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Pierre Thillet Jamblique et les mystères d'Égypte In: Revue des Études Grecques, tome 81, fascicule 384-385, Janvier-juin 1968. pp. 172-195. Citer ce document / Cite this document : Thillet Pierre. Jamblique et les mystères d'Égypte. In: Revue des Études Grecques, tome 81, fascicule 384-385, Janvier-juin 1968. pp. 172-195. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reg_0035-2039_1968_num_81_384_1019
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Thillet, P - [A] Jamblique et les mystères d'Égypte (1968)

Dec 02, 2015

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Pierre Thillet

Jamblique et les mystères d'ÉgypteIn: Revue des Études Grecques, tome 81, fascicule 384-385, Janvier-juin 1968. pp. 172-195.

Citer ce document / Cite this document :

Thillet Pierre. Jamblique et les mystères d'Égypte. In: Revue des Études Grecques, tome 81, fascicule 384-385, Janvier-juin1968. pp. 172-195.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reg_0035-2039_1968_num_81_384_1019

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JAMBLIQUE

ET LES MYSTÈRES D'EGYPTE

Jamblique. Les mystères d'Egypte. Texte établi et traduit par Edouard des Places (Collection des Universités de France). Paris, Les Belles Lettres, 1966. In-8°, 225 p. (dont 177 doublées). Prix, F. 30.

Ce volume est la troisième édition de l'ouvrage de Jamblique. La première édition fut donnée à Oxford par Thomas Gale, en 1678 ; la seconde, à laquelle sont faites toutes les références, parut à Berlin, en 1857 : Gustave Parthey y utilisa quatre manuscrits. La présente édition enrichit à son heure la collection patronnée par l'Association Guillaume Budé. Au moment où l'intérêt pour le néoplatonisme suscite de nombreux travaux, on accueillera avec faveur ce volume auquel le R. P. des Places a donné tous ses soins. Bénéficiant des recherches erudites effectuées depuis un siècle, utilisant des manuscrits meilleurs, tenant compte de travaux préparatoires récents, l'éditeur offre à la fois un texte et une traduction qui surpassent de loin ce dont disposaient les chercheurs curieux de s'informer sur l'ouvrage difficile de Jamblique.

Le titre lui-même peut à la fois attirer et décevoir le lecteur : il n'y est pas vraiment question de « mystères », et de l'Egypte on n'apprendra que fort peu. Ce titre, en effet, est une forgerie du xvie siècle, invention de Marsile Ficin dont la version, ou plutôt la paraphrase, latine fut publiée chez les Aide, en 1497 : De mysteriis Aegyptiorum, Chaldaeorum, Assyriorum. Sur les vingt-cinq manuscrits grecs contenant le texte entier (dont aucun n'est antérieur au xve siècle) étudiés par M. Sicherl (1), un seul donne ce « faux-titre » : le Vaticanus gr. 323 ( = X), début xvie siècle, Ίάμβλιχος περί μυστηρίων των Αιγυπτίων (Sicherl p. 69 et pi. VI), titre qui sera recopié dans la marge du Leidensis Gronovianus 25 ( = O), du xvne siècle {id., p. 131).

Un titre voisin se lit dans le Barberinianus gr. 62 (= Z), du début du xvie siècle, et le Hamburgensis philol. gr. 36 ( = H), du xvne siècle : Ίάμβλιχος (δ Χαλκιδεύς κατά Πορφυρίου add. Η) περί της Αιγυπτίων θεολογίας (Sicherl, ρ. 83 et 88).

C'est dire que le « titre » actuel a bien peu d'autorité, et l'éditeur a eu raison de placer, p. 38, <περί των αιγυπτίων μυστηρίων > entre crochets : aucun codex grec ne donne cet intitulé.

(1) M. Sicherl, Die Handschriften, Ausgaben und Uebersetzungen von Iamblichos De mysteriis... Berlin 1957.

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Le titre véritable, tel qu'il est donné par les deux plus anciens manuscrits, Vallicellianus F 20 (— V) environ 1460, Venetus Marcianus gr. 244 (coll. 620) (= M), env. 1450, se lit p. 38, 1, 1-3. Mais cet écrit d'Abammon en réponse aux difficultés soulevées par Porphyre dans sa lettre à Anébon serait mystérieux si un scholion de Psellos ne venait opportunément révéler l'identité de cet Abammon avec Jamblique ; Psellos doit le renseignement à Proclus. D'où des titres comme Ίαμβλίχου εις τήν έπιστολήν Πορφυρίου {Taurinensis gr. 146 = Τ, xve s., ou Gothanus chartaceus A 150 = D, xvie).

Les références étant faites, depuis longtemps, à l'édition de Parthey {Jam- blichi De mysteriis liber, sans allusion à l'Egypte), sous la forme Jambl. De myst., il était difficile de rompre brutalement avec la tradition, et c'est ce qui peut justifier le maintien du titre par lequel Marsile Ficin fit connaître cet écrit. Peut-être un peu d'audace eût-elle permis de restituer le titre original (en conservant De mysteriis en sous-titre), mettant ainsi en valeur à la fois le caractère polémique du texte et le nom de Porphyre. Mais en cette affaire où est la sagesse ?

Je pense qu'on aurait eu moins de scrupules à renoncer au titre imposé par Marsile Ficin si l'on avait recherché les motifs d'un tel intitulé. On remarque, à la Renaissance, une véritable passion pour les « égypteries » (2) ; les Hiero- glyphtca d'Horapollon ne connaissent pas moins de quinze éditions et traductions différentes entre 1505 et 1599 (cf. F. Sbordone, Hori Apollinis Hierogly- phica, 1940, p. vu-vin), sans compter les commentaires. Éditant la Théologie d'Aristote, Petrus Nicolaus Faventinus l'intitule Sapientissimi philosophi Aristotelis Stagiritae Theologia sive mistica phylosophia secundum Aegyptios noviter reperla... 1519 ; Jacques Charpentier, donnant sa révision du même texte à Paris, en 1571, l'intitule Aristotelis libri XIV de secretiore parte divinae sapienliae secundum Aegyptios ; et en 1591 les excerpta qui en sont donnés à Ferrare par Franciscus Patricius ont pour titre Mystica Aegypiiorum et Chal- daeorum a Platone ab Aristotele excerpla... C'est une véritable mode commençante qui inspire à Ficin l'intitulé de sa paraphrase ; il se peut que cette mode ait été encouragée chez certains par irrévérence à l'égard du christianisme ; il serait imprudent d'exagérer l'importance d'une telle motivation. Il est vrai aussi que le goût pour l'Egypte et ses mystères, l'Egypte mère de la philosophie (cf. D. L. I, 1-2 et 10-11), l'égyptomanie même (p. 198 n. 1) existait du temps de Jamblique et bien avant. Mais, eu égard à la tradition manuscrite, était-ce raison suffisante pour suivre une mode du Cinquecento ?

En revanche, le volume paraît rompre avec une tradition moins ancienne ; au lieu d'une Introduction paginée en chiffres romains, il s'ouvre directement par une Notice (p. 4) dont le premier paragraphe, Vie et œuvres de Jamblique, laisserait penser qu'elle dépasse le cadre qu'annonce ce nom : mais l'éditeur s'en tient à la concision que M. Dain recommandait en ces pages préliminaires ; peut-être même a-t-il été trop concis, et la Notice n'est pas sans laisser bien des points non élucidés (3).

(2) On a pu penser que l'« égyptomanie des humanistes » a eu le De mysteriis comme source importante (A. Chastel, cité p. 27 n. 9), mais l'invention du titre par Marsile Ficin doit bien avoir elle-même une motivation.

(3) Une faute d'impression (ou une confusion avec l'auteur des Babyloniques) à la seconde ligne p. 4 fait naître Jamblique au iie siècle de notre ère ; il faut lire nie. — Quant à la date de la mort, elle doit être lue 325-330.

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A propos du titre, dont j'ai déjà longuement parlé, il faut noter que tie manuscrit secondaire» (= X) qui donne l'équivalent grec du sous-titre De mysteriis Aegypliorum, le place avant le titre véritable (cf. M. Sicherl p. 88 et pi. VI).

La question de l'authenticité est rapidement traitée (p. 7-8), mais elle méritait mieux. S. Fronte (référence donnée p. 8 n. 2) cite en effet un certain nombre d'érudits pour qui Jamblique n'est pas sûrement l'auteur de l'ouvrage ; mais, surtout, les arguments de Ph. Derchain, Pseudo- Jamblique ou Abammôn? {Chronique d'Egypte 38, 1963, p. 220-226 ; référence p. 6, n. 9) auraient mérité d'être examinés avec soin. Je me permets d'y consacrer quelques lignes.

M. Derchain cite les passages suivants : 1° VI 6 ; 246, 16-247, 2 (p. 186-7) ; 2° VI 7 ; 248, 2-11 (p. 187-8) ; 3° VII 2; 251, 17-252, 3 (p. 190) ; 4° VII 3 ; 253, 13-16 (p. 191) ; 5<> VIII 3 ; 263, 7-11 (p. 196-7) ; 6° VIII 3 ; 264, 5-8 (p. 197). De leur examen, il conclut « qu'on en vient facilement à partager l'opinion de ceux qui ont rejeté l'attribution traditionnelle de cet ouvrage à Jamblique... Abammôn, comme son nom l'indique <,> est certainement égyptien, et tout porte à croire qu'il était de la classe sacerdotale » (p. 225).

Cette conclusion, pour modérée qu'elle soit dans sa forme, peut-elle emporter la conviction ?

En 1° le théurge « déjà au rang des dieux », c'est le pharaon ; or le prêtre officie en cette qualité dans le temple égyptien ; et le rituel reste secret. C'est le cas 2° en particulier du rituel de la maison de la vie (ζωή 248, 5) à Abydos, qui vise à « maintenir l'ordre universel » (οΐς 2χει τήν σωτηρίαν τα δλα). La représentation du dieu dans le lotus 3° est fréquente en Egypte, ainsi que le limon primordial ; toutefois « l'association de l'intellect et du feu paraît être une intrusion étrangère » (p. 224) selon M. Derchain (4). Le rôle du soleil 4° comme source de toute force et vie dans le monde est bien connu dans la religion égyptienne de basse époque. Quand l'auteur décrit Amôn comme « l'intellect démiurgique » qui révèle la force des paroles cachées 5°, il spécule sur le nom même du dieu (tmn = caché) ; enfin 6° l'ogdoade hermopolitaine est connue de l'auteur.

Ces précisions témoignent effectivement d'une certaine connaissance de la religion égyptienne, et elles ne peuvent être pure coïncidence ; il n'a pas fallu non plus solliciter les textes pour les découvrir. Mais cela suffit-il à assurer que l'auteur du De mysteriis est bien le prêtre Abammôn, et ne peut être un auteur grec ? Je n'en suis pas convaincu.

Tout d'abord, M. Derchain a lui-même souligné que certains thèmes sont en quelque sorte objet de « commentaire » philosophique ; le rituel d'Abydos, 2°, est résumé « en termes abstraits », alors que le papyrus égyptien (P. Sait 825 ; XVII 12-13) se borne à une description ; différence qui pourrait s'expliquer par la nature même de la langue grecque (p. 223) : elle serait plus apte à exprimer la réflexion philosophique que la langue égyptienne. Le thème du lotus, 3°, est commenté dans la mesure où l'auteur, par une influence étrangère (la philosophie grecque), a pu élaborer du neuf. En 5°, M. Derchain reconnaît « une

(4) « Comme du reste les observations sur la forme circulaire des feuilles et des fruits du lotus qui suivent. » Le lien établi entre l'activité de l'intellect (νοϋ ενέργεια) et le mouvement circulaire qui est, pour elle, le seul possible, bien loin d'évoquer l'Egypte, me semble très précisément renvoyer à Platon qui, dans le Timëe, lie l'intelligence aux révolutions circulaires de l'âme.

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spéculation authentiquement égyptienne, soutenue sans doute par les possibilités nouvelles offertes par la langue philosophique » (p. 225) : il n'y aurait pas « élaboration hellénistique », mais fécondation par la nature d'une langue — et peut-être, ajouterai-je, d'un milieu culturel — de la pensée d'un prêtre égyptien.

Il nous faudrait donc admettre et de la langue et de la pensée hellénistique une influence assez profonde pour avoir pu pénétrer dans l'adyton des temples égyptiens et dans l'intelligence d'un prêtre d'un degré élevé dans la hiérarchie sacerdotale. On ne peut, a priori, exclure une certaine réceptivité de la religion égyptienne à des influences extérieures (5) ; mais la philosophie grecque (même réduite aux possibilités d'abstraction de la langue grecque) a-t-elle vraiment pu y jouer un rôle ?

On oublie d'ailleurs Porphyre en cette affaire : le texte du De mgsleriis se présente comme un examen réfutatif de la Lettre à Anébon, et si les livres VI à IX impliquent une connaissance des croyances et rites de certains temples d'Egypte (6), le reste de l'ouvrage offre un contenu différent ; on y trouve une connaissance très large de la philosophie néoplatonicienne (7) et de son esprit chez Plotin et Porphyre ; on ne peut croire qu'un prêtre « égyptien », soucieux de justifier les mérites de ses croyances et pratiques, ait pu placer le débat sur ce plan (même alors qu'il s'exprimait en grec) : et l'information et le point de vue débordent certainement ce que devait être le contenu de la lettre de Porphyre.

Cette hypothèse d'un prêtre égyptien très fortement initié dans sa doctrine, chez qui l'esprit philosophique se serait si aisément développé, me paraît inutile.

Il est tout à fait normal qu'un philosophe grec du ive siècle de notre ère ait une certaine connaissance des croyances et des rites religieux de l'Egypte. Divinités et cultes égyptiens se sont acclimatés dans l'Empire romain ; à Rome même, du temps de Plotin et de Porphyre, le culte d'Isis avait de nombreux fidèles. C'était là, sans doute, une adaptation proprement romaine des cérémonies cultuelles de caractère populaire ; mais les rites extérieurs des cultes égyptiens décadents n'étaient pas sans liens avec les rituels secrets, réservés aux castes sacerdotales, de l'antique tradition religieuse.

Les exemples de « pensée égyptienne » cités par M. Derchain n'impliquent nullement que l'auteur du De mysteriis ait été un familier de l'adyton de quelque

(5) Ce serait le cas, à très basse époque, de l'adoption des croyances astrologiques ; elles jouent un rôle important dans la littérature hermétique (cf. De myst. VIII 4-8) ; elles étaient inconnues de l'ancienne Egypte (cf. S. Sauneron, Les prêtres de l'ancienne Egypte, p. 154).

(6) Cette formule à la fois plurielle et vague est intentionnelle : il n'y a jamais eu une religion égyptienne partout identique à elle-même ; les particularismes des nomes anciens ont laissé des traces jusqu'aux derniers jours des cultes égyptiens.

(7) Ainsi p. 110 ; III 9 ; 120, 4-14 ; l'auteur nie que l'on puisse faire consister l'âme en harmonie et en rythme : il y a là le souvenir d'une thèse discutée par Platon, Aristote, Plotin, Porphyre ; la lettre à Anébon mentionnait-elle cette explication du pouvoir de la musique ? On peut aussi penser que l'auteur introduit cette remarque motu proprio; elle implique toute une culture philosophique (harmonie, réminiscence, participation, et jusqu'à cette formule όσον οϊόν τε qui porte la marque du néoplatonisme).

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temple d'Egypte. Plutarque, dans le De Iside 39, fait du dieu Amon « le caché » (8) ; le sens du nom était donc connu en Grèce avant le De mysieriis, avant Jamblique, avant Porphyre. Ce dernier lui-même, d'après les fragments conservés du Περί αγαλμάτων, avait de certains aspects de la théologie des Égyptiens une bonne connaissance, qu'il ne devait pas seulement à des informateurs comme ce « prêtre égyptien » (Αιγύπτιος τις ιερεύς) dont il cite la venue à Rome {Vie de Plotin 10, 15 sq.) : de tels gens n'étaient peut-être que des charlatans (9) (γόητες), usant de «trucs» (cf. De rnyst. p. 134; III 25; 160, 15-16 : αϊ άπό της γοητείας τεχνικώς κατασκευαζόμεναι φαντασίαι). L'un des passages sur lesquels M. Derchain appuie sa démonstration 2° ne fait que reprendre la citation de la lettre à Anébon donnée au début de VI 5 (10) ; les parallèles dans Eusèbe et Théodoret (p. 186, n. 2) confirment l'appartenance du morceau au texte de Porphyre : voilà un philosophe grec aussi bien informé que le prêtre Abammôn ! Il n'est donc en aucune façon impossible que toutes les « informations » égyptiennes du traité aient été à la disposition d'un auteur comme Jamblique, sans même qu'il faille supposer un informateur contemporain (11).

Par ailleurs, les témoignages de Proclus (in Plat. Tim. I, p. 386, 9 Diehl, qui cite VIII 3 ; 266, 6-7 et VIII 4 ; 265, 13-14 — voir p. 197 n. 2 et S. Fronte p. 243) et de Damascius {De princ. I 292, 5-9 Ruelle, qui cite I, 19 ; 60, 5-8 ; voir p. 73 n. 2), le scholion conservé par Psellos, les caractéristiques de la langue relevées par Rasche (p. 8 n. 3), devraient suffire à lever les doutes : l'attribution à Jamblique n'est plus contestable.

Il resterait à justifier l'adoption du pseudonyme Abammôn (12) ; mais s'il y a là, vraiment, un déguisement du nom de Jamblique, il y a quelques chances pour que Anébon, auquel il se substitue pour répondre, ait été, lui aussi, un pseudonyme ; c'est ce que pensait Bernays (cf. J. Bidez, Vie de Porphyre p. 81 n. 3 ; A. R. Sodano, Porflrio, Leitera ad Anebo p. xxxvn), mais il n'est guère

(8) Cf. Chronique d'Egypte 38, 1963, p. 250 (rapport de M. A. Badawy) sur les communications au XXVe Congrès des Orientalistes, Moscou, 1960 ; voir le compte rendu de la communication de M. J.G. Griffins : Plutarch's Egyptian Sources in his De Iside el Osiride. La science de Plutarque a déjà été soulignée par Th. Hopfner, Plutarch ùber Isis und Osiris, Prague 1941, t. II p. 85. Voir S. Sauneron, Plutarque: Isis et Osiris (ch. IX), BIFAO 61, 1952, p. 49-51.

(9) Je me demande en effet si les prêtres des grades élevés de la hiérarchie ont jamais pu quitter les lieux du culte, sinon lors des processions solennelles ou des « synodes » qui se sont tenus à certaines époques ; à nos collègues égyptologues de donner la réponse à cette question peut-être naïve.

(10) τα έν Άβύδω απόρρητα ουδέποτε αποκαλύπτεται (248, 11) reprend το έν Άβύδω απόρρητον δείξειν (245, 16).

(11) On songerait à des textes comme ceux qu'aurait écrits, au iie siècle de notre ère, Apollonidès Horapios, 1° Περί της θρησκείας της Αιγυπτιακής ; 2° Σεμενουθί, où il est question des δαίμονες, μάταιοι άνθρωποι, θρησκείαι. Sans oublier Chérémon et Manéthon (cf. F. Sbordone, Hori Apollinis Hiero- glyphica, Naples [1940] p. xxvm).

(12) Le nom est bien égyptien : îb-îmn = cœur du <dieu> Amon ; cf. Th. Hopfner, Ueber die Geheimlehren von Iamblichus, aus dem Griechischen ùbersetzl, eingeleitet und erklart... Leipzig, 1922, p. vin. Voir aussi Fr. Dunand, Les noms théophores en -ammon, Chron. d'Êg. 38, 1963, p. 137 n. 1.

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facile d'en donner une preuve. Le nom paraît bien égyptien ; Th. Hopfner (13) le rapproche du nom du dieu chacal Anubis (ί-n-p-w) ; mais ce n'est pas non plus la preuve de l'existence réelle d'un prêtre ayant porté ce nom et auquel Porphyre aurait expressément adressé sa lettre. Anébon et Abammôn peuvent l'un et l'autre être des personnages fictifs.

De telles considérations soulèvent un problème plus général : quelle ampleur ont pu connaître, à l'époque hellénistique, les rapports entre les détenteurs de la culture égyptienne, les prêtres vivant dans l'enceinte des temples, et les penseurs grecs ? et puis, la lecture des hiéroglyphes était-elle encore connue au début du ive siècle (14) et des Grecs auraient-ils pu en avoir quelque connaissance rudimentaire ?

La langue grecque s'était répandue dans toute l'Egypte comme langue administrative et de culture profane ; mais les deux civilisations coexistèrent sans jamais se pénétrer vraiment. De récentes études ont montré que dans l'Egypte des Ptolémées il en était ainsi (15).

Cependant le goût des « égypteries », l'intérêt pour les aspects étranges des mœurs et des croyances du pays du Nil, ce fleuve aux crues paradoxales, n'ont jamais cessé chez les Grecs depuis Hérodote. Les philosophes, Platon, Aristote et leurs successeurs ont manifesté pour l'antique sagesse de l'Egypte une révérence qui devait susciter le désir d'information plus complète et précise. Au moment où le néoplatonisme tend à devenir religion de salut, à développer l'allégorisme en germe dans le platonisme où le réel n'est qu'image d'un monde d'archétypes intelligibles, il paraît naturel qu'on ait cherché à recueillir ce qu'il pouvait y avoir d'analogue dans ces « inscriptions sacrées » où des figures symbolisent des forces et des êtres divins (16).

(13) Op. cit., p. ix-x. Voir aussi Fr. Dunand, loc. cit. (14) Cherchant à m'informer sur cette question, par les moyens dont peut

disposer un non-spécialiste, je trouve des renseignements différents. Pour Jean Cappart (Je lis les hiéroglyphes3, 1966, p. 6) «les hiéroglyphes ont cessé d'être pratiquement en usage au me siècle de notre ère». The Alphabet2, 1949, de David Diringer, p. 63, nous apprend que « les inscriptions hiéroglyphiques les plus récentes appartiennent au vie siècle ap. J.-C. (règne de Justinien.) » Selon M. J. Leclant, Grand Larousse encyclopédique, t. V, 1962, p. 891, on usa de cette écriture «jusqu'à la fin du ive siècle de notre ère». Et S. Sauneron, Les prêtres de Vancienne Egypte [1957], écrit : «le dernier texte hiéroglyphique que nous ayons retrouvé est daté du 24 août 394 après J.-C. » (p. 127). Ces renseignements ne sont contradictoires qu'en apparence : on a pu encore recopier, avec plus ou moins d'aisance, un cartouche portant un nom d'Empereur, à une époque où l'usage des hiéroglyphes pour des inscriptions ou des textes était abandonné. Il suffît de constater qu'au début du ive siècle on devait encore bien connaître cette écriture, au moins dans les temples de l'Egypte, pour rendre compte des connaissances égyptologiques éventuelles de néoplatoniciens comme Plotin (né à Lycopolis = Assiout) et Jamblique.

(15) Cf. Willy Peremans, Ueber die Zweisprachigkeit im ptolemàischen Aegypten (Studien zur Papyrologie und antiken Wirtschaftsgeschichte) Bonn, 1964, p. 49-60 ; et sur un point précis, Roger Rémondon, Problèmes du bilinguisme dans VÉgypte Lagide (U.P.Z. I, 148), Chronique d'Egypte 39, 1964, pp. 126-146.

(16) Le culte d'Apis est encore attesté à Memphis au me siècle ap. J.-C. ; Pap. Michigan inv. 4961. Cf. E. G. Turner, My Lord Apis, a Further Instance (Studien zur Papyrologie und antiken Wirtschaftsgeschichte, 1964, p. 32-33).

REG, LXXXI, 1968/1, n° 384-385. 7

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II y a plus, sans doute. Dépositaire d'une sagesse ancestrale et de rituels mystérieux, la théologie égyptienne devait avoir, pour Jamblique, une valeur singulière. En même temps qu'il s'efforçait de résoudre les apories de Porphyre, Jamblique n'aurait-il pas voulu montrer que la théologie égyptienne pouvait être comme un garant des temps anciens pour la théologie du nouveau paganisme, à une époque où le christianisme pouvait désormais se faire gloire de l'antiquité de Moïse par rapport aux sages et philosophes grecs, à Homère lui- même ? Porphyre justement avait établi cette antiquité de Moïse (17). En montrant, comme il le fait dans le De mysteriis, la consonance entre néoplatonisme et « égyptianisme », Jamblique peut bien avoir eu le sentiment de rattacher ses croyances à une source vénérable par son antiquité, donc par sa valeur (17 bis).

Le développement de V hermétisme, même s'il n'a gardé de l'Egypte que des noms (18), n'a sans doute pas peu contribué à cette osmose d'éléments de théologie et de rituels égyptiens. Mais il faudrait savoir si les textes égyptiens ont pu être traduits et lus encore aux me-ive siècles, et sur ce point notre information est encore très imparfaite.

On connaît bien l'ouvrage de Horapollon intitulé Hieroglyphica (19), dont le premier livre surtout révèle une connaissance certaine de quelques hiéroglyphes (20) ; malheureusement il est difficile de dater cet écrit, et il est sûr que le texte que nous en avons a été l'objet de remaniements. On ne doit point exclure la connaissance de traits authentiques de la pensée théologique égyptienne, non plus que leur intégration dans certains textes de la philosophie grecque.

(17) Sur ce point, cf. J. Pépin, Porphyre, exégète d'Homère, Entretiens sur VAnliquitè classique XII, 1966, notamment p. 231-234.

(17 bis) C'est une hypothèse, avancée avec prudence, qui pourrait guider des recherches ultérieures. Il n'est pas sûr que, si telle était bien l'intention de Jamblique, elle ait connu le succès à l'intérieur de l'école néoplatonicienne. On pourrait même penser qu'elle fut ignorée de Saloustios, De dus III 4, 3, qui estime que les mythes égyptiens sont matériels et au niveau inférieur (έσχατος et non pas « de dernière valeur » comme traduit G. Rochefort p. 6) en raison du manque de culture (άπαιδευσία) des Égyptiens.

(18) II semble qu'il faille aujourd'hui reconnaître, avec M. Ph. Derchain, Γ authenticité de Vinspiralion égyptienne dans le Corpus Hermelicum (Revue de Γ Histoire des Religions, 1962, p. 175).

(19) Cf. F. Sbordone, op. cit. (20) Quand il écrit, I 4, que le mot mois s'exprime ainsi, σελήνη έπεστραμμένη

εις xb κάτω, il a raison, car le croissant de lune, pointes en bas, désigne chacun des mois de chaque saison; le mot entier s'écrit Ibd (=lune + étoile+main), mais, usuellement, s'abrège en ί (valeur alphabétique du croissant lunaire) ; cf. F. Sbordone, p. 9-10 et notes. Horapollon dit aussi que le mois est désigné par une palme (βάϊς), il pourrait bien donner ce nom au signe alphabétique qu'on appelle parfois « feuille de roseau », et qui a pour valeur « phonétique » i, la même que le croissant lunaire. (Un rapprochement semblable, par suite d'une confusion entre idéogramme et valeur phonétique, est évoqué par F. Sbordone, à propos de I 45, op. cit., p. 97.) N'est-ce pas là l'indice d'une connaissance réelle de l'écriture hiéroglyphique ? J. Cappart, op. cit., p. 21, rappelle la valeur du signe nfr (« le cœur de l'homme suspendu à la trachée signifie la bouche d'un homme de bien » II 4) : ce hiéroglyphe signifie « bon » et « beau ».

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A cet égard la page célèbre de Clément d'Alexandrie (c. 150-230) sur l'écriture égyptienne, page dont l'exégèse a fait couler beaucoup d'encre (21), ainsi que quelques lignes de Porphyre (22), tout en nous plaçant devant des questions difficiles, devraient suffire à lever les doutes sur la réalité d'une influence égyptienne encore vivante au me siècle.

Après avoir évoqué ces rapports avec l'Egypte, et conclu à l'authenticité de l'attribution à Jamblique, le P. des Places donne une analyse de l'ouvrage qui est divisé en dix livres. Cette division est assez arbitraire et ne remonte peut- être pas à l'auteur. On remarquera qu'elle ne recouvre peut-être pas exactement les divisions de la Lettre à Anébon (23) à laquelle répond le De mysteriis. Il y a là un point important, sur lequel l'éditeur aurait dû insister. Le De mysteriis est d'ailleurs plus qu'une réponse (άπόκρισις) à la lettre de Porphyre ; c'en est une sorte de commentaire critique (των έν αύτη άπορημάτων λύσεις). Jamblique y procède, comme il est d'usage chez les commentateurs, par lemmes qu'il soumet à l'examen, ces lemmes étant empruntés, avec plus ou moins de littéralité, au texte de Porphyre. Il est très vraisemblable, sinon certain, que le De mysteriis suit d'assez près la lettre, et que les lemmes se succèdent dans l'ordre même où ils devaient se rencontrer dans la lettre. C'est ce qu'ont compris les éditeurs de la Lettre à Anébon, confirmés d'ailleurs par l'analyse que donne saint Augustin (24).

C'est ce caractère circonstanciel qui permet de comprendre les fantaisies apparentes du plan du De mysteriis : Jamblique n'a pas tout relevé dans le texte de Porphyre ; il ne s'est attaché qu'aux passages qu'il jugeait contestables ; et il a pu, parfois, se laisser aller à quelque excursus, par association d'idées. On comprend ainsi que la structure de l'ouvrage puisse déconcerter. Les trois pages (9-12) consacrées à cette analyse ne rendent pas compte de la situation : qu'on y voie simplement une sorte de table, utile pour la consultation du texte. A ce propos, regrettons que la présentation typographique ne fasse nullement ressortir l'aspect « commentaire » de l'ouvrage. Bien qu'il ne soit pas dans les habitudes de la collection de faire usage d'artifices typographiques toujours onéreux, je pense qu'il eût été bon, par exception, d'imprimer les lemmes porphyriens, tels, que par exemple, M. Sodano les a délimités dans son édition de la Lettre à Anébon (25), en caractères différents (grec de Didot ?) ou en caractères espacés (gesperrler Druck). Le lecteur doit avoir constamment à l'esprit qu'il est en présence d'un commentaire (les guillemets utilisés dans la traduction sont les bienvenus) ; et l'éditeur a su en tirer parti, tant pour l'établissement du texte (en éliminant des conjectures inutiles) que pour la traduction.

Quelle est la date du De mysteriis ? Il est évidemment très difficile de trouver

(21) Je dois à Jean Pépin d'avoir eu mon attention attirée sur l'importance de ce texte ; cf. son bel ouvrage, Mythe et allégorie, pp. 266-271.

(22) Cf. Porphyre, Vita Pythagorae §§ 11-12 ; p. 22, 20-23, 6 N. J'ai rappelé plus haut l'importance des connaissances sur le panthéon égyptien dans le Περί αγαλμάτων.

(23) D'après nos sources arabes, cette Lettre à Anébon aurait eu deux livres (cf. J. Bidez, Vie de Porphyre 55*, 18 et 58*, 7 ; et A. R. Sodano, Porfirio, Lettera ad Anebo, p. xl).

(24) Sur tout cela d. P. donne les références p. 8, n. 7. (25) A. R. Sodano, Porfirio, Lettera ad Anebo, Naples, 1958.

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les éléments décisifs d'une datation. Le P. d. P. s'en tient à la conclusion de Th. Hopfner : avant la mort de Porphyre (304) ; il est en effet très vraisemblable que cet écrit polémique, en raison des rapports de disciple à maître qui unissaient Jamblique à Porphyre, a été rédigé avant la mort de ce dernier. Mais Bidez (Vie de Porphyre, p. 87) était d'un autre avis; selon lui, l'auteur du De mysteriis « prétendit démontrer tout ce que Porphyre contestait, et il le fit avec d'autant plus de sécurité que Porphyre n'était plus là ». Le recours au pseudonyme d'Abammon peut être interprété en faveur de l'une ou l'autre solution ; on pensera qu'à l'abri du pseudonyme, Jamblique aura pu se permettre une sévérité que sa dette envers son maître aurait rendue suspecte ; ou bien, le recours à ce pseudonyme autorise une réponse à l'auteur disparu...

La question des sources est importante ; la source principale est, cela va de soi, la Lettre à Anébon ; la culture philosophique de l'auteur se traduit par des citations (26), et l'emploi du vocabulaire de Platon et de Porphyre (27).

Le Corpus hermeticum est, bien sûr, mis à profit par Jamblique ; ce néoplatonicien, pour qui l'ascèse philosophique n'est pas la seule voie d'union avec le divin, mais qui prétend aussi admettre et justifier des pratiques cultuelles et même des rites magiques, devait avoir une sympathie toute particulière pour les textes hermétiques. Je crois même pouvoir affirmer qu'il a eu pleine conscience, en prenant ces textes comme sources d'inspiration, de s'écarter de toute une tradition philosophique, de se singulariser parmi les philosophes. D'une façon à peine cachée Jamblique, en effet, paraît avoir voulu indiquer son attachement à l'hermétisme, par un « jeu de mots » qui pourrait difficilement n'avoir pas été intentionnel. Dans le passage (VII 5) où il oppose Grecs et Barbares, langue grecque et langue égyptienne, Jamblique reproche aux Hellènes de n'avoir point de lest en eux-mêmes (ουδέν έχοντες ε ρ μ α εν έαυτοΐς 259, 11) ; or, dès la page suivante (VIII 1 ; 260, 17) il est fait mention des livres d'Hermès. Point n'est donc besoin d'inférer l'inspiration hermétique : elle est affirmée par Jamblique.

Marsile Ficin évoquait, par le titre donné à sa « traduction » du De mysteriis, Chaldéens et Assyriens (28). Les pages (14-19) consacrées par le P. d. P. à l'influence chaldéenne, tenant compte des derniers travaux, constituent une mise au point précise (29). On en peut conclure que Jamblique connaît les Oracles chaldaïques, mais non point que ces textes constituent une source du De mysieriis ; « même si elle s'exprime rarement dans la terminologie, une influence générale des Oracles chaldaïques sur le De mysteriis paraît indéniable ».

Faut-il citer les Excerpta ex Theodoto comme source ? Les traits de ressemblance peuvent s'expliquer plutôt comme une influence commune des écrits hermétiques : d. P. renvoie aux travaux de P. Collomp et W. Bousset.

(26) La Notice, p. 12, indique quatre fragments d'Heraclite (B 68, 69, 92, 93), Y Index des noms propres (p. 224) ne donne que 136, 4 et 219, 15, omettant 42, 13 (= Β 68), voir p. 62, n. 1 ; le fragment Β 92 est cité à 117, 7-8 (φασί), voir p. 108, n. 2.

(27) Les termes proprement aristotéliciens sont très rares. (28) Dans l'histoire quasi mythique ces deux noms sont synonymes ; le texte

fait mention des Assyriens I 2 ; 5, 9 et VII 4 ; 256, 6. (29) Elles résument une communication du P. des Places à l'Académie des

Inscriptions et Belles Lettres : Jamblique et les Oracles chaldaïques, à laquelle renvoie, trop modestement, la n. 3, p. 14.

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A l'influence du De Mysteriis sont consacrées les pages 21-28. Julien, Salous- tios et surtout Proclus ont connu l'œuvre de Jamblique, en ont retenu thèmes, vocabulaire et citations. Proclus a « servi d'intermédiaire » entre Jamblique et Denys l'Aéropagite, dont le Περί θείων ονομάτων a retenu des formules du De mysteriis (30).

Attentif aux particularités du style (31), le P. des Places rappelle quelques traits de la langue et du vocabulaire de Jamblique (p. 28-30) en utilisant le travail de L. Deubner sur le texte de la Vita Pythagorica (p. 28 n. 2). Ces remarques prennent toute leur valeur pour l'établissement du texte ; elles ont été mises à profit pour éliminer une partie des conjectures aventurées par les copistes, glossateurs, éditeurs.

La dernière partie de la Notice (p. 31-33) est consacrée au texte. Le P. d. P. renvoie à l'excellent travail de M. Sicherl sur les manuscrits, éditions et traductions du De mysleriis ; il adopte les sigles attribués aux copies par celui-ci (32). Peut-être eût-il été bon de signaler, pour le Venetus Marcianus gr. 244 (= M), le numéro de collocazione (620) selon lequel sont aujourd'hui classés les manuscrits de la Marcienne. Le rappel de quelques-unes des corrections nouvelles (33) met en évidence la prudence de l'éditeur : il s'est efforcé de suivre, chaque fois que cela était possible, compte tenu de la langue de Jamblique, les leçons conservées par V et M ; il s'est même refusé à suivre toujours M. Sicherl, qui a proposé bon nombre de corrections fondées sur les particularités de l'archétype, telles qu'on peut les induire des fautes de V et M (cf. Sicherl p. 160-179). Là aussi la modestie de l'éditeur nous prive de renseignements que le lecteur aurait aimé trouver : on eût aimé que soient précisément expliqués les principes mêmes de l'édition.

La bibliographie (p. 34-37) peut paraître sommaire : cependant elle renvoie à quelques notes qui la complètent (34). Pour Bidez, il faudrait ajouter ainsi p. 15 notes 5 et 6, p. 21 n. 4 ; pour Cumont, p. 14 n. 6 ; pour les deux, p. 16 n. 8, etc. Mais le lecteur attentif aura peu de peine à reconstituer une riche bibliographie.

La liste des sigles suit non seulement la nomenclature de M. Sicherl (35),

(30) Dans la Théologie platonicienne de Proclus la question des noms divins est aussi évoquée. On peut aujourd'hui ajouter aux présomptions fondées sur les parallèles relevés par H. Koch, un lien objectif entre le Pseudo-Denys et Proclus : c'est le titre d'un article du P. H. D. Saffrey, Studia Patristica IX, Bd. 94 (1966), p. 98-105.

(31) On connaît l'important travail du P. des Places, Études sur quelques particules de liaison chez Platon, 1929.

(32) Aux manuscrits inventoriés par M. Sicherl, le P. d. P. ajoute le Havennas 381 (= r), xvie siècle, qui contient des excerpta du De myst. (voir p. 32, n. 2) « faussement attribués à Olympiodore ». A propos de quoi il est bon de signaler le titre donné par le cod. F (= Basileensis Bibl. Univ. F. II. 15) : Όλυμπιοδώρου προς την Πορφυρίου προς 'Ανεβώ έπιστολήν άπόκρισις. Όλυμπιοδώρου a été corrigé, par une seconde main, en Ίαμβλίχου (cf. M. Sicherl, p. 59 et pi. IV).

(33) P. 32, vers le milieu, lire 86, 7 ταύτα (et non 86, 6). (34) P. 7, n. 3, 1. 5, lire del (et non de,) dans le 3e titre de A. R. Sodano. (35) Pour le cod. V indobonensis gr. 264 (= C), la liste des sigles précise s. XV :

inter 1461 et 1476, précision qui reflète sans doute les dates données par Briquet pour le filigrane « chapeau » 3387 (entre 1464 et 1476). On sera reconnaissant à M. Sicherl d'avoir recherché avec soin les filigranes de tous les mss sur papier

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mais aussi sa classification en deux classes de manuscrits (p. 31) auxquels s'ajoutent (sigles en minuscules) les codices contenant des excerpta. Sur les 37 manuscrits relevés par M. Sicherl (36), 14 seulement ont été retenus. Les apographes certains dont le modèle subsiste ne sont, en effet, d'aucune utilité pour l'établissement du texte. C'est ainsi qu'avec raison le P. d. P. a écarté le Taurinensis gr. 146 (== T), copie de travail faite à la demande du cardinal Bessarion, sur M (37) où figurent cependant des corrections de sa main.

Le texte. — Tous les manuscrits sont de date tardive, aucun n'étant antérieur au xve siècle ; quelques pages ont été conservées dans le Vaticanus gr. 1026 ( = h) dont le dernier cahier, un « senion » en papier oriental, contient (f° 229v-231) les pages 70, 18-79, 14 du De myst. (II 3-5) : on peut le dater du xive siècle (38). C'est dire que le texte présente certainement beaucoup d'altérations, dont les « fenêtres » qui se voient, vers le début, en V et en M, sont des indices certains. Si l'on ajoute à cela les difficultés dues à la fois à la langue et au caractère même du texte, on concevra que la tâche de l'éditeur était loin d'être facile ; et la brièveté ou même l'absence totale (p. 137) d'apparat critique en certaines pages ne doit pas faire illusion. Cependant, avec l'aide des travaux récents de M. Sicherl et A. R. Sodano, usant des méthodes modernes de la critique des textes, méthodes devenues familières par une longue pratique de l'édition, le P. des Places, par un dur labeur, a fait bénéficier cette édition de tout ce que peut exiger une critique sévère ; il a même su, bien souvent, éviter la facilité apparente que donne la possession d'éditions anciennes, en refusant droit de cité dans son texte à des conjectures, ou des doutes, de Marsile Ficin, Gale, Parthey.

C'est sur le texte des manuscrits d'abord et surtout que l'éditeur a fondé son édition ; comme il l'annonce dans la Notice (p. 28-29), il refuse l'hyper- critique et la conjecture de facilité ; avec prudence, il fait porter son effort sur la ponctuation plutôt que sur l'émendation. Une profonde connaissance du platonisme l'aide d'ailleurs dans cet effort de compréhension du donné traditionnel ; mais aussi il a su ne pas avoir la superstition du texte transmis, et, quand il l'a fallu, accepter telle conjecture antérieure, proposer une lecture nouvelle.

Il est évident qu'on ne saurait accepter toujours tel ou tel passage d'une édition sans réflexion critique : un texte comme celui-ci, qui n'a connu que trois éditions en plus de quatre siècles, qui n'a jamais été commenté, peut solliciter les efforts de plusieurs générations de lecteurs. Mes réactions personnelles ne sauraient être la condamnation du texte édité par le P. d. P. ; elles expriment mon désaccord sur des détails, sans prétendre apporter une correction meilleure (39).

occidental, permettant ainsi de serrer de plus près la datation ; il satisfait de cette façon au vœu de M. Dain qu'il cite plusieurs fois (p. 7, n. 3, M. Sicherl renvoie à A. Dain, Les manuscrits, lre éd. 1949, p. 60 ; cf. 2e éd., 1964, p. 65).

(36) Les sigles ν et e s'appliquent à deux parties différentes du Parisinus gr. 292 (= U), ce qui ramène à 37 cotes les 39 références données par M. Sicherl.

(37) Cf. M. Sicherl, op. cit., p. 99 sqq. (notamment p. 102-103) et H. D. Saffrey, Recherches sur quelques autographes du Cardinal Bessarion, Mélanges Tisseront (Studi e Testi, n° 233), p. 263-297.

(38) Cette date ne peut qu'être inférée à partir des caractères de l'écriture : le secours des marques du papier manque ici.

(39) Dans les remarques qui suivent, je renvoie au texte ainsi : page de l'édition d. P. ; numéro du livre (chiffres romains) et du chapitre (chiffres arabes) ; enfin page de Parthey, ligne dans l'éd. d. P.

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P. 41 ; I 2 ; 6, 9 : la lacune après τε (fenêtre d'une vingtaine de lettres en V et M) aurait pu être mise en évidence plus nettement (recours aux astérisques).

P. 41 ; I 2 ; 7, 6 : au lieu de μεν δσα M, j'aurais adopté όσα μεν V, qui évite un hiatus et est parallèle à δσα δέ (1. 8).

P. 44 ; 14; 11, 12 : τίσιν ίδιώμασιν a été maintenu sans correction ni addition à juste raison. Ces mots sont très certainement tirés du texte de Porphyre (ils ne figurent pas textuellement dans le lemme au début de I 4 ; 10, 13 où le texte de Porphyre est intégré dans la phrase de Jamblique) ; il eût été bon que l'on vît au premier coup d'œil que ces mots sont citation.

P. 50 ; I 7 ; 22, 3 : αύταρκώς cj. Sicherl : αύτ ... V (lac. 6 11.) αύ ... M (lac. 7 IL). L'accentuation de Bailly est αύτάρκως (cf. aussi Aristote, Rhelo. I 6, 1362 a 27) car l'adjectif est αυτάρκης ; l'accent de 144, 4 αυτάρκη (d'où la conj. de Sicherl, p. 178) est sujet à caution ; αυτάρκη doit être paroxyton. Sauf raison majeure, je crois qu'il est bon de suivre l'usage dit attique dans ces cas d'accentuation contestée.

P. 60 ; I 11 ; 38, 6 : άνενδεή est conjecture de Nicolas Scutellius (Zs) et Gale (B4), adoptée par d. P., contre ενδεή V M. Conjecture pour conjecture, on pourrait admettre άδεή attesté chez Maxime de Tyr XXXIV 1 ; p. 391, 8 Hobein.

P. 69 ; I 17 ; 52, 2 : άιδίω κινήσει Gale : άιδίου κινήσεως V M ; la correction est heureuse ; mais, pour tenir compte de la leçon des codd. on pourrait écrire κινήσει, <ώς> και ...

P. 69 ; I 17-18 ; 52, 17 : le sectionnement du chapitre est différent dans le texte et dans la traduction qui place, logiquement, la conclusion dans le ch. 17 ; mais la corrélation μέν ... δέ impose la présentation du texte. Pour concilier logique et grammaire, on aurait pu s'inspirer, pour la traduction, de la disposition adoptée p. 74 pour I 20.

P. 70 ; I 18 ; 54, 13 : noter είσι avec sujet au pluriel neutre. P. 90 ; 118 ;87, 7-8 : la correction de Ficin περιβολή pour παραβολή codd ,

pourrait n'être pas indispensable : on imaginerait assez bien la projection rayonnante d'apparitions signalant l'épiphanie de l'archonte (cf. Maxime de Tyr XI 9 ; p. 139. 15 — dans les deux codd. R [xie s.] et Β [xve s.], mais les autres ont περιβολή) ; mais παραβολή est employé plus loin avec son sens technique en astrologie (p. 205 ; IX 4 ; 278, 4). On admettra comme possible la confusion sur l'abréviation du préfixe (Sicherl p. 172) ; en outre, περιβολή peut s'autoriser d'un passage de Théodoret, Therap. II 90 où l'évêque de Tyr, commentant Amelios (qui lui-même paraphrase N. T. Jean I 1-14), σάρκα ένδυ- σάμενον (II 88, p. 162, 19 Canivet ; cf. Jean I 14 σαρξ έγένετο) écrit : ουκ ήμαύρωσε γαρ αύτοϋ τας της θεότητος ακτίνας ή περιβολή της σαρκός (« son enveloppe de chair n'obscurcissait pas complètement les rayons de sa divinité » ■ — trad. Canivet) ; voir aussi Corp. Herm. V 6 ; p. 62, 23 Nock-Fest. : τις ό δέρμα τη σαρκί περιβαλών. Je ne pense pas que le mot « escorte », pour désigner ce halo qui colle au corps comme un vêtement, puisse convenir.

P. 99 ; III 1 ; 102, 4 : lire αρχηγική. P. 99; III 1 ; 102, 10: άπαύστως codd., rejeté par Gale (= απταίστως) et

d.P. (= άψεύστως), mériterait d'être maintenu, malgré la rareté de cet adverbe; il s'agit de saisir, par la divination, la cause du devenir, ce qui permet de le

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prévoir sans discontinuité, sans qu'il y ait des arrêts dans la possibilité de prescience ; je n'ai pas, il est vrai, rencontré ailleurs un tel emploi de l'adverbe ; mais ce n'est peut-être pas raison suffisante pour le refuser.

P. 100 ; III 2 ; 104, 5-6 : συμμύει τε, accepté comme particularité de la langue de Jamblique (p. 29) pourrait être lu συμμύεται.

P. 101 ; III 2 ; 105, 12 : όντων V M est maintenu dans le texte; mais la traduction « réellement » montre que l'éditeur a implicitement adopté la correction de Marsile Ficin όντως (comme Sicherl p. 173).

P. 103 ; III 3 ; 109, 3 : j'hésite à adopter la conjecture ένάργειαν Westerink, pour ένέργειαν codd. Opposer la force des faits à celle de la parole est très clair ; la confusion des deux mots, fréquente dans les manuscrits, doit-elle engager à corriger ici ?

P. 103 ,· III 3-4 : le chap. 4 ne commence pas au même endroit dans le texte et la traduction ; voir ci-dessus à p. 69 ; I 17-18.

P. 107; III 8; 115, 17 : έπίτευξις V (adopté par d. P.) : έπίταξις M U έπίτασις cj. Boulliau i. m. U et Β (= Gale), tel est l'apparat d. P. Mais Sicherl, p. 169, donne autre chose : έπίτευξις C (et M teste Parth.) έπίταξις V M έπίτασις Gale. Ce qui fait problème : 1° la confusion α>ευ est-elle le fait d'un copiste, ou de l'un des lecteurs modernes ? 2° Pourquoi, en cet endroit, d. P. ne donne-t-il pas les lectures de G et de A qui (teste Sicherl) confirmeraient son choix ? — Sicherl opterait pour la correction de Gale. En l'absence des mss le lecteur, non plus que le recenseur, ne peuvent trancher.

P. 108 ; III 8 ; 116, 9 : au lieu de έκστάσεως Gale (εξετάσεως codd.), je lirais plutôt έξεως, pour éviter le rapprochement gênant (voir p. 106 n. 2 à ce sujet) ένθουσιασμός-ε"κστασις.

P. 109 ; II 9 ; 119, 7 : κατοχή est conjectural (cf. p. 100 ; 104, 16) ; j'aurais écrit κατοκωχή avec Sicherl (p. 174), comme à p. 104; 11, 3; cette correction me semble mieux répondre aux données de la tradition τακωχή V κακωχή M. Boulliau déjà y avait pensé (i. m. Bs) en concurrence avec κατοχή. Le même mot a été altéré ailleurs, 126, 3, en V M (voir apparat). — En toutes ces occurrences, κατοκωχή aura pu être suggéré à Jamblique par Porphyre. Théodoret (Therap. X 7 ; p. 363, 1 Canivet) l'emploie à côté de θειασμός, pour désigner la possession divine ; mais le contexte, alors, renvoie à Plutarque, De defectu orac. 14 et 16.

P. 113 ; III 11 ; 124, 20 : διαστατώς ; l'adverbe est ignoré de Bailly, cependant l'adjectif διάστατος étant proparoxyton, l'adverbe devrait être paroxyton et non périspomène.

P. 131 ; III 23 ; 155, 15 : το δε παν M το δε περί V, la leçon est corrompue ; au lieu d'adopter παν (edd.) je suggère το δ' έπον ou το δ' έπόμενον ce qui suit, le conséquent, résultat pur, différent d'une fin (τέλος).

P. 134 ; III 25 ; 159, 13 : δημάτων V (σημάτων M semble correction de première main, d'où σημάτων archétype) suggère λημμάτων avec mélecture de l'initiale et haplographie du μ ; le texte pourrait ici viser les pressions sur le corps par une puissance démonique ; des λήμματα qui intéressent le corps ne peuvent être d'inspiration divine. M. Sicherl (p. 167), qui accepte νοσημάτων (Gale recte p. 174) voudrait expliquer σωμάτων Μ δημάτων V par la confusion σ>δ en minuscule (cf. 44, 12 είσιν M : είδι' V).

P. 138; III 28; 167, 10-11 : το αναγεννητικούς codd. pourrait être accepté si l'on veut y voir une citation de la lettre à Anébon. M. Sodano, Lettera ad

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Anebo p. 15, 10-11, conserve le texte en plaçant justement ce mot entre guillemets.

P. 156 ; IV 12 ; 197, 4 : απρόσφορος cj. Gale : πρόσφορος codd. On pourrait admettre παράφορος en faisant l'hypothèse d'une mélecture d'abréviation pour le préfixe.

P. 164 ; V 10 ; 211, 2-3 : est-il nécessaire de suivre Gale dans sa conjecture προσοικειούμενα là où les codd. ont προοικειούμενα ? On traduirait « en tant que premières, elles ont parenté d'en haut, par rapport à notre rang à nous ». Le préverbe προ- renvoie ici, je pense, comme c'est souvent le cas, à la hiérarchie des émanations.

P. 165 ; V 10 ; 212, 5 : αύγοειδές «lumineux », paraît rompre cette enumeration qui met l'accent sur l'immutabilité du corps des démons ; je serais assez d'avis de corriger en αύτοειδές, identique à soi-même, ce qui rendrait cohérente l'accumulation des attributs. On voit mal, en outre, un corps lumineux d'où « rien n'émane ». αύγοειδής est, certes, employé ailleurs dans le texte ; ainsi p. 113 ; 125, 6 où Boulliau le suspectait ; mais le mot est chez Porphyre, d'après Simplicius, in Phys. 615, 34, pour qualifier le véhicule, όχημα, de l'âme.

P. 169 ; V 14 ; 218, 8 : l'addition de τοις Westerink, n'est pas nécessaire si l'on comprend le déclin de la matière (cf. p. 167 ; 214, 13-14 : οΐς φίλον εστί το την ΰλην έκκόπτεσθαι δια τοΰ πυρός). Προισταμένοις θεοΐς peut se comprendre sans l'addition της ύλης, d'autant que la phrase qui suit précise aussitôt ce qu'il convient d'entendre par là.

P. 170 ; V 15 ; 220, 7 : όσίας M, conservé par d. P., paraît confirmé par Jamblique, Vit. Pyth. 184, où cependant le mot a le sens un peu particulier de rite funéraire.

P. 170 ; V 15 ; 220, 15 : καθαρώς est maintenu avec raison ; Sicherl (p. 168) préfère καθαραΐς Gale, qui restituerait l'original (confusion αι>ω pourrait être l'origine de la « faute »).

P. 179 ; V 24 ; 235, 3-5 : si l'on considère que μεν ... δε marquent une opposition, on refusera προάγουσι conj. Nock, pour προσάγουσι codd. En face de τοις ποιοϋσι « ceux qui font », il y a « ceux qui offrent » τοις προσάγουσι (au sens de Platon Lois VII 799 b 5).

C'est un sens habituel de προσάγειν chez Porphyre, De abst. II 34 ; p. 163, 15 N. ; 164, 2 ; II 58 ; p. 183, 2 ; II 61 ; p. 185, 18. C'était aussi le sens chez Théophraste : II 5, 136, 8 (= Περί ευσέβειας, f. 2, 1. 20, p. 148 Pôtscher) ; II 15, 144, 17 (= f. 7, 1. 48 ; p. 158) ; II 19, 149, 7 (= f. 9, 1. 3 ; p. 162) ; II 28, 157, 21 (= f. 13, 1.47; p. 176).

La confusion entre les préverbes προ- et προσ- n'est pas rare dans les manuscrits (40). Un peu plus loin, p. 180 ; V 25 ; 236, 14, on trouve la variante προσα- γάγομεν M pour προσάγομεν V ; dans le De abstinentia de Porphyre, là où Eusèbe donne προσάγειν à 164, 2 et 183, 2 N., les mss. de Porphyre ont προσα- γάγειν.

P. 183 ; VI 1 ; 241, 4 : άναφή est une correction de Marsile Ficin (V2) : αληθή codd. ; Gale conjecture άθιγη (influence des excerpta de Théodoret ou Eusèbe) ;

(40) Voir ici même 62, 7 ; 68, 12-13 ; 238, 1 ; 250, 11 ; et sur la préposition προς V M à 15, 13 et 78, 4 : πρό V* recte.

REG, LXXXI, 1968/1, n° 384-385. 7—1

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186 P. THILLET

une solution pourrait être suggérée par l'onciale (par quoi M. Sicherl, p. 170-171, justifie la correction de V2) :

ΑΛΗΘΗΔΕΙΝ ΜΗΘΙΓΕΙΝ

d'où : νεκρού μέν μή θιγεϊν είναι τον έπόπτην : pourquoi n'est-il pas possible à l'épopte de toucher au cadavre ?

P. 183 ; VI 1 ; 241, 15 : Εμβασις V M, maintenu par d. P., contre εμφασις Ficin, accepté par Sicherl (p. 169). Mais peut-on admettre έμβασις au sens de « vestige » ? Sans doute, là où l'on a marché peut-il y avoir trace de pas ; mais je n'ai pas rencontré ce sens. Comment d'ailleurs ε*μβασις aurait-il pu se substituer à έμφασις ? Le passage de φ à β, tant en onciale qu'en minuscule, est difficile à expliquer. On admettrait plus facilement la confusion έμβίωσις Εμβασις (M. Sicherl note les confusions α>ω αι>ω en minuscule, p. 168), mais le sens et l'emploi du mot έμβίωσις chez Jamblique et les néoplatoniciens ferait aussi problème.

Il est sage d'admettre ici, au lieu d'une confusion de lettre, une faute de mot ; ε"μφασις convient pour le sens, à côté de ϊχνος et εΐδωλον. Un passage de Proclus vient appuyer la lecture : enfasin specierum omnium est employé à côté de vestigia differentium specierum, De mal. subsist. 34, 21-22; p. 216 Boese ; le grec d'Isaac Sebastocrator n'a pas conservé έμφασιν, mais la transcription « latine » de Guillaume de Moerbeke exclut toute erreur ; vestigia traduit ϊχνη (grec 34, 23 ; p. 217).

Vouloir conserver ici le texte traditionnel n'est donc pas justifié, à moins de trouver un emploi incontesté de Ιμβασις dans un texte néoplatonicien au sens de « vestige ».

P. 183 ; VI 1 ; 241, 15 : έναποσβέννυμι se lit chez Aristote, Meteor. II 9, 369 b 16 ; sa présence m'avait invité à rechercher, pour le mot précédent, dans la double direction έλλαμψις et έμπύρωσις ...

P. 195 ; VIII 1 ; 260, 7 : τα αυτά codd., conservé par d. P., a été suspecté par Scott qui suggère το αύτ& (apparat); la traduction «elle» (= la cause première, το πρώτον αίτιον) paraît suivre la suggestion de l'apparat. On peut conserver le texte transmis, mais estimer que le sujet en est, anticipativement, τα πάντα : c'est de tout cela qu'on se demande s'il est possible de l'identifier au démiurge.

P. 195 ; VIII 1 ; 260, 16 : διαφόρως : V M est, à mon sens, acceptable ; c'est aussi l'avis de M. Sodano (Byzantinoslava, p. 30) ; M. Sicherl, au contraire (p. 169 et n. 1) admet la conjecture de Marsile Ficin. Mais διαφόρως έχειν + accusatif est admissible : diffèrent quant aux degrés.

P. 196; VIII 2; 261, 10 : πρώτιστος corrige πρώτιος : ce mot inintelligible ne serait-il pas une manière d'écrire πρωτεΐος ?

P. 196 ; VIII 3 ; 263, 4 : il est peu croyable que μαίευμα ait pu désigner, dans ce contexte, le premier principe « dont le culte ne se célèbre qu'en silence », antérieur à l'intellect qui se pense lui-même.

μάγευμα codd., évoque les opérations mystérieuses de la magie, et les Assyriens, auxquels Marsile Ficin donnait une place dans son titre.

On pourrait aussi penser, mais l'hypothèse est peu sûre, à *μάτευμα, objet de recherche. Manéthon, au me siècle avant J.-C, emploie ματευτής, de même racine.

P. 200 ; VIII 6 ; 269, 9 : κλήσεως V M paraît acceptable ; Y attraction génésique

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JAMBLIQUE ET LES MYSTÈRES D'EGYPTE 187

à laquelle l'âme échappe, l'âme intellectuelle du moins, lie au contraire l'autre âme au monde des corps (κυκλήσεως correction de Marsile Ficin ; an recle? demande M. Sicherl, p. 174).

P. 200 ; VIII 7 ; 270, 8 : δέδεται est conjecture de M. Ficin, retenue par M. Sicherl (p. 170) ; le P. d. P. adopte la conjecture de Gale, plus complexe, δέχεται V M peut bien être mélecture de δέδεται en onciale.

P. 203 ; IX 2 ; 274, 3 : la très belle correction de Westerink άφέμενος pour άφ' ενός codd., laisse subsister un doute ; cf. p. 206 ; 280, 2 : ούκ άφ' ένος μέρους ; et p. 207 ; 281, 12 ενός τοΰ ... προστάτου.

La Iradudion. — Toute traduction implique sans cesse des options, tant pour le choix des mots que pour le mouvement de la phrase. Par suite on peut toujours trouver de bonnes raisons pour refuser telle ou telle traduction. La traduction du P. des Places présente deux qualités essentielles, et difficiles à concilier : elle est à la fois fidèle au texte et intelligible. Ce n'est pas un mince mérite, d'avoir réussi à rendre accessible le contenu d'un texte dont l'obscurité tient à deux raisons : il est réponse à la lettre à Anébon dont nous n'avons plus le texte en entier ; la « doctrine » qui motive les réponses, qui devait être familière à l'auteur, ne nous est pas connue dans son ensemble. Il est vrai aussi que cette « doctrine » n'avait pas le caractère systématique qu'exige, à nos yeux, une parfaite intelligibilité ; la foi vécue qui pouvait suppléer aux déficiences de la logique nous reste étrangère.

Les remarques qui suivent n'impliquent donc pas un désaccord sur le travail du traducteur ; seuls quelques points de détail pourraient, à mon sens, être interprétés différemment.

P. 42 ; I 3 ; 9, 3-4 : δόσεως « accord » peut dérouter le lecteur ; il faut comprendre : ce qui a été accordé; c'est manière de dire destinée.

P. 47 ; I 5 ; 17, 6 : άφθόνως «sans envie» : je pense que le mot pourrait être traduit par généreusement. La signification étymologique paraît oubliée dans l'usage qu'en fait le néoplatonisme. Le mot est toujours employé pour exprimer la générosité inépuisable des puissances d'en haut d'où jaillit tout le réel en émanations éternelles. Dans άφθονος le préfixe a- n'est plus senti comme négatif, et le mot a un sens positif très évident. Il a subi, je crois, une mutation sémantique analogue à celle que P. Friedlànder soulignait pour αλήθεια, comme le rappelle M. Détienne [La notion mythique (ί'άλήθεια, Ft.E.G. 73, 1960, p. 33 et n. 29) ; et Jamblique lui-même a bien perdu la signification étymologique de αλήθεια, puisque il écrit : αλήθεια, ώσπερ τοΰνομα δηλοΐ, περί θεούς ποιεί τήν έπιστροφήν και των θεών την άκήρατον ένέργειαν (ap. Stobée III, 11, 35 ; p. 443, 6-8 Wachsmuth).

Autres exemples de άφθονος, -ως p. 62 ; 41, 5. 147 ; 181, 9. 165 ; 211, 13. P. 48 ; I 5 ; 17, 16 : μεταδόσεως « participation », ce qui indiquerait la situa

tion du « participant » ; le terme, à mon avis, se réfère plutôt à la générosité des puissances transcendantes qui donnent à ce qui procède d'elles réalité et bien.

P. 48 ; I 5 ; 18, 18 : των μεριστών « des choses multiples » infléchit le sens ; la multiplicité est une conséquence de la séparation des êtres particuliers; l'accent doit-il être mis sur ce qui est conséquence ?

P. 53; I 8; 26, 17 : σωματοειδής «selon les corps», traduction ambiguë; il faut comprendre : sur le modèle <de la division > des corps.

P. 53 ; I 8 ; 26, 19 : εύπορία «abondance» (de preuves); j'aurais plutôt compris bonne solution des arguments réfuiatifs (ελέγχων).

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188 P. THILLET

P. 58 ; I 10 ; 35, 9 : οι λόγοι « les concepts » donne un sens trop intellectualiste ; il pourrait bien y avoir là les raisons séminales des Stoïciens, explicitement mentionnées dans la suite (p. 139-140 ; III 28). De même p. 60 ; I 11 ; 37, 11 των αφανών λόγων seraient les raisons séminales invisibles; le verbe άποτυποϋν ne contredit pas l'hypothèse.

P. 67 ; I 15 ; 49, 6 : « en personne » pour traduire αυτά me paraît hypostasier le sens ; elles-mêmes conviendrait mieux.

P. 70 ; I 18; 54, 3 : μαχομένως «avec répugnance» implique une dimension psychologique hors de propos, je pense (41) ; le contexte invite à chercher un sens lié à celui que prend le verbe μάχεσθαι pour exprimer l'incompatibilité, l'opposition entre propositions ou doctrines. Nous avons ici έναντίωσις opposé à το ëv, et διαίρεσις opposé à άδιάφορον ; il est clair que μεριστώς s'associe à διαίρεσις ; μαχομένως rappelle έναντίωσις. Il faut donc penser que l'adverbe signifie que la pluralité est inconciliable : d'une manière contradictoire est le sens acceptable.

P. 88 ; II 7 ; 84, 19-20 : προ εαυτής « devant elle », ne rend pas compte de la signification de la préposition qui a trait, je crois, à la topologie du monde néoplatonicien. Alors que l'âme totale garde le rang qui doit être sien dans la hiérarchie cosmique, l'âme alourdie par son penchant pour la matière se voit placée au-dessous des démons — mauvais, s'entend — rendant par là impossible sa remontée vers la lumière (82, 13-14). Je pense donc que au-dessus d'elle serait préférable.

P. 88 ; II 7 ; 85, 2 : il n'est pas sûr que τάξεις soit « armées » ; certes les comparaisons militaires ne manquent pas dans la vision néoplatonicienne du monde (δορυφορίαν 83, 13) ; mais ici le contexte invite à penser à l'ordre hiérarchique ; chacun des êtres dont les divers aspects sont analysés et comparés occupe un rang défini dans la hiérarchie du plérôme hypercosmique.

P. 95 ; II 11 ; 96, 4 : à la ligne 9 du § 11 de la traduction, placer le crochet droit après « appartient », et le supprimer après « dieux ».

P. 96 ; II 11 ; 97, 12 : προηγουμένως « en les prévenant » ; je pense qu'il est préférable, quand il s'agit de causalité, de comprendre principalement. S'il est exclu, dans la doctrine exposée, que notre pensée puisse manifester une efficace à l'égard du divin, cela s'entend d'une causalité plénière ; l'activité pensante peut jouer le rôle de cause adjuvante ou accessoire (συναίτιον) ; voir 1. 15.

P. 98 ; III 1 ; 101, 6-7 : « ou à d'autres choses apparentées au don en question », interprétation que je ne partage pas : il s'agit encore des réalités du rang de la matière, loin d'être apparentées au don (1. 3), elles lui sont subordonnées, et au dernier rang ; d'où : ou à d'autres choses comparables au lieu.

P. 104 ; III 4 ; 110, 9 : on peut trouver étranges les gens « qui traversent des broches » ; les fakirs se transpercent avec des aiguilles, et je pense que le grec autorise cette traduction, sans qu'il soit nécessaire de corriger δβελούς en οβελοϊς.

(41) De même παθητώς 4 (adverbe qui n'est pas noté dans le diet. Bailly) serait à traduire avec passivité, plutôt que « d'une manière passionnée ».

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P. 118 ; III 14 ; 133, 12 : un lapsus a fait imprimer « lumière » au lieu d'obscurité (σκότος).

P. 125; III 19; 146, 6 : δια του θεσπίζοντος «par le prophète» crée une confusion ; il ne s'agit pas de προφήτης, qui désigne un grade de la hiérarchie sacerdotale égyptienne (cf. I 1 ; 3, 10 et p. 217 note *, p. 39) ; il ne s'agit peut- être même pas d'un être humain ; ό θεσπίζων est celui qui rend Voracle, la puissance supérieure qui répond à la demande de l'officiant.

P. 129 ; III 22 ; 152, 11 : καΐ μάλιστα ή άπο των ζώων είλημμένη ; « cette addition, dit la note à la traduction, oblige à faire de ή ψυχή le sujet de ύφίστησι » (p. 129 n. 1) alors que la phrase et la «logique » du système conduiraient tout naturellement à voir dans τα προσαγόμενα le sujet de ύφίστησι ; mais alors l'addition (31 lettres) n'a pas une place acceptable ; M. Sodano [Porfirio... p. 12, 8-11) la transpose après ή ψυχή (par un déplacement qui correspondrait à trois lignes d'environ 31 lettres) qui reste cependant, dans sa traduction (p. 38), le sujet de ύφίστησι. Aucune de ces hypothèses n'est nécessaire ; on comprend les offrandes tirées de la matière suscitent, en vertu des puissances qu'elles recèlent (ou que la matière recèle), des démons ; quant à l'addition qui suit, και ... είλημμένη, bien qu'au nominatif, elle ne se rapporte pas à l'âme (ce serait un truisme « l'âme prise aux animaux ») mais bien à la matière. Les « offrandes » les plus efficaces seraient, en effet, celles des sacrifices d'être animés, plutôt que les oblations d'objets, ou même de fruits, fleurs, etc.

La difficulté, réelle, se résout facilement si l'on songe que le texte est « réponse à la lettre de Porphyre », où les lemmes peuvent avoir conservé la forme qu'ils avaient dans l'original. La formule en cause pourrait fort bien, dans la lettre, n'avoir pas été contiguë aux mots qu'elle suit dans le De mysteriis : en ce cas, elle pouvait fort bien être au nominatif. Le contexte, en particulier les lignes signalées dans la note (p. 130 ; 154, 4-7), paraissent confirmer cette interprétation.

P. 139 ; 1. 15 : lire modèle, et non modelle. P. 143 ; III 30 ; 175, 12 : l'absence d'article en grec doit autoriser la traduc

tion d'un dieu ou d'un démon. P. 144 ; III 31 ; 176, 15-16 : άτονίαν ... ε"νδειαν sont traduits par un seul mot

« faiblesse » ; on aurait pu tenter de les rendre par deux mots faiblesse et indigence (cf. à 193, 4 ; p. 154).

P. 150 ; IV 4 ; 186, 7 : τον θεραπεύοντα «le prêtre » (comme p. 152 à 190, 14) ; il faut comprendre le fidèle (cf. p. 159 ; 201, 15) car le rituel pourrait bien n'être pas totalement réservé aux seuls prêtres (οι ιερείς), quoique ce fût le cas dans l'Egypte ancienne.

P. 154 ; IV 9 ; 193, 2: la traduction fait παθήματα sujet de προεστηκότα, mais ce neutre reprend (comme οντά) l'énumération des activités universelles (ή φιλία, ό έρως, το νεΐκος) qui, à ce niveau, sont en acte (κατ' ένέργειαν) et ne sont en rien « passions » ; je crois qu'il faut traduire ces activités.

P. 154 ; IV 9 ; 193, 5 : « unies entre eux » est un lapsus (elles). P. 162 ; V 7 ; 207, 9-10 : των γιγνομένων ne reprend pas identiquement τό

ποιητικόν τών πραγμάτων (« la production des choses »), comme la traduction « en » le suppose ; il faut traduire par les choses en devenir.

P. 163 ; V 8 ; 208, 9 : « parce qu'il est apparenté au soleil » (on ne peut omettre un verbe au mode personnel dans cette construction).

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190 P. THILLET

P. 166 ; V 10 ; 213, 14 : καί n'est pas traduit, mais il n'est peut-être pas explétif ici : « on peut avoir cela aussi dans les générations visibles ».

P. 177 ; V 22 ; 230, 16 : το κυριώτατον του δλου πλήθους « qui est au sommet de la foule (des divinités) » ; je comprendrais plutôt : de la multiplicité universelle.

P. 179 ; V 23 ; 234, 10 : που en quelque façon plutôt que «je suppose » ; il s'agit moins d'une opinion que d'un aspect du réel.

P. 197 ; VIII 3 ; 265, 9 : το έσχατον n'est pas très heureusement traduit par « le résidu extrême qui en restait » ; je comprends : et en a ordonné la partie inférieure en corps générables et corruptibles.

P. 198; VIII 4 ; 267, 3 : προπάτωρ n'est peut-être pas à comprendre comme « un père du démiurge antérieur » ; ce mot, appliqué à la divinité comme dans les écrits hermétiques (cf. Corpus Hermeticum, t. III, Extraits de Stobée II A ; § 13, 1. 13, p. 7 — éd. Festugière — et les remarques de l'éditeur p. xvi et p. 11 n. 19), est traduit par le Tout premier Père. Il faut, je pense, comprendre : ils rangent, avant (se. au-dessus du) le démiurge des êtres en devenir, un Tout premier père.

P. 204 ; IX 3 ; 276, 14 : lire astres, et non « arts ». P. 210; X 1 ; 285, 11 : au lieu de «d'abord tu as exposé des objections,

ensuite tu es demeuré coi et là-dessus tu interroges », j'aurais traduit ainsi : tu as commencé par proposer les points qui doivent retenir l'attention, puis tu as soulevé les problèmes, après quoi tu interroges.

Annotation. — L'édition et la traduction d'un texte aussi rempli de difficultés exigeait une annotation abondante. Tout en usant des pages terminales consacrées aux notes complémentaires (217-222), le P. des Places, avec son humilité coutumière, s'en est tenu à des références et à des explications succinctes ; c'est supposer chez tous ses lecteurs une science qu'ils peuvent ne pas avoir. Pour ma part, je me suis beaucoup instruit à lire ces notes et à consulter les articles et ouvrages auxquels elles renvoient; peut-être les lecteurs de cette recension me sauront-ils gré de noter quelques-unes des remarques faites à cette occasion.

P. 39 ; I 1 ; 3, 10 : le titre de άρχιπροφήτης est encore attesté au ive siècle de notre ère dans un papyrus (Pap. Hermopolis Rees), cf. Chronique <f Egypte 39, 1964-5, p. 474.

P. 47 ; I 5 ; 17, 4-6 : ήδη et άφθόνως sont expliqués p. 49 n. 1. Sur la traduction du second mot, voir ci-dessus (p. 187) à p. 47, la traduction.

P. 55 ; I 8 ; 28, 20 πλήρωμα voir aussi Corpus Hermeticum t. I (Nock-Festu- gière) fgt VI, p. 76 n. 17.

P. 71 ; I 18 ; 56, 14 : έν όρχήσει ; la comparaison de l'ordre cosmique avec la danse est fréquente chez Plotin, mais il ne semble pas l'utiliser, comme ici Jamblique, pour rendre compte de l'existence du mal. Cf. Enn. IV 4 [28] 33 (et 34, 28-33 ; 35, 14).

P. 86 ; II 6 ; 82, 1-2 : τοις της ψυχής όφθαλμοϊς ; l'expression se trouve déjà chez Platon, Rep. 533 d 2, τό της ψυχής δμμα (cf. Ε. d. P., Lexique, p. 376-377). Quand Plotin, IV 4 [28] 4, 1, dit que l'âme voit le bien par l'intermédiaire de l'intelligence (τάγαθόν δια νοΰ δρα), on serait tenté de considérer que « les yeux de l'âme » désignent le νους. Mais il faudrait se garder de vouloir donner un sens très précis, structuré selon un système rigide. Pour Aristote en effet,

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JAMBLIQUE ET LES MYSTÈRES D'EGYPTE 191

τό όμμα της ψυχής, l'expression même de Platon, c'est la «ρρόνησις; Ethic. Nie. VI 13, 1144 a 30 (cf. P. Aubenque, La prudence chez Aristote, p. 61 et n. 4). L'expression enfin est connue dans la littérature chrétienne ; cf. Corpus Herme- licum, Poim. VII, p. 82 n. 5 N.-F.

P. 92 ; II 10 ; 90, 17-19 : quand il souligne que la vérité est aux dieux comme la lumière au soleil, Jamblique réfute une thèse que Porphyre a soutenue ailleurs ; Eusèbe et Théodoret l'ont relevée dans le De philos, ex or. ; il y a, parmi les dieux (ou démons), des menteurs. Eus. Prep. Ev ; VI, 1 ; Théodoret, Therap. X 13 sq., p. 365 Canivet.

P. 93 ; II 10 ; 92, 13-14 : «les vrais athlètes du feu », que la note 3 invite à comparer aux martyrs chrétiens, n'annoncent-ils pas ces personnages inspirés dont il est question p. 104 ; III 4 ; 110, 5-7 et 13-15 ? Il faut ajouter que les métaphores agonistiques sont fréquentes dans la diatribe, et qu'elles ne sont pas rares dans bien d'autres textes ; voir Corpus Hermeticum t. I éd. N.-F., p. 122, 15 et 132 n. 62.

P. 98 ; III 1 ; 100, 17-101, 1 : « toute force remonte aux dieux et vient des dieux », car la mantique, selon Jamblique, n'est en rien le fait de l'homme ; « le dieu... accomplit par lui-même toute l'œuvre de la divination... il agit par lui-même...» (p. 107; III 7; 115, 6-10). On retrouve la vieille conception égyptienne relative aux oracles, telle que Hérodote, II 83, nous la donne : ανθρώπων μέν ούδενί πρόσκειται ή τέχνη (scil. ή μαντική), των δε θεών μετεξε- τέροισι. Le De mysleriis permet de constater la permanence d'une croyance.

P. 104; III 4; 110, 13 : άβατα βατά γίγνεται, la formule est frappante, et n'est pas sans rappeler l'oxymoron fameux βίος αβίωτος ; mais des rapprochements de même nature se rencontrent ailleurs dans notre texte ; ainsi p. 123 à III 17; 141, 17-18: ... άψυχο ις ψυχήν ; 142, 13 άγνωστα γνωστά ... On peut se demander si un prêtre égyptien écrivant en grec aurait pu vouloir de tels rapprochements. S. Sauneron signale, B.I.F.A.O. 51, p. 49, l'assonance, en égyptien et en copte : « Viens, Amon » (ou « Allons, Amon ! ») et note (p. 49 n. 1) l'absence d'étude générale sur les jeux de mots en égyptien; on soulignera toutefois la difficulté de transposer l'esprit qui préside à de tels jeux phonétiques dans une autre langue. Il pourrait y avoir là un de ces détails qui rendent difficile de maintenir la thèse de M. Derchain sur l'attribution de l'ouvrage au prêtre égyptien Abammon.

P. 120; III 16; 136, 17 : l'absence de cœur (άκάρδια) dans les victimes rappelle le sacrifice qui, selon Suétone (I 77), avait annoncé la mort de César, et que Cicéron a rapporté différemment, avec d'autres exemples (De divin. I 52). Tout ce passage, qui pourrait bien reprendre, en le résumant, le texte même de Porphyre, remonte sans doute à la même source à laquelle a puisé Cicéron ; les « oiseaux mus par l'impulsion de leur âme particulière » (136, 19-20) rappellent les alites de Cicéron {op. cit., I 53) : l'animal ut vult ita utitur motu sui corporis ; mais cela est plus facile au dieu : id deo fit facilius.

P. 132 ; II 24 ; 157, 6-7 : la formule que Jamblique oppose à Porphyre : αναιρείς αυτήν (se. την μαντικήν) appartient à la tradition polémique qui fait reproche, entre autres, aux Stoïciens de « supprimer la divination ». Voir, par exemple, Alexandre d'Aphrodise, De falo 188, 11 ; 201, 28 Bruns. Serait-elle venue spontanément sous le calame d'un prophète égyptien ?

P. 153 ; IV 8 ; 192, 4 : σωματικαϊς άνάγκαις rappelle Plotin III 2 [47] 11, 1 et IV 4 [28] 39, 25 : φυσικαΐς άνάγκαις.

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192 P. THILLET

P. 158 ; V 3 ; 201, 2 : βαρύτητα ; chez Platon [Phédon 81 c 7), si l'âme est alourdie (βαρύνεται), c'est par le corps ; ici, c'est l'alimentation qui accroît pesanteur et souillure de l'âme. C'est un lieu commun ; cf. Corpus Hermeticum, Excerpta Stobaei XXV § 5 ; p. 69, 16-18 Fest., qui donne d'autres références, p. 74 n. 12 ; dont Porphyre, De anlro nymph. 11 ; p. 64, 13 sq. Nauck. — On se demandera si ces lignes ne citent pas, plus ou moins littéralement, la Lettre à Anébon ; έναμόργνυται se lit en effet dans Porphyre, Άφορμαί, ap. Stobée I 49, 55 ; p. 429, 20-21 Wachsmuth.

P. 181 ; V 26 ; n. 2 : έμπέλασις ne se lit pas dans le passage que la note commente (on y lit συναγωγόν 1. 15) : il s'agit en fait du quatrième des cinq degrés de la prière distingués par Proclus (voir Notice, p. 17-18).

P. 190 ; VII 2; 252, 5-6 : dire l'activité de l'intellect connaturelle au seul mouvement circulaire n'est pas sans rappeler la doctrine du Timée, où l'activité intellectuelle de l'âme est liée à ses révolutions (cf. J. Jouanna, Revue des Études Grecques 79, 1966, p. xv-xvii).

P. 193 ; VII 5 ; 257, 1 sq. Tout ce développement sur les avantages de la langue « barbare » (entendons ici « égyptienne »), les difficultés de la traduction, les obstacles qu'elle oppose à l'emploi liturgique des textes est sans doute d'origine hermétique, et d. P. renvoie à juste titre à Corpus Hermelicum XVI 1-2 Nock- Festugière (δύναμιν ici, 257, 14, ferait décidément préférer, pour Corp. Hermet. XVI 2 ; p. 232, 8, la conjecture de Nicéphore Grégoras). La langue des hiéroglyphes n'est pas, d'abord, un instrument de communication, elle est faite des puissances réelles qui constituent les réalités elles-mêmes (cf. S. Satjneron, Les prêtres de l 'ancienne Egypte, p. 116-127). C'est sans doute ce que veut dire Jamblique quand il oppose aux signes signifiants conventionnels (σημαντικός τε καΐ μηνυτικός 255, 3 ; p. 192 ; κατά συνθήκην 257, 4 ; ρ. 193) les signes symboliques (νοερός και θειος ... συμβολικός χαρακτήρ 255, 10-11).

Α μεταπλάττειν (259, 14) on comparera le reproche que font les Hermetica aux traductions en grec : μεγίστη διαστροφή τε και ασάφεια (ρ. 232, 4-5).

Ρ. 193 ; VII 5 ; 257, 16 : συντομίαν, c'est sans doute vrai de l'écriture hiéroglyphique ; mais les autres traits, moins d'ambiguïté, moins de variété, sont fort contestables.

P. 195 ; VIII 1 ; 261, 3 : pour Manéthon, cf. p. 220 n. 195*. Il est bon de rappeler que l'auteur est connu de Porphyre, De abst. II 55 ; 188, 5 N.

P. 198; VIII 4 ; 267, 3 : προπάτωρ, mot rare, employé à propos de la divinité ; on le trouve dans les écrits hermétiques ; ainsi Corpus hermeticum t. III, p. xvi et p. 11 n. 19.

P. 204 ; IX 4 ; 277, 2-3 : ή μαθηματική επιστήμη : désigne et Γ astronomie et Vastrologie. Cet emploi du mot n'est nullement platonicien ; chez Aristote la mathématique est le genre dont l'astrologie (αστρολογία) est une espèce ; voir notamment Meta. Λ 8, 1073 b 3-8, où l'« astrologie » est présentée comme la science mathématique la plus proche de la philosophie première. Saloustios, De dus... IX 4, 5 (p. 14 Rochefort), évoque l'invention de l'astrologie, ή μαθηματική τέχνη (traduit à tort par « la science mathématique ») qui peut permettre d'échapper à la destinée.

P. 207 ; IX 7; 281, 18-19 : πανταχού τα άρχοντα των αρχομένων έστιν απλούστερα n'est pas, curieusement, sans rappeler Aristote, Meta. Κ 1, 1059 b 34-35 : ει μάλλον αρχή το άπλούστερον τοϋ ήττον τοιούτου. Ce thème de l'un

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JAMBLIQUE ET LES MYSTÈRES D'EGYPTE 193

supérieur au multiple, qui peut être une transposition de la politique à l'ontologie, est déjà chez Homère, Iliade II 204-205 : ούκ αγαθόν πολυκοιρανίη ■ εις κοίρανος έστω, / είς βασιλεύς.

Ρ. 210 ; Χ 1 ; 286, 10-12 : que la connaissance des dieux s'accompagne d'un « retour » (επιστροφή) sur soi et de la connaissance de soi-même, c'est là un thème plotinien (V 3 [49] 7, 1-9 : cf. commentaire Harder-Beutler-Theiler, t. V b, p. 377), certainement repris par Porphyre (il est l'auteur d'un Περί του γνώθι σαυτόν en quatre livres, dont trois fragments sont cités par Stobée III 21, 26-28) ; voir aussi la paraphrase porphyrienne connue sous le titre Êpttre sur la science divine (en arabe) §§ 68-74 {Plotini Opera, Henry-Schwyzer, t. II, p. 309). Jamblique reprend le thème, qui paraît peu égyptien.

A ces remarques circonstanciées, je voudrais ajouter quelques notations relatives au vocabulaire. É. des Places a signalé, dans quelques notes, des rapprochements de doctrine ou de vocabulaire avec Platon ; et nul autre n'était mieux qualifié pour ce faire. Je crois cependant utile de montrer à quel point le texte du De mysteriis est imprégné de la langue de Platon, alors que les termes proprement aristotéliciens y sont rarissimes (42) ; au hasard de mes lectures, j'ai pu noter ces références :

P. 42 ; I 3 ; 8, 10 : κρίνειν τε και άποκρίνειν Lois VI 751 d 2. P. 42 ; I 3 ; 9, 10 : συνοπαδοϊς Phèdre 248 c 4. P. 43 ; I 3 ; 9, 13-14 : εικασία République VII 534 a 1 ; 15 : συλλογισμψ

(au sens de raisonnement, sans rapport avec la syllogistique d'Aristote) Théét. 186, d 3 ; 16 : μεταδιώκουσα Timée 46 e 1 ; 16 : άμέμπτοις Lois XI 924 a 5 ; XII 945 d 3, avec déplacement de l'éthique à l'épistémologie.

P. 64 ; I 13 ; 44, 2 : άποδιοπομπεΐται Lois IX 877 e 9. P. 64 ; I 14 ; 45, 5 : άκήλητον Phèdre 259 b 1. P. 66 ; I 15 ; 47, 15 : έγκαιρότατον Lois IV 717 a 3, justement à propos des

rapports de l'homme avec les dieux. P. 69 ; I 17 ; 52, 6 : συνεπάγη : Platon utilise le même verbe à propos de

l'union de l'âme et du corps, Timée 73, d 7. P. 104 ; III 5 ; 111, 3 : κατοκωχή deux références chez Platon {Lexique p. 285)

Ion 536 c 2 ; Phèdre 245 a 1. P. 105 ; III 5 ; 111, 14-15 : ένθουσίασις Phèdre 249 e 1.

(42) Sans doute le néoplatonisme, avec Plotin et Porphyre, n'a pas hésité à puiser abondamment dans le riche vocabulaire technique d'Aristote, mais cela se remarque principalement dans les traités de caractère doctrinal. Quand il s'agit de textes destinés à un public plus large que le cercle des disciples, on remarque un délaissement du vocabulaire aristotélicien. Chez Porphyre lui- même, le Lettre à Marcello (« apologie destinée à la publicité », selon J. Bidez, Vie de Porphyre, p. 113), comme me le faisait remarquer M. H. Dôrrie, paraît ignorer la terminologie philosophique aristotélicienne. (On pourrait, il est vrai, vouloir interpréter cela comme l'indice d'une évolution de Porphyre, « une sorte d'affaiblissement de l'influence rationaliste de Plotin après la mort de Plotin » : H. Gh. Puech, Les sources de Plotin, p. 39 ; cité par J. H. Waszink, Porphyre... p. 71, n. 3).

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P. 171 ; V 15 ; 220, 18 : άνακεραννυμένη Crilias 121 a 10. P. 177 ; V 22 ; 231, 3 : διαθεσμοθετέω Timée 42 d 2-3. P. 197 ; VIII 4 ; 265, 11 : διευκρινέω Parménide 135 b 3. Tout ce vocabulaire proprement platonicien, dont une quête systématique

retrouverait d'autres traces, implique évidemment une grande familiarité avec les dialogues, car on ne peut supposer qu'il est en totalité emprunté à la Lettre de Porphyre ; peut-on croire qu'un prêtre égyptien du me siècle finissant ait pu avoir une culture si précise et si étendue ? On citera, il est vrai, des Égyptiens profondément hellénisés, comme Manéthon, « prêtre » sous les Ptolémées ; depuis cette époque, l'Egypte n'avait pas cessé de s'helléniser de plus en plus ; parallèlement, la culture proprement égyptienne tendait à s'effacer ; il faudrait donc admettre en Abammon un personnage à la double culture, d'un niveau exceptionnel, dont on pourrait s'étonner qu'il nous soit resté par ailleurs inconnu.

J'ai noté plus haut la formule limitative « dans la mesure du possible » (p. 4 n. 7) ; elle reparaît, sous une autre forme, κατά το δυνατόν (p. 189 ; VII 1 ; 250, 9), dans la partie proprement « égyptienne » de l'ouvrage. Or il me semble qu'une telle formule, qui implique conscience à la fois du pouvoir et des limites de l'être humain, exprime une idée étrangère à la pensée de l'Egypte ancienne, qui ignore la notion (et n'en a sans doute pas d'expression écrite) d'impossible. C'est là au contraire une formule typiquement néoplatonicienne.

A côté de cette coloration platonicienne du texte, il est bon de montrer l'absence presque totale de termes expressément aristotéliciens. Ne tenons pas compte de quelques mots, comme ΰλη : ce terme n'est pas employé par Platon au sens de « matière », mais il est devenu si banal dans cet emploi qu'il est impossible de noter sa présence dans un texte comme référence aristotélicienne. Les rares notations relevées sont fort loin de pouvoir servir d'indices d'une connaissance d'Aristote par l'auteur du De mysteriis. Mais, je me hâte de souligner avec force qu'on ne peut conclure de là à l'ignorance d'Aristote par Jamblique (voir n. 42 ci-dessus).

P. 150 ; IV 4 ; 186, 9-10 : δικαιοπραγείν est aristotélicien (cf. Bonitz, Ind. ar. 196 b 11-17), mais reprend sans doute le terme utilisé par Porphyre, non cité dans le lemme.

P. 154 ; IV 9 ; 192, 19 : κατ' ένέργειαν pourrait être traduit en acte, avec le sens spécifiquement aristotélicien qui l'oppose à κατά δύναμιν (δύναμις est parfois associé à πάθος) ; mais le P. d. P. a évité cette traduction, peut-être avec raison.

P. 183 ; VI 1 ; 241, 15 : έναποσβέννυμι Aristote Meteor. II 9, 369 b 16. On sera tenté d'interpréter cette carence de la terminologie aristotélicienne

par le caractère même de l'ouvrage : ce n'est pas un traité de philosophie, destiné à des spécialistes, mais une œuvre qui cherche à atteindre un public plus vaste, comme la Lettre ouverte à Anèbon dont elle constitue la réponse.

L'ensemble des remarques auxquelles a pu donner lieu cette édition nouvelle du texte de Jamblique montre à la fois tout son intérêt, par les problèmes nombreux qu'il soulève, et l'importance du travail accompli par le P. É. des Places pour présenter et traduire cet ouvrage (43). Les esprits pour qui la philosophie

(43) Loin des restreindre les mérites de l'éditeur, les remarques suscitées

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JAMBLIQUE ET LES MYSTERES D'EGYPTE 195

doit se présenter comme un savoir rationnel visant à se constituer en système pourront se sentir dépaysés en présence d'un tel écrit ; ils auraient tort cependant de le condamner sans examen (44). Pour une âme que ne peut satisfaire la connaissance pure d'une vérité d'ordre intellectuel, une âme qui aspire à davantage, à l'expérience concrète des réalités transcendantes dont la raison impose l'idée, mais qu'on peut vouloir constater comme des êtres réellement êtres ; pour un esprit dont les aspirations mystiques ne peuvent plus s'abreuver aux sources d'une religion abâtardie et sans vie réelle, les tendances qui existaient dans le platonisme et qui furent peu à peu développées dans le néoplatonisme devaient nécessairement transformer la philosophie, non pas en théologie (rationnelle), mais en théosophie, voire en théurgie. A la rationalité se superpose et se substitue la spiritualité ; aux doctrines s'adjoignent ou se substituent des rites.

Avec le De mysteriis on peut, je crois, tenter de saisir, pour ainsi dire à l'état naissant, une telle mutation. Mesurer par des recherches précises sur le vocabulaire et la thématique le rôle des antécédents philosophiques, la part des influences des cultes, n'est-ce pas là une tâche à laquelle l'histoire des idées a le devoir de s'attacher ? (45) Jamblique est un jalon entre Plotin et Julien, entre le sage qui enseigne et le réformateur qui prétend fonder et propager un culte, entre la vie contemplative et l'action théologico-politique. Il peut paraître partial de donner un tel poids à ce texte jusqu'ici assez négligé ; mais l'illusion ne vient-elle pas justement de ce qu'il a été trop peu connu ? Le P. des Places, en mettant entre les mains des chercheurs un texte aussi solidement établi et présenté, permet, à coup sûr, d'engager des recherches nouvelles dans des voies jusqu'ici trop peu fréquentées. Il a bien mérité des études grecques et de l'humanisme.

P. Thillet.

par son travail ne font, à mes yeux, qu'en révéler les mérites : la critique ne peut s'exercer qu'à l'égard de ce qui en vaut la peine. Les quelques rares fautes d'impression que je note ci-après, par leur rareté même, témoignent dans le même sens ; on corrigera donc : p. 48 ; 19, 6 : άπ- ; p. 79, trad., ligne 2 : mettre, au lieu de. ; p. 88 trad., 1. 15 : tache ; p. 102 ; 107, 11 : νοερόν ; p. 104, n. 1, 1. 2 : où ; p. 109, n. 2, 1. 1 : Τοΐζος ; p. 129 ; 152, 11 : των ζώων ; p. 150 trad., dernière ligne : sanctions. ; p. 157 trad., V 1, 1. 4 : philosophique ; p. 224, Index : s. v. Heraclite, ajouter 40, 13 ; s. v. Porphyre, supprimer 6, 1.

(44) A cet égard, les formules employées par A. Rivaud, Histoire de la philosophie t. I, p. 545-548, me paraissent profondément injustifiées.

(45) Ce n'est pas le lieu de développer ce thème, mais on constate une évolution analogue du platonisme à une théosophie néoplatonicienne, à une autre époque, dans un autre milieu. D'Avicenne à Suhrawardi d'Alep et à ses successeurs spirituels, c'est un cheminement de même sens, que les travaux de M. Henry Corbin commencent à faire connaître. Le parallèle est certes loin d'être parfait, en raison surtout de la différence considérable du fond religieux sur lequel se dessine cette évolution ; mais il invite à se demander si ce n'est pas là la destinée inexorable du platonisme.