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ou trangers, des laboratoirespublics ou privs.
Territorialisation par ville nouvelle au Maghreb.Regard crois
sur les projets dAli Mendjeli (Constantine) et de Tamansourt
(Marrakech)
Jean-Marie Ballout
To cite this version:Jean-Marie Ballout. Territorialisation par
ville nouvelle au Maghreb. Regard crois sur les projetsdAli
Mendjeli ( Constantine) et de Tamansourt (Marrakech). Histoire.
Universit Paul Valry -Montpellier III, 2014. Franais. .
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00994394https://hal.archives-ouvertes.fr
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1
Universit Paul Valry Montpellier 3
cole doctorale 60 Territoires, Temps, Socits et Dveloppement
Thse pour obtenir le grade de docteur
Gographie et amnagement de lespace
Jean-Marie Ballout
TERRITORIALISATION PAR VILLE NOUVELLE AU MAGHREB. REGARD CROIS
SUR LES PROJETS DALI
MENDJELI (CONSTANTINE) ET DE TAMANSOURT (MARRAKECH)
Soutenue le 27 fvrier 2014 devant le jury compos de M.
Jean-Marie Miossec, professeur, universit Paul Valry Montpellier 3
(directeur de thse) M. Aziz Iraki, professeur, institut national
damnagement et durbanisme Rabat (co-directeur de thse) M. Pierre
Signoles, professeur mrite, universit Franois Rabelais Tours
(rapporteur) M. Martin Vanier, professeur, universit Joseph Fourier
Grenoble (rapporteur) M. Raffaele Cattedra, professeur, universit
Paul Valry Montpellier 3 (examinateur) M. Laurent Chapelon,
professeur, universit Paul Valry Montpellier 3 (examinateur) M.
Salah-Eddine Cherrad, professeur, universit Constantine 1
(examinateur)
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2
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3
Mots-cls : ville nouvelle, concept, acteurs, urbanisme de
planification, urbanisme de projet, territorialisation,
comparatisme, Algrie, Maroc Rsum : Si lexpression ville nouvelle
nest plus en vogue dans les discours relatifs aux politiques
urbaines des pays occidentaux, cest linverse dans le cas des pays
forte croissance conomique et/ou de ceux dits du Sud. Depuis une
vingtaine dannes, pour des raisons dordres divers les annonces de
projets de villes nouvelles y sont lgions. Dans cette profusion,
lAlgrie et le Maroc ne font pas exception. Au milieu des annes
2000, le ministre marocain en charge de lurbanisme et de lhabitat
annonce la mise en uvre dun programme de villes nouvelles comptant
une quinzaine de projets parmi lesquels celui dnomm Tamansourt,
situ dans la priphrie de Marrakech. En Algrie, ds 1987, le Schma
national damnagement du territoire prconise la cration de villes
nouvelles dans les rgions des Hauts Plateaux et du Sud.
Paralllement, des villes nouvelles , dmanation locale sont lances,
cest le cas dAli Mendjeli, proche de Constantine. Partant du
postulat que le concept de ville nouvelle est dpass, nous
interrogeons les causes qui incite laction publique algrienne et
marocaine tout de mme sen saisir. Pourquoi les pouvoirs publics
persistent faire usage de ce type de politique damnagement ? Cette
premire question en entrane deux autres, complmentaires : Comment
ces politiques sont-elles conduites et quels sont leurs effets
territoriaux ? Selon notre premire hypothse, les efficacits
performative et iconique de cette reprsentation intellectuelle,
davantage que celle oprationnelle, ont orient ces options. Notre
deuxime hypothse est quil ny a pas eu de capitalisation des
expriences trangres dans la perspective dune redfinition ou
dadaptation du concept. Les modalits dagir tudies ne relvent ni de
la planification urbaine, ni de lurbanisme de projet, cette
affirmation constitue notre troisime hypothse. Notre quatrime
hypothse est que ces actions sont des vecteurs plus ou moins
puissants de reterritorialisation des priphries de Constantine et
Marrakech. Il sagira de vrifier si lmergence de centralits et/ou de
marges urbaines nouvelles y est observable. Nous voulons vrifier
lide de lexistence dun fort dcalage entre la ville nouvelle idelle,
celle du porteur de projet, et la ville nouvelle vcue, c'est--dire
celle des habitants du quotidien. Keywords : new town, concept,
stakeholders, urban planning, urban project, territorial formation,
comparative approach, Algeria, Morocco Abstract : If the expression
new town is no longer in vogue in the discourse on urban policies
of western countries, the reverse is true in the case of countries
with strong economic growth and/or those called South countries.
For twenty years, for reasons of various orders ads projects "new
towns" are legion. In this profusion, Algeria and Morocco are no
exception. In the mid-2000s, the moroccan ministry for town
planning and housing announced the implementation of a program of
"new towns" cash fifteen projects including one called Tamansourt,
located in the outskirts of Marrakech. In Algeria, in 1987, the
National planning scheme recommends the creation of new towns in
the Hauts Plateaux and South. Meanwhile, "new towns", local
emanation are launched, that is the case of Ali Mendjeli, near
Constantine. Starting from the premise that the concept of new town
" exceeded , we question the reasons prompting the algerian and
moroccan public action to still be seized . Why do governments
continue to use this type of development policy? This first
question leads to two other complementary policies: how are they
conducted and what are their territorial effects ? According to our
first hypothesis , the performative and iconic efficiencies that
intellectual representation, over their feasibility that have
guided these options. Our second hypothesis is that there was no
capitalization of foreign experiences in the context of redefining
and adapting the concept. Studied acting arrangements do not fall
under the urban planning or urban planning project , this statement
is our third hypothesis. Our fourth hypothesis is that these
actions are vectors more or less powerful reterritorialisation the
outskirts of Constantine and Marrakech. It will check whether the
emergence of centralities and/or new urban margins is observable.
We want to verify the idea of the existence of a wide gap between
the "new town" ideational , that the project leader, and the "new
town" lived , that is to say that the inhabitants of daily
life.
-
4
-
5
Remerciements
Ce travail naurait pu aboutir sans laide prcieuse de nombreuses
personnes
rencontres au cours de mon parcours doctoral. Je ne pourrai pas
toutes les nommer ici,
donc, que celles et ceux qui ne sont pas explicitement remercis
men excusent.
En premier lieu, je tiens remercier Jean-Marie Miossec davoir
accept de diriger
mon travail. La qualit de ses remarques, de ses observations,
ainsi que ses encouragements
ont t dterminants. Je remercie aussi Aziz Iraki, en sa qualit de
co-directeur, pour les
conseils aviss quil ma prodigus lors de nos entrevues au Maroc
et en France.
Mes remerciements vont aussi Pierre Signoles et Raffaele
Cattedra, notamment
pour mavoir permis de participer au programme de recherche Faire
la ville en
priphrie(s) ? Territoires et territorialits dans les grandes
villes du Maghreb , de mme
que pour les pistes de recherches judicieuses quils mont incit
emprunter.
Je remercie lquipe de recherche GESTER, devenue GRED,
particulirement
Monique Gherardi pour les services quelle ma rendus, tellement
nombreux quil me serait
impossible de tous me les rappeler. Intgrer cette quipe fut
aussi loccasion de faire des
rencontres enrichissantes avec des doctorants devenus docteurs.
Je pense notamment Chlo
Yvroux et Quentin Mackr.
Jadresse mes remerciements Salah-Eddine Cherrad pour la qualit
de son accueil
Constantine. Son accueil au sein du LAT ma offert de bonnes
conditions logistiques pour
accomplir mes terrains algriens. De mme, cela ma permis de faire
des rencontres
stimulantes, que ce soit avec Fadel Abdelouhab, Mounir Cherrad
ou encore Lyes Serradj.
Je remercie vivement Charaf, Hatim, Mohamed, Rachid et Samir
pour le rle de
traducteur quils ont accept de jouer mes cts.
Je remercie les habitants ordinaires et les reprsentants des
institutions qui ont
accept de se plier lexercice de lentretien. Sans eux, ce travail
naurait pu tre accompli.
Pour leur travail de relecture, je remercie Jocelyne Navarro,
Quentin Mackr et
Vincent Seveau.
Mes remerciements vont aussi mes amis Axel, Claire, Julien et
Vincent, pour leur
intrt vis--vis de mon travail et leur comprhension.
-
6
Pour leur soutien multiforme et inconditionnel, leurs
encouragements perptuels, je
remercie ma mre, mon frre et mon beau-pre.
Enfin, je remercie milie, ma compagne et Malik, mon fils, pour
mavoir support,
dans tous les sens du terme, durant tout ce temps. Sans eux mes
cts, je naurais pu
achever ce travail.
-
7
Table des matires
Remerciements
..........................................................................................................................
5
Table des matires
.....................................................................................................................
7
Avant-propos
...........................................................................................................................
15
Introduction gnrale
..............................................................................................................
17
PREMIRE PARTIE CONCEPT DE VILLE NOUVELLE, GENSES ET CONCEPTIONS
DE VILLES NOUVELLES
.................................................................
47
Introduction de la premire partie
...........................................................................................
49
Chapitre 1 Des ides sur la ville nouvelle au concept de ville
nouvelle ................................. 51
Introduction
.........................................................................................................................
51
1.1. Flou smantique
...........................................................................................................
51
1.2. Une dfinition ardue
.....................................................................................................
59
1.2.1. Confusions et contradictions
.................................................................................
59
1.2.2. Des priodes de villes nouvelles
......................................................................
63
1.2.3. Limpasse typologique
..........................................................................................
65
1.3. Notre concept de rfrence : la new town
....................................................................
67
1.3.1. Le modle original
.................................................................................................
67
1.3.2. Une dfinition du concept de new town
.................................................................
70
1.3.2.1. Une forte croissance dmographique
..............................................................
71
1.3.2.2. Les critres politiques et lgislatifs
.................................................................
73
1.3.2.3. Les proprits gographiques et urbanistiques
............................................... 74
1.3.2.4. Le cadre administratif
.....................................................................................
83
1.3.2.5 Le mode de financement
..................................................................................
84
Conclusion
...........................................................................................................................
88
Chapitre 2 Les contextes dautorisation des projets damnagement
..................................... 91
Introduction
.........................................................................................................................
91
2. A. Tamansourt
.................................................................................................................
94
2. A.1. Lente gestation ou projet volutif ? De la zone
industrielle la ville nouvelle (1990-2004)
.......................................................................................................
94
2. A.2. Un climat politique et conomique propice au lancement
dun tel projet ............... 98
2. A.2.1. Un projet autoris hors dun encadrement ad hoc
............................................ 98
2. A.2.1.1. La tutelle du wali, loprationnalit conomique de
lERAC et la mise lcart de lAgence Urbaine
.......................................................................................
100
-
8
2. A.2.1.2. Un portage politique local impos par le haut
......................................... 102
2. A.2.1.3. Les autres institutions rgionales : suivisme et
sous-reprsentativit ...... 104
2. A.2.2. La ncessit de produire du logement en masse
............................................. 106
2. A.2.3. La restructuration des OPH et le rle de dveloppeur
amnageur ........... 107
2. A.3. Un appui soutenu du Roi
.......................................................................................
112
2. A.4. Lgitimit du projet, controverses et conflits inter
institutionnels ........................ 115
2. A.4.1. De la lgitimation dun projet par la manipulation du
contenu des documents durbanisme rglementaire
............................................................................................
115
2. A.4.2. Tamansourt, une vision loppos des orientations du
ministre de lAmnagement du territoire
.........................................................................................
118
2. A.4.3. La ncessit de justification par une vertu d intgration
rgionale de la ville nouvelle
...........................................................................................................
121
2. A.4.4. Deux autres essais de justification du projet
................................................... 127
2. B. Ali Mendjeli
..............................................................................................................
129
2. B.1. Chronologie de la gense et du processus dcisionnel
jusquen 1998 ; plans du projet : des indicateurs dune lente
gestation
....................................................................
129
2. B.2. Une entorse aux orientations du SNAT de 1987
................................................... 133
2. B.3. En labsence dautorisation franche du pouvoir central, un
coup parti de lautorit locale
.................................................................................................................................
135
2. B.4. lments de justification dun projet saisi comme une
opportunit foncire ........ 140
2. B.5. Lurbanisme et lamnagement rglementaires comme moyens de
lgitimation du projet a posteriori
..............................................................................................................
142
2. B.6. La prsidentialisation du projet ou le vritable lancement
.................................... 143
Conclusion
.........................................................................................................................
146
Chapitre 3 De la conception des villes nouvelles
........................................................... 149
Introduction
.......................................................................................................................
149
3. A. Ali Mendjeli
.............................................................................................................
150
3. A.1. Les concepteurs du projet
......................................................................................
150
3. A.2. Au sujet de loption ville nouvelle
........................................................................
153
3. A.3. Le site : une nature minutieusement tudie mais une
localisation distante du principal prcepte affrant au concept dans
ce domaine ...................................................
156
3. A.4. La voirie, base de la structuration de lespace projet
.......................................... 158
3. A.5. Lusage de la notion dunit de voisinage
.............................................................
159
3. A.6. propos de la centralit
........................................................................................
162
3. A.7. Une part durbanisme cultu(r)aliste
.......................................................................
168
-
9
3. A.8. Une rflexion sur la lecture de la ville nouvelle
.............................................. 171
3. A.9. La nature en ville ou la question des espaces verts
............................................... 173
3. B. Tamansourt
...............................................................................................................
174
3. B.1. Brve prsentation des concepteurs
.......................................................................
174
3. B.2. Lamnagement dune ville nouvelle , une rflexion et un
choix passablement expliqus et arguments
....................................................................................................
175
3. B.3. La localisation du site et ses justifications
.............................................................
181
3. B.4. Une forte empreinte de lurbanisme progressiste
................................................. 183
3. B.5. Polycentrisme et aseptisation de la voirie principale
............................................. 189
3. B.6. Remise en question dune dose durbanisme culturaliste aux
finalits plurielles : les zones de mdina
.....................................................................................................
193
3. B.7. Des espaces verts prvus en abondance
................................................................
201
Conclusion
.........................................................................................................................
203
Conclusion de la premire partie
..........................................................................................
205
DEUXIME PARTIE RALISER ET PROMOUVOIR LES VILLES NOUVELLES
...............................................................................................................................................
209
Introduction de la deuxime partie
.......................................................................................
211
Chapitre 4 Matrises douvrage et productions des villes nouvelles
............................... 213
Introduction
.......................................................................................................................
213
4. A. Tamansourt
...............................................................................................................
214
4. A.1. La cration tardive dun matre douvrage ddi au projet et
en dfaut de moyens idoines : Al Omrane Tamansourt
......................................................................................
214
4. A.1.1. Jusquen 2008, la prise en charge par un oprateur
public de lhabitat classique mais marrakchi : lERAC Tensift
..................................................................................
214
4. A.1.2. Le dcret dAl Omrane Tamansourt ou la cration dun OPH
ddi au projet
.......................................................................................................................................
215
4. A.1.3. Profil dAl Omrane Tamansourt
.....................................................................
216
4. A.1.4. Absence de stratgie et moyens inadapts
...................................................... 218
4. A.2. La nette implication des promoteurs immobiliers privs
dans la ralisation du projet
..................................................................................................................................
222
4. A.2.1. Un projet foncier taill sur mesure pour la promotion
immobilire prive
.......................................................................................................................................
222
4. A.2.2. Le partenariat public-priv (PPP) comme certificat dun
projet de qualit ?
.......................................................................................................................................
226
4. A.2.3. Identit des promoteurs immobiliers privs impliqus
................................... 227
-
10
4. A.2.4. La participation de cette catgorie dacteur en quelques
reprsentations ....... 229
4. A.2.5. Les conditions de la participation et les
contreparties .................................... 230
4. A.2.6. Focus sur la participation de la socit Kounzy et
critiques manant de cet acteur
.............................................................................................................................
232
4. A.3. Un manque de cohsion interministrielle
............................................................
236
4. A.3.1. Dcalage entre ralisations du logement et des
quipements ......................... 236
4. A.3.2 Le manque dimplication des autres ministres et ses
causes ......................... 240
4. A.4. Une matrise foncire peu vidente et source de conflit
....................................... 242
4. A.5. La planification initiale : ajouts et modifications
.................................................. 252
4. A.5.1. Le projet dextension
......................................................................................
253
4. A.5.2. Le rajout dquipements publics
.....................................................................
257
4. A.5.3. Le recasement du douar NZalet El Harmel en lieu et
place de sa restructuration
................................................................................................................
259
4. B. Ali Mendjeli
..............................................................................................................
261
4. B.1. Modifications et dbordement de la planification initiale
..................................... 261
4. B.2. Une ville nouvelle sans statut lgislatif particulier
donc en dfaut de matrise douvrage et de financement spcifiques
..........................................................................
263
Conclusion
.........................................................................................................................
266
Chapitre 5 La mise en image des projets : un marketing urbain
entre opulence et indigence
...............................................................................................................................................
269
Introduction
.......................................................................................................................
269
5. A. La mise en image du projet de Tamansourt : un marketing
urbain opulent ............. 270
5. A.1. Des ressources financires et humaines importantes pour
Al Omrane Marrakech et Al Omrane Tamansourt
.....................................................................................................
271
5. A.2. Une multiplicit de mdias
....................................................................................
272
5. A.3. Contenus et sens des principaux messages diffuss par Al
Omrane ..................... 285
5. A.4. La presse crite : un relais peu critique des vnements
....................................... 292
5. A.5. Le rle du GIE dans la mise en image du projet
................................................... 296
5. A.6. Les promoteurs immobiliers privs, un rle a ne pas
ngliger dans la mise en image du projet
..................................................................................................................
298
5. B. Ali Mendjeli : une mise en image quasi inexistante
................................................. 303
5. B.1. tat dune mise en image quasi-inexistante
.......................................................... 303
5. B.2. Des causes multiples
..............................................................................................
307
Conclusion
.........................................................................................................................
311
Conclusion de la deuxime partie
.........................................................................................
313
-
11
TROISIME PARTIE DE NOUVEAUX TERRITOIRES VIVRE ET GOUVERNER
...............................................................................................................................................
315
Introduction de la troisime partie
........................................................................................
317
Chapitre 6 Loccupation humaine des espaces raliss par le haut :
enjeux, tats, dynamiques et quelques ralits socio-spatiales
.......................................................................................
319
Introduction
.......................................................................................................................
319
6. A. Tamansourt
...............................................................................................................
320
6. A.1. Le poids dmographique : une trs forte surestimation
........................................ 320
6. A.1.1. Un trs fort dcalage entre projection et ralit
.............................................. 320
6. A.1.2. Des donnes peu fiables et surestimes
.......................................................... 323
6. A.1.3. Un enjeu pour le porteur du projet
..................................................................
325
6. A.2. Aspects et causes dun tat de sous-occupation
.................................................... 327
6. A.2.1. Entre la ville des fantmes et le village
.............................................. 327
6. A.2.2. Le glissement des bnficiaires
...................................................................
336
6. A.2.3. Autres causes
..................................................................................................
345
6. A.3. Les leviers du peuplement : la primatie des mobilits
contraintes ........................ 347
6. A.3.1. Loccupation de fait
........................................................................................
348
6. A.3.2. Loccupation volontaire
..................................................................................
350
6. A.3.3. Loccupation dirige
.......................................................................................
354
6. A.3.4. Loccupation stratgique
................................................................................
359
6. A.4. Un processus de sgrgation rsidentielle en cours et une
aggravation de la marginalit sociale
.............................................................................................................
362
6. B. Ali Mendjeli
..............................................................................................................
365
6. B.1. Le poids dmographique Encore une surestimation mais
moindre ................... 365
6. B.1.1. Un cart important entre population prvue terme et
population effective . 365
6. B.1.2. Des donnes peu fiables et surestimes
.......................................................... 366
6. B.1.3. Un enjeu pour les pouvoirs publics
.................................................................
369
6. B.2. Un espace relativement peupl
..............................................................................
370
6. B.3. Les leviers de loccupation humaine Ali Mendjeli ou
limportance des migrations contraintes
.........................................................................................................................
373
6. B.3.1. Peuplement fortement contraint via les politiques
publiques dhabitat .... 373
6. B.3.2. Peuplement volontaire
..............................................................................
377
6. B.3.3. Loccupation stratgique
.................................................................................
379
-
12
6. B.4. Une sgrgation rsidentielle ancre corollaire dune
marginalit sociale accrue
...........................................................................................................................................
382
Conclusion
.........................................................................................................................
389
Chapitre 7 Espaces vcus et citadinits mergentes en villes
nouvelles ........................ 391
Introduction
.......................................................................................................................
391
7. A. Ali Mendjeli
.............................................................................................................
400
7. A.1. Le logement : fortement rappropri, le lieu premier de la
ville nouvelle malgr des controverses
................................................................................................................
400
7. A.2. Reprsentations mitiges des espaces intermdiaires et du
quartier ..................... 420
7. A.2.1 Les espaces intermdiaires
..............................................................................
420
7. A.2.2. Le quartier
.......................................................................................................
432
7. A.3. Une urbanit la peine
..........................................................................................
438
7. A.3.1. Linsoutenable comparaison avec la ville de Constantine
.............................. 439
7. A.3.2. Les fonctions de la ville nouvelle fabrique :
reprsentations dprciatives versus reprsentations positives
.....................................................................................
441
7. A.3.2.1. Les fonctions assumes
............................................................................
441
7. A.3.2.2. Les fonctions en insuffisance
...................................................................
443
7. A.3.2.3 Les fonctions entre suffisance et insuffisance
........................................... 447
7. A.3.3. Les fortes carences de lespace public
............................................................
451
7. A.3.4. La faible prsence demplois sur place
........................................................... 462
7. A.3.5. La question scuritaire
....................................................................................
465
7. A.3.6. Entre stagnation et volution : la conviction dune
progression future de lurbanit
........................................................................................................................
477
7. A.3.7. Processus dancrage spatial et envie de partir
................................................ 483
7. A.3.8. Habiter Ali Mendjeli, cest habiter
.......................................................... 486
7. A.3.8.1 Une ville nouvelle , voire une ville
............................................ 487
7. A.3.8.2. La nouvelle banlieue de Constantine
............................................ 489
7. A.3.8.3 Un espace dvaloris/rejet
...................................................................
490
7. A.3.8.4 Un quartier de Constantine
............................................................
493
7. A.4. Citadinisation en marche
.......................................................................................
495
7. A.4.1. Le non-paiement des loyers, signe dune revendication
citadine ? ................ 495
7. A.4.2. Lopration ville morte du 17 mars 2013
................................................. 498
7. A.4.3. Le secteur associatif : genses, effets de
citadinisation et limites .................. 500
7. A.4.3.1. Genses dassociations
.............................................................................
501
-
13
7. A.4.3.2. Objectifs et champ dactions.
...................................................................
505
7. A.4.3.3. Les ressorts de laction associative
.......................................................... 511
7. A.4.3.4. Les effets apprcis de laction associative
............................................. 516
7. A.4.3.5. Les limites du mouvement associatif
....................................................... 521
7. B. Tamansourt
...............................................................................................................
525
7. B.1. lments de satisfactions et dinsatisfactions relatifs au
logis .............................. 526
7. B.2. Des parties communes et des espaces intermdiaires en
dfaut ............................ 529
7. B.4. De nombreux dcalages constats entre lespace projet et
lespace ralis ........ 533
7. B.5. Un manque de services publics et privs en tout genre
......................................... 534
7. B.6. Le sous-effectif dmographique, une autre carence de la
ville nouvelle ......... 539
7. B.7. Une situation denclavement
.................................................................................
539
7. B.8. Vers une cit-dortoir
..............................................................................................
541
7. B.9. La croyance en une amlioration future de lurbanit
........................................... 542
7. B.10. Une citadinisation embryonnaire : le cas de
lassociation du 21 dcembre 2004544
Conclusion
.........................................................................................................................
547
Chapitre 8 Le gouvernement des villes nouvelles
.......................................................... 549
Introduction
.......................................................................................................................
549
8. A. Retour sur le gouvernement des new towns et focus sur
celui des villes nouvelles franaises
...........................................................................................................................
552
8. A.1. Systme de gouvernement et dmocratie dans le cas des new
towns .................... 553
8. A.2. Systme de gouvernement et dmocratie dans le cas des
villes nouvelles franaises
...........................................................................................................................
556
8. B. Ali Mendjeli
..............................................................................................................
562
8. B.1. Un projet cheval sur deux communes
.................................................................
562
8. B.2. Les modalits de gouvernement : un aspect trs peu tudi
.................................. 565
8. B.3. La question gouvernementale : une omission du cadre
lgislatif .......................... 568
8. B.4. La gestion dAli Mendjeli, un poids mal support par la
commune dEl Khroub 569
8. B.4.1. Une gestion impose la commune dEl Khroub et pas celle
dAn Smara 569
8. B.4.2. Aspects des difficults rencontres
.................................................................
571
8. B.4.3. Une gestion non voulue autant par les lus que les
habitants dEl Khroub .... 573
8. B.5. Des solutions a posteriori et pour beaucoup inefficaces
....................................... 576
8. B.5.1. Lantenne communale
.....................................................................................
576
8. B.5.2. La cration de lEGUVAM
.............................................................................
579
-
14
8. B.5.3. Le transport public : exemple dun service urbain
mdiocre malgr une transgression rglementaire
...........................................................................................
581
8. B.5.4. Le lancement prcoce dun plan spcial : le programme
durgence de mise niveau urbaine
.............................................................................................................
582
8. B.6. La demande insatisfaite dun statut territorial propre
Ali Mendjeli .................................586
8. B.7. Dautres pistes probables de linertie territoriale au
sens politico-administratif ................590
8. B.8. Le dfaut dune citoyennet locale adapte
........................................................................593
8. B.8.1 La gestion dAli Mendjeli par la commune dEl Khroub,
objet de vives critiques par les habitants de la zone
....................................................................................................................593
8. B.8.2. Un frein lappartenance territoriale et un dsir
dindpendance dans lair ............594
8. C. Tamansourt
............................................................................................................................597
8. C.1. Linclusion dun projet de ville nouvelle dans une commune
rurale ............................597
8. C.2. Les mcanismes de gestion post ralisation ou la
gouvernance territoriale post ralisation : un aspect non anticip
....................................................................................................................599
8. C.3. Des rgulations a posteriori, avantageuses pour la
commune et insuffisantes ...................602
8. C.3.1. La dlgation de certains services urbains Al Omrane
.............................................602
8. C.3.2. La cration dun centre dlimit
..................................................................................603
8. C.3.3. Des solutions insuffisantes face aux enjeux et des
effets trs mitigs .........................608
8. C.4. La participation des acteurs privs la gestion urbaine ou
une gouvernance peu probante : le cas du promoteur Jama et de la
zone du Parc Yasmine
.............................................................612
8. C.5. Les conflits relatifs la gestion de Tamansourt et les
justifications des parties prenantes.615
8. C.6. Le cadre lgislatif en gestation : opacits et
centralisation du gouvernement ....................625
8. C.7. Le plan spcial de Tamesna : une prfiguration pour
Tamansourt .....................................629
8. C.8. La participation des habitants au gouvernement urbain :
une demande venir .................630
Conclusion
......................................................................................................................................631
Conclusion de la troisime partie
.......................................................................................................635
Conclusion gnrale
...........................................................................................................................639
Bibliographie
......................................................................................................................................653
Annexes
..............................................................................................................................................673
Annexe A
........................................................................................................................................675
Annexe B
........................................................................................................................................681
Annexe C
........................................................................................................................................687
Annexe D
........................................................................................................................................695
Table des planches
..............................................................................................................................699
Table des encadrs
..............................................................................................................................703
Table des graphes
...............................................................................................................................703
Table des tableaux
..............................................................................................................................703
-
15
Avant-propos
Cest en 2003, au cours dun voyage personnel, que jai eu
loccasion daller au
Maroc pour la premire fois. Lors dune randonne dans le
Haut-Atlas occidental, au fait de
ce que certains appellent la gographie du dveloppement, je
dcouvrais ce qui ferait lobjet
de mon mmoire de matrise de gographie, et donc de mon retour au
Maroc, un an plus tard.
Suivi par Sylvie Brunel, mon travail abouti lcriture dun mmoire
intitul : Limpact
spatial et humain dactions de dveloppement, lexemple des
communes rurales de Setti
Fadma et dOukameden dans la province dEl Haouz. En 2006, dans le
cadre du master de
recherche Acteurs et nouvelles territorialits, je fis davantage
connaissance avec des
chercheurs maghrbinistes , lesquels ont t parmi mes enseignants
luniversit
Montpellier III : Isabelle Berry-Chikhaoui, Raffaele Cattedra et
Sinda Haous-Jouve. Cette
dernire me proposa de procder une tude de la mise en convergence
des questions
environnementale et territoriale travers lanalyse de
lapplication du programme Agenda 21
dans la rgion de Marrakech-Tensift-El Haouz. Lobjectif tait de
cerner, le cas chant, les
effets durables induits par ladoption de cette dmarche dans la
pratique damnagement du
territoire. Ctait l ma premire occasion de participer une
recherche collective1 mais aussi
de faire du terrain avec des chercheurs expriments. Cela me fit
encore plus prendre got
la recherche en sciences sociales. De ce travail, il rsulta le
mmoire : Les programmes
Agendas 21 locaux au Maroc, quels impacts sur lamnagement du
territoire ? Lexemple de
la rgion Marrakech-Tensift-El Haouz. Deux mois aprs ma
soutenance, alors que je mtais
promis de mengager pour un doctorat la seule condition de
bnficier des moyens idoines
un tel projet, notamment un financement prenne, on me fit une
proposition. Des bourses
de recherches trs intressantes allaient tre attribues des
doctorants. Les modalits
dligibilit taient les suivantes : le postulant devait tre
inscrit en premire anne de
doctorat, son encadrement scientifique devait faire lobjet dune
cotutelle ou dune
codirection, enfin le travail devait porter sur une thmatique en
rapport avec lurbain et la
priphrie dans au moins un pays du Maghreb. Je fis le ncessaire
pour rpondre ces
modalits. Mes dirigeants de master, qui mavaient mis sur cette
piste, ntaient alors pas
habilits diriger des recherches doctorales. Tout en me prcisant
quils suivraient avec
1 Je fais rfrence au programme de recherche : La petite fabrique
locale du dveloppement urbain durable. De la construction
programmatique la mise en uvre de projets labelliss, une
comparaison nord-sud des enjeux de la mobilisation dans quatre
mtropoles (Toulouse, Berlin, Dakar, Marrakech) , 2004-2008,
coordonn par Alice Rouyer.
-
16
attention mon travail de manire informelle, ils demandrent
Jean-Marie Miossec de me
diriger, ce quil accepta. Il en fut de mme avec Aziz Iraki pour
la codirection. Au pralable,
jidentifiais rapidement mon objet dtude en accord avec mes
directeurs informels. Au cours
de mes investigations de master, certains interlocuteurs
mavaient rapport la ralisation en
cours dune ville nouvelle dans la priphrie de Marrakech. Cela
tait confirm par un
marketing urbain relatif, visible dans lespace public marrakchi.
Je dcidais donc de prendre
pour objet dtude le projet de Tamansourt. tant au fait dun
projet quils pensaient
similaire dans la priphrie de Casablanca et arguant de la
plus-value heuristique dune
approche comparative, mes dirigeants informels me proposrent
dentreprendre une
comparaison, ce sur quoi jacquiesais. Une fois mon doctorat mis
en branle, on me fit
prendre connaissance dune autre modalit qui mtait la possibilit
dobtenir une de ces
bourses : le postulant devait avoir la nationalit dun des pays
du Maghreb. Mtant engag
et de plus en plus passionn par la recherche, je dcidais tout de
mme de poursuivre mon
doctorat. En outre, le choix de ce sujet de thse me permettait
dintgrer le programme de
recherche : Faire la ville en priphrie(s) ? Territoires et
territorialits dans les grands villes
du Maghreb 2. Ce fut une exprience trs enrichissante sur
laquelle jaurai loccasion de
revenir ultrieurement.
Je ne rponds pas au schma classique qui fait que trs souvent, le
doctorant traite
dun sujet de recherche quil a dfrich au cours de ses tudes de
fin de deuxime cycle
universitaire. Cette thse a t pour moi loccasion de bifurquer de
champs dominante
rurale et environnementale de la recherche en gographie vers un
champ urbain. Ce nest que
depuis ce travail que je me suis familiaris avec la recherche
urbaine. En dfinitive, mme si
il fut long et difficile, je ne regrette pas ce parcours.
2 2005-2009, sous la coordination scientifique de Pierre
Signoles.
-
17
Introduction gnrale
Lurbanisation par ville nouvelle , encore dactualit
Les villes nouvelles deviendront des villes anciennes. Mais on
aura toujours besoin
de crer des villes nouvelles 3. Cette assertion tenant de la
prdiction se vrifie en partie. Si
lexpression ville nouvelle nest plus en vogue dans les discours
relatifs aux politiques
urbaines des pays occidentaux, cest linverse dans le cas des
pays forte croissance
conomique et/ou de ceux dits en dveloppement ou encore du Sud.
Depuis une vingtaine
dannes, pour des raisons souvent intriques de nature politique,
sociale, dmographique,
urbanistique, cologique, conomique et symbolique, les annonces
officielles
damnagements de villes nouvelles , en cours de conception, de
ralisation ou
dachvement y sont lgions. La Chine en est un fort pourvoyeur,
246 projets assimils
comme tel y ont t construits entre 1990 et 20084. En Inde on
peut citer Gurgaon proche de
New Delhi, en Indonsie un projet de ce genre est voqu dans la
priphrie de Djakarta, il
est question de Masdar dans lmirat dAbu Dhabi et de Ciudad
Caribia au Venezuela5. En
Core du Sud, des projets revendiqus en tant que tel sont luvre.
Il sagit notamment de
Songdo, prsent par ses promoteurs comme une ville nouvelle du
21me sicle car
intelligente et soutenable 6 et de Sejong, capitale
administrative inaugure en juillet
20127. Ce phnomne touche aussi des pays dEurope orientale. Novy
Gorod et Akademia
en Russie, de mme quAstana au Kazakhstan, sont des villes
nouvelles 8 en cours de
construction. Les pays africains ne sont pas en reste. En
janvier 2011, le chef dtat
mauritanien inaugurait les travaux de Thermessa, tandis quau
Nigria, le projet dEko
Atlantic dont le site est contigu Lagos, tait officialis par les
autorits locales ds 20079.
La mme anne, un grand projet de ville nouvelle situ 120
kilomtres de Dakar, tait
annonc par le prsident sngalais et depuis 2009, le projet de
Kilamba Xiaxi a t mis en
31991, Merlin P., Les villes nouvelles en France, PUF, Que
sais-je ? , Paris, 127 p., p. 124. 4 2010, Hochet X., De Jaegere
A.-B., Triggers Transformer lentreprise pour prendre un temps
davance, Odile Jacob, Paris, 352 p., p. 329. 5 In India, dynamism
wrestles with disfunction , New York Times, juin 2011 ; Courrier
international, septembre 2010 ; Masdar City, future capitale de
lnergie verte , Le monde, juillet 2009 ; Ciudad Caribia, la cit des
rves de Chavez , Courrier international, novembre 2011. 6 Voir le
site internet de Songdo International Business District :
www.songdo.com. 7 Pourquoi la Core du Sud btit une nouvelle
capitale dont personne ne veut , La Tribune, juin 2012. 8 2007, Les
villes nouvelles lEst , Regard sur lEst, Dossier n47,
http://www.regard-est.com. 9 Jeune Afrique, janvier 2011 ;
www.ekoatlantic.com.
-
18
chantier en Angola 10. Dans cette profusion de villes nouvelles
, les terrains dtudes qui
nous intressent ne font pas exception.
Au milieu des annes 2000, le ministre marocain en charge de
lUrbanisme et de
lHabitat annonce la mise en uvre dune politique de villes
nouvelles comptant une
quinzaine de projets rpartis proximit des grandes villes du
Royaume11. Le chantier de
Tamansourt, situ dans la priphrie de Marrakech, est
officiellement activ la fin de
lanne 2004, suivi en 2005 par le lancement de celui de Tamesna
dans la priphrie de
Rabat. Les travaux damnagement de Lakhyayta prs de Casablanca et
de Meloussa prs de
Tanger, renomm par la suite Chrafate, dbutent respectivement en
2007 et 2009. En outre,
le projet de Tagadirt dans la priphrie dAgadir est ltude courant
2006 et une convention
visant lamnagement de la ville nouvelle de Zenata, localise
entre Casablanca et
Mohammedia, est signe la mme anne.
En Algrie, cette option damnagement est plus prcoce. Ds 1987, le
Schma
national damnagement du territoire prconise la cration de villes
nouvelles dans les
rgions des Hauts Plateaux et du Sud. Cest dans ce cadre que sont
dclenchs les projets de
Boughezoul et par la suite celui de Sidi Abdellah, cibls par le
gouvernement. Le premier est
abandonn durant les annes 1990 tandis que le second connait
jusqu prsent un faible
niveau davancement. Paralllement, des projets de villes
nouvelles , dmanations
locales12, sont lancs par les pouvoirs dconcentrs, cest
notamment le cas dAli Mendjeli,
proche de Constantine. Au cours des annes 2000, des projets sont
concrtement relancs
tandis que dautres mergent. Les crations de Bouinan, dans la
wilaya de Blida, et de
Boughezoul, dans celle dAlger, sont entrines par dcret en 2004.
Les travaux de cette
dernire seraient avancs 50% pour la viabilisation et 70% pour
les infrastructures en
201213. Les projets dHassi Messaoud, et dEl Mnaa, situs dans les
wilayate de Ouargla et
de Ghardaia sont respectivement valids par dcret en 2006 et 2007
limage de son schma
directeur est diffuse dans la presse en 200914.
Lessor gnralis de ce type damnagement spatial est surprenant, au
regard des
diverses expriences faites en la matire et du contenu mme du
concept de ville nouvelle.
10 Jeune Afrique, janvier 2007 ; 2009, Des marchs prometteurs
pour lAfrique , Afrique Renouveau, vol. 23. 11 Cette information,
lisible durant un certain temps sur le site internet officiel de
linstitution, a t fortement relaye par la presse nationale. Il faut
noter que si le nombre de quinze projets a t communiqu, seulement
six dentre eux ont t clairement notifis. 12 Nous reviendrons sur ce
point ultrieurement. 13 Le chantier de la ville nouvelle de
Boughezoul avance mais nul ne sait quand il sera termin , Maghreb
mergent, avril 2012. 14 Hassi Messaoud : la mga-oasis ptrolire , El
Watan, avril 2009.
-
19
La persistance paradoxale dun concept pass
Que les entres analytiques soient gographiques, historiques,
sociologiques ou
urbanistiques, la littrature grise consacre au thme des villes
nouvelles, partir de laquelle
il est possible de faire un bilan synthtique15, informe quune
telle option damnagement
nest pas une panace pour les problmes relatifs lurbanisation. Ce
constat simpose quel
que soit le territoire o elle a t retenue. En comparant ces
planifications urbaines avec les
ralits auxquelles elles ont abouti, les analystes font ressortir
que si certains des objectifs
assigns ce type de projet ont t atteints, il nen reste pas moins
que de nombreuses
insuffisances qualitatives et quantitatives subsistent au regard
des desseins originels.
Concernant lexprience franaise, Franoise Choay estime que [] les
villes nouvelles
sont une ralit assez loignes des rves quelles portaient 16.
Jean-Pierre Paulet le
confirme. Aprs avoir qualifi le bilan de trs honorable au cours
de la dcennie 80, sous
langle de labsorption dmographique, son valuation gnrale ne
laisse gure de doute, les
villes nouvelles franaises nont pas vritablement atteint les
buts fixs 17. Dans sa
recension du numro des Annales de la Recherche Urbaine, Les
visages de la ville
nouvelle , se rfrant des tudes de cas algrienne, chinoise,
gyptiennes et franaises,
Emmanuel Pachaud indique : Au total, on voit que les ralisations
sont restes trop
souvent en de des espoirs des urbanistes et que les objectifs
des villes nouvelles [] ne
rpondent pas aux projets damnagement urbains 18.
Une critique rcurrente a trait aux prvisions dmographiques et
conomiques
justificatrices des politiques de villes nouvelles, apparues
errones a posteriori. Selon les
cas, elles ont t survalues ou sous-values, exceptionnellement,
elles ont correspondu
aux ralits. La capitale nouvelle de Brasilia qui devait contenir
terme une population de
600 000 habitants, en comptait en 2011 prs de 2 456 000 selon
ladministration locale qui 15 Le lecteur observera que la synthse
propose est labore partir de sources bibliographiques publies en
majorit avant le dmarrage du projet marocain analys dans le cadre
de cette thse. Cette remarque est valable dans une moindre mesure
pour lobjet dtude algrien. Nanmoins, avant que les auteurs cits ici
formalisent les difficults rencontres par ce modle damnagement, des
expertises publiques effectues sur demande gouvernementale les
avaient dj mise en exergue. En outre, dautres ouvrages rfrencs dans
le premier chapitre, pour la plupart antrieurs aux deux projets,
contiennent tous des parties exposant les limites du concept. Nous
avons prfr retenir ici dautres sources afin de diminuer la
redondance. 16 1988, Notre histoire, matriaux pour servir lhistoire
intellectuelle de la France , Le dbat, n50, 288 p., p. 234. 17
2006, 2me d., Gographie urbaine, Paris, Armand Colin, 342 p., p.
278. 18 Pachaud E., 2006, Villes nouvelles : du concept la ralit ,
EspacesTemps.net.
-
20
doit faire face un phnomne de surpopulation. Mais pour la
majorit des cas, cest un
phnomne de sous-peuplement qui a affect le devenir des projets.
Dans la banlieue du
Caire, 10 Ramadan latteste. Lance en 1977, la population sy
levait 47 833 individus en
1996, sachant que la projection prvoyait 500 000 habitants en
2000. Globalement, les villes
nouvelles gyptiennes ne contenaient, vingt aprs leur dification,
que 800 000 personnes sur
les 8 millions prvues initialement. Un urbaniste gyptien rsume
ainsi les raisons de ce
dcalage : [] lexprience a prouv quelles nont pas remplis leur
rle, le manque de
services dinfrastructures, demploi est la cause principale qui
[en] a fait des zones de
rpulsion et non pas dattraction. [] Pour raliser leurs
objectifs, ces cits auraient du tre
planifies en prenant compte de lenvironnement conomique du pays
19. Sylvia
Ostrowtesky rappelle sans complaisance les prvisions du schma
directeur damnagement
et durbanisme de la rgion de Paris, document y prescrivant la
ralisation de villes
nouvelles : [], le calcul, demeur secret, valuait 18 millions la
population de la rgion
parisienne en lan 2000. On nen dclara que 14 millions pour ne
pas trop faire peur, et lon
en est en 1999 moins de 11 millions []. Il se fonde galement sur
des projections
conomiques bien optimistes : un pouvoir dachat quintupl en
moyenne, et une urbanisation
doublant dici la fin du sicle 20. Ainsi, il tait prvu que
lensemble des villes nouvelles
franciliennes compte entre 1 350 000 et 1 450 000 habitants cet
horizon. Daprs le
recensement de 1999, elles nen totalisaient que 739 130. Ce type
de dcalage a aussi eu lieu
pour les cas provinciaux. Franoise Choay mentionne qu au bas de
lchelle, dans un
paysage surraliste de bton et de rues pitonnires hauteur dtage,
Le Vaudreuil compte
peine 10 000 habitants [4 000 se sont ajouts une dizaine dannes
plus tard, contre 90 000
140 000 selon les intentions initiales] 21. Au passage, on voit
que lauteure critique
vivement la dimension visuelle de cette ville nouvelle, ce
quelle ritre pour les cas de lle-
de-France. Son analyse de la contrepartie de la ralisation du
RER, en majorit d ces
ralisations et dont elle ne nie pas les avantages, est acerbe :
Le prix pay : destruction de
lancestrale ceinture verte et rurale de Paris ; retard de vingt
ans dans la restructuration dune
banlieue parisienne qui ne sest pas laisse rayer dun seul trait
de plume, pollution visuelle
par une architecture dattraction 22. Cela exprime un autre
hiatus, relatif au cadre urbain.
19 Cit par Sjourn M., 2006, Les politiques rcentes de traitement
des quartiers illgaux au Caire : nouveaux enjeux et configuration
du systme dacteurs, thse de doctorat en gographie, 599 p., p. 238.
20 2005, Les villes nouvelles franaises : paris et apories Esquisse
dune problmatique, Espaces et socits, n119, pp. 25-36, p. 27. 21
Op. cit., p. 234. 22 Ibid.
-
21
Le concept de ville nouvelle prvoit quil soit esthtique et de
qualit. Dans ce
domaine, seul les cas britanniques et belge (Louvain-la-Neuve)
sont proches de faire
lunanimit. Ainsi pour la France, Claude Chaline23 accorde la
production une qualit
notable, un point de vue en forte opposition avec celui expos
prcdemment. Pierre Merlin,
mme si il leur reconnait un relatif insuccs est, lui aussi,
accommodant : Les villes
nouvelles ont eu recours dexcellents architectes, [] parfois
aussi les meilleurs urbanistes
[]. Pourtant, la plupart des visiteurs, et plus encore des
spcialistes, se dclarent dus par
le paysage urbain des villes nouvelles. Linnovation na pourtant
pas t absente, par
exemple vry I o fut organis en 1971 le plus grand concours
darchitectes-constructeurs
jamais lanc, qui couronna un projet dhabitat intgr (les
Pyramides) trs (trop ?)
original 24. Jean-Pierre Paulet na pas la mme apprciation :
Lenvironnement
monumental repose toujours sur les barres et les tours ; les
vastes espaces verts sparent,
comme vry, les grands ensembles et compliquent les dplacements.
Les arbres sont
souvent trs monotones compte tenu de limportance du bton et des
surfaces bties 25. Pour
les villes nouvelles russes de la priode sovitique, la
rationalit de lorganisation spatiale
fonde sur le principe du microrayon pour contribuer la
sociabilit urbaine et
loptimisation des quipements collectifs, compense avec difficult
la monotonie des types
de construction, la mdiocrit des finitions, le mauvais entretien
et la ralisation incomplte
despaces ouverts gnreusement distribues dans les manuels
damnagement thorique 26.
Financirement, les budgets ncessaires lamnagement des villes
nouvelles ont t
sous-estims. Sur le long terme, ces programmes se rvlent
dispendieux. En 1994, soit vingt
cinq ans aprs leur lancement, les villes nouvelles franaises
affichaient une dette
importante, de lordre de quatorze milliards de francs27. Un
autre aspect, lourd de
consquences financires, tient dans les conceptions des villes
nouvelles, qui en avaient fait
des espaces immuables. Leur volution, ou plus exactement leur
involution, na pas t
anticip par les porteurs de villes nouvelles. Guy Baudelle et
Estelle Ducom attribuent aux
ralisations britanniques, finlandaises, franaises, hollandaises,
japonaises et sudoises des
pratiques novatrices dans les domaines de la matrise foncire, de
larchitecture rsidentielle,
de la composition urbaine et de la mixit sociale et
fonctionnelle. En revanche, ils leurs
23 1996, 2me d., Les villes nouvelles dans le monde, Paris, PUF,
Que sais-je ? , 125 p., p. 93. 24 Op. cit., pp. 97-98. 25 Ibid. 26
Chaline C., 1985, 1re d., Les villes nouvelles dans le monde,
Paris, PUF, Que sais-je ? , 127 p., p. 106. 27 Chaline C., 1996,
op. cit., p. 96.
-
22
reconnaissent une dsutude avance, ce quel que soit le cas,
autant pour leurs dimensions
matrielles quhumaines : [] dgradation synchrone des VRD et des
grands quipements,
obsolescence de la conception et dtrioration du bti [], la mixit
initiale ont succd
appauvrissement social voire pauprisation et vieillissement,
concentration croissante de
population trangre [] et monte de problmes sociaux 28. Les
auteurs relatent le cot
onreux de la remise niveau des villes nouvelles britanniques et
franaises. Alors que pour
le plus grand nombre dentre elles, leur gestion seffectue dans
la norme politico-
administrative, c'est--dire que les collectivits locales en ont
la charge, les tats continuent
de les financer dans le cadre de programmes de rnovation
urbaine. En 2002, un rapport de la
Sous-commission des affaires urbaines indiquait que la cration
dun Fonds de
rinvestissement en ville nouvelle serait ncessaire au
Royaume-Uni. En France, depuis
son institution en 2003, lAgence nationale pour la rnovation
urbaine a investi un total de
220 millions deuros dans des oprations qui ne concernent que
Cergy-Pontoise, vry et Val-
de-Reuil. Toujours dans le registre du financement, ds la
premire dition de son livre,
Claude Chaline indique que la faible capacit financire tatique
est un des principaux
facteurs explicatifs du drapage de maints projets [dans le
tiers-monde] 29.
La mixit socio-spatiale, base sur lge et le revenu conomique des
habitants,
devait caractriser les villes nouvelles. Il en est autrement
dans les faits. Ds 1966, Franoise
Cribier30 rapporte que les cas anglais de Welwyn Garden City,
Stevenage et Crawley sont
confronts des problmes de sgrgation socio-spatiale. La structure
par ge dalors est
semblable celle des grands ensembles franais, avec une grande
majorit de gens de
moins de 45 ans, un taux de natalit lev, beaucoup de petits
enfants et peu de grand-
mre . Les catgories socio-professionnelles revenus moyens sont
bien reprsentes,
linverse de celles revenus levs, il y a des ouvriers et des
employs, peu de cadres et de
professions librales (ceux qui travaillent Crawley vivent
souvent dans des communes
voisines) . Cette contradiction sobserve aussi en gypte o la
ghettosation sacclre
avec des quartiers rservs une lite, forms de zones rsidentielles
fermes (Mena Town),
et des quartiers constitus par un habitat dnu de tout confort
rservs aux classes plus
populaires (quartiers du plateau du Muquattam 31. En France, les
catgories sociales
revenus moyens sont surreprsentes ; de mme, les amnagements
annoncs tels des villes
28 2008, Renouveler les villes nouvelles ? , Urbanisme, n362. 29
1985, op. cit., p. 124. 30 Les New Towns , Annales de Gographie,
n408, t. 75, pp. 209-211, p. 211. 31 Pachaud E., 2006, op. cit.
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23
nouvelles dans les priphries de Hong Kong et Singapour nont pas
atteint la diversit
sociale escompte, tant donn quun rgime doccupation rsidentielle
vari devait linduire
mais que, finalement, la part du systme locatif prvu pour des
habitants faibles revenus est
de 80%32. Plus gnralement, dans les pays en voie de
dveloppement, linsolvabilit dune
fraction importante de la population aboutit un glissement des
bnficiaires de logements
programms dans les villes nouvelles vers une partie rduite de la
socit que constituent les
personnels des administrations publiques, des forces armes [],
des catgories aux
revenus stables quoique moyens et sur lesquelles sappuie souvent
la classe politique 33.
Une autre aporie observe de nombreuses occasions concerne la
question de
lautonomie, notamment pour les villes nouvelles dquilibrage
mtropolitain.
Lindpendance spatiale vis--vis de la ville-mre est perue comme
un facteur dterminant
une identit territoriale des habitants, au sens dun espace vcu
comme celui dune ville. Les
concepteurs associent cette fin une large diversit
fonctionnelle, dont un des piliers est la
localisation sur place dactivits gnratrices de revenus. Le
nombre demplois doit tre
proportionn par rapport celui de la population. Or globalement,
seul le cas britannique
aurait atteint cet objectif34. Pour la France, hormis vry,
aucune ralisation ntait parvenue
ce stade en 199435. Cette dficience sobserverait avec plus
dacuit pour les applications
hongkongaises, sud-corennes et tawanaises, du fait dune
accessibilit insuffisante de ces
entits urbaines qui contraint les installations dentreprises.
Les habitants peuvent passer
jusqu deux heures par jour en moyenne dans les transports
collectifs pour rejoindre leur
lieu de travail. Les tats de sous-quipements qui caractrisent
ces lieux, accentuent
davantage leur subordination spatiale. Dans les faits ils
relvent plus de villes satellites ou
de cits-dortoirs.36. Par raction en chaine, le phnomne de
migration pendulaire qui
dcoule de ces situations a fortement compromis le dsengorgement
des mtropoles, un autre
but fondateur de ce type daction. Sylvia Ostrowetsky dcrit ainsi
: Paris [] continue
dtre engorge par les migrations alternantes []. La dure des
temps de dplacement na
pas chang mme si les kilomtres parcourus sont plus nombreux. Les
voies circulaires,
comme lA 86, continuent denserrer la capitale comme un rempart.
Ce nest plus de vie et
32 Chaline C., 1996, op. cit., p. 111. 33 Chaline C., 1985, op.
cit., p. 113. 34 Un succs indniable selon C. Chaline, p. 87. 35 C.
Chaline. 1996, p. 94. 36 C. Chaline, 1985, p. 115.
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24
de revendication sociale quil sagit, mais de pollution et de
bouchons quotidiens dans
lisolement des voitures quatre places 37.
Les tenants des villes nouvelles soutiennent que cest un outil
de matrise spatiale et
de rationalisation de lurbanisation. Dans la ralit, ce nest pas
si vident. Les conceptions,
souvent bases sur une faible densit de population et la prsence
de nature en ville, en font
un modle fortement consommateur despace. cet gard, les
productions franciliennes ne
sont pas plus performantes que les villes anciennes 38. Franoise
Cribier relate le
problme de lespace dans un pays o il est rare, donc prcieux : si
les densits des villes
anglaises taient partout celles de Stevenage, elles couvriraient
10% du pays, au lieu de 3%
actuellement 39. Par ailleurs, tant donn la poursuite de
lurbanisation des priphries des
grandes villes, elles ne lont jugul que partiellement. La
construction de lhabitat sy est
poursuivie, de manire rglementaire40 ou illgale41. lchelle des
villes nouvelles, la
rationalit de ce dirigisme urbanistique na pas rsist aux
contraintes exerces par les
acteurs autres que ceux de ltat. Dans la nouvelle capitale
Chandigarh, la ceinture verte,
inconstructible daprs les plans, a t investie de toutes parts.
Des favelas ont t
dveloppes au sein mme et sur les marges du plan pilote de
Brasilia, pouvant contenir
jusqu 30 000 personnes dans le cas de Parano42. In fine, les
villes nouvelles sont adresses
aux socits. Il sagit de leur proposer des espaces urbains mieux
habitables. Par rapport
cette remarque, ltude mene par Nicole Haumont43 est clairante.
Lanalyse sintresse aux
espaces sociaux issus de politiques de villes nouvelles en les
comparant ceux conscutifs
dune urbanisation traditionnelle , dans des contextes cossais,
franais, hongrois et
polonais. Il rsulte quentre ces deux faon dagir, rien ne dmontre
que lune soit
qualitativement ni mme quantitativement meilleure que
lautre.
Cet inventaire montre que cette solution idalise, dapparence
facile, nest pas idale
concrtement. Avec un certain recul temporel Laurent Devisme crit
: ceux qui parlent
37 Op. cit., p. 28. 38 Fouchier V., 1998, Les densits urbaines
et le dveloppement durable : le cas de lle-de-France et des villes
nouvelles, Paris, SGVN, 212 p. 39 Op. cit., p. 211. 40 [] En
Angleterre, les vastes programmes de villes nouvelles qui ont
pourtant revtu une ampleur indite puisque pas moins de 2,5 millions
de personnes y vivent, nont pas empch la poursuite de lurbanisation
spontane, nabsorbant quune infime partie de la croissance urbaine .
Baudelle G., Ducom E., op. cit. 41 Le Caire en est une bonne
illustration. 42 Voir Rochefort M. et Roussel M., 1990, Politique,
stratgies et tactiques dans la dynamique dun espace urbain :
lexemple de Brasilia , Strates, n5, http://strates.revues.org/1397.
43 Haumont N., et al., 1999, Villes nouvelles et villes
traditionnelles. Une comparaison internationale, Paris, LHarmattan,
341 p., p. 340.
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25
dchec, dautres leur rpondent que la situation urbaine serait
pire sans elles : maigre
consolation 44. Les villes nouvelles seraient donc une pratique
damnagement par dfaut.
En cela, nous relevons un premier paradoxe quant la continuit de
son application. Un
second se trouve dans lanachronisme du concept de ville
nouvelle, de par les moyens
ncessaires sa mise en uvre et les finalits recherches.
Les conditions capitales runies, qui permirent ce genre
dapplication dans les pays
pionniers en la matire, ne sont plus dactualit. Les structures
politico-conomiques qui
caractrisaient les tats, trs centralises, facilitaient leur
interventionnisme dans le domaine
de lurbanisme volontaire, dautant plus que le contexte
idologique tait celui de ltat-
providence. Depuis, les rformes territoriales de dcentralisation
et de dconcentration, ainsi
que la globalisation ont amoindri leurs forces daction et de
dcision. Rappelons aussi que
ces amnagements ont t possibles car ces tats connaissaient une
forte croissance
conomique. Cette rflexion, modrer pour lAlgrie et le Maroc,
notamment du point de
vue politique, parat tout de mme pertinente.
Continuer mettre en pratique ce modle quivaut faire abstraction
de quelques
dcouvertes des sciences sociales. Elles semblent videntes
maintenant, mais il est ncessaire
de les rappeler car des ides directrices du concept leurs sont
antagonistes.
Une ville nouvelle se veut tre un projet de ralisation dune
entit urbaine
autarcique, avec des limites physiques formellement dfinies. Or,
la mobilit spatiale
croissante des personnes, des biens matriels et immatriels rend
cette forme damnagement
obsolte. Les populations ne vivent plus exclusivement sur un
seul territoire. Les expressions
socits en rseaux, socits nomades ou socits dindividus mobiles45
rendent compte de
cette circonstance. Alors que les vcus urbains sinscrivent dans
des espaces rticulaires, ou
archiplagiques, le recours un concept qui vise circonscrire
lhabiter dans un espace
unique est tonnant. Cela rend aussi caduque lide de produire un
territoire urbain
assimilable celui dune ville dont le bornage serait clair. Mme
si elle est discutable, la
formule le rgne de lurbain et la mort de la ville 46 a le mrite
de rappeler que les
conceptions visant lamnagement de lespace ne doivent plus
apprhender ce dernier
comme continu mais comme un ensemble de lieux connecter. une
priode o le terme
44 2003, Ville nouvelle , Dictionnaire de la gographie et de
lespace des socits, Paris, Belin, 1033 p., p. 994. 45
Respectivement formules par Castells M. (1981), Knafou R. (1998),
Stock M. (2005). 46 Choay F., 1994, Le rgne de lurbain et la mort
de la ville , La Ville : Art et architecture en Europe, 1870-1993,
Paris, ditions du centre Georges Pompidou.
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26
dagglomration semble plus appropri que celui de ville pour
prendre en compte les ralits
de lespace urbain et o lclatement47 des villes est reconnu, le
recours au modle de ville
nouvelle semble inopportun.
Dautres reprsentations qui ne sont pas propres la ville nouvelle
mais constituent
une part de sa matrice, ont t remises en question depuis sa
conceptualisation. Dune part,
lobservation des faits montre que lagencement spatial nest pas
lunique dterminant de la
sociabilit en milieu urbain. Cest ce que Sylvia Ostrowetsky
voque lorsquelle remarque
que les problmes sociaux perceptibles dans des secteurs de
villes nouvelles sont identiques
ceux que lon rencontre classiquement dans les grands ensembles.
Cest dire quune
architecture urbaine ne permet dinduire un comportement . Selon
elle, il est faux de
penser que lexpression architecturale peut, elle seule ou
presque, scrter de la socit 48.
Dautre part ce type daction urbaine omet la capacit dagir ou de
ragir des populations
quelle cible, les considrant comme de simples bnficiaires
passifs, ainsi que de celles
qui elle nest pas destine. Le cas de Brasilia et ce nest pas le
seul prouve que la
planification spatiale peut tre fortement bouleverse par des
stratgies individuelles et
collectives modifiant lorganisation et le contenu social prvus :
[] ce sont finalement les
propritaires terriens antrieurs, les habitants pauvres, les
habitants riches et les spculateurs
immobiliers qui ont progressivement faonn un espace urbain
beaucoup plus complexe que
celui qui aurait du rsulter de la stratgie initiale, et
finalement plus proche de la ralit
sociale daujourdhui 49.
La ville nouvelle est une figure majeure de lurbanisme de plan.
Pourtant depuis une
vingtaine dannes, les modalits des actions urbaines diriges par
les pouvoirs publics
tendent se cristalliser autour dune logique de projet. Utiliser
ce concept, cest ngliger ce
changement de paradigme. Laurent Devisme le fait remarquer : une
priode [] voyant
le phnomne urbain comme retors toute vise planificatrice, les
villes nouvelles incarnent
plutt des incongruits. [] De fait, la rgulation contemporaine de
dysfonctionnements
urbains ne passe plus par un imaginaire btisseur projetant des
villes entires 50. Les villes
nouvelles ont certes dmontr quil tait possible driger de
nombreux habitats en un temps
record mais elles ont montr leurs limites quant laboutissement
de socits urbaines,
inscrites territorialement et socialement galitaires. Ctait
pourtant une des prtentions, qui
47 Coutard O. et al., 1996, La ville clate : enjeux, logiques et
modalits dune rgulation conomique, sociale et territoriale :
sminaire de prospective, Paris, MELTT, 162 p. 48 Op. cit., p. 32 et
35. 49 Rochefort M., Roussel M., op. cit., p. 5. 50 Op. cit., p.
994.
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27
reste encore atteindre pour beaucoup. De cette perspective, ce
modle merge nouveau
comme dpass.
De ce constat plus que contrast et de ces paradoxes poss nous
soulevons un des
questionnements au fondement de notre recherche : pourquoi
laction publique urbaine
marocaine et algrienne sest saisi rcemment du modle de ville
nouvelle ? Autrement dit, il
sagit de cerner et comprendre les causes qui incitent les
pouvoirs publics en place tout de
mme faire usage de cette doctrine.
Problmatique et hypothses
Les trois grandes interrogations de notre recherche doctorale
sont : pourquoi les
pouvoirs publics font usage de ce type de politique damnagement
? Comment ces
politiques sont-elles conduites ? Quelles sont leurs effets
territoriaux ? partir de ces
questionnements, nous formulons la srie dhypothses
suivantes.
Notre premire hypothse consiste penser que les efficacits
performative et
iconique de cette reprsentation intellectuelle, davantage que
celle oprationnelle, ont
orient ces choix damnagements. Comme si le fait de vhiculer ce
vocable allait suffire
synthtiser ladhsion de toutes les parties prenantes et produire
une telle utopie. Mme si
leurs porteurs les dsignent en tant que ville nouvelle , les
actions spatiales tudies ne
concordent pas avec le concept. Elles lui correspondent
essentiellement travers les discours
de leurs mises en valeur et de lgitimation. Certes, elles
prsentent certaines caractristiques
fondamentales du concept. Mais dans les faits, notamment ceux de
lhabiter, de lespace
vcu urbain et des territoires du quotidiens qui se forment dans
les espaces et leurs lieux
produits selon ces intentions, en loccurrence tatiques, elles
prsentent de rares similitudes
avec son contenu. Donc, il sagit de villes nouvelles. Ces
actions sont plus guides par des
opportunismes foncier et immobilier que par la volont driger des
villes o il fasse bon
vivre pour le plus grand nombre de leurs habitants, ce qui
spcifie lobjectif premier du
concept de ville nouvelle. Linadquation conceptuelle est aussi
perceptible travers la
faiblesse des moyens financiers, institutionnels, lgislatifs et
politiques mis disposition par
les gouvernements, au regard dune telle ambition socio-spatiale.
On peut se demander,
linstar de J.-P. Charri au sujet des projets de type
technopolitain et plus gnralement du
-
28
projet urbain si actuellement au Maghreb, les projets de villes
nouvelles sont le fait dun
effet de mode51. Plus largement, nous adoptons une des hypothses
soutenues par le
programme de recherche Faire la ville en priphrie(s) ?
Territoires et territorialits dans
les grandes villes du Maghreb : Si on prend en considration
limportance attribue la
mdiatisation des mgaprojets maghrbins, nous pouvons avancer
lhypothse que, dans
certains cas, leur mise en image peut se substituer carrment au
projet lui-mme. partir de
l, on peut considrer que les projets du moins certains dentre
eux sont annoncs par
les porteurs pour leur efficacit performative, sans que ce qui
les fonde soit vritablement
pris en compte. Peut se crer ainsi une sorte d effet mirage des
grands projets des
mtropoles maghrbines du XXIme sicle, lesquelles semblent
sengouffrer dans une voie
o la confusion risque de stablir entre les possibilits relles et
concrtes damnagement
et le rve virtuel des images en 3D 52.
Notre deuxime hypothse est quil ny a pas eu de capitalisation
des expriences
trangres dans la perspective dune redfinition du concept, ni
dadaptation en vue
dadquation avec le contexte gographique, ni damlioration avec la
prise en considration
des raisons qui, globalement, font que les rsultats ne rpondent
aux objectifs
intellectualiss. Cela aurait pourtant t ncessaire pour rendre ce
concept opratoire plus
efficient. ce niveau on montrera la faiblesse des reprsentations
conceptualises
notamment dans les crits spcifiquement consacrs aux projets, car
ce format est celui qui
offre le plus de possibilit dintellectualisation (tudes et
documents relatifs). On verra que le
cas marocain, en plus des plans, est bas sur de nombreux autres
vecteurs diconisation du
projet, comme si ils taient des palliatifs la carence des
documents crits, comme si la
communication remplaait la conception.
Certains travaux rcents de recherche urbaine sur le Maghreb
actent, qu linstar des
faons de produire de lurbain au nord de la Mditerrane53, les
modalits de laction urbaine
51 1996, Villes en projet(s). Actes du colloque de 1995, MSHA,
Talence, 408 p., p. 15. 52 P. Signoles (coord. sc.), 2010, Synthse
du rapport, PDF, 91 p., p. 70. 53 Voir L. Zaki (dir.), 2011,
Laction urbaine au Maghreb. Enjeux politiques et professionnels ;
P. Signoles (coord.), 2010, Faire la ville en priphrie(s) ?
Territoires et territorialits dans les grandes villes du Maghreb,
synthse du rapport scientifique, notamment le chapitre Les grands
projets urbains la conqute des priphries ; P.-A. Barthel, 2008,
Faire du grand projet au Maghreb. Lexemple des fronts deau
(Casablanca et Tunis) et 2006, Tunis en projet(s). La fabrique dune
mtropole au bord de leau ; R. Cattedra, 2001, La mosque et la cit.
La reconversion symbolique du projet urbain Casablanca. Ces travaux
autour de la notion de projet urbain / urbanisme de projet, ont
leurs pendants dans dautres contextes territoriaux. Voir notamment,
2001, Projet urbain, matrise douvrage, commande , in Espaces et
socits, n105-106,
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29
publique sinscrivent dornavant dans une logique de projet. Au
Maghreb en gnral, mais
avec plus dacuit au Maroc et en Tunisie, on assiste depuis une
dizaine dannes,
particulirement dans les priphries des grandes villes,
lactivation de nombreux grands
projets damnagement. Les villes nouvelles sont un type de grand
projet damnagement
parmi un ensemble, dont une typologie a t faite dans le cadre du
programme de recherche
FSP. Il y a l une diffrence avec lAlgrie o, peut tre cause de
lhritage de la priode
socialiste, la logique de projet urbain qui est un des apanages
de lurbanisme libral54 est
moins en prise avec les dmarches damnagement de ltat algrien au
cours des quinze
dernires annes. Mais en ralit, il faut tre moins tranch. Les
modalits dagir tudies ici
ne relvent ni de la planification urbaine, ni de lurbanisme de
projet, cette affirmation
constitue notre troisime hypothse. Elles empruntent certaines
caractristiques chacune de
ces logiques, dont la plupart ne nous paraissent pas
fondamentales. Cest pourquoi nous
qualifions ces actions damnagement de lentre-deux, ou plus
radicalement, damnagement
hybride, au sens figur dun amnagement qui nappartient aucun
type, genre, style
particulier, qui est bizarrement compos dlments divers 55. Au
sein de la planification
urbaine, J.-P. Lacaze distingue cinq modes parmi lesquels
lurbanisme de composition ,
quil dnomme aussi urbanisme de plan-masse 56. Cest ce mode
daction que nous
faisons rfrence par lurbanisme de planification. Une ville
nouvelle en tant quacte
damnagement est sens reprsenter une figure majeure de cet
urbanisme. Dailleurs J.-P.
Lacaze nhsite pas recourir lexemple des new towns pour illustrer
un urbanisme qui
fait du plan linstrument fondamental de la planification urbaine
57. Les tenants de cette
pratique considrent que ce dernier est une discipline de
synthse, dont le mode
dexpression privilgie est la rdaction du plan, quil sagisse du
plan dun quartier ou
dune ville nouvelle, ou encore du plan durbanisme dune ville
existante . En thorie
sur la base dtudes pralables, la structure et la forme future de
la ville peuvent tre
dfinies lavance par la rflexion [] et traduites par un ensemble
de plans . Cet
urbanisme nest pas tranger la monte en puissance de la
profession durbaniste. En outre,
les modalits de dcision qui dominent cette forme de pratique
damnagement urbain sont
LHarmattan, 284 p. ; G. Pinson, 2009, Gouverner la ville par
projet Urbanisme et gouvernance des villes europennes, Paris,
SciencesPo. Les Presses, 420 p. 54 Au sens dAlain Bourdin. 2010,
Lurbanisme daprs crise, La Tour dAigues, d. de lAube, 157 p., pp.
20-21. 55 Portail lexical du CNRTL, CNRS. 56 1995, Introduction la
planification urbaine Imprcis durbanisme la franaise, Presse de
lcole nationale des Ponts et chausses, Paris, 2me d., 386 p., p.
61. 57 Op. cit., p. 63.
-
30
empreintes de technocratie et de centralisme politique.
Lurbanisme de projet se veut
loppos. Ce mode dagir ce qualifie par sa dite souplesse, sa
flexibilit. Lurbanisme de
projet ou projet urbain peut se dfinir comme une procdure
stratgique, pragmatique
et contextuelle de fabrication intentionnelle de lurbain qui
tend se substituer la
planification standard tlologique, thorique et universelle 58.
Lurbanisme de projet
sintresse davantage au dessein quau dessin. Il fait intervenir
lensemble des parties
potentielles de la fabrique urbaine. Lurbanisme de projet est
fondamentalement non
technique, la diffrence de la rgle et du plan, le projet est
mdiatique 59. Il est donc aussi
question, au cours de cette recherche, de vrifier quels sont les
ingrdients de lurbanisme
de projet et ceux de lurbanisme de planification qui
caractrisent les actions damnagement
tudies.
Notre quatrime hypothse est que ces actions sont des vecteurs
plus ou moins
puissants de reterritorialisation des priphries de Constantine
et Marrakech. Il sagira de
vrifier si lmergence de centralits ou de marges urbaines
nouvelles ou bien les deux
intriques y est observable, et de vrifier si cela tient
seulement du neuf, ou aussi de
loriginal. En outre, elles ont un impact territorial dans leur
primtre dimplantation, mais
aussi, limage des vases communicants, en dehors. Elles jouent le
rle dincubateur de
reterritorialisation dans les priphries de leurs sites, aussi
bien localises de faon proche,
c'est--dire dans les interstices des systmes centres-priphries,
que de faon loigne, c'est-
-dire au sein des primtres urbains de Marrakech et de
Constantine, notamment dans leurs
centres. Selon nous, ces politiques publiques damnagement, qui
se veulent nouvelles ,
dun autre genre pour leur contexte, produisent tant des lieux de
centralits urbaines que des
territoires marginaux urbains dans les priphries des grandes
villes faisant lobjet de nos
tudes, les deuximes primant sur les premiers. Objectivement,
nous soutenons la sous-thse
que ces espaces sont dots dune faible urbanit. Ils