposant par convention, sur trois décennies consécutives d’observation. L’écart à la moyenne dégagé statistiquement fournit une sécheresse en fonction de sa durée (déficit d’échelle mensuelle, saisonnière ou annuelle...). »
Changements climatiques
Les changements d’utilisation de la terre ont des conséquences importantes sur les climats
globaux et régionaux, les cycles biogéochimiques globaux tels que le carbone, l’azote, et l’au
et la biodiversité (Klein Goldewijk et Navin, 2004). Ces changements globaux, notamment les
changements climatiques, sont actuellement à l’origine d’une forte demande sociétale de
recherche, en particulier en écologie (Coreau et al. 2008). Les réponses écologiques aux
changements climatiques sont complexes. Elles peuvent se faire sentir d’abord aux niveaux
Données bibliographiques
32
des individus et des populations: altération de la photosynthèse, modification du
comportement et modification génétique. Les changements dans la structure et la composition
des peuplements peuvent résulter de l’action directe des facteurs abiotiques sur les espèces
(dispersion, physiologie), ainsi que des modifications dans les interactions entre espèces. Par
conséquent, les changements de végétation provoqués par des changements climatiques
devraient être prévisibles à des larges équilibres mais pas facilement contrôlables.
Du fait de sa position géographique et des ses caractéristiques climatiques, la Tunisie sera
certainement très sensibles aux effets directs et indirects des changements climatiques.
Certaines évidences observées (Hulme et al. 1998) vont également dans le sens d’un état de
sécheresse pour le climat du bassin méditerranéen. Tout d’abord, les précipitations montrent
une forte diminution de pluie pour le bassin méditerranéen entre le début et la fin du 20ème
siècle, alors que la température moyenne globale de la surface de la terre augmente.
Les effets du changement climatique sont pour l’instant bien documentés pour les
modifications des aires de distribution et de la phénologie, et pourrait aussi affecter les valeurs
du site du fait de la mortalité due à la sécheresse (UNESCO, 2006).
Les changements climatiques liés à la dégradation des terres, surexploitation de la
végétation, à la désertification et aux crises alimentaires globales sont réellement les thèmes
principaux dans le monde entier. Le problème est encore plus grave dans des régions arides et
semi-arides (Anonymous, 1998). Vers 2020, 75 et 250 millions de la population africaine
seront exposés au manque accru de l’eau dû aux changements climatiques (Lerner et Pierre,
2009). Dans les pays du Maghreb, la vie des populations est très liée au climat et ses
fluctuations. L’économie est très dépendante de l’eau, de l’agriculture, du tourisme, du
littoral. Ceci est particulièrement frappant pour le Maroc et la Tunisie. Les données
climatiques relevées dans cette région durant le 20éme siècle indiquent un réchauffement
durant ce siècle estimé à plus de 1°C avec une tendance accentuée les 30 dernières années.
Ainsi on est passé d’une sécheresse tous les dix ans au début du siècle à cinq à six années de
sécheresses en dix ans actuellement (Agoumi, 2003). L’état actuel de la dégradation des
ressources naturelles, due aux aléas climatiques et aux actions anthropiques dans cette partie
du la Tunisie, est menaçant au Sud. Cet état de fait, en plus d’une augmentation de la
population, a entraîné une baisse de la production des parcours, de la période de jachère et de
la surface cultivée par agriculteur.
Données bibliographiques
33
3.5. Conséquences de la dynamique du couvert végétal saharien
Les changements de l’utilisation de la terre ont conduit aux changements globaux (Turner
et al. 1993). Ces changements observés dans les écosystèmes terrestres sont à la fois la cause
et la conséquence de modifications qui concernent les caractéristiques de l’environnement
global (Lubchenko, 1991). L’expression «changement globaux» fait souvent penser aux
changements climatiques (Lévèque, 2000). Mais si la réalité des changements climatiques
n’est pas contestables, l’expression recouvre un ensemble de phénomène : les changements
dans l’utilisation des terres et la couverture végétale ; les changements dans la composition de
l’atmosphère; le changement du climat ; les altérations dans la composition des communautés
naturelles et la perte de la biodiversité (Walker et Steffen, 1999). Durand deux siècles
l’utilisation des terres a transformé des systèmes naturels en une vérité de systèmes
anthropisés : champs cultivés, milieux urbains et industriels. La moitié des terres cultivées a
été créée depuis le début du siècle et l’agriculture s’est développée au point d’occuper
maintenant plus de la moitié de la surface de la terre potentiellement exploitable.
L’accroissement de 1 et 2 °C de la température moyenne annuelle correspond à une
variation de respectivement 7 et 12 % de la composition floristique, une réduction de 10 et
20 % des pluies de printemps ou d’été à 3 et 6 % de variation floristique (Vennetier et al.
2008).
"La désertification est la diminution ou la destruction du potentiel biologique de la terre et
peut conduire finalement à l’apparition de conditions désertiques. Elle est l’un des aspects de
la dégradation généralisée des écosystèmes, et réduit ou détruit le potentiel biologique, c’est à
dire la production végétale et animale destinée à des usages au moment même où un
accroissement de la productivité est nécessaire pour satisfaire les besoins de populations
grandissantes aspirant au développement" (CNUD, 1977). Une augmentation de l’aridité
causée par une longue période de sécheresse ou un réchauffement climatique pourrait
intensifier l’activité dunaire (Wolfe et al. 1997).
En Afrique du Nord, la sécheresse à long terme affecte considérablement les êtres
humains, les animaux, et les sols (Touchan et al. 2008), en Afrique sahélienne, la grande
sécheresse qui a frappé sévèrement entre la fin des années 1960 et le début des années 1970 et
1980 et la famine qui en a résulté, ont provoqué la mort d’environ deux cent mille personnes
et de millions d’animaux. Cette crise a suscité une prise de conscience accrue par la
communauté internationale de l’importance de ce problème et de ses conséquences
importantes, aussi bien sur la vie humaine que sur l’environnement naturel (Nations Unies,
1997; Cornet, 2002).
Données bibliographiques
34
3.5.1. Exploitation des parcours par l’élevage extensif
Les systèmes pastoraux africains d’aujourd’hui trouvent leurs origines dans le Sahara
préhistorique ou ils sont apparus comme un moyen de sécuriser les ressources alimentaires
dans un climat de plus en plus sec, variables et imprévisible (Brooks, 2006), et représente
encore un moyen pour survivre de l’agriculture en condition d’incertitude climatique
(Cialdella, 2005). Les hommes devaient suivre les zones de pluie et apprendre à survivre dans
des conditions de plus en plus arides en développant des stratégies d’adaptation aux milieux
définis par divers types de climat, paysage, sol, végétation et faune ainsi que la
désorganisation des réseaux hydrographiques et la baisse de la nappe phréatique (Kropelin,
2004). Cette succession d’exploitation a laissé ses « empreintes » et a modelé les paysages et
les écosystèmes culturaux dont nous héritons en région méditerranéenne (Thirgood, 1981;
Pons et Quézel, 1985 ; Etienne et al. 1998).
Dans les pays nord africains, la pression démographique, le développement agricole et
l’appropriation des terres, tendent à restreindre l’espace traditionnellement alloué aux activités
pastorales, en conduisant à une surexploitation des terres de parcours (Carriere et al. 1995),
qui, contrairement aux terres cultivées, restent dans leurs ensembles soumises au régime
collectif (Le Houérou, 2002a). En Tunisie la politique foncière poursuivie depuis
l’indépendance du pays, s’est traduite par une extension de la propriété privée à environ 90%
des terres collectives (Aidoud et al. 2006). L’instauration de la propriété privée dans les zones
steppiques a entraîné à la fois une diversification des systèmes de production agricole et une
exploitation, souvent excessive, des ressources naturelles de la zone aride (Le Houérou,
2002b). Sur les parcours collectifs chaque individu avait intérêt à augmenter le nombre de ses
animaux et qu’aucun individu n’était habilité à interdire l’accès à ces pâturages, même
lorsque leur capacité de charge était dépassée (Hardin, 1968). L’effectif et la charge animale
sur les parcours ont été adaptés pour faire du nomadisme une forme écologiquement
acceptable d’usage des terres de parcours qui s’est montré capable de survivre pendant des
siècles sans épuiser les ressources de base (Riney, 1979). La déstructuration de l’organisation
sociale tribale traditionnelle s’est traduite par une gestion anarchique et une dégradation des
parcours (Nasr et al. 2000) et une conversion de ces terres marginales de productivité basse à
des terres complètement improductives (Riney, 1979).
Les animaux élevés dans la zone sont constitués principalement des milliers de têtes de
petits ruminants, et de camelin, ils sont conduits en élevage extensif et assurent leur
subsistance à partir de la production fourragère des parcours en effectuant des déplacements à
Données bibliographiques
35
travers la zone, auxquels s’ajoutent saisonnièrement des troupeaux transhumants, forment le
pivot du système de production.
En général mais surtout pendant la saison sèche, l’espace pastoral s’organise autour des
points d’abreuvement dont l’existence même conditionne l’exploitation des pâturages
(Milleville et al. 1982). La relation directe qui existe entre la capacité d’abreuvement d’un
point d’eau et le rythme de consommation du pâturage environnant, représente un second
principe: ce pâturage disparaît d’autant plus vite que le point d’eau permet d’abreuver un plus
grand nombre d’animaux (Thebaub, 1990). Le point d’eau contribue ainsi à établir un
équilibre relatif et rarement durable entre l’homme, l’animal et les ressources et, par là même,
une certaine stabilité de la population humaine (Barth, 1961).
Ayant évolué avec l’homme, ces paysages et écosystèmes requièrent donc aujourd’hui le
maintien d’un certain niveau d’exploitation ou de gestion (Aronson et al. 2002b). La gestion
des parcours, bonne ou mauvaise, est sans doute une des conditions essentielles de la réussite
ou de l’échec d’un système d’élevage. En absence de gestion rationnelle, les animaux
reviennent d’eux-mêmes sur les zones déjà broutées pour en consommer les nouvelles
repousses. Ces zones sont généralement celles où la croissance de l’herbe est la plus lente, le
sol le moins fertile et le parcours le plus fragile. Leur exploitation permanente entraîne une
dégradation rapide (Césars, 1995).
Une telle perception des différents types d’écosystèmes et des changements globaux socio-
économiques et démographiques impose que soit recherchée une approche toujours plus
intégrative de la gestion des ressources et des espaces en alliant conservation, développement
durable (ou consommation durable) et restauration (Chichilnisky et al. 2001; Aronson et al.
2002b; Vallauri et al. 2002). Une gestion active, basée sur des concepts et objectifs clairs et
cohérents à toutes les échelles pertinentes, semble indispensable (Aronson et al. 2002b).
3.5.2. Effets des principales contraintes environnementales sur la végétation et les sols :
la désertification
Le recouvrement de la végétation
Le recouvrement de la végétation est un paramètre clé dans l’évaluation des phénomènes
érosifs. A une échelle locale (village, terroir, bassin versant), on dispose de nombreuses
informations sur l’évolution du recouvrement du sol, au cours de ces dernières décennies. Car
il est rapide et facile de mesurer les évolutions de couverture de la végétation qui peuvent
ainsi fournir une indication rapide de la capacité de soutien de biodiversité de l’écosystème
aride (Ali et al. 2000). Dans la grande majorité des cas, l’image qui domine est celle d’une
Données bibliographiques
36
contraction de la végétation, avec dénudation progressive des sommets et des pentes, et
concentration de la végétation dans les points bas où le bilan hydrique est favorable. La
résilience inattendue dans certaines études (Danin, 1996; Tielbörger, 1997), peut être un
résultat des adaptations spéciales des espèces aux perturbations.
Dans les zones arides, le surpâturage peut perturber les parcours (Yates et al. 2000), et il a
souvent comme conséquence un déclin dramatique de la diversité, du couvert végétal, de la
production primaire (Fensham, 1998), de la production de semences et du stock semencier du
sol (Coffin et Lauenroth, 1989 ; Bertiller, 1996).
En Tunisie méridionale, les parcours avec, un couvert végétal de 40-50% est rare, et, une
fois trouvée, ils sont considérés en bon état (FAO, 1979). La forte perturbation anthropique
couplée avec la sécheresse a engendrée une nette régression des descripteurs relatifs au
couvert végétal; et sous les mêmes conditions climatiques, le surpâturage reste le facteur
primordial de dégradation des parcours (Gamoun et al. 2010a).
Diversité et composition de la végétation
Pour le phytoécologue, le relevé de végétation, c’est-à-dire la liste exhaustive des espèces
présentes sur une station écologique, constitue une prise d’information à valeur hautement
synthétique. La présence des espèces renseigne sur le domaine climatique, la nature et la
composition du sol, l’humidité stationnelle, mais témoigne aussi de l’aptitude des plantes à la
compétition de leur mode de reproduction, de leur sensibilité à la pâture et de l’histoire du
site. Dans ces conditions et tout comme les autres usages, le pâturage peut causer des
changements dans la composition des espèces d’herbes des terres de parcours et la distribution
inégale d’élevage peut compromettre la composition des communautés végétales (Ganskopp
et Bohnert, 2009). Aussi, la dégradation du couvert végétal par les effets du changement
climatique, peut mener jusqu’à la raréfaction, voire la disparition d’espèces (SEMCLIMED,
2007).
Une étude menée sur la végétation dans les steppes pastorales Tunisiennes montre que la
dégradation de ces écosystèmes conduit à une homogénéisation globale de la flore (Jauffret,
2001). Parmi les indicateurs courants de cette dégradation et donc de la désertification, figure
la diversité des espèces. Cependant, l’étude du nombre total d’espèces (richesse spécifique
totale) ne permet pas dans ce cas de caractériser les différents stades de dégradation en raison
du remplacement des espèces natives (ou indigènes), caractéristiques de l’écosystème par des
espèces souvent annuelles et cosmopolites; ce sont donc des critères qualitatifs qui permettent
d’affirmer qu’il y a un appauvrissement du milieu. La qualité de la flore et les indicateurs de
Données bibliographiques
37
services sont aussi révélateurs des changements du milieu: les steppes dégradées se
caractérisent par la présence d’espèces moins intéressantes qu’auparavant pour l’animal
(Cornet, 1998).
La biomasse végétale
Sous les climats secs, la production primaire est fortement dépendante des ressources
pluviométriques. Dans les années 70 et 80, de nombreux auteurs ont proposé des modèles
reliant la production primaire à la pluie, aussi bien à une échelle locale (Floret et Pontanier,
1978; Strugnell et Pigott, 1978; Cornet, 1981; Hiernaux, 1984), que régionale (Deshmukii,
1984; Diarra et Breman, 1975; Le Houérou, 1984 b ; Le Houérou et Hoste, 1977).
Les facteurs anthropiques et naturels de dégradation du couvert végétal ont sensiblement
diminué le potentiel fourrager des parcours steppiques. Actuellement, ces parcours dont la
charge animale est de 2 têtes/ha assurent 66% des besoins des animaux en UF prélevées
gratuitement (Mouhous, 2007). L’effet du pâturage sur la production primaire n’a jamais été
controversé (Blanco et al. 2008). Certaines plantes sont plus sensibles au pâturage que
d’autres.
Le prélèvement d’herbe par les animaux domestiques peut conduire à une stimulation de la
croissance en favorisant une repousse des parties aériennes. La nouvelle production obtenue
peut cependant résulter d’une redistribution des assimilas entre les parties souterraines et
aériennes de la plante. Des expériences de coupes répétées sur des graminées vivaces de
savane, ont montré un rapide épuisement du système racinaire sous l’effet d’un rythme
d’exploitation soutenu (César, 1989).
Impacts sur le sol et l’érosion
Selon la rétroaction de résilience et de perturbation d’écosystème, les effets du pâturage
peuvent être positifs ou négatifs sur les propriétés du sol (Franzluebbers et Stuedemann, 2003),
leur perte par érosion est souvent considérée comme un facteur important dans le processus de
désertification (Ibañes et al. 2008). Le sol représente un réservoir d’espèces disponibles pour
la régénération future de la végétation (Willems et Bik, 1998). Il représente donc les banques
de graines responsables de la dynamique végétale, la résistance et la résilience d’écosystème
(Kassahun et al. 2009). En zones sèches, les risques d’érosion éolienne et hydrique sont
élevés en raison de la violence des évènements climatiques et de la faible protection du sol par
la végétation. Le paramètre clé dans l’étude de l’érosion du sol est le recouvrement de la
végétation qui peut être considéré comme une variable à la fois explicative et prédictive
(Stocking et Elwell, 1976). D’une manière plus globale, l’érosion des sols résulte d’une
Données bibliographiques
38
combinaison de facteurs (climat, agriculture, élevage), dont il est bien difficile d’évaluer les
parts respectives. L’intensité de l’impact sur les sols est plus forte sous l’effet des activités
agricoles, comparativement aux activités pastorales; dans le premier cas, il y a destruction de
la couverture végétale et parfois aggravation de l’emprise érosive du fait de certaines
pratiques culturales (labour dans le sens de la pente). A l’inverse, l’impact de l’élevage sur les
sols peut être considéré comme plus important en termes d’extension géographique, en raison
de la plus grande proportion de parcours par rapport aux cultures dans les zones arides.
La compaction superficielle du sol est l’un des impacts directs de l’élevage sur les
propriétés physiques du sol. D’une manière générale, on note un accroissement de la densité
apparente du sol lorsque l’on augmente la charge animale (Humphreys, 1991). Il en résulte un
piétinement répété. Les sols riches en éléments fins, limons et argiles non gonflantes, sont les
plus sensibles. Le tassement du sol se produit surtout au moment où il est humide, très peu
lorsqu’il est sec. Le risque est d’autant plus grand que la saison pluvieuse est plus longue. Les
sols sableux sont plus sensibles au piétinement animal que les sols calcaires (Gamoun et al.
2010b). L’érosion éolienne et le surpâturage représentent les deux problèmes communs des
parcours (Hennessy et al. 1986), et constituent les principaux mécanismes de la dégradation
des terres (Okin et al. 2001).
Le terme désertification fut utilisé pour la première fois par Aubreville en 1949, pour
décrire le processus de changement de végétation menant à des sols dégradés et/ou dénudés
en Afrique tropicale. Il fut ensuite repris par Tricart (1954) pour désigner la remise en
mouvement des dunes sous l’effet de la dégradation anthropique suite au surpâturage et à
l’extension inconsidérée d’une culture spéculative. Il écrit (p. 131): « Le patrimoine naturel
est gravement menacé, et, avec lui, le droit à la vie des générations futures ».
Par le texte de la convention des Nations Unies pour la lutte contre la désertification, la
désertification est définie comme « la dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides
et subhumides sèches par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et
les activités humaines » (CCD, 1994).
La notion de désertification est apparue sur la scène internationale au moment des grandes
sécheresses dans la zone sahélienne entre 1970 et 1973. Définie pour caractériser les
conséquences de la sécheresse dans les régions arides d’Afrique, elle a connu une évolution
importante depuis : à l’origine assimilée à l’avancée du désert, aujourd’hui, la désertification
désigne plus largement le déclin irréversible ou la destruction du potentiel biologique des
terres et de leur capacité à supporter les populations (Bentz et Jouve, 2002). Comme en
Données bibliographiques
39
témoignent les annexes par continents de la convention, cette notion s’applique désormais à
tous les continents qui possèdent des aires sèches dans lesquelles aridités et sécheresse sont
deux données climatiques courantes.
Un point sur lequel toutes ces définitions sont d’accord, est que la désertification est perçue
comme un processus négatif sur l’environnement. Les descripteurs négatifs utilisés dans ces
définitions de la désertification sont: la détérioration des écosystèmes (Reining, 1981), la
dégradation de la végétation par diverses formes (Le Houérou, 1975a), la destruction des
potentiels biologiques (UNCOD, 1978), la réduction de la productivité (Kassas, 1977), la
diminution de la productivité biologique (Kovda, 1980), l’altération de la biomasse (UN,
1977), l’intensification des conditions désertiques (Meckelein, 1980; WMO, 1980), et
l’appauvrissement des écosystèmes (Dregne, 1976).
Les notions d’aridité et de sécheresse renvoient à des facteurs climatiques ponctuels ou
réguliers alors que la désertification implique l’action humaine et en particulier les activités de
production et de consommation. L’aridité reflète un déficit pluviométrique permanent mais
elle est aussi liée à d’autres données climatiques spécifiques: insolation forte, températures
élevées, faible humidité de l’air et évapotranspiration poussée (Mainguet, 1995). L’Afrique
contient 37% des zones arides, l’Asie 33% et l’Australie 14%.
L’indicateur d’aridité couramment utilisé est le ratio précipitation/évapotranspiration qui
sert à définir les zones bioclimatiques. Les zones arides, semi-arides et subhumides sèches
concernées par les phénomènes de désertification sont déterminées par des valeurs de ce ratio
comprises entre 0,05 et 0,65 (valeurs annuelles). De plus en plus, l’action anthropique
apparaît comme facteur essentiel de la désertification, devenu aussi important que les causes
naturelles qui ont créé les déserts (Ozenda, 2004).
La sécheresse résulte d’un déficit pluviométrique temporaire par rapport à des
précipitations normales. Les écosystèmes sahéliens et soudaniens ont des caractéristiques
climatiques et physiographiques qui les rendent plus sensibles aux effets de la sécheresse, une
seule saison des pluies, un relief atténué. La sécheresse peut être considérée comme un
catalyseur de la désertification car elle affecte la structure du sol et provoque des changements
dans la végétation. Le passage contrasté d’épisodes de sécheresse et de pluies diluviennes
fragilise la structure du sol, accélère l’érosion et le processus de désertification. Par exemple,
la zone Sahélienne a subi des fluctuations climatiques répétées comme dans toutes les régions
de notre planète. En 2000 ans le désert a presque doublé et la superficie du lac Tchad a
beaucoup diminué (figure 9).
Données bibliographiques
40
Il ya 18,000 ans Il ya 8,000 ans
Il ya 2,000 ans Aujourd'hui
Lac Tchad Désert Forêt tropicale humideSource: E. Messerli, Institut de géographie, Université de Berne Suisse
NigerNiger
Nile Nile
Nile
Niger
Figure 9. Variabilité de l’extension des déserts en relation avec les changements de la
pluviosité au cours des 20.000 dernières années (Source : B. Messerli, Institut géographique
de l’Université de Berne, Suisse).
Typiquement souvent, pendant le processus de dégradation des écosystèmes arides le
couvert végétal diminue tandis que la partie superficielle du sol est érodée par l’eau et /ou par
le vent. Dans d’autres parties du paysage les dépôts de sable construiront des dunes stériles
(Floret et Pontanier, 1982) (Figure 10) (tableau 4).
Données bibliographiques
41
a
b
c
dégradation croissante
012
Figure 10. Séquence de dégradation typique d’une steppe sableuse du Sud tunisien (Floret et
Pontanier, 1982). Les différents horizons pédologiques (de a à c) sont progressivement érodés
alors que le couvert végétal diminue par surpâturage. Les différents états: non dégradé,
dégradé et très dégradé sont repérés par les chiffres 2, 1 et 0 respectivement.
Tableau 4. Critères et seuils de vulnérabilité des écosystèmes à la désertisation (Le Houérou,
1995d).
Pluviosité moyenne annuelle (mm) Taux de recouvrement de canopées des pérennes (%)
0 : Risque immédiat de désertisation nul ou faible 1 : Risque immédiat de désertisation faible 2 : Risque immédiat de désertisation modéré 3 : Risque immédiat de désertisation sérieux 4: Risque immédiat de désertisation grave à très graves 5 : Risque immédiat de désertisation totale= désertisé
Données bibliographiques
42
III. Gestion et aménagement de l’espace pastoral
1. Cadre théorique et posture scientifique pour la gestion de l’environnement
1.1. Qu’est ce que la gestion des parcours ?
La gestion des parcours est la manipulation du pâturage pour réaliser des résultats désirés
basés sur l’animal, la plante, la terre, ou les réponses économiques, mais le but immédiat est
d’assurer la quantité et la qualité du fourrage requises par l’animal pâturant pour qu’il réalise
la fonction de production prévue (Valentine, 2001). La gestion du parcours est importante
parce que c’est où la théorie est mise en pratique (Walker, 1995).
Selon Mermet (1991) « La gestion de l’environnement commence le jour où quelqu’un (un
chercheur, une association de défense, une administration,…) signale un effet néfaste d’une
ou plusieurs actions humaines sur un système naturel ».
1.2. Conservation des parcours - Aspects de la gestion
1.2.1. Prise en compte du système écologique
La conservation des parcours naturels est plus facile si l’on comprend les relations de cause
à effet entre les forces environnementales, les plantes et les animaux qui constituent
l’écosystème (Odum, 1971). Les parcours sont des systèmes complexes qui, comme les
organismes, sont façonnées par les forces de leur milieu. Ils s’adaptent donc à la modification
de ces forces.
Les parcours sont composés de sol, de plantes et d’animaux, et leur apparence ainsi que
leur productivité varient selon l’endroit en fonction des forces suivantes:
• le climat ;
• le terrain (y compris le substrat de sol) ;
• les organismes (type et nombre de plantes et d’animaux) ;
• le temps.
L’apparence de parcours change constamment à mesure que les organismes vont et
viennent, se multiplient, ou meurent, selon leur capacité de survivre aux forces
environnementales prédominantes (Sequire et al. 2010).
Par leur utilisation des parcours, les humains y causent également des changements. La
capacité des parcours de survivre, de se perpétuer et d’apporter des avantages à la société
dépend de la façon dont on les utilise (figure 11).
Données bibliographiques
43
Parcours
Utilisation humaine
Aménagement
Environnement
Plantes
Sol
Animaux
Figure 11. Schéma du complexe pastoral (Odum, 1971).
Il est essentiel de distinguer les relations de cause à effet des problèmes d’exploitation de
parcours avant de pouvoir mettre en œuvre des stratégies d’exploitation efficaces (Pyle et
Johnson, 1990). Plutôt que de remédier aux résultats d’une mauvaise exploitation, les
utilisateurs des parcours doivent déterminer et corriger le problème actuel. Par exemple, pour
empêcher la baisse de production, les agriculteurs font parfois implantation des plantes
fourragères, alors que la vraie raison de la faible production est le surpâturage (tableau 5).
Tableau 5. Relations de cause à effet dans le complexe steppique
Usage Cause Effet pâturage surpâturage abondance de mauvaises espèces, production faible pâturage pâturage adéquat vigueur, production élevée
Fondamentalement, la conservation consiste en une utilisation rationnelle. L’objet de la
conservation est d’assurer un rendement continu des plantes. La question ne porte pas sur
l’utilisation des parcours, mais sur la rationalité des utilisations afin que les parcours soient
maintenus en bon état.
1.2.2. Préparation d’un plan de gestion
Un plan de gestion comprend deux parties (Trottier, 2002): des objectifs à long terme pour
le futur et des stratégies pour atteindre ces objectifs. Il s’agit de déterminer le problème ou la
question à examiner, d’énoncer les objectifs reliés à cette question, de déterminer les mesures
et les ressources nécessaires pour régler le problème et d’élaborer un plan initial de gestion.
1.2.3. Les objectifs
Ces objectifs auront une influence directe sur le caractère et la qualité de la végétation que
nous voulons obtenir par la gestion. Le principe clé de fonctionnement doit être d’assurer un
Données bibliographiques
44
maximum de productivité de la végétation et de diversité des populations, ainsi que d’éviter
l’exploitation, la destruction et la négligence.
Naturellement, le plan de gestion dépendra aussi de l’état actuel de la végétation. Voici
quelques plans parmi les nombreux possibles (Trottier, 2002);
• améliorer l’état des parcours pour assurer un meilleur pâturage ;
• augmenter la capacité de pâturage par l’amélioration des parcours ;
• améliorer l’habitat de la faune pour les espèces menacées ;
• restaurer les systèmes écologiques, les plantes et les animaux à leur état original pour
constituer une réserve naturelle ;
• restaurer et reverdir les surfaces perturbées à leur état initial.
1.2.4. Caractérisation de la végétation
La première question à examiner est de savoir si le parcours en question est naturel, c’est-
à-dire s’il n’a jamais été labouré et cultivé. Certaines terres labourées une seule fois et jamais
cultivées peuvent avoir récupéré naturellement en fonction de la taille de la zone perturbée et
de la durée d’abandon. Selon les conditions environnementales, une steppe non labourée
contient plus de 100 espèces végétales sur une surface de quelques hectares. Par contre, les
zones ayant été cultivées contiennent peu d’espèces et un couvert d’espèces dominantes d’une
ou deux espèces introduites.
Toutes les décisions futures doivent tenir compte de la composition, de la structure et de
l’état de la végétation actuelle ainsi que de leur place dans la végétation souhaitée définie dans
les objectifs de gestion (Romo et Driver, 1999).
1.2.5. Les mesures et les outils de gestion
La végétation est l’ensemble des communautés végétales présentes dans un territoire donné
(Gobat et al. 1998). Le terme de végétation peut désigner les propriétés de cet ensemble, d’un
point de vue quantitatif (production primaire, richesse et diversité des espèces végétales) ou
qualitatif (composition botanique, physiologie et morphologie des espèces végétales).
Pour faciliter la gestion des écosystèmes arides et semi-arides pour la conservation
biologique et l’utilisation durable, la compréhension de la réponse de la végétation à
différentes intensités de pâturage est un travail critique (Hoshino et al. 2009). Cette
compréhension des changements saisonniers de la biomasse, de la production et de
l’utilisation de différents types de parcours est fondamentalement importante pour la gestion
efficace du parcours (Omer et al. 2006 ; Noy-Meir et al. 1989 ; Sternberg et al. 2000).
Données bibliographiques
45
Les mesures et les outils de gestion sont basés sur une évaluation de l’information de
l’inventaire et l’établissement, en détail, de la démarche à suivre. Il s’agit d’indiquer les
modifications au mode d’utilisation actuel ainsi que le calendrier des mesures particulières à
prendre (Pyle et Johnson, 1990) (tableau 6).
Tableau 6. Informations collectées pour l’évaluation de l’état des parcours en rapport avec les
différents axes d’investigations.
2. Attributs vitaux de l’écosystème
La résilience d’un écosystème est peut être le meilleur indicateur de son état de santé et de
son intégrité (Aronson et al. 1995). Ces mêmes auteurs définissent, à partir des travaux
d’Odum (1969), un ensemble d’attributs vitaux permettant de comparer la structure et le
fonctionnement des écosystèmes. Ces attributs vitaux sont les caractéristiques ou attributs qui
sont corrélés et qui peuvent servir d’indicateurs de la structure et du fonctionnement d’un
écosystème. Ils peuvent donc être utilisés dans la formulation d’hypothèses et la conception
d’expérimentations relatives à la restauration et à la réhabilitation. La résilience et ces
attributs vitaux sont utilisés ici pour comparer l’impact des différentes formes, pratiquées ou
possibles, de gestion des parcours et leurs conséquences agro-écologiques. Ces attributs
Axes d’investigation Nature d’informations Collectées Outils utilisées 1. Caractérisation et évaluation des parcours naturels 1.1. Évaluation quantitative des ressources fourragères et de la répartition géographique
+ Rendements et production biomasse fourragère + Superficies (pâturages)
+ Mesures sur le terrain (carrés, plateaux,…) + Cartographie + SIG (images satellites,…)
1.2. Évaluation qualitative des ressources fourragères
+ Mesures de terrain (méthodes des point quadrats, recouvrement,…)
1.3. Analyse de la dynamique + Indicateurs d’état et d’évolution des ressources
+ Mesures diachroniques
2. Promotion de modes de gestion participative des ressources pastorales 2.1. Évaluation des effectifs du cheptel (la charge animale) et des infrastructures liées à l’élevage
+ Effectifs et composition des troupeaux + Répartition spatiale et saisonnière + Nature et répartition des infrastructures liées à l’élevage (points d’eau, …)
+ Données secondaires + Les données sont à collecter sur le terrain pu auprès des populations
2.2. Modes d’organisation pour une gestion durable et participative des ressources pastorales
+ Pratiques endogènes de conduite de l’alimentation des animaux et de gestion + Modes de conduite des animaux au pâturage + Modes d’organisation des populations pour la gestion des parcours communautaires et des résidus de culture
+ Suivis périodiques
Données bibliographiques
46
vitaux, définis précisément par Aronson et al. (1995), se réfèrent soit à la structure, soit au
fonctionnement de l’écosystème ;
1. attributs liés à la structure.
• richesse floristique en espèces végétales pérennes ;
• richesse floristique en espèces végétales annuelles ;
• recouvrement total de la végétation ;
• stock de graines viables dans le sol ;
• phytomasse aérienne sur pied ;
• diversités alpha et bêta des végétaux ;
• spectre biologique ;
• présence et activité des espèces clés de voûtes (végétales et/ou animales). Il s’agit des
espèces dont la présence, à une densité suffisante, est nécessaire au maintien de la
structure et du fonctionnement de l’écosystème.
2. attributs liés au fonctionnement.
• productivité de la biomasse ;
• taux de matière organique du sol ;
• recouvrement et nature des états de surface du sol ;
• coefficients d’infiltration des pluies ;
• réserve maximale en eau disponible ;
• coefficient d’efficacité des pluies ;
• durée de disponibilité en eau du sol.
3. Savoir faire local en matière de modélisation de la gestion des parcours sahariens
La vie de la grande majorité de personnes dans des régions arides dépend de l’élevage. Par
conséquent, il existe un problème essentiel d’utilisation de la terre dans ces régions, qui est la
perte de terre productive. Dans ce cadre, la plupart des experts en gestion des parcours qui ont
fait leurs études dans un pays Africain pensent à tort que l’éleveur africain ne fait pas de
"gestion des parcours", mais exploite tout simplement les ressources naturelles.
Pour l’ensemble des trois pays du Maghreb et à la fin du 10ème siècle, les terres de parcours
étaient exploitées selon un mode très extensif par des communautés d’éleveurs nomades. Plus
tard, la population du Maghreb a sextuplé (68 millions d’habitants en 2000) (Abaab et al.
1995), bousculant en profondeur les modes d’occupation de ces espaces.
Données bibliographiques
47
En Méditerranée, le semi-nomadisme est caractéristique des pays du Maghreb. Ce type de
déplacement résiste dans sa forme traditionnelle dans les régions les plus austères de très
faible productivité et à l’écart (mais de moins en moins) des courants de l’économie. Au sein
de ces communautés se sont plutôt des éleveurs moyens et les bergers des propriétaires riches
qui le pratiquent encore (Chiche, 1992).
4. Restauration des parcours
Une grande partie des zones arides du monde est soumise à un processus de désertisation,
c’est-à-dire de dégradation irréversible de la végétation et des sols sous l’effet combiné de la
sécheresse périodique et de l’emprise humaine (Le Houérou, 1992a). Le Programme des
Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) estime qu’environ 3333 millions d’hectares des
terres de parcours de la planète, ont été affecté par la désertification, et 757 millions
d’hectares de surface affectée par une dégradation sévère des sols (Katyal et Vlek, 2000). Des
preuves récentes indiquent cependant que les systèmes de parcours sont plus résistants qu’on
ne le croyait, même dans les situations les plus difficiles, où la sécheresse a permis au désert
d’avancer. Le Maghreb est précisément une région où la forte expansion de la population est
une cause essentielle de la désertification, contrairement à ce qui se passe au Nord de la
Méditerranée (Le Houérou, 1991).
En Tunisie où le pastoralisme reste vital, la réduction des aires de parcours sous l’effet de
l’érosion des sols ainsi que la réorientation de l’utilisation des terres vers les cultures ont
amorcé une spirale de dégradation, moins d’espace total de parcours signifie une charge
animale plus forte qui, à son tour, engendre une dégradation plus intense du sol et une
réduction progressive des terres arables (Griesbach, 2000). Les végétations annuelles sont
considérées ainsi comme étant surpâturées (Westoby, 1980). L’évolution de la flore des
parcours sous l’effet de différents types d’exploitation ou de variations climatiques provoque
également des modifications de la valeur des pâturages, dans le Sud tunisien, et
essentiellement dans le gouvernorat de Tataouine, la production de biomasse varie de 50 à
200 millions d’UF entre les années sèches (2 sur 5) et humides (une sur 5) (Gintzburger,
2002).
Ces parcours naturels représentent une ressource de plus en plus convoitée par l’homme.
Le pâturage continu est la stratégie dominante utilisée, cependant, l’application des systèmes
de pâturage améliorés semble être un outil plein d’espoir pour une gestion durable des
parcours et par conséquent pour l’amélioration de la production de bétail (Guevara et al.
2009). Les pertes de la productivité et de la qualité de sol sont des indicateurs de
Données bibliographiques
48
désertification et reflètent le besoin d’aménager les parcours qui optimise la production
animale (Li et al. 2008).
Dans les zones dégradées, la régénération devient de plus en plus nécessaire (Kotschi,
1986). Les questions relatives à leur dégradation, leur conservation ou restauration se posent
avec acuité dans beaucoup de ces régions fragiles (Aronson et al. 2002b).
Un des plus grands défis pour la restauration écologique est de créer ou rassembler les
communautés des espèces végétales qui sont résistantes à l’invasion par espèce exotique
(Funk et al. 2008). Certaines études contribuent à la discussion continue au sujet des procédés
de désertification, et indiquent que quelques écosystèmes arides peuvent montrer la résilience
élevée face à l’exploitation à long terme (Seifan, 2009). L’ambition de restaurer les couverts
végétaux est relativement récente, dans ce cadre des milliers d’hectares des terres dégradées
ont étés protégés. Le but de ces réserves, à l’instar de pièce de collection dans les musés, était
de conserver la vie sauvage présente en évitant toute action susceptible de perturber la flore
ou la faune, en d’autre termes, le but de structurer la résilience et de maintenir le futur revenu
(Anderies, 2002).
Au niveau mondial et compte tenu de l’état de dégradation avancé de certains écosystèmes
steppiques, il est communément admis que la protection de la biodiversité des parcours et des
services variés rendus aux populations requiert à la fois :
- la conservation d’une partie des parcours dans des espaces protégés;
- la gestion durable des autres espaces pastorale, dans une perspective multifonctionnelle
(biodiversité, production de ressources);
- ainsi que, bien souvent, la restauration d’espaces pastoraux dégradés ou détruits, en termes
qualitatifs ou quantitatifs.
La restauration du capital naturel a pour intention d’améliorer la santé et la capacité de
résilience des écosystèmes, qui répond également aux besoins et attentes socio-économiques
des populations locales. Son message clé est: « Le bien-être des populations humaines dépend
de la santé des écosystèmes et de la qualité des services naturels qui en résultent ». Elle inclut
(Aronson et al. 2007) :
• la restauration des écosystèmes terrestres ;
• l’amélioration écologique durable des terres soumises aux pratiques agricoles ou autres
activités de production ;
• la promotion de l’utilisation durable des ressources biologiques ;
Données bibliographiques
49
• la mise en place d’activités et de comportements socioéconomiques intégrant des
considérations environnementales et la gestion durable du capital naturel.
L’évaluation de travaux de restauration et de gestion sera en fait grandement facilitée si la
référence, ou la cible choisie, est elle-même caractérisée par des valeurs mesurées à l’aide
d’indicateurs pertinents, qui sont relatifs à la composition taxonomique, à la structure, au
fonctionnement des écosystèmes, mais aussi aux services qu’ils rendent (Aronson et al. 1993
ab ; Hobbs et al. 2001). Dans tous les cas, des références et des indicateurs (écologiques et
autres) doivent permettre le développement et la mise en place d’une véritable stratégie de
gestion environnementale (Aronson et al. 2002a).
Après une gestion conservatoire cherchant à sauvegarder les attributs vitaux d’un
écosystème, viendraient ainsi une gestion fonctionnelle plus centrée sur les mécanismes, et
enfin une gestion interactive, adaptative, pour un affinage final en fonction des accidents
naturels et des demandes de la société (Chauvin et al. 2002). La maîtrise du pâturage et
l’utilisation des espèces fourragères en est une des conditions majeures, puisque les ressources
alimentaires issues de l’exploitation de l’herbe sont très souvent les moins coûteuses (Moulin,
2006).
Dans les zones méditerranéennes où le pâturage existe depuis longtemps (Blondel et
Aronson 1995 ; Perevolotsky et Seligman, 1998 ; Roberts et al. 2001), les espèces se sont
adaptées à des niveaux de charges pastorales importantes par des traits de vie caractéristiques
(Fily et Balent 1991), dans un contexte biogéographique où le stress hydrique est la ressource
limitante. Ce système écologique soumis à une technique de restauration a tendance à
retourner vers un état de référence déterminé par la diversité et le niveau de productivité ? En
régime de gestion tournant, ce système a tendance à évoluer vers un nouvel état et une
nouvelle trajectoire orientée par le nouveau régime de gestion. Comment améliorer les
pratiques de gestion de façon à les rendre compatibles avec la conservation des terres arides ?
Au Nord de l’Afrique, la régénération des parcours a été, durant les quatre dernières
décennies, un défi à relever pour de nombreuses actions d’aménagement comme pour des
travaux de recherche expérimentale sur la restauration (Aidoud et al. 2006), les méthodes de
gestion raisonnable restent pour l’essentiel à inventer même si les techniques exposées ci-
après ont chacune leur intérêt.
De nombreuses observations montrant que la mise en défens, le sous-pâturage temporaire,
le pâturage différé et d’autres techniques de régénération, peuvent augmenter la productivité
d’un parcours déterminé par un facteur de 3 à 5 et parfois plus (Le Houérou, 1971, 1982).
L’homme possède d’une part la capacité à stopper, réduire ou contrôler les dégradations,
Données bibliographiques
50
pressions et menaces sur les écosystèmes et d’autre part, en partie, la capacité de réparer les
écosystèmes dégradés. Réhabilitation et restauration sont susceptibles, par des opérations
d’ingénierie écologique, de rétablir les habitats et les fonctionnements naturels soutenant la
conservation de la biodiversité et la productivité de l’écosystème.
4.1. La mise en défens
C’est la protection d’un terroir ou d’une parcelle contre l’homme et les animaux
domestiques. Les mises en défens s’organisent selon trois modes qui ont des effets différents
sur la végétation. Le report de pâturage au-delà de la période de croissance critique augmente
la vigueur et le recouvrement des meilleures espèces, le repos annuel permet la reconstitution
des réserves des plantes, la rotation du troupeau sur plusieurs parcelles selon un schéma
préétabli permet périodiquement aux "plantes-clefs " de ne pas être pâturées aux périodes
critiques. Cette technique permet la régénération du couvert végétal avec une amélioration de
la production primaire et une modification de la structure de la végétation. Des observations
effectuées en Égypte, ont également montré que la production de biomasse aérienne totale sur
les sites protégés était de quatre à dix fois supérieure à celle des sites pâturés (Zöbisch et al.
1999).
Cependant, 7 années de mise en défens de 5 systèmes écologiques du Sud tunisien n’ont
permis le développement d’espèces nouvelles dans aucun d’entre eux, même si le couvert
végétal a été, en général; multiplié par 2, une comparaison de la végétation et des états de
surface a montré l’efficacité de la protection (Floret, 1980). En outre, la mise en défens d’une
steppe dégradée permet, après un laps de temps plus ou moins long, la reconstitution des
caractéristiques majeures (couvert, composition, production) de la végétation préexistante
(Bourbouze, 1997). Globalement, cette technique favorise la régénération des pérennes qui en
piégeant du sable et la matière organique (Floret et Pontanier, 1982) et en permettant
l’infiltration de l’eau de pluie, entraîne l’accroissement du couvert végétal et son maintien en
période de risque d’érosion (Floret, 1980). Ainsi la capacité élevée de germination de
certaines espèces végétales telle qu’Anthyllis henoniana, augmente éventuellement la
résilience des écosystèmes où elle est présente (Neffati, 1994).
La mise en repos de courte durée peut être un élément de gestion des herbacées, mais leur
durée dépend en fait du degré de dégradation des parcours et de la conjoncture
pluviométrique. Elle n’est démarrée en principe que lors d’une bonne année et devrait
s’accompagner d’un contrôle des effectifs et d’une surveillance librement acceptée.
Données bibliographiques
51
4.2. La réhabilitation
La réhabilitation consiste en la création d’un écosystème alternatif écologiquement viable,
éventuellement différent en termes de structure, composition, fonctionnement de l’écosystème
avant dégradation (ou de tout autre écosystème dit de référence), et présentant une valeur
d’usage et de conservation de la biodiversité. Réhabiliter un écosystème consiste aussi à lui
permettre de retrouver ses fonctions essentielles (y compris productives) grâce à une
intervention forte mais limité dans le temps (démarrage forcé). La restauration et la
réhabilitation ont comme objectif commun de rétablir des écosystèmes autonomes (et durable
si une exploitation quelconque est maintenue), caractérisé par l’existence d’un dynamique
dans la communauté végétales et animales et par leur capacité à réparer eux-mêmes les
méfaits de perturbation modérées (résilience) (Le Floc’h et al. 1995). Parmi les rares
expérimentations de réhabilitation, celle effectuée dans le Sud tunisien (Le Floc’h et al. 1999)
a permis de reconstituer une steppe très dégradée. Après quatre années, un certain nombre
d’espèces de la steppe à Rhanterium suaveolens, considérées comme «clef de voûte»
(Aronson et Aronson, 1995), ont pu être réinstallées.
Par contre, en dehors des aires protégées, la possibilité d’une restauration du couvert
végétal semble fortement liée au taux d’exploitation des ressources végétales (Barbier, 2006),
ainsi que le type du sol, les secteurs arides avec des sols sableux sont plus résilients que des
limoneux (Gamoun et al. 2010b ; Gamoun et al. 2012a) et l’inverse étant le cas aux secteurs
humides (Walker et al. 2002). D’autres recherches dans la Sud tunisien, ont porté sur la
réintroduction d’espèces pastorales telles que Artemisia herba-alba, Cenchrus ciliaris, Stipa
lagascae, Plantago albicans et Stipa tenacissima (Ferchichi et al. 1991 ; Chaieb et al. 1991),
qui peuvent être traditionnellement fanées et distribuées (Stipa) en période sèche (Visser,
2001).
4.3. Le contrôle de la capacité de charge
La capacité de charge est la charge modérée dite «d’équilibre», calculée sur la base d’un
besoin alimentaire du cheptel en production annuelle. Cette notion de charge d’équilibre perd
cependant de son sens devant l’extrême variabilité interannuelle des ressources fourragères
naturelles. Elle est définie par le nombre maximum d’herbivores qui peuvent pâturer une
surface donnée, sans détérioration de la végétation (Roe, 1997).
La SRM (1989) (Society for Range Management) définit la capacité de charge comme "le
taux de chargement maximum possible qui est compatible avec le maintien ou l’amélioration
de la végétation ou des ressources naturelles". La capacité de charge est estimée sur la base de
Données bibliographiques
52
l’herbe produit et les besoins des animaux aux fourrages. Puisque nous savons le rapport
annuel de la production primaire nette des parcours étudiés, il est possible de le comparer à la
présente consommation / tête/ période de pâturage (ou avec le besoin en matière sèche) afin
d’obtenir le taux de densité actuelle, et en combinant cela avec le taux d’utilisation
recommandée. La détermination de la capacité a permis de maintenir le taux d’utilisation
optimale du fourrage.
L’idée que le taux de dégradation des parcours est proportionnel au nombre d’animaux qui
y séjournent n’est pas nouvelle; elle reflète, d’une manière générale, l’opinion du grand
public, et celle de nombreux pastoralistes professionnels (Sandford, 1983). Qu’il relève du
"mythe ou de la réalité" (De Leeuw et Tothill, 1990), le concept de capacité de charge a été
largement employé, au cours de ces dernières décennies, pour diagnostiquer, évaluer, prévoir,
ou aménager les ressources pastorales en zones arides. En ce sens, c’est sans doute
l’indicateur clé qui a été le plus utilisé dans un passé récent, tant par les pastoralistes que par
les développeurs. La capacité de charge est donc, la quantité maximale de bétail qu’un
pâturage est supposé pouvoir supporter sans se détériorer (FAO, 1988).
Les formules retenues se contentent donc de limiter le temps de séjour plutôt que les
effectifs, ce qui est une manière indirecte de limiter la charge. L’estimation de la production
d’un pâturage, donc de sa capacité de charge est l’aboutissement nécessaire de l’étude d’un
pâturage (Boudet, 1975). Toutefois, il faut savoir que la biomasse mesurée en fin de saison
des pluies se dégrade au fur et à mesure de l’avancement de la saison sèche. Boudet (1991)
estime qu’en zone sahélienne, seulement un tiers de la biomasse mesurée peut être consommé
à cause du piétinement, du vent et des termites. En zone soudanienne, la moitié de la partie
appétible sera consommée par le cheptel. Il faut donc tenir compte de cette pondération dans
le calcul de la charge.
De nombreuses théories ont été émises sur les charges animales que peuvent supporter les
parcours. Les méthodes d’évaluation n’ont pas été les mêmes et les résultats obtenus sont
parfois controversés. Jusqu’à présent, deux points de vue essentiels ont guidé les
investigations dans ce domaine. Le premier point de vue est formulé par Hiernaux (1983) qui
considère que la capacité de charge d’un pâturage est associée à deux notions : d’une part,
dans une optique écologique, au seuil d’exploitation au-delà duquel, la végétation, voire le
milieu se dégradent et, d’autre part, dans une optique zootechnique, au seuil maximal
d’exploitation permettant d’atteindre un niveau de performances zootechniques à partir d’un
pâturage donné. Selon Hiernaux (1983), ces deux optiques ne sont pas forcément liées. Ses
Données bibliographiques
53
observations le mènent à la conclusion que le broutage direct est sans risque pour les ligneux
et que, pour les espèces herbacées, les risques sont restreints après leur fructification.
Le second point de vue est formulé par Breman et Krul (1982) qui trouvent que la
complexité du rapport végétation-animal est telle qu’il est délicat de parler d’une capacité de
charge en se référant au seul niveau de performance de production animale. De ce point de
vue, l’optique écologique de la notion de capacité de charge est plus élaborée.
Les choix alimentaires des animaux s’expriment d’autant plus fortement que les surfaces
sont exploitées en parcelles plus larges et avec des effectifs plus faibles. Il faut alors prendre
en compte la motivation des animaux à prospecter et à consommer ces couverts végétaux, ce
qui invite à s’intéresser au "point de vue" de l’animal concernant la "valeur" de l’espace
offert. Cette notion de valeur recouvrant d’ailleurs d’autres domaines que le strict domaine
alimentaire (abris, aires de repos, etc.). Il est alors fait appel à de nouvelles aptitudes des
animaux qui, ayant quitté le contexte simplifié de parcours homogène exploitée avec un
chargement instantané élevé, peuvent exprimer de nouveaux traits comportementaux : leur
mobilité, 1eur mémoire et leurs affinités sociales (Meuret et Dumont, 2000). En situation
d’exploitation intensive, le chargement élevé minimise l’expression du comportement sélectif
des animaux (Dumont et al. 2001). Une augmentation de l’effectif instantané chez des brebis
conduites sur parcours peut les pousser à consommer plus de ligneux (Lecrivain et al. 1990).
Dans tous les pays, les différents niveaux de charge ont eu un effet net sur la structure de la
végétation et sur les bouchées prélevées par les animaux, sans effet sur les performances
individuelles (Dumont et al. 2007). Cependant, lorsque l’on laisse un stock d’herbe sur pied
important à l’automne pour être consommé pendant l’hiver, l’accumulation de matériel
sénescent diminue fortement la qualité de l’herbe (Lemaire, 1999 ; Ducrocq, 1996 ; Delagarde
et al. 1999). Il s’agit donc d’avoir une gestion adaptée du pâturage en cette saison pour tirer
un profit maximum de cette ressource en faisant coïncider les périodes à faibles besoins des
animaux avec les périodes à faible croissance de l’herbe et en adaptant le chargement aux
conditions climatiques (Pottier et al. 2001). Dans un milieu saharien de la Tunisie, le
pâturage modéré avec une capacité de charge bien déterminée, pourrait être un moyen
efficace de maintenir la diversité spécifique puisque le surpâturage a entrainé une
détérioration de cette ressource vitale, qui régresse de plus de ¾ (Gamoun et al. 2011a).
4.4. La création des points d’eau
La gestion des troupeaux et des parcours est conditionnée, dans une large mesure, par les
ressources en eau, notamment pendant la saison sèche (Le Houérou, 2005). La création des
Données bibliographiques
54
points d’eau et leur gestion, est un autre moyen d’agir sur la distribution des animaux sur
parcours. C’est une opération facile à mettre en œuvre dans la plupart des programmes. Elle
peut conduire cependant à des erreurs car il faut que la disponibilité en eau soit en rapport
avec la végétation disponible. Souvent une exhaure manuelle ou mécanique simple permet de
limiter raisonnablement le débit, tout en permettant une gestion sociale de cette eau par un
groupe précis.
En secteur moderne, où le parcours est cloisonné et l’accès des animaux contrôlé, la
densité des points d’eau peut constituer une importante contrainte économique au
développement, aboutissant à la création à la fois de zones surpâturées et de zones sous-
Figure 35. Évolution temporelle de la densité des espèces annuelles (pieds /ha) au niveau de
différents sites étudiés
La densité des espèces annuelles varie significativement avec les quatre facteurs considérés
(mode de gestion, site, année et saison) (tableau 14). Il apparaît que l’effet de la saison (F(1,27)
= 334,65; P < 0,001) est plus fort que celui du mode de gestion (F(1,27) = 23,87; P < 0,001), et
Résultats & Discussion
104
de l’effet du site (F(5,27) = 21,284; P < 0,001) alors que l’effet de l’année est le moins marqué
(F(2,27) = 20,993; P < 0,001).
Tableau 14. Résultats d’analyse de la variance à quatre facteurs (mode de gestion, site, année
et saison) de la densité des espèces annuelles
Source ddl Somme des carrées F Signification Modèle corrigé 59 3227,656 16,955 0,000 Constante 1 82767,218 434,78 0,000 année 2 3996,312 20,993 0,000 site 5 4051,775 21,284 0,000 saison 1 63706,258 334,65 0,000 mode de gestion 1 4544,057 23,87 0,000 année * site 10 1670,205 8,774 0,000 année * saison 1 5112,397 26,855 0,000 année * mode de gestion 2 954,843 5,016 0,007 site * saison 5 2802,918 14,724 0,000 site * mode de gestion 5 517,475 2,718 0,02 saison * mode de gestion 1 1492,133 7,838 0,005 année * site * saison 5 2791,088 14,662 0,000 année * site * mode de gestion 10 431,862 2,269 0,015 année * saison * mode de gestion 1 116,213 0,61 0,435 site * saison * mode de gestion 5 197,8 1,039 0,395 année * site * saison * mode de gestion 5 268,72 1,412 0,22 Erreur 270 190,367 Total 330 Total corrigé 329
Comme chaque année, on peut distinguer deux phases dans les variations saisonnières des
espèces annuelles:
- la phase automnale à faible densité, à l’exception de la station d’El Mazraa qui est
riche en jeunes plantules avec un maximum de 500000 pieds/ha favorisé par le
démarrage précoce du cycle pluviométrique qui favorise la germination des graines
stockées au niveau du sol. En revanche, la densité automnale est généralement nulle.
- la phase printanière démarre très rapidement avec une poussée de petites espèces.
Cette phase débute avec le démarrage du cycle pluviométrique et se termine fin mai
avec un maximum de 920000 pieds/ha.
2.3. Variation de la biomasse végétale aérienne
La biomasse végétale aérienne a été mesurée aussi bien au niveau des sites protégés que
dans les sites pâturés (placette de 4 m² chacune) pendant les automnes et les printemps. Bien
que l’échelle interannuelle soit le mode de variabilité dominant de la biomasse des parcours,
d’autres modes de variabilité ont été mis en évidence par plusieurs études. Nous les décrivons
ici brièvement.
Résultats & Discussion
105
L’examen de la figure 36 montre que, rien ou presque n’a été reporté sur le cycle annuel
dans le poids moyen de la biomasse végétale des parcours au niveau des sites El Mazrra,
Guetfa et Felja. A ces endroits-là, la biomasse végétale s’est très peu développée à cause d’un
faible cumul et d’une mauvaise distribution des pluies, mais aussi parce que l’année 2007
était déjà une année peu favorable au développement des herbacées.
protégé pâturé
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
3500
4000
automne 2006
printemps 2007
automne 2007
arintemps 2008
automne 2008
bio
ma
sse
(kg
MS
/ha
)
saison
Guelb Fguira
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
3500
4000
automne 2006
printemps 2007
automne 2007
arintemps 2008
automne 2008
bio
ma
sse
(kg
Ms
/ha
)
saison
El Mazraa
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
3500
4000
automne 2006
printemps 2007
automne 2007
arintemps 2008
automne 2008
bio
ma
sse
(kg
MS
/ha
)
saison
Jdaria
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
3500
4000
automne 2006
printemps 2007
automne 2007
arintemps 2008
automne 2008
bio
ma
sse
(kg
MS
/ha
)
saison
Guetfa
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
3500
4000
automne 2006
printemps 2007
automne 2007
arintemps 2008
automne 2008
bio
ma
sse
(kg
MS
/ha
)
saison
Harrouch
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
3500
4000
Automne 2006
Printemps 2007
Automne 2007
Printemps 2008
Automne 2008
bio
ma
sse
(kg
MS
/ha
)
saison
Felja
Figure 36. Évolution temporelle de la biomasse végétale aérienne (kg de MS/ha) au niveau de
différents sites étudiés.
Les effets du stade dynamique, du mode de gestion et de leurs interactions sur la biomasse
totale, dans les différents sites étudiés, ont été testés par l’ANOVA (tableau 15). Les résultats
Résultats & Discussion
106
montrent que la biomasse varie significativement avec les quatre facteurs (P < 0,001). Ce
tableau montre aussi que l’effet du mode de gestion est plus important que celui des autres
facteurs (F(1,54) = 3 061; P < 0,001) suivi par la saison (F(1,54) = 945,05; P < 0,001).
L’interaction entre les facteurs est marginalement significative (P < 0,001).
Tableau 15. Résultats d'analyse de la variance à quatre facteurs (mode de gestion, site, année
et saison) de la biomasse.
Source ddl Somme des carrées F Signification Modèle corrigé 59 7 750 291,89 300,10 0,000 Constante 1 1 371 000 53 100 0,000 année 2 1 846 259,87 71,49 0,000 site 5 8 448 123,02 327,12 0,000 saison 1 24 410 000 945,05 0,000 mode de gestion 1 79 060 000 3 061,00 0,000 année * site 10 3 338 162,93 129,26 0,000 année * saison 1 2 151 505,20 83,31 0,000 année * mode de gestion 2 5 630 641,99 218,02 0,000 site * saison 5 6 494 786,70 251,49 0,000 site * mode de gestion 5 6 123 473,51 237,11 0,000 saison * mode de gestion 1 434 583,85 16,83 0,000 année * site * saison 5 5 332 008,90 206,46 0,000 année * site * mode de gestion 10 2 838 344,27 109,90 0,000 année * saison * mode de gestion 1 5 564 213,33 215,45 0,000 site * saison * mode de gestion 5 6 926 879,97 268,22 0,000 année * site * saison * mode de gestion 5 5 358 398,95 207,48 0,000 Erreur 540 25 825,79 Total 600 Total corrigé 599
Mis à part le site El Mazraa, les résultats relevés entre 2006 et 2008 montrent qu’il n’est
pas possible de dépasser une biomasse aérienne de 3600 Kg de matière sèche par hectare au
printemps. Ce site se distingue des autres par une biomasse supérieure quelle que soit l’année
étudiée, alors que les autres sites (Guetfa et Felja) leur biomasse ne dépasse pas 3000 Kg
MS/ha au printemps, qui est très supérieure à celle enregistrée au niveau de la zone
surexploitée. On confirme néanmoins que les zones témoins exploitées aux voisinages des
zones protégées sont plus pâturées qu’avant la mise en place de la mise en repos. Un tel
résultat peut être expliqué par l’augmentation de la charge animale qui était déjà bien
distribuée sur la totalité du parcours. Les autres sites, en revanche, (Guelb Fguira, Jdaria et
Harrouch) montrent une relation significative entre la biomasse et la durée de la mise en
repos, alors que la forte pression de pâture au niveau du témoin est confirmée par la biomasse
aérienne moyenne plus faible qu’ailleurs dans la zone protégée. Un tel résultat peut être du à
la consommation des herbes qui peut atteindre 70% de la biomasse de surface pendant la
saison des pluies et 30% pendant la saison sèche (Le Houérou et Hoste, 1977).
Résultats & Discussion
107
Dans tous les sites, on observe également une forte variation saisonnière significative de la
biomasse (biomasse maximale au printemps et minimale en automne), mais qui reste faible au
printemps à cause de la forte dynamique printanière existant dans la région. Comme il été
observé par Floret et Le Floc’h (1973) que la croissance maximale des pérennes se produit
habituellement en début de l’été, après la croissance des espèces annuelles pour donner une
biomasse aérienne de l’ordre 5-7 kg MS. ha-1 pour 1 mm de précipitation.
Une autre source de variabilité de la biomasse provient du mode de pâturage à l’échelle
intrasaisonnière, mais également interannuelle puisque la fréquence et la pression de pâturage
s’accroient pendant les événements de sécheresse. De ce fait, le niveau de biomasse ne
dépend que de la charge animale, indépendamment des variations climatiques interannuelles.
D’autre part, la variation de la biomasse est souvent associée aux dégrées avancées de la
surexploitation des parcours. À cet égard, nous observons, dans certains cas, une variation qui
est presque comparable entre le pâturage et la mise en repos. La pression du pâturage seul ne
peut pas donc expliquer des différences particulières dans la biomasse. Le gradient de
biomasse est mis en évidence à l’aide des mesures disponibles sur ces 6 sites et pour la
période considérée. En moyenne, la biomasse augmente en fonction de la durée de mise en
repos, elle est supérieure au printemps qu’en automne et plus importante à l’intérieur qu’a
l’extérieur. Ce gradient est plus quantifié en considérant les sites de Guelb Fguira et
Harrouch.
La moyenne des mesures disponibles pour chacune des deux zones considérées (Guelb
Fguira et Harrouch) permet de donner une idée sur la biomasse au sol, bien que l’évolution de
la biomasse au cours de la période d’étude montre que les sols sableux sont les plus productifs
que les autres types de sols. En effet, la biomasse végétale totale, présente à un moment donné
sur un territoire, varie au cours du temps en fonction du climat de l’année, du stade
phénologique des espèces associées et des pertes dues au pâturage.
2.4. Variation de la production primaire
La variation de la production a été étudiée dans plusieurs parcours qui en sont de bons
exemples. La quantité de biomasse produite a varié sous l’influence de plusieurs facteurs
écologiques, des caractéristiques édaphiques aussi bien que climatique. La meilleure vue
d’ensemble est illustrée par la figure (37). Cette figure montre que la duré de mise en repos, la
saison, le mode de gestion et la localité sont des facteurs essentiels qui influencent la
productivité des parcours sahariens. Le taux de la productivité moyenne fluctue entre 57 et
Résultats & Discussion
108
384 kg de MS/ha/an. La production maximale était enregistrée au printemps et la plus faible
en automne.
protégé pâturé
0
50
100
150
200
250
300
350
400
automne 2006
printemps 2007
automne 2007
printemps 2008
automne 2008
pro
du
ctiv
ité(k
gM
S/h
a/a
n)
saison
0
50
100
150
200
250
300
350
400
automne 2006
printemps 2007
automne 2007
printemps 2008
automne 2008
pro
du
ctiv
ité (
kg/M
S/h
a/a
n)
saison
0
50
100
150
200
250
300
350
400
automne 2006
printemps 2007
automne 2007
printemps 2008
automne 2008
pro
du
ctiv
ité (
kg M
S/h
a/a
n)
saison
0
50
100
150
200
250
300
350
400
automne 2006
printemps 2007
automne 2007
printemps 2008
automne 2008
pro
du
ctiv
ité (
kg M
S/h
a/a
n)
saison
0
50
100
150
200
250
300
350
400
automne 2006
printemps 2007
automne 2007
printemps 2008
automne 2008
pro
du
ctiv
ité (
kg M
S/h
a/a
n)
saison
0
50
100
150
200
250
300
350
400
automne 2006
printemps 2007
automne 2007
printemps 2008
automne 2008
pro
du
ctiv
ité (
kg M
S/h
a/a
n)
saison
Felja
Guelb Fguira Jdaria
El Mazraa Guetfa
Harrouch
Figure 37. Évolution temporelle de la productivité (kg de MS/ha/an) des différents types de
parcours étudiés.
Au printemps, la productivité moyenne, sous protection, la plus élevée a été enregistrée au
niveau du parcours de Guelb Fguira avec une moyenne d’environ 336 kg de MS/ha/an au
cours du printemps 2008, alors que la plus faible a été enregistrée au niveau des parcours de
Jdaria avec une valeur de 154 kg de MS/ha/an au cours du printemps 2007. Cette production a
chuté en automne jusqu’à une valeur de 99 kg de MS/ha/an au cours de l’automne 2006 au
Résultats & Discussion
109
niveau du parcours de Guetfa. Dans les parcours relativement dégradés et plus représentatifs
des pâturages courants, nous avons trouvé que ces valeurs chutent pendant les mêmes
périodes et dans les mêmes régions jusqu’à une valeur de 65 kg de MS/ha/an au niveau de
Felja et de Harrouch.
Une ANOVA à quatre facteurs montre que la productivité varie significativement en
fonction de tous les facteurs considérés. Il apparait que l’effet du mode de gestion est plus
significatif (F(1,54) = 1481 ; P < 0,001) que celui de l’effet de la localité et de la saison et l’effet
de l’année est le moins significatif (F(2,54)= 9,183; P < 0,001) (tableau 16).
Tableau 16. Résultats d’analyse de la variance à quatre facteurs (mode de gestion, site, année
et saison) de la productivité.
Source ddl Somme des carrées F Signification Modèle corrigé 59 38861,098 70,42 0,000 Constante 1 5901913,369 10 700 0,000 année 2 5067,085 9,183 0,000 site 5 18390,789 33,328 0,000 saison 1 152653,333 276,637 0,000 mode de gestion 1 817278,897 1 481 0,000 année * site 10 50,335 0,091 1,000 année * saison 1 3712,969 6,729 0,010 année * mode de gestion 2 198,166 0,359 0,698 site * saison 5 7756,58 14,056 0,000 site * mode de gestion 5 25143,752 45,565 0,000 saison * mode de gestion 1 76104,033 137,915 0,000 année * site * saison 5 177,493 0,322 0,900 année * site * mode de gestion 10 54,62 0,099 1,000 année * saison * mode de gestion 1 265,519 0,481 0,488 site * saison * mode de gestion 5 7608,11 13,787 0,000 année * site * saison * mode de gestion 5 77,952 0,141 0,983 Erreur 540 551,818 Total 600 Total corrigé 599
La forte pression de pâture, s’exerçant sur ces parcours, a été confirmée par sa production
moyenne plus faible qu’ailleurs dans les autres parcours, mais n’est pas synonyme d’une
dégradation très irréversible dans ces parcours. Pour ce qui est des facteurs
environnementaux, les conditions climatiques favorables contribuent au maintien de la
production primaire des parcours.
2.5. Diversité spécifique
2.5.1. Diversité de Shannon-Weaver
Les variations de la diversité spécifique sont analysées en liaison avec la variabilité
temporelle, saisonnière, spatiale et en fonction du mode de gestion.
Résultats & Discussion
110
Les résultats relatifs aux variations de l’indice de diversité (H’) au niveau des parcours
protégés et non protégés sont présentés dans la figure 38. L’examen de cette figure montre
que les valeurs de diversité de Shannon-Weaver varient d’un site à un autre en fonction du
temps, des saisons et de l’intensité du pâturage.
La diversité augmente dans les différents sites, en fonction du temps et sous l’effet de la
mise en repos. Cette augmentation correspond à un gain réel dans les milieux protégés.
protégé pâturé
0
0,5
1
1,5
2
2,5
3
3,5
4
automne 2006
printemps 2007
automne 2007
printemps 2008
automne 2008
div
ers
ité (
H')
saison
Guelb Fguira
0
0,5
1
1,5
2
2,5
3
3,5
4
automne 2006
printemps 2007
automne 2007
printemps 2008
automne 2008
div
ers
ité (
H')
saison
Jdaria
0
0,5
1
1,5
2
2,5
3
3,5
4
automne 2006
printemps 2007
automne 2007
printemps 2008
automne 2008
div
ers
ité (
H')
saison
El Mazraa
0
0,5
1
1,5
2
2,5
3
3,5
4
automne 2006
printemps 2007
automne 2007
printemps 2008
automne 2008
div
ers
ité (
H')
saison
Guetfa
0
0,5
1
1,5
2
2,5
3
3,5
4
automne 2006
printemps 2007
automne 2007
printemps 2008
automne 2008
div
ers
ité (
H')
saison
Harrouch
0
0,5
1
1,5
2
2,5
3
3,5
4
automne 2006
printemps 2007
automne 2007
printemps 2008
automne 2008
div
ers
ité (
H')
saison
Felja
Figure 38. Évolution temporelle de la diversité H’ au niveau des différents sites étudiés
Le facteur saison est le principal facteur qui influe et explique significativement la
variation de la diversité spécifique (F(1,27) = 174,178; P < 0,001). Les autres facteurs
Résultats & Discussion
111
interviennent également d’une façon significative sur la diversité spécifique. Les interactions
entre année et site sont les plus significatives (tableau 17).
Tableau 17. Résultats d’analyse de la variance à quatre facteurs (mode de gestion, site, année
et saison) de Diversité de Shannon-Weaver H’.
Source ddl Somme des carrées F Signification Modèle corrigé 59 0,801 8,208 0,000 Constante 1 235,644 2 415 0,000 année 2 0,735 7,535 0,001 site 5 0,478 4,9 0,000 saison 1 16,997 174,178 0,000 mode de gestion 1 4,092 41,935 0,000 année * site 10 0,521 5,341 0,000 année * saison 1 0,067 0,69 0,407 année * mode de gestion 2 0,117 1,195 0,304 site * saison 5 0,441 4,519 0,001 site * mode de gestion 5 0,262 2,686 0,022 saison * mode de gestion 1 0,17 1,742 0,188 année * site * saison 5 0,184 1,884 0,097 année * site * mode de gestion 10 0,134 1,375 0,192 année * saison * mode de gestion 1 0,053 0,543 0,462 site * saison * mode de gestion 5 0,11 1,124 0,348 année * site * saison * mode de gestion 5 0,116 1,193 0,313 Erreur 270 0,098 Total 330 Total corrigé 329
Dans tous les sites, l’indice varie dans le même sens. La diversité de Shannon-Weaver
augmente au printemps et régresse en automne. En revanche, dans les témoins, les mêmes
tendances ne sont observées que dans les secteurs protégés mais avec des valeurs plus faibles.
Il s’agit d’une évolution parallèle de la diversité suivant que la parcelle soit protégée ou non,
avec une tendance à l’augmentation dans les mises en défens et à la diminution dans les
témoins.
Les valeurs relativement élevées de l’indice de diversité (H’) dès la première année de
protection, révèlent des phénomènes de régénération caractérisés par l’apparition d’espèces en
voie de disparition (espèces probablement sensibles à la pression pastorale).
Généralement, la diversité est significativement plus importante en milieu protégé qu’en
milieu pâturé, et aussi plus importante au printemps qu’en automne. Elle présente des
variations spatiales significatives car la végétation varie significativement entre les sites. Elle
atteint sa valeur maximale au niveau du site El Mazraa protégé (H’ = 1,92), pourtant
faiblement diversifié sur le même secteur mais sous forte pression pastorale (H’ = 0,43).
Résultats & Discussion
112
De nouveau la diversité pour chaque site est corrélée significativement avec l’année, la saison
et le mode de gestion, et elle varie davantage au printemps et sous l’effet de la mise en repos
quel que soit le site (figure 39, 40, 41 et 42).
Figure 39. Stipagrostis plumosa montre une bonne capacité de régénération dès la première
année de mise en repos en Mars 2007 dans la région d’Elouara.
Figure 40. Sous l’effet des conditions climatiques favorables, la mise en repos a permis la
régénération de Stipa tenacissima sur les parcours du Dhahar (Mars 2007).
Résultats & Discussion
113
Figure 41. Régénération de Stipa lagascae, espèce très palatable, après deux années de
protection sur les parcours du Dhahar (Mars 2007).
Figure 42. État du couvert végétal au niveau du groupement à Pennisetum dichotomum après
une protection de 3 années sur les parcours du Dhahar (Mars 2007).
2.5.2. Variation des Indices de Hill en fonction du mode de gestion
Plusieurs indices de diversité et d’équitabilité existent. Ces indices de diversité font partie
d’une famille d’indices simple, la famille de Hill (Hill, 1973). Globalement on peut constater
que l’effet de la mise en repos sur la diversité végétale est concordant avec la théorie de la
perturbation intermédiaire (intermediate disturbance hypothesis) telle que définie par Connell
Résultats & Discussion
114
(1978); Grime (1979); et Huston (1979). Une étude de l’effet de la mise en repos sur la
diversité (N0, N1, N2, N1/N0, N2/N1 et N2/N0), a été démontrée par la figure 43.
0
5
10
15
20
25
30
protégé pâturé
N0
0
5
10
15
20
25
30
protégé pâturéN
10
5
10
15
20
25
30
protégé pâturé
N2
0
0,5
1
1,5
2
protégé pâturé
N2
/N1
0
0,5
1
1,5
2
protégé pâturé
N2
/N0
0
0,5
1
1,5
2
protégé pâturé
N1
/N0
Figure 43. Variation de la diversité floristique en fonction du mode de gestion.
N0 = S
N1 = eH’ H’ = - ∑ pi ln pi
N2 = 1/λ λ = ∑ pi2
pi est la fréquence relative de l’espèce i (nombre de points de contact pour l’espèce i divisé par le nombre total de contacts pour toutes les espèces de chaque ligne), S est le nombre d’espèces observées dans le site étudié, H’ est l’entropie de Shannon (1948) et λ est la concentration de Simpson (1949). Ainsi, les diversités N0 (richesse spécifique), N1 (diversité de Shannon ou exponentielle de l’entropie de Shannon) et N2 (diversité de Simpson ou réciproque de la concentration de Simpson) traduisent respectivement le nombre total d’espèces, le nombre d’espèces abondantes et le nombre d’espèces très abondantes, avec N0 ≥ N1 ≥ N2.
Les indices de diversité (N0, N1 et N2) et les indices d’équitabilité (N1/N0, N2/N0 et
N2/N1) au niveau des deux types de parcours (protégé et pâturé) présentent des dynamiques
différentes. N0 et N1 sont globalement plus élevés au niveau des parcours protégés qu’au
niveau des parcours pâturés et inversement pour N2, l’indice de Hill et l’équitabilité. Dans les
parcours protégés, la diversité écologique (N0) est importante. Après trois années de
protection, le nombre d’espèces s’est multiplié par trois et même par cinq selon les sites. De
même, le nombre des espèces abondantes N1 est plus élevé en zone protégée qu’en zone
pâturée mais en général il reste très faible (3 espèces dans les parcours protégés et 2 espèces
Résultats & Discussion
115
dans les parcours pâturés). En effet, l’indice N2 qui est plus sensible à la présence des espèces
les plus abondantes, est plus élevé en zone pâturée qu’en zone protégée.
Les résultats d’analyse de la variance (One Way-ANOVA) mentionnés dans le tableau 18
montrent que l’effet du pâturage est significatif.
Tableau 18. Résultats de l’analyse de la variance à un facteur (mode de gestion) des indices de
Hill.
ddl Somme des carrées F Signification N0 Entre les groupes 1 1570,817 38,932 0 Au sein des groupes 58 40,348 Total 59 N1 Entre les groupes 1 9,264 6,107 0,016 Au sein des groupes 58 1,517 Total 59 N2 Entre les groupes 1 3,841 4,481 0,039 Au sein des groupes 58 0,857 Total 59 N1/N0 Entre les groupes 1 0,595 21,454 0 Au sein des groupes 58 0,028 Total 59 N2/N0 Entre les groupes 1 1,223 221,394 0 Au sein des groupes 58 0,006 Total 59 N2/N1 Entre les groupes 1 3,329 37,141 0 Au sein des groupes 58 0,09 Total 59
Une valeur de diversité élevée (N0) indiquerait un milieu stable où l’on retrouve plusieurs
espèces sans qu’aucune ne soit très dominante (N2 est faible). À l’inverse, les milieux
instables ou perturbés devraient présenter une faible diversité car ils sont généralement
dominés par une ou quelques espèces opportunistes très abondantes (N2 est forte).
L’équitabilité est plus importante dans le milieu perturbé que dans le milieu protégé. Ces
indices (N1/N0, N2/N0 et N2/N1) permettent d’obtenir une idée encore plus précise sur la
diversité observée; plus ces indices s’approchent de la valeur 1, et plus la diversité est faible.
L’équitabilité indique comment les espèces sont distribuées dans la communauté, et ne
dépasse pas la valeur de 1. Plus la valeur se rapproche de 1, plus le parcours s’homogénéise,
ce qui montre que toutes les espèces sont représentées de manière égale dans la communauté,
et que la proportion d’espèces dominantes est plus faible dans les parcours protégés (Gamoun
et al. 2012b).
Les indices de diversité et d’équitabilité représentent des outils importants qui permettent
d’apprécier le niveau d’organisation des communautés végétales. Ils donnent des indications
sur leur stabilité et leur évolution (Lepart et Escarre 1983). Ils sont donc des indicateurs utiles
pour l’évaluation de la durabilité des parcours collectifs (Gamoun et al. 2012b). A partir des
Résultats & Discussion
116
relevés effectués annuellement dans les parcelles protégées et leurs témoins, nous avons tenté
d’évaluer le niveau d’organisation des parcours au cours de trois années d’observations. Les
indices ont été calculés à partir des contributions spécifiques qui représentent la contribution
des espèces au recouvrement.
La diversité de Shannon varie d’un peuplement à l’autre. Les valeurs les plus élevées sont
obtenues dans les sites protégés, et augmentent d’une année à l’autre. Les valeurs les plus
élevées traduisent une grande diversité et une bonne reconstitution de la diversité floristique
dans les milieux protégés, sans doute en raison des conditions favorables du milieu.
N0 qui représente l’inverse de l’indice de Simpson est très sensible à la répartition des
individus entre les espèces. Les fortes valeurs de cet indice expriment une faible organisation
du système écologique et correspondent selon Dajoz (1982) à des conditions du milieu
favorables à l’installation de nombreuses espèces représentées par un petit nombre
d’individus, alors que les faibles valeurs de l’indice de Shannon sont caractéristiques des
peuplements où une espèce est dominante. L’équitabilité varie entre 0,1 et 0,2 dans les
milieux protégés, mais elle varie entre 0,2 et 0,5 dans les milieux pâturés. Ce fort indice
d’équitabilité est le signe d’un milieu perturbé. C’est le pâturage qui peut influer la structure
et l’organisation des communautés végétales de différentes manières (Crawley 1983, Noy-
Meir et al. 1989).
2.6. Relations entre les différents indices de diversité de Hill
Les variations de diversité spécifique (mesurée par l’indice de Shannon) résultent à la fois
de variations de richesse spécifique (N0), de l’indice N1 et de l’indice N2. Dans les deux
milieux, protégé et perturbé, ces indices sont ainsi corrélés positivement avec l’indice de
Shannon (H’) (figure 44 et 45).
y = 0,0378x + 0,4362R² = 0,6237
0
0,5
1
1,5
2
2,5
0 10 20 30 40
H'
N0
y = 0,2837x + 0,1758R² = 0,9752
0
0,5
1
1,5
2
2,5
0 2 4 6 8
H'
N1
y = 0,4735x - 0,0226R² = 0,7597
0
0,5
1
1,5
2
2,5
0 2 4 6
H'
N2
Figure 44. Corrélations de H’ avec N0, N1 et N2 dans un milieu protégé.
Résultats & Discussion
117
y = 0,0585x + 0,4109R² = 0,3697
00,20,40,60,8
11,21,41,61,8
2
0 10 20
H'
N0
y = 0,3104x + 0,0656R² = 0,9513
00,20,40,60,8
11,21,41,61,8
2
0 5 10
H'
N1
y = 0,1513x + 0,3844R² = 0,2337
00,20,40,60,8
11,21,41,61,8
2
0 2 4 6
H'
N2
Figure 45. Corrélations de H’ avec N0, N1 et N2 dans un milieu pâturé
Les variations de diversité Shannon semblent plus liées positivement aux variations de N1
et N2 que N0 en milieu pâturé (P < 0.001): r = 0. 975 pour N1, r = 0, 608 pour N0, et r =
0,483 pour N2, alors qu’en milieu protégé les trois composantes semblent jouer un rôle
équivalent (tableau 19).
Tableau 19. Coefficients de corrélation entre les indices de diversité dans les deux milieux
protégés et pâturés.
protégé H’ N0 N1 N2 N1/N0 N2/N0 N0 Coefficient de corrélation de Pearson ,790** Sig. (2-tailed) 0,000 N1 Coefficient de corrélation de Pearson ,988** ,758** Sig. (2-tailed) 0,000 0,000 N2 Coefficient de corrélation de Pearson ,872** ,789** ,847** Sig. (2-tailed) 0,000 0,000 0,000 N1/N0 Coefficient de corrélation de Pearson -0,013 -,570** 0,025 -0,173 Sig. (2-tailed) 0,947 0,001 0,895 0,361 N2/N0 Coefficient de corrélation de Pearson -,407* -,757** -,387* -0,314 ,821** Sig. (2-tailed) 0,026 0,000 0,035 0,091 0,000 N2/N1 Coefficient de corrélation de Pearson -,679** -0,403* -,689** -0,257 -0,216 0,356 Sig. (2-tailed) 0,000 0,027 0,000 0,17 0,251 0,054
pâturé H’ N0 N1 N2 N1/N0 N2/N0 N0 Coefficient de corrélation de Pearson ,608** Sig. (2-tailed) 0,000 N1 Coefficient de corrélation de Pearson ,975** ,503** Sig. (2-tailed) 0,000 0,005 N2 Coefficient de corrélation de Pearson ,483** ,881** 0,345 Sig. (2-tailed) 0,007 0,000 0,062 N1/N0 Coefficient de corrélation de Pearson 0,33 -,482** ,458* -,473** Sig. (2-tailed) 0,075 0,007 0,011 0,008 N2/N0 Coefficient de corrélation de Pearson -,382* -,657** -0,317 -0,289 ,375* Sig. (2-tailed) 0,037 0,000 0,088 0,122 0,041 N2/N1 Coefficient de corrélation de Pearson -0,266 ,433* -,369* ,677** -,687** 0,086 Sig. (2-tailed) 0,155 0,017 0,045 0,000 0,000 0,653
Auparavant, nous avons trouvé que la richesse et l’équitabilité peuvent être négativement
corrélées dans les communautés végétales et que l’équitabilité peut rendre compte plus de la
Résultats & Discussion
118
variation avec l’indice de diversité Shannon (H’) que la richesse, ce qui suggère que les
relations entre les composantes de la diversité peuvent être complexes.
Par ailleurs, il n’existe aucun lien statistique significatif entre les variations de l’indice
d’équitabilité (N2/N1) et N2 et celles d’équitabilité (N2/N0) et (N1/N0) dans le milieu
protégé. Alors que dans le milieu pâturé, l’équitabilité n’est plus significative avec N1, N2 et
N2/N1.
2.7. Discussion et conclusion
Au sein de chaque parcours, le régime de pâturage (non pâturé ou intensément pâturé)
caractérise la structure de la végétation puisque le pâturage a été considéré comme le facteur
le plus important qui structure les parcours dans les zones méditerranéennes (Röder et al.
2007). La végétation pérenne est la composante essentielle de ces parcours: sa composition,
sa structure et son organisation déterminent les potentialités de leur production et de leur
régénération (Gamoun et al. 2010a). Ainsi, la productivité et la qualité de fourrage sont des
caractéristiques indépendantes et, en même temps, les effets du pâturage varient selon les
caractéristiques physionomiques et botaniques des parcours (Bottaro, 2007). Leur dégradation
est évidente et continue (Hoffman et al. 1999) et la détermination d’un système de leur
gestion est l’un des défis les plus critiques. Comme il a été démontré par certains auteurs, le
changement d’utilisation des terres, tel que la modification du régime de pâturage, mènent
souvent aux changements de la biodiversité (Chapin et al. 1997; Mooney et al. 1996;
Vitousek et al. 1997, Gamoun et al. 2010a) et la structure de la végétation (Eckert et Spencer,
1987; Noy-Meir, 1979, 1993; Walker et Noy-Meir, 1982; Gamoun et al. 2010a).
Dans les écosystèmes de la Tunisie aride, le pâturage a été considéré comme étant la force
évolutionnaire très importante formant la biodiversité de la végétation et la structure de la
végétation. La plupart des systèmes de gestion des parcours sont adaptés au principe de mise
en repos de certaines parties de ces terres. Dans cette étude nous avons pu mettre en évidence
que la technique de mise en repos stimulait significativement la régénération de la végétation
dans les zones arides, alors que la végétation est faible à très faible dans les zones pâturées.
Cette variation de la végétation (taux de recouvrement, densité, biomasse, productivité et
diversité) parait en relation avec son hétérogénéité spatiale et temporelle. Nous proposons en
conséquence que l’impact de mise en repos sur la végétation constitue le moteur principal de
l’impact de la restauration sur le processus de régénération des parcours dans les zones arides.
Cet impact de mise en repos apparait s’effectuer à travers une influence sur la diversité et la
richesse floristique qui conditionnerait la quantité et la qualité de la production végétale.
Résultats & Discussion
119
Concernant les variables environnementales, des analyses statistiques ont montré
l’existence significative de structures temporelle et spatiale. A l’échelle d’une année, le cycle
saisonnier est lié essentiellement à la structure qualitative et quantitative de la végétation dont
les valeurs sont maximales au printemps. La structure spatiale, définie en prenant en compte
les variables descriptives des sites (type de la végétation, type du sol….) se traduit par
l’existence d’un gradient amont-aval liée au type du sol et type de la végétation.
Dans ces zones sahariennes, les parcours sont organisés selon un gradient édaphique et
selon l’intensité de pâturage en fonction duquel varie la structure de la végétation (Gamoun et
al. 2010a). Sous les conditions naturelles, les parcours perturbés par le surpâturage ou affectés
par la sécheresse, peuvent se régénérer. La tendance de la récupération a avancée lentement
en raison de leur faible productivité qui est généralement épisodique, avec une récupération
plus rapide au cours des années pluvieuses. Plusieurs études ont montré une abondance des
espèces lorsque la pression pastorale a été allégée.
Durant trois années, nous avons montré que l’exclusion des animaux a eu des effets
importants sur la végétation tout au long d’une grande variété de parcours dans le Sud
tunisien. L’effet de cette exclusion ou encore, la mise en repos, sur l’évolution de la
végétation a la possibilité d’intervenir efficacement sur les principaux facteurs de dégradation
dans ce milieu. Les résultats obtenus au cours de trois années d’observations permettent de
bien différencier l’effet de la protection de celui des variations pédoclimatiques tant sur les
ligneux que sur les herbacées mais également sur les sols. Donc, cette technique est
généralement considérée comme une méthode simple et efficace pour la restauration des
parcours collectifs dégradés dans le Sud tunisien.
Notre expérience montre que la protection des parcours a un effet significatif non
seulement sur la biomasse, la productivité et le taux de recouvrement, mais aussi sur la
densité et la diversité floristique. Ces résultats corroborent ceux de plusieurs autres auteurs
(Floret, 1981; Floret et Pontanier, 1982; Gamoun et al. 2010ab). Les variations de la
productivité primaire en fonction de la variation pluviométrique ont été principalement
déterminées par Le Houérou et Hoste en 1977. Ils considèrent que le facteur pluviométrique
est le principal pilote de la variation de la productivité des parcours arides. Notre travail
montre aussi que les changements subis par la végétation sont principalement dues aux
variations climatiques locales. Pour la même période de sécheresse climatique, le
desséchement réel des plantes sur des sols limoneux est plus élevé de 60% que sur les sols
sableux (Floret et Pontanier, 1984).
Résultats & Discussion
120
III. Effet de la sécheresse sur les parcours sahariens
1. Effet de la sécheresse sur quelques parcours protégés
Les événements climatiques tels que les sécheresses constituent pour la végétation des
stress et/ou des perturbations selon leur intensité et leur fréquence. Sur la base de ces
mécanismes élémentaires, les effets de la sécheresse peuvent être analysés à l’échelle des
communautés.
Trois types de parcours collectifs protégés, situés dans la région naturelle du Dhahar (10°
32’, 280 E et 32° 8’, 760 N), ont été maintenus pour cette étude. Ils appartiennent tous au
bioclimat méditerranéen saharien supérieur caractérisé par des étés chauds et secs et des
hivers doux et froids. La principale utilisation de ces terres collectives est le pâturage. Ces
parcours communaux sont surexploités puisqu’en absence d’une loi organisant l’accès aux
parcours chaque éleveur veut augmenter le nombre de ses animaux. Les trois parcours étudiés,
protégés depuis 2007, sont les suivants :
- Parcours 1: situé sur lit d’oued a accumulation sableuse et dominée par de nombreuses
espèces vivaces comme Retama raetam, Hammada schmittiana et Calligonum comosum;
- Parcours 2: situé sur un sol calcaire et dominé par Hammada schmittiana et Anthyllis
sericea;
- Parcours 3: situé sur des sols sableux et dominé par Stipagrostis pungens et Hammada
schmittiana.
Les résultats obtenus sont présentés dans la figure 46. Ces résultats montrent que le taux de
recouvrement varie d’une année à l’autre sur les différents types de parcours.
0
10
20
30
40
50
60
70
80
accumulation sableuse sol calcaire sol sableux
tau
x d
e re
cou
vre
me
nt (
%) 2007
20082009
Figure 46. Taux de recouvrement moyen au niveau des trois types de parcours dans le Sud
tunisien au cours des années 2007, 2008 et 2009.
Les événements climatiques, représentés auparavant dans la figure 29, comme la
sécheresse et les pluies abondantes peut influer le taux de recouvrement. Par contre les
Résultats & Discussion
121
résultats d’analyse de la variance (ANOVA) montrent que le couvert végétal ne dépend plus
du type de sol (F = 2,689 ; P = 0,095) et des précipitations (F = 2,223 ; P = 0,137). Une
interaction est non significative entre ces deux facteurs a été aussi mise en évidence (F =
0,066 ; P = 0,991) (tableau 20).
Tableau 20. Résultats de l’ANOVA à deux facteurs (site et année) du taux de recouvrement
de la végétation.
Source ddl Somme des carrés F Signification Modèle corrigé 8 500,667 1,261 0,322 Constante 1 66603 1342,001 0,000 Site 2 266,889 2,689 0,095 Année 2 220,667 2,223 0,137 Site * Année 4 13,111 0,066 0,991 Erreur 18 893,333
Total 27 67997
Total corrigé 26 1394
En 2007, la richesse floristique sur les parcours à sols calcaires a été plus importante
comparativement aux autres années. En 2008, la richesse était comparable entre les différents
parcours (figure 47).
0
2
4
6
8
10
accumulation sableuse sol calcaire sol sableux
rich
ess
e f
loris
tiqu
e
200720082009
Figure 47. Variation de la richesse floristique de trois types de parcours dans le Sud tunisien
au cours des années 2007, 2008 et 2009.
Par contre, en 2009, considérée comme année très sèche, le sol à accumulation sableuse et
les parcours à sols sableux sont plus riches en espèces végétales que les sols calcaires. Cette
richesse est principalement composée par des espèces pérennes qui représentent 72% de la
totalité de la richesse floristique. Seule Hammada schmittiana est commune entre les trois
parcours, mais la présence de certaines autres espèces est liée aux types de sol et aux
précipitations (tableau 21).
Résultats & Discussion
122
Tableau 21. Répartition des espèces végétales dans les trois types de parcours au cours des
trois années de protection ((+)= présence, (-)=absence).
La figure 52 représente l’effet des conditions pluviométriques et du pâturage sur la diversité
floristique. C’est aussi une indication des potentialités du milieu protégé en années favorables
pour la régénération du couvert végétal. Les résultats montrent que la diversité est maximale
en milieu protégé durant l’année humide (2008), alors qu’elle devient très faible sous l’effet
du pâturage et de la sécheresse.
Les effets d’interaction entre la sécheresse et le pâturage sont très significatifs. L’effet du
facteur ‘sécheresse’ est globalement important, le taux de recouvrement, la richesse floristique
et la diversité ont des valeurs plus importantes en milieu fermé qu’en milieu ouvert.
Résultats & Discussion
128
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
1,2
1,4
1,6
1,8
2007 2008 2009
H'
protégé pâturé
Figure 52. Effets de la sécheresse et du pâturage sur la diversité floristique (H’).
Dans les zones sahariennes de la Tunisie, la protection des terres de parcours est nécessaire
pour la régénération du couvert végétal, et leur résilience, a des répercussions importantes sur
la durabilité des terres dans le futur. Le type de sol et la sécheresse sont deux facteurs
déterminants qui contrôlent la régénération des parcours et permettent de montrer les limites
de la résilience des écosystèmes sahariens et l’intérêt de cette gestion pour la conservation des
terres de parcours. Le sol peut être considéré comme le facteur le plus important affectant la
répartition de la végétation et la sécheresse est le principal facteur de perturbation. L’effet du
type de sol augmente proportionnellement avec la fréquence de la sécheresse. Toutefois, dans
les domaines étudiés et en période de sécheresse, la diversité et la richesse floristique sur les
sols calcaire sont nettement inférieures à celles enregistrées sur l’accumulation sableuse et sur
sols sableux.
D’une manière générale, la sécheresse favorise le processus de désertification, car la
dégradation de la couverture végétale expose davantage les sols à l’érosion, et entraîne son
appauvrissement. De même, la désertification et la dégradation des sols, contribuent à
l’accroissement du phénomène de la sécheresse.
Les causes de la dégradation et la régénération sont assez bien compris. La combinaison
de la sécheresse et le surpâturage prolongée conduit à la dégradation de la végétation, la perte
de la protection des sols de surface et la reprise retardée après la sécheresse. Par contre, la
technique de mise en repos peut limiter l’effet interactif de la sécheresse et de pâturage,
puisque la litière peut couvrir la surface du sol et réduire leur dessèchement, donc constituer
un microclimat favorable à la résistance de la végétation.
Dans cette zone saharienne, qui souffre de conditions climatiques très aléatoires et d’une
fragilité des sols, les opinions sont contradictoires quant aux effets de la période de pâturage
Résultats & Discussion
129
et de la période de repos après la sécheresse sur la diversité végétale. Il est largement observé
que les parcours ont besoin d'une période du repos après la sécheresse et le surpâturage. Dans
un milieu saharien, le pâturage peut rapidement avoir un effet négatif. Une utilisation intense
des parcours sahariens en période de sécheresse réduit le potentiel de production et de profit
pour les années à venir. Donc, en période de sécheresse, les objectifs du gestionnaire sont de
réduire au minimum les dommages subis par les parcours et d'éviter la faillite. Une fois la
sécheresse terminée, le gestionnaire de parcours doit leur donner aux parcours la chance de
repousser afin que la production d'herbe puisse revenir à la normale et atteindre la meilleure
qualité possible. Une bonne gestion après la sécheresse apportera des avantages à long terme à
l’élevage et permet d’assurer un approvisionnement stable en fourrage. Une bonne gestion à
long terme tient compte des années sèches à venir. Ce type de gestion profite au parcours,
améliore la productivité et assure un approvisionnement en fourrage plus stable et plus fiable.
Résultats & Discussion
130
IV. Diagnostic et pilotage des parcours pour une gestion durable
1. Introduction
La gestion des parcours joue un rôle essentiel dans leur durabilité et leur intégrité
écologique dans les écosystèmes pâturés (Hsin-iWu et al. 1996). Certains auteurs considèrent
que l’élevage a un impact positif sur les communautés végétales, particulièrement en cas de
pâturage léger avec des augmentations de diversité floristique (Naveh et Whittaker, 1980;
Waser et Price, 1981; Ayyad et Elkadi, 1982; Noy-Meir et al. 1989; West, 1993). Nos
résultats montrent des impacts plutôt négatifs du pâturage et un impact positif de la technique
de mise en repos sur la végétation dans les zones sahariennes du Sud tunisien.
Compte tenu de l’impact positif de cette technique, et en vue de comprendre les relations
de cause à effet entre les forces environnementales, la végétation et l’élevages qui constituent
notre zone pastorale, on s’est fixé l’objectif de parvenir à une composition végétale au niveau
des parcours offrant une production pastorale maximale à court terme et la plus durable
possible à long terme.
Plutôt que de remédier aux résultats d’une mauvaise exploitation, les utilisateurs des parcours
doivent déterminer et corriger le problème actuel. Par exemple, pour empêcher la baisse de
production, les agriculteurs plantent des espèces fourragères, alors que la vraie raison de la
faible production est le surpâturage.
Fondamentalement, la conservation consiste en une utilisation rationnelle pour assurer une
production soutenue des parcours. Notre question ne porte pas sur l’utilisation des parcours,
mais sur la rationalité des utilisations afin que les parcours soient maintenus en bon état.
Donc, cette technique de mise en repos de courte durée peut être un élément de gestion des
parcours. Autrement, devant la situation actuelle des parcours sahariens, la question suivante
peut être posée: est-ce là une situation inéluctable ou pouvons-nous y remédier à l’aide de
certaines techniques permettant d’exploiter durablement ces parcours ?
Ainsi, notre premier objectif, de cette partie de travail, est de présenter le facteur qui influe
sur la répartition de la végétation dans les différents parcours, et de montrer comment sa
compréhension peut être utilisée pour orienter les programmes de surveillance de la diversité
pour savoir où localiser les sites dans des contextes régionaux appropriés. Le travail d’évaluation de la variation spatiale de la végétation, a été mené sur 4 types de
parcours appartenant au site d’Oum Trad (figure 53 et 54), qui ont été protégés depuis trois
années.
Résultats & Discussion
131
accumulation sableuse
sol calcaire
sol limono-sableux
sol sableux
Figure 53. Parcours étudiés (Oum Trad) dans le but de suivi-évaluation de leur gestion.
Résultats & Discussion
132
accumulation du voile éolien
croute calcaire, bloc de 0,3 à 15 kg
encroutement calcaire avec quelques cailloux de croute
encroutement calcaro gypseux avec peu de racines
sable mobile
texture sableuse fine
texture sableuse plus ou moins grossière
texture sablo-argileuse
accumulation sableuse
graviers
texture sableuse plus ou moins grossier
texture sableuse à sablo argileuse fine
texture sablo limoneuse avec cailloux
texture sablo limoneuse plus fine
texture sablo limoneuse avec calcaire bien structuré
0 cm 0 cm
0 cm 0 cm
20 cm
20 cm 20 cm
20 cm
40 cm
40 cm 40 cm
40 cm
60 cm
60 cm 60 cm
60 cm sol calcaire sol sableux
accumulation sableuse sol limon-sableux Figure 54. Profils des quatre types de sols caractérisant les parcours étudiés.
2. Typologies, description et caractérisation de la végétation des parcours protégés
La végétation étudiée est de qualité très variable pour l’élevage, notamment en fonction de
l’altitude, de la nature du terrain et de l’exposition. Or, il est maintenant possible d’avoir une
description globale de ces parcours par un inventaire des végétations. Cette description
représente un outil supplémentaire pour adapter les mouvements des troupeaux durant l’été ou
encore le nombre optimal d’animaux que le parcours peut recevoir.
La pression du pâturage est l’une des principales menaces pour la diversité des parcours,
mais, en raison de la variabilité spatiale et temporelle, il est plus difficile à le quantifier
(Landsberg et Crowley, 2004).
Résultats & Discussion
133
L’utilsation de méthodes statistiques basées sur l’indice de Jaccard (qui renseigne sur les
similarités et la composition en espèces des sites) est une méthode objective de classement
des communautés végétales. Cette technique de classification sépare différents groupes en
fonction de leur similarité pour donner des groupes distincts, qui peuvent être prises comme
représentatives des différentes communautés.
Dans cette étude nous proposons un ensemble de 4 relevés phytosociologiques, placés en
colonnes, comportant 69 espèces, placées en lignes. Les cellules du tableau contiennent des
classes d’abondance.
Le dendrogramme de la figure 55 montre que la classification sépare tous les relevés. Ainsi,
chaque groupe peut être distingué à chaque niveau de dissimilarité mais ils sont reliés touts
entre eux au niveau de 65% de similarité.
1,00
0,80
0,60
0,40
0,20
0,00
-0,20
R2
R3
R1
R4
Figure 55. Indices de similitude de Jaccard (dendrogramme) entre les relevés.
La variation du milieu édaphique et micro topographique nous permet de diviser
l’ensemble en 4 groupes distincts caractérisés chacun par son type de sol (figure 55):
- Groupement G1 à Gymnocarpos decander et Anthyllis sericea sur un sol calcaire.
- Groupement G2 à Stipagrostis pungens et Hammada schmittiana sur un sol sableux.
- Groupement G3 à Pennisetum dichotomum sur un lit d’oued avec accumulation
sableuse.
- Groupement G4 à Hammada scoparia et Helianthemum kahiricum sur un sol limono-
sableux ;
2.1. Variation du taux de recouvrement en fonction du type de sol
Les résultats relatifs aux taux de recouvrement des plantes des différents parcours protégés
durant trois années, sont regroupés dans la figure 56. Les valeurs enregistrées pour les
Résultats & Discussion
134
différents parcours nous montrent que les taux de recouvrements au niveau des sols sableux
sont les plus élevés suivis par les accumulations sableuses, les sols calcaires et enfin viennent
les sols limoneux avec des moyennes avoisinant les 77%, 67%, 50% et 48% respectivement.
0102030405060708090
sol sableux accumulation ableuse sol calcaire sol limono-sableux
reco
uvr
em
en
t (%
)
Figure 56. Taux de recouvrements des différents types de parcours étudiés enregistrée en
Mars 2007.
Les analyses statistiques (ANOVA) de ces paramètres en fonction du type de sol, montrent
que cette variation est significative au seuil de 5% (tableau 27).
Tableau 27. Résultats d’ANOVA du recouvrement global de la végétation de différent type
des parcours protégés.
Somme des carrées ddl Moyen des carrées F Signification
Entre les groupes 1735,333 3 578,444 315,515 0,000
Au sein des groupes 14,667 8 1,833
Total 1750,000 11
2.2. Variation de la densité en fonction du type de sol
Les résultats relatifs à la densité totale des espèces inventoriées au niveau de chaque
La proportion des différentes catégories de plantes varie en fonction du mode de gestion
des parcours. Les courbes de la figure 73 montrent qu’à mesure que l’état des parcours se
détériore, la proportion des plantes très appétées diminue, tandis que la proportion de plantes
non appétées augmente. À mesure que l’état du parcours décline, la proportion d’espèces
végétales très appétées dans la communauté diminue, alors que les plantes non appétées
s’accroissent. Les espèces moyennement appétées deviennent plus abondantes sous un
pâturage léger à modéré, mais elles disparaissent des pâturages surexploités en mauvais état.
Résultats & Discussion
156
Con
trib
utio
n re
lativ
e a
u no
mb
re to
tale
(%)
100
80
40
60
20
0
excellent bon moyen mauvais
Catégorie d’état de parcours
Plantes très appétées Plantes non appétées
Plantes peu appétées
100 50 2575 0
Figure 73. Graphique des classes d’état de parcours étudié (modifiée par Trottier, 2002).
3.2.9. Capacité de résilience
La question qui se pose est relative à la capacité de récupération des parcours en cas
d’allégement de la pression de pâturage et si le pâturage cause un changement irréversible ?
La résilience des parcours peut être suivie en étudiant la résilience de ses composants : la
diversité (résilience structurale) et la productivité (résilience fonctionnelle).
Toutes les données enregistrées au cours de notre étude (recouvrement, diversité, richesse,
et productivité) nous permettent de définir une nouvelle trajectoire des parcours sous l’effet
du pâturage rationnel avec une capacité de charge bien déterminée. Le suivi de la végétation
montre que celle-ci, tout en étant très variable d’une année à l’autre dans ses attributs
quantitatifs (couvert, biomasse, densité) et qualitatifs (composition floristique, valeur
fourragère), est aussi très résiliente. Les ressources pastorales du Sud tunisien semblent
former un système globalement résilient, sous une pression sans cesse croissante de pâturage.
Toutefois, l’impact du pâturage sur l’abondance et sur la richesse spécifique est assez grave,
mais il semble être compensé par une gestion rationnelle (Gamoun et al. 2011a).
L’exploitation des parcours d’une façon continue, peut porter préjudice à la résilience de ces
systèmes. Cette perte de résilience, appelée désertification, réduit la productivité potentielle
des terres, et par conséquent la qualité de vie des populations locales. Une réelle protection
contre le pâturage s’impose donc pour ces ressources naturelles, et peut améliorer la résilience
des communautés face aux perturbations.
Sous l’effet du pâturage contrôlé, un parcours parait très résilient et le pâturage ne cause
pas la réduction irréversible de la productivité du paysage. Ainsi, le processus de résilience
permet à un système écologique d’évoluer vers un état de référence après une faible
perturbation. La végétation d’un parcours en bon état est composé d’une bonne proportion
Résultats & Discussion
157
d’espèces pérennes et non dominé d’espèce désagréable, il possède également un bon état de
résilience contre la dégradation et peut régénérer après un certain niveau de dégradation
(figure 74).
Str
uctu
re e
t fon
ctio
n d
e pa
rcou
rs
temps
pâturage continu protection 3 années pâturage contrôlé protection 7 mois
Figure 74. Représentation de réponses (résilience) des parcours étudiés.
Les espèces bien adaptées aux conditions du milieu comme Gymnocarpos dacander et
Anthyllis sericea, sont majoritaires et contribuent fortement à la résilience du couvert végétal.
Autrement dit, cette résilience résulte de la coexistence d’espèces fonctionnelles ou espèces
capables de résister à tout moment, quelques soient le niveau et les effets de la perturbation
(figure 75).
Figure 75. L’importance de la production fourragère laissée dans le parcours de Dhahar après
une exploitation estivale durant deux mois, constitue un indicateur de l’intensité du pâturage
(Septembre 2007).
Résultats & Discussion
158
Ces parcours arides voire sahariens ont la capacité d’amortir les perturbations et montrent
ainsi une bonne résilience quand ils sont protégés pendant une période adéquate, et soumis à
une capacité de charge bien définie. Ces résultats corroborent ceux obtenus par Seifan (2009)
et Tucker et al. (1991) qui indiquent que certains écosystèmes arides peuvent montrer une
résilience élevée face à l’exploitation à long terme.
Le pâturage léger ne peut pas affecter la majorité des espèces pérennes, si une plante est
pâturée pendant la première phase, elle est forcée de mobiliser plus d’énergie à partir des
racines pour repousser de nouveau de s’élever encore (figure 76).
Étape 1: la plante a été consommée à l’état frais par pâturage et commence à croitre, tirant son énergie des racines.
Étape 2: la plante est moitié développée et a assez de feuilles vertes pour capturer assez de lumière pour sa croissance future.
Étape 3: la plante a récupéré de pâturage et elle stocke de l’énergie dans les racines.
Figure 76. Étapes de régénération d’une plante pâturée (d’après Stuefer, 1999).
4. Discussions et conclusions
Avant de discuter des propriétés de stabilité du système, il est nécessaire de caractériser la
situation écologique. Le niveau de description de cette étude est celui du parcours. Au niveau
évolutif, cela se traduit par la prise en compte des variations de la diversité concernant
l’ensemble des parcours étudiés. A cette échelle et compte tenu du développement
extrêmement rapide de l’exploitation des ressources en zones arides, il paraît pertinent de
situer l’état de référence au niveau le plus faible possible d’exploitation des parcours.
Dans les zones sèches, la pluviométrie est le premier facteur influençant la répartition
temporaire (saisonnière) des végétaux. Le mode de gestion seul ne peut pas influer la
variabilité annuelle de la richesse floristique qui est principalement régie par la pluviométrie
(Sheuyange et al. 2005; Westbrooke et al. 2005). Avec ses propres caractéristiques, la
végétation saharienne forme une composante importante jouant un rôle clé dans la
restauration des parcours.
La qualité et la valeur des parcours sahariens dépendent avant tout de la proportion des
espèces végétales qui les composent, de leurs productivités et de leurs palatabilités. Dans
Résultats & Discussion
159
notre étude nous avons remarqué que le taux de recouvrement sur les sols sableux est souvent
plus élevé que celles des sols calcaires, ce qui corrobore les résultats de Le Houérou (1990)
qui rapporte que la végétation est disposée, selon un mode diffus, sur les substrats sableux et
selon un mode contracté, sur les substrats squelettiques ou limono-sableux.
De même la production se révèle être, quel que soit le groupement végétal, plus élevée sur
les sols sableux que sur les sols calcaires. Sur ces derniers, la production herbacée reste
toujours négligeable par apport à la production ligneuse du fait de l’absence quasi absolue de
gros individus.
La gestion des parcours et des ressources naturelles, est devenu de plus en plus complexes
(Boyd et Svejcar, 2009), mais elle reste toujours importante pour assurer la subsistance de la
population rurale, générer des revenus, et améliorer la productivité économique (Jauffret et
Lavorel, 2003; Dembélé et al. 2006). Dans cette partie de notre étude, nous sommes
concentrés sur la réponse de la végétation naturelle à la gestion du parcours. Les stratégies de
gestion devraient considérer non seulement leur capacité de charge, mais aussi la durée de la
mise en repos et l’intensité du pâturage (Blanco et al. 2008). La présente étude, montre
qu’une protection de trois années d’un parcours saharien dans le Sud tunisien a entraînée une
augmentation remarquable de la couverture végétale, de la richesse floristique et de la
productivité. D’autre part, le pâturage influence constamment la végétation, soit directement
(par broutage) et indirectement (par piétinement) (Gamoun et al. 2010b). Sous protection, la
végétation de la zone d’étude est très riche en espèces, surtout pendant la saison de croissance.
La plupart des espèces végétales, et essentiellement celles à intérêt pastoral plus élevé, sont
considérées comme des espèces clés des parcours sahariens.
Compte tenu du développement extrêmement rapide de l’exploitation des ressources en
zones arides, il paraît pertinent de situer l’état de référence aux exploitations modérées des
parcours. D’après les résultats de notre étude, le parcours protégé pendant trois ans puis
soumis à une exploitation contrôlée suivie par une courte période de repos, apparaît nettement
plus diversifié que le parcours soumis à une forte pression pastorale. Ces résultats suggèrent
que la technique de mise en repos pourrait permettre une restauration de la richesse
floristique, tandis que le pâturage intensif impose de graves impacts sur les parcours
sahariens.
Le niveau de pression pastorale peut influer la durée de la phase végétative des plantes. Pour
Plantago albicans et Gymnocarpos decander, une pression forte est favorable pendant la
phase végétative et permet de prolonger sa durée. Cependant, une pression pastorale très forte
empêche, même au cours des années pluvieuses, les individus d’Echiochilon fruticosum,
Résultats & Discussion
160
Plantago albicans et même Gymnocarpos decander de fleurir, de grainer et donc d’assurer
leur reproduction sexuée. Par contre, ces espèces parviennent à boucler leur cycle de
reproduction sexuée, même en année sèche, si la pression pastorale reste faible (Le Floc’h,
2000). Les espèces présentent donc des réponses contrastées à la pression pastorale.
Echiochilon fruticosum et Gymnocarpos decander sont, par exemple, défavorisées par rapport
à Plantago albicans, qui est caractérisé par une forte capacité de multiplication végétative
(Hanchi, 1987).
Sous une gestion écologique et une participation locale de la communauté bien impliquée,
le parcours étudié a le potentiel de s’améliorer. Notre système écologique apparaît plus
diversifié sous la mise en défens temporaire et sous le pâturage modéré que sous un pâturage
continue.
Nous avons montré que le pâturage a un impact négatif sur la diversité floristique des
parcours. La diversité de Shannon & Weaver (H’) varie significativement entre la pression
pastorale modérée et la forte pression (P < 0,05). À l’inverse, l’effet de ce facteur sur
l’équitabilité est plus souvent non significatif (P > 0,05). Cet impact négatif résulte de la
faible hétérogénéité du milieu saharien. Dans un même parcours soumis à la technique de
mise défens temporaire, après un pâturage contrôlé (charge animale et durée de pâturage bien
déterminés) suivi par une courte période de protection, la diversité n’est que très légèrement
affectée (effet non significatif, P > 0,05). Ces résultats suggèrent que le pâturage modéré un
moyen efficace de maintenir la diversité de parcours, et que le surpâturage a entraîné une
détérioration de cette ressource vitale. Ces résultats appuient les résultats de Floret (1981) qui
montre que des courtes périodes de pâturage alternées avec des périodes de repos végétatif,
sont généralement plus favorables que la protection stricte pour permettre l’installation de
jeunes plantes pérennes et favoriser la germination des espèces annuelles.
La richesse floristique diffère significativement entre la pression pastorale modérée et la
pression forte (P < 0,05). Dans le même parcours, après une exploitation contrôlée suivie par
une courte période de repos, la flore n’est que très légèrement affectée (P > 0,05). Les
animaux réutilisent préférentiellement les zones qu’ils ont préalablement défoliées, leurs
choix ne sont pas dictés par une hiérarchie absolue de valeurs nutritionnelles, allant, comme
on pouvait le croire (Lardon et al. 2001), de la meilleure à la plus mauvaise plante. Lorsqu'il
exploite des surfaces hétérogènes, l'animal retrouve une plus grande liberté de choix par
rapport à des systèmes où il est conduit sur un couvert d'herbe plus uniforme (Dumont et al.
2001), ce qui stabilise l’hétérogénéité structurale des couverts et à terme, stabilise leur
Résultats & Discussion
161
diversité végétale. L’impact du pâturage est donc largement ressenti par l’ensemble du
peuplement, cette pression et une certaine non-sélectivité des pratiques de pâturage peuvent,
en effet, retarder la phénologie des plantes et conduire à une nouvelle mosaïque des parcours
et induire de profonds changements dans les communautés et leurs structures
Cependant, nos résultats montrent que le pâturage contrôlé suivi par mise en repos conduit
à une amélioration importante de la végétation naturelle, de la richesse en espèces pérennes et
de la productivité qui peut être améliorée de plus de 50%. Des résultats similaires ont été
rapportés par Ayyad et El-Kadi (1982), où le taux de recouvrement, la richesse floristique et
la productivité augmentent suite à une mise en repos. En fait, le pâturage contrôlé peut servir
de fourrage adéquat pour l’élevage tout en maintenant la qualité de l’environnement. Cette
pratique de gestion semble aider à maintenir la viabilité et la conservation du patrimoine
floristique. Selon certains auteurs (Ayyad et El-Kadi, 1982), le pâturage contrôlé peut avoir
des conséquences meilleures que la protection complète. Dans les zones arides, où
l’évapotranspiration est plus élevé, le pâturage contrôlé peut réduire la biomasse aérienne de
façon à ce que le système racinaire peut subvenir aux besoins en eau de la plante (Le Floc’h,
2001).
Bien que la productivité des parcours soit fortement influencée par la variation des
précipitations, le pâturage contrôlé à courte période suivit par une phase de mise en repos a
montré une tendance globale relativement élevée de la productivité contre le pâturage continu.
Sous un pâturage continu, les animaux ont tendance à être moins sélectif (Westoby et al.
1989) et consomme plus d’espèces même de faible palatabilité. Alors que l’exploitation d’un
milieu plus hétérogène, avec une charge et une période limité, la consommation est plus
sélectif, et l’animal n’aurait pas la chance de rebrouter les plantes.
Des taux de charge adéquats sont essentiels à la gestion durable et la pérennité de ces
écosystèmes afin de maintenir la structure et la productivité de la végétation. Le pâturage de
notre site pendant deux mois par une pression pastorale avec un nombre ne dépassant pas
1700 têtes n’a pas réduit le couvert végétal en dessous du point critique (20-25%) au cours de
laquelle l’érosion peut se produire (Le Houérou, 1995b), de sorte que la régénération a été
plus rapide et le pâturage serait à nouveau possible pour la prochaine saison. La quantité de
biomasse produite détermine la disponibilité en fourrage et contraint ainsi la capacité de
charge en élevage. Les changements d’état de parcours peuvent également entraîner des
problèmes économiques et sociaux en raison de leur impact négatif sur la capacité de charge.
A partir de 60% de la quantité de fourrage exploitée par l’élevage, et ils ont pu consommer
2.49 kg de MS pour une tête par jour, ce qui est considéré comme une valeur normale, notre
Résultats & Discussion
162
parcours peut représenter une autre ressource fourragère dans la prochaine saison. La capacité
de charge de chaque zone n’est pas considérée comme un paramètre fixe, mais plutôt comme
une variable dépendante de la pluviométrie.
Après avoir déterminé la capacité de charge des parcours étudiés (0,14 têtes. ha-1.an-1 ou
encore 51 têtes.ha-1.jours-1), la question qui se pose ; qu’est ce qui causerait plus de
surpâturage : 0,14 têtes qui paître 1 ha pendant une année ou 51 têtes qui paître la même
parcelle pendant une journée ? Le taux de charge est le même, mais l’effet sur le parcours est
très différent (figure 77).
Dans le premier cas, l’animal retourne à des plantes précédemment pâturées parce que la
nouvelle croissance serait plus acceptable et plus nutritive que celles qui sont plus âgées. Dans
le second cas, les animaux pourraient probablement pâturer toutes les plantes, mais n’auraient
pas la chance de les rebrouter. Donc, le premier cas qui représente un pâturage continu
entraînerait plus de surpâturage. Ceci nous permet de montrer que le surpâturage peut être
définit comme suit ; le surpâturage est le pâturage d’une plante avant de se récupérer de la
pâture précédente.
0.14 tête pour une année 51 têtes pour une journée
Figure 77. Variation du temps et du nombre d’animaux avec un taux de charge constant.
Conclusion générale
163
V. Conclusion générale
Les recherches développées dans le cadre de cette étude ont été motivées par un problème
de gestion des parcours sahariens. Il a été en effet largement mentionné que les plantes ont
besoin d’une période de repos après le surpâturage pour assurer leur durabilité et permettre
leur résilience.
Les parcours étudiés sont caractérisés par des précipitations moyennes annuelles de 75
mm. an-1. Il est clair que la désertification est la conséquence de la mauvaise gestion de
l’environnement, mais aussi des sécheresses. Les résultats obtenus dans le cadre de cette étude
montrent que le type de sol et le climat représentent les deux facteurs déterminants qui
contrôlent l’état des parcours et la capacité de résilience des steppes. Le sol peut être
considéré comme le facteur le plus important affectant la répartition de la végétation alors que
la sécheresse est le principal facteur de perturbation. Sur les substrats sableux, la végétation
est disposée, selon un mode diffus, et selon un mode contracté, sur les substrats squelettiques.
La corrélation significative entre les précipitations et le taux de recouvrement indique que le
couvert végétal est très sensible aux variations des précipitations. L’effet du type de sol
augmente proportionnellement avec la fréquence des sécheresses, qui a eu pour conséquence
une réduction du taux de recouvrement, de la richesse floristique et la diversité. Toutefois,
dans les zones étudiées et pendant les années sèches, le couvert végétal sur les sols limono-
sableux est plus affecté par la sécheresse que sur les autres sols, tandis que la diversité a été
affectée par la sécheresse sur tous les sols et surtout sur les sols calcaires et les sols limono-
sableux.
Les ressources pastorales du milieu saharien semblent former un système globalement
résilient sous une pression de pâturage sans cesse croissante, et peuvent montrer une
résilience élevée face à l’exploitation à long terme. L’impact du pâturage sur la végétation est
cependant grave, mais il peut être compensé par une gestion rationnelle. L’état des parcours
s’est généralement amélioré sous la technique de mise en repos et s’est détérioré sous un
pâturage continu. Dans le cas de mise en repos, les attributs vitaux de la végétation (taux de
recouvrement, densité, richesse floristique, diversité, biomasse et productivité), s’éloignent
temporairement de leur état de référence (milieux pâturé). Dans le cas du pâturage, la
dynamique de la végétation va être réorientée sur une nouvelle trajectoire, et les paramètres de
la végétation tendent vers des niveaux parfois irréversibles. L’exclusion du pâturage durant
trois années avait conduit à un nouveau parcours plus hétérogène. La dynamique de la
végétation est surtout influencée par les conditions climatiques. Le surpâturage peut causer
une forte dégradation des espèces végétales, indépendamment de la sécheresse, mais la
Conclusion générale
164
combinaison de la sécheresse et le surpâturage accélère cette dégradation ce qui ne pouvait
pas se produire avec sécheresse seule.
Sous les mêmes conditions climatiques, la succession peut varier considérablement d’un
site à un autre en raison de différentes textures du sol. L’effet de la mise en repos est évident,
mais diffère selon le type du sol étudié. A l’issue de cette étude, nous avons pu montrer que
les sols sableux et les lits d’Oueds avec accumulation sableuse permettent le développement
d’une végétation plus diversifiée et plus productive que les sols calcaires et les sols limono-
sableux, alors que ces deux derniers sont plus résistants au pâturage. Nous avons également
constaté que la diversité et le taux de recouvrement étaient des facteurs prédictifs de la
productivité et de la biomasse. Ces résultats montrent aussi que la corrélation entre la
biomasse et le taux de recouvrement dépend du type de sol. Généralement, nous avons
constaté que la productivité augmente linéairement avec l’augmentation de la diversité
floristique.
Nous avons montré aussi que les communautés végétales de ces parcours sont résilientes
suite un pâturage modéré, et que les problèmes de la dégradation et la désertification ne
commence que si le système est mis hors de son équilibre. La durabilité n’est donc assurée
que si une protection est appliquée pour stimuler une nouvelle structure acceptable pour
l’élevage et pour maintenir un couvert végétal plus hétérogène et un taux de charge qui ne
dépasse pas la capacité de charge d’équilibre. Ces parcours peuvent ainsi être gérés pour tout
type d’utilisation des terres mais avec une rationalité performante.
Par rapport à notre état de référence (pâturage extensif en saison sèche), la pratique de mise
en repos pendant trois années augmente progressivement la richesse floristique, la densité des
espèces, le taux de recouvrement, la biomasse et la productivité, alors que le surpâturage les
diminue fortement. De même, tous ces paramètres augmentent légèrement suite à une
exploitation estivale (mois de Juillet et Aout) suivi par une deuxième mise en repos de courte
duré (7 mois), et le processus de résilience va permettre le retour de ces paramètres sur la
trajectoire initiale. Nous confirmons ainsi que la mise en repos et le pâturage contrôlé des
parcours sahariens constituent des outils efficaces de gestion durable de ces écosystèmes. En
contrôlant la charge animale, les gestionnaires conservent l’état des parcours tout en assurant
la productivité continue des plantes pastorales.
Les conditions de restauration des parcours très dégradés restent toutefois problématiques,
en raison de la possibilité de transformations irréversibles (pertes d’espèces, dégradation du
sol). Même en cas de mise en repos prolongée, le processus naturel de restauration risque
d’être très lent.
Conclusion générale
165
Généralement ces parcours sahariens ont un des taux de charge les plus élevés au Sud tunisien
en terme d’unités animales par hectare en production de fourrages, ce qui veut dire qu’en
production animale il reste peu de marge de sécurité en production fourragère en temps de
pénurie. Le processus de restauration de ces parcours dégradés commence par une réduction
de la pression de pâturage, et doit suivre les règles et les principes de l’écologie et de
l’économie, afin de ne pas créer des nouvelles dégradations des ressources naturelles. La
technique de la mise en repos des ces parcours dégradés durant une période de trois années a
favorisé leur régénération, en les rendant capable d’être exploités, mais avec une capacité de
charge ne dépassant pas 0,14 tête.ha-1.an-1, durant deux mois d’été. L’importance de la
production pastorale laissée dans le parcours constitue un indicateur de l’intensité du pâturage
dans le futur. Bien que la quantité optimale varie selon la végétation, en règle générale, laisser
une production fourragère élevée favorise un parcours en meilleure santé.
La pratique du pâturage contrôlé, qui consiste à déplacer les animaux dans différents
endroits pendant la saison de croissance, peut offrir à la végétation une période de repos et lui
permettre de se reproduire. Sous ce type du pâturage contrôlé, les animaux pourraient
probablement pâturer toutes les plantes, mais n’auraient pas la chance de les rebrouter, alors
que le pâturage continue entraînerait plus de surpâturage, et l’animal retourne à des plantes
précédemment pâturées parce que les nouvelles croissances seraient plus acceptables et plus
nutritives que celles qui ont une croissance plus âgée.
Un pâturage au cours de la saison sèche avec une charge modérée peut favoriser
l’installation d’une biomasse herbacée et ligneuse, permettant d’épargner un système de
pâturage pour un estivage ovin et caprin durable.
La présente étude a permis d’améliorer nos connaissances sur les différents effets du
pâturage sur la dynamique des parcours sahariens. Il est bien reconnu que le surpâturage peut
avoir divers effets négatifs, dont certains sont graves surtout à long terme. Notre étude a
permis d’établir des lignes directrices pour la restauration des parcours. A partir de ces
résultat, nous pouvons conclure que la durabilité ne peut être assurée qu’a travers le maintient
d’un couvet végétal hétérogène et un taux de charge animale ne dépassant pas la capacité
d’équilibre. Cette méthode exige davantage d’intrants, c’est-à-dire de main-d’œuvre, de temps
et de planification pour le déplacement des troupeaux, ainsi que pour la planification générale
des stratégies de rotation.
Il s’avère ainsi que, les meilleures pratiques de gestion de nos parcours exigent, avant tout,
une mentalité de gestion, un jugement et des observations accrues et une flexibilité mentale.
La technique de la régénération naturelle pour la reconstitution, solution que nous
Conclusion générale
166
préconisons, présente des intérêts multiples sur les plans économique et écologique. Les
destructions observées doivent être également l’occasion d’une réflexion approfondie sur le
parcours que l’on souhaite pour demain, réflexion intégrant un examen critique du parcours
sinistré. Les méthodes utilisées, la composition, la structure et la gestion du parcours du futur
doivent s’inscrire totalement et parfaitement dans le cadre des exigences internationales de
gestion durable. Le choix de la méthode de l’exploitation d’un parcours amélioré dépend de
l’objectif de l’éleveur, de la nature et du type de parcours choisi. Un parcours destiné à la
réalisation de pâturage doit être sans déficit important, il doit être exclusivement réservé à
cette exploitation pour éviter une détérioration par les animaux.
La bonne gestion des ressources naturelles sahariennes, nécessite une attention particulière
à d’autres facteurs, en maintenant le risque à un certain niveau acceptable. La gestion est
difficile quand la qualité du fourrage est raisonnablement mauvaise tout le temps, et lorsque
les conditions de croissance des plantes sont défavorables et imprévisibles.
Donc, les enjeux de restauration des parcours sahariens ne se posent plus seulement en
termes de réponse de la végétation aux pratiques de gestion mais aussi en termes de réponse
aux changements climatiques. Une utilisation intense des parcours sahariens en période de
sécheresse réduit le potentiel de production et de profit pour les années à venir. Donc, en
période de sécheresse, les objectifs du gestionnaire sont de réduire au minimum les
dommages subis par les parcours et d'éviter la faillite. Une fois la sécheresse terminée, les
éleveurs doivent donner aux végétations la chance de repousser afin que la production puisse
revenir à la normale et atteindre la meilleure qualité possible. Une bonne gestion après la
sécheresse apportera des avantages à long terme à l’élevage et permet d’assurer un
approvisionnement stable en fourrage. Une bonne gestion à long terme tient compte des
années sèches à venir. Ce type de gestion profite au parcours, améliore la productivité et
assure un approvisionnement en fourrage plus stable et plus fiable.
Conclusion générale
167
Perspectives
Bien entendu, ce travail a pu procurer des données de base pour une première évaluation
des potentialités floristiques des parcours sahariens sous l’effet de la technique de mise en
repos et du pâturage contrôlé.
Mais pour mieux cerner le problème de dégradation et faire une évaluation beaucoup plus
complètes de ces ressource naturelles, cette étude doit être compléter par une étude spatiale, à
l’aide d’analyses photosatellitaires, mettant en évidence les proportions et les répartitions
réelles des différents types de parcours.
Malgré la résilience de ce type d’écosystème, les conclusions de cette étude nous montrent
que pour mieux gérer efficacement les parcours sahariens, il est impératif de compensé le
besoin alimentaire de l’élevage mais surtout de pérennisé nos effort dans le futur.
L’étude de l’efficacité du pâturage contrôlé pour une gestion durable des espaces pastoraux
saharien pourrait être également complétée par d’autres axes de recherches. Pour les éleveurs,
la compréhension n’est pas la seule façon d’adapter la gestion des parcours: la plantation des
espèces fourragères est aussi possible et la mode de conduite des animaux peut être modifiée.
Ainsi un soutien des pratiques alimentaires actuelles avec une amélioration de la
couverture des besoins alimentaires sur l’année, une sensibilisation à la gestion des parcours
naturels et la mise en place de petites parcelles de cultures fourragères nous semblent les
étapes préalables indispensables à la réussite d’une installation ultérieure et à la bonne gestion
des parcours sahariens.
Enfin, une extension de cette étude serait également indispensable si l’on désire que nos
travaux soient considérés comme agro-écologiques. En effet, il est difficile de parler
d’agriculture, ou de toute autre activité professionnelle, sans parler de la rentabilité
économique de cette activité.
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ANNEXES
Annexe 1
Tableau 1. Fiche de de relevé phytosociologique (méthode de Braun-Blanquet)
Annexe 2
Tableau 2. Étude linéaire de la végétation
Annexe 3
Tableau 3. Étude de la densité des espèces végétales
Résumé Les parcours sahariens du Sud tunisien constituent des espaces pastoraux susceptibles de fournir de nombreux
services économiques et environnementaux. Lentement et silencieusement, la destruction du couvert végétal met en
péril l’état des parcours. De nombreuses mesures ont été mises en place par les pouvoirs publics, en vue de modifier
certaines pratiques du pâturage liées à l'utilisation des terres. Elles risquent, cependant, de ne pas être suffisantes pour
garantir une gestion durable des espaces pastoraux. Le pâturage rationnel peut constituer un mode de gestion durable
de ces espaces adapté à des objectifs de préservation et de restauration des parcours, pouvant concilier les enjeux
écologiques et agronomiques.
Dans ce contexte, l’objectif de cette thèse est d’arriver à une meilleure compréhension de la réponse des
communautés végétales sahariennes à la mise en repos et au pâturage et par conséquent à une gestion durable des ces
espaces.
Le résultats obtenus montrent que la mise en repos a un impact positif sur le taux de recouvrement, la densité, la
richesse et la diversité floristiques, la biomasse et la productivité de tout les parcours étudiés, et que les écosystèmes
sahariens peuvent avoir une résilience élevée face à l’exploitation à long terme. Le surpâturage conduit à une baisse du
taux de recouvrement et de la richesse floristique qui sont les principaux contributeurs à la productivité des parcours.
Notre étude montre aussi que la dégradation du couvert végétal, sous l’effet de la sécheresse varie selon le type du sol. Il
parait que les sols sableux et les parcours à accumulation sableuses sont plus productifs que les sols calcaires, alors que
ces derniers qui sont plus affectés par la sécheresse, étaient plus résistants au pâturage. Sur les substrats sableux la
végétation est disposée selon un mode diffus, et selon un mode contracté, sur les substrats squelettiques. Les résultats
montrent aussi que la combinaison de la sécheresse et le surpâturage prolongée conduit à la dégradation continue de
la végétation.
En raison de la dégradation sévère des parcours sahariens, la durabilité de la production d’élevage est en question.
Avec une charge animale qui ne dépasse pas la capacité de la charge d’équilibre pendant une courte période de
pâturage estival (2 mois), le pâturage contrôlé constitue un outil efficace de gestion durable des parcours sahariens.
Ce travail qui constitue une étape vers une approche prédictive de la gestion des parcours basée sur la structure et le
fonctionnement des écosystèmes peut se révéler d’une grande utilité dans l’optique de la gestion des parcours naturels
après une période de sécheresse.
Mots clés : restauration, parcours sahariens, mise en repos, gestion, résilience.
Abstract Rangeland of Saharan Tunisia may provide economic and environmental services. Slowly and quietly, degradation
of vegetation cover threatens rangeland sustainability. Many measures have been implemented by the
government with a view to change some grazing practices related to land use. They may, however, not be sufficient to
ensure sustainable rangeland management. Rational grazing can be a way of sustainable management of these areas
suitable for the goals of restoration and rangeland management, to be able to balance ecological and agronomic
issues.
In this context, the main objective of this thesis seek towards a better understanding the response of different
Saharan rangelands to protection and grazing and therefore, more sustainable management strategy of these
rangeland.
The current results have shown a significant effect of protection on vegetation cover, density, species richness,
diversity, biomass and productivity of all studied rangeland, and the Saharan ecosystems may have high resilience
front the long term exploitation. Overgrazing leads to a reduction of vegetation cover and diversity which are major
contributors to rangeland productivity. Our study showed that, the degradation of vegetation cover, under drought
depends on soil types. It appears that, the sandy soil and wadi bed are more productive than limestone soils, while the
latter two most severely affected by drought were more resistant to grazing. On sandy substrates, the plants are arranged in a diffuse mode and contracted on limestone soil. The results also show that combination of
droughts and overgrazing led to rangeland degradation.
Due to the severe degradation of Saharan rangeland, the animal production is the question of sustainability.
Livestock stocking rates not exceed the carrying capacity for short period of grazing (2 months), controlled
grazing can be an effective tool to sustainable Saharan rangeland management.
This work is a step towards a predictive approach to rangeland management based on ecosystem-structure and
function can be very useful in the context of the rangeland management after a period of drought.
Key words: restoration, rangeland of Saharan, rest, management, resilience.