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PROCEEDINGS OF THE XIV th INTERNATIONAL NUMISMATIC CONGRESS GLASGOW 2009 II
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Teboulbi A., Bompaire M., Blet-Lemarquand M., Imitations des dirhems carrés almohades. Apport des analyses élémentaires

Jan 15, 2023

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PROCEEDINGS OF THE

XIVth INTERNATIONAL NUMISMATIC CONGRESS

GLASGOW 2009

II

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PROCEEDINGS OF THE

XIVth INTERNATIONAL NUMISMATIC CONGRESS

GLASGOW 2009

Edited byNicholas Holmes

GLASGOW 2011

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All rights reserved by The International Numismatic Council

ISBN 978-1-907427-17-6

Distributed by Spink & Son Ltd, 69 Southampton Row, London WC1B 4ETPrinted and bound in Malta by Gutenberg Press Ltd.

International Numismatic Council

British Academy

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* Je tiens à remercier les responsables du Cabinet des Médailles de la BnF, pour m’avoir permis l’étude de ces monnaies.

1 Doctorante CNRS, IRAMAT, Centre Ernest-Babelon, UMR 5060 CNRS-Université d’Orléans, 3D rue de la Férollerie, F-45071 Orléans cedex 2. [email protected]

2 Directeur de Recherche CNRS, IRAMAT, Centre Ernest-Babelon, UMR 5060 CNRS-Université d’Orléans, 3D rue de la Férollerie, F-45071 Orléans cedex 2. [email protected]

3 Ingénieur de Recherche CNRS, IRAMAT, Centre Ernest-Babelon,

UMR 5060 CNRS-Université d’Orléans, 3D rue de la Férollerie, F-45071 Orléans cedex 2. [email protected]

4 Blancard 1876, p. 30; Giner 1976; Pellicer i Bru 2005, pp. 43-80; Botet i Siso 1908-1911, pp. 56, 92, 224, 459-60; Germain 1850, pp. 683-704.

5 Spufford 1988, p. 172; Bompaire / Teboulbi, à paraître.6 Blancard 1876.7 Giner 1976.8 Pellicer i Bru 2005.9 Hobertz 2008, pp. 67-69.

LES IMITATIONS DES DIRHEMS CARRÉS ALMOHADES: APPORT DES ANALYSES ÉLÉMENTAIRES*

A. TEBOULBI1, M. BOMPAIRE2, M. BLET-LEMARQUAND3

Introduction

La dynastie almohade qui a régné sur le Maghreb et l’Espagne de 1147 à 1269 a fait frapper des dirhems d’argent sur des fl ans carrés pesant 1,5 g d’argent et de très bon titre de fi n. La plupart de ces dirhems sont anonymes et ne comportent sur les deux faces que des formules religieuses con-formes à la réforme religieuse des Almohades ou al-Muwahhidûn – ‘ceux qui proclament l’unité de Dieu’. Ce monnayage a été frappé en très grande quantité. Cette abondance est expliquée par le grand nombre d’ateliers monétaires actifs à cette époque. Sur certaines pièces il y a mention de l’atelier de frappe. En revanche, le nom de prince disparaît à partir de la fi n du règne de Yaqub ibn Yusuf (1163-1184). Deux lettres, l’une du pape Clément IV et l’autre de saint Louis, attestent que des princes chrétiens et même des évêques ont frappé vers 1265 des imitation s des dirhems almohades qu’on appelle aussi des millarès d’argent au nom du prophète (‘le perfi de Mahomet’: nomine perfi di Mahomet).4 Ce monnayage d’imitation était destiné exclusivement au commerce avec le monde arabe et non pas à la circulation locale. Il concerne de nombreux ateliers chrétiens:5 Pise, Montieri, Lucques, Gênes et Savignone e n Italie; Arles, Marseille, le Comté de Provence, le Marquisat de Provence, Avignon, Montpellier, les évêchés de Maguelonne, d’Agde et Oléron en France. En Espagne, il était frappé parallèlement avec le monnayage d’origine par Jacques d’Aragon à Lérida, à Barcelone, à Majorque et à Valence. Ces imitations ont le même aspect et la même légende que les pièces originales, ce qui a rendu très diffi cile la discrimination entre émis-sions offi cielles et imitées, c’est pourquoi nous proposons une nouvelle approche du problème, associant l’analyse élémentaire des pièces à leur étude métrologique et stylistique.

Les études antérieures

Les travaux concernant l’étude des millarès ont débuté en 1876 avec Louis Blancard6 et repris un siècle plus tard par Asuncion Giner en 19767 et plus récemment par Josep Pellicer i Bru en 2005.8 Dans tous ces travaux, des critères ont été proposés par les auteurs pour essayer de distinguer les imitations de leurs prototypes almohades. En effet, tous supposent que ces imitations présentent un style d’écriture très mauvais, un poids plus faible et des dimensions plus importantes et ir-régulières. Dans des travaux les plus récents, certains auteurs ont repris les résultats déjà cités de Blancard, Giner et Pellicer i Bru, comme c’est encore le cas de H. Edmund Hobertz9 dans son catalogue où il a repris la défi nition d’un millarès d’après Pellicer i Bru – ‘According to Pellicier…

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LES IMITATIONS DES DIRHEMS CARRÉS ALMOHADES: APPORT DES ANALYSES ÉLÉMENTAIRES 1885

are probably millares’. D’autres ont reconnu que ce monnayage restait un point noir pour les numismates, c’est le cas de Khaled ben Romdhane10 dans son supplément au catalogue de Henri Lavoix11: ‘L’attribution de ces dirhems anonymes reste souvent ignorée’. De même, Abdelhamid Fenina,12 dans le catalogue des monnaies de Tunis, s’est référé à Henri Hazard13 pour reconnaître ces millarès. Par notre nouvelle approche avec les analyses élémentaires, nous avons essayé de vérifi er ces éléments donnés par les travaux antérieurs et d’y apporter plus de certitudes.

Étude typologique et métrologique

L’étude de ce monnayage a porté essentiellement sur les exempl aires (82 dirhems) de la Biblio-thèque national de France (BnF), mais aussi sur les sources textuelles, car les trésors disponibles pour l’étude sont généralement rares ou même absents. Ainsi, la collection de la de la BnF con-tient deux trésors (ou fragments de trésors) sur lesquels on ne sait à peu près rien: trésor ‘sicilien’ (185 dirhems numérotés de 1978.185.1 à 1978.185.185) et trésor donné par Mme Kapamadji (397 dirhems numérotés de 1967.397.1 à 1967.397.397).14

En nous référant au supplément du catalogue des monnaies almoravides et almohades de Ben Romdhane,15 nous avons repris l’évolution de la typologie de monnayages d’argent des Almohades. On peut la résumer en trois phases. Au début du mouvement almohade, les espèces sont exécutées suivant le modèle almoravide avec une forme ronde, le lieu d’émission y est indiqué et l’écriture est angulaire (coufi que). Ensuite, avec la création du dirhem de Abd al Mu’min ibn Ali (1145-1163), les pièces sont toujours de forme ronde mais la légende est inscrite dans deux carrés, le carré de l’extérieur est en grènetis et avec le même style d’écriture angulaire. Enfi n, apparaît le dirhem carré anonyme qui caractérise tout le reste du monnayage d’argent almohade. Sur ce monnayage les lieux d’émission sont rarement mentionnés. On les attribue aux Almohades grâce à l’inscription ‘Al-Mahdī est notre Imâm’. On remarque un nouveau style d’écriture cursive (naskhi) ainsi que l’apparition d’une décoration fl orale (fl euron) sur le mot ‘notre Dieu’ sur le revers. Dans cet article nous nous limitons à l’étude des dirhems de cette dernière phase. L’examen des pièces étudiées nous a permis de distinguer deux groupes: un premier que nous avons qualifi é de ‘bon style’ et un deuxième de ‘mauvais style’. La première catégorie englobe les pièces qui présentent des fautes qui refl ètent une méconnaissance de l’arabe, assez anormale et assurément inacceptable pour des formules religieuses comportant le nom d’Allah et de Mahomet. Cet aspect a été déjà souligné par Blancard,16 de même que par Giner17 et récemment par Pellicer i Bru,18 mais ces auteurs ne jugent pas ce critère suffi sant pour identifi er les imitations. Ces imitations sont également de dimensions supérieures aux pièces d’origine. En effet, elle mesurent d’après les textes 17 à 18 mm contre 14 à 15 mm pour les pièces d’origine.19 Sur la Fig. 1, on remarque clairement la dispersion des dimensions moyennes des pièces de ‘mauvais style’ qui varient entre 11 à 20 mm avec une moyenne de 16,5 mm et un écart-type de 1,9 mm. En revanche, les pièces de ‘bon style’ sont majoritairement situées dans un intervalle allant de 13 à 15 mm avec une moyenne de 14,5 et un écart-type de 1,4 mm.

10 Ben Romdhane 1979, p. 148.11 Lavoix 1891.12 Fenina 2007, pp. 122-43.13 Hazard 1952.14 Ben Romdhane 1979.

15 Ben Romdhane 1979.16 Blancard 1876.17 Giner 1976.18 Pellicer i Bru 2005, pp. 63-65.19 Pellicer i Bru 2005, pp. 63-65.

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A. TEBOULBI, M. BOMPAIRE, M. BLET-LEMARQUAND1886

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11 12 13 14 15 16 17 18 19 20

Dirhems de "bon style"Dirhems de "mauvais style"

Dimensions(mm)

Fréquences

Fig.1. Dimensions moyennes .

Les poids des imitations sont plus faibles que ceux des pièces des almohades; 1,3 g contre 1,55 g.20 Sur la Fig. 2, on remarque que la majorité des pièces de ‘bon style’ ont un poids compris entre 1,35 et 1,55 g avec une moyenne de 1,43 g et un écart-type de 0,21 g. Par contre, celles de ‘mauvais style’ ont des poids majoritairement compris entre 1,25 g et 1,45 g avec une moyenne de 1,3 et un écart-type de 0,1 g. Des exceptions qui concernent aussi bien le groupe de ‘bon style’ et de ‘mau-vais style’ sont présentes sur le graphique, mais elles présentent des effectifs moins importants.

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25

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0.8 0.9 1.0 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 1.6 1.7

Dirhems de "bon style"Dirhems de "mauvais style"

Poids (g)

Fréquences

Fig. 2. Poids.

20 Pellicer i Bru 2005, pp. 63-65.

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LES IMITATIONS DES DIRHEMS CARRÉS ALMOHADES: APPORT DES ANALYSES ÉLÉMENTAIRES 1887

21 Sarah / Gratuze / Barrandon 2007; Sarah / Bompaire / McCormick 2008.

Le dernier critère examiné est celui des axes de coins. Dans le Tableau 1, les pièces de ‘bon style’, sont toujours d’orientation de 12h. En revanche, les pièces de ‘mauvais style’ présentent une grande variété d’axe de frappe (12 h, 9 h, 6 h et 3 h), même si 12h reste privilégiée. Ce dernier nouveau critère s’ajoute au poids et aux dimensions des dirhems pour nous apporter plus de préci-sion sur ce monnayage.

TABLEAU 1. Axes des coins.

Style Axes de coins Nombre de pièces

‘bon style’ 12h 38

‘mauvais style’ 12h 22

3h 5

6h 6

9h 11

Étude de la composition métallique

Le deuxième volet de l’étude de ce monnayage consiste en l’analyse élémentaire par Spectrométrie de Masse Couplée à un Plasma par prélèvement par Ablation Laser (LA-ICP-MS). C’est une méthode quasi non destructive (micro prélèvement Ø = 80 μm) et qui sert à déterminer la teneur d’un grand nombre d’éléments, majeurs, mineurs et traces. Elle permet entre autres de déterminer des profi ls de concentration de la surface de la pièce vers l’intérieur.21 Le titre de fi n des pièces d’imitation pouvait être plus faible que celui des pièces imitées, cette information est présente dans les textes. Par exemple à Montpellier le titre passa entre 1262 et 1266 de 82 à 73 % d’argent, tout comme à Majorque, vers 1266, les pièces étaient frappées ‘au titre que voudront les marchands…’. Les titres de fi n donnés par les analyses pourraient permettre la vérifi cation de l’hypothèse déjà énoncée par les sources écrites. D’après la Fig. 3, représentant l’argent des dirhems analysés, on remarque que toutes les pièces de ‘bon style’ ont des titres d’argent plus élevés (compris entre 94 % et 99 %) avec une moyenne de 97,64 % et un écart-type de 2,09 % par rapport à celles de ‘mauvais style’ qui sont plus dispersées (de 43 % à 90 %) et dont la moyenne est de 76,56 % et l’écart-type de 9,35 %.

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A. TEBOULBI, M. BOMPAIRE, M. BLET-LEMARQUAND1888

40

50

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1000 1 2 3 4 51 : Anonymes

2 : Trésor Mme Kapamadji3 : Trésor sicilien 4 : Avec nom d'atelier- : "bon style"o : "mauvais style"

Ag %

Fig. 3. Titres de fi n (Ag).

Les analyses des éléments mineurs et traces des pièces peuvent permettent de différencier des stocks métalliques de provenance différente ou bien utilisés à des époques différentes. Les teneurs en bismuth (Bi) et en or (Au) représentées dans la Fig. 4 montrent deux groupes de monnaies très différents. Un premier groupe qui présente des teneurs plus importantes en bismuth, regroupe toutes les pièces de ‘mauvais style’ fi gurant dans les deux trésors de Mme Kapamadji et sicilien mais aussi celles anonymes et avec nom d’atelier. Le deuxième groupe dont les teneurs en or sont très variables rassemble toutes les pièces de ‘bon style’. Dans ce cas, on peut parler de deux stocks métalliques différents pour les deux groupes de bon et de mauvais styles.

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Au/Ag

Bi/Ag

Avec nom d'atelier, "bon style"

Avec nom d'atelier, "mauvais style"

Anonymes, "bon style"

Anonymes, "mauvais style"

Trésor Kapamadji, "bon style"

Trésor Kapamadji, "mauvais style"

Trésor sicilien, "mauvais style"

Fig. 4. Eléments mineurs et traces (Bi, Au).

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LES IMITATIONS DES DIRHEMS CARRÉS ALMOHADES: APPORT DES ANALYSES ÉLÉMENTAIRES 1889

22 Spufford 1988, p. 172.23 Bompaire / Teboulbi, à paraître.

D’autres éléments mineurs et traces parmi ceux qu’on peut examiner donnent des résultats signifi catifs: l’arsenic (As) et l’antimoine (Sb) qui sont plutôt liés au cuivre ajouté à l’argent fi n de ces dirhems. Ces deux éléments , représentés dans la Fig. 5, montrent les deux groupes déjà vus avec le bismuth et l’or. Le premier groupe avec les pièces de ‘mauvais style’, montre des teneurs en antimoine globalement plus élevées et moins variables que celles du deuxième groupe de pièces de ‘bon style’.

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100000

1 10 100 1000 10000 100000

Sb/Cu

As/Cu

Avec nom d'atelier, "bon style"Avec nom d'atelier, "mauvais style"Anonymes, "bon style"Anonymes, "mauvais style"Trésor Kapamadji, "bon style" Trésor Kapamadji, "mauvais style"Trésor sicilien, "mauvais style"

Fig. 5. Eléments mineurs et traces (As, Sb).

Métal occidental ou oriental ?

D’après la carte de Spufford22 et plusieurs sources écrites, on sait que les principaux ateliers qui frappent les millarès se situent généralement sur les côtes méditerranéennes dans des ports et à proximité des mines. Par exemple en Italie, des documents de 1243 évoquent que l’atelier de Pise qui contrôle l’argent des mines de Sardaigne est situé dans les mines de Toscane. Montieri, un autre atelier de millarès se situe au cœur de la zone minière de Toscane. En France, ce même schéma se répète entre les mines du Midi et Montpellier,23 sachant que des millarès sont frappés en Provence, essentiellement à Marseille mais aussi en Languedoc, par exemple à Agde. En Espagne, ces imitations ont été frappées essentiellement à Lérida et à Barcelone. Ce lien avec les mines pourrait se vérifi er grâce aux analyses des éléments-traces.

Pour tenter de défi nir une ou plusieurs signatures de l’argent frappé dans les royaumes chré-tiens, nous avons analysé des gros (25 gros) représentant certains ateliers de l’Occident, de la France (émis par saint Louis et à Montpellier) et aussi de l’Italie (Pise) que nous avons comparés avec la composition métallique des dirhems analysés. Sur la Fig. 6, on retrouve un groupe plus ou moins homogène avec des teneurs de bismuth importantes. Dans ce groupe, se trouvent les millarès mais aussi la majorité des gros de saint Louis à coté des gros de Pise et de Montpellier. Les dirhems de ‘bon style’ ont, à l’inverse, des teneurs en bismuth très variables. Cette homogénéité nous laisse supposer que les imitations des dirhems carrés almohades présentent les mêmes caractéristiques

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A. TEBOULBI, M. BOMPAIRE, M. BLET-LEMARQUAND1890

métalliques que les gros frappés dans divers ateliers occidentaux. Ces millarès seraient frappés en Occident et pourquoi pas avec un métal qui proviendrait des mines occidentales. Pour répondre à cette dernière question avec plus de sûreté, on regarde les éléments mineurs et traces liés au deuxième élément majeur (cuivre) que contiennent ces monnaies (Fig. 7). Les ‘gros’ occidentaux s’écartent du groupe des millarès qui présente des teneurs en antimoine plus importantes et se rap-prochent davantage des dirhems d’origine dont les valeurs en antimoine sont moins importantes et très dispersées. Ces derniers résultats nous laissent supposer que les ‘gros’ et les millarès pouvaient être frappés avec le même métal fi n mais pas spécialement avec le même stock de cuivre.

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Au/Ag

Bi/Ag

Gros de Montpellier (1273)

Gros de Pise (1182/92)

Gros de st Louis (1266)

Almohades, "mauvais style" (1240-1270)

Almohades, "bon style" (1240-1270)

Fig. 6. Eléments mineurs et traces (Bi, Au).

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1 10 100 1000 10000 100000

Sb/Cu

As/Cu

Gros de Montpellier (1273)

Gros de Pise (1182/92)

Gros de st Louis (1266)

Almohades, "mauvais style" (1240-1270)

Almohades, "bon style" (1240-1270)

Fig. 7. Eléments mineurs et traces (As, Sb).

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LES IMITATIONS DES DIRHEMS CARRÉS ALMOHADES: APPORT DES ANALYSES ÉLÉMENTAIRES 1891

24 Brunschvig 1950, pp. 72-75.

Conclusion

L’étude typologique, stylistique et métrologique (écriture mal soignée, axes de coins variables, dimensions différentes, poids plus faibles ) nous a permis en premier lieu de distinguer deux groupes de dirhems almohades: pièces de ‘bon style’ et pièces de ‘mauvais style’. Les éléments majeurs (titres d’argent fi n) donnés par les analyses élémentaires ont confi rmé la distinction de ces deux groupes. En effet les pièces dites de ‘mauvais style’ ont des titres de fi n plus faibles que celles de ‘bon style’. Les pièces de ‘mauvais style’ seraient des imitations tandis que les pièces de ‘bon style’ seraient des émissions offi cielles. Ces imitations concernent aussi bien les dirhems carrés anonymes portant un nom de lieu d’émission, comme les pièces de Tunis et de Jaén, que ceux sur lesquels aucun nom d’atelier ne fi gure. La composition en éléments-traces des imitations est différente de celle des pièces de ‘bon style’ de divers ateliers monétaires de l’Andalousie et du Maghreb. Cette constatation nous a permis de mettre en évidence deux stocks métalliques d’argent. La comparaison en éléments-traces de différents gros d’Italie (Pise), de France (Mont-pellier, ateliers de saint Louis) et des imitations montrent que toutes ces pièces ont des caracté-ristiques proches. Ce qui laisse supposer que ces imitations ont été frappées avec un métal ‘oc-cidental’ et, pourquoi pas, dans des ateliers occidentaux. En revanche, les éléments-traces liés au cuivre montrent qu’il s’agit de deux stocks métalliques différents pour les imitations et les ‘gros’ occidentaux. Une fois qu’on a réussi à distinguer les dirhems d’imitation (millarès) des pièces d’origine, il reste à différencier parmi ces pièces de ‘mauvais style’ celles imitées à l’époque des Almohades (jusqu’en 1269) et les monnaies post-Almohades, comme celles des Hafsides hérit-iers de la partie orientale de l’empire des Almohades (notamment la Tunisie depuis 1236) et qui ont frappé des monnaies d’argent au même type anonyme que leurs prédécesseurs, mais de titre d’argent moindre.24

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A. TEBOULBI, M. BOMPAIRE, M. BLET-LEMARQUAND1892

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