-
Depuis 2003, les travaux du Conseilnational des professions du
spectacleont permis, pour lensemble du spec-tacle vivant, daffiner
la comprhensionde lvolution du march de lemploi,marque pour les
artistes et le personneltechnique par une forte
croissancedmographique, une fragmentation descontrats de travail et
de sensibles inga-lits de revenus1. Nanmoins et malgrdautres
avances rcentes2, uneconnaissance affine et une
approchesocio-conomique plus systmique dece secteur dactivit
mritent dtredveloppes, notamment propos descompagnies. En effet,
les directions deces trs petites organisations exprimentsouvent des
difficults relatives lavalorisation de leurs activits dans
uncontexte de concurrence accrue, maisaussi des questionnements sur
leursmissions de service public et sur lespossibilits dun
comportement pluscoopratif entre lensemble des acteursde ce monde
artistique.
* Recherche coordonne par Daniel Urrutiaguer et Philippe Henry,
matres de confrences respectivement luniversit de la Sorbonne
nouvelle Paris 3et luniversit de Paris 8 Saint-Denis, ainsi que,
pour lenqute quantitative, par Cyril Duchne, directeur des publics
et du dveloppement du Centrenational de la danse. Certaines tudes
de cas ont t ralises par des chercheurs universitaires, Julie
Valro, Agathe Dumont, Laure Fernandez, CcileSchenck (Paris 3),
Laure de Verdalle (Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines), Serge
Proust (Saint-tienne), Brnice Hamidi-Kim (Lyon 2) et SverineRuset
(Grenoble 3). Franois Rmond (Paris 3) et Ccile Delassus ont
galement collabor certains aspects de la recherche.1. Commission
permanente de lemploi du CNPS, Rapport 2008-2009, Paris, CNPS,
2010.2. Observatoire prospectif du spectacle vivant, Tableau de
bord de lemploi et de la formation professionnelle dans le
spectacle vivant, Paris, OMPQ-SV,2011.
2012-1182, rue Saint-Honor, 75033 Paris cedex 01( 01 40 15 79 17
4 01 40 15 79 99 Tlchargeable sur le site
http://www.culturecommunication.gouv.fr
Secrtariat gnralService de lacoordination despolitiques
culturelleset de linnovationDpartementdes tudes,de la prospectiveet
des statistiques
culturetudesCONOMIE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION
Directeur de publication : Guillaume Boudy, secrtaire gnral.
2012-1 mars 2012Responsable des publications : Edwige Millery
Territoires et ressources des compagnies en FranceDaniel
Urrutiaguer, Philippe Henry et Cyril Duchne*
Avant-proposRegroupant un ensemble dactivits qui vont de la
cration de spectacles leurproduction, leur distribution, leur
programmation et leur diffusion, le spectaclevivant figure en bonne
place dans les proccupations des politiques culturellespubliques,
comme lont encore montr les Entretiens de Valois conduits aucours
de lanne 2008 et clos en 2009. Aujourdhui, les conditions
dedveloppement du spectacle vivant voluent dans un contexte
conomiquetendu. Si les collectivits territoriales et ltat
interviennent pour soutenir lacration, la production et la
diffusion de spectacles, les acteurs privs maisaussi des logiques
marchandes influent de manire significative.Mieux apprhender et
comprendre le fonctionnement socio-conomique duspectacle vivant en
apportant notamment des lments de connaissance etdexplicitation des
filires et des acteurs qui constituent ce champ, telle
taitlambition du DEPS lorsquil mit en uvre en 2009, la demande de
la directiongnrale de la cration artistique, un appel propositions
de recherche afinde constituer une cartographie socio-conomique du
spectacle vivant.Premire contribution cette construction de repres
sur le champ duspectacle, la recherche dont les rsultats sont
prsents ici a privilgi uneapproche par filire, partir du modle
conomique des compagnies, tout lafois porteuses de projets et
implantes sur un territoire. Lapproche interrogele lien entre la
structure des ressources montaires ou non montaires descompagnies,
le spectre de lensemble de leurs activits et leur
distributionterritoriale. Entre injonction dexcellence, ancrage
local et rayonnementterritorial, une typologie construite partir
des profils dactivit descompagnies de spectacle vivant permet de
distinguer les compagnies selonlorigine de leurs ressources et la
diversit de leurs activits.
Guillaume BOUDY
The main Territories and Resources of the French Performing Arts
Companies
-
Explorer les liens entre la distribution territoriale
desactivits des compagnies thtrales et chorgraphiques enFrance et
la structure de leurs ressources, montaires et nonmontaires, se
rvle une entre pertinente pour prciser lesdfis conomiques,
politiques, artistiques et sociaux auxquels ces organisations sont
exposes. La mthodologiesappuie sur un chantillon de 51 tudes de cas
qualitativeset le traitement quantitatif de 572 rponses un
question-naire3.
Les rfrences la littrature disponible sur le champtudi
permettent darticuler les rsultats indits desconfirmations de faits
dj connus.
UN PAYSAGE PRCIS
Une typologie indite des compagniesAu-del de la singularit de
toute dmarche artistique,
trois variables principales ont t dgages et permettent demieux
comprendre les interactions entre les compagnies etleur
environnement, dans le cadre dune analyse de filiredu spectacle
vivant :1) le centre de gravit territorial de la diffusion des
spec-
tacles des compagnies, et plus particulirement limpor-tance
relative de leur rgion dappartenance ou dim-plantation ;
2) le niveau de reconnaissance institutionnelle des
tablis-sements daccueil des activits, et plus
particulirementlimportance relative des tablissements artistiques
ouculturels labelliss par le ministre de la Culture et de
laCommunication au titre de la production ou de la diffu-sion
artistiques (thtres nationaux, centres dramatiquesou chorgraphiques
nationaux, festivals internationaux ;scnes nationales, scnes
conventionnes, festivals natio-naux) ; la corrlation entre cette
variable et la prcdentereflte les liens entre la capacit
dexcentration de la dif-fusion dune compagnie hors de sa rgion
dapparte-nance ou dimplantation et son degr de programmationdes
lieux de spectacles labelliss ;
3) le niveau du budget annuel des compagnies.Ces trois variables
se sont rvles beaucoup plus dis-
criminantes que la diffrenciation usuelle selon la disci-pline4
ou encore selon le genre des directeurs(rices) artis-tiques. Quatre
groupes principaux sont distinguables, selonlimportance respective
de la rgion du sige social et desautres territoires, national ou
international5, dans le tempsconsacr la diffusion. Lapproche
qualitative, confirmepar lchantillon quantitatif, a ainsi permis de
diffrencier : les compagnies dites rgionales , dont lactivit se
ra-
lise exclusivement ou presque sur leur territoire
rgionaldappartenance (90 % ou plus des reprsentations de spec-
tacles). Lactivit se droule galement presque exclusi-vement dans
des tablissements ne disposant daucunlabel national du ministre de
la Culture et de laCommunication (centres artistiques et culturels
munici-paux, festivals rgionaux ou off dAvignon) et dans
destablissements dont la vocation premire nest pas artis-tique
(coles, maisons des jeunes et de la culture ou mai-sons de
quartier, bibliothques, hpitaux, prisons) ;
les compagnies dites transrgionales , dont lactivit dediffusion
de spectacles reste majoritairement situe dansla rgion
dimplantation (55 % 75 % de la programma-tion), cette premire
caractristique se compltant duntaux de diffusion trs important dans
les tablissementsnon labelliss par le ministre (de 70 % 80 % des
spec-tacles de la compagnie). Une part de plus en plus
signifi-cative de leur activit dpend nanmoins des
partenariatsquelles parviennent nouer hors de leur rgion dorigineou
dappartenance actuelle, et de ceux quelles concrti-sent avec les
tablissements label national dabord deproduction (7 % 28 % des
reprsentations) ;
les compagnies dites multirgionales , dont la part dac-tivit
hors rgion dimplantation lemporte (55 % 80 %des reprsentations de
spectacles au-del de la rgion dap-partenance), mme si cette dernire
demeure importantepour le projet artistique et culturel de ces
compagnies. Cescompagnies dclarent toujours des reprsentations
ltranger (de 1 un peu moins de 10 reprsentations).Enfin, la part
des reprsentations ralises dans les ta-blissements label national
est peine plus importante quepour les compagnies transrgionales,
les tablissementsnon labelliss par le ministre continuant tre
prdomi-nants pour lactivit de ces compagnies ;
les compagnies dites excentres , dont lessentiel desactivits se
droule hors de la rgion du sige social etadministratif (au moins 70
% des reprsentations de spec-tacles programmes hors de cette rgion)
; les tablisse-ments artistiques labelliss par le ministre (au
titre de laproduction ou de la diffusion) sont les principaux
parte-naires de ces compagnies, sans pour autant tre exclusifs ;les
lieux non labelliss ou vocation premire autre quar-tistique
apparaissent ainsi souvent de manire non ngli-geable (de 9 % 39 %
des reprsentations).Sur le plan des disciplines artistiques, on
note une sur-
reprsentation du thtre et du conte dans les profils rgio-naux ,
alors que les arts du cirque, de la marionnette et dela rue sont
plus prsents dans les autres groupes.
Le nombre restreint de compagnies relevant du derniergroupe (8
%) doit tre soulign, dautant quil correspond lidal encore trs
largement rpandu dune excellenceartistique dabord proccupe de
rayonnement national ouinternational, plus que dattaches
territoriales. Les troisautres groupes, o se conjuguent diversement
mais constam-ment une vise de qualit artistique et une inscription
ter-
3. Voir encadr mthodologique, p. 16.4. Disciplines reprsentes
dans les chantillons : thtre, danse, cirque, arts de la rue,
marionnettes, conte. Un nombre non ngligeable de compagniesse
prsentent aussi comme pluridisciplinaires.5. Les rsultats
quantitatifs sappuient sur les 503 troupes ayant class la diffusion
de spectacle dans leurs quatre activits principales.
Linformationfournie par les 69 autres compagnies qui, en 2009 et
pour des raisons diverses, ont accord beaucoup moins de temps la
diffusion nous a sembl moinspertinente. Leur fonctionnement reste
nanmoins similaire aux autres compagnies, ce qui tend confirmer les
aspects plus qualitatifs qui seront men-tionns.
2 culture tudes 2012-1
-
ritoriale plus affirme, sont en proportion plus
importants.Ainsi, ils assurent lessentiel tant de la diversit des
propo-sitions artistiques portes par les compagnies
profession-nelles que de la confrontation de celles-ci avec la
diversitdes cultures vcues par les personnes. Limportance des
ta-blissements non artistiques et des tablissements ne dispo-sant
pas dun label national du ministre de la Culture et dela
Communication pour le dveloppement des compagnies,et donc plus
largement pour lensemble du secteur du spec-tacle vivant, mrite
dtre souligne.
La typlogie tablie questionne le modle de la politiqueculturelle
nationale, qui a construit au cours de la secondemoiti du XXe sicle
une hirarchisation des propositionsartistiques en fonction surtout
des jugements des experts surleur qualit.
Activits et ressources des compagniesLa production des
spectacles est la premire activit de
lemploi du temps des compagnies. La diffusion et
ladmi-nistration occupent un rang second, mais dimportancesimilaire
pour ces deux activits. Le temps consacr la dif-fusion de
spectacles est inversement proportionnel au degrdinscription
territoriale, alors que le temps consacr lac-tion culturelle ou la
formation professionnelle crot aveccelui-ci : les compagnies
rgionales sont celles qui consa-crent la plus grande partie de leur
activit laction cultu-relle et la plus faible la diffusion, tandis
que la relation estinverse pour les compagnies excentres. Ces
derniresorganisent plus souvent des manifestations daction
cultu-relle en relation avec les spectacles, tandis que les
compa-gnies rgionales dveloppent frquemment des
dispositifsindpendants de leur offre de spectacles.
Au-del du primat toujours actuel de la production et dela
diffusion de spectacles, laction culturelle constitue uneactivit au
moins non ngligeable et parfois trs impor-tante des compagnies. Un
dbat rcurrent porte sur lerisque dinstrumentalisation politique et
sociale des artistes des fins danimation des quartiers urbains,
despacesruraux et de retissage de liens sociaux. Un grand nombre
demetteurs en scne, en piste ou de chorgraphes entendentainsi se
distinguer de lanimation culturelle, qui serait seloneux oriente
vers une satisfaction court terme des besoinsde la population. Ils
proposent des actions susceptibles
dmanciper les individus par un dplacement de leurs
pr-occupations vers des mondes sensibles et imaginaires, quiouvrent
symboliquement le champ des possibles. En matiredaction culturelle,
la part de linitiative des compagnies etcelle des commandes de
collectivits publiques sont maxi-males pour les troupes rgionales,
linverse des compa-gnies excentres qui ont la part la plus leve de
com-mandes dtablissements culturels.
Lancrage rgional joue un rle dcisif pour le dve-loppement des
compagnies, quels que soient les profils ter-ritoriaux
dactivit.
Tout particulirement pour les activits de recherche,
deproduction ou daction culturelle, la rgion du sige socialreste au
premier rang dans lemploi du temps de toutes lescompagnies, y
compris des excentres. Ce rsultat confortele sentiment dun dcalage
problmatique entre la priorit
2012-1 3culture tudes
Typologie des 572 compagnies selon leur diffusion territoriale
en 2009
diffusion importante lors de lenqute 503 (88%)rparties en :
rgionales 103 (18%) transrgionales 259 (45%)multirgionales 95 (17%)
excentres 46 (8%) diffusion secondaire lors de lenqute 49 (9%)*
Sans diffusion lors de lenqute 20 (3%)
* Il sagit des compagnies qui nont pas class la diffusion de
leurs spectaclesparmi leurs quatre premires activits en termes
dintensit du temps qui leurest consacr.
Tableau 1 Note dintensit* moyenne des activits principales des
compagnies en fonction de leur profil de diffusion
Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication,
2012.
Production Diffusion Adminis- Action Recher-de tration
culturelle, che
Compagnies spectacles formationrgionales 4,0 3,0 3,1 3,2
1,3transrgionales 4,2 3,6 3,2 2,6 1,1multirgionales 3,8 4,0 3,1 2,1
1,2excentres 4,3 4,1 2,9 1,6 1,6diffusion
secondaire 4,2 1,0 3,3 3,3 2,4sans diffusion 3,3 0,3 3,6 2,6
2,5
Ensemble 4,1 3,3 3,2 2,6 1,3
* La note dintensit rsulte du classement par ordre dimportance
desvariables considres dans lenqute par questionnaire. La note de 5
est attri-bue la 1re activit dclare par la compagnie, celle de 4 la
seconde etainsi de suite, ou 0 en cas dabsence dactivit dans un
domaine donn.
Graphique 1 Profils de diffusion selon le nombre de
reprsentations mdian et moyenen 2009
Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication,
2012.
Mdiane
Moyenne
15
20
30
35,7
40
52,2
36
63,4
13
22,3
Rgionales Transrgionales Multirgionales Excentres
Diffusionsecondaire
0
10
70
60
50
40
30
20
En units
-
institutionnelle donne lexcellence artistique sur la
terri-torialit6 et la ralit du fonctionnement des compagnies.
Par choix dlibr ou parfois subi au vu des difficults diffuser
hors de leur rgion dorigine, les compagniesrgionales sont par
ailleurs plus orientes vers des relationsde proximit avec la
population locale. Par l, elles rpon-dent lobjectif de
dmocratisation ou de dmocratie cultu-relles. Llargissement de la
zone de diffusion une chellenationale et internationale conduit des
formes progressi-vement moins intensives daction culturelle, mais
se rvleglobalement beaucoup plus rmunrateur. Dans lchan-tillon
qualitatif, le budget moyen des compagnies excentresest ainsi
quatre fois plus lev que celui des troupes rgio-nales, la part de
leurs recettes daction culturelle ou de for-mation tant
simultanment la plus faible.
Si les ressources financires des compagnies sont, enmoyenne,
croissantes depuis les compagnies rgionalesjusquaux compagnies
excentres, on trouve dans chaquegroupe des cas drogatoires, les
disparits entre les com-pagnies tant importantes au sein de chaque
catgorie.
Les groupes se diffrencient dabord par la structurepropre des
budgets, selon deux dterminants principaux : lapart relative des
recettes propres et des subventionspubliques dune part, celle des
subventions dtat et des col-lectivits territoriales dautre
part.
La part des subventions des collectivits territorialesdans le
budget est la plus importante pour les compagnies
rgionales, tandis que les recettes propres lemportent lar-gement
pour les compagnies excentres.
Le chiffre daffaires vente de prestations immdiatesou diffres
(coproductions) des acheteurs en contrepar-tie dune rtribution
montaire est la premire source derevenus des compagnies
multirgionales et excentres,avant les subventions publiques. Cela
reflte limportancedes achats de spectacle des tablissements
artistiques label-liss pour ces troupes. linverse, les subventions
publiquesconstituent la premire ressource des compagnies
rgionaleset transrgionales. Il faut souligner galement la part
sup-rieure des subventions cumules des collectivits territo-riales
par rapport celles de ltat, sauf pour les compagniesexcentres.
Le rang des revenus de la coproduction est
inversementproportionnel celui des rmunrations tires de
lactionculturelle. Pour les troupes rgionales, le rang de la
copro-duction est ainsi minimal et celui de laction culturelle et
dela formation maximal, tandis que la relation est inversepour les
compagnies excentres.
Ces modes de financement diffrencis rvlent doncdes enjeux
distincts.
Lchantillon quantitatif donne des indications simi-laires, bien
que moins prcises et contrastes. On observe
4 culture tudes 2012-1
Graphique 2 Note dintensit moyenne des champsterritoriaux dans
trois des activits des compagnies
Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication,
2012.
Recherche artistique hors cration
International
National
Rgional
International
National
Rgional
International
National
Rgional
Action culturelle, formation
Production
0,0 0,5 1,0 2,0 3,01,5 2,5
Excentres
Multirgionales
Transrgionales
Rgionales
Lintensit des apports de la rgion dappartenance ou dimplantation
lem-porte dans tous les cas et quelle que soit lactivit
considre.
Tableau 2 Budget des compagnies selon leur profil de diffusion,
2009
Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication,
2012.
Compagnies Moyenne Mdianergionales 59 100 40 300transrgionales
125 000 84 200multirgionales 205 200 125 100excentres 266 100 137
200diffusion secondaire 90 900 56 600sans diffusion 19 800 6
300
Ensemble 131 400 75 000
En euros
6. Le rayonnement national et international de la production des
tablissements culturels labelliss est ainsi plac au premier plan
dans les contrats dedcentralisation dramatique des CDN.
Tableau 3 Comparaison de la structure moyennedes principales
ressources de lchantillon qualitatif de 2007 2009
Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication,
2012.
Vente Copro- Action Subven- Subven-de duction culturelle, tions
tions des
Compagnies spectacles formation dtat
collectivitsterritoriales
rgionales 21,0 1,8 11,2 17,3 35,6transrgionales 28,5 6,4 4,1
16,7 26,5multirgionales 41,5 7,1 5,2 14,4 19,1excentres 54,9 12,2
1,2 15,7 7,1
Ensemble 37,8 7,3 4,7 15,8 20,9
La partie rsiduelle (13,5% du budget pour lensemble de
lchantillon) cor-respond aux autres ressources propres comme le
remboursement des fraisde tournes, les produits des activits
annexes, les subventions civiles, lemcnat, ou encore des transferts
de charges dune anne lautre et aursultat moyen sur les trois
exercices.
En%
-
un primat constant du rang dimportance du chiffre daf-faires sur
celui des subventions. Les revenus de lactionculturelle sont
toujours suprieurs ceux de la coproduc-tion, sauf pour les
compagnies dites excentres. La rgiondu sige social constitue une
source centrale de revenus pourtoutes les troupes, quel que soit
leur profil territorial.
La double dpendance conomique des compagnies,tant la vente de
leurs prestations des diffuseurs quauxsubventions publiques, reste
manifeste. La capacit dif-fuser les spectacles au-del de la rgion
dimplantationreste un critre dcisif pour le subventionnement
tatique etlentre en relation avec des tablissements labelliss par
leministre, qui sont en mesure de participer plus ample-ment la
coproduction, loffre de rsidences et lachatde reprsentations. Il
existe donc une tension, actuellementaccrue, entre, dune part, la
ncessit ou la volont dun plusgrand ancrage territorial, et dautre
part, une conomie pri-vilgiant une diffusion nomade largie des
propositionsartistiques des compagnies.
Des volutions conomiques inquitantesOn observe une tendance la
baisse des tarifs unitaires
dachat des spectacles par les diffuseurs et celle,
concomi-tante, des subventions publiques. La moyenne des
subven-tions accordes par les Drac aux compagnies flchit depuis2006
(euros constants7) ; celles dlivres par les collectivi-ts
territoriales, dont la progression plus rapide que cellesde ltat a
permis de reprsenter, en 2006, les trois quartsdes subventions
publiques accordes aux rseaux du spec-tacle vivant en dehors des
Epic8, connaissent aujourdhui aumieux une stabilisation, dans un
contexte o la crise co-nomique augmente leurs dpenses sociales et
limite las-siette fiscale des impts9. Dans ces conditions,
lobtentionpuis la reconduction dun conventionnement
pluriannueldeviennent un enjeu majeur de scurisation, au moins
par-tielle, dun avenir aujourdhui encore plus incertain pour
lescompagnies.
Un phnomne structurel menace lconomie subven-tionne des
compagnies : les aides publiques progressentmoins vite que les cots
fixes des tablissements culturels,notamment leur masse salariale,
ce qui rduit leur margepour financer des dpenses artistiques et les
contraint chercher accrotre leurs ressources propres. Cest lun
desfacteurs expliquant la baisse du prix dachat unitaire
desprestations par les tablissements de diffusion. Les
finan-cements europens au profit de plans de dveloppement
ter-ritorial peuvent offrir un complment de ressources
auxcompagnies rgionales, mais ils ncessitent un accompa-gnement de
la part dune collectivit locale ou dun qui-pement culturel comptent
dans la constitution dun dossierassez complexe. Le mcnat capt par
les compagnies estencore trs marginal, malgr les avantages fiscaux
accruspar la loi du 1er aot 2003 et leur largissement aux dons
desparticuliers par celle du 25 dcembre 2007. Les
compagnieschorgraphiques sont celles qui semblent recueillir leplus
de dons de la part de fondations, dentreprises et demnages.
Les compagnies constatent, ds la fin des annes 1990,une
dtrioration de leurs conditions de diffusion des spec-tacles, qui
sest encore accentue ces dernires annes. Lemouvement social des
intermittents du spectacle en 2003semble constituer un marqueur
historique de cette volutionprobablement structurelle.
Face la faiblesse rcurrente des ressources montaires,les
compagnies cherchent en mobiliser dautres, nonmontaires. En dehors
du bnvolat et du travail invi-sible , tous deux difficiles valuer,
le partage de matrielou dun local artistique, notamment loccasion
dune rsi-dence dans un tablissement culturel, est courant.
Les rsidences de moyenne ou longue dure dans destablissements
artistiques et culturels sont dsormais recher-ches par les
compagnies, pour les ressources montaires et
7. Chantal LACROIX, Chiffres cls 2010. Statistiques de la
culture, Paris, Ministre de la Culture et de la Communication,
DEPS/La Documentation fran-aise, 2010, p. 66 et 87 pour les
montants des subventions en euros courants ; INSEE pour lindice des
prix la consommation harmonis.8.Cartographie nationale du spectacle
vivant, Paris, Ministre de la Culture et de la Communication,
DMDTS, 2006.9. La reconfiguration par ltat de la taxe
professionnelle a rcemment restreint lassiette fiscale pour le
calcul de la contribution conomique territoriale.
2012-1 5culture tudes
Tableau 4 Note moyenne dintensit des revenusprincipaux selon le
profil de diffusion
Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication,
2012.
Action culturelle, Copro- Vente de SubventionsCompagnies
formation duction spectacles publiquesrgionales 2,3 0,9 2,9
2,3transrgionales 1,8 1,1 3,3 2,7multirgionales 1,5 1,2 3,3
2,7excentres 1,1 1,7 3,4 2,1diffusion second. 2,1 1,0 3,0 2,4sans
diffusion 2,0 0,6 0,0 1,6Moyenne 1,8 1,1 3,1 2,5
* La note dintensit est ici de 4 (maximale) pour le 1er revenu
dclar par lacompagnie et de 1 (minimale) pour le 4e, ou 0 en cas
dabsence de revenudans un domaine donn.
Graphique 3 Composition du financement publicselon les profils
de diffusion des compagnies
Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication,
2012.
Rgional Transrgional Multirgional Excentr
Diffusionsecondaire
0
10
40
30
20
%
tat seul
Collectivits territoriales > tat
tat > Collectivits territoriales
Collectivits territoriales seules
En%
-
non montaires quelles leur apportent et les partenariatsprennes
quelles instaurent. Cette question est stratgiquepour tous les
profils de compagnies et renforce, par ailleurs,celle de leur
implication territoriale.
Des dfis organisationnels accrusSur le plan de lorganisation
interne des compagnies,
lchantillon qualitatif confirme que les compagnies sontdes
micro-organisations flexibles. Chacune est gnralementconstitue
autour du projet artistique dune ou deux per-sonnes, mme si
quelques cas de collectifs, dorganisa-tions familiales ou de
compagnies constitus par des amissont aussi reprables. La compagnie
intgre, ds que pos-sible, au moins une personne plus spcifiquement
chargedes tches dadministration et, plus largement, de la
pro-duction et de la diffusion, en particulier de spectacles.
Desartistes et techniciens (entre 5 et 10 la plupart du temps)
par-ticipent rgulirement au dveloppement du projet den-semble, tout
en poursuivant des collaborations avec dautrescompagnies ou
organisations artistiques et culturelles. Lefonctionnement repose
donc dabord sur un agencementvariable de moyens, selon les besoins
immdiats ou decourt terme. lment central de la spcificit et de la
qua-lit artistiques des compagnies, la capacit dvelopper
unpartenariat de long terme avec une quipe artistique et tech-nique
ne parat donc ni aise ni constante. Ce mode de fonc-tionnement fait
de chaque compagnie une vritable entre-prise-rseau , qui utilise
une gamme varie de ressourceset de comptences, disponibles dans
lenvironnement pro-fessionnel et pouvant relever dune diversit
dorganisations.Cette dynamique est galement facilite par les
possibilitsrglementaires de flexibilit demploi accordes aux
artsvivants, notamment avec le recours intensif des compa-
gnies au contrat dure dtermine dusage (CDDU), quipeut reprsenter
jusqu 90 % ou plus de leur masse sala-riale. Aujourdhui, les
compagnies sorganisent structurel-lement toujours partir et autour
de lemploi intermittent10.
Le croisement des donnes statistiques collectes etcelles de
lUnedic indique que les indemnits de chmagedes intermittents du
spectacle reprsentent, pour les com-pagnies, un complment conomique
estim autour de 20 %par rapport leur budget.
En termes de gouvernance, les compagnies ont toujourstrs
majoritairement recours au statut dassociation butnon lucratif.
Dans ce cadre, les conseils dadministration,trs souvent rduits un
bureau de trois ou quatre membres,nont la plupart du temps pas de
poids rel dans la dfini-tion des orientations et la marche courante
des compagnies.Nanmoins, et dans le cadre dun environnement
com-plexifi pour les compagnies, le souci est perceptible
desappuyer de plus en plus sur les membres de ces bureauxpour des
apports en conseil et en comptence. Le statutassociatif ne conduit
donc pas une mise en cohrence vi-dente entre, dune part, le pouvoir
lgal qui revient de droitau prsident, et dautre part, la
responsabilit sociale et fis-cale si le dtenteur de la licence
dentrepreneur de spectaclesest une personne diffrente, et, enfin,
la direction artistique.
La moiti des compagnies de lchantillon qualitatifmentionne un
binme vritablement oprant entre la direc-tion artistique et une
personne qui porte une forte respon-sabilit dadministration de la
compagnie. Mais, si une col-laboration de long terme avec un mme
administrateurexiste, elle reste lexception. Ainsi, le problme de
la rota-tion rapide des personnes en charge de tches
dadminis-tration est mentionn, dautant quune bonne part de
cespostes dpend demplois aids, par dfinition temporaires.
10. Sur cet aspect comme sur de nombreux autres, la situation
actuelle des compagnies ne diffre pas fondamentalement de ce qui
tait reprable ds lafin du sicle dernier. Voir par exemple, Philippe
HENRY, Les compagnies thtrales, une pluralit de logiques articuler
, Thtre/Public n 153, mai-juin 2000, p. 67-74 et Compagnies
thtrales : les particularits dun vrai jeu dArlequin , Thtre/Public
n 168, mai-juin 2003, p. 4-22. En revanche,les conditions
contextuelles ont continu changer en dix ans et agissent de plus en
plus sur les orientations et le fonctionnement interne des
compagnies.
6 culture tudes 2012-1
Graphique 4 Type de ressource matrielle partageen fonction du
profil de diffusion des compagnies
Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication,
2012.
Rgional
Transrgional
Multirgional
Excentr
Diffusionsecondaire
Sans diffusion
0 10 60 7050403020 %
Local administratif Matriel Local artistique
En%
Graphique 5 Nombre moyen de personnes engagesselon le type de
contrat pourles diffrents profils de diffusion
Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication,
2012.
CDI
Stage
CDD
Honoraire
CDDU
Emplois aids
6
2
0
8
12
20
18
16
14
10
4
ExcentrMultirgionalTransrgionalRgional Diffusionsecondaire
Sansdiffusion
Ensemble
En units
-
Par ailleurs, le recours lexternalisation des
tchesadministratives se dveloppe, sous la forme, le plus souvent,de
sous-traitance de la comptabilit et de la paye. Lappel des
savoir-faire extrieurs (dont la collaboration avec unbureau de
production ou une agence prive de diffusion)crot depuis les
compagnies rgionales jusquaux excen-tres. Sur un autre plan, les
compagnies diriges par unefemme sont plus souvent reprsentes dans
les compagniesrgionales et, de manire plus attendue, dans les
compagnieschorgraphiques, mais aussi dans celles dont les
budgetssont les moins importants. Si linterprtation de ces l-ments
ne doit pas tre univoque, ils indiquent au moins unesituation
diffrencie entre les compagnies diriges par unefemme et celles qui
le sont par un homme.
Limpact de la crise actuelle
Certains lments de la crise conomique de 2008-2009sont
perceptibles. Paradoxalement, le budget moyen descompagnies de
lchantillon qualitatif a augment en 2009.Ce phnomne sexplique
dabord par une hausse des aidespubliques, notamment de la part des
conseils gnraux etdes ministres autres que celui de la Culture et
de laCommunication, ainsi que par un nombre plus important
dereprsentations. Limpact ngatif de la rcession cono-mique sest
surtout manifest par une baisse du prix unitairedes spectacles,
signale dans les entretiens et estime 40 % en deux ans daprs
lanalyse des comptes des com-pagnies. Daprs lvolution de la masse
salariale artis-tique et technique par reprsentation, la moiti de
cettebaisse est imputable une rduction de la taille moyennedes
spectacles, en lien avec une demande accrue de formeslgres , lautre
moiti un effet de la concurrence par lesprix.
Ces divers lments montrent, de fait, un accroissementde la
production de spectacles, dans des conditions de plusgrande
concurrence la diffusion, mme si la crise a affectdiffremment les
compagnies, selon leur profil de diffusionet la nature de leurs
relations partenariales. Les rponsesrelatives aux perspectives
dvolution des ressources refl-tent globalement la fragilit
conomique de la trs grandemajorit des compagnies. 27 % des
compagnies de lchan-tillon quantitatif dclarent une perception
pessimiste ouinquite, contre 14 % se dclarant optimistes. La
positionmajoritaire (59 %) relve dune posture prospective,
dabordfocalise sur les moyens envisags pour accrotre les
res-sources propres et les aides publiques.
Le diagnostic dune situation socio-conomique den-semble
particulirement problmatique pour lavenir, mode structurel de
fonctionnement et de rgulationinchang, peut donc tre tabli. Pour
linstant, chaque com-pagnie reste incite poursuivre un dveloppement
singu-laris, dabord centr sur le renouvellement constant
despectacles pouvant tre largement diffuss au-del de leur
2012-1 7culture tudes
Graphique 7 Recours des compagniesaux diffrentes formes dagence
prive daccompagnement
Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication,
2012.
Aucun Cabinet comptable
Bureau deproduction
Agence de diffusion
Autre0
10
60
50
40
30
20
%
Rgionales
Transrgionales
Multirgionales
Excentres
Diffusion secondaire
En%
Graphique 8 Perception des compagnies quant au devenir de leurs
ressources
Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication,
2012.
Rgionales Transrgionales Multirgionales Excentres
Diffusionsecondaire
Sans diffusion0
10
60
50
40
30
20
%
Optimiste
Pessimiste
Incertaine
Prospective
Ne rpond pas
En%
Graphique 6 Rpartition des compagnies selon le dtenteur de la
(des) licence(s)dentrepreneur de spectaclesen fonction de la
discipline artistique
Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication,
2012.
Thtre Arts dela rue
Danse CirqueMoyenne0
10
60
50
40
30
20
Prsident
Membre bureau
Directeur artistique
Autre salari de la compagnie
Autre cas
Marion-nettes
Conte Pluri-discipline
En %
-
rgion de cration. Le risque est daccrotre la tension entreune
multiplicit duvres cherchant des lieux de program-mation et des
dbouchs sur un march dont les capacitsde dveloppement ne sont pas
la mesure de cette offre tou-jours plus abondante.
Des compagnies partie prenante dune filire spcifique
Ltude permet dapprhender ltat actuel de structu-ration de la
filire des arts thtraux et chorgraphiques etla situation des
compagnies dans ce contexte spcifique.Lapproche par la notion de
filire revient en effet consi-drer les compagnies en France comme
acteurs dcisifsdun ensemble dentreprises et dorganisations
interdpen-dantes visant assurer un processus global, allant de
laconception dun type de biens ou de services sa fabrica-tion et sa
mise sur un march, jusqu son appropriationpar des usagers. Dans ce
processus, qui va dun amont(conception et production) jusqu un aval
(diffusion etappropriation), chaque organisation particulire
intervientde manire partielle et localise. Pour le spectacle
vivant, legenre de biens et de services considrer comprend
aujour-dhui, non seulement les spectacles comme uvres, maisaussi
les pratiques daction artistique et culturelle qui leursont
associes.
Sur ce plan, il faut souligner limpossibilit des compa-gnies
pouvoir, de nos jours, se contenter dune centrationsur la double
fonction de production et de diffusion despectacles. Ce diple reste
la rfrence centrale et constam-ment revendique des directeurs, en
particulier artistiques,interrogs. Dans les faits cependant, on
observe que chaquecompagnie doit, par intrt propre et par ncessit
dicte parlenvironnement, se proccuper toujours plus dautres
fonc-tions vitales dans le fonctionnement de la filire du
spectaclevivant. Cinq grandes fonctions sont identifies.
Les compagnies sont dabord confrontes la trs forteincertitude de
la fonction de recherche-exprimentation.Elles sont contraintes dy
faire face en mobilisant surtoutune conomie rticulaire et de
rciprocit, finalement assezpeu collectivement rflchie et organise.
Sur ce plan, lergime partenarial entre priv et public qui sest
structurdans la seconde moiti du XXe sicle a abouti des
dispo-sitifs partiels et fragments daide la production, sansprise
en compte globale des cots et sans rgulation terri-toriale (locale
ou nationale) du segment recherche-expri-mentation. Celui-ci est
pourtant de plus en plus centraldans lconomie crative
contemporaine, dont les mondesde lart participent. Face au peu de
ressources dont elles dis-posent cet gard, les compagnies optent le
plus souventpour des formules datelier ou de laboratoire de
recherche,o la mise disposition rciproque de moyens matriels(dont
des locaux) et de comptences artistiques ou autres estla rgle.
La fonction de production-fabrication est mieux appr-hende et a
t lun des piliers du mode de dveloppementde lart dont nous hritons.
Mais pour les arts thtraux etchorgraphiques, elle continue tre
principalement envi-
sage dans des partenariats locaux et successifs entre
lescompagnies, les tablissements artistiques et culturels
tantsollicits comme coproducteurs, les pouvoirs publics attri-buant
des subventions. Ces divers soutiens sont encore lar-gement conus
au sens restreint dune aide la production,sans que les fonctions
(et les cots associs) de distributionou de diffusion (et la
question dun retour sur investissementen cas de large diffusion)
soient rellement intgres.
La fonction de distribution-mdiatisation est elle aussitrs peu
rflchie et organise collectivement pour les artsthtraux et
chorgraphiques. Le fait que le Festival offdAvignon essentiel pour
les compagnies comme premier salon professionnel de France ne fasse
toujours paslobjet dune prise en charge plus collective de la part
delensemble du milieu professionnel et des pouvoirs publicsen est
un exemple frappant.
Dans ces conditions et avec les moyens matriels,humains et
financiers dont ils disposent, les tablissementsartistiques et
culturels sont toujours plus au centre des dci-sions, tant pour les
trois fonctions prcdentes que pourcelle de diffusion-exploitation
qui organise les conditionsconcrtes selon lesquelles les
spectateurs et autres praticiensamateurs feront lexprience des
propositions artistiques descompagnies. Ils constituent dailleurs
lautre pilier essentieldu mode de dveloppement de lart hrit de la
secondemoiti du XXe sicle. Pourtant, ce sont surtout les
tablis-sements non labelliss par le ministre de la Culture et dela
Communication qui se distinguent par le nombre et parla varit des
propositions thtrales ou chorgraphiquesproduites et diffuses11, en
dpit dune faiblesse persis-tante de moyens consacrs aux
propositions daction cultu-relle, dans tous les segments de la
filire, et de la trsinquitante tendance la baisse des tarifs
unitaires dachatde spectacles.
Enfin, si la fonction de rception-appropriation taitplus
difficile apprhender, il se confirme que les compa-gnies sont
largement impliques dans ce qui sapparente la proposition de
vritables services relationnels, au-del dela seule production et
diffusion de spectacles. Reste que laprise en compte, au cur mme de
leur projet artistique, dela diversit culturelle et gnrationnelle
de nos concitoyenset des territoires dans lesquels ils vivent nest
perceptibleque pour un nombre restreint de compagnies. Un des
enjeuxsous-jacents aux mutations gnrales de notre socitconsiste
pourtant dans linvention de relations plus sym-triques et plus
interactives entre professionnels et amateursdart, ou simplement
curieux de propositions artistiquesqui tiendraient compte de leur
propre culture vcue.
Les compagnies thtrales et chorgraphiques appa-raissent donc
comme autant de micro-entreprises flexibles,construisant et
entretenant entre elles et avec leurs diffrentspartenaires
professionnaliss de trs nombreuses relations.Celles-ci sont dj
indispensables pour assurer lmergencedes compagnies et toujours
plus ncessaires pour permettreleur dveloppement.
Les compagnies doivent dsormais dvelopper un grandnombre de
comptences et mobiliser par elles-mmes dessavoir-faire spcifiques
chacune des fonctions de la filire.
11. Dans lchantillon qualitatif, ces tablissements ont reprsent
en moyenne 65 % de la diffusion des compagnies entre 2007 et
2009.
8 culture tudes 2012-1
-
Elles nen ont pourtant pas vraiment les moyens, alorsmme quune
articulation un peu plus systmatique de len-semble des acteurs
impliqus reste encore largement concevoir et mettre en uvre. Le
partenariat entre priv etpublic qui a permis lexpansion et la
structuration du mondedu spectacle vivant depuis laprs Seconde
Guerre mon-diale12 demeure dcisif, tout en rencontrant dsormais
denombreuses limites. Pour autant, ni la proposition ni
lex-primentation de nouvelles faons de sy prendre, en parti-culier
plus collectivement, nmergent vraiment. Il sagit ldun point nodal
particulirement problmatique pour lesannes venir.
Quoi quil en soit, il faut souligner un phnomne essen-tiel dans
le contexte actuel : lmergence et le dveloppe-ment de chaque
compagnie renvoient au premier chef sacapacit se rendre visible
dans la filire et, en particulier, tre slectionne par divers canaux
de valorisation sym-bolique et de redistribution de fonds, dont les
plus prennesrestent les conventionnements pluriannuels,
essentielle-ment ngociables avec des centres culturels et les
diffrentspouvoirs publics dont ils dpendent et qui ont leurs
propresenjeux et territorialits daction.
REPENSER LE MODE DEDVELOPPEMENT DES COMPAGNIES ?
Une remise en cause du modle de service public culturel
Lanalyse de ltat actuel de la filire du spectacle vivantet des
mutations, internes et contextuelles, dans lesquelleselle se trouve
engage implique une mise distance critiquede son mode de
dveloppement historique, mme sil a eulimmense avantage de permettre
une croissance et unevitalit de ce secteur dactivit artistique.
Sur un plan plus strictement conomique et organisa-tionnel,
lanalyse de la filire du spectacle vivant doitprendre en compte
lhybridation croissante des logiques demarch et des logiques de
service public, mais galementlimportance dsormais structurelle dun
tiers secteur, dini-tiative prive mais producteur de biens et de
services selondes buts non lucratifs. La croissance continue de ce
tiers sec-teur depuis les annes 1980 montre la ncessit de
mobili-ser un troisime ensemble de logiques portant sur leschanges
en rciprocit et rticulaires (bnvolat, mises disposition titre
gratuit de moyens ou de comptences,relations interpersonnelles dans
des rseaux). Si presquetoutes les compagnies se reconnaissent dans
ce modle derfrence, lutilisation exclusive du statut associatif
ninduitpourtant pas ncessairement des options de dveloppementplus
mutualistes ou solidaires, qui ne concernent encorequune faible
minorit de compagnies. Cette problma-
tique dconomie ternaire est de plus en plus prgnantedans les
organisations relevant de lconomie sociale etsolidaire. Elle
mriterait dtre mieux dcline et spcifiepour le spectacle vivant et
plus particulirement pour lescompagnies thtrales et chorgraphiques.
Celles-ci, deplus en plus nombreuses, sont en effet confrontes la
dif-ficult de matriser la complexification des diffrentesphases,
troitement imbriques et risques, de leur filiredactivit. La
stratification des compagnies, dans leur accsaux ressources,
montaires ou non, repose toujours engrande partie sur les relations
partenariales quelles arrivent tablir et stabiliser avec deux
autres types dacteurs dci-sifs : les tablissements artistiques ou
culturels, directe-ment intresss par les prestations possibles des
compa-gnies, et les collectivits publiques, plus proccupes deleurs
apports au titre de lintrt collectif ou gnral.
De plus, le phnomne de concentration en aval de lafilire dune
grande partie de la valorisation symbolique etconomique, au moment
de la distribution, de la diffusionet de lappropriation des
spectacles, cre un rapportdchange ingal entre les tablissements
artistiques ouculturels et les compagnies. Ces micro-entreprises
assumenten effet la prise de risque principale dans les phases
derecherche-exprimentation et de production-fabrication,dans un
contexte o lintensification de la concurrenceaccrot lincertitude
des jugements sur la qualit qui serontports par les divers
prescripteurs, privs et publics, et parles publics eux-mmes. Le
rgime de lassurance-chmagedes intermittents et les changes fonds
sur la rciprocitconstituent les principales ressources invisibles
pourfaire face cette situation. Un conventionnement plurian-nuel
par des collectivits publiques, ainsi que des rsi-dences de longue
dure dans des tablissements artistiquesou culturels sont
susceptibles de stabiliser lhorizon de pro-duction et de diffusion
pour la minorit des troupes qui enbnficient.
Le contexte concurrentiel, qui se manifeste par unebaisse du
prix unitaire des reprsentations, constitue gale-ment une force de
dsintgration des liens de cooprationdans lensemble du spectacle
vivant et plus particulirementpour les compagnies. Elle sinscrit
dans les transforma-tions contemporaines de la filire du spectacle
vivant. Lescompagnies critiquent particulirement la tendance
uneindustrialisation de leurs rapports avec les
tablissementsartistiques ou culturels, sous la forme dune
uniformisationdes programmations et dune marchandisation de la
diffu-sion dans leurs rapports au public. Le fonctionnement
actuelde la filire et les divers changements qui sy
oprentconduisent ainsi un trs fort sentiment de remise en causedu
modle historique du service public culturel, essentiel-lement fond
sur larticulation entre les exigences artistiqueset la
dmocratisation culturelle. Sur ces questions jusquprsent peu prises
en compte, il convient de ne pas disso-cier lapproche en termes de
valeurs et dobjectifs dintrt
12. Partenariat dont ont dabord bnfici les tablissements
artistiques labelliss et les artistes de grande notorit, mais aussi
la pluralit des compa-gnies et plus largement lensemble des
organisations du spectacle vivant professionnel. Il a galement
abouti une gestion trs morcele de ce secteurdactivit, la
multiplication des guichets financiers auprs desquels chaque projet
tente de runir les ressources qui lui sont ncessaires se
croisantavec la stratification hirarchise actuelle de ce monde de
lart. Dans le mme temps, un nombre toujours croissant de compagnies
et de praticiens vou-lant se professionnaliser est confront des
difficults dautant plus renforces que la conception tant de la
diffusion des spectacles que de lappropriationde ceux-ci par des
non-professionnels a finalement fort peu volu structurellement.
2012-1 9culture tudes
-
gnral et celle sattachant promouvoir des
dispositifsorganisationnels et des modalits de rgulation qui
appa-raissent aujourdhui pertinents.
De ce point de vue, mieux comprendre la situation deslieux de
production et de diffusion pluridisciplinaires ne dis-posant pas de
label national dlivr par le ministre de laCulture et de la
Communication serait essentiel. Ces lieuxjouent un rle de premier
plan, tant pour les compagniesque, plus globalement, pour la
prsence dmocratise etdiversifie des arts vivants sur lensemble du
territoire natio-nal. Une tude rcente sur la rgion le-de-France, o
sontimplantes prs dun tiers des compagnies de spectaclevivant,
permet dinsister sur des lments dsormais dter-minants, tout en
recoupant et validant nos propres rsul-tats13.
Ltude ralise un niveau rgional confirme que leslieux non
labelliss par le ministre assurent la plus grandepart de la
diffusion des spectacles proposs par les compa-gnies. Elle met
galement en exergue la concentration de ladiffusion sur quelques
spectacles et, partant, les trs fortesingalits selon les uvres
proposes et les compagniesconsidres. Ces tablissements disposent
pourtant dunefaible capacit pour financer les dpenses artistiques
et sontgalement soumis une pression de leurs tutelles publiquespour
dgager des ressources propres largies, tout commeles tablissements
culturels labelliss.
On voit aussi se renforcer la place donne lactionculturelle et
aux pratiques artistiques en amateur, propor-tion de lidentit vcue
de thtres de proximit et delintrt port une plus grande
participation de la popula-tion locale la vie de ces lieux. Avec
des quipes perma-nentes souvent rduites, lappel des compagnies et
pourdes rsidences plus ou moins longues dans le lieu constituela
stratgie la plus employe.
Au final, ces lieux de programmation jouent un rledsormais
irremplaable, tant pour la diffusion du spectaclevivant que pour
laction culturelle, laccueil des compagnieset donc galement pour la
production de spectacles.
Il existe donc des relations interorganisationnelles ren-forces
et toujours plus dterminantes entre compagnies ettablissements
artistiques ou culturels territorialiss. Plusglobalement, le
devenir des interactions entre les compa-gnies, les tablissements
artistiques et culturels (avec ousans label national), les pouvoirs
publics et les publics eux-mmes soulve des interrogations
systmiques sur lorga-nisation prsente et future de la filire du
spectacle vivant.
Entre ancrage territorial et nomadisme dans des rseaux
Micro-entreprises flexibles, construisant et entretenantentre
elles et avec leurs diffrents partenaires profession-naliss de trs
nombreuses relations, les compagnies th-trales et chorgraphiques
doivent dvelopper un plus grandnombre de savoir-faire en relation
avec les diffrentes fonc-tions constitutives de leur filire
dactivit. Les compa-gnies peinent sadapter cette situation et
mettre enuvre des modes daction plus collectifs. Certaines
exp-rimentations mergent, mais restent encore trs locales
etlargement en de de lenjeu gnral.
Aujourdhui, la contradiction socio-conomique majeurede toute
compagnie est donc dtre une organisation-rseau,devant imprativement
construire une permanence entre-preneuriale, tout en restant
constamment hyperflexible. Elledoit simultanment se comporter comme
une entreprisetotale, cest--dire qui assume la pluralit des tches
indis-pensables pour couvrir le processus complet du
spectaclevivant, depuis lmergence dune ide de proposition
artis-tique jusqu son appropriation physiquement prouvepar divers
publics.
Dans un contexte dincertitude et de concurrenceaccrues, chaque
compagnie va tre de plus en recherche de
13. OPALE, Lieux de diffusion pluridisciplinaires de spectacle
vivant en le-de-France majoritairement financs par les communes et
intercommunali-ts, Paris, Arcadi, juillet 2011.
10 culture tudes 2012-1
Lieux de diffusion pluridisciplinairesde spectacle vivant en
le-de-France
majoritairement financs par les communes et
intercommunalits,
Opale/Arcadi, juillet 2011Sur lensemble de la rgion
francilienne, ltude recense plus de200 lieux de diffusion
pluridisciplinaires principalement financspar les municipalits et
leurs regroupements intercommunaux. Ellerepre galement prs de 300
lieux spcialiss dans une disci-pline (musiques actuelles, par
exemple) ou grs par une com-pagnie, ainsi que plus de 200 autres
lieux (espaces socioculturels,lieux indpendants pluridisciplinaires
comme les friches culturel-les). Soit un total de plus de 700 lieux
non labelliss par le minis-tre de la Culture et de la Communication
pour un peu plus de50 lieux labelliss en 2011.Sur un chantillon
dune centaine de lieux de diffusion pluridisci-plinaires o ces
donnes taient disponibles, ltude de la pro-grammation de la saison
2009-2010 rvle que le nombre despectacles programms est 10 fois
plus lev que dans les neufscnes nationales de la rgion. En dpit de
sries de reprsen-tations plus courtes (une moyenne infrieure 2
reprsentationspar spectacle programm, quelle que soit la discipline
artistiqueconsidre), ces lieux de diffusion pluridisciplinaires non
labelli-ss ont touch 5 fois plus de spectateurs que les scnes
natio-nales de la rgion, avec 5,5 fois plus de reprsentations. Si
on pro-longe les moyennes la totalit de ces lieux, les ratios
donnent16 fois plus de spectacles programms, 8,5 fois plus de
repr-sentations, et 8 fois plus de spectateurs touchs que pour les
neufscnes nationales franciliennes.La concentration est extrmement
forte : sur plus de 2 000 spec-tacles distincts programms par la
centaine de lieux plus parti-culirement tudis, seuls 2,1% lont t
plus de 10 fois (et 0,6%plus de 15 fois). De mme, seuls 2,3% de ces
spectacles ont taccueillis dans plus de cinq lieux de lchantillon
(et 0,2% dansplus de 10 lieux).Ces tablissements ont une marge
financire consacrer auxdpenses artistiques qui correspond 30% de
leur budget, etdans les faits, est infrieure puisque la mise
disposition du per-sonnel municipal nest pas value dans de nombreux
budgets.Entre une professionnalisation accrue des directions de ces
ta-blissements depuis les annes 1990, mais aussi une plus
grandeproximit avec les lus dcideurs et les directeurs des
affairesculturelles (Dac) en charge de la mise en uvre de la
politiqueculturelle locale, la gouvernance de ces lieux sest
nettementcomplexifie.
-
rsidences de dure consquente (de un trois ans, voireplus) sur un
territoire donn et en association avec au moinsune organisation
artistique et culturelle dj reconnue, loca-lement et au sein de la
filire des arts vivants. Mais plus lar-gement, construire une
notorit au plan local demande dedvelopper dans la dure des activits
et des partenariatsavec une diversit plus ou moins grande dacteurs
sociauxet dorganisations, dont les proccupations centrales nesont
pas ncessairement artistiques. On passe alors de lancessit
artistique et socio-conomique des rsidencesaux enjeux culturels
plus complexes et aux conditions derussite plus dlicates dune
implantation. La tendancerepre une plus grande territorialisation
de lactivit descompagnies renvoie donc autant la volont dun
ancragede proximit des changes relationnels et partenariaux qula
ncessit dune diversification de leurs ressources.
Simultanment, des partenariats avec des artistes, desquipes ou
des organisations situs en dehors du territoireprivilgi dactivit
favorisent louverture une varit dex-priences artistiques et de
contextes culturels. Ces partena-riats se construisent dabord au
fil dopportunits particu-lires et de rencontres personnelles. Ils
constituent peu peule tissu rticulaire qui est au fondement des
possibilits desurvie et de dveloppement de chaque compagnie.
Cettedynamique joue un rle majeur, par exemple dans la capa-cit de
diffusion des spectacles et des autres propositionsartistiques et
culturelles dune compagnie, dans et au-del desa rgion
dappartenance, comme dans la recherche de nou-veaux lieux de
rsidence, temporaires ou de plus longuedure. On comprend alors le
rle essentiel des partenariatsfidliss, tant auprs dorganisations
artistiques et culturel-les que des instances publiques ou des
socits civiles atten-tives aux propositions renouveles des
compagnies.
Lenjeu est darticuler un ancrage territorial, commebase de
production, avec un largissement du rseau de dif-fusion au-del de
la rgion dimplantation afin de gagner envisibilit auprs des
professionnels et des mdias. Certainsdirecteurs artistiques
expriment aussi la ncessit de se res-sourcer au contact de la vie
culturelle et artistique dautresrgions ou pays, afin dentretenir un
sens de la crativit etun sens de la rencontre toujours plus
aiguiss.
Mieux accompagner les compagnies ?Comment accompagner les
compagnies dans les diff-
rentes phases de leur activit ? La coopration
interorgani-sationnelle dans le sens dune conomie solidaire est
uneperspective envisage par une minorit dentre elles. Elle seheurte
aux fortes pressions concurrentielles, qui tendent distendre les
rapports de collaboration et accentuer ladiversification des
trajectoires de reconnaissance profes-sionnelle.
Dans ce contexte, lexternalisation de tches adminis-tratives
dans des bureaux de production offre lavantagedune division du
travail a priori plus oprationnelle. Ellepermet au noyau central de
la compagnie de se recentrer sur
le cur de son identit artistique et de bnficier de com-ptences
spcialises, partages avec dautres troupes, pourles aider dans les
phases de production, de distribution et dediffusion. Elle ncessite
nanmoins la construction dunerelation de confiance, afin que les
objectifs artistiques etculturels de la compagnie soient respects.
Cette opportu-nit peut se heurter un problme de financement,
notam-ment pour les compagnies mergentes, la tarification
desprestations devant tre la fois supportable pour la troupeet
viable pour le bureau.
La production dlgue offre galement aux compa-gnies un cadre trs
utile de mise disposition de comp-tences administratives dun
tablissement culturel ou, lencore, dun bureau de production. Elle
suppose de biensentendre sur les marges de manuvre de la
directionartistique des compagnies aides, en fonction de
lacontrainte budgtaire du lieu ou du bureau daccueil.
Les conventions de compagnonnage artistique, expri-mentes par
exemple dans les arts de la marionnette, sontgalement susceptibles
de permettre un parrainage de jeunesartistes par des troupes plus
exprimentes.
La question dune plus grande permanence des emploisdans les
compagnies est galement cruciale pour permettreleur dveloppement
dans un contexte dhyperflexibilisationdes relations de travail. Si
les emplois artistiques et tech-niques restent structurellement
dpendants des formes dem-ploi intermittentes, les aides publiques
lemploi constituentune forme trs utile pour amorcer la
stabilisation dun noyauadministratif. Elles devraient au moins tre
adaptes et ten-dues aux directeurs artistiques, pivots essentiels
mais trssouvent en situation de grande fragilit conomique.
Dabord centr sur les projets ports par des tablisse-ments fortes
notorit et visibilit sociale, le mcnat nepeut raisonnablement
constituer une ressource structurellepour les compagnies. Dans le
meilleur des cas, il ne consti-tue aujourdhui quune force dappoint
pour financer desprojets sans doute plus ducatifs et sociaux
quessentielle-ment artistiques.
Enfin, si les relations entre les tablissements artistiquesou
culturels et les compagnies se sont plus tendues au dbutdu XXIe
sicle, elles dpendent aussi largement des orienta-tions des
politiques culturelles.
Les scnarios ministriels prospectifsDes quatre scnarios sur le
devenir des politiques cultu-
relles lhorizon 2030 : l exception continue , le mar-ch culturel
, l impratif cratif , la culture didenti-ts14 , seul le dernier
scnario prend en compte la questionde la diversit des cultures
vcues par nos compatriotes etcelle, associe, de la pluralit des
propositions artistiquesmises en uvre, par exemple, par les
compagnies. Il met enscne une segmentation de lintervention
publique entre untat modeste, qui appuierait les fleurons
artistiques de lanation, et des collectivits territoriales qui
soutiendraient un art social . Lhypothse centrale de cette vision
repose sur
14.Culture & Mdias 2030. Prospective de politiques
culturelles, Paris, Ministre de la Culture et de la Communication,
DEPS, coll. Questions deculture , 2011.
2012-1 11culture tudes
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la poursuite de la crise conomique, qui provoquerait unretour au
protectionnisme, une exacerbation des conflitssociaux et une
pluralisation des identits locales ou com-munautaires, plutt
replies sur elles-mmes. Le courant delart social, destin dvelopper
la sensibilit et le senscritique collectifs , et donc louverture
aux autres, ne pour-rait alors se dvelopper que dans un contexte de
recul desfinancements publics et dcart croissant entre, dune
part,la culture multimdiatique et populaire, dautre part, laculture
artistique lgitime.
La pluralit et la complmentarit des troupes selonleur ancrage
territorial entrent plus particulirement enrsonance avec ce
scnario. Mais elles nous paraissentposer plutt la question dun
rquilibrage gnral desaides publiques, en faveur de la diversit non
seulement deloffre artistique et culturelle, mais aussi de ses
modesdappropriation par les publics. Cela pourrait conduire
uncinquime scnario, qui nest cependant conomiquementviable et
politiquement soutenable que si les pratiquesculturelles de la
population trouvent leur propre comptedans cette diversification de
loffre. Cela renvoie desquestions qui ne font pas aujourdhui lobjet
de consensusdans les mondes du spectacle vivant. De plus, les
spectateurstendent spontanment concentrer leurs choix sur les
pro-positions ayant la plus forte notorit, ce qui pose la ques-tion
dlicate de ladaptation des compagnies aux techniquesdu marketing de
loffre afin, dans un contexte de sur-abondance de loffre, dlargir
laudience des spectacles encaptant lattention des programmateurs et
des spectateurs.
Un scnario en faveur de la diversit artistique et cultu-relle
exigerait une volont politique forte, soutenue etrelaye par les
professionnels du spectacle vivant, en faveurdune dmocratie
renforce dans ce domaine artistique.Elle devrait en particulier
tenir pour dcisif un rquilibrageplus ferme des ressources
symboliques et conomiquesdisponibles au profit des diffrents
acteurs qui font toute larichesse et la varit territoriales de
cette filire dactivit.
Des relations plus symtriques entre les artistes et les
non-professionnels ?
Une minorit de compagnies accordent une grandeimportance aux
dispositifs de cration en coproductionavec des personnes,
sollicites pour tmoigner de leursexpriences de vie personnelle et
en relation avec leur envi-ronnement social local. Cette
association dindividus parti-culiers une interrogation artistique
sur leur univers de vieest susceptible douvrir un champ de
possibles mancipa-teur. Elle correspond aussi une demande de
participationculturelle active de la part de non-professionnels,
attirs pardes dmarches cratives.
La production de ces compagnies est nanmoins souventjuge de
moindre qualit artistique par les experts publics,voire considre
comme relevant dun travail social plutt
quartistique. Paralllement, de nombreux auteurs de thtreet
certains chorgraphes souhaitent confronter leur cri-ture dramatique
et scnique leur perception du rel,comme en tmoigne la rfrence aux
guerres dans lex-Yougoslavie dans les crations des annes 1990. Le
traite-ment artistique des matriaux ainsi recueillis pose la
ques-tion de la mise en fiction des vnements et des personnagesou
de la restitution des tmoignages en leur tat brut, ouencore du degr
darticulation entre ces deux axes direc-teurs. La question des
risques dinstrumentalisation socialeet politique des artistes est
toujours aussi rcurrente, ainsique les marques dhostilit dune
partie des milieux artis-tiques envers une dmarche juge
populiste.
La stratification sociale persistante des publics des
spec-tacles professionnels pose pourtant la question du soutien de
nouveaux types de mise en relation des personnesavec les uvres,
autant que celle de linstauration de rela-tions plus symtriques
entre professionnels et amateurs.Les compagnies sont amenes ne pas
ignorer et ce, dsla phase de conception la ralit in fine
incontournable delappropriation des publics, et donc la question de
lven-tualit de leur participation aux diffrentes phases du
pro-cessus et des modalits concrtes de cette coopration.Pourtant,
le champ de recherche sur les apports des exp-riences artistiques
en termes dveil motionnel ou de socia-bilit et de construction
identitaire reste encore fort peuexplor.
Dans ce contexte, lintgration de la rmunration destemps de
transmission et de partage artistique et culturelentre artistes et
non-professionnels (en particulier dans lesmilieux scolaires,
associatifs) comme revenu ordinairedes intermittents du spectacle
vivant est souhaite par plu-sieurs sociologues15 et des artistes
qui ont dvelopp leursactivits pdagogiques, tandis que dautres
artistes, lin-verse, rejettent cette perspective, susceptible selon
eux dednaturer le cur de leur identit professionnelle.
Pierre-Michel Menger souligne par ailleurs un dfaut de
respon-sabilisation des employeurs du spectacle vivant vis--vis
dela prise en charge du dficit du rgime dassurance-chmagespcifique
des intermittents par la solidarit interprofes-sionnelle, et il y
situe la source de la dsintgration dumarch du travail artistique16.
La faible rmunration desinterventions pdagogiques soulve aussi la
question dutaux de TVA qui leur est appliqu. Ne serait-il pas dj
judi-cieux de labaisser de 19,6 % 7 %, puisque ces
actionsartistiques sont notamment destines largir le public ?
Des relations plus coopratives entre les professionnels ?
Georges Buisson a propos en 2003 une redistributiondes
financements publics avec un retrait de ltat pour lefinancement des
btiments culturels, report sur les collec-tivits territoriales, de
faon concentrer les aides de ltat
15. Voir Emmanuel WALLON, Lducation artistique , dans Philippe
POIRRIER, Politiques et pratiques de la culture, Paris, La
DocumentationFranaise, 2010 ; Philippe Henry, qui estime sur ce
point et dans une note prparatoire au chapitre de conclusion de la
recherche que le dveloppe-ment des compagnies ne peut aller sans
une reconsidration des quilibres professionnels et conomiques, dont
on sait quils sont des compromis tem-poraires entre enjeux
distincts et pour partie conflictuels .16. Pierre-Michel MENGER,
Les professions culturelles : un systme incomplet de relations
sociales , dans Philippe POIRRIER, op. cit., 2010.
12 culture tudes 2012-1
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sur des coopratives artistiques . Elles seraient consti-tues
dune dizaine dartistes environ, salaris pour unepriode de trois
quatre ans, autour dune personnalitartistique17.
Cette proposition sinscrit dans la recherche dune scu-risation
professionnelle et entrepreneuriale par la restaura-tion des
conditions dune permanence artistique, susceptiblede relcher la
double pression concurrentielle du march etde laide publique. Cette
dernire, en effet, prioritairementtourne vers un soutien aux
crations et la ncessit denouer des relations partenariales avec des
tablissementsartistiques ou culturels, exerce une pression
conduisant multiplier les crations. Pour une part induite par le
milieuprofessionnel lui-mme, cette logique de guichet
financiercontribue aussi limiter les temps de recherche
artistiquedes compagnies.
Il nest pas sr nanmoins que les perspectives de sta-bilisation
des emplois artistiques intressent une majoritdintermittents.
Dsireux de rester cratifs et innovants,beaucoup dentre eux sont
attachs une diversification desexpriences professionnelles, en
particulier grce une cir-culation interorganisationnelle. Ils
souhaitent donc resterdisponibles pour des opportunits de travail
qui seraientsource dune rmunration symbolique et/ou
financirediversifie, voire plus leve.
La double fonction risque dinventeur et dentrepre-neur, qui est
celle des directeurs artistiques, pose la questionde la
reconnaissance sans ambigut du cumul dune posi-tion dentrepreneur
de spectacles vivants et dune possibi-lit daccs aux droits sociaux
de ces salaris au titre dunemploi rmunr intermittent, si le budget
de la compagniene permet pas de financer un emploi rmunration
conti-nue.
Une autre faon structurelle denvisager linstauration derapports
plus galitaires au sein de la filire du spectaclevivant consiste
redistribuer la valeur ajoute de son avalvers lamont, de faon
offrir plus de moyens pour lefinancement de la fonction de
recherche-exprimentation etde celle de cration-production.
Plusieurs mcanismes existent dj en ce sens. Lessocits de
perception et de rpartition des droits dauteurset de droits voisins
mutualisent le quart de la taxe sur lacopie prive et les droits non
rpartis aprs dix annes pourfinancer des aides, soit sociales, soit
la cration essen-tiellement. LAssociation de soutien des thtres
privs(ASTP) sest cre en 1964 afin de constituer un fonds
demutualisation des risques, financ par une taxe de 3,5 % surles
recettes de billetterie et surtout mis en uvre pourapporter une
garantie en cas de dficit lors des trois premiersmois dexploitation
des spectacles. La cration du Centrenational de la chanson, des
varits et du jazz (CNV), par unescission au sein de lASTP en 1985,
a maintenu le principede ce fonds, qui est mieux aliment dans un
secteur plus
soumis aux logiques de march. Le dficit structurel desspectacles
a rendu nanmoins ncessaire une interventionpublique, qui a financ
45,3 % des fonds de lASTP en 2007,contre 2,7 % pour le CNV18.
La gnralisation dune taxe sur la billetterie, la redis-tribution
dune partie accrue des droits dauteurs, une raf-fectation des impts
prlevs sur les activits indirecte-ment lies au spectacle vivant
pourraient constituer desfonds pour une gouvernance plus cooprative
de la filire.Celle-ci pourrait galement sappuyer sur le
dveloppe-ment dagences rgionales pour laccompagnement descompagnies
dans les diffrentes tapes de leur dveloppe-ment. Nanmoins, la
perspective dune extension de la taxefiscale sur la billetterie des
spectacles au secteur subven-tionn, suggre lors des entretiens de
Valois en 2009, a trepousse notamment par les organismes de gestion
mutua-lise du secteur priv.
Sur un plan plus local, dautres exprimentations voientle jour,
comme le CraFonds en Aquitaine19. Sur la basedune expertise partage
et dun fonds collectif, ce dispo-sitif associe la mutualisation au
moins partielle du risqueinhrent lexprimentation et la production
artistiques etla mutualisation symtrique des succs et des
bnficesventuels.
Lexamen du monde du spectacle plaide donc en faveurdune
reconfiguration structurelle, de manire ce quil soitplus et mieux
articul. Elle parat chaque jour plus nces-saire pour faire face aux
dsquilibres actuels et pour cher-cher compenser les dstabilisations
suscites tout la foispar la monte en puissance des logiques de
march et la dif-ficult des aides publiques dgager de nouvelles
margesau profit des organisations artistiques au-del des plus
pres-tigieuses et mdiatises. Les solutions envisageables susci-tent
nanmoins des dbats encore vifs car elles interrogentles objectifs
artistiques et culturels des compagnies, commelintrt ou la
faisabilit de dmarches plus coopratives.
n
17. Georges BUISSON, Pour un renouveau du thtre public , dans
Ccil GUITARD, la Bataille de limaginaire, Toulouse, d. de
lAttribut, 2009.18. Daniel URRUTIAGUER, conomie et droit du
spectacle vivant en France, Paris, PSN, 2009, p. 23.19. Le CraFonds
est un collectif daccompagnement technique et financier de la
production dans le domaine du spectacle vivant . Fond lini-tiative
de collectivits locales, dtablissements culturels et dune compagnie
dAquitaine (Opra Paga), il est galement soutenu par plusieurs
orga-nismes financiers (dont la Fondation de France). Chacun
participe un fonds dapport pour des productions de spectacle
vivant. Les compagnies aidesreversent au fonds 2,5 % du prix de
vente des reprsentations des spectacles.
2012-1 13culture tudes
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chantillon qualitatifLes tudes de cas ont conduit lhypothse
centrale dune diff-
renciation des compagnies selon deux variables principales :
dabord la part relative de lactivit de diffusion de spectacles,
dansla rgion dappartenance de la compagnie et hors de celle-ci,
quipeut en particulier se mesurer daprs la distribution
territoriale desreprsentations ;
ensuite le type dtablissement (artistique ou non, labellis ou
nonpar le ministre de la Culture et de la Communication) dans
lesquelscette diffusion sopre, et le type dtablissement dans
lesquels lescompagnies effectuent lessentiel de leurs activits
daction artistiqueet culturelle ou de formation.Pour explorer cette
intuition, un double indicateur synthtique et
chiffr a t construit, qui a confirm lhypothse.Le premier
indicateur mesure le pourcentage moyen sur trois ans
(2007, 2008 et 2009) de reprsentations de spectacles dans la
rgiondappartenance de la compagnie. Il aboutit au reprage dune
distri-bution des compagnies sur laxe linaire correspondant ( Taux
de dif-fusion rgionale en% , de 100 0% de reprsentations sur le
terri-toire de la rgion dappartenance). La part de la diffusion de
spectacles ltranger est inversement corrle la diffusion dans la
rgion dap-partenance.
Le second indicateur est obtenu par laddition des pourcentages
dediffusion des spectacles selon la stratification de quatre
grandsniveaux dtablissements :N1 : tablissements de production
labelliss (EPCI nationaux, CDN,
CDR ; CCN, CDC) et festivals internationaux (dont le In
dAvignon) ;N2 : tablissements de diffusion labelliss (scnes
nationales, scnes
conventionnes) et festivals nationaux ;N3 : tablissements
culturels de ville, salles parisiennes non labelli-
ses, Off dAvignon, festivals rgionaux ;N4 : autres tablissements
(non artistiques).
Pour chaque compagnie, un indicateur de stratification a
tconstitu partir de la somme des pourcentages moyens de cesquatre
types dtablissement dans la diffusion de ses spectacles surtrois
ans, pondre par le rang institutionnel des lieux daccueil. Leniveau
N4, qui occupe le rang le moins prestigieux et a priori le
moinsrmunrateur, a ainsi t affect dun coefficient 1, le niveau N3
duncoefficient 2, le niveau N2 dun coefficient 3 et le niveau N1,
au som-
met de la hirarchie institutionnelle, dun coefficient 4. Cela
donne unechelle allant de 100 (toute la distribution dans des
quipements detype N4) 400 (toute la distribution dans les
quipements de type N1).
Ce principe a permis damplifier visuellement la distribution des
dif-frents cas tudis sur un second axe ( Niveaux de stratification
destablissements de diffusion ). Celui-ci nexprime aucune chelle
par-ticulire de valeur quant lactivit propre des compagnies. Elle
rendsimplement plus lisible leur mode dinscription dans la
hirarchieencore actuellement en vigueur des tablissements
artistiques etculturels. La distribution gnrale sur le plan ainsi
form fait apparatreune courbe de tendance en diagonale, qui indique
une corrlation cer-taine entre les deux indicateurs.
Le groupe A (compagnies dites rgionales dont lactivit sedroule
exclusivement ou presque dans leur rgion dappartenance)est compos
de sept cas principaux (A1 A7), que compltent deuxautres cas budget
plus important (A8) ou diffusion exclusive en N2(A9). Le dernier
cas (A10) correspond une compagnie disposantdun important lieu de
travail artistique mis disposition par unemunicipalit.
Le groupe B (compagnies dites transrgionales dont lactivitreste
encore majoritaire dans la rgion dappartenance, mais o la
dif-fusion hors de la rgion dappartenance est dj relle) est
composde onze cas principaux (B1 B11), auxquels peuvent tre relis
deuxautres cas o la diffusion en N2 ou N1 savre plus importante
(B13et B14) et encore deux autres compagnies disposant dun lieu de
tra-vail artistique mis disposition par une municipalit (B12) ou
mobileet acquis en propre (B15).
Le groupe C (compagnies dites multirgionales dont lactivithors
de la rgion dappartenance en France ou/et ltranger estcette fois-ci
majoritaire, mme si une diffusion dans cette rgion restesensible)
est compos de neuf cas principaux (C1 C9), auxquelspeuvent se
rattacher trois cas plus atypiques. Lun se situe larticu-lation des
transrgionales et de C (C10), un autre dveloppe uneactivit moins
importante que la moyenne du groupe (C11), le dernierdisposant dun
lieu et dune notorit tendue (C12).
Le groupe D (compagnies dites excentres dont lactivit sedroule
essentiellement en dehors de leur rgion dappartenance eto les
tablissements de diffusion sont majoritairement en N2 et N1)est
compos de sept cas principaux (D1 D7), auxquels peuvent tre
14 culture tudes 2012-1
LMENTS COMPLMENTAIRES CONCERNANT LES DEUX CHANTILLONS DE
COMPAGNIES
Graphique A Typologie des compagnies
Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication,
2012.
100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0100
150
200
250
300
350
400
Rgion
Rgion +
Label +
Label -
Taux de diffusion rgionale en %
Nive
au d
e st
ratif
icat
ion
des
tab
lisse
men
ts d
e di
ffusi
on
B14
B13
B8 B11B10
B9B7B4B1
B3 B5B2
B12B6
B15
D8 D9 D1
D2 D6D7
D4
D5D3
D11
D10
C11
C3
C6
C9C12
C8C7
C4C5
C2C10
C1
A4
A2A1
A8A5A6A7A9
A10
A3 E2
E3
E1
-
rattachs trois autres cas plus relis leur rgion dappartenance
(D8 D10). Un dernier cas (D11) se caractrise par une trs
grandeimportance de la diffusion ltranger.
Enfin, trois derniers cas ne sont pas rattachables la typologie
pr-cdente et constituent des cas despce (E1 E3).
Les deux lignes trait plein traces dans le graphique
correspon-dent respectivement au taux de 50% de la diffusion des
spectaclesdans la rgion dappartenance, pour laxe horizontal des
abscisses, et la moyenne de lindice de stratification des
tablissements, pour laxevertical des ordonnes.
chantillon quantitatifLanalyse en composantes principales est
une mthode factorielle
qui permet de rduire le nombre de caractres dune population
tu-die en slectionnant ceux qui diffrencient le plus des groupes
din-dividus. Ces derniers sont ainsi rendus relativement plus
homognespar le partage de traits similaires, qui les diffrencient
des autresgroupes.
Il sagit de projeter les composantes principales, cest--dire
lescaractres les plus discriminants des compagnies, sur un plan
form parun axe horizontal et un axe vertical. Dans le nuage de
points reprsentsur le graphique, les distances entre les caractres
selon leur disposi-tion autour des deux axes permettent de les
classer en groupes. Le prin-cipe est de retenir les distances
maximales entre les points du nuagepour reprer les traits des
compagnies qui sopposent le plus.
Laxe horizontal du graphique oppose principalement de gauche
droite : le rang du temps consacr par les compagnies la diffusion
de spec-tacles (Temps consacr la diffusion) au rang du temps
quellesddient aux manifestations daction culturelle et de formation
pro-fessionnelle (Temps consacr laction culturelle) ;
le rang de lespace international dans le temps consacr la
diffusion(Temps consacr la diffusion ltranger) celui de la rgion
dim-
plantation dans le temps rserv laction culturelle et la
formationprofessionnelle (Temps consacr laction culturelle dans sa
rgion) ;
le rang de lespace international dans les revenus des ventes
despectacles (Revenus issus de ltranger) celui de la rgion
dim-plantation dans ces revenus (Revenus de la rgion), ainsi quau
rangdes revenus de laction culturelle et de la formation
professionnelledans le total des revenus (Revenus de laction
culturelle).Cet axe oppose, dans une moindre mesure, parmi les
compagnies
qui bnficient dun financement public crois (cumul de
subventionspubliques accordes par ltat et par des collectivits
territoriales),celles pour lesquelles les subventions tatiques sont
suprieures auxdotations des collectivits territoriales (Subventions
tat majoritaires, gauche) celles qui sont dans la situation inverse
(Subventions col-lectivits territoriales majoritaires, droite).
Lintensit de la diffren-ciation est du mme ordre entre les
compagnies chorgraphiques(Danse, gauche mais assez proche du centre
du graphique) et lestroupes thtrales (Thtre, droite et plus en
haut).
Laxe vertical du graphique oppose surtout de haut en bas : le
niveau du budget, mesur par le total des charges (Budget), lan-ne
de cration des compagnies (Anne de cration) ;
le rang des subventions globales dans le total des
revenus(Subvention) labsence de subventions des collectivits
publiquesnationales (Aucune) ;
les compagnies diriges par un homme (Direction artistique )
celles qui le sont par une femme (Direction artistique ).Le point
reprsentant le nombre de contrats dure indtermine
dclar par les compagnies (CDI) a une position proche de celui
dutotal des charges (Budget) dans la partie suprieure gauche du
gra-phique. Cela confirme que la stabilisation des emplois des
compa-gnies est dpendante de leur niveau de budget. Le point
correspon-dant aux compagnies qui nont pas dclar daction culturelle
ou deformation professionnelle (Aucune action culturelle) est situ
vers lebas de la carte.
2012-1 15culture tudes
Graphique B Les deux premiers axes de lanalyse en composantes
principales de lchantillon quantitatif(enqute par
questionnaire)
Source : DEPS, Ministre de la Culture et de la Communication,
2012.
1,5
1,5
1
1
0,5
0,5
0
0
0,5
0,5
1
1
1,5
1,5
budget lev
rgionalesactivits internationales
budget faible
axe 1 (16 %)
axe
2 (1
4 %
)
Axes 1 et 2 : 30 %
SubventionsCDI
Budget
Direction artistique ? Subventions coll. terr. majoritaires
Subventions tat majoritairesThtre
Tps consacr laction culturelle rgionale
Tps consacr laction culturelle
Revenus rgionaux
Revenus de laction culturelle
Revenus issus de ltranger
Direction artistique !
Anne de crationAucune subvention
Aucune action culturelle
Danse
Rsidences
Tps consacr la diffusion
Tps consacr la diffusioninternationale
-
16 culture tudes 2012-1 Fabrication : TRANSFAIRE 04250
Turriers
RSUMQuel lien peut-on tablir entre la distribution territoriale
des diffrentes activits des compagnies thtrales et chor-
graphiques en France et la structure de leurs ressources,
montaires et non financires ? partir de deux chantillons
decompagnies et en sappuyant sur la littrature consacre au sujet,
la recherche permet de souligner limportance, pour ledveloppement
des compagnies, non seulement de leur rgion dappartenance ou
dimplantation, mais aussi des ta-blissements artistiques et
culturels non labelliss par le ministre de la Culture et de la
Communication. Elle prcise laplace centrale, mais aussi la
situation problmatique des compagnies dans la filire actuelle du
spectacle vivant. Elle apportedes arguments pour une ncessaire
reconfiguration structurelle du partenariat entre priv et public
sur lequel cette filiresest particulirement dveloppe depuis la fin
du XXe sicle.
ABSTRACTThis research on French theatrical and choreographic
companies deals with the link between the distribution of their
different activities and the structure of their ressources,
whether monetary or non monetary. It is based both on two sam-ples
and the material available on the subject. We highlight how the
region in which they are established along with theestablishments
without any national label are important for their development. We
make clear the central role but alsothe paradoxical situation of
the companies in the current performing arts value chain. We
provide arguments in favourof a necessary new structural
reconfiguration of the private/public relationship through which
this value chain has par-ticularly developed itself since the end
of the 20th century.
Tous les documents publis par le DEPS sont tlchargeables
surhttp://www.culturecommunication.gouv.fr/deps
et sur www.cairn.info
Le DEPS nassurant pas de diffusion physique de ses collections,
nous vous proposons de vous informer rgulirement desparutions par
message lectronique. Pour ce faire, merci de bien vouloir nous
communiquer votre courriel ladresse
[email protected]
lments de mthodologieLa dmarche a consist croiser les mthodes
quantitative et qualitative denqute.51 tudes de cas approfondies
ont t ralises, partir dun guide denqute sriant divers documents
budgtaires et dacti-vit prcis et gnralement disponibles, sur les
saisons 2007 2009, ainsi que diffrents points aborder dans un
entretiensemi-directif avec le directeur artistique et/ou
ladministrateur de chaque compagnie.Un questionnaire sur les
ressources et les activits en 2009 a t envoy lensemble des
compagnies qui disposaient duneadresse lectronique valide en
octobre 2010, en particulier grce lappui de diffrents offices
rgionaux pour la culture. Il apermis de constituer un chantillon
reprsentatif de 572 rponses. Le taux de couverture selon les rgions
varie de 9 30%,avec une moyenne nationale de presque 15%. La
mthodologie du questionnaire, fonde surtout sur des questions
ordinales propos du rang des temps consacrs aux diffrentes
activits, des types de ressources, enfin des territoires de
rayonnement(rgional, national, international) pour les deux
dimensions prcdentes, sest montre aussi oprationnelle que les
donnesplus prcisment quantifies dans les tudes de cas
approfondies.Le champ territorial a t circonscrit la France
mtropolitaine. Lchantillon quantitatif est concentr sur les
disciplines liesau thtre (48%) et la danse (19%), en incluant les
arts du cirque (6%), de la rue (8%), de la marionnette (6%) et du
conte(3%), tandis que 10% des compagnies se dfinissent comme
pluridisciplinaires. Les ensembles musicaux et vocaux nont past
traits, ni les artistes indpendants, ni les compagnies qui ont gr
un tablissement labellis entre 2007 et 2009.Une premire analyse
qualitative des tudes de cas a permis de dgager plusieurs hypothses
de travail et dorienter les trai-tements statistiques oprer
prioritairement. La mthode de lanalyse par composantes principales
(ACP) sur les deux chan-tillons a alors permis de confirmer et
prciser ces hypothses. Les nombreuses apprciations des personnes
interroges ontgalement conduit dgager des lments de
contextualisation sur les dmarches passes et envisages. Mais les
repr-sentations des dirigeants sur leurs pratiques et limage de
lorganisation quils construisent dans leur discours sont confrontes
des donnes quantitatives. Celles-ci permettent de dgager des lments
minors ou apprhends de faon un peu floue parles
interlocuteurs.Linterprtation gnrale a t effectue en partant dabord
des lments factuels et des rcurrences qui se dgagaient des don-nes
rassembles sur nos deux chantillons. Elle sest poursuivie par une
problmatisation de ces donnes dans le cadre duneapproche danalyse
de filire. La mise en relation avec certains lments contextuels
propres au spectacle vivant et aux poli-tiques publiques associes a
enfin dgag plusieurs questions portant sur lavenir des compagnies
dans lenvironnement quiest aujourdhui le leur.