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SociologieS La recherche en actes Enquêter sur la « diversité » à Berlin. Le cas de l’inspecteur Bobkowski Barbara Thériault Édition électronique URL : http://sociologies.revues.org/3476 ISSN : 1992-2655 Éditeur Association internationale des sociologues de langue française (AISLF) Ce document vous est offert par Bibliothèques de l’Université de Montréal Référence électronique Barbara Thériault, « Enquêter sur la « diversité » à Berlin. Le cas de l’inspecteur Bobkowski », SociologieS [En ligne], La recherche en actes, Champs de recherche et enjeux de terrain, mis en ligne le 11 avril 2011, consulté le 13 octobre 2016. URL : http://sociologies.revues.org/3476 Ce document a été généré automatiquement le 13 octobre 2016. Les contenus de la revue SociologieS sont mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modication 3.0 France.
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Thériault, Barbara. « Enquêter sur la ‘diversité’ à Berlin. Le cas de l’inspecteur Bobkowski », SociologieS, 2011.

Jan 16, 2023

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Page 1: Thériault, Barbara. « Enquêter sur la ‘diversité’ à Berlin. Le cas de l’inspecteur Bobkowski », SociologieS, 2011.

SociologieS La recherche en actes

Enquêter sur la « diversité » à Berlin. Le cas del’inspecteur Bobkowski

Barbara Thériault

Édition électroniqueURL : http://sociologies.revues.org/3476ISSN : 1992-2655

ÉditeurAssociation internationale des sociologuesde langue française (AISLF)

Ce document vous est offert parBibliothèques de l’Université de Montréal

Référence électroniqueBarbara Thériault, « Enquêter sur la « diversité » à Berlin. Le cas de l’inspecteur Bobkowski », SociologieS [En ligne], La recherche en actes, Champs de recherche et enjeux de terrain, mis en ligne le11 avril 2011, consulté le 13 octobre 2016. URL : http://sociologies.revues.org/3476

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Enquêter sur la « diversité » à Berlin. Lecas de l’inspecteur Bobkowski

Barbara Thériault

1 L’objectif du projet à l’origine de cet article 1 était pragmatique : je souhaitais enquêter

sur la question de la diversité en Allemagne, un pays réputé hostile à la différence

(Schiffauer, Baumann et al., 2004). La police me semblait un terrain d’enquête tout

indiqué : des initiatives avaient été mises de l’avant dans les années 1990 pour faire la

promotion de la diversité. De plus, la police représentait un cas extrême, avec lequel le

sociologue entretient souvent un rapport tendu aux valeurs. En tant que sociologue, je

souhaitais aller au-delà des acceptions managériales du terme, associées ici à l’idée

d’efficacité ou, à certaines occasions, à une dimension d’accommodation aux pratiques

religieuses et culturelles dans la fonction publique et à la lutte contre la discrimination.

J’entendais en effet ce concept dans un sens que je considère davantage ancré

sociologiquement.

2

Dans la foulée d’une sociologie inspirée par l’œuvre de Max Weber, il s’agissait de

reconstruire les motifs de l’action de ceux qui, à travers leur travail, avaient

effectivement contribué à une plus grande reconnaissance de la différence dans les

services policiers 2. Qui étaient ces « porteurs de la diversité » ? Parce qu’ils avaient attiré

l’attention de chercheurs (Franzke, 1999 ; Blom, 2005 ; Behr, 2006 ; Hunold, 2008), je me

suis d’abord intéressée aux responsables des initiatives visant à recruter et former des

officiers de police issus de l’immigration (Thériault, 2004 et 2008). Je me suis ensuite

penchée sur d’autres secteurs susceptibles d’avoir abordé la question de la différence : des

séminaires pour les responsables des forces policières, des initiatives syndicales et même

l’aumônerie de la police. J’ai découvert que, bien que ces initiatives référaient parfois

explicitement à la « diversité », elles n’avaient pas toujours mené à une plus grande

reconnaissance de la différence dans les services policiers. C’est alors que je me suis

tournée vers un autre domaine où était plus ou moins formellement abordée la question

de la différence : l’enseignement. Parce qu’elle s’avérait une voie possiblement féconde,

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c’est l’éducation politique – et plus spécifiquement ceux qui en étaient en charge – qui a

alors retenu mon attention.

L’éducation politique est un domaine d’enseignement unique que l’on pourrait caractériser de

« propagande non-partisane » (Hébert, 2006, p. 171 ; Mannheim, 1929, p. 158) et dont les racines

intellectuelles remontent aux réflexions menées sur le rôle des intellectuels dans le contexte

allemand de l’entre-deux guerres. Au sortir de l’ère nazie et dans l’ombre de l’holocauste, cette

science politique (ou « démocratique ») a été institutionnalisée dans le but d’inculquer un sens

démocratique à la population et de faire la promotion d’attitudes et d’institutions libérales au

sein de la nouvelle République fédérale (Widmaier, 1987 ; Buse, 2008). L’éducation politique est

une institution détachée de toute orientation politique partisane. Elle est coordonnée par des

agences situées aux niveaux du fédéral (la Bundeszentrale für politische Bildung) et des Länder (les

Landeszentralen für politische Bildung) qui supervisent et soutiennent les enseignants, les

publications et les informations médiatiques, en plus d’organiser conférences et événements

publics.

3

À l’Académie de police et Centre d’entraînement de Berlin, c’est l’inspecteur

Klaus Bobkowski qui est en charge de l’unité d’éducation politique. Nous nous sommes

rencontrés pour la première fois dans son bureau, rempli de coupures de journaux et de

livres portant sur la police et l’histoire de l’Allemagne, puis plus tard au Musée de la

Police de Berlin, une institution qui lui doit en grande partie son existence. Parce que ses

propos et ses activités (ainsi que ceux de ses collègues) se sont vite avérés instructifs

quant au traitement de la différence dans les forces policières, nous nous sommes

rencontrés à plusieurs reprises entre 2006 et 2009 et je l’ai accompagné dans le cadre de

ses activités. Au-delà de ses activités d’inspecteur et d’enseignant, Klaus Bobkowski est

également un historien amateur. Ses efforts pour cerner le passé de la police ont une

portée sociologique non négligeable non seulement pour saisir la façon dont est traitée la

différence, mais aussi pour comprendre comment ces inspecteurs, confrontés souvent à

une importante résistance interne, ont contribué à faire la promotion de la différence au

sein de la police – parfois même à l’encontre de leurs intentions initiales.

4

Après avoir examiné le cas de Klaus Bobkowski et son travail dans le domaine de

l’éducation politique, je présente dans cet article une mise en abîme qui relate les

tentatives de l’inspecteur et de ses collègues pour commémorer Bernhard Weiß, un juif

pratiquant devenu président adjoint des forces de police berlinoises dans les années 1920.

En contrastant dans une deuxième partie les motifs des officiers avec ceux des défenseurs

contemporains de Weiß, j’illustre comment les inspecteurs, malgré la résistance qu’ils ont

rencontrée, ont contribué – parfois malgré eux – à engendrer une plus grande

reconnaissance de la différence dans la police. La juxtaposition de ces deux cas constitue

un moment-clé, car elle permet d’isoler, dans une troisième et dernière partie, les motifs

qui sous-tendent un type particulier de « porteur de la diversité » et leurs fondements

culturels et institutionnels. Le type délinéé, je peux retourner à l’inspecteur Bobkowski et

aux dilemmes auxquels il a été confronté. Le protagoniste, il va sans dire, n’est pas copie

du type.

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Enseigner l’éducation politique

L’inspecteur Klaus Bobkowski

5 Comme la majorité du corps enseignant de l’Académie de police et Centre d’entraînement

de Berlin, Klaus Bobkowski est également un officier de police 3. Mais il s’avère que

l’inspecteur est également un historien amateur enthousiaste : « Eh bien, le soir, les fins

de semaine, d’autres personnes… pendant que d’autres personnes regardent des

téléromans ou se fouillent le nez, d’habitude je lis des livres F05BrireF0

5D » 4. Après avoir

terminé le lycée, il rejoint les forces de police en 1968 – l’année des grandes

manifestations étudiantes. Non sans ironie, il se qualifie lui-même comme étant à la fois

un « vieux soixante-huitard » et un authentique officier de police 5. Lorsque nous nous

sommes rencontrés pour la première fois en 2006, Klaus Bobkowski enseignait l’éducation

politique aux recrues et officiers depuis trente-deux ans.

6

L’éducation politique occupe une plage importante de l’horaire des académies de

police allemandes, tout particulièrement dans la capitale. Elle a longtemps représenté un

sujet très sensible dans cette enclave géographique et idéologique qu’était Berlin-Ouest

au temps de la Guerre froide – une ville alors souvent décrite comme « une île au milieu

d’une mer rouge ». Même aujourd’hui, au cours de la formation de deux ans et demi que

doit suivre une recrue, quatre heures d’enseignement par semaine sont réservées à

l’éducation politique, un chiffre considérable, équivalent au temps alloué à ce qui est

considéré comme le cœur de l’enseignement policier : le droit d’intervention (

Eingriffsrecht). Les recrues se voient donc enseigner les mécanismes parlementaires

allemands en plus du droit étatique et constitutionnel, avec une importance toute

particulière accordée aux droits fondamentaux. À l’Académie de police de Berlin, la

matière abordée peut se décrire comme un croisement entre l’histoire et la science

politique. En plus de l’histoire du Troisième Reich, Klaus Bobkowski insiste

particulièrement sur l’histoire de la République de Weimar (1918-1933) et les menaces

extrémistes auxquelles elle était confrontée par la gauche comme la droite du spectre

politique, une période qui incarne, dit-il, « tout le bien et le mal » de l’histoire allemande.

7

À la suite d’un incident impliquant le harcèlement d’une recrue d’origine juive

au début des années 1980, l’éducation politique a été entièrement réformée. Ce qui, avant,

était un enseignement théorique de droit étatique et constitutionnel, s’est vu orienté

davantage vers la pratique et l’actualité politique. Bobkowski explique que le « travail de

terrain » a été ajouté à la partie théorique du cours afin que les recrues acquièrent une

expérience concrète de l’objet de l’éducation politique :

Je veux dire, avec les droits fondamentaux et l’état de droit c’est toujours commeça, vous ne pouvez pas dire : « J’ai fait ça et c’est là pour de bon » ou quelque chosedu genre. Ou : « On est une démocratie et on va toujours en être une ». C’est commele mariage, eh bien, l’amour ne va pas toujours rester, il faut travailler pour. C’estexactement la même chose pour certains sujets dans la police. Ils ne peuvent pasdire, parce qu’ils ont eu dans leur formation sur les droits fondamentaux, la règlede droit, le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie, que ça F0

5Bl’esprit des droitsfondamentaux F0

5D va leur rester jusqu’à leur 63ème anniversaire, bien, jusqu’aumoment où l’officier prend sa retraite 6.

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Dans l’optique de ne pas trop « mariner dans sa sauce », des dirigeants

d’organisations non gouvernementales et de communautés ethniques locales ont été

invités à donner des conférences et à partager leurs expériences avec les recrues et les

officiers, des podiums de discussion ont été organisés, des excursions ont été planifiées

(visites au Bundestag ou au Mémorial aux juifs assassinés d’Europe, par exemple), et les

élèves du cours d’éducation politique participent à des activités comme la cérémonie

commémorative du Reichspogromnacht. Par le biais des changements qu’ils ont apportés,

Klaus Bobkowski et ses collègues sont devenus familiers avec certaines associations ainsi

qu’avec des responsables de la ville et des commissaires étrangers 7. En raison de ces

contacts, les officiers de l’Académie de police et Centre d’entraînement de Berlin se sont

vu confier la coordination d’un projet de deux ans financé par l’Union européenne (UE), le

NAPAP (Non-Governmental Organisations and Police against Prejudice) 8. « Ben, nous avons en

fait commencé avec ça vers la mi-90 F05Bdurant la vague d’initiatives financées par l’UE et

de conférences sur la discrimination F05D. Oui, la mi-90. Ça a… bien, ça nous a été imposé,

aussi par les commissaires étrangers à l’époque 9 ». À l’initiative de l’inspecteur, le projet

a été institutionnalisé en une semaine de séminaires de techniques interculturelles,

obligatoire pour chacune des recrues à la fin de leur entraînement 10.

9

Dans les années 1990, Klaus Bobkowski et ses collègues ont pris part à de

nombreuses conférences et rencontré des responsables de la ville. Grâce à leurs contacts

et à l’expérience qu’ils ont accumulée, ils ont développé un réseautage très actif et sont

devenus des experts autodidactes en matières interculturelles. Avec le temps et sous leur

impulsion, l’éducation politique a entraîné dans son orbite – au-delà de l’enseignement et

de la formation à l’interne – toute une série d’activités diverses, en plus de s’établir en

une position-clé, un Weichenstellung, pour la reconnaissance pragmatique de la différence

au sein de la police 11.

Dans l’orbite de l’éducation politique

10

Bien que ne tombant pas officiellement sous la responsabilité de l’éducation

politique, un Clearingstelle – un bureau de médiation pour les conflits pouvant émerger

entre la police et les « étrangers » (Ausländer) – a été mis sur pied en 1993 sous l’égide de

l’inspecteur Klaus Bobkowski. Le Clearingstelle est mené par un policier d’origine ethnique

allemande qui enseigne également, en se basant sur des cas réels, au centre

d’entraînement de la police. Parmi les autres activités se retrouvent des initiatives

spécifiques de recrutement. Suite à une cristallisation des contacts entre le personnel de

l’Académie de police, l’Union turque de Berlin-Brandenbourg (une organisation de

lobbying kémaliste défendant les intérêts des Turcs Allemands), le sénateur de l’intérieur

et le bureau du travail de la ville, un cours de dix semaines a été créé pour de jeunes

chômeurs turcs – un cours mis sur pied afin de préparer les candidats aux rigoureux

examens d’entrée de la police 12.

11

Parallèlement à l’enseignement et aux initiatives de recrutement, la

commémoration du passé est devenue un centre d’attention de l’unité d’éducation

politique. Vers la fin des années 1980, le musée et les archives de la police de Berlin ont

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été mis sur pied au quartier général de la police à Tempelhof. Les membres de la société

historique de la police et le personnel du département d’éducation politique ont joué un

rôle central dans leur création. En tant que président-adjoint de la société historique de la

police, Klaus Bobkowski a conçu une exposition sur l’histoire des forces de police de

Berlin (de la fondation d’une police prussienne au milieu du dix-neuvième siècle

jusqu’aux confrontations avec les squatters de la ville dans les années 1980 et l’unification

des forces de l’Est et de l’Ouest au début des années 1990). Il a également accueilli des

visiteurs du musée, publié des articles dans des organes internes de la police et s’est

impliqué dans des activités de commémoration – le tout dans le cadre de l’éducation

politique des recrues et des officiers.

12

Parmi ces initiatives de commémoration s’en trouve une qui a particulièrement

retenu mon attention en raison des similitudes que je lui trouvais avec l’objet de ma

propre recherche et de la mise en abîme qu’elle offrait : il s’agit du cas du fonctionnaire

de la police berlinoise Bernhard Weiß.

Excursus : une histoire dans l’histoire. Le « CarréBernhard-Weiß »

13

Michel de Certeau (1990 [1980], p. 190) a écrit : « tout pouvoir est toponymique et

instaure son ordre de lieux en nommant ». Au lendemain de l’unification allemande,

Berlin a été le témoin de nombreuses tentatives pour renommer des rues et des espaces

publics. La police n’y a pas fait exception. Reconnu comme historien amateur

enthousiaste, Klaus Bobkowski s’est vu mandaté en 2002 par le chef de police pour se

pencher sur l’histoire de la police et émettre des recommandations sur des personnages

dignes de reconnaissance. Tout en étant soucieux de souligner que l’histoire de la police

était loin d’être immaculée, il a toutefois indiqué deux figures de l’ère Weimar méritant

une attention spéciale : Ernst Gennat, l’un des fondateurs de la criminologie et de la

pratique médico-légale modernes, et Bernhard Weiß, chef adjoint de la police. De ces

deux personnages, qui se trouvent également à être le matériau de nombreuses études

historiographiques, mais aussi de romans et de films, Bernhard Weiß était au centre de la

majorité des efforts de Klaus Bobkowski en faveur de sa reconnaissance 13.

14

Avocat prussien de formation, Bernhard Weiß (1880-1951) était un officier

décoré, devenu fonctionnaire haut gradé dans la police berlinoise au temps de la

République de Weimar. Juif pratiquant, Weiß personnifiait l’archétype de « l’étranger

établi » et représentait une rare exception dans la fonction publique de l’État prussien 14.

Bill Drews, le dernier ministre prussien de l’intérieur sous la monarchie, a nommé

Bernhard Weiß fonctionnaire (politischer Beamter) en juin 1918 (Bering, 1992 [1987],

p. 132 ; Hamburger, 1968, p. 102). Il a ainsi été le premier juif non baptisé du Ministère

prussien de l’Intérieur. De 1918 à 1924, il a été chef de la police politique de Berlin et, de

1925 à 1927, chef de la police criminelle de Berlin. Bernhard Weiß est devenu président

adjoint de la police en 1927 avant d’être démis par les Nazis en 1932 et forcé à émigrer.

Dans le but de reconnaître Bernhard Weiß en tant que figure proéminente de la police

durant la République de Weimar et, comme le souligne Klaus Bobkowski, comme étant « le

principal opposant à Goebbels, l’homme de la propagande nazie 15 », une initiative a été

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enclenchée pour nommer le carré faisant face à la célèbre gare berlinoise Friedrichstraße,

le « Carré Bernhard-Weiß » 16.

15

En janvier 2004, la recommandation de la société historique de la police a été

soumise par la branche berlinoise du libéral Parti démocrate libre (FDP) au parlement de

Berlin 17. Ce parti avait été approché, souligne Klaus Bobkowski, parce qu’il « s’imposait

comme le choix évident de successeur au DDP et au parti de Weiß » 18. Le Parti démocrate

allemand (DDP) était, entre 1918 et 1922, un parti libéral de gauche principalement

protestant, dont l’électorat englobait une large part de la bourgeoisie libérale éduquée de

l’ère weimarienne, parmi lesquels se trouvaient bon nombre de juifs (Hamburger &

Pulzer, 1985, pp. 8-14 ; Langewiesche, 2000 [1988], pp. 304-405). Ce parti libéral s’était

entre autres distingué par ses efforts pour défendre la nouvelle République contre ses

opposants de droite comme de gauche. Après 1945, selon Dieter Langewiesche (2000

[1988], pp. 306 et suiv.), ce sont des partis comme l’Union démocrate chrétienne ou le

Parti social démocrate (SPD), ainsi que les institutions sociales de la République Fédérale

qui reflètent le mieux le programme libéral de la République de Weimar – davantage

qu’un parti comme le FDP. Passant outre la question de savoir si le FDP, un parti

principalement caractérisé par ses orientations économiques libérales, peut être perçu

comme l’héritier du DDP, ou encore si Bernhard Weiß en aurait aujourd’hui une carte de

membre, soulignons simplement que Klaus Bobkowski et ses collègues tenaient au soutien

de ce parti en particulier dans leurs efforts pour commémorer Bernhard Weiß.

16

S’étant assuré d’un soutien politique local, les membres de la société historique

de la police étaient confiants que leur initiative verrait le jour. C’est donc avec une grande

surprise qu’ils ont appris que la recommandation avait été rejetée en raison d’une

nouvelle politique du quartier : une semaine avant que la proposition ne soit présentée

par le FDP, la coalition au pouvoir (réunissant le SDP et le Parti du socialisme

démocratique, PDS) s’était entendue pour nommer ou renommer les rues et les places de

la ville exclusivement avec des noms de femmes – et ce tant et aussi longtemps que les

femmes demeureraient sous-représentées 19. Contestant ce qui pourrait se voir comme

une forme de « discrimination positive à rebours » et qui a été décrit par les

pétitionnaires comme de l’intransigeance, le président de la société historique ainsi qu’un

ancien chef de police ont écrit de nombreuses lettres aux politiciens locaux avant de se

tourner vers la presse 20.

17

Les lettres adressées aux responsables municipaux insistent sur le rôle de

Bernhard Weiß comme représentant de la police, fier démocrate prussien et indéfectible

opposant à Joseph Goebbels 21. Ils soulignent le caractère exceptionnel de l’ancien

président adjoint de la police – en tant que personnalité exceptionnelle n’ayant « aucun

exemple comparable » (kein vergleichbares Vorbild) – et insistent sur la nécessité urgente (

dringendes Gebot) de l’honorer. Malgré l’identification d’une nouvelle localisation et

l’obtention du soutien du maire de Berlin, l’initiative a échoué a nouveau en 2005, au

désespoir de ses défenseurs. Bien que visiblement déçu, l’inspecteur Klaus Bobkowski

s’est senti tenu de souligner qu’à aucun moment du processus ils n’avaient – lui ou ses

collègues de la société historique – soulevé l’argument de la judéité de Bernhard Weiß, ou

cherché le soutien de la communauté juive de Berlin, ne souhaitant bénéficier « d’aucun

traitement collectif préférentiel 22 ». Les pétitionnaires souhaitaient éviter de laisser

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croire que Bernhard Weiß n’était commémoré « que parce qu’il était juif », au détriment

de la reconnaissance de son mérite en tant que haut responsable de la police prussienne 23

. Cette position aurait sans doute reçu l’assentiment de Bernhard Weiß lui-même qui

souhaitait être reconnu en tant que fonctionnaire prussien (Liang, 1970, pp. 158-160) et se

battait, à l’aide de moyens légaux, contre les discriminations individuelles 24.

18

Lorsque j’ai rencontré Klaus Bobkowski en août 2008, il n’avait pas perdu espoir

de trouver une place appropriée pour honorer l’ancien président adjoint 25. Entre temps,

il avait contribué à l’organisation du lancement d’une petite biographie de Bernhard

Weiß (voir Rott, 2008), qui inclut une préface du chef de police et qui a été achetée en

grandes quantités par le département de police pour être distribuée aux recrues.

Photo qu’affectionne particulièrement Klaus Bobkowski représentant Bernhard Weiß, debout, encompagnie de Daisy Grzesinski, Charlie Chaplin, Albert Grzesinski et Lotte Weiß in 1931 (avec lapermission de service médiatique de la police de Berlin).

L’histoire croisée

19

Ces efforts de commémoration nous informent sur la reconnaissance de la

différence au sein de la police, mais leur description pointe également certains éléments

déroutants. Il n’y a peut-être aucune surprise à croiser – à Berlin comme dans d’autres

départements de police – ceux auxquels je réfère comme à des « porteurs de la diversité »

au sein du personnel enseignant de l’éducation politique 26. Après tout, il s’agit d’une

avenue fréquemment utilisée pour parler de, et composer avec, une forme de différence

spécifique à l’Allemagne d’après-guerre. J’ai pourtant été frappée de constater à quel

point les officiers se réfèrent – et parfois même s’identifient – à des personnages,

principes et institutions libérales de la République de Weimar de même qu’à l’héritage

libéral qu’ils défendent, un fait qui se remarque non seulement dans leur enseignement

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mais aussi (et peut-être surtout) dans leurs initiatives de commémoration. Les officiers

insistaient particulièrement – comme Bernhard Weiß et ses protecteurs auraient pu le

faire – sur les efforts et les mérites des individus, ainsi que sur le principe formel d’égalité

au sein d’une organisation neutre 27. Insistant sur « l’esprit » du droit constitutionnel

dans le travail de la police moderne, ils faisaient également la promotion d’un ordre du

jour libéral basé sur l’égalité civique.

20

Ces références à la République de Weimar et à ses principes, comme nous l’avons

vu, étaient particulièrement explicites dans le cas de ces efforts de commémoration. Aux

yeux des recrues et des jeunes officiers, de tels exemples transmettaient une image certes

un peu vétuste, mais néanmoins respectable de Klaus Bobkowski et de ses collègues. De

façon générale, de telles références n’allaient pas sans une certaine ambivalence. Comme

le souligne Augustin Simard (2008), les références à la République de Weimar ont

largement été remplacées dans le vocabulaire des cours d’éducation politique.

21

Lorsque Klaus Bobkowski tente d’établir un parallèle entre ses collègues de la

police et les défenseurs de Bernhard Weiß, par exemple en présentant le FDP comme le

successeur naturel du DDP, il est cependant inconfortable et évite d’approfondir le sujet.

D’abord, le FDP n’est pas le DDP. Ensuite, l’image actuelle des officiers de police –

principalement issus d’une petite classe moyenne – se prête mal à une comparaison avec

des personnages issus d’une classe moyenne libérale éduquée (Bildungsbürgertum). La

Bildungsbürgertum pourrait se décrire dans des termes wébériens comme un groupe de

statut – comparativement à une classe à proprement parler – dont les membres se

caractérisaient bien davantage par leur éducation et leur mode de vie culturel raffiné que

par la possession d’un certain capital économique (Weber, 1995 F05B1921F05D, pp. 395-397)28.

22

Malgré tout, l’initiative de commémoration de Bernhard Weiß semblait

pertinente pour saisir le traitement de la différence au sein des forces de police ainsi

qu’un certain modèle d’inclusion – ou « l’idéal du nous » dont parle Norbert Elias (1998 F05B

1989F05D). Elle rappelle les attitudes d’aujourd’hui à l’endroit des initiatives de recrutement

d’officiers issus de l’immigration ; les arguments avancés en faveur de Bernhard Weiß ne

sont en effet pas sans faire écho à ceux entendus depuis les années 1990 en faveur du

recrutement « d’étrangers » dans les forces de police, un domaine où le changement

organisationnel a été tout particulièrement recherché (Thériault, 2008). Ils renvoient

typiquement à une logique d’exception qui cherche la reconnaissance de la différence

tout en visant à confirmer le principe d’égalité considéré inhérent à l’organisation

policière 29.

23

Pouvons-nous apprendre quelque chose de la comparaison de cas et de figures

apparemment si différents que le sont Klaus Bobkowski, ses collègues, Bernhard Weiß et

ses défenseurs ? Suivant Michael Werner et Bénédicte Zimmermann, j’aborderai

maintenant les liens entre chacun de ces deux cas sous l’angle de l’histoire croisée.

Construite sur la base de comparaisons et de transferts culturels, l’histoire croisée permet

d’ouvrir la méthode comparative au-delà de la logique habituelle des cadres nationaux et

synchroniques, et permet de considérer les objets de recherche « pas seulement […] les

uns par rapport aux autres, mais également les uns à travers les autres, en termes de

relations, d’interactions, de circulations » (Werner & Zimmerman, 2004, p. 22). En

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entremêlant le cas de Bernhard Weiß et ses défenseurs avec les tentatives mises de

l’avant pour le commémorer, je suis en mesure d’isoler des motifs communs afin de

délinéer les contours d’un type particulier de porteur de la diversité auquel des individus

réels – incluant Klaus Bobkowski – peuvent ensuite être comparés et à l’aune duquel ils

pourront être mesurés.

24

M’appuyant sur la sociologie wébérienne, j’examinerai d’abord les motifs – un

« ensemble significatif qui semble constituer aux yeux de l’agent ou de l’observateur la

“raison” significative d’un comportement » (Weber, 1995 F05B1921F0

5D, p. 38) – qui sous-

tendent l’action entreprise dans chacun des cas. En plus des motifs sous-tendant l’action,

je porterai une attention particulière aux mesures prises pour changer les mentalités et le

contexte organisationnel, ainsi qu’aux conséquences et aux dilemmes liés à ces mesures.

Trouver les motifs

25

Qui étaient les partisans contemporains de Bernhard Weiß ? Et quels étaient

leurs motifs pour le soutenir ? Ils étaient des gentils de confession libérale – des hommes

qui pour la plupart, comme Bernhard Weiß, étaient membres de l’Association de Défense

contre l’Antisémitisme (Abwehr-Verein gegen Antisemitismus), une association

majoritairement composée de protestants et de juifs. Ils adhéraient au principe abstrait

d’égalité devant la loi 30, idée caractéristique de chacune des différentes tendances

libérales, croyaient à l’assimilation mais également à une culture allemande et

hétérogène.

26

Parmi eux, Bill Drews (1870-1938), le premier à avoir confié à Bernhard Weiß un

poste dans son ministère, mérite une attention particulière. Mais un autre personnage

important doit être rappelé : Albert Grzesinski (1879-1947), ministre prussien de

l’intérieur sous Weimar, celui qui a nommé Bernhard Weiß chef adjoint de sa police.

Albert Grzesinski est reconnu pour ses efforts de démocratisation de la fonction publique

sous le nouvel ordre républicain, y compris des forces de police qui tombaient sous son

autorité ministérielle. Il procédait surtout par le biais de politiques de personnel (Glees,

1974 ; Albrecht 1999, pp. 210 et suiv.). Dans ses mémoires, il se rappelle notamment avoir

engagé des outsiders dignes de confiance (Grzesinski 1974 [1939], p.112 et 2001 [1934],

p. 204) 31 tel Bernhard Weiß, qu’il décrit comme « un républicain convaincu et un

démocrate » (Ibid, p. 227). Albert Grzesinski a été confronté à une résistance considérable.

De façon générale, les partisans des juifs et d’autres outsiders (comme les catholiques ou

les socio-démocrates) de la haute administration weimarienne rencontraient beaucoup

d’opposition venue de leurs propres rangs.

27

De façon analogue, les motifs de l’inspecteur Klaus Bobkowski dans la poursuite

de ses activités (l’enseignement, la formation, la commémoration du passé et le

recrutement) ne prennent pas leur source dans une quelconque sympathie pour certains

officiers en tant qu’individus, pas plus que dans un souci de leur bien-être 32. Il agit bien

plutôt en fonction d’un principe – ou, dans des termes wébériens, d’un « dévouement à

une cause » (Dienst an der Sache) – qui est celui de la démocratisation des recrues, des

officiers et de l’organisation policière en elle-même. Rendre l’organisation plus

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Page 11: Thériault, Barbara. « Enquêter sur la ‘diversité’ à Berlin. Le cas de l’inspecteur Bobkowski », SociologieS, 2011.

démocratique implique ici, au niveau individuel, l’enseignement des droits fondamentaux

au sein d’un ordre démocratique et le respect de l’égalité civique dans une organisation

qui a nécessairement un statut marginal dans une démocratie libérale. Au niveau

institutionnel, ce principe implique le recrutement d’officiers issus de l’immigration. Au

fil de nos conversations, il est devenu clair que le leitmotiv de Klaus Bobkowski dans la

poursuite de ses activités était réellement d’éclairer les recrues et les officiers. En leur

inculquant les principes des droits fondamentaux et « l’esprit » qui les anime (souvenons-

nous de l’extrait cité plus haut à propos d’un projet qui n’est jamais terminé : « comme le

mariage, eh bien, l’amour va pas toujours rester, il faut travailler pour »), l’inspecteur

comprend son mandat comme étant de faire de la police une organisation plus civile et

démocratique. La démocratisation de la police a longtemps impliqué de s’éloigner d’une

tradition militaire (Liang, 1970, pp. 37 et 57) dont Klaus Bobkowski dit qu’elle était encore

très « prussienne » lorsqu’il a débuté sa formation dans les années 1960 (il mentionne les

grades, les saluts, les uniformes et l’entraînement en général).

28

Il faut reconnaître que les défenseurs de Bernhard Weiß sous Weimar faisaient

face à des politiques foncièrement intolérantes, une situation qui se compare mal à

l’Allemagne contemporaine où les valeurs libérales sont reconnues et dont les institutions

répondent à des standards libéraux 33. Si les responsables de la police sont aujourd’hui

généralement en faveur des initiatives développées dans l’orbite de l’éducation politique

(enseignement, formation, commémoration du passé et recrutement – ce dernier point

étant considéré, aujourd’hui comme à l’époque de Weimar 34, comme le moyen principal

de transformer l’organisation), une majorité d’officiers se montrent plutôt sceptiques à

leur endroit (Dudek, 2009). Cette attitude peu réceptive peut même se retrouver parmi les

officiers de recrutement, les enseignements et les responsables syndicaux mandatés pour

former, recruter et soutenir les candidats issus de l’immigration, et dont les efforts

semblent – au mieux – manquer de conviction 35. Il n’est alors pas surprenant que certains

aient décrit ces initiatives comme étant un lamentable échec (Jaschke cité dans Behr,

2006, p. 124), attribuable à une résistance interne mais également à l’inertie

bureaucratique.

Des mesures prises en terrain hostile…

29

Comme dans le cas des défenseurs des juifs et des « autres outsiders » et de la

haute administration weimarienne, les officiers que j’ai rencontrés à Berlin et dans

d’autres départements de police ont dû faire face à une résistance – certes à divers

degrés – au sein de leurs propres rangs. En fait, l’attitude de l’inspecteur Klaus Bobkowski

et celle de ses collègues de la police ne sont pas sans rappeler certains comptes-rendus

historiques de la République de Weimar, qui établissent généralement une distinction

claire entre les porteurs d’un nouvel ordre démocratique et républicain : d’une part un

petit groupe de républicains « par conviction » (Gesinnungsrepublikaner), et de l’autre un

groupe plus important de républicains « de raison » (Vernunftrepublikaner) (Langewiesche,

1993, p. 29). Dans un tel contexte, il n’est pas surprenant que les premières recrues issues

de l’immigration – tout comme les outsiders dans l’administration prussienne – aient été

en quelque sorte imposés en douce par les échelons supérieurs de la police, par des

protecteurs haut placés, bien plus qu’ils n’ont été réellement accueillis par une majorité

de leurs collègues. Dans les deux cas, ces pratiques d’embauche ont de plus été

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Page 12: Thériault, Barbara. « Enquêter sur la ‘diversité’ à Berlin. Le cas de l’inspecteur Bobkowski », SociologieS, 2011.

condamnées dans les dossiers, dans les rangs de la police ou encore par la presse, pour ce

qui était vu comme une transgression des procédures établies et de la tradition 36.

30

Confronté lui-même à cette résistance, Klaus Bobkowski ne se gêne pas pour

privilégier un modèle descendant – du sommet vers la base – qui pourrait se voir comme

un compromis entre des principes libéraux et des principes démocratiques. Certaines

choses, croit-il, doivent carrément être imposées aux officiers et à l’organisation – il

mentionne les cours préparatoires offerts aux jeunes Turcs Allemands de Berlin et les

initiatives de recrutement d’officiers issus de l’immigration. Bien que critiquée 37, cette

dernière mesure est considérée comme nécessaire pour éviter ce que prévoit l’inspecteur,

à savoir une perte de la légitimité de la police à mesure que grandit la proportion de

population berlinoise issue de l’immigration. Il insiste également sur la nécessité de

confronter la population : « Aussi, l’avocat de Zehlendorf F05Bun district huppé de BerlinF05D

doit s’habituer à se faire parler en allemand par un officier d’origine turque. Il faut aussi

qu’il apprenne à composer avec ça 38 » Aujourd’hui comme dans le passé, la façon

autoritaire dont les objectifs sont formulés ne s’accorde pas toujours avec des ambitions

démocratiques, bien qu’il pourrait être avancé que – du moins dans le contexte de

Weimar – il n’y aurait en fait aucune alternative à cette façon de faire (Glees, 1974, p. 824).

… et les dilemmes qui en découlent

31

Tout comme les défenseurs des juifs qui se faisaient accuser d’être « à demi juif »,

les officiers décrits ici comme « porteurs de la diversité » sont, en conséquence de leurs

activités, souvent identifiés à ceux qu’ils ont aidé à intégrer l’organisation 39. Ils sont

perçus comme une espèce étrange (Exote), une réalité qu’ils doivent supporter et affronter

sur le plan intérieur (Thériault, 2004, p. 89). D’une façon qui n’est pas sans rappeler le cas

des recrues et des officiers issus de l’immigration, cette situation les force souvent à

réaffirmer leur identité en tant qu’officier de police, par exemple en endossant l’uniforme

même lorsqu’il n’est pas requis 40.

32

L’inspecteur Klaus Bobkowski estime de son côté ne pas être considéré comme

une « espèce étrange » au sein de la police, bien qu’il admette être perçu comme étant

« un peu théorique 41 ». Parce que ses arguments passent bien auprès des membres des

forces de police – une organisation caractérisée par une forte socialisation et des

principes homogénéisant – et parce qu’ils répondent assez bien à l’attitude des officiers

offrant une résistance à la reconnaissance de la différence, on peut avancer que

l’inspecteur a de bonnes raisons de ne pas avoir l’impression de nager à contre-courant.

En fait, Klaus Bobkowski et les officiers de recrutement ou les enseignants que j’ai décrits

comme manquant de conviction dans leur travail, semblent souvent suivre un

raisonnement similaire. (Ils vont par exemple affirmer, en parlant du recrutement : « Il

serait bien d’engager plus d’étrangers, mais c’est difficile. Il n’y a tout simplement pas

assez de bons candidats »). Le sociologue sait bien qu’il peut y avoir différentes sources à

l’origine d’un même comportement, que les gens parlent et agissent de façon semblable

mais pour différents motifs 42. Comme l’écrit Max Weber (1995 F05B1921F05D, p. 36) : « Certains

processus externes de l’activité qui nous apparaissent comme “semblables” ou

“analogues” peuvent avoir pour fondement, du côté de l’agent ou des agents, des

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ensembles significatifs extrêmement divers ». Il revient au sociologue de découvrir,

d’interpréter et de reconstruire les motifs de l’action. M’attaquant à cette tâche, j’avance

qu’en contraste avec certains officiers de police qui peuvent être contre les initiatives que

j’ai ici associées à la diversité, d’autres – comme Klaus Bobkowski – peuvent ne pas être

motivés par une réaction négative de la sorte, mais bien agir en fonction d’un principe

libéral et d’un programme d’égalité civique.

33

Parce qu’il est en accord avec l’organisation policière, ce principe ne place pas

Klaus Bobkowski devant les dilemmes rencontrés par certains de ses collègues. Les

tensions que ces derniers ressentent entre leur travail et l’organisation se reflètent

beaucoup sur les différentes recrues et les officiers – comme c’était le cas des

fonctionnaires juifs sous Weimar. Un rapport – faisant suite au travail d’une commission

ad hoc composée d’un médecin de la police, d’officiers haut gradés et de personnel

enseignant – en offre un exemple parlant lorsqu’il insiste sur le besoin d’offrir un soutien

particulier aux employés issus de l’immigration. Ce rapport – d’ailleurs rédigé par Klaus

Bobkowski – souligne que de potentiels problèmes (comme la discrimination) doivent être

évités en surveillant de près les enseignants et les supérieurs immédiats (Dienstweg). Bien

que plaidant explicitement contre l’adoption de mesures spéciales, le rapport

recommande toutefois la formation d’enseignants et d’instructeurs qui agiraient comme

guides (Bärenführer) auprès des recrues. Les problèmes qui ne seraient pas réglés par un

tel suivi sont alors imputés à un manque d’autonomie individuelle et d’habileté à

affronter le travail et la réalité de la police 43.

Dévoué à une cause

Les types

34

En enquêtant sur les motifs de ceux qui contribuent à une plus grande diversité

au sein de l’organisation policière et en empruntant à la méthode wébérienne, trois

idéaltypes peuvent être identifiés lorsqu’on combine les motifs réels des individus : 1) le

spécialiste, c’est-à-dire celui qui recherche de façon explicite davantage de diversité dans

les faits comme dans les valeurs de l’organisation ; 2) l’empathique, dont les motifs

prennent source dans un souci pour le bien-être de ses collègues ; 3) l’opportuniste, dont le

motif premier repose sur l’intérêt personnel, comme par exemple un avancement de

carrière (Thériault, 2008). À partir du cas de Klaus Bobkowski et de ses collègues, mais

également d’autres cas rencontrés au fil de mon travail de terrain, et en fonction de ma

question initiale d’enquête, je suggère ici une quatrième option : celui dévoué à une cause.

Son motif principal est en effet ancré dans le dévouement à un principe – ou, pour

emprunter au vocabulaire wébérien, le « dévouement à une cause » – qu’il conçoit comme

son devoir. Ce type ne se caractérise pas, du moins dans sa forme pure, par une empathie

pour les autres ou par des intérêts personnels, pas plus qu’il ne vise la diversité en elle-

même comme objectif premier, comme dans le cas du spécialiste – bien que les hommes

et femmes derrière cet idéaltype peuvent à terme adhérer à la reconnaissance de la

différence. Ce type orienté par des principes sera prompt à insister sur l’autonomie

individuelle et l’accession à la citoyenneté par un travail d’éducation. Il fait reposer une

grande responsabilité sur l’individu – perçu comme un citoyen fort, voire héroïque. Il

partage sur ce plan des affinités avec une tradition libérale avec laquelle, incidemment,

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Max Weber lui-même aurait fort probablement eu des sympathies 44. Comme Martin

Albrow le mentionne, Weber fut toute sa vie durant un esclave du devoir, « ce sublime

concept de la vue kantienne du monde » (Albrow, 1990, p. 166).

35

Pour revenir au cas de l’inspecteur Klaus Bobkowski, il encadre son travail d’un

lexique tiré des droits fondamentaux, de l’égalité civique ou de la démocratisation de la

police – soit l’objectif de la rendre plus civile en lui insufflant l’esprit des droits

fondamentaux, quitte à parfois l’imposer aux officiers et aux organisations. Sa motivation

de départ n’était pas la reconnaissance ou la promotion de la différence au sein de la

police. Il s’agissait là plutôt d’une conséquence de son travail – mais une conséquence

dont aujourd’hui il se dit fier 45. Bien qu’il embrasse les initiatives mentionnées ici, il n’est

pas ce qu’on pourrait appeler un fervent défenseur de la différence en elle-même et il

penche davantage vers l’assimilation. Son « code motivationnel » pourrait se décrire en

quelques mots : démocratisation, droits fondamentaux et assimilation. Il serait erroné de

le décrire comme étant empathique et il se montre plutôt cynique envers les gais et les

lesbiennes, tout comme d’ailleurs envers les féministes auxquelles il se réfère parfois avec

ironie comme aux « suffragettes » (Suffragetten). Bien qu’il confère de la valeur et une

noblesse à des principes comme les droits fondamentaux, l’attitude de Klaus Bobkowski

envers la différence offense aujourd’hui la sensibilité de certains ; en fait, ceux qui se

montrent les plus sensibles à la différence et qui entretiennent un rapport positif à la

valeur de la diversité sont ceux-là mêmes qui risquent le plus de s’indigner du langage

utilisé par l’inspecteur.

Le contre-interrogatoire de Klaus Bobkowski

36

L’attitude de Klaus Bobkowski pourrait susciter l’indignation de certains parmi

les vrais hommes et femmes qui se trouvent derrière les différents types que j’ai délinéés.

Et ils pourraient bien être tentés de lui faire subir un contre-interrogatoire. L’officier

empathique dont les motifs s’enracinent dans un souci du bien-être des individus

pourrait, par exemple, critiquer le manque de sensibilité de Klaus Bobkowski envers la

question de la discrimination. Il ou elle suggérerait peut-être l’adoption de mesures

spéciales visant à protéger d’éventuelles victimes de discrimination. Du point de vue de

Klaus Bobkowski, comme nous l’avons vu, les problèmes de discrimination rencontrés par

les recrues ou officiers de police issus de l’immigration devraient être évités grâce à

l’intervention des supérieurs immédiats et, de façon générale, devraient être affrontés

avec virilité. Se concentrant plutôt sur la nécessité pour ces recrues et officiers de

bénéficier de mesures supplémentaires de protection – les officiers avec lesquels je me

suis entretenue utilisaient le terme Fürsorge 46 –, le type empathique serait prompt à

affirmer que Klaus Bobkowski n’en fait pas assez et que, globalement, il ne s’intéresse

qu’à des abstractions d’individus et non aux vraies personnes qui se cachent derrière.

Bien qu’une telle critique de passivité pourrait également provenir du type opportuniste, il

ou elle avancerait surtout que la diversité, comme fait objectif, devrait être recherchée

pour elle-même au sein de l’organisation policière. Tout comme le spécialiste, il ou elle

recommanderait des stratégies plus agressives, ou encore de nouvelles règles internes

rendant possible, par exemple, un plus grand recrutement et de plus nombreuses

promotions pour les officiers issus de l’immigration. Ceux pouvant être décrits comme

relevant du type spécialiste, les plus propices à être sensibles à la diversité comme fait et

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valeur au sein de l’organisation, seraient sans doute les premiers à s’indigner du langage

de Klaus Bobkowski.

37

L’éducation politique s’est avérée d’une pertinence sociologique non négligeable

dans mon enquête sur la diversité dans la police allemande. Elle représente en effet une

voie importante pour aborder la question de la diversité et contribuer à une

reconnaissance pragmatique de la différence au sein des forces policières 47. En

combinant des perspectives contemporaine et historique, j’ai délinéé dans cet article un

type de porteur de la diversité dévoué à une cause, dont le motif central pourrait se définir

comme un dévouement à un principe ou un « dévouement à une cause ». Concrètement,

la nature de cette cause ou de ce devoir peut prendre différents aspects – le

professionnalisme policier, les droits de la personne ou fondamentaux ou encore, comme

dans le cas présent, la démocratisation des forces de police qui n’est pas étranger à un

programme libéral d’égalité civique.

Épilogue

38

En mars 2007, des recrues de l’Académie de police de Berlin ont été accusées

d’antisémitisme. Des journalistes avaient rapporté un incident survenu lors d’une

conférence d’un survivant de l’holocauste lors d’une classe d’éducation politique. Des

recrues auraient dit que tous les Juifs étaient riches et qu’ils en avaient assez de se faire

rabâcher les oreilles avec l’holocauste 48. À la suite de l’incident et des articles parus dans

la presse, le président de la police mandata une équipe de chercheurs en sciences sociales,

des spécialistes, d’une des universités de la ville, de se pencher sur le cas et de soumettre

un rapport. Le document ne signala pas de signes notables d’antisémitisme ; une

deuxième équipe fut chargée d’évaluer le travail de la section d’éducation politique. Les

chercheurs ont critiqué les méthodes d’enseignement utilisées ; elles n’étaient pas jugées

assez interactives et le langage utilisé n’était pas perçu comme dépourvu d’un pathos

national. Ils ont suggéré différentes mesures permettant d’aborder les questions de

différences dans le cadre particulier de l’éducation politique et général de la formation.

39

Après le remous entourant l’éducation politique, Klaus Bobkowski était épuisé.

Lorsque nous nous vîmes deux ans après l’incident et ses suites, il me confia qu’il luttait

toujours sur le plan intérieur contre les rapports et les accusations. Il ajouta que, lorsque

l’éducation politique et ses méthodes avaient été remises en question, il avait révélé

quelque chose qu’il avait tu jusque là : il est de descendance juive. Dans le contexte

allemand, il s’agissait d’un argument péremptoire qui coupa court à la critique 49. Il sentit

le besoin d’ajouter qu’à aucun autre moment il avait voulu utiliser cet argument parce

qu’il ne voulait pas être traité de façon particulière – un argument invoqué dans le

contexte de l’initiative pour commémorer Bernhard Weiß. Confronté à la critique, il

voulut en parler ; à ce moment, il se sentit réhabilité.

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WERNER M. & B. ZIMMERMANN (2004), « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité »,

dans WERNER M. & B. ZIMMERMANN (dir.), De la Comparaison à l’histoire croisée, Paris, Éditions du

Seuil, pp. 15-49.

WIDMAIER B. (1987), Die Bundeszentrale für politische Bildung. Ein Beitrag zur Geschichte

staatlicher politischer Bildung in der Bundesrepublik Deutschland, Frankfurt/Main, Peter Lang.

NOTES

1. Cet article est la traduction d’une version légèrement modifiée du texte intitulé « Inquiring

into Diversity. The Case of Berlin Police Inspector Bobkowski » et originairement paru dans

German Politics and Society, vol. 27, n° 4, 2009, pp. 72-91.

2. À l’image d’une enquête policière, le travail du sociologue consiste à découvrir et à

reconstruire les motifs de l’action (Motivzusammenhang). « La tâche qui incombe alors à la

sociologie », pouvons-nous lire dans Les concepts fondamentaux de la sociologie, « est de découvrir

cet ensemble F05Bréel qui détermine l’activité de l’agent F05D et de le déterminer par interprétation »

(Weber, 1995 F05B1921 F05D, p. 36). C’est au traducteur que nous devons le choix du terme

« découvrir » ; en allemand, Max Weber utilise plutôt le mot ermitteln, un terme policier : « In

diesem Fall steht die Soziologie vor der Aufgabe, diesen Zusammenhang [motivational situation] zu

ermitteln und deutend festzustellen » (Weber, 1980 F05B1921 F05D , p. 4).

3. Il existe également un enseignement académique aux universités de police. Ces institutions

sont fréquentées par des étudiants visant à joindre de plus hauts services (höhere Dienst).

4. Parce qu’elles rendent le dialecte berlinois caractéristique de l’inspecteur Klaus Bobkowski,

j’inclus les citations originales dans les notes. « Also, ich habe dann abends, am Wochenende wie sich

andere... Anderegucken sich eine Soap an oder bohren sich in der Nase, dann lese ick meistens irgendwelche

Bücher [rire] » (Entrevue avec KB, 23 août 2006).

5. Ibid.

6. « Und ich sach mal, mit den Grundrechten und der Rechtsstaatlichkeit is es eben immer so, sie können

nicht sagen, ‘Ick hab dit mal jemacht und jetz haben wa sie imma,’ oder so. Oder: ‘Wir sind eine Demokratie

und wir werden sie immer bleiben.’ Es ist so wie mit einer Ehe, also die Liebe wird nich immerwährend sein,

sondern man muss wat dafür tun. Und jenauso ist es mit bestimmten Themen in der Polizei. Sie können

nicht sagen, wenn wir in der Ausbildung das Thema Grundrechte, Rechtsstaatlichkeit, Rassismus,

Antisemitismus, Fremdenfeindlichkeit hatten, dann reicht dit bis zum 63. Lebensjahr, bis der Beamte also in

den Ruhestand jeht » (Ibid).

7. Au moment où j’ai fait la connaissance de Klaus Bobkowski, huit officiers enseignaient

l’éducation politique. L’équipe avait atteint un sommet de vingt-deux enseignants au début des

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années 1990, alors que la section de la Police du Peuple de Berlin-Est était incorporée à la police

de Berlin-Ouest. Pour un compte-rendu de ce processus, voir Glaeser (2000) et Jobard (2003).

8. Le napap a été lancé en 1997 et suivi par un second projet, Pavement. Voir Leiprecht (2002).

9. « Na, wir ham so Mitte der 90iger ham wa eigentlich damit anjefangen. Ja, Mitte der 90iger. Dit wurde

also och forciert, also och durch die damalije Ausländerbeauftragte » (Entrevue avec KB, 23 août 2006).

10. Le séminaire était mené par des employés du Büro gegen ethnische Diskriminierung in

Berlin und Brandenburg, qui y avaient été spécialement formés dans le cadre du projet NAPAP.

11. Le Weichenstellung, ou le commutateur servant à changer la direction des rails d’un chemin de

fer, est une expression utilisée métaphoriquement par Max Weber pour référer à – et évaluer –

un possible point de changement. Voir Weber (1980 [1921], p. 252).

12. Les participants y suivent des cours dans des sujets comme l’allemand, les connaissances

générales, les mathématiques, l’introduction à la science policière (Berufskunde), les sports, le

turc – pour soutenir leur confiance en eux, précise Klaus Bobkowski en citant des représentants

de l’association turque – et des exercices de simulation d’entrevue. En 2002, chacun des

participants ont pu se présenter aux examens d’entrée, mais aucun d’entre eux, du moins à

Berlin, n’a été engagé. En raison de coupures financières, il n’y a eu aucune nouvelle embauche

entre 2003 et 2006 dans les forces berlinoises, et le programme a été temporairement

interrompu. Il a repris en 2007, avec une autre organisation turque comme partenaire.

13. Déjà en 1989, un ancien chef de la police a écrit à la communauté juive (Jüdische Gemeinde)

pour présenter son plan d’honorer Bernhard Weiß par une exposition au tout nouveau musée de

la police et pour s’enquérir du matériel disponible (Lettre de Schertz à Galinski, 9 mai 1989.)

14. Sur « l’étranger établi », voir Norbert Elias (1991 [1990]) ainsi que Werner Angress (1998). En

plus d’examens sévères, les règles d’entrée dans la police (et dans la fonction publique en

général) incluaient de prêter serment à la constitution. Pour les juifs, qui avaient de façon

générale peu d’opportunités de carrière dans la fonction publique, l’atteinte des critères d’entrée

impliquait souvent de se faire baptiser, et parfois également de changer son nom (Pulzer, 1992,

p. 63).

15. Bernhard Weiß était l’une des cibles favorites de Joseph Goebbels. Des articles et des

caricatures parues dans la revue de propagande Angriff le présentent comme un conspirateur et

un important tireur de ficelles qui aurait réussi à infiltrer la police. Pour un portrait détaillé des

attaques de Joseph Goebbels contre Bernhard Weiß et les contre-attaques subséquentes de ce

dernier, voir Bering (1991).

16. « Aber der Weiß, dat war der Gegenspieler von Goebbels hier ». Il poursuit : « nous devons nommer

une rue en son honneur. Et pas à Lichtenrade ou Frohnau F05Bquartiers en périphérie de Berlin F05D,

mais là où il travaillait ». (« nach dem muss man doch eine Straße benennen. Und nich in Lichtenrade

oder in Frohnau, sondern da, wo er jearbeitet hat »), entrevue avec KB, 23 août 2006.

17. Antrag des Fraktion der FDP (Abgeordnetenhaus Berlin), Bernhard Weiss zu Ehren. D. 15/2404.

18. Entrevue avec KB, 3 novembre 2006.

19. La politique du quartier prend en considération les femmes mortes au moins cinq ans avant

le dépôt des pétitions demandant de renommer les espaces publics.

20. Quelques articles ont été publiés sur la question : voir entre autres Ariane Bemmer, « Frauen-

Quote für den Stadtplan », Der Tagesspiegel, 28 juin 2004, et Matthias Oloew, « Männer hinten

anstellen », Der Tagesspiegel, 18 avril 2006.

21. Lettre du président de la société historique de la police au conseiller municipal responsable

de la construction, 27 septembre 2004.

22. Entrevue avec KB, 5 octobre 2006.

23. Klaus Bobkowski est lui-même de descendance juive. Il a fallu que des accusations

d’antisémitisme soient lancées contre des recrues en 2007 – accusations retournées par la suite

contre l’unité d’éducation politique elle-même – pour que l’inspecteur mentionne son héritage

juif afin de se défendre contre les critiques.

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24. Les juifs de classe moyenne, parmi lesquels on retrouve par ailleurs de nombreux juristes,

sont devenues d’importantes figures de lutte contre la discrimination sous la monarchie puis la

République de Weimar (Pulzer, 1992, p. 327). Ils valorisaient particulièrement l’effort individuel

et le mérite, se posant ainsi en porte-à-faux avec les tendances davantage corporatistes

traditionnellement défendues par les catholiques (Ibid., p. 53).

25. Quelques tentatives ont été menées pour trouver une place appropriée près d’un nouveau

centre d’achat, aux environs de l’emplacement original du quartier général de la police à

Alexanderplatz, dans le centre de la capitale.

26. Ceux pouvant être caractérisés de porteurs de la diversité se retrouvent notamment au

Mecklenburg-Poméranie-Occidentale et à Bremen.

27. Les juifs de classe moyenne « souhaitaient une société dans laquelle l’individu serait jugé sur

ses mérites et dans laquelle tous les groupes auraient un accès égal aux prises de décision d’un

état neutre et impartial F05B…F05D. C’était là l’État que la République de Weimar promettait d’être, les

principes duquel le DDP était l’incarnation la plus proche » (Hamburger et Pulzer, 1985, p. 11 ; ma

traduction).

28. On retrouve les membres de ce groupe de statut dans certaines occupations professionnelles

particulières : ils étaient principalement professeurs, enseignants, pasteurs ou avocats. La

Bildungsbürgertum représentait l’assise principale du libéralisme sous Weimar.

29. Une clause dérogatoire à la loi sur la fonction publique, adoptée dans plusieurs états

fédéraux au début des années 1990 afin de permettre le recrutement de candidats non nationaux,

prend notamment ses origines dans « l’urgente nécessité » (dringendes Bedürfnis) d’un travail

policier dans certains milieux (Thériault, 2004, p. 84). Bien que s’étant appuyées, dans un sens

strict, sur des principes déjà établis, ces exceptions sont signe d’un potentiel de changement au

sein des structures préexistantes.

30. Voir Suchy (1983) et Pulzer (1992, p. 106). Pendant longtemps, les femmes ont été largement

exclues de ce programme d’égalité civique (Langewiesche, 2000 [1988], p. 12).

31. Une clause dérogatoire à la loi prussienne sur la fonction publique avait été passée et rendait

possible l’embauche d’un petit nombre « d’étrangers » (des candidats n’ayant pas été formés

pour une carrière dans la fonction publique, parmi lesquels se retrouvaient des socialistes, des

catholiques, des juifs, des démocrates et des libéraux) comme politische Beamte – comme

fonctionnaires – sans garantie d’obtenir une sécurité d’emploi (Pikart, 1958, pp. 126-127). Cette

clause représentait une porte entrouverte à la possibilité de changement dans la fonction

publique, ce qu’on a appelé une « démocratisation de la fonction publique ».

32. Klaus Bobkowski mentionne d’ailleurs que Bernhard Weiß n’était pas un personnage

particulièrement aimable et qu’il n’avait atteint les hauts échelons que grâce aux ordres (Befehl)

et à ses performances (Leistung). Le président adjoint de la police était, aux dires de l’inspecteur,

« bon, intelligent et courageux, mais également très ambitieux et pointilleux » (entrevue avec KB,

12 août 2006).

33. Soulignons également que dans la police d’aujourd’hui, les candidats issus de l’immigration

proviennent de milieux très différents de ceux qui souhaitaient accéder à la fonction publique

sous la République de Weimar.

34. Sur Weimar, voir Liang (1970) et Leiprecht (2002).

35. Au sujet des initiatives dont il était responsable et qui visaient à recruter des candidats issus

de l’immigration, un partenaire d’entrevue m’a confié candidement, se référant à une image

répandue du fonctionnaire : « Vous savez, je suis plutôt du type bureaucrate » (« Wissn Se, ick bin

eher der Beamtentyp »). (Entrevue avec CC, 6 septembre 2006)

36. Entrevue avec UC, 12 septembre 2006. Sur la Prusse weimarienne, voir Grzesinski (1974

[1939]), p. 112) ; Pikart, 1958, p. 122. Les officiers de police que j’ai rencontrés renvoient

habituellement à un pur principe d’égalité et insistent sur la nécessité d’éviter tout traitement

préférentiel (le terme qu’ils utilisaient était extra-Würstchen).

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37. Voir « Streit um Polizei-Einstellung: Erste Klagen angekündigt. Abgelehnte deutsche

Bewerber wollen gleiche Chancen wie ausländische Jobanwärter », Berliner Morgenpost, 14 février

2006 ; « Einstellungspraxis für Bewerber/-Innen mit Migrationshintergrund. Rechtswidrig und

diskriminierend », Rapport de presse par le Junge Gruppe Berlin, Gewerkschaft der Polizei ;

disponible sur http://www.gdp.de/gdp/gdpber.nsf/id/jg_presse_1, consulté le 24 juin 2006.

38. « Och der Rechtsanwalt in Zehlendorf, der muss sich och jefallen lassen, auf Deutsch von einem

Polizisten türk’scher Herkunft auf Deutsch anjesprochen zu werden. Damit muss er och fertig werden »

Entrevue avec KB, 23 août 2006 ; aussi entrevue avec KB, 28 juin 2007.

39. Pour le cas d’Albert Grzesinski, voir Glees (1974, p. 814) et Grzesinski (1974 [1939], p. 18).

40. Entrevue avec NR, 27 mai 2004 ; Entrevue avec LET, 3 novembre 2006.

41. Entrevue avec KB, 3 novembre 2006. Cette auto-évaluation fait écho au savoir académique de

Klaus Bobkowski ainsi qu’à l’image du policier de la rue qui incarne – en opposition à celui qui

travaille dans un bureau – le « vrai » officier de police (voir Waddington, 2005 [1999], p. 377).

42. Voir Thériault (2009, pp. 59-61). Pour ne citer qu’un seul exemple, pensons au cas de

l’homme des Sectes protestantes et l’esprit du capitalisme qui se conforme à des principes religieux

protestants afin de gagner la confiance de ses coreligionnaires pour ouvrir une banque (Weber,

2002 [2000/1906]).

43. Commentant plus avant ce rapport, l’inspecteur souligne que les problèmes rencontrés et

initialement soulevés par les médecins de la police ne devraient pas être imputés, comme on

pourrait le croire, à de la discrimination, mais bien à des problèmes culturels rencontrés par des

officiers de certaines origines (« une origine culturelle F05Bgeprägten Kulturkreis F05D est européenne ou

musulmane orientale ») qui saperait l’autonomie individuelle nécessaire au travail policier

(Entrevue avec KB, 28 juin 2007).

44. S’inspirant de Guenther Roth, Stefan Breuer décrit Max Weber comme « un démocrate

libéral tardif de la Révolution de 1848 » (Breuer, 2006, p. 1).

45. Lorsque nous nous sommes rencontrés en février 2010, Klaus Bobkowski a mentionné

l’arrivée de neuf nouveaux enseignants d’éducation politique et souligné le fait que deux d’entre

eux étaient issus de l’immigration, ce dont il s’était lui-même assuré.

46. Entrevue avec UC, 12 septembre 2006.

47. Il est intéressant de noter que dans l’ouvrage intitulé Diversity Studies, dont l’objectif est

d’ancrer un nouveau champ d’études, l’un des quatorze chapitres est dédié à l’antisémitisme, un

thème typique de l’éducation politique. (Voir Krell, Riedmüller, Sieben & Vinz, 2007)

48. « Polizeischüler brüskieren Holocaust-Überlebenden », Franfurter Rundschau online, http://

www.fr-online.de/in_und_ausland/politik/aktuell/?em_cnt=1099256 (consulté le 21 Mars 2007).

49. Entrevue avec KB, 27 août 2009.

RÉSUMÉS

Comment traiter de diversité dans une organisation qui est réputée y être hostile ? Se réglant sur

une démarche wébérienne, je présente dans cet article un cas, celui du commissaire Klaus

Bobkowski, un enseignant responsable de la section « éducation politique » à l’Académie de

police de Berlin et historien amateur. En considérant ce cas, ainsi que d’autres efforts pour

composer avec la différence sous la République de Weimar (1918-1933) que j’ai enregistrés durant

mon travail de terrain, je tente de faire saillir les motifs qui sous-tendent l’action des

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commissaires ayant contribué à la reconnaissance et à la promotion de la différence au sein des

services policiers en Allemagne depuis les années 1990. En enquêtant sur ces motifs d’action, je

suis en mesure de construire un idéaltype d’un « porteur de la diversité », qu’on peut lier, comme

je le soutiens, à un programme libéral d’égalité civique.

Investigate the “diversity” in Berlin. The case of the Inspector Bobkowski

How can one consider diversity in an organisation having a reputation for being against it?

Following a weberian perspective, I present in this article such a case, that of Inspector

Bobkowski, a teacher in charge of the “political education” section of the “Police Academy” of

Berlin and amateur historian. In considering this case, along with other efforts to take

differences into account during the Weimar Republic (1918-1933) that I recorded during my field

work, I attempt to bring out the motifs which underline those actions of the police inspectors

that contributed to the recognition and to the promotion of difference within the police services

in Germany since the 1990s. By investigating these motifs of action, I am able to construct an

ideal type of a “diversity messenger” that one can link, as I argue, to a liberal program of civic

equality.

Hacer encuestas en Berlín sobre la «diversidad». El caso del inspector Bobkowski

¿Cómo analizar la diversidad dentro de una organización que es hostil a la diversidad?

Apoyándome en el encaminamiento de Weber presento en este artículo un caso interesante; el

del comisario Bobkowski, un docente e historiador a sus horas, responsable de la sección

«educación política» en la Academia de Policía de Berlín. Considerando en este caso así como en

otros casos semejantes de como aprehender la diferencia en tiempos de la República de Weimar

(1918-1933), intento sacar a la luz los motivos subyacentes que motivan a los comisarios que han

contribuido al reconocimiento y promoción de la diferencia en el seno de los servicios de la

policía alemana en la década de los 90. Habiendo realizado encuestas sobre este tema creo poder

elaborar la imagen ideal o representativa de un agente « portador de diversidad, imagen que

puede ser utilizada en un programa liberal de igualdad cívica.

INDEX

Mots-clés : diversité, éducation politique, égalité civique, idéaltype, Max Weber, motifs de

l’action

AUTEUR

BARBARA THÉRIAULT

Département de sociologie et Centre d’études allemandes et européennes - Université de

Montréal, Qc, Canada - [email protected]

Enquêter sur la « diversité » à Berlin. Le cas de l’inspecteur Bobkowski

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