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LeMonde Job: WMQ0206--0001-0 WAS LMQ0206-1 Op.: XX Rev.:
01-06-00 T.: 11:09 S.: 111,06-Cmp.:01,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100
No: 0355 Lcp: 700 CMYK
56e ANNÉE – No 17216 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE
FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE
COLOMBANIVENDREDI 2 JUIN 2000
Côte-d’Ivoire, 900 F CFA ; Danemark, 15 KRD ;Espagne, 225 PTA ;
Gabon, 900 F CFA ; Grande-Bre-tagne, 1 £ ; Grèce, 500 DR ; Irlande,
1,40 £ ; Italie, 3000 L ;Luxembourg, 46 FL ; Maroc, 10 DH ;
Norvège, 14 KRN ;Pays-Bas, 3 FL ; Portugal CON., 270 PTE ; Réunion,
10 F ;Sénégal, 900 F CFA ; Suède, 16 KRS ; Suisse, 2,20 FS
;Tunisie, 1,4 Din ; USA (NY), 2 $ ; USA (others), 2,50 $.
www.lemonde.fr
VENDREDI 2 JUIN 2000
SUPPLÉMENT AU MONDE DU VENDREDI 2 JUIN 2000. No 17216 -
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : JEAN-MARIE COLOMBANI - IMPRIMERIE LE
MONDE
KAFKA DANS LE CHÂTEAU DE LA PURETÉRomans, courts récits,
extraits des journaux : mystère d’une identité indissociable de
l’écriture p. III
L’INFORMATION, UN BIEN COLLECTIF ?La nature économique de la
presse,par Patrick Le Flochet Nathalie Sonnac p. X
SÉLECTIONLa listedes « poches »parus en mai p. XIII à XV
EXPOSITION
HanovreuniversellePremier rendez-vous du XXIe siècle oudernier
du XXe, l’exposition universellede Hanovre (photo) ouvre ses portes
aupublic jeudi 1er juin. Les pavillons des190 pays et organisations
qui parti-cipent à cette manifestation tententd’illustrer, avec
plus ou moins de bon-heur, le thème choisi par les organisa-teurs
allemands : « Hommes, nature,technologie, un monde nouveau se
faitjour ». p. 19
LE MONDE DES LIVRESLE MONDE DES POCHES
a Au sommaire :Cingria, Kafka,Christa Wolf,les poches de
mai...
AF
P
Quelles noSA FAMILLE a vu le jour sur T
Femmes pasteurs
L’Europefranco-allemande
L’ALLEMAGNE et la France
Afrique : la guerre des diamantsb Après le pétrole et l’or, les
diamants sont devenus un enjeu de guerre en Afrique
b En Angola, au Congo Kinshasa et en Sierra Leone, ils jouent un
rôle majeur dans les conflitsb Freetown, Anvers, Tel-Aviv:
l’enquête du «Monde» raconte les filières des «diamants de
sang»
Faux électeursde Parisa Philippe Séguin
LA COMMUNAUTÉ internatio-nale commence à se mobiliser
quiète l’ONU, qui a déjà menéune longue enquête sur le rôle
du
pour tenter de réglementer lecommerce du diamant. Elle en-tend
ainsi toucher au « nerf » desguerres qui ravagent l’Afrique.
EnSierra Leone, les bandes du RUF,le mouvement rebelle de
FodaySankoh, installées sur les gise-ments les plus productifs du
pays,vivent de la contrebande de dia-mants.
En Angola, l’Unita, le mouve-ment de guérilla de Jonas Savimbien
conflit depuis des années avecle gouvernement central, a, grâceau
diamant, les moyens d’entrete-nir une véritable armée. En
Répu-blique démocratique du Congo(RDC, ex-Zaire), pouvoir
central,armées étrangères, amies ou en-nemies, mouvements de
rébelliondivers ont dépecé le territoire etvivent de l’exploitation
des res-sources minières – et notammentdiamantifères – d’un des
paysdont le sol est qualifié de « scan-dale géologique » tant il
est riche.Le diamant nourrit la guerre, s’in-
uvelles de la tortue luth, paisible géante derre avant 1993,
systématiquement identifié les fe-
melles. Ils les ont guettées nuit après nuit,ses 400 k
Pour raisongarder, vivepar Georges Charp
ANS un futur qui, àplus ou moins long
commerce du diamant dans laguerre civile angolaise. Le dia-mant
entretient et suscite nombredes conflits qui mettent l’Afriqueà feu
et à sang. Le Monde racontecomment se sont mises en placedes
filières clandestines qui, viades intermédiaires libanais,
ache-minent les pierres précieuses surles deux plus grands marchés
dumonde, Anvers et Tel-Aviv. La de-mande est forte, pour cause
decroissance aux Etats-Unis, en Asieet en Europe ; les marchés
sontpeu regardants sur l’origine despierres.
Les contrôles sont faibles, quidevraient permettre de limiter
lecommerce clandestin. La Grande-Bretagne veut les renforcer
etproposera un code de bonneconduite au sommet du groupedit des
pays les plus industrialisés(le G 8) en juillet au Japon.
Lire page 2et notre éditorial page 13
propose unerévision complètedes listes électorales
a Le candidatde la droite invoque« l’exigence de clarté » dans
la capitale
a Le député VertNoël Mamèrerappelé à l’ordrepour avoirmis en
causeJacques Chirac
Lire pages 6 et 7
ENQUÊTE
Les sœursdu CAC 40Elles sont vouées corps et âme à la
cé-lébration de la gloire de Dieu. Elles sonttoujours habillées
sobrement, dans lestons blanc, noir ou gris. Ce sont les
re-ligieuses. Elles ont des inquiétudespour leurs retraites. Elles
sont doncparties à l’assaut du CAC 40. p. 11
es mers ? ilos, peut filer à près de 50 kilo-
les dinosaures. Elle a survécu à des cata-clysmes cosmiques ou à
d’importants chan-gements climatiques et pourtant, en l’espacede
quelques décennies seulement, la tortueluth, la plus grande, la
plus lourde et la plusmenacée des tortues marines, disparaît debien
des plages tropicales où elle avait l’habi-tude d’enfouir ses œufs
dans la couveuse na-turelle qu’est le sable chaud. En 1982,
oncomptait 115 000 femelles adultes dans lemonde. Ce chiffre est
tombé à 34 500 en 1996et cette courbe descendante paraît
inexo-rable...
C’est surtout dans l’océan Indien et dans lePacifique que les
populations sont en chutelibre, comme le rappellent les auteurs
d’uneétude publiée dans l’hebdomadaire scienti-fique américain
Nature du 1er juin. Ainsi,écrivent-ils, « les tortues luths ont
disparud’Inde avant 1930, décliné presque totalementau Sri Lanka et
sont passées, en Malaisie, deplusieurs milliers à deux individus en
1994 ».
Ces chercheurs américains, qui travaillentau Costa-Rica sur le
quatrième site de repro-duction au monde de ces reptiles, ont,
depuis
lorsqu’elles sortaient de l’onde noire pourpondre plusieurs
dizaines d’œufs, et les ontmunies d’étiquettes magnétiques, afin de
dé-terminer combien de tortues pondaientchaque année et combien
revenaient les an-nées suivantes. En 1988-1989, 1 367
femelless’étaient péniblement sorties de l’eau pourenfouir leurs
œufs sur le site costa-ricien dePlaya Grande. Dix ans plus tard,
ellesn’étaient plus que 117. Les tortues luths nesont pas parties
ailleurs pour autant : dessurvols aériens réguliers des côtes
d’Amé-rique centrale et d’Amérique du Sud n’ontrévélé aucun nouveau
site de ponte impor-tant.
Si disparition de ces mangeuses de mé-duses il y a, c’est très
probablement dû à l’ac-tivité humaine, estiment les auteurs
del’étude. Et, curieusement, ce n’est pas àterre, où, tel
l’albatros de Baudelaire extirpéde son élément de prédilection, la
tortue luthse traîne gauchement en victime facile, quele massacre
s’effectue le plus. C’est en hautemer que cette nageuse hors pair,
qui, malgré
POINT DE VUE
mètres à l’heure, se fait « bêtement » captu-rer dans les filets
des pêcheurs du Pacifique,qu’ils soient asiatiques,
latino-américains ouhawaïens. On estime qu’au cours des an-nées 90
1 500 tortues luths femelles ont ainsiété prises dans ces
implacables mailles.
L’article de Nature n’est pas optimistepour l’avenir de ces
paisibles animaux, dontla carapace carénée et sans écailles peut
évo-quer le luth, l’instrument de musique préférédes poètes. Selon
les projections que ses au-teurs ont effectuées, le site étudié ne
verraplus pondre que 50 femelles en 2003-2004,un chiffre
insuffisant pour que l’espèce seperpétue, étant donné le taux de
mortalitéactuel. Seule l’incubation artificielle de bébéstortues,
la protection totale des plages – cequi signifie en clair leur
fermeture au pu-blic – et, surtout, la réforme des pratiques
depêche dans l’océan Pacifique peuvent empê-cher qu’un jour la
tortue marine géante nedisparaisse de notre planète. Cela
seraittriste. Et pas seulement pour la tortue.
Pierre Barthélémy
a sont parvenues à un accordde principe sur la réforme des
ins-titutions européennes, selon lesinformations obtenues par
notrecorrespondant à Berlin. Cet accordporte sur la pondération des
voixau Conseil européen, les votes àmajorité qualifiée, les
coopéra-tions renforcées ou la nominationdes commissaires
européens. Il de-vrait permettre à Paris et à Berlinde faire
pression sur les autrespays de l’Union afin d’obtenir uneréforme
des institutions fin 2000,au sommet européen de Nice. Lesommet
américano-européen deLisbonne a d’autre part permis derelativiser
les différends entre lesEtats-Unis et l’Union européenne.
Lire page 4 et l’analysede Daniel Vernet page 13
International ............. 2France ..........................
6Société .........................
8Carnet........................... 10Abonnements ............
10Horizons....................... 11Entreprises .................
14
Communication ........ 15Tableau de bord ........ 16Aujourd’hui
................ 19Météorologie, jeux ..
22Culture......................... 23Guide culturel............
25Radio-Télévision....... 26
FESTIVAL
Aller à Vienne,oui et non« On ne peut pas punir ceux qui
neveulent pas de Haider », déclare auMonde Luc Bondy (photo),
directeurde la section théâtre du Festival deVienne. En revanche,
Patrice Chéreau,estimant qu’on « est en train d’oublierce qui se
passe en Autriche », renonceà participer au Festival de Salzbourg,
ceque déplore son directeur, Gérard Mor-tier. Ces positions
reflètent les débatsqui traversent l’intelligentsia autri-chienne.
p. 23
RE
INH
AR
D W
ER
NE
R
nucléaire le DARI !
akextraordinairement sensible. On
D terme, est menacédu tarissement des
ressources énergétiques baséessur le charbon ou le pétrole, il
estnormal que de grands espoirsaient été fondés sur l’énergie
nu-cléaire. Mais la production mas-sive de corps radioactifs
artificielsqui accompagne cette formed’énergie soulève aujourd’hui
desinterrogations et des inquiétudesquant aux dangers présentés
parl’adoption massive de cette sourced’énergie.
Le problème majeur à présentpour l’industrie nucléaire est
demontrer qu’elle est capable de gé-rer, de façon satisfaisante
pour lesgénérations à venir, les déchets ra-dioactifs des centrales
nucléaireset de maintenir à zéro les risquesde catastrophes type
Tchernobyl.
Il est essentiel de prendre encompte l’irradiation à
laquellesont soumis les humains, indépen-damment de l’énergie
nucléaire, etc’est là qu’apparaissent les pièges.
La mesure de la radioactivité est
peut déceler un atome unique quise désintègre, alors qu’il faut
lepoids de millions de milliardsd’atomes pour émouvoir la ba-lance
la plus sensible. Cette pro-priété a permis à la radioactivitéde
féconder des sciences commela biologie, la médecine,
l’archéo-logie, en les dotant d’outils irrem-plaçables.
On peut déceler des contamina-tions radioactives bien plus
faiblesque celles qui proviennent descorps radioactifs fossiles
naturelsqui imprègnent notre planète etnos propres tissus, et qui
font quenous baignons toujours dans unimperceptible bain de
radiations.Cela n’a pas empêché la matièrevivante de se développer
pendantles trois derniers milliards d’an-nées et cela ne joue aucun
rôle surnotre santé.
Lire la suite page 12
Georges Charpak est physi-cien. Il a reçu le prix Nobel en
1992.
Allemagne, 3 DM ; Antilles-Guyane, 10 F ; Autriche,25 ATS ;
Belgique, 48 FB ; Canada, 2,50 $ CAN ;
DOMINIQUE HERNANDEZ
DANS sa paroisse de Champi-gny (Val-de-Marne),
DominiqueHernandez est l’une de cesfemmes pasteurs de plus en
plusnombreuses au sein de l’Eglise ré-formée de France.
Principalecomposante du protestantismefrançais, cette Eglise
réfléchit auxévolutions du métier de pasteur,lors de son synode, à
Lyon, du1er au 3 juin.
Lire page 8
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LeMonde Job: WMQ0206--0002-0 WAS LMQ0206-2 Op.: XX Rev.:
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I N T E R N A T I O N A LLE MONDE / VENDREDI 2 JUIN 2000
2
Avancée des rebelles et prochain retrait britanniqueL’armée
sierra-léonaise a annoncé, mercredi 31 mai, que les re-
belles avaient repris mardi la ville de Lunsar, au nord-est de
Free-town, qui était passée sous contrôle gouvernemental le 29 mai.
Lalocalité serait tombée après cinq heures de combats, lorsque
lesforces pro-gouvernementales ont dû se retirer, après avoir
épuiséleurs munitions. Mercredi, les « bérets verts » de l’armée
britan-nique ont annonçé leur prochain départ à la population de
Free-town. Les soldats du Royaume-Uni ont distribué des tracts
annon-çant le départ de leur contingent, mais sans en donner la
date.Londres avait annoncé que la mission des troupes britanniques
seterminerait à la « mi-juin ». – (AFP.)
A l’ONU, la France contre les « pierres sales »NEW YORK (Nations
unies)
de notre correspondanteAux Nations unies, les diamants sont
désormais re-
connus comme des instruments de guerre, des armesmeurtrières
nourrissant les conflits civils qui déchirentl’Afrique. Ainsi, en
Sierra Leone, l’exploitation illégale despierres a transformé les
quelques centaines de rebelles duRUF en une force impressionnante
de 20 000 hommes ar-més jusqu’aux dents. A l’ONU, la France est
aujourd’huiaux avant-postes dans la lutte contre les diamants«
sales ». Dans une lettre, obtenue par Le Monde, adres-sée au
secrétaire général, Kofi Annan, la délégation fran-çaise recommande
l’établissement rapide d’une commis-sion d’enquête formée d’un
groupe d’experts pour« traiter l’exploitation illégale » des
ressources naturelles dela République démocratique du Congo (RDC,
ex-Zaïre),où pas moins de six pays se font la guerre.
Ces cinq experts seront chargés, pour six mois, de réu-nir des
informations sur le pillage des diamants. Ils
doivent aussi étudier « les liens entre l’exploitation des
res-sources et la poursuite du conflit » en RDC et présenter
auConseil de sécurité des recommandations qui pourrontaboutir à des
sanctions. Le texte préparé par Paris concer-nant la RDC devrait,
dans les jours à venir, être intégrédans une résolution plus
générale touchant aussi la SierraLeone, rédigée par les
Britanniques, qui eux aussi exigentque « toutes les transactions de
diamants » passent par legouvernement de Freetown. Le problème, en
SierraLeone, est le rôle joué par les régimes voisins, notammentau
Liberia, dont le président Charles Taylor est universelle-ment
reconnu comme ayant « amplement » profité dupillage des diamants en
Sierra Leone. En RDC aussi, lesAnglo-Saxons préfèrent, plutôt que
de viser « l’exploitationillégale » des ressources, que l’on se
réfère à « l’exploita-tion » tout court, pour tenir compte du
pillage « autorisé »des mines par des armées telles que celle du
Zimbabwe...
Afsané Bassir Pour
NIGERIA
TCHAD
NIGER
BENIN
BENINBURKINA F.
CÔTED'IVOIRE
T.
CAMEROUNLIBERIA
GUINÉE
GHANA
GABON
SOUDAN
ÉTHIOPIE
SOMALIE
KENYA
TANZANIE
ANGOLA
ZAMBIE
ZIMBABWENAMIBIE
BOTSWANA
MOZAMBIQUE
MADAGASCAR
AFRIQUE DU SUD
LESOTHO
G M
MALAWI
COMORES
OUGANDAG.-E.
S.
DJIBOUTI
RÉP. CENTRAFRICAINE
RÉP. DÉM. DUCONGO
SIERRALEONE
O C É A N
I N D I E N
CONGO
RWANDA
BURUNDI
Sur le « continent noir », quatre des cinq premiers producteurs
dans le monde
PRODUCTION MONDIALE DE DIAMANTS *(estimation 1999, en millions
de dollars)
L’Afrique fournit 4 des 5 premiers producteursmondiaux de
diamants (la Russie apparaissant en n° 2), et 9 des 15 premiers.
Preuve de saconnaissance de l’écoulement délictueux de certains
gemmes, la De Beers publie desdonnées de production selon deux
catégories :« conflict » et « non-conflict ». Ainsi, elle estimeque
l’Angola a produit en 1999 pour 468 millionsde dollars de diamants
« non conflictuel », et pour 150 de diamants « conflictuels »,
issus de zones non soumises à l’autorité gouvernementale.La RDC
respectivement pour 361 et 35 millions de dollars.La Sierra Leone
pour 70 millions, entièrement issusde zones « conflictuelles ».
Rang mondial
RWANDA
MINES DE DIAMANTS
PAYS PETITS PRODUCTEURS OU NON PRODUCTEURSDIFFUSEURS DE
DIAMANTS
* Source : De Beers
6184e
17821er
7763e
3967e
4305e
6184e
7010e
4013e
6711e
2414e
SAO TOMÉET PRINCIPE
O C É A N
A T L A N T I Q U E
500 km
KASAÏOCCIDENTAL
LONDRESde notre correspondant à la City« Un chef doit toujours
être un
poète. Il doit parler au nom des dieux,des génies et des esprits
de la mort »,philosophait le sergent Learoyd, hé-ros de L’Adieu au
Roi, de PierreSchoendorfer, qui, dans la brousse,s’était taillé un
royaume à sa me-sure. Le président du Zimbabwe,Robert Mugabe, n’a
probablementpas une telle ambition poétique, luiqui vient d’obtenir
deux bellesconcessions de diamants en Répu-blique démocratique du
Congo(RDC, ex-Zaïre), en paiement deson soutien militaire au régime
duprésident Laurent-Désiré Kabila, enguerre contre ses opposants
inté-rieurs et les Etats qui les sou-tiennent (Ouganda, Rwanda),
les-quels contrôlent l’est et lenord-ouest du pays.
L’exploitation de la mine de Tshi-bua et des dépôts alluviaux de
la ri-vière Senga-Senga, dans le Kasaï-Oriental, sur une étendue
de500 km2, a ainsi été confiée auconsortium Oryx Diamonds.
Cetteentreprise regroupe l’Osleg, pôle in-dustriel de l’armée du
Zimbabwe,Cosleg, son alter ego en RDC,contrôlé par le régime
Kabila, et desintérêts omanais. Elle est une filialede Petra
Diamonds, petite sociétéminière sud-africaine, à laquelle
estnotamment associée une firme mi-nière établie par des
mercenairescombattant en Sierra Leone. Selonle Mining Journal de
Londres du26 mai, Oryx percevra 40 % des bé-néfices à venir, les
Zimbabwéens40 % et la société de M. Kabila 20 %.
Le projet de cotation d’Oryx, le13 juin, sur l’Alternative
InvestmentMarket, équivalent londonien du se-cond marché parisien,
a mis enémoi la City. « Que se passera-t-ilavec un contrat en cas
de change-ment de gouvernement [dans l’un ou
l’autre des pays concernés] ? Etacheter de tels titres sur ce
marchépose un problème éthique, puisquel’investisseur finance
indirectementune guerre civile », affirme JohnClemmow, spécialiste
de l’Afriquechez le courtier Investec. Mais plusqu’une affaire
financière, la contro-verse Oryx tourne à Londres à l’af-faire
d’Etat. Car cette coentreprise aété ouvertement créée pour
fairepayer, faute de liquide, la facture du
soutien militaire d’Harare au gou-vernement de M. Kabila. Par
ail-leurs, le parti du président Mugabe,l’Union nationale africaine
du Zim-babwe-Front patriotique (ZANU-PF), principal actionnaire
d’Osleg,avec l’armée zimbabwéenne, estaussi le fer de lance de
l’occupationde fermes de Blancs par des « vété-rans » de la guerre
d’indépendance.Enfin, à en croire l’ONG britanniqueGlobal Witness,
la concession
confiée à Oryx a été retirée autori-tairement par M. Kabila à la
sociétéd’Etat Minière de Bakwanga (Miba).
Cette affaire intervient alors quela communauté internationale
s’ef-force d’endiguer le commerce desdiamants de « sang », utilisés
pourfinancer les guerres en Afrique. Al’instar du pétrole et de
l’or dans lesannées 70-80, les pierres de feu sontdésormais
devenues le nerf de laguerre à l’échelle du continent noir,
favorisant les dérives sanglantes.Les protagonistes se servent
deszones diamantifères qu’ilscontrôlent pour acheter des
armes.Jadis le Liberia, l’ex-Rhodésie, laNamibie ou le Zaïre du
maréchalMobutu ont été en proie à de telsconflits. De nos jours,
c’est le cas del’Angola, de la Sierra Leone et de laRDC.
CODE DE CONDUITEAujourd’hui, la campagne enga-
gée par Global Witness contre les« diamants de conflits » a
trouvé unécho auprès des gouvernants. Aunom de la diplomatie «
éthique », laGrande-Bretagne travailliste a misla création d’un
code de conduitedes achats de diamants à l’ordre dujour de la
prochaine réunion desministres des finances du G 8, au Ja-pon en
juillet, dans l’espoir de tarirla source de pierres illicites. A
Was-hington, des auditions ont été orga-nisées le mois dernier par
laCommission des relations interna-tionales de la Chambre des
repré-sentants. L’ONU, elle, a enquêté surle trafic qui alimente
l’effort deguerre de l’Unita, le mouvement re-belle de Jonas
Savimbi en Angola.
Le conglomérat sud-africain DeBeers, maître jusqu’ici du
marchémondial, n’est pas en reste (lire ci-dessous). Il a gelé ses
achats en pro-venance d’Angola et a fermé sonbureau de Freetown,
capitale de laSierra Leone. La firme, qui contrôle65 % du diamant
mondial, étudiel’introduction d’un certificat de« garantie de
provenance » pour cal-mer les appréhensions des ache-teurs. Plus
qu’une réforme, une ré-volution pour cette impérieuseentreprise
qui, jusqu’à présent, nese souciait guère d’éthiquecommerciale.
Sous le régime del’apartheid en Afrique du Sud, la DeBeers avait
fermé les yeux sur le tra-
fic qui permettait aux alliés africainsde Pretoria de
s’approvisionner enarmes. Mais, avec l’avènement dupouvoir noir,
les pressions des in-vestisseurs institutionnels et l’effortde
lobbying des ONG, le géant sud-africain a été contraint de sortir
deson immobilisme. « La compagniecraint par-dessus tout une
réactionhostile des consommateurs contre lesdiamants,
particulièrement aux Etats-Unis, premier marché au monde desventes
de bijoux, comme ce fut le casavec la fourrure », souligne le
spé-cialiste londonien Mark Cockle.
Une mobilisation générale donc,mais pour quels résultats ? Les
cir-cuits de blanchiment, via les pays li-mitrophes, sont bien
organisés. Li-banais en Afrique de l’Ouest, Belgesdans la région
des Grands Lacs et Is-raéliens en Afrique australe : la puis-sance
des intermédiaires et l’effica-cité des systèmes de contrebandesont
des obstacles redoutables à lalutte contre ce fléau. Le
plussouvent, les diamants font sans pro-blème l’aller et retour
entre le paysproducteur et un paradis fiscal, avecla complicité des
centres de taille(Anvers, Tel-Aviv, etc.) et desbanques
diamantaires. Ainsi Oryxest domiciliée dans les îles Caïmans,et
Petra est immatriculée aux Ber-mudes.
Les experts s’interrogent sur lanature exacte d’Oryx, dont le
pros-pectus, remis à la Bourse deLondres, évoque des gisements
dequalité supérieure. Or la productiondu Kasaï est de piètre
qualité, diteindustrielle, et destinée à la petitejoaillerie. A
Londres, on murmurequ’Oryx ne serait qu’une coquillevide, destinée
à blanchir les dia-mants angolais, qui comptent parmiles plus
belles gemmes brutes dumonde.
Marc Roche
Diamantaires et chefs de guerre se jouent des contrôles en
Sierra LeoneLONDRES
de notre correspondant à la CityLa crise en Sierra Leone pose
le
problème du contrôle des impor-tations de diamants « sales »
parles autorités d’Anvers, premiercentre mondial de
commercialisa-tion des pierres précieuses. Actuel-lement, il
n’existe aucun moyenscientifique permettant d’identi-fier l’origine
d’un diamant brut.Comme l’explique un profession-nel du grand port
flamand, lecontrôle à Anvers des entrées dediamants provenant de
pays « àproblèmes » africains, comme l’an-cienne colonie
britanniqued’Afrique de l’Ouest, n’est guèrecapable d’endiguer le
trafic très or-ganisé de pierres de contrebande.
Les contrôles officiels en Bel-gique sont effectués à deux
ni-veaux via les agents des douaneset les experts du Diamont
Office,l’organisme de contrôle dépen-dant du ministère des
affaireséconomiques. La nécessité pourles diamantaires belges de se
pro-curer une licence d’import-exportcomplète un dispositif
antifraudejugé léger et surtout peu contrai-gnant. Sous la pression
de l’orga-
nisation de défense des droits del’homme Global Witness,
l’ONUs’est attaquée récemment au traficde diamants, considéré comme
lepremier responsable de la pour-suite de la guerre civile dans
plu-sieurs pays africains, comme laSierra Leone, l’Angola et la
Répu-blique démocratique du Congo(RDC). Ainsi, en mars, un
rapportdes Nations unies a accusé plu-sieurs pays africains de
complicitédans les violations des sanctionsau profit des rebelles
angolais del’Unita (Union nationale pour l’in-dépendance totale de
l’Angola). LaBelgique s’est également retrou-
vée sur la sellette, en raison dulaxisme de ses contrôles sur
les im-portations de diamants bruts.
Mais, de l’avis des experts, l’ar-senal des sanctions
internationalesest aisément contourné à Anvers.Ainsi, le Diamont
Office est dé-pourvu des moyens, en hommescomme financiers, pour
mener àbien sa tâche de surveillance d’unmarché qui a représenté un
chiffred’affaires annuel de 23,2 milliardsde dollars en 1999 (24,9
milliardsd’euros). Seule une demi-douzained’experts sont chargés,
parexemple, de vérifier l’authenticitéde documents concernant
des
transactions de milliards de carats.Vu l’énormité des sommes en
jeu,l’opération de contrôle doit êtrerapide pour réduire le coût
finan-cier de l’immobilisation des lots.Or, si théoriquement un
expert estcapable d’identifier sans trop dedifficultés l’origine
nationale d’unimportant lot de pierres brutes, lavérification de
gros diamants iso-lés s’avère impossible. Par ailleurs,rien ne
permet de séparer, au seind’un même pays, la production of-ficielle
de celle venant de zones te-nues par les rebelles.
Les diamants « sales » de SierraLeone, quasi totalement
exploitéspar la faction rebelle de FodaySankoh, sont blanchis en
transi-tant par plusieurs pays sous unefausse identité. Première
étape decette filière, les pays voisins de laSierra Leone comme le
BurkinaFaso, la Côte d’Ivoire ou le Liberia.Les intermédiaires
traditionnels enAfrique de l’Ouest que sont les né-gociants
libanais servent de relaisauprès des diamantaires belges,
is-raéliens et sud-africains. D’Afriqueoccidentale, les pierres
muniesd’un certificat d’origine falsifiétransitent ensuite par un
pays eu-
ropéen non membre de l’Unioneuropéenne, par exemple laSuisse, ce
qui permet d’éviter depayer la taxe en Belgique sur lesimportations
de diamants bruts.« A l’arrivée à Anvers, on change lecertificat
d’origine, le nom SierraLeone disparaît au profit du Brésilou
d’Israël pour les faire rentrer offi-ciellement en Belgique. Toutes
lespierres de même catégorie − Bots-wana, Namibie, Afrique du
Sud,Angola et Sierra Leone – sont en-suite mélangées et le tour est
joué »,explique un diamantaire pour quila panoplie des sanctions de
l’ONUou du G 8 est totalement inopé-rante.
Contrainte de réagir aux accusa-tions de laxisme, la Belgique a
dé-cidé, il y a deux mois, de financerau titre de la coopération la
créa-tion d’un équivalent du DiamontOffice en Angola et en
SierraLeone. Mais au vu du haut degréde corruption des
gouvernementssur place et aux ravages de laguerre civile, pareille
initiative ap-paraît comme purement symbo-lique.
M. R.
AFRIQUE La communauté inter-nationale veut endiguer le trafic
des« pierres sales », devenues le nerfdes guerres en Afrique. b LE
PRÉ-SIDENT du Zimbabwe, Robert Mu-
gabe, a obtenu deux concessions dediamants en République
démocra-tique du Congo (RDC), afin de se ré-munérer pour le soutien
de son ar-mée aux troupes de Laurent-Désiré
Kabila. b UNE SOCIÉTÉ, Oryx, repré-sentant les intérêts des
dirigeantscongolais et zimbabwéens, de-mande à être cotée à
Londres. b Al’ONU, la France veut créer un
groupe d’experts pour enquêter etproposer des sanctions. b
L’EN-QUÊTE du Monde montre commentchefs de guerre et diamantaires
dé-jouent d’insuffisants contrôles. b LA
CONTROVERSE sur la répression dutrafic de diamants accelère la
trans-formation du sud-africain De Beers,maître du marché (lire
aussi notreéditorial page 13).
Comment les « diamants de sang » financent les guerres
africainesCommerce et trafic de pierres précieuses alimentent
plusieurs conflits sur le continent. A Londres, une société minière
représentant les intérêts
des dirigeants du Zimbabwe et du Congo-Kinshasa demande à être
cotée en Bourse. Les pays occidentaux et les places financières
commencent à réagir
La De Beers fait sa mue sous la pression des traficsLONDRES
de notre correspondant à la CityTransformation du mode de
fonctionnement, bouleversementdes relations avec les acheteurs
pri-vilégiés de pierres, réduction dustock de diamants, offensive
publi-citaire et refus d’acheter desgemmes provenant de pays
enproie à des guerres civiles : le plusgrand cartel de tous les
temps, lacompagnie sud-africaine De Beers,entend devenir une
compagnie mi-nière comme une autre. Provoquéepar les menaces
d’implosion dusystème sous l’effet de la mondiali-sation, cette
réforme a été accélé-rée par la controverse sur la ré-pression
internationale des traficsde diamants.
Depuis sa fondation, dans les an-nées 1930, la Central Selling
Orga-nisation (CSO), bras commercial dela De Beers à Londres, avait
troisfonctions : d’abord la commerciali-sation de diamants bruts
prove-nant de ses propres mines (Afriquedu Sud, Botswana, Namibie)
et desfournisseurs affiliés (Russie, Brésil,Canada...) auxquels la
CSO s’ef-force de garantir un débouché ré-gulier et des prix
stables ; ensuite,le groupe agit comme un tamponpour adapter
l’offre à la demande.Il constitue des réserves quand lestemps sont
difficiles et « déstoc-ke » en période de prospérité. En-fin, la De
Beers s’occupe de la pro-motion des ventes de bijoux, grâceà un
budget annuel de publicité de170 millions de livres (274
millionsd’euros).
BOULEVERSEMENT MAJEURLa montée en puissance des tra-
fics de diamants, essentiellementen provenance d’Afrique,
maisaussi de Russie, second producteurmondial, entraîne aujourd’hui
unbouleversement majeur à la DeBeers. L’heure est désormais au
re-centrage sur les activités d’extrac-tion et de commercialisation
de lavénérable maison fondée auXIXe siècle par l’aventurier
CecilRhodes.
La compagnie, tapie au centred’une toile d’araignée
d’oùrayonnent des participations croi-sées complexes, craint d’être
enporte-à-faux avec la politique delibre concurrence de l’Union
euro-péenne.
De fait, Bruxelles s’inquiète del’emprise de la De Beers sur le
mar-ché diamantaire. Sa position domi-nante lui a déjà valu d’être
décla-rée, depuis une décennie, personanon grata aux Etats-Unis. Le
titre aégalement souffert d’une forte dé-cote boursière, en raison
de sonrôle « historique » de rempartcontre les retournements
deconjoncture ou les tentatives dedumping incontrôlés de la part
de
producteurs en manque de devises.Enfin, la structure complexe de
laholding familiale contrôlant la DeBeers contrevient aux
régleséthiques du « gouvernement d’en-treprise ».
Aux yeux des analystes, ces la-cunes ont occulté les points
fortsde l’empire-écrin : solidité du bilan,considérables facilités
de crédit,notamment auprès des banqueshelvétiques, importance de
ses re-venus non-diamantaires et savoir-faire de ses dirigeants, à
commen-cer par son président, Nicholas Op-penheimer, petit-fils du
fondateurde la CSO.
M. R.
-
LeMonde Job: WMQ0206--0003-0 WAS LMQ0206-3 Op.: XX Rev.:
01-06-00 T.: 10:26 S.: 111,06-Cmp.:01,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100
No: 0357 Lcp: 700 CMYK
I N T E R N A T I O N A L LE MONDE / VENDREDI 2 JUIN 2000 /
3
Deux bataillons françaispourraient éventuellementrenforcer la
Finul au Liban
Paris attend des assurances de Beyrouth
La Syrie accepte lafrontière fixée par l’ONU
L’émissaire des Nations uniesau Proche-Orient, le
diplomatenorvégien Terje Roed-Larsen, arencontré, à Damas, les
autori-tés syriennes. A l’issue de cesentretiens, il a indiqué que
laSyrie « a accepté dans sa totali-té » le rapport du secrétaire
gé-néral de l’ONU, Kofi Annan, qui,le 22 mai, fixait le tracé de
lafrontière internationale. Selonce rapport, un territoire
contes-té, les « fermes de Chébaa », n’estpas concerné par la
résolution425 qui exige d’Israël la restitu-tion du sud du Liban
occupé de-puis 1978, mais par les résolu-tions 242 et 338 sur le
retraitisraélien des territoires occupésdepuis 1967. –
(Reuters.)
LA MARINE française tient prêtsquatre bateaux de guerre en
prévi-sion d’un « feu vert » gouverne-mental – qui n’est pas encore
ac-quis – de participer, ou non, à undoublement des effectifs de la
Forceintérimaire des Nations unies (Fi-nul) au Liban sud si l’ONU
le déci-dait. A Paris, on considère que lesconditions ne sont pas
réunies (LeMonde du 27 mai). Le ministre desaffaires étrangères,
Hubert Védrine,a notamment expliqué, mercredi31 mai, à LCI, que les
« autorités li-banaises ont dit, encore aujourd’hui,qu’elles
n’enverraient pas leur arméeau Liban sud » pour y rétablir
lasouveraineté nationale. Or, selon
M. Védrine, le « dispositif de l’ONU,basé sur la résolution 425,
n’a de sensque pour aider le Liban à restaurerson autorité » dans
la région et pas« pour se substituer à lui et y faire, àsa place,
ce qu’il devrait y faire ».
Un conseil restreint à l’Elysée, au-quel participaient, autour
du chefde l’Etat, Lionel Jospin et trois deses ministres, avait,
dans la matinéedu même jour, examiné la situationsans arrêter de
décision. Les respon-sables français attendent, en effet,le milieu
de la semaine prochainepour constater si le gouvernementlibanais,
que la France est prête à ai-der, remplit ses obligations
d’admi-nistrer le sud du pays.
En attendant de voir comment lasituation évolue localement pour
cequi est de la vérification des frontières, les états-majors
françaisont été sollicités d’établir leur planification.
LE « FOCH » TROP AGRESSIFUn instant envisagé, l’emploi
éventuel du porte-avions Foch a étéabandonné parce qu’il est
jugé tropagressif – même tenu à distancepour favoriser la mobilité
de laforce sur le terrain grâce à ses héli-coptères embarqués –
dans unemission « onusienne » d’interposi-tion et de maintien de la
paix. C’esten finale le concept d’une force na-vale d’assistance
qui a été choisi, àpartir d’une flotte de transports dechalands de
débarquement (TCD).
Le TCD Siroco, pour l’instant àToulon (Var), est tenu en
réserve. Ilsera rejoint, le cas échéant, par lesTCD Foudre et Orage
qui sont, à cejour, en manœuvre alliée au largede Messine (Sicile)
et qui ont étéprévenus d’un éventuel déroute-ment. Il est prévu que
ces trois TCDdevront être accompagnés par unefrégate et un
navire-ravitailleur. Ace dispositif naval s’ajoutent desavions de
transport militaire Transall.
Déplaçant 12 000 tonnes à pleinecharge et conçu pour des actions
dedébarquement sur une plage nonaménagée en zone d’insécurité,
leSiroco aura pour rôle, si la missionest confirmée, d’acheminer un
pre-mier contingent de soldats françaisen face de Tyr, au Liban
sud. LesFoudre et Orage, qui déplacent8 500 tonnes à pleine charge,
sontdes transports d’assaut qui em-barquent des hélicoptères
etpeuvent déposer à terre, grâce à deschalands, divers matériels,
commedes blindés légers, des pièces d’ar-tillerie ou des radars de
surveillancedes frontières. A ce jour, la France adétaché 250
hommes auprès de laFinul. Si les conditions mises enavant par la
France devaient êtreremplies, notamment pour ce quiest de la durée
du mandat « onu-sien », des règles d’engagement dela force, de sa
composition et del’espace géographique de son inter-vention, le
contingent françaispourrait compter deux bataillons(1 600
hommes).
Jacques Isnard
Aux Philippines, les otages étrangerspris au piège d’un système
local de banditisme
Primes pour mercenaires et rackets contre les voyageurs
fleurissent à JoloLes dix-neuf otages étrangers enlevés par les
rebelles musulmans du groupe Abu Sayyaf ensont à près de six
semaines de détention dans
l’île de Jolo, à l’extrême sud des Philippines, etaucun espoir
précis ne se dessine pour leur libé-ration. Autant que des
terroristes politisés, ils
sont les prisonniers d’un système de banditismesur lequel les
autorités de Manille n’ont guèreprise, et qui va en s’aggravant
avec la crise.
BANGKOKde notre correspondant
en Asie du Sud-EstPrès de six semaines après leur
enlèvement, les dix-neuf otagesétrangers, dont deux Français,
prispar les rebelles musulmans qui seréclament du groupe Abu
Sayyafsont devenus l’attraction principaled’un sinistre cirque dans
l’île philip-pine de Jolo. En temps ordinaire, ony compte davantage
d’armes qued’hommes adultes. Les forces régu-lières dépêchées sur
place par Ma-nille ayant desserré leur étau pourfaciliter des
négociations, les habi-tants de cette île, située dans l’ex-trême
sud des Philippines,s’adonnent à un sport prisé dansdes mers
courues, en toute impuni-té, par des pirates : faire monter
lesenchères et, au passage, se donnerdu bon temps.
La crise des otages est une au-baine pour beaucoup. Pour
renfor-cer les gardes, les ravisseurs ont faitappel à des jeunes
chômeurs ducru, y compris des adolescents. Lepetit noyau de
terroristes n’a guèred’autorité sur ces bandes d’ama-teurs qui
jouent avec leurs armes,
dont la motivation finale est,comme on dit à Jolo, l’« argent
ins-tantané », primes occasionnellespour mercenaires.
Les intermédiaires ne manquentpas pour contribuer à organiser
desvisites payantes aux otages. Desjeunes armés, dont on ignore
lesliens avec les « commandants »d’Abu Sayyaf, ont installé
leurspropres contrôles routiers pour ex-torquer l’argent des
voyageurs.L’accès aux otages est encore plusonéreux. Cette
situation n’a pu sedévelopper que grâce à des compli-cités, y
compris dans la haute ad-ministration de l’île.
ACCÈS PAYANTCette évolution n’est guère sur-
prenante. A Jolo, terre des Tausuks,une ethnie fortement
islamisée,pratiquement tout homme acombattu, à un moment
donné,l’autorité de Manille. Le fonction-naire local type a été
entraîné en Li-bye et l’uléma formé en Syrie. Si lesdirigeants
d’Abu Sayyaf sontcondamnés pour leurs méthodes,ce sont aussi des
cousins qui ontparticipé aux luttes des années 80
avant de devenir des dissidents,puis des bandits de grand
chemin.Les otages sont les prisonniers nonseulement d’un petit
groupe debandits mais aussi d’un système.
Une fois leur lieu de détention repéré, un raid de commandos
professionnels aurait pu libérer lesotages, probablement
auxmoindres frais. Les forces arméesphilippines ne disposent pas de
cetype d’unité : elles ont donc envoyésur place des fantassins et
des ran-gers qui, dans un premier temps,ont établi un cordon
sanitaire au-tour de l’endroit où étaient regrou-pés les captifs.
Ils ont tiré quelquesobus de mortier et fait quelques pa-trouilles
jusqu’au moment où, sousla pression internationale, Manille afait
prévaloir des négociations. Detoute façon, le cordon s’était,
entre-temps, révélé une passoire ; en rai-son, notamment, de la
présenced’un bataillon local d’anciens insur-gés musulmans qui ont
fait la paixavec Manille en 1996.
Comme tous les musulmans duSud, citoyens de seconde zone,
lesdirigeants d’Abu Sayyaf émettentdes revendications politiques
:
qu’on laisse les musulmans gérerleurs propres affaires ou,
parexemple, qu’on mette fin au pillagedes eaux des petits archipels
méri-dionaux par des pêcheurs étrangers.Ils multiplient désormais
les re-quêtes, allant jusqu’à réclamer uneenquête sur les
conditions de vie dudemi-million de Philippins installésdans l’Etat
malaisien du Sabah, del’autre côté de la mer des Célèbes.
Mais, ainsi que l’a dit le porte-pa-role du chef de l’Etat
philippin, « s’ily a des demandes politiques, vouspouvez discuter
sans fin et cela n’au-ra aucun effet sur la situation » desotages.
Aussi, au point où en sontles choses, le versement d’une ran-çon
demeure-t-elle la seule priseréelle du pouvoir sur les
ravisseurs.Or, à Jolo, de plus en plus de genssont impliqués.
L’insécurité est de-venue un genre de vie. RobertoAventajado,
conseiller du présidentphilippin, rappelle que, pour
libérerd’autres otages enlevés par legroupe Abu Sayyaf, les
négocia-tions ont pris, jusqu’ici, « de trois àsix mois ».
Jean-Claude Pomonti
La Chine en postured’arbitre dans la crise coréenne
PÉKINde notre correspondant
Le « numéro un » nord-coréen,Kim Jong-il, a effectué, du lundi
29au mercredi 31 mai, une visite his-torique à Pékin, dans des
condi-tions de confidentialité qui frisaientle burlesque. Alertés
depuis Séoul,journalistes et diplomates se sontheurtés à un mutisme
des autoritéschinoises qui valait confirmationimplicite. Selon un
porte-parole duministère sud-coréen des affairesétrangères, les
autorités chinoisesont informé Séoul de cette visite.Arrivé en
train, accompagné d’unecinquantaine d’officiels, le dirigeant de la
Corée du Nord a regagné son pays par la mêmevoie, après avoir
rencontré le pré-sident Jiang Zemin et des membresdu bureau
politique du Particommuniste.
GOÛT DU MYSTÈREC’est la première visite à l’étran-
ger de Kim Jong-il depuis qu’il asuccédé à son père, Kim
Il-sung,décédé en 1994. Avant même sonarrivée au pouvoir suprême,
sessorties du pays étaient exception-nelles. Cette fois-ci, un
accord a étépassé avec les autorités pékinoisesafin de garder le
secret – pour desraisons de sécurité autant que pargoût du mystère
− tant qu’il étaitprésent sur le sol chinois. Ce dépla-cement,
pourtant, était dans l’airdepuis une année. Le 5 mars, Kimavait
effectué une visite à l’ambas-sade de Chine à Pyongyang.
La visite confirme la place cen-trale que la Chine occupe dans
lespréparatifs du sommet intercoréen,
prévu du 12 au 14 juin à Pyon-gyang. Depuis une année déjà,
Pé-kin a densifié ses relations autantavec le Nord qu’avec le Sud
de lapéninsule. Une bouderie s’était ins-tallée avec Pyongyang,
allié de laChine depuis la guerre de Corée(1950-1953), après la
reconnais-sance diplomatique de Séoul parPékin, en 1992, et les
accusationsconsécutives contre les « traîtres àla révolution »
(allusion auxChinois) lancées par le régime stali-nien du Nord. Le
climat s’est ré-chauffé à partir de juin 1999.
Avec Séoul, Pékin a noué un dia-logue sur les questions de
sécurité :les ministres de la défense ontéchangé des visites en
août 1999 eten janvier. Un ambassadeur sud-coréen de haut niveau,
HongSoong-young, ancien ministre desaffaires étrangères, a été
nommé àPékin, témoignant de l’importanceattachée à la Chine par le
présidentKim Dae-jung.
Pékin récupère ainsi un rôle depremier plan pour toute
tentativede résolution de la crise coréenne.« Les Chinois tirent le
gros lot, com-mente un diplomate occidental. Ilsapparaissent
incontournables, ce quiva dans le sens de leur ambition dedevenir
parrains du processus depaix dans la péninsule. » LesChinois
cherchent en effet à fairecontrepoids aux Etats-Unis,
qu’ilssoupçonnent d’exagérer la réalitédu danger stratégique
nord-coréenafin de justifier la mise en placed’un bouclier
antimissile auquel ilssont farouchement hostiles.
Frédéric Bobin
-
LeMonde Job: WMQ0206--0004-0 WAS LMQ0206-4 Op.: XX Rev.:
01-06-00 T.: 10:56 S.: 111,06-Cmp.:01,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100
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4 / LE MONDE / VENDREDI 2 JUIN 2000 I N T E R N A T I O N A
L
Saisie d’un rapport d’Amnesty InternationalLes douaniers de
l’aéroport de Moscou ont saisi, dimanche 28 mai,
une centaine d’exemplaires d’un rapport sur la Tchétchénie de
l’organi-sation de défense des droits de l’homme Amnesty
International, le qua-lifiant de « propagande antirusse ». Membre
d’Amnesty, Mariana Kat-zarova se rendait en Ossétie du Nord, où se
tient un colloque organisépar le ministère des affaires étrangères
russe et le conseil de l’Europe.Mme Katzarova allait distribuer ce
rapport sur les violations des droits del’homme et les exactions
des troupes russes, texte disponible sur le siteInternet
www.amnesty.org. Dans une interview au quotidien anglo-phone Moscow
Times, elle explique avoir été interrogée deux heures parles
douaniers, qui lui ont demandé si elle était tchétchène... –
(Corresp.)
La France et l’Allemagne ont trouvé un accordsur la réforme des
institutions européennes
Convergences de vues à la veille de la présidence
françaiseL’Allemagne et la France – qui prend la prési-dence
européenne au 1er juillet – sont parvenuesà un accord de principe
sur la réforme des insti-
tutions européennes, selon des sources alle-mandes. L’accord sur
les principaux points a étéobtenu en marge d’une rencontre à Paris
du se-
crétaire d’Etat allemand aux affaires euro-péennes, Cristoph
Zöpel, avec son homologuefrançais, Pierre Moscovici.
BERLINde notre correspondant
« Vous devez parvenir à un résultat.Ne soyez pas trop durs. »
C’est lemessage qu’a fait passer le ministreallemand des affaires
étrangères,Joschka Fischer (Verts), à ses diplo-mates chargés de
trouver un accordavec leurs homologues français surla réforme des
institutions euro-péennes, à la veille de la présidencefrançaise de
l’Union européenne.Les Français ont eux aussi faitpreuve de volonté
d’aboutir : l’Aus-waertiges Amt, le ministère alle-mand des
affaires étrangères, et leQuai d’Orsay sont parvenus, mardi30 mai,
à un accord de principe surle sujet, a appris Le Monde de
sourceallemande. Les diplomates de deuxpays ont répondu aux
exigences for-mulées à Rambouillet le 19 mai parle chancelier
Gerhard Schröder, leprésident Jacques Chirac et le pre-mier
ministre Lionel Jospin, et lesdeux ministres des affaires
étran-gères.
L’accord, qui a été obtenu enmarge d’une rencontre à Paris du
se-crétaire d’Etat allemand aux affaireseuropéennes, Christoph
Zöpel, avecson homologue Pierre Moscovici,doit encore être béni par
M. Fischeret Hubert Védrine, ce qui ne devraitpas poser de
problème. « Nous al-lons pouvoir donner un signal deMayence » lors
du sommet franco-allemand qui doit se tenir le 9 juindans cette
ville, se réjouit un diplo-mate allemand. Cette bonne en-tente doit
permettre de faire pres-sion sur les autres pays pour obtenirune
réforme des institutions fin2000 au sommet européen de Nice.
Les mesures sont les suivantes : b La pondération des voix
au
Conseil européen. La France a ac-cepté que l’Allemagne pèse
pluslourd qu’elle, l’Italie et la Grande-Bretagne dans les
décisions duConseil européen. A l’heure où deplus en plus de
décisions vont êtreprises à la majorité qualifiée, l’Alle-magne,
qui compte 82 millions d’ha-bitants, insistait pour que les
déci-sions du Conseil aient une plus fortelégitimité démocratique
et que l’onprenne en compte son écart de po-pulation avec les
autres grands pays.Berlin met en avant sa volonté desouplesse, pour
ne pas faire perdrela face à ses homologues. Plusieursmodèles sont
proposés : adopterune double majorité, qui consiste àne pas
modifier la pondération desvoix, mais à procéder après chaquevote à
un deuxième scrutin reflé-tant, lui, le poids de la population
;représenter les pays en fonction dela racine carrée de leur
population ;pondérer de manière dégressive lapopulation. Ce dernier
système per-mettrait de moins faire peser dans labalance les 23
millions d’habitantsque l’Allemagne a en plus que laFrance. Il
permettrait aussi deprendre en compte les soucis desPays-Bas, qui
pèsent le même poidsmais sont plus peuplés que la Bel-gique, la
Grèce et le Portugal.
b Les votes à la majorité quali-fiée. La règle deviendrait de
prendreles décisions à la majorité qualifiée,l’unanimité devant
devenir l’excep-tion. Toutefois, l’unanimité persiste-rait dans
quatre domaines : les me-sures nécessitant une ratificationdes
parlements nationaux, les déci-sions de caractère
constitutionnel,celles concernant la défense et lesforces armées,
enfin celles qui « en-traîneraient un recul » de l’intégra-
tion européenne, remettant encause l’acquis communautaire et
lemarché intérieur. La France conser-verait ainsi son autonomie en
ma-tière de défense ainsi que son droitde veto dans la politique
agricolecommune, celle-ci faisant partie del’acquis communautaire.
Le sujet esttrès sensible, de nombreux pays de-mandant de ne plus
faire financerl’agriculture par Bruxelles mais parles Etats
membres.
b Les coopérations renforcées.Celles-ci permettent à
plusieurspays de poursuivre ensemble l’inté-gration européenne dans
divers do-maines – monnaie, défense, sécuritéintérieure –, mais les
pays qui neveulent pas en faire partie ont droitd’y mettre leur
veto. France et Alle-magne estiment que le veto doit dis-paraître,
y compris dans le domainede la politique extérieure, indique-t-on
de source allemande.
b La nomination des commis-saires européens. Le nombre
decommissaires doit à l’avenir êtresensiblement inférieur au
nombreactuel de vingt. Chaque pays propo-serait un commissaire, à
chargepour le président de la Commissionde les choisir. « Le
président réflé-chira à trois fois avant de ne pasprendre de
commissaire d’un des cinqgrands pays qui avaient jusqu’àprésent
deux commissaires », précise-t-on de source allemande.
b Le Parlement. « Le nombremaximal de députés serait de
700,chaque pays aurait droit à un nombreminimal de 4 députés,
tandis que larépartition refléterait la population dechaque pays »,
explique-t-on desource allemande. Des aménage-ments sont possibles,
pour ménagerles susceptibilités, car, ci cette règle
était appliquée du jour au lende-main, l’Allemagne verrait le
nombrede ses députés augmenter, et lesautres grands pays le nombre
desleurs baisser.
b Accord sur la langue. LesFrançais ont décidé de
soutenirl’usage de la langue allemande dansl’Union européenne,
troisièmelangue à côté de l’anglais et du fran-çais. Toutefois,
l’anglais et le fran-çais demeurent seules langues pourla politique
extérieure et de sécurité.Une polémique avait éclaté en 1999pendant
la présidence finlandaise,Helsinki ayant refusé l’usage de
l’al-lemand lors de ses conseils infor-mels. Les Allemands
s’étaientplaints du manque de soutien de Pa-ris. Berlin estimait
qu’à ne pas sou-tenir l’allemand le français finiraitlui aussi par
disparaître, l’anglaiss’imposant comme seule langue detravail.
Certains diplomates alle-mands avaient menacé en termespeu voilés
d’accélérer le processusen abandonnant le français
pourl’anglais.
b La charte des droits fonda-mentaux. Deux conceptions
s’af-frontent sur ce qui pourrait formerun embryon de Constitution
euro-péenne : les Français veulent unedéclaration large, mais non
contrai-gnante juridiquement, les Alle-mands le contraire. «
Inscrire dans lacharte le droit au logement ou à untravail ne va
pas résoudre le problèmedu chômage », déclare un Allemand.On
pourrait se diriger vers unecharte large non contraignante,avec
l’engagement de rendre àterme ses dispositions contrai-gnantes.
Arnaud Leparmentier
Attentat meurtrier contre un représentant du pouvoir russe en
TchétchénieMOSCOU
de notre correspondant« Ou bien nous mettons fin au
terrorisme en Tchétchénie, ou biennous devrons y faire face
partout etdurant longtemps » : le présidentrusse n’a pas souhaité
commenterplus avant le revers subi par Mos-cou, mercredi 31 mai.
Sergueï Zve-rev, l’adjoint du gouverneur russeen Tchétchénie
Nikolaï Kochman,a été tué dans un attentat non loinde Grozny. Sa
voiture a explosésur deux mines et essuyé plusieurstirs. Egalement
présents dans levéhicule, le maire tchétchène pro-russe de Grozny,
Soupian Mokht-chaïev, a été blessé, et une de sesadjointes,
Nourseda Khabousseïe-va, tuée.
Plus de quatre mois après laprise de Grozny et sa
destructiontotale, cette opération démontreque les troupes russes
n’ont pas lecontrôle de la ville, malgré un dé-ploiement d’hommes
et de maté-riel sans précédent. Nikolaï Koch-man a aussitôt accusé
le présidenttchétchène, Aslan Maskhadov,d’avoir commandité cet
attentat,expliquant que le « maire de Groz-ny était le premier visé
». En re-vanche, l’entourage de ce derniermettait en cause les
combattantswahhabites (islamistes radicaux),notant que le maire
était origi-naire de leur fief, Ourous Martan.Le même jour, une
bombe explo-sait dans une caserne de Volgo-grad, à 900 kilomètres
au sud deMoscou, tuant deux soldats et enblessant treize. Les
responsableslocaux parlaient aussitôt d’« unepiste tchétchène ».
L’attentat n’apas été revendiqué.
Ces deux événements sont in-tervenus alors que, la veille, le
pré-sident tchétchène faisait de nou-velles offres de paix au
Kremlin.Dans une interview au journalMoskovskii Novosti, un des
vice-présidents tchétchènes, Vakha Ar-sanov, explique : « nous
sommesprêts à des concessions substan-tielles, probablement plus
impor-tantes que celles attendues par lapartie russe ». « Si Aslan
Maskha-dov, comme négociateur, neconvient pas aux Russes, nous
pou-vons proposer une autre personnemandatée pour signer au nom
desTchétchènes », ajoute-t-il. M. Ar-sanov se dit prêt à ce que la
ques-tion « du statut de la Tchétchéniene soit pas évoquée », si
Moscoufait de même. Il explique s’être
mis d’accord avec le présidenttchétchène « sur le fait
qu’aprèsl’arrêt des combats, nous démis-sionnerons, le peuple
pourra élirede nouveaux dirigeants ». Enfin, ilassure avoir « assez
de forces et demoyens pour faire pression » sur leschefs de guerre
Bassaev et Khat-tab.
FORCES TCHÉTCHÈNES DIVISÉESCes déclarations ont mis le
Kremlin dans l’embarras. Jugéesde « quelque intérêt », mardi,
parSergueï Iastrjembski, elles étaientqualifiées de « bluff » le
lendemainaprès l’attentat de Grozny. Cen’est pas la première fois
que desinitiatives publiques visant à l’en-gagement de négociations
sontimmédiatement contrées par des
actes militaires. Le 10 mai, PavelKracheninnikov, président de
lacommission des lois de la Doumaet responsable d’une
commissiond’enquête sur la Tchétchénie,avait rencontré en Ingouchie
unproche de M. Maskhadov, KazbekMakhachev. « Il faudra bien unjour
arriver à la paix », expliquaitle député russe, partisan d’une
so-lution politique rapide.
Ce premier contact officiel avaitprovoqué la fureur des
générauxrusses, comme de certains chefsde guerre opposés au
présidenttchétchène. Le lendemain, unconvoi russe tombait dans
uneembuscade en Ingouchie et dix-neuf soldats étaient tués. Le
géné-ral Guennadi Trochev accusaitaussitôt le président
ingouche,Rouslan Aouchev, l’homme quiavait organisé la rencontre,
delaisser « les terroristes s’installer »dans cette république
voisine de laTchétchénie. Cette embuscade« est une provocation qui
s’est faitesans l’accord du commandementtchétchène », assure Vakha
Arsa-nov, dans son entretien à Moskov-skii Novosti. Le « parti de
laguerre », tant à Moscou qu’au seinde forces tchétchènes
divisées,continue ainsi de dominer le jeu.
François Bonnet
Européens et Américainsrelativisent leurs différends
au sommet de LisbonneLes contentieux commerciaux demeurent
Polémique surles « sanctions tournantes »américaines
Le système des sanctions amé-ricaines « tournantes »,
portédevant l’OMC, constitue dansl’immédiat le point de friction
leplus important entre Européenset Américains. Dès la
semaineprochaine, les Quinze vont en-gager des consultations
devantl’OMC à propos de la législationaméricaine dite « carrousel
».L’an dernier, à la suite d’un rè-glement en leur faveur del’OMC,
à propos des contentieuxsur la banane et le bœuf auxhormones, les
Etats-Unis ont im-posé quelque 300 millions dedollars de sanctions
commer-ciales à l’Europe, certains pro-duits étant frappés de
droits dedouane de 100 %. A partir du19 juin, de nouveaux
produitsseront visés tous les six mois siles Européens
n’obtempèrentpas avec le règlement de l’OMC.Ces derniers estiment
que cettelégislation « tournante » est encontradiction avec les
règles del’OMC. – (Corresp.)
BRUXELLESde notre bureau européen
L’expression « guerre commer-ciale transatlantique » serait
dé-sormais à bannir. Les relationsentre l’Europe et les Etats-Unis
se-raient devenues suffisamment« adultes » pour que les deux
par-ties envisagent de régler sereine-ment leurs différends. Si
cette pré-sentation très consensuelle de larencontre
Europe-Etats-Unis quis’est tenue, mercredi 31 mai, à Lis-bonne
devait résister à l’épreuvedes faits, les résultats de ce som-met
transatlantique semestriel neseraient pas minces. A en
croireAntonio Guterres, le premier mi-nistre portugais, dont le
pays pré-side l’Union européenne, « la fixa-tion de cette nouvelle
doctrine desrelations euro-américaines est unélément très
important. Nous avonsdécidé qu’à l’avenir, a-t-il indiquéau Monde,
tous nos différendscommerciaux seront traités de façonpragmatique
et objective, dans lecadre strict de l’OMC (Organisationmondiale du
commerce) ».
A l’aune de la longue histoire descontentieux commerciaux
entrel’Amérique et le Vieux Continent,une telle affirmation laisse
dubita-tif, d’autant que, s’agissant de ceuxqui empoisonnent
actuellement lesrelations transatlantiques (aidesaméricaines à
l’exportation, dites« FSC », bananes, bœuf aux hor-mones,
subventions à l’aviation ci-vile), le sommet de Lisbonne n’apermis
aucune avancée significa-tive. Il n’en demeure pas moinsqu’un
climat plus pragmatiquesemble s’instaurer. On « remplacela
diplomatie du mégaphone parcelle du téléphone », a noté Roma-no
Prodi, président de la Commis-sion européenne. Américains
etEuropéens sont également sou-cieux de relativiser leurs
diver-gences au regard de l’importancede leurs intérêts communs :
entermes financiers, celles-ci pèsentbien peu face à un
volumed’échanges qui atteint près de450 milliards d’euros par an.
L’Eu-rope n’a pas à se plaindre, puisquela balance commerciale
penche ensa faveur avec un excédent de26,5 milliards d’euros, alors
qu’elleaffichait un déficit de 1,9 milliardd’euros en 1995.
Au-delà, le partenariat euro-américain est marqué par une «
di-mension stratégique », qu’ils’agisse d’une action communedans
les Balkans, vis-à-vis de laRussie ou dans le cadre des rela-tions
entre l’OTAN et l’UE, et il im-porte de ne pas la mettre en
dan-ger. C’est là une approche assezcomparable à celle qui a marqué
lerécent sommet UE-Russie : ne pasinsister sur les sujets qui
fâchent.Pas tout à fait, rectifie Pascal Lamy,commissaire européen
chargé ducommerce : ce qui importe, ex-plique-t-il, c’est
qu’Européens etAméricains « reconnaissent désor-mais qu’il est de
leur intérêtcommun que l’OMC soit forte. Noussommes d’accord pour
dire que lessujets de contentieux existent maisque ce n’est pas une
raison pour enfaire une guerre transatlantique.Tout cela doit être
sous contrôle,parce que cela s’inscrit dans un sys-tème
multilatéral basé sur desrègles. C’est d’ailleurs ainsi que
nousavons géré ensemble l’adhésionchinoise [les accords
sino-améri-cain et sino-européen sur l’entréede Pékin à l’OMC] : le
fait que nousayons été capables de travailler en-semble sur un
sujet aussi importantest de bon augure ».
Pour manifester cette bonne vo-lonté, Américains et
Européenssont convenus, à Lisbonne, d’« es-sayer de relancer »,
avant la fin del’année, un nouveau cycle de négo-ciations
multilatérales, un proces-sus en panne depuis l’échec deSeattle. En
réalité, les seconds n’ycroient guère, notamment parceque
l’échéance électorale améri-caine brouille les cartes. Si la
plu-part des litiges transatlantiquesrestent donc en l’état,
certains pro-grès et initiatives ont marqué lesommet de Lisbonne
:
b Protection des données per-sonnelles dans le
commerceélectronique. Depuis huit mois,Américains et Européens
négo-ciaient âprement à propos de ce
différend relatif à un problème decompatibilité des législations
euro-péenne et américaine pour assurerla protection des données
privéeslors de transferts de fichiers infor-matiques, un problème
de plus enplus aigu avec le développementdu commerce électronique.
ABruxelles, les Quinze ont donnémercredi leur accord au compro-mis
auquel sont parvenus laCommission européenne et lesEtats-Unis. La
première a obtenuqu’au système américain, qui repo-sait sur des
codes de bonneconduite des entreprises, soit subs-titué un cadre
légal nettement plusstrict.
b Forum consultatif sur lesbiotechnologies. La création decette
instance, qui sera formée de« personnalités indépendantes,
exté-rieures aux gouvernements », a pourbut de dépassionner le
débat surles biotechnologies, s’agissant deleur forme la plus
contentieuse, lesorganismes génétiquement modi-fiés (OGM). Dans ce
domaine, lesintérêts commerciaux ne sont passeuls : de part et
d’autre de l’Atlan-tique, des aspects à la fois poli-tiques,
culturels et symboliquesentrent en jeu : les Européens s’entiennent
au principe de précaution,alors que les Américains estimentque,
tant qu’il n’est pas prouvé queles OGM sont néfastes, il n’y aguère
de raison de s’en priver. Lespremiers notent un « frémisse-ment »
en faveur de leur thèse auxEtats-Unis.
b Action conjointe pour luttercontre les grandes maladies.
LesEtats-Unis et l’Europe ont décidéde se mobiliser pour lutter
contreles maladies infectieuses enAfrique, tels le sida, la malaria
et latuberculose. Nouvelles ressources,en particulier via la Banque
mon-diale, nouveaux partenariats,fortes incitations auprès des
paysayant bénéficié d’un allègement deleur dette pour qu’ils
investissentdans la protection sanitaire, sontquelques-uns des axes
de cettestratégie euro-américaine.
b Les aides américaines à l’ex-portation. Sur ce point, le
désac-cord est total. Les « FSC » (ForeignSales Corporations),
c’est un sys-tème permettant aux entreprisesaméricaines (Microsoft,
Ford, Ex-xon Mobil, etc.) de faire transiterleurs exportations dans
un paradisfiscal, et de réduire ainsi leur impo-sition de 15 à 30
%. Stuart Eizens-tat, le secrétaire d’Etat adjoint auTrésor, a
présenté de nouvellespropositions aux Quinze, que Pas-cal Lamy a
rejetées deux joursavant le sommet de Lisbonne.L’OMC a condamné à
deux re-prises Washington, qui persiste àvouloir faire adopter
cette nou-velle législation par le Congrèsavant le 1er octobre.
Laurent Zecchini
M. Berezovski prédit l’instauration d’un « régime autoritaire
»MOSCOU
de notre correspondanteMercredi 31 mai, la Douma
(chambre basse du parlement) aapporté son soutien à
VladimirPoutine en adoptant trois textesde lois qui prévoient de
réduire lepouvoir des leaders régionaux auprofit du centre. Un des
textesprévoit que les gouverneurs et leschefs des parlements
régionauxqui, jusqu’alors, siégeaient auConseil de la fédération,
lachambre haute du parlement,soient remplacés par des
repré-sentants, perdant ainsi leur immu-nité parlementaire. Un
autre per-met au Parquet d’ouvrir desenquêtes contre les
gouverneursqui auront violé la loi et de les sus-pendre en
attendant le jugement.Le dernier donne aux gouverneursle droit de
limoger les maires desvilles de leurs territoires.
Rare député à s’opposer à ceprojet, l’oligarque Boris
Berezov-ski a ouvertement exprimé son dé-saccord. La veille, dans
une lettreouverte au président, le milliar-daire russe avait
violemment criti-qué la grande « révolution admi-nistrative »
concoctée par leKremlin pour renforcer le pouvoirdu centre sur les
régions. M. Bere-zovski estimait que la création desept «
super-régions » – chapeau-tant les 89 « sujets » de la fédéra-tion
russe – apporterait « plus demal que de bien ». « Les change-ments
proposés sont antidémocra-tiques. (...) Ils violent l’équilibre
in-dispensable au fonctionnementd’un Etat démocratique et
d’uneéconomie de marché », écrit M. Be-rezovski, prédisant
l’instaurationd’« un régime autoritaire », de type«
latino-américain ».
« C’est le signe que Boris Berezov-
ski sera obligé de quitter ses quar-tiers au Kremlin » en a
déduit ledéputé agraire Nikolaï Kharito-nov. Pourtant, la
nomination ré-cente à des postes clés de deuxproches de M.
Berezovski – Mik-haïl Kassianov à la tête du gouver-nement ;
Vladimir Oustinov auParquet et Alexandre Volochine
àl’administration présidentielle –laissait penser que M.
Berezovskicontinuait à avoir la haute mainau Kremlin. Mais Vladimir
Poutinesemble avoir récemment décidéde s’attaquer aux intérêts
person-nels de M. Berezovski. Sa sociétéLogovaz (concessionnaires
de voi-tures) se serait vue retirer le droitde vendre des Mercedes,
alors quel’enquête sur une autre des socié-tés du magnat russe
(Atoll) vientd’être rouverte par le parquet.
Agathe Duparc
-
LeMonde Job: WMQ0206--0005-0 WAS LMQ0206-5 Op.: XX Rev.:
01-06-00 T.: 10:57 S.: 111,06-Cmp.:01,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100
No: 0359 Lcp: 700 CMYK
I N T E R N A T I O N A L LE MONDE / VENDREDI 2 JUIN 2000 /
5
Nous avons tous notre idée
de la Qualité de Vie au Quotidien.
respectrespect
confianceconfiance
• Home Office (Ministère de l’Intérieur) en Grande-Bretagne (50
millions de chèques par an)
• Czech Telecom en République tchèque (18 000 utilisateurs)
Bases-Vie :
• Shell à Aberdeen au Royaume-Uni (15 plates-formes et 3
sites).
Positions concurrentiellesA l’exception de la Grande-Bretagne,
le projet de Granada ne modifie pasnos positions concurrentielles
globales en Restauration Collective où noussommes le n°1
mondial.
Nouvelles technologies de l’information et dela
communicationSodexho développe l’utilisation des nouvelles
technologies.Ainsi, Sodexho Marriott Services vient de signer un
accord avec InstillCorporation, spécialiste de l’e-business en
restauration, en vue de créer auxEtats-Unis une plate-forme d’achat
sur Internet.
PerspectivesPour l’ensemble de l’exercice 1999/2000, à taux de
change constants,nos objectifs de croissance étaient de :• 8 % pour
le chiffre d’affaires ;• 15 % pour le résultat d’exploitation ;• 20
% pour le résultat récurrent net part du Groupe.Sur la base des
taux de change actuels, notamment du dollar et de la livresterling,
ces taux de croissance devraient s’élever respectivement à 18 %,25
% et 30 %.
Le Conseil d’Administration s’est réuni, sous la présidencede
Pierre Bellon, pour arrêter les comptes semestrielsde l’exercice
1999/2000 au 29 février 2000.
Performances financières consolidées• le chiffre d’affaires
s’élève à 5,270 milliards d’euros en croissance de 22 %par rapport
à celui du premier semestre de l’exercice précédent ;• le résultat
d’exploitation atteint 278 millions d’euros en augmentation de 24 %
;• le résultat net part du groupe récurrent s’élève à 73 millions
d’euros en progression de 43 % ;• le résultat net part du groupe
atteint le même montant ;• ces performances tiennent compte des
taux de change au 29 février 2000.
Succès commerciauxAu cours du 1er semestre, Sodexho a bénéficié
d’une bonne croissance et aconnu de beaux succès commerciaux :
Restauration et Services :
• Cœur Défense en France (7 000 personnes)• Peugeot en France et
au Brésil• 5 bases militaires à Edimbourg en Ecosse (2 200
personnes)• Tenet Healthcare Corporation aux Etats-Unis (39 sites -
8 000 lits)• Northeastern State University à Tulsa aux Etats-Unis
(11 000 étudiants)• Ericsson en Suède (11 sites - 11 300
personnes)
Chèques et Cartes de Services :
• BankBoston à Buenos Aires (4 000 utilisateurs)
BP 100 - 78883 SAINT-QUENTIN-YVELINES CEDEX - TÉL. : 01 30 85 75
00 - www.sodexho.com - Audiotel : 08 91 67 19 66 (1,47 F. la
mn)
■ N° 1 mondial de la Restauration et des Services.■ N° 1 mondial
de la Gestion de Bases-Vie.■ N° 2 mondial des Chèques et Cartes de
Services.■ N° 1 mondial du Tourisme Fluvial et Portuaire.■ 270 000
collaborateurs dans 70 pays.■ 21100 sites.■ 9 milliards d’euros de
chiffre d’affaires.
satisfactionsatisfaction
écouteécoute
Des résultats semestriels en forte hausse
Au Brésil, un prêtre français, avocatdes « sans-terre », est
menacé de mort
Henri Burin des Roziers participe au procès d’un « fazendeiro
»Un procès mettant en cause un puissant fazen-deiro (propriétaire
terrien) va s’ouvrir, mardi6 juin, à la cour d’assises de l’Etat du
Para, au
Brésil. Son accusateur est un prêtre français,Henri Burin des
Roziers, avocat de profession,membre de la Commission pastorale de
la terre,
engagée depuis longtemps auprès des paysanssans terre. L’avocat
français est menacé de mortet sa tête a été mise à prix.
HENRI BURIN DES ROZIERS,prêtre et avocat français, est mena-cé
de mort dans l’Etat de Para aunord-est du Brésil. L’ordre des
do-minicains, auquel il appartient, ain-si que des organisations
liées àl’Eglise de France (Comité épisco-pal France-Amérique
latine, Justiceet Paix, Action des chrétiens pourl’abolition de la
torture, Comité ca-tholique contre la faim et pour ledéveloppement,
etc.), viennentd’alerter les autorités françaises etbrésiliennes
sur la situation de cetavocat, défenseur de paysans sansterre, qui
vit depuis plus de vingtans au Brésil et dont la tête est
au-jourd’hui mise à prix.
Agé de 69 ans, docteur en droitaprès des études à Paris,
neveud’Etienne Burin des Roziers, quiétait secrétaire général de
l’Elyséeà l’époque du président de Gaulle,Henri Burin des Roziers
exerce sonmétier d’avocat à Xinguara et à RioMaria, dans le sud du
Para. Les me-naces qui le visent aujourd’hui sontliées à
l’ouverture, mardi 6 juin à lacour d’assises de Belem, du
procèsd’un fameux fazendeiro, JeronimoAlves de Amorim, capturé
au
Mexique à la fin de 1999, en exé-cution d’un mandat d’arrêt
inter-national, et traduit devant la jus-tice brésilienne.
Ce fazendeiro est accusé d’avoircommandité l’assassinat, le 2
fé-vrier 1991 à Rio Maria, d’un syndi-caliste, Expedito Ribeiro de
Souza,en faveur duquel M. Burin des Ro-ziers et des militants de
laCommission pastorale de la terre,organe de l’épiscopat du Brésil,
sesont mobilisés et portés parties ci-viles. Ils ont joué un rôle
décisifdans les poursuites contre M. Alvesde Amorim. M. Burin des
Rozierssera même dans le prétoire de lacour d’assises en tant
qu’assistantd’accusation, le temps d’un procèsqui soulève déjà la
fièvre en raisondes soutiens dont bénéficie l’ac-cusé parmi les
grands propriétaireset dans la classe politique du Para.
Les « exécutions » ont déjàcommencé. Cinq « sans terre » ontété
assassinés au début du mois demai dans la région de Xinguara. Ona
retrouvé les corps de deuxd’entre eux, les oreilles coupées se-lon
la pratique habituelle destueurs à gages commandités par
les fazendeiros. Une liste de dix per-sonnes « désignées pour
mourir »circule depuis quelques jours dansle sud du Para. Outre
ceux des mili-tants déjà assassinés y figurent lesnoms d’Henri
Burin des Roziers,de Davi Passos, universitaire, deSebastian
Ataides, président duSyndicat des travailleurs ruraux deXinguara.
Des rumeurs font état dela présence dans la région d’untueur à
gages.
INFIME MINORITÉ DE POSSÉDANTSA travers ce prêtre français,
ce
sont les soutiens au combat despaysans « sans terre » et aux
parti-sans d’une ample réforme agrairequi sont visés. Ils
appartiennentaux milieux syndicaux, religieux,intellectuels et
judiciaires. Depuisdes années, l’avocat Henri Burindes Roziers et
ses collègues de laCommission pastorale de la terre(CPT), présidée
par Mgr Tomas Bal-duino – désigné dans tous les mi-lieux
conservateurs comme le nou-vel évêque « rouge »
brésilien,successeur de dom Helder Camara,décédé en 1999 –
intentent des pro-cès contre les exécuteurs et
commanditaires d’assassinats depaysans. Ils dénoncent les
pra-tiques violentes et arbitraires desforces de l’ordre, militent
contrel’impunité de ces puissants fazen-deiros, dont un Jéronimo
Alves deAmorim était le symbole avantd’être arrêté, qui contrôlent
terres,marchés et votes. Ils collaborentavec les équipes
d’inspecteurs dutravail qui, dans les grandes fazen-das, font la
chasse au travail clan-destin que le prêtre français ap-pelle le «
travail-esclave ».
Selon le Mouvement des sans-terre (MST) du Brésil, une
infimeminorité de possédants (1 % de lapopulation) contrôle la
moitié detoutes les terres arables du pays.Cinq millions de
familles – soit 20 à25 % de la population – sont pri-vées de terre
et vivent dans un étatd’extrême pauvreté. Le MST repré-sente
quelque 150 000 familles« installées » qui, grâce à leur lutte,ont
reçu des terres et plus de200 000 qui en occupent d’autres etvivent
dans des campements pro-visoires.
Henri Tincq
Pérou : pas de recours de l’OEAcontre l’élection de
FujimoriLIMA. Le président péruvien, Alberto Fujimori, a marqué,
mercredi31 mai, un premier point avec le refus du conseil permanent
de l’Organi-sation des Etats américains (OEA) de s’aligner sur la
position des Etats-Unis qui réclamaient la possibilité de recourir
à des sanctions après sa réé-lection contestée. Une partie de la
communauté internationale, essen-tiellement américaine et
européenne, ainsi que l’opposition péruvienne,conduite par
Alejandro Toledo, qui avait renoncé à sa candidature au se-cond
tour, estiment que le scrutin de dimanche dernier n’était « ni
libre, nijuste ». L’argumentation péruvienne pour parvenir à ce
résultat s’est fon-dée essentiellement sur le principe de
non-intervention dans les affairesinternes dans un sous-continent
rétif depuis très longtemps « aux in-gérences pour en avoir trop
souvent souffert », précise-t-on de bonnesource, estimant que ces
pays ne sont plus l’« arrière-cour » des Etats-Unis. – (AFP.)
Haïti : le parti d’Aristideremporte au moins dix-huit
mairiesPORT-AU-PRINCE. La Famille Lavalas, parti de l’ancien
président Jean-Bertrand Aristide (1991 -1996) a remporté dix-huit
mairies sur vingt-sept,dont celle de Port-au-Prince, lors de
l’élection municipale du 21 mai, selondes résultats partiels
communiqués mercredi 31 par le Conseil électoralprovisoire (CEP).
Le nouveau maire de la capitale (2,4 millions d’habi-tants) est une
femme, médecin de profession, Marie-Yves Duperval. LesHaïtiens
devaient élire au total 133 maires à travers le pays. Mais les
résul-tats définitifs officiels des élections législatives,
municipales et locales,doivent être rendus publics par le CEP, à
l’issue d’une période de contesta-tion légale de trois jours. –
(AFP.)
L’Ethiopie considère que la guerreavec l’Erythrée « est finie
»ADDIS ABEBA. Le premier ministre éthiopien, Meles Zenawi, a
déclaré,mercredi 31 mai, que son pays considérait la guerre avec
l’Erythréecomme « finie depuis mercredi », estimant qu’il avait
récupéré ses terri-toires occupés, mais il a réclamé des garanties
internationales avant de re-tirer ses troupes du sud de ce pays.
Des négociations indirectes entre lesdeux belligérants se déroulent
depuis mardi à Alger. – (AFP.)
Etats-Unis : George W. Bush« enclin » à surseoir à une
exécutionAUSTIN. Pour la première fois depuis qu’il est gouverneur
du Texas, lecandidat républicain à la présidence des Etats-Unis,
George W. Bush, s’estdéclaré « enclin » à surseoir pour trente
jours à l’exécution d’un condam-né à mort afin de permettre de
nouveaux tests d’ADN. Ricky McGinn de-vait en principe mourir
jeudi, par injection létale, pour le viol et lemeurtre, en 1993, de
sa belle-fille âgée de douze ans. « Je veux quel’homme puisse faire
entendre tous ses arguments devant le tribunal. S’il y aun doute
quelconque ou une preuve qui n’a pas encore été présentée
quil’exonère du viol, il faut l’examiner », a déclaré le
gouverneur, sous le man-dat duquel plus de cent vingt condamnés ont
été exécutés et qui n’a ja-mais accordé de tel sursis.Dans une
autre affaire, la veille, G. Bush avait grâcié A. B. Butler,
unhomme qui avait passé dix-sept ans en prison pour viol avant
d’être in-nocenté par de nouveaux tests d’ADN. – (AFP.)
Monténégro : un conseillerdu président assassinéPODGORICA. Goran
Zugic, conseiller pour la sécurité du président MiloDjukanovic, a
été tué par balles, mercredi 31 mai, dans la capitale duMonténégro,
a rapporté un journaliste sur place. La victime, âgé de38 ans, a
été abattue vers 23 h 15 locales (21 h 15 GMT) alors qu’elle
allaitrentrer chez elle dans le centre de Podgorica, selon ce
témoin qui habite àproximité et s’est rendu immédiatement sur les
lieux. La police recherchele ou les tueurs. – (AFP.)
La francophonie et le dialoguedes cultures à Beyrouth en
2001LIBAN. Le prochain sommet de la Francophonie, qui se déroulera
en 2001à Beyrouth, aura pour thème « Le dialogue des cultures », a
annoncé àParis, mercredi 31 mai, le secrétaire général de
l’Organisation internatio-nale de la francophonie (OIF), Boutros
Boutros-Ghali. « Nous devons nousy préparer et nous commençons par
le dialogue entre la culture arabe et laculture francophone »,
a-t-il indiqué sur France 2. Plus de cinquante chefsd’Etat sont
attendus à ce sommet.
DÉPÊCHESa KOSOVO : le Comité international de la Croix-Rouge
(CICR) a an-noncé la publication, en juin, d’un livre contenant les
noms de3 376 personnes qui lui ont été signalées comme ayant
disparu au Kosovoentre janvier 1998 et mi-mai 2000. Selon les
familles, la plupart de ces dis-parus auraient été détenus ou
enlevés. En février, le CICR avait estiméque près de 1 900 d’entre
eux avaient été sans doute arrêtés par les forcesde sécurité serbes
ou enlevés par des civils serbes, et que quelque350 autres
l’avaient vraisemblablement été par l’Armée de libération duKosovo
(UCK), l’ex-guérilla albanaise, ou par des civils albanais du
Koso-vo. – (AFP.)a IRAN : l’arrestation, mercredi 31 mai, de deux
musulmans iraniens,accusés d’espionnage pour Israël, risque de «
servir de prétexte pour re-tarder le verdict » des juifs accusés
dans le cadre de la même affaire, a in-diqué l’avocat de ces
derniers. Dix audiences du procès pour espionnageont eu lieu,
depuis le 13 avril au tribunal révolutionnaire de Chiraz (sud).Le
verdict devrait être prononcé d’ici deux semaines, avaient indiqué
pré-cédemment les responsables de la justice. – (AFP.)a
CÔTE-D’IVOIRE : l’ancien premier ministre ivoirien,
AlassaneOuattara, a appelé, mercredi 31 mai, à voter en faveur du
projet denouvelle Constitution qui doit être soumis à référendum le
23 juillet enCôte-d’Ivoire. Ce candidat déclaré à la présidence a
cependant déploréque « ce texte renferme certaines ambiguïtés et
incohérences concernant lesconditions d’éligibilité du président de
la République ». Une dispositioncontroversée du projet
constitutionnel, publié au Journal officiel du26 mai, stipule qu’un
candidat à la présidence « ne doit s’être jamais préva-lu d’une
autre nationalité ». Les détracteurs de M. Ouattara estiment
quecette disposition doit lui être appliquée, car il a représenté
le Burkina Fasodans diverses institutions internationales, dont le
Fonds monétaire inter-national (FMI). Le référendum du 23 juillet
doit être suivi d’une électionprésidentielle dont le premier tour
est prévu le 17 septembre. – (AFP.)
-
LeMonde Job: WMQ0206--0006-0 WAS LMQ0206-6 Op.: XX Rev.:
01-06-00 T.: 10:54 S.: 111,06-Cmp.:01,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100
No: 0360 Lcp: 700 CMYK
LA PHOTO des quatre députésVerts, côte à côte, est bonne
pourl’histoire. Dans l’Hémicycle, YvesCochet brandit le règlement
de l’As-semblée nationale ; Noël Mamère,
Marie-Hélène Aubert et Jean-MichelMarchand lèvent des yeux
indignésvers Raymond Forni (PS), au « per-choir », qui refuse de
donner la pa-role à M. Cochet. Alors, commeécrasés par le poids de
l’injustice, lesVerts quittent lentement l’Hémi-cycle, sous les
protestations de ladroite. On croirait vivre un grandmoment de la
Ve République. Maisque se passe-t-il ?
Rien de plus, en fait, qu’un scéna-rio bien huilé. Mercredi 31
mai, lesdéputés écologistes jouent ladeuxième scène du feuilleton «
ÀParis, les Verts lavent plus blanc ». Aulendemain de
l’intervention deM. Mamère, mettant en causeJacques Chirac et
Philippe Séguindans l’affaire des « faux électeurs »du 3 e
arrondissement (Le Monde du1er juin), le président de
l’Assembléenationale a rappelé à l’ordre l’élu deGironde, comme l’y
autorise l’article71 du règlement. Un peu plus loin, àl’article 73,
ce texte rend passible desanction le député « qui s’est
renducoupable d’injures, provocations oumenaces envers le président
de la Ré-publique, le premier ministre, lesmembres du gouvernement
et les As-
6
F R A N C ELE MONDE / VENDREDI 2 JUIN 2000
TROIS QUESTIONS À...
ARNAUD MONTEBOURG
1 Député socialiste de Saône-et-Loire, vous soutenez Noël
Ma-mère, qui a été rappelé à l’ordrepar le président de l’Assemblée
na-tionale, mercredi, pour avoir misen cause Jacques Chirac dans
l’af-faire des « faux électeurs » du3e arrondissement de Paris.
L’inter-vention de M. Mamère était-elle lé-gitime ?
Je veux défendre Noël Mamère !Son intervention, mardi, était
d’au-tant plus légitime que le présidentde la République, dans
notreConstitution, est irresponsable surle plan politique et sur le
plan juri-dique, sauf circonstances excep-tionnelles. Vouloir
censurer un dé-puté qui n’a fait que dire la vérité,de manière
modérée et réfléchie,
c’est porter atteinte à la libertéd’expression parlementaire !
Toutle monde le sait : l’implication duprésident de la République
fait par-tie des interrogations des enquê-teurs et des magistrats
instructeursqui travaillent sur les affaires de laVille de Paris.
Quel que soit le ni-veau de son implication, JacquesChirac a
profité de toutes ces in-fractions qui sont aujourd’hui re-prochées
aux dirigeants de la Villede Paris : les emplois fictifs, les
tru-quages de marchés publics et lesfraudes électorales.
2 Le rappel à l’ordre de Ray-mond Forni n’était donc
pasnécessaire ?
C’est une faute politique ma-jeure de sa part, d’autant plus
re-grettable que M. Forni – pourtantavocat ! – n’a pas laissé M.
Mamèreprésenter ses arguments au préa-
lable. Le rappel à l’ordre n’est riend’autre qu’une sanction :
cela re-vient à dire que l’on doit se tairesur des pratiques
illégales dans les-quelles le président de la Répu-blique a des
responsabilités, pourle moins, politiques. Par ricochet,cette
censure aboutit à empêcherl’opinion publique de se faire unpoint de
vue.
3 Philippe Séguin a annoncé ledépôt d’une proposition de
loivisant à « refondre complète-ment » les listes électorales, à
Pa-ris, d’ici à mars 2001. Qu’en pensez-vous ?
S’il faut une loi pour nettoyer lesécuries dans la transparence
et lerespect des règles contradictoires,alors oui, je suis pour
!
Propos recueillis parClarisse Fabre
Le président intouchable pendant son mandatLe président de la
République bénéficie d’une immunité pénale
tant qu’il est en fonctions. Ainsi en a décidé le Conseil
constitutionnel,de façon incidente, le 22 janvier 1999, à
l’occasion de sa décision sur laCour pénale internationale. Le
Conseil a, en effet, jugé que « le pré-sident de la République,
pour les actes accomplis dans l’exercice de sesfonctions et hors le
cas de haute trahison, bénéficie d’une immunité ». Etil a ajouté
qu’« au surplus, pendant la durée de ses fonctions, sa
respon-sabilité pénale ne peut être mise en cause que devant la
Haute Cour dejustice ». Cette décision signifie que le président de
la République nepeut être mis en accusation par la justice
ordinaire pour des délitscommis hors de l’exercice de ses
fonctions, et donc, notamment, anté-rieurement à celles-ci. Pour
que les juges lui demandent des comptes,ils doivent attendre qu’il
ait quitté l’Elysée, contrairement à l’inter-prétation faite par la
ministre de la justice, en mai 1998, qui avait esti-mé que le chef
de l’Etat pouvait relever de la justice ordinaire, ce quilui avait
valu un sévère rappel à l’ordre du premier ministre.
M. Contassot : ne pas « faire ce qui s’est fait en Corse »Le
chef de file des Verts parisiens aux élections municipales de
mars 2001, Yves Contassot, s’est déclaré, mercredi 31 mai, «
totalementopposé » à une refonte des listes électorales à Paris,
comme l’a propo-sé Philippe Séguin, « si elle consiste à faire ce
qui s’est fait en Corse ».Les 1 047 787 électeurs parisiens
devraient alors retourner dans lesmairies pour se réinscrire. « Ce
serait la meilleure manière d’empêcherle scrutin de se dérouler sur
des bases sûres », a déclaré à l’AFPM. Contassot, car « les
inscriptions sont extrêmement faciles à faire surune base
frauduleuse : il suffit de se faire domicilier chez quelqu’un
».
Le programme des Verts à Paris préconise en revanche un «
net-toyage » des listes électorales par croisement des fichiers
électorauxet fiscaux, ce que la Commission nationale informatique
et libertés(CNIL) n’a pas autorisé. M. Contassot demande également
que lescommissions de révision des listes électorales soient
composées demagistrats indépendants.
Révision ou refonte complète des listes électorales ?
REFONTE complète des listesélectorales à Paris, comme le
pro-pose Philippe Séguin, ou « net-toyage des listes existantes par
croise-ment de fichiers » , comme lepréconise Yves Contassot ? A
lasuite des récentes mises en examendans l’affaire des « faux
électeurs »,le débat est lancé. La situation ac-tuelle des listes
parisiennes et la lé-gislation sur leur révision lerendent
compliqué.
b La situation à Paris. Pour lesvingt arrondissements de la
capi-tale, les inscriptions et radiations sefaisant à la mairie
d’arrondisse-ment, le nombre d’électeurs ins-crits était de 1 135
629 au 28 février1997. Les révisions des années 1997,1998 et 1999
ont ramené ce nombre,au 29 février dernier, à 1 047 787,soit une
diminution de 87 842(7,73 %). Ce chiffre, particulière-ment élevé,
est sans rapport avecl’évolution de la population de lacapitale,
passée de 2 152 423 habi-tants, au recensement de 1990, à2 125 246
à cel