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Sur le fil?Le trafic et linscurit la frontire
tuniso-libyenne
Moncef Kartas
17
Document de travail du Small Arms Survey/Projet dvaluation de la
Scurit en Afrique du Nord, avec la col-
laboration du Dpartement dtat des tats-Unis et des ministres des
Affaires trangres des Pays-Bas, de la
Norvge et du Danemark.
http://www.smallarmssurvey.org/sana/home.htmlhttp://www.state.gov/t/pm/wra/http://www.government.nl/ministries/bzhttp://www.regjeringen.no/en/dep/ud.html?id=833http://um.dk/enhttp://www.smallarmssurvey.orghttp://www.smallarmssurvey.org/sana/home.htmlhttp://www.state.gov/t/pm/wra/http://www.eda.admin.ch/eda/en/home.html/http://um.dk/enhttp://www.government.nl/ministries/bzhttp://www.regjeringen.no/en/dep/ud.html?id=833
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2 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
3
Copyright
Publi en Suisse par le Small Arms Survey Small Arms Survey,
Institut de hautes tudes internationales et du dve-loppement,
Genve, 2013
Date de la premire publication: dcembre 2013 Date de publication
en franais : juillet 2014
Tous droits rservs. Aucune partie de la prsente publication ne
peut tre reproduite, stocke sur un systme de recherche documentaire
ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit,
sans le consentement pralable crit du Small Arms Survey ou
autrement que de la manire expressment autorise par la loi ou selon
les conditions fixes avec lorga-nisme titulaire des droits de
reprographie. Pour toute question relative la reproduction dans des
cas de figure autres que ceux numrs ci-dessus, prire de sadresser
au Responsable de la Publication du Small Arms Survey, ladresse
ci-dessous.
Small Arms SurveyInstitut de hautes tudes internationales et du
dveloppement 47 Avenue Blanc, 1202 Genve, Suisse
Rvision: Tania InowlockiTraduction : Marie-Laure Frioux
([email protected]) Relecture : Aurlie Cailleaud
Cartographie: Jillian Luff, de MAPgrafixComposition en Optima et
Palatino: Frank Benno Junghanns, Berlin
Imprim en France par GPS
ISBN 978-2-9700897-4-2
mailto:MFrioux%40aol.com?subject=http://www.mapgrafix.comhttp://www.raumfisch.de/sign
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3
propos du Small Arms Survey
Le Small Arms Survey est un projet de recherche indpendant men
au sein de lInstitut de hautes tudes internationales et du
dveloppement de Genve, en Suisse. Cr en 1999, le projet bnficie du
soutien du ministre des Affaires trangres de la Suisse et des
gouvernements de plusieurs pays: lAllemagne, lAustralie, la
Belgique, le Canada, le Danemark, les tats-Unis, la Finlande, la
Norvge, la Nouvelle-Zlande, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la
Sude. Le Small Arms Survey tient remercier les gouvernements
fran-ais et espagnol pour leur soutien pass ainsi que plusieurs
agences, pro-grammes et instituts de lONU pour leur soutien
financier au fil des ans.
Les objectifs du Small Arms Survey sont les suivants: tre la
principale source dinformations publiques sur tous les sujets
relatifs aux armes lgres et la violence arme; jouer le rle dun
centre de documentation pour les gouvernements, les dcideurs
politiques, les chercheurs et les acteurs engags dans ce domaine;
observer les initiatives nationales et internationales
(gou-vernementales et non gouvernementales) relatives aux armes
lgres ; soutenir les efforts visant attnuer les effets de la
prolifration et du mauvais emploi des armes lgres ; et servir de
forum pour lchange dinformations et la diffusion des meilleures
pratiques. Le Small Arms Survey soutient galement les initiatives
de recueil dinformations et de recherche sur le terrain, tout
particulirement dans les pays et rgions concerns par le problme des
armes lgres.
Le projet est men par une quipe internationale dexperts dans les
domaines de la scurit, de la science politique, du droit, de
lconomie, du dveloppement, de la sociologie et de la criminologie.
Lquipe travaille en collaboration avec un rseau de chercheurs,
dinstitutions partenaires, dorga-nisations non gouvernementales et
de gouvernements dans plus de 50pays.
Small Arms Survey Institut de hautes tudes internationales et du
dveloppement 47 Avenue Blanc, 1202 Genve, Suisse
t +41 22 908 5777 e [email protected] f +41 22 732 2738 w
www.smallarmssurvey.org
mailto:sas%40smallarmssurvey.org?subject=www.smallarmssurvey.org
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4 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
5
propos de lvaluation de la Scurit en Afrique du Nord
Lvaluation de la Scurit en Afrique du Nord est un projet
pluriannuel du Small Arms Survey qui soutient les acteurs engags
dans la cration dun environnement plus sr en Afrique du Nord et
dans la rgion du Sahel-Sahara. Il prpare, en temps opportun et en
se fondant sur des donnes pro-bantes, des tudes et analyses sur la
disponibilit et la circulation des armes lgres, la dynamique des
groupes arms mergents et linscurit lie. Le projet sintresse tout
particulirement aux effets locaux et transnationaux des soulvements
et conflits arms rcents de la rgion sur la scurit
com-munautaire.
Le ministre des Affaires trangres des Pays-Bas est la principale
source de financement de lvaluation de la Scurit en Afrique du
Nord. Le projet bnficie galement du soutien continu des ministres
des Affaires tran-gres du Danemark, de la Norvge et de la Suisse.
En outre, il a t aupa-ravant subventionn par les ministres des
Affaires trangres allemand et amricain.
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4 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
5
Sommaire
Liste des cartes, encadrs et tableaux . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6Liste des
abrviations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 propos de lauteur .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . 8Remerciements . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . 9
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
10
I. Lvolution de la rgion frontalire tuniso-libyenne . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . 13
Lhistoire et lvolution de la Jeffara . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
La monte conomique et politique des groupes de trafiquants . . .
. . 17
II. Les problmes de scurit en Tunisie et le conflit arm libyen .
. . . . . . . . 19
La position du gouvernement tunisien sur la rvolution libyenne .
. . 19
Les effets immdiats des rvolutions sur le trafic . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . 20
Les rfugis libyens en Tunisie et la ligne de ravitaillement sur
le front occidental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
Linscurit, linfiltration et la circulation darmes feu . . . . .
. . . . . . . . 23
III. Les perspectives de scurit en Tunisie suite au conflit arm
libyen . . . 26
La frontire tuniso-libyenne dans les incidents arms majeurs . .
. . . . 27
L'inscurit et les luttes politiques . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
Les extrmistes violents et linscurit . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . 34
La demande d'armes lgres et de petit calibre en Tunisie . . . .
. . . . . . 36
La physionomie du trafic darmes et la frontire tuniso-libyenne .
. . 40
Conclusion: les perspectives de la Tunisie dans un contexte
marqu par la fracture sociale et linscurit . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
Notes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . 52
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
60
-
6 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
7
Liste des cartes, encadrs et tableaux
Cartes1 La Jeffara et les tribus locales . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
2 Itinraires emprunts par les trafiquants darmes . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . 42
Encadrs1 Quelques lments de mthodologie . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2 La Jeffara dans lhistoire des relations tuniso-libyennes:
principaux vnements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
3 Les caches de Mdenine et de Mnihla . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . 46
Tableaux 1 Armes dorigine libyenne saisies par les forces de
scurit
tunisiennes et principaux incidents avec utilisation darmes feu
. . . 28
2 Structure du trafic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
3 Armes dcouvertes dans la cache de Mnihla . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . 47
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6 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
7
Liste des abrviations
AQMI Al-Qada au Maghreb islamique
CLPR Comits locaux de protection de la rvolution
CNT Conseil national de transition
HCR Haut Commissariat des Nations unies pour les rfugis
RPG Grenade propulse par roquette (lance-roquettes)
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8 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
9
propos de lauteur
Chercheur lInstitut de hautes tudes internationales et du
dveloppement de Genve, Moncef Kartas assure la coordination du
projet dvaluation de la Scurit en Afrique du Nord du Small Arms
Survey.
Il est titulaire dun doctorat en relations internationales de
lInstitut de hautes tudes internationales et du dveloppement de
Genve et dun master en sciences politiques, en philosophie et en
droit international de luniversit de Munich.
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8 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
9
Remerciements
Mener des recherches sur le terrain en Tunisie et en Libye sur
les questions de la scurit constitue une tche particulirement
difficile et parfois insatis-faisante. Aprs des dcennies
dautoritarisme fond sur lillusion collective de services de scurit
et de renseignements omniprsents et omnipotents, les populations et
les institutions se mfient de ceux qui posent des ques-tions. En
outre, dans la rgion frontalire entre la Tunisie et la Libye, les
rseaux tribaux qui contrlent le commerce informel et la contrebande
pen-sent devoir leur prosprit conomique au respect dun code du
silence profondment ancr, que labondance des rumeurs et la
dsinformation ne font que renforcer. En mme temps, les habitants de
cette rgion se distin-guent par leur hospitalit et leur
gentillesse.
Lauteur tient remercier toutes les personnes qui lont aid au
cours de ses voyages dans la rgion frontalire entre la Tunisie et
la Libye. Toutes resteront anonymes. Il sagit de membres
dorganisations de la socit civile, dassociations uvrant pour le
dveloppement local, de syndicats locaux, de maires et dautres
responsables locaux, de militants politiques, de journa-listes, de
gens ordinaires venus en aide aux rfugis du conflit arm libyen et
de quelques commerants et ngociants pratiquant le commerce informel
voire, peut-tre, la contrebande. Il tient galement remercier les
agents des forces de scurit et des douanes qui ont accept de le
rencontrer sous cou-vert danonymat. Nombre dentre eux ont jug cette
tude digne dintrt, ce dont il leur est particulirement
reconnaissant.
Lauteur adresse ses remerciements particuliers Rafa Tabib,
Hassen Boubakri et Michal Ayari pour leurs discussions clairantes.
Il tient ga-lement remercier Nicolas Florquin pour sa confiance en
dpit de longues priodes de silence, Matt Johnson pour ses
corrections trs pertinentes, Imne Ajala pour sa minutieuse
vrification des faits et Tania Inowlocki pour la rvision du texte,
ainsi quAlessandra Allen et Martin Field pour avoir rendu cette
publication possible. Lauteur est seul responsable des erreurs qui
pourraient subsister dans cette publication.
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10 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
11
Introduction
La Tunisie, la Libye et une grande partie du monde arabe
traversent actuel-lement des bouleversements politiques et sociaux
gnralement connus sous le nom de printemps arabe. ce jour, limmense
vague de changement qui a commenc dans la ville tunisienne de Sidi
Bouzid le 17 dcembre 2010 a mis fin aux 23 annes de dictature de
lancien prsident Zine el-Abidine Ben Ali et entran la chute de son
homologue, le dictateur Mouammar Kadhafi en Libye, tout en
dclenchant galement une srie de conflits et de transfor-mations
gouvernementales dans toute la rgion. Les rvolutions tunisienne et
libyenne nont pas seulement chang le paysage politique des deux
pays; elles ont galement eu des rpercussions sur les liens et
rseaux informels qui caractrisent depuis longtemps la rgion
transfrontalire commune aux deux nations: la Jeffara. En effet, la
rvolution de chaque pays a eu, et conti-nuera probablement avoir,
un impact profond sur lautre.
Dans ce contexte, le prsent rapport sintresse la faon dont le
conflit arm libyen et ses rpercussions ont affect la scurit en
Tunisie, notam-ment du fait de la circulation darmes feu et des
infiltrations de groupes arms. Comme il est difficile de comprendre
la circulation des armes lgres et de petit calibre libyennes en
Tunisie sans examiner de plus prs les struc-tures tribales derrire
le commerce informel et les rseaux de trafiquants dans la rgion
frontalire, nous tenterons dvaluer limpact de la rvolution libyenne
sur ces structures dans la Jeffara.
Les principales conclusions du prsent document de travail sont
les sui-vantes:
En dpit de laffaiblissement de lappareil scuritaire tunisien et
des effets continus du conflit arm libyen, lutilisation darmes feu
en rapport avec la criminalit et la violence politique est reste
relativement faible en Tuni-sie. Mme compte tenu des assassinats
rcents de deux minents hommes politiques de gauche et des
affrontements arms rguliers entre les extr-mistes violents, les
militaires et les forces de scurit la frontire tuniso-algrienne,
lutilisation des armes feu reste lexception plutt que la rgle.
En Tunisie, le trafic d'armes feu existe actuellement sous la
forme dune contrebande petite chelle. Des oprations de contrebande
plus impor-
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10 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
11
tantes ont toutefois t dcouvertes: elles sont lies aux rseaux
d'extr-mistes violents bass en Algrie comme Al-Qada au Maghreb
isla-mique qui ont infiltr le pays.
Depuis les annes 1980, les cartels tribaux contrlent le commerce
informel et le trafic darmes dans la Jeffara. Leur mainmise
continue repose sur leur position stratgique, sur des accords
informels avec le gouvernement et
Encadr1Quelques lments de
mthodologieLeprsentrapportestlefruitderecherchesdocumentairesetdeterrain.Pourlesre-cherchesdocumentaires,lesinformationsdisponiblessurlecommerceinformeletlacontrebandedanslaJeffaraonttpassesenrevue,ycomprislescomptes-rendusdesmdiassurlesvnementssurvenusaprsledclenchementdestroublespolitiquesenLibye.Lesrecherchessurleterrainonttaxessurlesprincipalesvillesetleslieuxstratgiquesdelargionfrontaliretuniso-libyenne,notammentlaJeffaraet,enparticu-lier,lesdeuxpointsdepassagefrontaliersofficielsdeRasJedirdanslenordetdeDhibaplusausud,danslemassifduNefoussa.TroislongsvoyagesdansleSudtunisienonttentreprisen2012:lafindumoisdemai,aumilieudumoisdejuinetaumilieudumoisdejuillet.LesvillesdeBenGuerdane,MdenineetTataouinetaientprincipale-mentcibles.DesvisitespluscourtesontgalementeulieudanslesvillesfrontaliresdeDhiba,RasJediretRemada.LesrecherchesonttcompltesparunesriedentretiensTripoli,enLibye,enfvrier,maietjuin2013.
Plusieursapprochesonttadoptespourlesrecherchessurleterrain:
DansleSudtunisien,lauteuraconduit35entretiensconfidentielsetconversationsnarrativesavecdesmembresdelasocitcivile,lesComitslocauxdeprotectiondelarvolution(CLPR),desresponsableslocauxetdespersonnespratiquantlecom-merceinformel(entantquerevendeursoutrafiquants).
12autresdiscussionsconfidentiellesetinformellesonttmenesavecdesdouaniers,desgarde-frontiresetdesagentsdescurit.
Lesrumeursetlesreportagesdelapressesurlacriminalitetlinscuritonttvri-fissurplacedanslargiondeSousseetdeSfaxainsiquedansleSudtunisien,afindvaluerlampleurdelusagedesarmesfeuetvrifierlexistencedetmoinsdecetusage.1
TunisetSousse,lauteuraconduit32entretiensconfidentielsavecdesspcialistes,desexperts,desjournalistesetdesmilitantsdelasocitcivile,ainsiquavecdesrepr-sentantsdesdeuxprincipauxsyndicatsdesforcesdescurit.Septdespersonnesinterviewes,quitaienttoutesmembresdesforcesdescurit,ontacceptdeprendrepartdesentretiensdesuivirguliers.
LauteuratentdobtenirdesdonnesutilesauprsduministredelIntrieurtunisiensavoir,parexemple,lenombre,letypeetlaqualitdesarmessaisiesdepuisledbutduconflitarmlibyen,lestechniquesdegestiondesstocksemployespourprotgerlesarmessaisiesetlapolitiqueofficielledegestiondesfrontiresdugouvernementtunisien.BienqueleministredelIntrieurnaitpasformellementrejetcesdemandes,lesdonnesnontpastfournies.
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12 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
13
sur leur capacit rsister aux nouveaux concurrents venus de Libye
(issus des tribus comme des milices).
Les affrontements de la Jeffara propos des itinraires emprunts
pour le trafic darmes et la reconfiguration des alliances tribales
tuniso-libyennes sont un facteur dterminant de la plus ou moins
grande intensit du trafic transfrontalier d'armes lgres et de petit
calibre.
En raison du nombre lev de rfugis libyens prsents en Tunisie y
com-pris de nombreux anciens loyalistes de Kadhafi la Tunisie
risque de se voir entrane dans les conflits tribaux persistants en
Lybie.
Le prsent rapport na pas pour but de proposer une valuation
quantitative du nombre darmes lgres et de petit calibre en
circulation et de leur dis-ponibilit. Il vise plutt valuer
qualitativement les transformations de la dynamique du trafic dans
la Jeffara depuis le dbut du conflit arm libyen. Il propose
galement une lecture analytique des caractristiques du trafic
reposant sur des donnes relevant du domaine public (cf. encadr 1).
Il sin-tresse tout particulirement aux implications des flux de
rfugis, tant du point de vue de la scurit en Tunisie que du rle
stratgique du pays dans le conflit arm libyen. Afin dvaluer
limportance gostratgique de la Jef-fara pendant et aprs le conflit
arm, nous examinerons galement les liens entre le soutien offert
aux rfugis libyens en Tunisie et les milices tribales du massif du
Nefoussa (cf. Carte 1).
Le prsent document est divis en trois grandes sections. La
premire propose une prsentation gostratgique et historique
succincte de la Jeffara et de lvolution du commerce informel et du
trafic dans cette rgion. La deuxime traite de limpact du conflit
arm libyen sur le commerce informel et le trafic dans la Jeffara.
Enfin, la dernire section dcrit la dynamique de la circulation
darmes en Tunisie suite au conflit arm libyen et analyse les
groupes pour lesquels les armes lgres et de petit calibres
reprsentent un enjeu.
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12 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
13
I. Lvolution de la rgion frontalire tuniso-libyenne
La Jeffara forme une zone triangulaire qui stend de Mareth (dans
le nord-ouest) Somrane (dans le nord-est) et de la cte libyenne du
golf Nahlut, dans le massif du Nefoussa (galement appel djebel
Nefoussa) au sud. Elle couvre un territoire de plus de 15000km
constitu principalement de plaines, bien que lune des zones
montagneuses culmine plus de 750 mtres sur son flanc sud-est.
Lhistoire et lconomie de la JeffaraLa Jeffara est reste une
rgion indtermine et contrle par diffrents chefs jusquau XIe sicle,
poque laquelle de grandes tribus envahirent la rgion et commencrent
lui confrer un caractre territorial et sociocultu-rel (Martel,
1965a). Pendant les sicles qui suivirent, la rgion bnficia dun
ordre indigne stable et calme. Au XVIe sicle, les confdrations
tribales des Ouerghemma ( louest) et des Nouayel ( lest) finirent
par dominer la Jeffara (Martel, 1965a ; 1965b). La stabilit cessa
toutefois avec larrive des colons franais la fin du XIXe sicle et
lmergence qui sensuivit de la Tunisie en tant qutat-nation moderne
domin par les lites des rgions ctires.2
La division arbitraire de la Jeffara entre les administrations
coloniales fran-aise et italienne perturba davantage encore les
systmes complexes que les tribus nomades, relativement protges de
linfluence des sultans ottomans, avaient dvelopps pour assurer leur
survie et la stabilit de la rgion (Tabib, 2011, pp. 2728).3
La Jeffara tait donc une rgion stable dont lconomie, sans tre
remar-quable, tait solide. Mais cause de sa division politique, la
rgion a vu son conomie dcliner, et cette tendance a t exacerbe par
des vnements externes, dont la Seconde Guerre mondiale et les
tensions transfrontalires entre la Libye et la Tunisie (Abdelkebir,
2003). Dans les annes 1960, le dve-loppement du secteur ptrolier
libyen commena changer les perspectives conomiques de la Jeffara.
Les envois de fonds des migrants conomiques augmentrent et le
commerce transfrontalier informel commena saccrotre
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14 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
15
AnSkhouna
I T A LI E
Dhiba
MashhadSalih
Dhiba Wazen
Jmail
ElKef
Feriana
Redeyef
Sfax
Misrata
du Cham
biMassif
AnSkhouna
du Cham
biMassif
Golfe de Gabs le de Djerba
Sicile
M e r
M d i t e r r a n e
M e r
M d i t e r r a n e
Fernana
Jendouba
Rouhia
ElKef
Gafsa
Friana
Redeyef
Mtlaoui
SidiBouzidBirAliben
Khalifa
Kbili
Massif du Nefoussa
Siliana
Ghadams
ElKsar
Tripoli
Nahlut
Dhiba
Remada
Tataouine
Mdenine
Gabs
BenGuerdane
Djerba(Houmt-Souk)
Zouara
Zarzis
Ras Jedir
Mashhad SalihTiji
MashhadSalih
Dhiba Wazen
Matmata
Mareth
AbuKammash
RigdalinJmail
Wazen
ZintanJeduTiji
Sabratha
Tunis
Tripoli
Kairouan
Sousse
Sfax
Bizerte
Kasserine
Tataouine
Mdenine
Gabs
Zouara
Misrata
N
OUAYEL
L I B Y E
TUNISIE
L I B Y ET U N I S I E
I T A LI E
ALGR
I E
OU
DE
RN
A
TO
UA Z I N E
R B AYA AD E S O U E R G H E M M A
CO N F D R AT I O N
T R I BA L E ZOUARA
0 km 100
0 km 50
Carte1La Jeffara et les tribus locales
ZOUARA
TribusdelaJeffaraPostedecontrleRgiondelaJeffaraFrontireinternationaleCapitalenationaleVilleprincipaleAutrevilleouvillage
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14 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
15
(Chandoul et Boubakri, 1991). Lorsque les tensions politiques
entre Tripoli et Tunis entranrent un resserrement des contrles
transfrontaliers (cf. encadr 2), la tribu des Touazine de Ben
Guerdane, en Tunisie, ragit en dveloppant une gamme de services
transfrontaliers au noir (Boubakri, 2001,
Encadr2La Jeffara et lhistoire des relations tuniso-lybiennes :
principaux vnements4
1881
LaFranceimposeleTraitduBardoauBeydeTunis,tablissantainsileprotectoratfranais.
1910
UntraitentrelegouvernementfranaisetledirigeantottomandelaTripolitainedlimitelafrontireentrelesdeuxterritoiresconstituantlaJeffara.LaconfdrationdesOuerghemmasallieaveclesNouayelpourluttercontreltablissementdelafrontire.
1951 IndpendancedelaLibye.
1956
IndpendancedelaTunisie.Aprsquatreannesderbellionarmeetdetroubles,notammentdanslaJeffara,lesforcesarmesetdescurittunisiennesfermentlafrontireaveclaLibye.
1974
LeprsidentHabibBourguibaetlecolonelMouammarKadhafisignentletraitdeDjerba,dontlobjectifestdaboutiruneunionpolitiqueetconomiquegraduelleentrelaTunisieetlaLibye.Bourguibachangedideetlunionchoue.
1976
KadhafisoutientunetentativedekidnappingdupremierministretunisienHediNouira.Aprslchecduplan,legouvernementlibyenexpulseplusde18000travailleursmigrantstunisiens.
1978, 1980
KadhaficommanditedeuxcoupsdtatcontreBourguibaquichoueronttouslesdeux.
1987
Le7novembre,lePremierministretunisienZineel-AbidineBenAliorchestreuncoupdtatmdicalcontreBourguiba.Entantquenouveauprsident,ilmetfinlaquerelleavecKadhafi.
1989
SignatureduntraittablissantlUnionduMaghrebarabe.LesfrontiresentrelaTunisieetlaLibyesontrouvertes.
19922004 EmbargodelONUcontrelaLibye.
2011
DesrvoltesenTunisiemarquentledbutduprintempsarabe,lequelentranelachutedeBenAlienTunisieetdeKadhafienLibye.
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16 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
17
pp. 78; Chandoul et Boubakri, 1991, pp. 16062). En collaboration
avec leurs allis libyens des tribus Nouayel, les trafiquants
Touazine crrent des entre-prises de change, des systmes informels
denvois de fonds et des rseaux de trafic dtres humains, attirant
ainsi les travailleurs tunisiens vers les mar-chs du travail plus
lucratifs de la Libye. En devenant dimportants acteurs du march
parallle des devises, ou plutt des cambistes, certains trafi-quants
Touazine ont jou le rle de financiers, apportant les capitaux qui
ont permis dautres tribus de la Jeffara de dvelopper leurs propres
entreprises de trafic (Boubakri, 2001, p.17 ; Boubakri et Mbarek,
2009, pp. 46 ; Tabib, 2011).
Lavnement du trait tablissant lUnion du Maghreb arabe en 1989
entrana louverture de la frontire entre la Tunisie et la Libye.
Trois ans plus tard, lONU imposa un embargo la Libye, ce qui eut
pour effet inattendu de faire du trafic une des principales
activits conomiques de la Jeffara tunisienne (Boubakri, 2001).
Daprs les estimations, 10000Libyens et Tuni-siens traversaient la
frontire Ras Jedir chaque jour en 2010. Un million de Tunisiens
auraient bnfici directement ou non du commerce informel avec la
Libye et la valeur annuelle de ces changes aurait dpass le milliard
de dollars amricains en 2010 (H.M., 2011). Dans ce contexte, les
rseaux de commerce informel et de trafic reposant sur les alliances
tribales entre les Ouerghemma (y compris les Touazine) et les
Nouayel stendirent rapide-ment (Boubakri, 2001; Boubakri et Mbarak,
2009; Tabib, 2011).
Tout en prenant forme, les rseaux de contrebande se se sont
structurs. Le duleb, rinterprtation moderne de lassociation
commerciale tribale, se trouve au cur des cartels de contrebande
dirigs par les cambistes Touazine; il constitue le moteur financier
de la plupart des oprations de contrebande.5 Au sein dun duleb, les
tayouts sont des personnes qui jouent un rle essentiel dans le
trafic illgal. Originaires de la tribu des Ouderna principalement,
ce sont des chauffeurs indpendants qui possdent un ou deux pick-ups
Toyota.6 La domination des cambistes Touazine de Ben Guerdane
repose principalement sur leurs ressources financires, ressources
dont dpendent les trafiquants Ouderna et ceux dautres tribus. En
outre, les grandes familles diriges par les cambistes contrlent les
rseaux dinformateurs, dagents de scurit corrompus, de banquiers
vreux, etc. autant daspects essentiels la russite de toute activit
de contrebande grande chelle. Bien que les tayouts soient libres
dagir seuls en dehors du duleb, le risque dtre arrt augmente
considrablement en labsence du soutien du rseau. En effet, le
pouvoir des rseaux de contrebande de la Jeffara est tel que lon
pourrait dire
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16 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
17
quils deviennent des cartels avec des intrts communs, qui
contrlent les prix et tiennent la concurrence lcart.
La monte conomique et politique des groupes de trafiquantsLes
cambistes ont de toute vidence t les plus grands gagnants de
lexpan-sion du trafic qui a suivi lembargo impos par lONU contre la
Libye. Les cambistes ont non seulement soutenu et financ les
cartels de contrebande, mais galement propos des services
financiers globaux aux lites libyennes. En effet, le rgime de
Kadhafi a, de faon informelle, reconnu leur rle en tant
quintermdiaires principaux pour le parti au pouvoir et les lites
mili-taires dsireux deffectuer certaines oprations: changer de
largent, ouvrir des comptes en banque ltranger et faire
lacquisition dactifs et dimmobi-lier ltranger (Tabib, 2011). Du ct
tunisien, le rgime de Ben Ali a accept et mme encourag lmergence du
cartel des cambistes Touazine dans le but de dynamiser la
croissance conomique dans le Sud tunisien. Depuis le dbut des annes
1990, le montant colossal des envois de fonds et des
inves-tissements dans lconomie locale provenant du commerce
informel et du trafic illicite a compt pour une part considrable
dans la croissance cono-mique rgionale annuelle (Boubakri et
Mbarek, 2009, p. 17).
Mais la tolrance du gouvernement tunisien pour la contrebande ne
signifiait pas pour autant que lont ait donn carte blanche aux
trafiquants. En fait, bien quinformel, laccord entre le rgime et
les tribus impliques dans la contrebande et les services financiers
tait soumis des rgles claires: le gouvernement avait interdit le
trafic darmes et de stupfiants tout en demandant une aide dans la
lutte contre les trafiquants darmes et de stupfiants venus
dailleurs.
En outre, dans le cadre de la politique de gestion des frontires
du gou-vernement, les contrles douaniers et les patrouilles
frontalires jouaient le rle de filtre-soupape. Le filtrage
permettait notamment dempcher les non-Jeffariens de pratiquer le
commerce informel et de rglementer la contrebande ainsi que la
quantit et les types de marchandises entrant et sortant
clandestinement.7 Pendant ce temps, les contrebandiers continuaient
slectionner les itinraires et les vhicules les plus appropris pour
le trans-fert des diffrents types de marchandises.8
Au milieu de lanne 2010, les membres de la famille Trabelsi (la
belle-famille du prsident Ben Ali) ont tent de rvoquer laccord
tacite entre
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18 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
19
la prsidence et les cambistes Touazine.9 Avant que le soulvement
national qui marqua le dbut du printemps arabe en dcembre 2010 ne
prenne de lampleur lintrieur de la Tunisie, la ville de Ben
Guerdane avait dj t le thtre dune semaine dmeutes pendant le
ramadan (Chourabi, 2010). Une des dispositions de laccord entre
ladministration Ben Ali et les chefs tribaux de Ben Guerdane
empchait les Trabelsi dinterfrer avec les activits des cambistes et
leur zone exclusive autour de Ben Guerdane. Les Trabelsi ont fait
pression pour que soit impos un droit dentre aux Tunisiens qui
traversaient la frontire Ras Jedir.10 Malgr la prsence de forces
armes et de scurit par milliers dans la rgion, les meutes daot 2010
ne se sont attnues que lorsque le prsident a personnellement ordonn
labolition de ce droit dentre.11 Ces vnements qui, dune certaine
faon, annonaient la rvolution tunisienne, ont mis en lumire la
vulnrabilit des acteurs du trafic jeffarien. Les grandes familles
de trafiquants de Ben Guerdane ont donc t des observateurs anxieux
de la rvolution tunisienne..
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18 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
19
II. Les problmes de scurit en Tunisie et le conflit arm
libyen
La position du gouvernement tunisien sur la rvolution libyenne
Avec le recul, il apparat clairement que les rvolutions tunisienne
et libyenne taient inextricablement lies. Avant sa destitution, le
prsident Ben Ali entretenait des liens troits avec la Libye de
Kadhafi.12 Pourtant, aprs sa chute, cest prcisment du rgime de
Khadafi quest venue la menace contre-rvolutionnaire la plus
importante, car la tentation tait forte pour ce dernier de tenter
de perturber la rvolution tunisienne (Slate, 2011a). Les mouvements
rvolutionnaires ont senti cette menace durant les premiers mois du
gouvernement tunisien provisoire ; mais, une semaine seulement aprs
le dbut du conflit arm en Libye, une nouvelle srie de
manifestations a mis fin au gouvernement de transition de Mohamed
Ghannouchi, lequel tait encore troitement li au Rassemblement
dmocratique constitutionnel, parti de lancien rgime.
Par contre, avec le nouveau gouvernement de transition dirig par
Bji Cad Essebsi, il est clairement apparu que le changement
politique en Tunisie tait une ralit. Kadhafi connu pour son
impulsivit politique tait une source de proccupation majeure pour
les nouveaux dirigeants tunisiens, qui craignaient les tentatives
de dstabilisation de la part de son rgime aux prises avec des
difficults croissantes (Jeune Afrique, 2011b). Sil choisissait de
soutenir les rebelles libyens, le gouvernement risquait de se voir
entran dans le conflit de son voisin ; sil soutenait le rgime
libyen en place, il risquait lopprobre international et des
troubles dans son propre pays. Pour finir, le gouvernement
provisoire a donc opt pour la neutralit, officiellement du
moins.
Rester passif a t un exercice prilleux pour le gouvernement qui
a d lutter pour protger ses frontires et ignorer les provocations
des forces de Kadhafi (Jeune Afrique, 2011b).13 Dans la pratique,
la position tunisienne a eu pour effet de faire de la rgion
frontalire un sanctuaire pour les deux
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20 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
21
parties en prsence dans le conflit libyen, bien que davantage
pour les rvo-lutionnaires.14 Par exemple, le gouvernement nest pas
intervenu lorsque le poste-frontire de Dhiba-Wazen est tomb entre
les mains des rvolution-naires libyens du front occidental. Comme
expliqu plus loin, les forces armes tunisiennes ont galement empch
les units loyalistes de Kadhafi de poursuivre les rvolutionnaires
sur le territoire tunisien, qui est ainsi devenu un sanctuaire
crucial pour les rvolutionnaires.
En dpit de la neutralit dclare de la Tunisie et des mesures
quelle a prises pour contrler sa frontire, le rgime de Kadhafi a
toujours considr son voisin tunisien comme une porte de sortie
(Slate Afrique, 2011b). Cela tait particulirement vrai pour les
environs de Ben Guerdane, o les cam-bistes Touazine restaient
loyaux envers leurs allis libyens, les Nouayel, qui taient des
loyalistes dvous de Kadhafi. En effet, tant que les troupes de
Kadhafi contrlaient la frontire Ras Jedir, ils ont reu du
ravitaillement en provenance de Ben Guerdane.15
Les effets immdiats des rvolutions sur le traficImmdiatement
aprs le dpart de Ben Ali, Ben Guerdane sest trouv confronte
leffondrement soudain de son conomie informelle (H.M., 2011; Hali,
2011). Le nouveau gouvernement a compltement ferm les frontires Ras
Jedir et Dhiba car il craignait les infiltrations
contre-rvolutionnaires suite la dclaration de fidlit de Khadafi au
prsident Ben Ali destitu.16 Les trafiquants de Ben Guerdane
comprirent vite quel point leurs moyens dexistence taient
vulnrables aux changements politiques soudains. La chute du rgime
de Ben Ali menaait de compromettre laccord de longue date sur la
zone exclusive dactivit. Du ct libyen, les flux tablis de longue
date entre de personnes et sortie de marchandises se sont
brus-quement trouvs inverss.
Le conflit arm libyen a non seulement invers le courant dchanges
la Libye a t contrainte dimporter du ptrole mais il a aussi cr une
demande nouvelle pour des produits de base tels que les denres
alimen-taires et les fournitures mdicales. Les stockistes de Ben
Guerdane ont profit de leur nouvelle position de fournisseurs et
dexportateurs pour augmenter les prix. Cette spculation a abouti,
au milieu de lanne 2011, une pnurie de lait dont on a beaucoup
parl. Le lait tait en effet export vers la Libye, o il tait vendu 5
7 fois plus cher quen Tunisie.17 La guerre a en effet cr des
possibilits commerciales immenses, que beaucoup ont
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20 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
21
cherch exploiter. Pendant le conflit libyen, les cartels de
contrebande de Ben Guerdane traitaient principalement avec les
grossistes libyens de Tripoli, mais aussi parfois avec ceux des
villes ctires.
Les cartels ont non seulement engrang des bnfices substantiels
grce lexportation de marchandises vers la Libye, mais ils ont aussi
profit des possibilits nouvelles offertes par larrive de rfugis
libyens dans le pays. De nombreux rfugis avaient terriblement
besoin dargent en arrivant en Tunisie, car ils navaient pas pu
accder leurs comptes en banque en Libye avant de fuir. Bien
souvent, ces rfugis vendirent ce quils ne pouvaient pas emporter
avec eux et ils apportrent le produit de la vente avec eux afin de
lchanger ou, dans le cas de lor ou dautres objets de valeur, de le
vendre au meilleur prix possible, gnralement bien au-dessous de sa
valeur relle. Les armes feu, particulirement les fusils de type
AK-47 et les pistolets, faisaient partie des objets de valeur
apports par certains rfugis libyens.18
Si les rfugis libyens avaient presque tous besoin dargent
liquide, leur situation conomique tait variable et refltait la
plupart du temps les dif-frences rgionales. Alors que les rfugis
des zones urbaines et ctires apportaient de lor et dautres objets
prcieux, la majorit des rfugis entrant par le poste de contrle de
Dhiba-Wazen (et venant du massif du Nefoussa) ntaient pas riches.
Plutt que de lor, ils apportaient des trou-peaux de chvres et de
moutons. Comme ils ntaient pas en mesure des les conserver, ils les
ont vendu aux tribus Ouerghemma pour une bouche de pain. Certains
Tunisiens ont peut-tre profit des marchs conclus avec les rfugis
libyens pendant le conflit, mais ce nest pas le cas de la majorit
de la population.
Les rfugis libyens en Tunisie et la ligne de ravitaillement sur
le front occidental Au dbut de lanne 2011, le gouvernement tunisien
sest heurt aux cons-quences logistiques et politiques de
lacceptation dun nombre considrable de rfugis venus de son voisin
en conflit. Craignant larrive de flux illi-mits de rfugis, certains
groupes de la socit civile locale notamment les Comits locaux de
protection de la rvolution ont dcid dintervenir.19 Face
laugmentation du nombre de rfugis, une srie dinitiatives de la
socit civile sont progressivement venues sajouter aux premires
actions des CLPR. Des groupes de jeunes Tunisiens, des militants et
des intellec-tuels qui avaient particip la rvolution tunisienne ont
cr des groupes
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22 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
23
de solidarit pour soutenir les rvolutionnaires libyens. Ces
groupes ont fait acheminer des marchandises dans la Jeffara pour
les rfugis.
Ces groupes ont collabor avec les CLPR pour mener bien de
nom-breuses activits, mais les tensions couvaient entre eux ainsi
quentre les groupes et la population locale. Le cas dun groupe de
24 ou 25salafistes autoproclams qui ont tent de fournir de laide et
des abris Ras Jedir la fin de fvrier 2011 constitue peut-tre la
meilleure illustration de ces tensions.20 Les rseaux salafistes
avaient collect des fonds de solidarit dans les mosques de tout le
pays, mais leur arrive la frontire sest solde par un conflit avec
les jeunes bnvoles plus sculiers de Tunis, qui ont exig quils
partent car ils naidaient quun petit sous-groupe de rfugis.21 Le
CLPR sest rang du ct des salafistes et a commenc travailler avec
eux pour hber-ger les rfugis libyens plus traditionnalistes dans
des familles daccueil tunisiennes identifies par les salafistes.
Bien que les salafistes soient partis de Ras Jedir quelques
semaines seulement aprs leur arrive, ils avaient russi tisser des
liens durables avec les rfugis libyens.
La dimension politique de laide aux rfugis est devenue vidente
trs tt dans le Sud tunisien. Connue pour ses liens troits avec le
rgime de Kadhafi, Ben Guerdane adopta avec les rfugis une dynamique
diffrente de celle de Tataouine, ville situe plus lintrieur du
pays. Les rfugis proches du rgime de Kadhafi ne traversaient la
frontire que dans la rgion de Ben Guerdane.22 Une minorit y est
reste, mme si la plupart ont pour-suivi leur route vers les villes
ctires, commencer par Gabs, puis Sfax et Sousse et enfin Tunis. Un
nombre considrable de ces rfugis loyalistes rsident toujours en
Tunisie. Bien que seulement 90 000 rfugis libyens soient
immatriculs auprs des pouvoirs publics, plus de 450000 rsideraient
actuellement en Tunisie de manire dfinitive, daprs les
estimations.23 De tels chiffres laissent supposer quun grand nombre
de rfugis restent favo-rables lancien rgime libyen.
la diffrence de Ben Guerdane, point de passage de choix des
loya-listes de Kadhafi, le gouvernorat de Tataouine, prs du point
de passage de Dhiba-Wazen, attira des rfugis plus susceptibles dtre
favorables aux rvolutionnaires. Les personnes qui traversaient la
frontire dans cette rgion venaient principalement du massif du
Nefoussa et taient originaires de tribus de langue berbre ou arabe
(Ahsan, 2011 ; Magharebia, 2011a). Environ 500000 rfugis fuirent la
Libye pour entrer dans le gouvernorat de Tataouine et plus de
200000y sjournrent dans des familles daccueil pendant la guerre.24
Les rfugis favorables la rvolution libyenne ou qui avaient jou un
rle dans son droulement et qui avaient russi fuir
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22 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
23
jusquau gouvernorat de Mdenine vitaient autant que possible de
se rendre Ben Guerdane. Il convient galement de noter que la
rpartition des rfu-gis dans le sud suivait globalement la structure
dallgeance tribale. Dans lensemble, les loyalistes de Kadhafi ont
pu compter sur le soutien de Ben Guerdane, tandis que les
rvolutionnaires du front occidental ont utilis Dhiba, Mdenine,
Remada et Tataouine comme des refuges et des bases de
ravitaillement.25
Linscurit, linfiltration et la circulation darmes feuTt dans le
conflit libyen, les loyalistes de Kadhafi reconnurent limportance
stratgique de la rgion frontalire de Dhiba-Wazen. En avril et mai
2011, plusieurs batailles ranges eurent lieu au point de passage de
Wazen, les forces de Kadhafi ayant cherch couper cet important
maillon de la chane de ravitaillement des rebelles.26 Pendant
certains de ces affrontements, des tirs et des obus touchrent la
ville de Dhiba et les autorits tunisiennes furent forces de fermer
la frontire (Barrouhi, 2011a).
Juin 2011 marqua un tournant dans le conflit: les rebelles
libyens prirent le contrle du massif du Nefoussa et de la ville
frontalire de Wazen. Pour la premire fois au cours du conflit, les
rebelles purent maintenir une ligne de ravitaillement continue sur
le front occidental, pour les livraisons darme-ment notamment. En
effet, cest par le point de passage de Dhiba-Wazen que nombre des
armes fournies par le gouvernement qatarien parvenaient aux
rebelles libyens de louest du pays.27 En outre, bien que le
gouvernement de Tunis ait dclar sa neutralit, les militaires
tunisiens supervisaient en fait la livraison darmes qatariennes la
frontire.28
Malgr leurs efforts, le gouvernement et les acteurs de la socit
civile impliqus dans laide aux rfugis et dans leur processus
dimmatriculation ntaient pas en mesure de les empcher de faire
entrer des armes lgres et de petit calibre en Tunisie.29 Chaque
jour, les garde-frontires saisissaient plu-sieurs voitures avec des
pistolets ou des fusils dassaut du type AK-47. tant donn le nombre
de rfugis qui passaient la frontire dans cette rgion 2000 en
moyenne, mais jusqu 4000 par jour et la nature informelle des
contrles effectus la frontire, il est trs probable que des quantits
impor-tantes darmes feu soient entres en Tunisie cette poque.30
Toutefois, il est galement probable que nombre des armes aient par
la suite t rendues leurs propritaires en Libye. En rgle gnrale, les
Libyens avaient tendance voyager arms et il est raisonnable de
supposer que limportation initiale
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24 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
25
et la rexportation rsultaient de cette tendance plutt que dune
tentative de contrebande manifeste.
Cela dit, le trafic darmes existait et existe encore, bien que
lampleur exacte du problme soit difficile valuer. En Tunisie, les
armes feu sont un sujet tabou et on ne les trouve donc pas sur le
march. Ce tabou explique en partie la raret relative des incidents
de violence arme dans le pays. En dehors des contrebandiers et des
cartels susmentionns, peu dentits non-tatiques sont armes en
Tunisie. Dans la Jeffara, le trafic et le commerce des armes feu se
pratiquent dans des cercles ferms uniquement, labri des regards du
public. En outre, la cohsion tribale est forte dans la Jeffara et a
pour effet de limiter la capacit des pouvoirs publics de pntrer les
rseaux de trafiquants. Il convient galement de noter que, tant donn
la taille des rseaux de duleb et le fait que seuls quelques membres
haut placs ont une solide connaissance de lampleur des activits des
duleb, les ides reues sur le trafic reposent pour lessentiel sur
des rumeurs, qui sont elles-mmes ali-mentes par dautres
rumeurs.
Dans le domaine de la contrebande, la plupart des armes qui sont
entres en Tunisie pendant le conflit libyen ont t achemines par les
membres des troupes loyalistes de Khadafi qui ont quitt la Lybie
pour assurer la scurit de leur famille. Ils avaient la fois accs
des armes et besoin dargent, soit pour aider leur famille en
Tunisie, soit pour financer le voyage vers un troi-sime pays. Ce
ntait un secret pour personne dans la Jeffara que les rseaux de
contrebande, Ben Guerdane surtout, en ont tir parti et ont accumul
des stocks considrables.31 Ben Guerdane, tout le monde sait que ces
stocks existent. Si la police cherche minimiser leur ampleur et
leur utilisation potentielle, elle affirme savoir o ils se
trouvent. Au cours dentretiens confi-dentiels, des officiers de
police ont dit avoir lintention de semparer de ces stocks de
marchandises de contrebande lors de saisies de grande envergure,
plutt quau cours de raids cibls.32
Les armes feu sont entres en Tunisie par dautres voies galement.
Les combattants religieux tunisiens, qui soutenaient certaines
milices rvolu-tionnaires en Libye, taient une source
dapprovisionnement secondaire en armes de petit calibre. La guerre
reprsentant une activit commerciale pour ces hommes, leurs armes
risquaient plus dtre utilises des fins profes-sionnelles que
darriver sur les marchs informels ou souterrains.33 Il est galement
arriv que les oprations militaires en Libye dbordent de lautre ct
de la frontire. Comme indiqu plus haut, des obus sont tombs sur la
ville de Dhiba pendant le conflit. En outre, les milices loyalistes
de Kadhafi
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24 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
25
ont pourchass les milices rvolutionnaires de lautre ct de la
frontire plusieurs reprises (Ghaith, 2011). Lors dune incursion
dont lobjectif reste inconnu les combattants ont parcouru plus de
200 km lintrieur de la Tunisie (Chivers et Sayare, 2011). En rponse
la plupart de ces incursions, les militaires tunisiens sont
intervenus et ont dsarm les deux groupes; les armes ont t restitues
aux autorits libyennes Ras Jedir, mais sans leurs munitions.34
Aprs la rvolution libyenne, le sentiment dinscurit des Tunisiens
sest renforc, principalement en raison de lmergence de petits
groupes de terro-ristes dinspiration religieuse. Plusieurs
incidents ont confirm ces craintes. En mai 2011, deux Libyens
apparemment lis Al-Qada au Maghreb isla-mique (AQMI) ont t arrts
Tataouine, dans la Jeffara. Les deux jeunes hommes avaient sur eux
des explosifs improviss (AFP, 2011a). Trois jours plus tard, la
Garde nationale a arrt un autre commando de deux hommes dAQMI qui
se cachait dans les montagnes de Nekrif (Barrouhi, 2011b). Des
bergers locaux avaient inform les forces de scurit de la prsence de
ces hommes. Probablement suite linterrogatoire des deux hommes, les
forces de scurit ont lanc des recherches plus au nord, Rouhia, et
ont dcou-vert une autre cellule AQMI, l encore avec laide de la
population locale (Barrouhi, 2011b ; Dahmani, 2011). Le groupe arm
a rsist larrestation et ouvert le feu avec des fusils dassaut,
tuant ainsi deux officiers des forces armes (Gulf News, 2012). Plus
tard, les forces de scurit ont dcouvert un certain nombre dAK-47
avec des munitions et plusieurs grenades main (Dahmani, 2011).
Dans un contexte pourtant dfavorable de troubles politiques
incessants depuis les soulvements de 2010 et 2011, la Tunisie a
connu moins dinfiltra-tions que dautres pays de la rgion
transsaharienne dans lesquels AQMI a pu trouver refuge et tablir
des camps durant ces dix dernires annes. La menace est toutefois
relle et prsente dans lesprit de nombreux Tunisiens, comme ces
incidents le montrent.
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26 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
27
III. Les perspectives de scurit en Tunisie suite au conflit arm
libyen
La chute de Kadhafi a non seulement mis fin une dictature
fermement enracine et marqu le dbut dune re dinstabilit et de
possibilits dans un des pays les plus riches de la rgion, mais elle
a galement eu et conti-nue avoir des rpercussions chez ses voisins
plus pauvres. Parmi les plus importantes, citons linvasion du
Nord-Mali par le Mouvement national de libration de lAzawad et le
groupe islamiste Ansar Dine, mene avec des armes de lancien arsenal
de Kadhafi (Nossiter, 2012 ; Conflict Armament Research et le Small
Arms Survey, 2013).
Mme si la chute de Kadhafi a eu des consquences immdiates moins
dramatiques pour la Tunisie, le pays reste politiquement instable
et la lutte pour reconstruire les institutions gouvernementales
aprs des dcennies de dictature ont laiss le pays expos et vulnrable
dautres chocs manant de la Libye. La trs grande quantit darmes
lgres et de petit calibre et dartillerie lourde en Libye, la
faiblesse relative du gouvernement central libyen (surtout face aux
brigades et milices toujours rpandues), la rsurgence des conflits
tribaux touffs depuis longtemps et la situation conomique tendue
constituent des facteurs susceptibles daffecter la scurit, lconomie
et la stabilit politique de la Tunisie.
Dans les sections qui suivent, nous analyserons les effets
actuels de la chute du rgime de Kadhafi et de son gouvernement sur
la Tunisie portant spcifiquement notre attention sur les armes de
petit calibre, le trafic et les infiltrations de groupes extrmistes
arms. La premire section retrace lvo-lution des incidents arms en
Tunisie et le long de la frontire. Dans la sec-tion suivante, nous
rflchirons lcart entre linscurit relle et perue en Tunisie dans le
contexte des luttes politiques qui y svissent actuellement. La
troisime section est consacre au rle des extrmistes violents dans
le trafic et lutilisation des armes feu. La quatrime section
examine la demande darmes lgres et de petit calibre en Tunisie dans
ce contexte. Enfin, nous terminerons en esquissant un schma global
du trafic darmes la frontire tuniso-libyenne.
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26 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
27
La frontire tuniso-libyenne dans les incidents arms
majeursDepuis la proclamation de son indpendance en 1956, la
Tunisie est demeu-re un pays pour lessentiel dpourvu de violence
arme. Aprs la rvolu-tion libyenne, toutefois, les mdias ont de plus
en plus souvent voqu des incidents lis la violence arme et au
trafic darmes, notamment au cours des derniers mois de 2011 (cf.
Tableau 1). La dtrioration rapide de la scu-rit Ras Jedir a t
particulirement inquitante. Ds la fin du conflit arm, les tensions
cet important poste-frontire se sont intensifies. Une milice
libyenne contrlant les douanes a saisi la voiture de jeunes
contrebandiers de Ben Guerdane. En reprsailles, leurs clans ont
bloqu la route de Ras Jedir en y organisant des manifestations.
Pour ouvrir nouveau la route, la milice libyenne a franchi la
frontire par la force dans plusieurs camions, en mena-ant les
douaniers tunisiens avec des armes feu (Ghanmi, 2011).
Des milices de Zouara auraient particip lattaque de Ras Jedir.
On pense aussi quelles taient lorigine dune srie dincursions dans
le terri-toire tunisien, qui ont amen les autorits tunisiennes
fermer plusieurs fois la frontire (Ghanmi, 2011; Radio Jawhara FM
Tunisie, 2011). Des problmes similaires se sont poss au point de
passage de Dhiba, o les milices berbres allies aux milices de
Zouara ont forc la frontire avec plusieurs vhicules (Magharebia,
2011c). Peu de temps aprs, un groupe arm libyen a kidnapp quatre
garde-frontires, qui ont t librs rapidement ( Tunisia Live, 2011;
Lconomiste Maghrbin, 2012). Ces incidents, conjugus aux
affrontements entre trafiquants rivaux de Dhiba et de Remada, ont
abouti un conflit entre tribus affilies. Depuis janvier 2012,
linstabilit de la scurit a entran la fermeture frquente de la
frontire, de plusieurs heures plusieurs jours (News24, 2011a-c).
Dans la Jeffara, le long de la frontire, les incidents provo-qus
par les milices et les trafiquants libyens sont devenus le lot
quotidien.35
Les affrontements de Dhiba ont galement rvl lampleur de la
puis-sance de feu la disposition des rseaux de trafiquants bass en
Tunisie. Cette plus grande disponibilit a concid avec une
augmentation de leur utilisation pour rgler les diffrends entre
rivaux. Par exemple, en avril 2012, des affrontements arms entre la
tribu des Touazine et ses rivaux Rbayaa ont clat, visiblement suite
la nomination controverse dun imam radical dans une mosque
importante de Ben Guerdane.36 Les pouvoirs publics ayant refus
dintervenir, le litige a t rgl grce lintervention des anciens
des
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28 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
29
Tableau1 Armes dorigine libyenne saisies par les forces de
scurit tunisiennes et principaux incidents avec utilisation darmes
feu*
Date/priode Lieu Contexte Source
11mai2011 UnhteldeTataouine,prsdelafrontireaveclaLibye
Deuxmembreslibyensdunecelluleterroristealgrienne(pr-tendumentAQMI)sontarrts.
Armes saisies :desexplosifs.
Barrouhi(2011a;2011b)
1415mai2011
MontagnesdeNekrif,prsdeRemada,46kmdupointdepas-sagedeDhiba-Wazen,danslegouvernoratdeTataouine
UnAlgrienetunLibyendelacelluleterroristedcouverteTataouine(cf.11mai)sontarrts.
Armes saisies
:3AK-47,desmunitions,1chargeur,1grenademainetduTNT.
AFP(2011a);Barrouhi(2011b);Kapitalis(2011b);Magharebia(2011b)
18mai2011
Rouhia,danslecentredelaTunisie,danslegouvernoratdeSiliana(envi-ron150kmdeTuniset390kmdeRasJedir)
Neufpersonnes(denationalitstunisienne,algrienneetlibyenne)reprsentantlenoyaudelacel-luleterroristedcouverteTataouine(cf.11mai)saffrontentaveclesforcesarmesetdescuritunpostedecontrleprsdeRouhia.Lchangedecoupsdefeufaitquatrevictimes:deuxofficiersetdeuxterroristes.DeuxdentreeuxsontdesmembresconnusdAQMI,WalidSaadaouietNabilSaadaoui,arrtsen2006entantquechefsdungroupeterroristedcouvertcetteanne-lSoliman.
Armes saisies
:plusde10AK-47modifies,desmunitions,desgrenadesmain,deschargeursetduTNT.
Bahri(2011);Dahmani(2011);entretiendelauteuravecunmembreduneunitanti-terroristetunisienne,lieunondvoil,juin2012
Juin2011
Mtlaoui,danslebassinminierdeGafsa(environ360kmausud-ouestdeTunis)
Unconflittribalclateetpersistependantunesemaine.Aumoins12personnessonttueset150sontblesses.Plusieursmeurentdeblessuresparballes,soi-disanttirespardesfusilsdechasse,bienquilsagisseplusvraisem-blablementdepistolets.
BabnetTunisia(2011);Jebnoun(2011);LeCorbusier(2011);MosaqueFM(2011)
-
28 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
29
Date/priode Lieu Contexte Source
1820aot2011
DanslargiondeDouz
Desmiliceslibyennesfontuneincursionavecaumoinscinqpick-ups4x4chargsdefusils.
Le Point (2011)
22septembre2011
LaMarsaetTunis
DeshommesdansuneVolks-wagenPassatproposentdesfusilsdassautetdespistoletsvendre.Ilsparviennentsenfuiravantlarrivedelapolice.
Mzioudet(2011);Rouissi(2011)
4octobre2011 1)BenGuerdane
2)Belkhir,prsdelafrontirealgrienne,danslegouvernoratdeGafsa
1)UnTunisienetunLibyendte-nantdesarmesfeudanslecoffredeleurvoituresontarrts;
2)SeptLibyenssontarrtsdansuntaxideMdenine,avecdesAK-47.
1)Kapitalis(2011a);Mzioudet(2011);2)Nidhal(2011)
Depuisdcembre2011
RasJedir
Aprsplusieursincursionsdemiliceslibyennes,leColonelMohamedJarafa,desdouaneslibyennes,rvleunaccordaveclesmiliceszouariprvoyantunreplisurplusieurskilomtresder-rirelafrontire.Ilsensuitdestensionsentretrafiquantsrivauxdesctstunisienetlibyen.
AlertNet(2011);Dermech(2012);Deshmukh(2011);Ghanmi(2011);Magharebia(2011c);MohamedetGhanmi(2011);RadioJawharaFMTunisie(2011);TAP(2012c);Wafa(2012b);Youssef(2012ac);Zargoun(2011)
13dcembre2011
DhibaetRemada
Desaffrontementsarmsontlieuentredesclansproposdesitinrairesdecontrebande.
Ghribi(2011);Tuniscope(2011)
1erfvrier2012
BirAlibenKhelifa,villeducentredelaTunisie,danslegouvernoratdeSfax
UngroupededjihadistestunisiensfaisantpasserdesarmesenTuni-sieestinterpell.Deschangesdecoupsdefeusensuivent,faisantplusieursmortsdechaquect.
Armes saisies
:plusde32AK-47et2500cartouches;moinsde10pistolets.
Shirayanagi(2012);TAP(2012a);entretiendelauteuravecdesagentsdescurit,Tunis,mai2012
-
30 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
31
Date/priode Lieu Contexte Source
Fvrier2012 Tunisie
Aucoursduneconfrencedepresse,unporte-paroleprsiden-tielconfirmequelesforcesdescurittunisiennesontdcouvertdenombreusescachesdarmesetconfisquleurcontenudepuisledbutduconflitlibyen;peudedtailssontfournis.
Armes saisies
parlesgarde-fron-tires:156fusilsdassaut,59pis-tolets,plusde500cartouches.
A.D.(2012);ShemsNews(2012a);Zribi(2012)
24fvrier2012
MontagnesentreMatmataetMareth(environ420kmausuddeTunis),danslegouvernoratdeGabs
Aprsavoirreudesrenseigne-mentsdunberger,lesforcesdescuritarrtenttroisTunisiensquifontpasserclandestinementdesarmesfeudepuislaLibyeenuti-lisantdesmulespourletransport.
Armes saisies :moinsde10AK-47etdesmunitions.
Hafez(2012);RadioJawharaFMTunisie(2012)
29avril2012 BenGuerdane
AffrontementsviolentsentredeuxtribusdeBenGuerdane(lesTouazineetlesRbayaa);unenfantestblessparuncoupdepistolet.
Algrie1(2012);BabnetTunisia(2012);Maatoug(2012);Tunis
Tribune(2012);entretiensdelauteuravecdesrsidentsdeBenGuerdane,mai2012
20juin2012
AnSkhouna,puitssitudansledsertprsdelafrontirelibyenne,mi-cheminentreRemadaetGhadams
Larmedelairtunisiennedtruittroispick-upsToyotaLandCruiserdanslesoueds(litsderiviresasschs)quitraversentleSaharatunisienoriental.
Armes saisies
:3pick-upschargsdefusilsdassautetdemunitions,ycompris:2mitraillettes,2lance-roquettes(RPG);desmissiles;desGPSetdumatrielradio.
BBC(2012);Chennoufi(2013);Euronews(2012);Magid(2012);Reuters(2012b)
8dcembre2012
Fernana,danslegouvernoratdElKef(environ180kmlouestdeTunis)
Unpick-uptransportedesarmesfeuetdesexplosifs.
L.M.(2012a)
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30 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
31
Date/priode Lieu Contexte Source
17janvier2013 Mdenine
Lesforcesdescuritarrtentunhommesouponndappartenirunrseaucriminel.Suitesoninterrogatoire,lesforcesdescuritdcouvrentunecachedarmes.
Armes saisies
:desminesanti-char,desgrenadesmain,desamorcesdegrenademain,duTNT,desdtonateurs,desmchespourexplosifs,desRPG(ycomprisdeslanceurs,desprojectilesetdeschargespropul-sives),deschargeursdetypeAK,deslunettesdeprotectionetdesmunitions(plusde1000car-touchesde9mm;plusde1000cartouchesde7,62x54).
BabnetTunisia(2013);B.L.(2013);Chennoufi(2013);Ghanmi(2013a);La
Presse de Tunisie(2013)
20fvrier2013
Mnihla,danslegouvernoratdAriana(fau-bourgdugrandTunis)
SuiteauvolparunecellulearmedunevoituredunesocitdlectricittunisiennequipedunsystmedelocalisationparGPS,lesagentsdescuritsuiventlevhicule,dcouvrentunecachedarmes,etarrtentplusieurssuspects.
Armes saisies :cf.encadr3.
Mag14(2013)
4aot2013 20kmdeBenGuerdane,gouvernoratdeMdenine
LaGardenationalearrteunpick-upaprsavoirreudesrenseignementsdelapartdersidentslocaux.
Armes saisies
:10fusilsdassautdutypeAK-47;20grenadesmain;5roquettesRPG;2mitraillettesdutypePSK;plusde1000pistoletsparalysants,desmunitions,desjumellesdevisionnocturne.
MosaqueFM(2013);Weslaty(2013)
Remarques: * les fusils de chasse et les carabines ne sont pas
inclus dans ce tableau. Les vnements ont t r-pertoris jusquau 5 aot
2013. Labsence de mention des armes saisies signifie que les
informations ntaient pas disponibles.
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32 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
33
tribus . Si ces affrontements illustrent lusage croissant des
armes feu par les cartels de contrebande, on peut galement estimer
quils mettent en lumire la reconfiguration naissante des tribus
Ouerghemma et des rseaux de tra-fiquants en gnral, comme nous le
verrons ci-dessous.
Linscurit et les luttes politiquesLinscurit le long de la
frontire tuniso-libyenne rsulte de la faiblesse des gouvernements
de Tunis et de Tripoli, et non dun conflit entre eux. Le Conseil
national de transition (CNT) en Libye et le gouvernement tunisien
changent rgulirement des informations et ont discut dun ventail de
mesures pour renforcer la scurit le long de leur frontire
commune.
En Libye, le CNT na que peu ou pas de contrle sur les milices de
Jadu, Zintan ou Zouara, et encore moins sur les milices loyalistes
de Kadhafi des Nouayel. En outre, tout de suite aprs la rvolution,
le CNT a fait appel des milices tribales berbres du massif du
Nefoussa et de Zouara pour patrouillerdans la rgion frontalire.37
Les milices tribales en place ont rsist aux tentatives du CNT
visant raffirmer son autorit. La domination de ces tribus berbres
a, son tour, contrari les Nouayel des plaines, lest de la frontire,
car ils craignent que leurs itinraires de contrebande traditionnels
vers la Tunisie leur soient refuss. Comme Khadafi jouait auparavant
un rle darbitre dans ces litiges tribaux, son absence na fait que
les aggraver.
Du ct tunisien de la frontire, la chute de la dictature de Ben
Ali et de son tat-parti a dvoil la fragilit des structures
gouvernementales, notam-ment celle des services de scurit et des
structures de lintrieur des terres et du sud du pays, des zones
dans lesquelles les structures tribales prdominent (ICG, 2012).
Lappareil de scurit tant vant de lancien rgime sest avr construit
sur lapparence, la rumeur et la peur; ses effectifs rels ne
reprsen-taient peut-tre quun tiers des estimations prcdentes 47000
hommes au lieu de 150000 et ses comptences avaient t largement
surestimes (ICG, 2012, p. 9). Pour leur part, les membres des
services de scurit ont indiqu avoir servi de boucs missaires pour
tous les maux de lancien rgime.38
En particulier, les syndicats reprsentant les forces de scurit
affirment que, comme le nouveau gouvernement navait ni remplac ni
confirm la validit de la loi numro 4 de 1969 qui rgit lemploi de
mesures coercitives et darmes feu par le personnel de scurit , les
mesures prises au cours de leurs missions taient dpourvues de
fondement lgal clair. Ainsi, une trentaine dofficiers de police ont
t inculps pour ce que le syndicat dcrit comme des applications de
routine de la loi.39 Cette incertitude ne constitue quun aspect des
tensions entre les membres du gouvernement domin par
-
32 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
33
le parti Ennahda (beaucoup dentre eux taient autrefois des
cibles des ser-vices de scurit) et les membres des services de
scurit, qui craignent que leur ancien rle ne les empche davoir une
place dans le nouvel ordre social et politique.
En raison de ces tensions, les forces de scurit se sont montres
peu disposes intervenir nergiquement contre les barrages routiers,
les ras-semblements illgaux et les manifestations violentes, ainsi
que contre les petits dlinquants. La criminalit est largement perue
comme ayant nette-ment augment. En fait la criminalit augmente
rgulirement depuis une dizaine dannes et a commenc le faire avant
la chute de Ben Ali bien quaucune statistique fiable nexiste.40En
interdisant la presse dvoquer les crimes perptrs au quotidien, la
machine censurer du rgime a maintenu la population dans lignorance
propos de ces tendances. En revanche, et le contraste est
saisissant, depuis que la presse est libre, les journaux et les
sites Web regorgent de toutes sortes de comptes-rendus sur la
criminalit, dont bon nombre sont mal documents et fonds sur gure
plus que des rumeurs. Par consquent, le sentiment de scurit peru
par le Tunisien moyen ne reflte pas ncessairement le niveau de
scurit objectif du pays.
En labsence de donnes prcises sur la criminalit, il est
impossible de savoir avec certitude si elle a augment aprs la chute
de Ben Ali. Ce que lon sait, cest que les forces de scurit ont
battu en retraite immdiatement aprs. En outre, en janvier 2012, le
prsident Moncef Marzouki a publi un dcret rduisant les peines de
prison infliges sous lancien rgime, ce qui a abouti la libration
denviron 9 000 dtenus (Hassassi, 2013 ; Espace Manager, 2012a). Ces
deux vnements conjugus ont trs probablement eu pour effet
daugmenter la criminalit ; moins de quatre mois aprs la libration
des dtenus, 6 000 dentre eux avaient rcidiv et avaient nouveau t
arrts par les services de scurit.41 Paralllement, lopposition
politique, les mdias, les associations professionnelles (notamment
les syndicats des services de scurit) et les militants libraux de
la socit civile ont amplifi le problme de linscurit en Tunisie.
Afin dvaluer ltat de la scurit en Tunisie, lauteur du prsent
rapport sest rendu dans plusieurs villages du gouvernorat de Sfax,
dont les habitants staient plaints de niveaux levs de criminalit.
Au cours de ces entretiens, les villageois ont dcrit des problmes
qui dataient en fait davant la rvo-lution comme des problmes de
scurit actuels. En outre, la plupart des incidents cits pour
dmontrer linscurit dans la rgion reposaient sur des rumeurs non
confirmes. Dautres visites organises pour la mme raison ont eu lieu
dans les gouvernorats de Mdenine, Tataouine et Sousse, avec des
rsultats similaires. Bien que les rsultats de ces enqutes ne
puissent
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34 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
35
pas tre jugs dfinitifs, il est manifeste que le sentiment
dinscurit accrue trouve sa source dans trois ralits. Premirement,
dans les petites villes et les villages du sud du pays, les
autorits nont pas rouvert les postes de police qui avaient t
attaqus et brls pendant les soulvements. Deuximement, la presse
dsormais libre abreuve les Tunisiens de comptes-rendus inces-sants
sur les barrages routiers, les manifestations violentes et la
criminalit, mme en dehors de Tunis. Troisimement, sous lancien
rgime, les forces de police taient perues comme omniprsentes et on
les craignait. Aprs la rvolution, les forces de scurit ont non
seulement disparu, mais elles ont galement perdu leur aura de
pouvoir. Mme aux endroits o les forces de scurit font nouveau des
rondes, leur prsence semble crer un sentiment de mfiance plutt que
de scurit.
Les preuves montrent que les crimes perptrs avec des armes lgres
et de petit calibre ont le plus souvent lieu dans les quartiers
dfavoriss de Tunis ou dautres centres urbains. Plusieurs banques
ont galement fait lob-jet de vols main arme.42 Lorsque la violence
clate, la population sempare gnralement de matraques, de barres de
fer, voire de fusils de chasse, plutt que darmes dassaut ou de
pistolets.43 Si les crimes main arme sont long-temps rests des
incidents isols et si la circulation des armes feu reste
rela-tivement limite en Tunisie, la violence arme augmente
depuislassassinat de Mohamed Brahmi en juillet 2013, notamment
cause des activits des extrmistes violents. Avant ce meurtre,
lincident le plus frappant au cours duquel un pistolet avait t
utilis tait lassassinat de Chokri Belad un homme de gauche
populaire, membre de lopposition, tout comme Brahmi le 6fvrier
2013.
Les extrmistes violents et linscuritImmdiatement aprs la
rvolution tunisienne et au dbut du conflit libyen, les
affrontements entre les extrmistes et le gouvernement tunisien se
drou-laient dans leur grande majorit sans que des armes feu soient
utilises (cf. Tableau 1). Les affrontements entre les islamistes
radicaux et les forces de scurit Jendouba,44 Sidi Bouzid et
Siliana45 ont fait des blesss et des cock-tails Molotov ont t
utiliss pour mettre le feu aux postes de police, aux bars et aux
htels, mais rien nindique que des civils utilisaient ou portaient
des armes feu. De mme, aucune arme feu na t utilise lorsquune foule
en colre dinspiration islamiste sest attaque lambassade amricaine
en sep-tembre 2012. La tendance sest pourtant inverse Sidi Bouzid
le 21 fvrier 2013, lorsquun change de coups de feu a clat entre les
forces de scurit et
-
34 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
35
un groupe dextrmistes violents qui staient barricads dans une
mosque (Middle East Online, 2013).
Au dbut de lanne 2012, des groupes radicaux arms ont fait des
incur-sions sur le territoire tunisien. En rponse, les forces de
scurit y compris les militaires ont ratiss la rgion de la frontire
tuniso-algrienne, o les incursions avaient t dtectes. Le nombre de
petits incidents a augment tout au long de lanne 2012 et les
affrontements arms ont commenc vers la fin de lanne. la fin de
lanne 2012, les autorits tunisiennes ont appa-remment pris
lavantage grce leur services de renseignement qui sont parvenus
localiser une srie de cellules terroristes et de caches darmes
(Mag14, 2013). Ces succs nont toutefois pas limin la menace et les
affron-tements arms sont devenus rguliers. Dans les gouvernorats de
Kasserine et dEl Kef, les services de scurit ont pay le prix fort
lors daffrontements de mme nature, les oprations visant dmanteler
des camps de terroristes dans le massif du Chambi (sur la frontire
algrienne, ct de Kasserine) ayant fait beaucoup de blesss (Khilfi,
2013).
La violence arme a atteint son point culminant le 29 juillet
2013, lorsque huit soldats ont t brutalement tus dans le massif du
Chambi (Khilfi, 2013). Les tensions staient fortement amplifies
lorsque lhomme politique de gauche Mohammed Brahmi avait t assassin
le 25juillet, dans une situa-tion similaire celle qui avait cot la
vie Chokri Belad en fvrier (Tunisia Times, 2013). Il sen est suivi
une srie darrestations de membres de cellules terroristes, suite
aux renseignements obtenus au cours des interrogatoires mens aprs
larrestation dun suspect (Weslaty, 2013 ; MosaqueFM, 2013).
Lopposition a fait part de ses doutes quant ces enqutes et a dduit
des lments dont elle disposait que la srie soudaine darrestations
tait en fait une tentative visant calmer la population et mettre en
avant la capacit des services de scurit.
Comme on peut sy attendre, la plupart des activits terroristes
de grande envergure en Tunisie sont lies des groupes dextrmistes
bass en Algrie, notamment AQMI.46 Il semble y avoir deux raisons
cela. Premire ment, les groupes algriens possdent lexprience, les
comptences et lesres sources ncessaires lacquisition darmes, leur
transport et lorganisation des oprations. Deuximement, la
population tunisienne est en gnral moins favorable aux buts et
mthodes de ces groupes dextrmistes et moins tol-rante envers eux.
Mme si des groupes lis aux Algriens taient actifs (ou tentaient de
ltre) en Tunisie avant la rvolution, le pays ne constituait pas un
terrain propice pour quoi que ce soit dautre que le recrutement.47
Ainsi, bien que lon dnombre des Tunisiens au sein de groupes
dextrmistes tels
-
36 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
37
quAQMI, les vises de ces organisations et le soutien quelles
reoivent sont principalement algriens ou transsahariens, et elles
disposent de quelques bases dans lest et le sud de la Libye.
Labsence de base tunisienne est ga-lement un lment important
permettant de comprendre les caractristiques du trafic.
La demande darmes lgres et de petit calibre en TunisieLes
terroristes et les salafistes djihadistes autoproclams sont les
groupes les plus susceptibles de rechercher des armes feu en
Tunisie. Bien que ces groupes naient ce jour manifest que peu
dintrt apparent pour lorga-nisation dattaques dans le pays, leur
prsence est trs visible dans les quar-tiers dfavoriss des
principaux centres urbains de la cte, dans lintrieur du pays et
dans le sud. La Tunisie postrvolutionnaire est devenue, daprs de
nombreux experts des mouvements islamiques, un espace public sr
pour les organisations islamistes et les prdicateurs islamistes
radicaux.
Les extrmistes violents et les salafistes autodclars.
Lorganisation de salafistes en milices armes et groupes terroristes
fait lobjet de nom-breuses conjectures dans la population. Par
exemple, daprs un article du journaliste franais bien connu Nicolas
Beau, entre 10000 et 12000 hommes affilis au parti Ennahda au
pouvoir ont t entrans dans des camps Khledia, Mdenine et Tataouine,
bien que cette assertion ne repose sur rien de plus que la rumeur
(Beau, 2012). Les mdias et le public nont pas fait la distinction
entre le camp dune cellule terroriste et un camp dentrane-ment et
emploient ces deux expressions indiffremment bien quaucun des camps
dcouverts nait t destin lentranement de nouvelles recrues.48 En
effet, tous les camps dcouverts se trouvaient proximit de frontires
ou de villages, dans des lieux o lentranement lutilisation darmes
feu ou dexplosifs aurait certainement attir lattention.
Pour effectuer une analyse plus pousse des menaces potentielles,
il est utile de faire la distinction entre les groupes qui sont
catalogus ensemble sous le label de salafisme. Ils peuvent
gnralement tre diviss en deux mouvances: les quitistes et les
djihadistes (ICG, 2013). La majorit des salafistes de Tunisie
appartiennent la mouvance quitiste et puisent leurs racines dans le
salafisme non violent. Ces salafistes ont recours la prdication et
laction sociale pour encourager la population devenir de bons
musulmans.
Les djihadistes se proccupent moins des individus et concentrent
leurs efforts sur la transformation de ltat en une organisation
politique domine
-
36 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
37
par les principes religieux, comme un califat. Bien quils
soutiennent ido-logiquement le combat arm (quital),49 ils
considrent la Tunisie comme une arth el dawa (terre de prdication).
Cest peut-tre la raison pour laquelle les mouvements djihadistes
mondiaux ont ce jour manifest peu dintrt pour lorganisation
dattaques terroristes ou dinsurrections armes en Tunisie. Au lieu
de cela, la Tunisie peut tre considre comme un nouvel espace public
partir duquel diffrents prdicateurs, penseurs et enseignants de la
doctrine islamique diffusent leur message dans tout le Maghreb et
le Sahel. Ainsi, les chefs des djihadistes occupent un espace
social non rempli par ltat ou ses organes (ICG, 2013). Lhtrognit
des salafistes djihadistes peut contribuer la confusion entre les
salafistes quitistes, les djihadistes qui accordent la priorit la
dawa et les djihadistes engags dans le combat arm.
Sous Ben Ali, les forces de scurit tunisiennes dtenaient plus de
2000salafistes djihadistes connus en garde vue. Daprs les
estimations, 350 dentre eux taient actifs dans des organisations
terroristes et avaient reu un entranement militaire dans des camps
en Afghanistan, en Algrie ou ailleurs.50 Aprs la chute de lancien
rgime, nombre de ces hommes ont t librs et de nombreux autres sont
rentrs dexil. partir daot 2012, les forces de scurit tunisiennes
ont estim 500 le nombre djihadistes disposant dun entranement ou
dune exprience militaire prsents sur le territoire tunisien. En
comparaison avec les autres salafistes, ces djihadistes forms au
combat sont des extrmistes violents lis des groupes comme AQMI en
Algrie et en Libye, plutt qu des groupes de Tunisiens autoch-tones.
Cela dit, ils sont beaucoup plus clairement lis aux activits de
trafic darmes sur le territoire tunisien. Les cellules terroristes
dcouvertes Bir Ali ben Khalifa, dans le massif du Chambi, et Rouhia
sont indubitablement rattaches cette mouvance violente du salafisme
et lon peut raisonnable-ment estimer quelles reprsentent une menace
claire pour le gouvernement tunisien (cf. Tableau1).51
Le gouvernement semble tonnamment confiant quant la prsence, aux
activits et la menace apparente que reprsentent ces groupes en
Tunisie; chaque agent de scurit interview dans le cadre de cette
tude a insist sur le fait que tous ces groupes taient observs de
prs, que les forces de scurit matrisaient la situation et quelles
pouvaient arrter tous les membres des groupes salafistes
djihadistes sur ordre du gouvernement. Certains agents de haut rang
ont mme insinu que la situation actuelle permettait de mieux
connatre les cellules et rseaux de terroristes, car beaucoup se
sentaient assez libres de leurs mouvements et de leurs activits en
Tunisie.
part les salafistes djihadistes disposant dun entranement
militaire, la plupart des adhrents cette mouvance salafiste sont
des jeunes qui se sont
-
38 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
39
rallis des chefs et des prdicateurs salafistes charismatiques
plus gs, dont bon nombre ont acquis une exprience hors de Tunisie.
Ces jeunes sont pour la plupart issus des quartiers dfavoriss
entourant les grandes villes ou de centres urbains plus petits.
Lorganisation de ce type de groupes sala-fistes djihadistes semble
relativement horizontale ou fonde sur les relations de rseau,
contrairement aux groupes reposant sur des hirarchies verticales.
En outre, une partie importante de ces groupes salafistes
djihadistes est organise par danciens ou dactuels criminels, dont
bon nombre ont pris les atours religieux du salafisme pour masquer
leurs activits criminelles, bien que certains se distancient de
leurs activits passes.
Ces salafistes djihadistes ont attir lattention du public grce
des mani-festations violentes comme les meutes de Jendouba, de Sidi
Bouzid et de Tunis, qui ont bnfici dune large couverture mdiatique.
Les Tunisiens per-oivent ces groupes hybrides de criminels et de
jeunes fauteurs de troubles comme faisant partie dAnsar al Sharia
(les partisans de la sharia) en Tunisie, un mouvement salafiste
djihadiste dirig par le cheikh Abou Iyadh, ancien militant
salafiste djihadiste ayant des liens avec Al-Qada (Kapitalis,
2012c).52 Daprs les estimations, ces salafistes djihadistes
non-militants seraient entre 8 000 et 14 000, selon les sources et
les mthodes de catgorisation.53
Il est important de comprendre que les groupes salafistes et
djihadistes nont que peu de choses voir avec la conception de type
institutionnelle dune organisation dote dune hirarchie rglemente et
dune base de membres claire. Des groupes tels quAnsar al Sharia
devraient plutt tre vus comme des rseaux tisss et convergeant
autour de personnes et cellules cls. Ainsi, les allgeances
multiples sont la rgle plutt que lexception.54 Un partisan dun
mouvement salafiste quitiste peut tre actif dans un groupe
djihadiste engag dans la prdication et, en mme temps, collaborer
avec une cellule dextrmistes violents. En Tunisie, en dpit de leur
identit fluide, la plupart des djihadistes croient que le chemin
qui mne lIslam politique est celui de la non-violence.
loppos des extrmistes violents, les partisans des salafistes
djiha-distes nont pas utilis darmes feu au cours de leurs
affrontements avec les services de scurit. Malgr leur participation
certaines oprations trs mdiatises notamment les manifestations et
lattaque contre lambassade amricaine un seul cas dutilisation
darmes feu peut tre attribu ces groupes, celui de Sidi Bouzid (cf.
Tableau 1). Au lieu des armes feu, ces groupes se servent de
couteaux, de matraques, dpes, de carabines air comprim et darmes
incendiaires improvises (cocktails Molotov) pendant leurs actions
violentes. Bien quils naient pas la rputation davoir utilis des
armes feu, certains de ces groupes seraient en train de constituer
des caches
-
38 SmallArmsSurvey Document de travail 17 Kartas Sur le fil ?
39
importantes darmes lgres et de petit calibre, notamment dans les
quartiers dfavoriss de Tunis.55 Comme ils ont galement t associs la
contrebande avec la Libye et lAlgrie (ferraille, drogue et alcool,
notamment), il est assez probable que ces groupes possdent des
armes lgres et de petit calibre.
Si ces groupes ont effectivement des caches darmes, le fait
quils naient jamais t observs en public avec des armes feu indique
quils sont trs disciplins et en mesure de matriser les niveaux de
violence et descalade.La plupart des experts en scurit consults
dans le cadre de cette tude esti-ment que ces groupes parviennent
garder leurs armes feu hors de vue jusqu ce que le bon moment
arrive soit pour se dfendre en cas de des-cente des forces de
scurit, soit pour organiser des attaques contre le public et les
installations touristiques quand ils auront rassembl des effectifs
suf-fisants. Le retour des combattants tunisiens de Syrie proccupe
vivement ces experts.56 Le conflit syrien a en effet donn aux
prdicateurs loccasion de recruter de jeunes Tunisiens, de les
radicaliser et de les envoyer en Syrie par le biais de rseaux
organiss.57 leur retour en Tunisie, ces djihadistes seraient non
seulement entrans mais galement aguerris, contrairement aux autres
salafistes. Qui plus est, ils auraient des liens avec les
trafiquants darmes dAfrique du Nord et du Moyen-Orient.
Le 27 aot, le gouvernement tunisien a officiellement class Ansar
al Sharia parmi les organisations terroristes en raison de liens
avrs avec les assassinats de Chokri Belad et Mohammed Brahmi et des
relations quelle entretient avec les terroristes agissant dans le
massif du Chambi. Cette prise de position du gouvernement permettra
sans doute de confirmer ou dinfir-mer les craintes des experts
susmentionns.
Tribus et clans en litige. La demande darmes feu au sein des
clans tribaux de la Jeffara, ainsi quau centre du pays et dans le
bassin minier autour de la ville de Gafsa, semble moins prononce
que chez les extrmistes violents et les salafistes autodclars. Au
cours des affrontements tribaux de 2011 et 2012, les clans en
guerre ont utilis des armes feu. Ces affrontements ont fait
plusieurs morts et beaucoup de blesss.58
Les civils sarment pour se protger. Daprs certains observateurs,
la nature fragmentaire de lessentiel du trafic darmes actuel en
Tunisie pourrait tre en partie due la demande darmes provenant de
civils dsireux de sarmer en rponse au sentiment gnralis dinscurit.
Selon certaines sources non confirmes, par exemple, les fermiers et
dautres personnes vivant dans des endroits reculs o la prsence de
la police est limite achtent des fusils dassaut pour remplacer
leurs fusils de chasse.59 tant donn laugmentation
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du nombre darmes en la possession des criminels et des groupes
tribaux, la Tunisie court un grand risque daggravation relle de
linscurit sur son territoire. Comme la not un membre des forces de
scurit sous couvert de confidentialit: Les armes feu taient un
tabou social en Tunisie. Les Tunisiens ne sont pas habitus [vivre]
avec des armes feu. [Les choses] pourraient donc empirer trs
facilement.60
La physionomie du trafic darmes et la frontire
tuniso-libyenneDans le paysage gostratgique rgional actuel, la
Tunisie reprsente un march priphrique pour les armeslgres et de
petit calibre. Les conflits proches, en Afrique sub-saharienne et
dans tout le Moyen-Orient, ont aug-ment la demande dans les pays
touchs, alors que la Tunisie est reste rela-tivement pacifique et
stable. Si le march des armes en Tunisie est trs proba-blement
rduit, le trafic darmes feu peut mettre en pril la scurit du pays.
Les vnements de Soliman en 2006 et les affrontements entre des
groupes dextrmistes et les forces de scurit sur le sol tunisien
depuis le dbut de la rvolution libyenne montrent que mme un petit
nombre darmes peut avoir un effet dstabilisant.61
La fin du conflit arm libyen a eu un impact considrable sur le
commerce informel et le trafic dans la Jeffara. La demande a
augment des deux cts de la frontire, surtout pour les denres
alimentaires de base, les commer-ants ayant cherch maximiser leurs
bnfices (Business News, 2012b ; I.B., 2012b). Linstabilit des
gouvernements des deux cts de la frontire a renforc lemprise des
grands cartels de contrebande, lesquels ont profit du vide laiss
par le retrait des services de scurit et ont us de ce pouvoir
nou-vellement acquis pour protger leurs activits des concurrents
plus petits.63 Pendant ce temps, de nouveaux marchs lucratifs
(alcool, drogue, prostitu-tion, etc.) se dveloppent en Libye.64
Comme on peut le voir dans le Tableau 2 et sur la Carte 2, on
peut dis-tinguer diffrents aspects de la physionomie du trafic
darmes propres ces quatre zones frontalires. Nous analyserons
chacune delles plus en dtail dans le reste de cette section.
La rgion frontalire de Ben Guerdane Les cartels de Ben Guerdane
se trouvent confronts des incertitudes pr-occupantes. La fin du
rgime de Kadhafi a isol les Nouayel, les principaux allis des
Ouerghemma en Libye (Tabib, 2011; Boubakri, 2001). En Tunisie,
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Tableau2 La physionomie du trafic
Zone frontalire Physionomie du trafic
Ben
GuerdaneDeRasJedir,auxpiedsdumassifduNefoussa,lafrontiretuniso-libyenne
LetraficestcontrlparlescambistesdeBenGuerdane,quidominentlecommerceinformel.
Pendantleconflitarm:quandarriveunevaguedeloyalistes,lestrafiquantsachtentleursarmes.
Aprsleconflit:oprationsdecontrebandeponctuellespetitechelle.
Commercedefourmi.
Dhiba-WazenDanslemassifduNefoussa,lafrontiretuniso-libyenne
LestrafiquantsdeRemadaetdeDhibaencooprationaveclestrafiquantsdumassifduNefoussa(deNahlutprincipalement).
Aprsleconflit:unevaguedelivraisonsenprovenancedeNahlut.
Contrebandepetitechelle(chargementdunpick-up4x4aumaximum).
Commercedefourmi.
Sud du massif du
NefoussaDupiedsuddumassifduNefoussaGhadams,lafrontireentrelaTunisie,laLibyeetlAlgrie
OprationsdecontrebandeponctuellesmenespardesgroupesviolentscommeAQMIetalMuaqioonBiddam(Ceuxquisignentavecleursang).
Ghadams-GhatlafrontireentrelaLibyeetlAlgrie
Oprationsdecontrebandeponctuellesmenespardesgroupesviolents(alMuaqioonBiddam,parexemple)encollaborationavecdestribustouaregs.62
Traficdarmesdeschellesvariesetdansdesquanti-tsvaries.
Commercedefourmi(trocpratiquparlesTouaregs).
des groupes rivaux saffrontent, comme ce fut le cas Ras Jedir et
Dhiba, dans le cadre dune lutte entre rseaux de trafiquants pour
affirmer leur suprmatie et sapproprier une partie du pouvoir
autrefois dtenu par les services de scurit (Tabib, 2012; North
Africa United, 2012; Reuters, 2012a). En mme temps, en Libye, les
tribus de langue berbre et arabe du massif du Nefoussa ne se
satisfont plus du rle dintermdiaire quelles ont jou jusque l et
crent leurs propres rseaux avec leurs allis tribaux de la Jeffara
(Tabib, 2012).65
Du ct libyen, diffrents groupes contrlent des secteurs varis qui
relient Ben Guerdane Tripoli, bien quil semble que les brigades de
Zintan soient la force dominante dans la rgion. Le poste frontalier
de Ras Jedir est contrl par un comit de scurit denviron 500hommes,
essentiellement
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Jmail
ZintanJeduTiji
Sabratha
AbuKammash
MatmataMareth
Massif duNekrif
Me r
M d i t e r r a n e
Golfe de Gabs
AnSkhouna
le deDjerba
du C
hambiMassif
Tunis
Tripoli
Fernana
Jendouba
RouhiaKairouan
ElKefSousse
Bizerte
Kasserine
Gafsa
Friana
Redeyef
Mtlaoui
SidiBouzid
SfaxBirAlibenKhalifa
Nahlut
Remada
Tataouine
Mdenine
Gabs
BenGuerdane
Kbili
Djerba
Zouara
M a s s i f d u N e f o us s a
Zarzis
Siliana
Ghadames
ElKsar
Ras Jedir
MashhadSalihTiji
Dhiba Wazen
I T A L I ESicile
L I B Y E
T U N I S I E
ALGRIE
Carte2 Itinraires emprunts par les trafiquants darmes
Itinrairesempruntsparlestrafiquantsdarmes BenGuerdane
DhibaWazen
GhadamesGhat
Suddumassif duNefoussa
Commerceinformel
Postedecontrle
RgiondelaJeffara
Frontireinternationale
Capitalenationale
Ville