Full text of "Stendhal-Beyle"
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Full text of "Stendhal-Beyle"
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\
r
Cl.
rSTENDHAL-BEYLB
ARTHUR CHUQUET
DE L INSTITUT
DBnXIBMB DITlON
PARISlibrairie: plonPLON-NOURaiT ET G", IMPRIMEURS-DITEURS, RUE
GARANClttlIi: 1902Tons droits ristrvs
lIII
,-BEYLE
STENDHL-BEYLE
CHAPITRE PREMIERGRENOBLESentimenU de Beyle l'gard de Grenoble et
du Daupliin. Le caraclredau|ihinoi8. Vie de Henri Brulard. Quelle
crance elle mrite. Lesars de Beyle. Son pre et sa mre. Le docteur
Gagnon. L'onci'Romain. La tante Sraphie. La grand'tante Elisabeth
Aristocm'c. Souvenirs d'enfance. Les Granges et les Echelles. L'abb
Raillanc. Reyie enfant de chur. Son pre notoirement suspect. Le
bataillon
de l'Esprance. Lectures. Rousseau. Mlle Kably.
ViclorincBigillion. Camarades. Querelle avec Odru. L'cole centrale
de Grenoble. Les professeurs : Rcrriat Saint-Hrix, Durand,
Dubois-Fontanelle,Chalvet, Gattel, Jay, Troussct, Yillars, Dupuy de
Bordes. Succs scolaires. Le gomtre Gros. Premier prix de
mathmatiques. Dpartpour Paris. L'Ecole polytechni(jue.
Henri Beyle, plus connu sous le pseudonyme de Stendhal,est
Dauphinois : il naquit Grenoble, rue des Yieux-Jcsultcs,le 23
janvier 1783.11 n*aimait pas Grenoble, qui ne rendait pas justice
sonmrite : Grenoble lui faisait horreur, lui faisait a mal au cur
,et il n'y trouvait, outre de vilaines rues, que bassesse et que
platgosme. Mais il avoue que d'autres pensaient diiremment :il
entendit en Italie des officiers dire la table de Moncey
queOrenoblc est un endroit charmant o Tesprit ptille et o lesjolies
femmes ne manquent pas ; il vit Laclos vieillissant s'att ndrir
devant lui en apprenant qu'il tait de Grenoble. Luic me, durant son
premier sjour Paris, regrettait la citc laie, et en 1802, en 1804,
dans la socit grenobloise, avec1
a STE^DUAL-BEVLEles Piier et les Mailein, au milieu des bals et
des ftes ducarnaval, il se divertit et s'amusa follement. Il finit
par reconnatre qnc Grenoble est le pays de la Bnesse et du
patriotismeclair, une ville qui s'lve au-dessus des prjugs
environnants parla raison profonde comme Bordeaux par les
sailliesde l'esprit : On sait lire, crit-il, dans la patrie de
Montescjuieu et dans celle de Barnave >, et il loue, il dclare
uniquedans l'histoire de la Rvolution la dfense que Grenobleopposa
le G juillet 1815 aux troupes pimontaises.11 affectionna toujours
le Dauphin, les montagnes, " tmoinsdes mouvements passionns de son
cur " , la valle du Grsivuudan au nom baroque, et il a dit que le
genre ennuyeuxsemble banni de cette rgion de la France, qu'on
ferait surelle des volumes si l'on cdait la tentation de parler de
toutce qu'elle a de beau, de ses groupes d'arbres, de la
vgtationluxuriante de sa plaine, des jolis bois de chtaigniers qui
garnissent ses coteaux, a du grand caractre qu'impriment toutcela
les neiges ternelles de Belledone. Les personnages deson Aviiiance,
les Malivert, Mmes de Claix et de Seyssins, ledomestique Voreppe
ont des noms de villages dauphinois. Iltait le plus chaud loge de
ses compatriotes Mounier et Barnave : l'un avait plus de science et
prconisait le systmeanglais; l'autre, plus loquent, fougueux, un
peu paresseux,tait un hros qui ne commit des fautes que sous
l'empire dela passion et qui refusa de s'vader de sa prison paicc
qu'ilavait foi dans la libert dont il tait l'un des fondateurs.Kn
plusieurs passages de ses uvres il a dpeint complaisamnient le
caractre dauphinois. Il le juge vif, ferme, opi-
uiiilrc, raisonneur, sagacc, et il cite comme reprsentants
ettypes de la race cet astucieux Lesdiguires que le duc deSavoie
comparait au renard, et Casimir Prier, qui savait vouloir sans tre
trouble par l'approche du danger. Mme dansramabilit des dames de
Grenoble il discerne un fond de bonsens et de malice qui souvent
embarrasse. de pays de Dauphin est rest une demi-rpublique; on ne
s'y soumet gureaux vrits qui arrivent toutes failesde Paris; dans
ces montagnes couvertes de neige six mois de l'anne, comme on
est
CHAPITRE PREMIER
3
sans occupation, on 8*amu8e faire ses ides, on a le malheur
d'tre original. Beyle a certains traits de ce caractre dauphinois :
esprit,finesse, profondeur, originalit. Il a remarqu que
Lesdiguiresne fut jamais dupe; que c*est absolument contre la
nature desDauphinois d'tre dupe; que, mme en flchissant le
genoudevant la plus triomphante des hypocrisies, ils ne
peuvent8*empcher d'encourir sa haine en montrant par quelquedtail
imprudent qu'ils ne sont pas sa dupe. C'est ainsi qu'iltcha de
n'tre jamais dupe ; c'est ainsi que l'ironie apparaissait, quoi
qu'il fit pour^la cacher, dans le coin droit de sabouche.Il a
racont son enfeince et une partie de sa jeunesse jusqu'la
dix-septime anne dans la Vie de Henri Brulard{l). Maisson biographe
ne doit puiser cette source qu'avec prcaution. La Vie de Henri
Brulard renferme plus de posie que devrit, plus de fiction que de
ralit. Elle date de 1835 et de1836. De son aveu, Beyle y a mis une
foule de choses qu'ilvoit nettement sous le rgne de Louis-Philippe
et qu'il nevoyait pas sous la Rvolution, ou, selon ses propres
termes,qu'il voyait d'en bas comme un enfant, qu'il ne sentait
queconfusment. Il croit qu'elles ont du se passer ainsi, et il
lesdcouvre, dit-il, en y pensant. Beaucoup sont donc
imagines,inventes, et, pour parler comme lui, la plupart de ses
l*aisonoements sont bien avancs pour l'ge qu'il avait alors.Il
convient avec bonne grce qu'il se rappelle peu de faits :il ne sait
plus si son grand-pre est mort en 1807 ou en I8I3, et iln'a plus
souvenance de sa physionomie; il a oubli la couleurd'un des
uniformes qu'il a ports; il confond les deux frresPetiet l'un avec
l'autre. Mais a-t-il au moins de la vracit ence qui touche ses
sentiments ? Peut-on croire, par exemple,qu'il ait, ds Page de
quatre ans, conu de l'horreur pour lareligion?11 termine ainsi, et
trs ridiculement, une notice nccrolo-
(1) Publie ea 1890 par Caiimir Stkyiekski.
4 STEXDHAI.-BEVLKgique sur lui-mme : Il tait amoureux de sa mre,
qu sept ans. o Parce que sa mre lui semblait belle, pail'embrassait
volontiers, la Laisait navemeut sur la jassure dans la Vie de Henri
Brulard qu'elle a t sonamour; il la revoit sautant avec la lgret
d'une biidessus le matelas o il couchait : J'tais, dit-il, aussique
possible, j'aimais ses charmantes faveurs! e II y :seulement
profanation, non seulement manque de goimanque de vrit : si prcoce
qu'ait t Beyle, et biendj i> un temprament de feu > , il
n'tait pas amourcimre, et s'il eut alors quelque inclination, ce
fut plucelte petite fille, une Lavalette ou une Saint-Vallier,
qcontra dans le salon de Mme de Valserre et dont il voila figure et
les beaux bras en 1835.Il dit aussi qu'en janvier 1793, l'Age de
dix ans, ilque Louis XVI serait excut : pendant que sa famillelait
et se dsesprait, il tait transport de joie; il regtroi comme un
Iraitre; il avait les opinions parfaitefoncirement rpublicaines u .
11 se trompe et il nous til loitalors royaliste et le resla
longtemps. Ne lit-on (son Journal, la date du C juin \HOi, que le
CiW lui pi;1799 parce que, u lev dans une famille pleine de
l'Imonarchique, il n'tait que bon sujet d'un monarqutavait t
rpublicain, aurait-il avec Colomb, Manie etcamarades de l'cole
centrale, tir par une nuit noirede pistolet surl'arbre de la
Fraternit qui portait l'inscHaine la royaut?Le 2() juin 179-4, chez
son grand-pre, dans le salon,quaitavec son matre Durand les
BMfo/jVj'ues de Virgileentendit des cris d'allgresse qui saluaient
la mort desItevenaz et Guillabert dcapits sur la place
Greneltc.Beyle qui prtend que le supplice de ces deux malheucausait
du plaisir, est-ce le Beyle de 1794? N'est-ciStendhal qui se
dlectait terrifier ses amis de la Kestien leur exposant sa
politique jacobine?Rst-il vrai qu' quatorze ans il ail aim les
mathnparce qu'elles n'admettent pas l'hypocrisie et le va{
f
CHAPITRE PREMIER 5 deux btes d^a version ? C^est encore Stendhal
qui parle ainsi,et non Tlve de l'cole centrale.Est-il vrai que,
dgote de sa ville natale et dsireux d'en
sortir, il ait eu cette ide que les mathmatiques lui donneraient
le moyen de quitter Grenoble? S'il Ta eue, certes, celteide est une
ide de gnie . Mais il ne l'eut pas : il tudia lesmathmatiques parce
qu'elles lui plaisaient par leur nouveaut,parce qu'elles taient la
seule matire qu'il n'et pas apprise la maison.Est-il vrai qu'il
dtesta Racine de bonne heure, et qu'en 1800il le considrait comme
un adroit courtisan incapable de sentiret de voir le beau vritable?
Sa correspondance et son Journalprouvent qu'il avait dans sa
jeunesse la superstition littrairedu dix-septime sicle. Il
recommande en 1802 sa S(eur Pauline de lire sans cesse les uvres de
Racine. 11 projette en 1803de former son got d'aprs Racine, et
c'est un des quatreauteurs qu'il emporte la campagne. En 1804, il
loue passionnment Bajazet : a jamais tragdie ne l'a peut-tre si
constamment intress ; Racine a une vritp lgante qui charme; cen'est
pas le dessin de Michel-Ange ; c'est la fracheur deRubens , et
lorsqu'il range les pices classiques par ordre demrite, il donne la
troisime place Andromaque et la quatrime Phdre^ aprs Cinna et le
Cid.Enfin, n'a-t-il pas trop assombri la priode grenobloise de
sajeunesse, et ne l'a-t-il pas fait, soit dessein, soit
inconsciemment, pour mettre en une plus belle lumire la priode
milanaise? 11 eut pourtant nombre d'heureux moments : il eut debons
camarades et de fidles amis, Colomb, Mante, Grozct,Flix Faure, et
c'est peine s'il les mentionne. Pas un mot deCrozet; presque rien
sur Colomb, son cousin et compagnon,auquel il crivait en 1817 : Je
t'ai reconnu ds nos jeux d'enfance une certaine force dans le
caractre. On croirait d'aprs la Vie de Henri Brulard que Henri
Beylcmprisait et abhorrait son pre Chrubin d& le bas ge.
MaisChrubin tait-il si despotique? Lorsque la grive que
l'enfantnourrissait fut crase dans l'embrasure d'une porte, il
accusaChrubin de l'avoir tue, et Chrubin prit la peine de se
dis-
STNDMAL-BEVLEIper indirectement et en termes dlicats . Ce n'tait
doncs un si mchant et si vilain personnage, el la
correspondanceHenri Beyie ainsi que son tourna/ dmontrent qu'il
affecinnait son pre, le tenait pour homme de talent et homme: bon
conseil. 11 raconte qu'il lui fil ses adieux au Jardin delie et
qu'il le trouva bien laid; mais il ajoute que Chrubineurait, et
nous savons par un tmoignage postrieur qu'ilit lui promettre alors
de ne pas se marier avant trente ans :mtretien du pre et du fils
fut, par suite, empreint d'unerieuse tendresse. En 1803, il reoit
de Chrubin une lettrel'il qualifie de charmante, el la mme anne,
lorsqu'il critl'on ne peut trop aimer de u tels parents , lorsqu'il
jouit ivance du bonheur qu'auront ses u bons parents s'il com)se un
ouvrage qui lui vaut quelque gloire, il parle non seument de son
grand-pre, mais de celui qu'il nomme sonpapa.est en 1804, pendant
un sjour Grenoble, que se refroiditm affection : Ma famille m'aime,
dit-il, mais point de cet
nour divin que je m'tais figur de Paris; ce n'est pas lamille
qu'on pourrait souhaiter; ils n'ont cess jusqu' la finIl repas de
grogner et de se lamenter. C'est en 1805 qu'il serend dtester son
pre, qu'il le renie, l'appelle sonbtard o, un barbare, un Tartufe
avare.A-l-il excr tellement cette tante Sraphie qu'il peint souses
couleurs si noires? En 1808, dans une lettre sa sur, ilarle sans
colre de ce tyran en jupons etde tous les maux queli fit souffrir
cette pauvre tatan Sraphie . La pauvre tatan !. lui en voulait
moins en 1808 qu'en 1835 (1).Il ne faut donc pas avoir dans la Vie
de Henri Brulard unentire crance. En 1808, BeyIe rappelait sa sur
Paulineu'il l'avait battue dans la cuisine de Claix, qu'il se
rfugiaans le petit cabinet de livres et que son pre furieux lui
cria :Vilain enfant, je te mangerai ! En 1835, Beylc se souvint dee
trait, mais il le dnatura : n Donne-moi, aurait-il dit sotire,
donne-moi.cinq sous par jour, et laisse-moi vivre comme
(1) RemArquoDi que Baill.inc, le lyran de la Vit de Henri
Brulard, ct\impl^meal, dam une lettre de l'an XI, le - lot-
Raillane.
CHAPITRE PREMIER
je Toudrai n ; sur quoi son pre lui aurait rpondu : Tu n^esqu'un
vilain impie. Le mot impie est caractristique : il nefut pas
prononc dans la circonstance; mais en 1835 Stendhalse glorifie de
son impit.Si trompeur que soit par instants ce fragment
d'autobiographie que Stendhal a intitul Vie de Henri Brulard^
c'estpourtant le seul document qui nous fait connatre la famille
deBeyle, ses surs Pauline et Znade, son pre Chrubin et samre
Henriette, son grand-pre le docteur Gagnon, son oncleTavocat Romain
Gagnon, sa grand'tante Elisabeth et la terribletante Srapfaie.Beyle
avait deux surs, Pauline et Znade, qui devaientpouser, Tune, un
propritaire de Grenoble, Franois PrierLagrange; l'autre, un
contrleur des contributions directes,Alexandre Mallein. Il n'aimait
gure la cadette, Znade, qu'iltraitait de rapporteuse. En revanche,
il adorait Pauline. IlTavait d'abord dteste; mais peu peu elle
devint son intimeamie et sa confidente. Il ne cesse de correspondre
avec elle ; ilveut lui crire toute sa vie et au del mme ; il est
son mentoret son pdagogue ; il la sermonne, la morigne, lui dbite
trspdantesquement des leons de littrature et d'idologie ; il
lagronde d'avoir couru le soir les rues de Grenoble en habit
masculin. L'affection de Beyle ne diminua pas lorsque Pauline
eut,selon son conseil, rsolu de prendre pour poux un hommeriche et
mdiocre : L'tat d'une fille, lui disait-il, c'est de se
marier; marie -toi, rends -toi indpendante, le rle
d'unedemoiselle dans nos murs est l'immobilit, la nullit, toutesles
ngations; ou accorde une femme marie une libert quiva jusqu' la
licence (I). il appartenait l'une des meilleures familles de
Grenoble.Son pre, avocat au Parlement, fut sous TEmpire et la
Restauration adjoint au maire de la ville et reut des mains du
comtc^d'Artois la croix de la Lgion d'honneur. Trs rid, trs
laid.
{i) Elle est morte Grenoble le 7 juin 1857, dans sa
8oi\ante-c1ouziuieanne, chez sa sar cadette Mme Alex. Mallein.
STENDIlAL-BEVI.t:issadc, sombre, ne ranl gure, archidauphinois,c
pensant qu' vendre chrement des domaines ou' au plus bas prix,
Chrubin Beyie n'aimait dansle soutien du nom et ne vil jamais en
lui, peut-trequ'un demandeur d'arpent. Comme son pre,fui un
passionne : Chrubin avait la fureur dail eut des tOf|uades ; il ne
lut pendant quelque\ Bible, Massillon et ce Bourdaloue qui gtacc
dede Malivert; puis il se jeta dans l'histoire d'Anglcjurrit de
Hume; puis il eut la manie de l'agriculintations sur plantations;
puis il eut l'amour de lae lui ressemble en ce point : il fut, de
mme queet absolu dans ses gots.le Henri, Henriette Gagnon, quoique
petite et utitait frache, trs jolie, et les traits de son
visagenoblesse parfaite. File mourut en 1790. Tous ses:nt navrs de
douleur. Sa chambre resta fermeinnes. Ce n'est qu'en 1198 que Henri
Beyic peutul seul en a la clef.jnon, le grand-pre et parrain de
Henri Bejle,perruque ronde trois rangs de boucles, marchanted, la
canne la main, son chapeau troiscornes, fut longtemps le mdecin la
mode. Il tait en de la bourgeoisie grenobloise, et il protgea,ier
et Barnave : il prtait des livres Mounier etcontre le blme de son
pre, le marchand de drap ;mre de Barnave, qui reprochait au jeune
avocates procs pour Mably et Montesquieu. Aprs unPerncy, il avait
plac devant son bureau le busteZe fut lui qui fonda la bibliothque
de Grenoble,l'a nomm le roi d'esprii de la ville. Pourtant, ilissi
docte qu'on l'a dit : il ne connaissait en 180-i;ues ni les Lciires
persanes. Mais si Beyle dut plusagnoniser", son grand-pre lui
inspira le got desi Gagiion aimait tendrement son fdleul et
pctiUnsidrait comme son vritable pre, son intime(uc camarade.
L'enfant se servait souvent de mots
CHAPITRE PREMIERprtentieux; les plaisanteries et le regard
railleur de HenriGagnon Taccou tu nirent peu peu n'employer que des
expressions simples et prcises. Peut-tre prit-il de son aeul qui
parlait sans cesse de la connaissance du coeur humain, Tamotir dela
psychologie. Beyle ne lui reprochait que de la faiblesse : lett
grand-papa avait les murs du Rgent ; c'tait un Fontcnclie, plus
spirituel que courageux et absolument dpourvu depatriotisme; il
riait en racontant que l'irruption des Impriauxen Provence avait
arrach des larmes son pre le chirurgienGagnon.L'oncle Romain
Gagnon, avocat sans causes, tait lger, frivole, peu instruit, et il
ne lisait que des romans. Aussi ne putil tre sous. Louis XVIII
conseiller la cour de Grenoble. Maisil avait une jolie figure, des
yeux admirables, des faons charmantes, il sentait l'ambre, et, au
lieu du modeste frac des gensde loi, il portait un habit de la
dernire lgance; il tafitaimable, gai, brillant, disait des riens
avec grce et brodait dc.histoires merveille. S'il dplaisait aux
hommes, les femmesle trouvaient leur gr. Il fut l'amant des plus
belles dames deGrenoble, qui lui faisaient des cadeaux selon
l'usage du pays,et le bruit courait qu'avec l'argent de ses
maitresses riches ilentretenait ses matresses pauvres. Lorsque son
neveu partitpour Paris, Romain Gagnon lui donna ce conseil :
Quandune femme te quittera, dclare ton amour une autre dans
lesvingt quatre heures, ft-ce une soubrette. Une sur du docteur
Gagnon, Elisabeth, et une de ses filles,Scraphie, habitaient avec
lui.La tante Sraphie avait toute l'aigreur d'une dvote qui n'iipu
se marier. Elle tait a.sscz jolie, et Beyle souponne que sonpre
faisait Tamour avec elle. Quoi qu'il en soit, elle fut lemauvais
gnie du jeune Henri, qui la nomme un diable femelle.Kllc le
dtestait; elle disait qu'il avait le caractre atroce; ellele
rappelait lorsqu'elle l'entendait rire dans la cuisine avec labonne
servante Marion et le valet de chambre Lambert. Cnjour qu'il avait
dessin sur le mur une caricature de Znadc,Sraphie, interrompant sa
partie de boston, se prcipita surlui pour le battre, et il n'eut
que le temps de saisir une chaise
STENDIIAL-BEYLKiju'il mit entre sa tante et lui. Lorsqu'il
pleura laauvre Lambert, qui s'tait laiss choir du haut d'unle le
rprimanda si durement qu'il s'enfuit la cuitanl demi-voix : Infme,
infme !" Elle ne vivaitns, et le docteur Gagnon n'osait lui rsister
parcet la paix par-dessus tout. Quand elle mourut, Henrinpcher de
se jeter genoux pour remercier Dieu,h Gagnon, maigre, trs lance,
proprement vtue,e rare lvalion d'esprit sa beaut italienne.
Ellerien tant que le Cid. Beyie prtend qu'il doit & cette3
Elisabeth son espagnolismc, ses sentiments d'hon-
ue son me avait de dlicat cl de gnreux, ce que?re avait
d'aventureux et de romanesque. S'il arrivaitendhal de tendre ses
filets trop haut " , ce fut soustoujours persistante d'Elisabeth
Gagnon.me, il tient plus des Gagnon que des BeyIe. Luiegardait
comme Gagnon, et il ne pensait aux Beylepugnancc. Les Gagnon lui
ont transmis l'amour dedocteur savait l'italien, et Henriette
Gagnon Usaitn'avait pas la beaut de l'onde Romain, il fut commeiy
et tenta d'tre commelui un don Juan. Ainsi quepre maternel, il eut
le ddain de l'pargne et l'inat\. dpenses; parler d'argent clait une
bassesse auxGux mdecin.non e( les Beyle se piquaient d'appartenir
la hautee. Stendhal ne dit-il pas que sa famille se croyait usurla
noblesse " , qu'elle avait la manie nobiliaire et quemaginaitlre un
noble ruin, un gentilhomme dchuts ne traitaient-ils pas avec mpris,
et comme si elletort dans l'opinion, une cousine pauvre que le
petitI affreux bossu, commis cxpdilioimaire l'adminisdpartement,
voulait pouser? Ne pariaienl-ils passment des Bigillion de
Saint-Ismier, qui n'taient que des bourgeois de campagne, des
bourgeoisIs avaient des relations dans le beau monde de Grcc le
baron des Adrets, chez qui le vieux docleur
CHAPITRE PREMIER 11dnait une fois par mois mme aprs la mort
d'Henriette Gagnon; avec Mme de Valserre, fille de la baronne des
Adrets;avec Mme deMontmort, cette femme boiteuse, riche,
spirituelle,que Fauteur des Liaisons dangereuses a peinte dans la
marquisede Merteuil. Henri Beyie a ds son bas ge frquent des
aristocrates. II se rappelait plus tard que lorsqu'il commenait
lire, il voyait au foyer paternel des grands seigneurs
aimables,gais, charmants, qui ne prenaient rien au tragique. Ses
premiersamis furent des enfants de la noblesse qu'il rencontrait
dansles salons ou la promenade, Saint-Ferrol, Raymond deBrenger,
Flix de Sinard, les deux Monval, Gabriel du Bouchage (1).
llnedeVSaitpas aller, selon l'expression de sa famille,avec les
enfants du commun. Ce fut un des griefs de Beylecontre son pre.
Chrubin, disait-il, avait fait de lui une poulemouille. Pourquoi ne
savait-il ni monter cheval, ni nager,ni tirer des armes? Qui le
croirait? s'criait-il, je n'ai jamaiscouru avec des polissons de
mon ge, je n'ai jamais jou auxbilles, et j'enviais le neveu de
notre cordonnire ! C'est de cette molle et aristocratique ducation
ou, commeil dit, de ces habitudes di enfant noble qu'il tient son
orgueilet son mpris du peuple. Un soir, la nuit tombante,il
s'chappa de la maison et se glissa dans l'glise o la socit
des Jacobins avait ses sances : tous ces clubistes lui
parurenthorriblement vulgaires, et il les hait dornavant parce
qu'ilssont mal vtus et qu'ils ont mauvais Ion. En 1796, quand
ilentre Tcole centrale, il traite ses camarades avec hauteur etleur
trouve des faons ignobles.Il passa son enfance chez son grand-pre
Gagnon, cent pasdu logis de Chrubin Beyle, au second tage d'une
maison situeau coin de la place Grenette et de la Grande-Rue.
L'appartement tait un des plus beaux et des plus gais de Grenoble,
etil avait une jolie terrasse, garnie de fleurs et d'arbustes,
quidonnait sur le jardin del ville.Ce fut d'une fentre de cette
maison que Beyle vit le 7 juin1788 la journe des Tuiles, et il se
rappelait une vieille femme(1) Voir l'appendice quelques dtails sur
ces premiers amis de Beyle.
NDHAL-BELE
iait de toutes ses forces : Je me rvorte i , en brandis*es
souliers, et un ouvrier charpentier couvert de sang clinantentre
deux hommes c|ui le soutenaient.c souvenait aussi des funrailles du
marchal de Vaux,i promenades aux Granges, de son sjour Glaix et
auxles.enterrement du marchal de Vaux, le son touff deslurs voils
de noir, le dcfilc des soldats qui marchaient; renverse, la dcharge
soudaine de leurs fusils l'avaientidment mu. Nfais le peuple
raillait l'avarice de la filleunt : les tambours devaient selon
l'usage recevoir assezip pour se faire une culotte, et ils avaient
juste de quoiir leurcaisse.le n'a jamais pari qu'avec amertume des
promenadesfaites aux Granges avec son pre et la tante Sraphie;s
soirs d't, par des chemins environns d'une eau crote. Les deux
amants avaient la prcaution de marcher itlie pas derrire lui ds
qu'ils avaient franchi la porte de, et l'enfant regardait en
soupirant les montagnes depe dont une douce couleur orange
dessinait les artes.s il prenait sa revanche soit les jeudis, jours
do cong,irant la saison des foins, dans le domaine que son pre
lait Claix, deux lieues de Grenoble. Il raconte qu'il a111c fois
peut-ire le chemin de (irenoble Claix, par unea la plus
impatientante du monde n, borde de tilleuls et8u\ l'aspect
mlsrabic. Au mois d'octobre 182-i, ue des vendanges, lorsque le
bien paternel avait pass'autres mains, il vint rder autour des
vignes de Claix,ion sans embarras, par acheter quelques grappes
aucr, et ce lui fui, disait-il Colomb, une sensation diidc nianger
ce raisin sur les lieux mmes o il l'avaitc jadis.voyage aux chelles
en I7d0 ou en 1791 fut sans doute;ment le plus heureux de son
enfance. L'oncle Itomainn rgnaitcn ce village savoyard oilavait
trouv femme,laisontaitie nquartiergcnral de la gaiet .
Beylecrutinsport dans le ciel. Le bruit du Guiers qui coulait
CHAPITRE PREMIER 13deux cenls pas devant ses fentres lui devint
sacr; plus derudiment, plus de Sraphie et de pre grondeur, mais un
oncletoujours galant et aimable, une tante belle et
parfaitementbonne qu'il dvorait des yeux, des dames jolies et
rieuses, dejoyeux jouvenceaux parmi lesquels le capitaine
d'artillerie Corbeau de Saint-Albin. On faisait des excursions dans
les fortsde htres et les montagnes. On allait la grotte des
chelles,et en 1835 Beyle croit entendre encore les gouttes qui du
hautdes rochers tombaient sur la route. On buvait du ratafia pourse
rconforter, et, dfaut de verres, on se servait du couvercledes
tabatires.Chrubin Beyle avait confi son fils un M. Joubcrt,
hommegrand, maigre, ple, qui s'appuyait sur un bton d'pine
noire.Joubert enseigna mura, la mi?*e, au jeune Henri. Il mourut
etfut remplac par un ecclsiastique, Tabbc Raillane.Ce Raillane,
petit, grle, trs pince, avait l'il faux, le nezcourtet anguleux, le
teint vert, la figure inflexible et l'me sche.11 a t pour Beyle un
tyran. L'enfant tait vif, turbulent,tourdi : il fut soumis une
troite surveillance; il fut grondsans cesse. Le grand-pre Gagnon et
la tante Elisabeth n'osaientintervenir en sa faveur ou ne le
dfendaient de temps en tempsque par des mots piquants. Raillane,
Sraphie, Chrubin Beyles'unirent pour rprimer l'ardeur prcoce de
Henri et le plieraux rgles de la socit^. Au milieu de cette famille
svre etmorose qui blmait tout, il devint sombre et sournois, il
pritl'habitude de ruser et de mentir. De l cette dfiance qu'il
euttoujours et cette crainte d'tre tromp qui le fit comparer
uncheval ombrageux. De l cette haine qu'il manifesta plus
tardcontre les prtres et les jsuites.Les Beyle etles Gagnon taient
pieux. Le grand-pre Gagnon,d'abord voltairien, inclina vers la
dvotion aprs la mort de safille Henriette, qu'il esprait retrouver
dans l'autre monde. Latante Sraphie passait pour une bigote enrage.
Chrubin Beylese jeta dans les pratiques religieuses lorsqu'il eut
perdu safemme, et il maudissait Rousseau qu'il traitait d'impie.
Presque
tous les siens taient entrs dans la vie monastique. Il avait
un
:1e au couvent de Saint-Franois, une tante au couvent
dente-Marie, une sur Sainte-Claire, une aulre Vif, deux.res
Sainte-Ccile (1).[Icnri fut donc enfant de chur. 11 servit la messe
de l'abbillane au couvent de la Propagation, et il s'acquittait trs
bienson emploi avec un air dcent et srieux. Durant la TerreurI mme
servi la messe que le cur Dumolard disait leoanche onze heures dans
le salon du docteur Gagaon, ensencc de cinquante soixante dvotes.
Il (it sa premirenmunionClaix.entre les mains de ce Dumolard qu'il
croyait>rs rempli de simplessc et qui lui parut en 1815 un
profonduite. Mais peu peu il mprisait, dtestait cette religion que;
parents invoquaient pour le tracasser et le tourmenter. Lesions de
certains ecclsiastiques le dgotaient. Si Raillanc taitspropre et
soign dans sa mise, les prtres et les moines quinaient la maison
faisaient claquer la langue contre le palaiscoupaient salement leur
pain; l'un d'eux avait les yeux horsla tte en mangeant du petit
sal. Des propos du grand-pcrennaient rflchir. Kailtane enseignait
le systme cleste deolme, cl le docteur Gagnon rptait en riant ce
mot debh : Le systme de Ftolme explique tout, et l'glisepprouve, a
Parfois le vieux mdecin s'pouvantait de l'igoonce de ses htes, et
il s'criait : u Mmo l'ahh Fleury, leurjtorien, ils l'ignorent! tiLa
Rvolution clata. Elle arracha Bcyle au despotisme delillanc et aux
homlies paterneiles. Les Gagnon et les Beylclient royalistes, et
ils le furenttoujours avec passioa. Cettenillc, disait le comte
d'goult en 1815, est pleine de senlntB d'honneur et s'est conserve
en toutes nos crises dans lesnticrs de la dlicatesse, u Romain
Gagnon avait migr irin. Le docteur Gagnon prononait le nom de
Voltaire avecL sourire ml de respect et d'affection; il mprisait la
dutrry, au scandale de son petit-fls, trs surpris que son aeul: dit
pas madame; il rprouvait l'immoralit de Louis XV;tenait Louis XVI
pour incapable ; mais il avait la rputation{i; Maicsii:^, Iji famUU
de BtjU-Slendhal, notei giiialogiiiuei, 9-11.
r
CHAPITRE PREMIEK I :>d*ua feuillantin et d'un ami de Barnavc.
Chrubin Beylc connaissait intimement Aubert-Dubayet, le membre de
la Lgislative et le dfenseur de Mayence ; mais on le savait dvot,
et iln'avait pas cach sa douleur la nouvelle de Texcution deLouis
XVI.En avril 1793, deux reprsentants du peuple, mar et Merlino,
arrivaient Grenoble, et aprs y avoir trouv, comme ils
disaient, la morgue parlementaire et des esprits irrits de
lamort du roi, ils prenaient des mesures de sret gnrale.
Ilsdressaient deux listes : la premire, compose de
personnesnotoirement suspectes d'incivisme qui furent mises en
tatd'arrestation ; la seconde, compose de personnes
simplementsuspectes, qui furent dsarmes, surveilles et soumises
Tappelde la municipalit. L'instituteur Raillane etThomme deloi
Chrubin Beyle taient inscrits sur la premire liste, surcelle des
notoirement suspects , qui devaient tre squestrsdans la maison des
religieuses de Sainte-Marie d'en Haut outoute autre maison d*arrt
ou de justice. Raillane et ChrubinBeyle surent se soustraire aux
recherches. Mais un arrt dujuillet menaa les suspects qui ne se
rendraient pas dans lesmaisons d'arrt de la confiscation de leurs
biens. Chrubinreparut et obtint mme un sursis, puis, sur un nouvel
arrtdu 8 aot, se constitua prisonnier Sainte-Marie d'en Haut.Plus
tard, il accusait le conventionnel Amar, ancien avocat auparlement
de Grenoble, de s'tre souvenu d'une vieille rivalit,u Mais, lui dit
navement le petit Henri, Amar t'a mis sur laliste parce que tu
n'armais pas la Rpublique, et il est certain(|ue tu ne l'aimes pas
(1) ! M. Durand fut le successeur de Raillane. C'tait un bonhomme,
gros et rond, poli, propre. Il fit expliquer deux foispar jour son
lve Virgile, Ovide, Cornlius Nepos, en hiverdans la chambre du
grand-pre, en t dans un salon prs de
fl) AcL&RD, Actes du comit^ IV, 74; ArcLives nat. AFII, 182;
Gra.s, ButUtin de fa Soc. de stat, de V Isre, 1851, I, 91. Le
docteur Gagnon n'tait pas,quoi qu'eo dise Beyle, sur la liste des
ti simplement sut^pects nrsoulagerses compatriotes, et qu'il ne
cessa de proses soins que lorsqu'il fut atteint par le flau.ly de
Bordes, que Napolon eut pour matre l'cole:rie de Valence,
enseignait les mathmatiques (1). Ileaucoup d'lves, et il dut
partager sa classe en deuxi. Mais tait-ce, comme disait l'agent
national, parcequcurs ne touchait pas la religion, et que tes
parents:es et dvots regardaient les autres exercices commelies
d'athisme? N'tail-ce pas plutt que les mathmaprenaient de
l'importance, que les jeunes gens sent srs, quoi qu'ils fissent, de
tirer profit de cettef avait pas de professeurs de langues vivantes
; l'admion du dpartement les demandait au corps lgislatif, leslit
avec impatience, mais ne les voyait pas venir.e fut un des
meilleurs lves de l'institution nouvelle,it les cours durant trois
annes, ds la fondation dessement, et il appartint en l'an V, de
1796 1797, laire et la deuxime section; en l'an VI, de 1797
1798,-oisime section; en l'an VII, de I79(t 1799, lame section.'eut
pas la premire place dans toutes les matires.
3 a dit Colomb. Mais il eut des prix que les lves seaient avec
beaucoup de zle. Trois ans de suite le nomnri Beyle fut acclam dans
la salle des ftes dcadairesit lieu la distribution des rcompenses.
Cette crmonieilors plus clatante et pompeuse qu'aujourd'hui. Lests
civiles et militaires de la ville se runissaient lan commune, et
aux sons d'une musique qui jouait des'. (iir Dupuy de Bordca A.
Cbdot^gt, Jeunesse Je Xapo'e'ati, 1,340 ei47T-
CHAPITRE PllRMIER 23airs rpublicains, sous l'escorte d'un piquet
de garde nationaleet de troupes de ligne, se rendaient Tcole
centrale. L, lesprofesseurs et les lves les attendaient, tenant des
branchesd arbre et formant trois groupes qui rpondaient aux trois
sections de rtablissement. Quelques jeunes gens portaient surdes
brancards orns de fleurs et de feuillage les prix et les couronnes.
Prcd de ces groupes, le cortge se dirigeait vers lasalle des ftes.
Elle tait dcore de festons, de guirlandes, derameaux de verdure et
de dessins d'coliers. Tout autour, ungrand nombre de citoyens et de
citoyennes remplissaient lestribunes. Au centre, s'levait Tautel de
la Patrie o prix etcouronnes taient dposs. Les autorits se plaaient
en facede Tautel. Le prsident de l'administration prononait un
discours qui clbrait la Rpublique, les bienfaits de l'instructionet
les avantages des coles centrales. Aprs lui, un professeurprenait
la parole. Puis le secrtaire en chef lisait le palmars,le prsident
remettait les prix aux lves en leur donnantl'accolade fraternelle
au milieu des applaudissements, et leslaurats, leurs livres dans
les mains, la couronne sur la tte,regagnaient l'cole avec leurs
matres.En l'an V, la fin de 1797, Beyle, lve de la premire et dela
deuxime section, obtint la mention honorable de dessin la classe
des grandes ttes et la mention honorable dans le coursinfrieur de
mathmatiques.En l'an VI, la fin de 1798, il remporta le premier
prix ducours des belles-lettres dans la troisime section (l) et
l'accessit la classe de ronde bosse. Colomb dit que
Beyleavaitunetelle supriorit sur ses camarades qu'aucun d'eux ne
voulutsubir l'preuve qui, comme on sait, avait lieu publiquement.Il
parut seul devant le jury d'examen et deux heures durantr pondit
toutes les questions avec une nettet parfaite.En l'an VII, la fin
de 1799, dans la division suprieure ducours de mathmatiques, neuf
lves furent jugs dignes dupremier prix : Beyle, Marcellin Gharvct,
Jean-Jacques Bret,Casimir Mathieu, Flix Faure, Jacques Mige, Frdric
Giely,(1) Le livre qui lui fut donn est l'Homre de Bitaub.
STENDHAL-BEVLRDus Crozct et Charles Cheminade. Mais, cause de ta
prcon que Beyie avait mise dans ses rponses et de la facilit'cc
laquelle il oprait dans ses calculs, le jury lut adjugea,ns
recourir la voie du sort, l'ouvrage destin l'lve quiritait le
premier prix (I). Bcyle eut, en outre, comme lesmes prcdentes, une
nomination en dessin : le cours dende bosse comprenait deux
classes, la classe des acadmiescelle des ltes; Beyle eut le prix
d'honneur de la classe desladmies.Son prix de mathmatiques fut une
de ses grandes joies- Ilait pein pour l'obtenir. Durant l'anne
scolaire, il s'enfermains une chambre de la maison paternelle, la
chambre de sare : il y avait mis un tableau de toile cire, et l il
s'exeraitdmontrer. Il avait sur ce point sa thorie et son systme
delerre : c'est qu'il faut, pour donner plus de lustre
l'cxamc,moigncr d'abord une lgre timidit et la laisser ensuite
sessiper peu peu; on plait de la sorte l'examinateur,)mme ennuy,
que cette priptie n attache et rcre (2),vcut ainsi dans une espce
de solitude : il travaillait, dit-il,imme Michel-Ange travaillait
la Sixtine. Sa passion desathmatiqucs l'absorbait tellement qu'il
portait les cheveuxngs eL qu'il n'allait plus chez le perruquierde
peurde perdre10 demi-heure. Il lut avidement les Leons lmentaires!
La Caille dans l'dition de l'abb Marie, mais il n'y trouva;n de
nouveau : le livre exposait en d'autres termes cc qu'Mvait dj.Il
itdavantagc. H mprisait son professeur Dupuy de Bordes :C'tait,
crit-il, le bourgeois le plus emphatique et le plusI terne que
j'aie jamais vu, sans l'ombre de l'ombre de talent ,il assurait en
1804 que Dupuy, savant Grenoble, serait .iris ne fichue bte et un
dtestal)le ennuyeux qu'on laisse,l)LJ>tioD latine le V
Introduction l'analyse iafinilsimale d'EcLEH.nivet, Brcl, Mathieu,
Faurc et Mifie tirrent an .oit le TraiU de calculgral et
diffrentiel tie BossiT; Giely, Crozct cl Cbeuiinadc, la Thtorlt!
fonctiom analytiques Je l.itCHAROE ; Bret el Crozct Furent daigni
par le[i) C'est alnii que dans Rouge et HOrVrvque d'AgfU- liaiangue
le roi avecctioii, Baoa oublier uoc petite nuance de trouble fort
polie pour Sa Majest' .
CHAPITRE PREMIER 25rait aux laquais. A Tinsu de son pre et grce
aux ccus desix francs qu'il reut de sa grand'tante Elisabeth, il
prit desleons particulires d'un jeune homme, Gros, l)ien plus fort
enmathmatiques que Dupuy. 11 ne tarit pas en loges sur ce Gros ;il
le nomme un gomtre de haute vole et le qualifie d'incomparable; il
juge que Gros avait l'toffe d'un Lagrange, et s'ilfallait lire un
jury compos de quatre grands hommes, ilchoisirait Gros avec Tracy,
Chateaubriand et Franklin. MaisGros n'avait envie ni de gloire ni
d'argent. Vainement le prfetFourier lui conseillait de se fixer
Paris et lui faisait entrevoirun sige l'Institut. Simple, modeste,
dsintress. Gros habitait une petite chambre de la rue
Saint-Laurent, le quartier le
plus pauvre de Grenoble, et passait son temps l'tude ou i\la
chasse. S'il consentait donner des leons, c'tait soncorps dfendant
et sans aucune rgularit. Un jour qu'il avaitdurant une heure parl
politique avec Beyle, il refusa d'trepay. Il avait t l'un des
orateurs les plus ardents de la Socitpopulaire, o il sigeait dans
le comit de l'observation deslois, et il fut mme en l'an II membre
du directoire de l'Isre.Jusqu' la fin de sa vie il demeura fidle
ses convictions politiques. Il occupa toute mon me, a dit Stendhal
; je l'adoraiset le respectais , et il le dcrit complaisamment :
obse, actifpourtant, blond, vtu d'une redingote, portant des
cheveuxassez longs et trs boucls. Le souvenir de Gros lui resta
toujours prsent. Il espre que ses mmoires seront lus par destres
qu'il aime, pardes tres comme Gros. Il le met en scnedans
quelques-uns de ses ouvrages : lorsque l'auteur des Promenades
prtend se rendre Saint-Pierre avec Colomb pourtt considrer ce grand
monument sous le point de vue mathmatique , il emmne M. Gros, le
clbre gomtre de Grenoble; Julien Sorel ne dcouvre dans Verrires
qu'un seulhonnte homme, le gomtre Gros, qui passe pour jacobin,
etle Gauthier de Lucien Leuwen^ l'austre rpublicain de
Nancy,l'homme le plus sage que Leuwen ait connu, l'arpenteur quilit
la Thorie des fonctions de Lagrange cent fois mieux
qu'unpolytechnicien, c'est videmment Gros, le matre chri du
jeuneBeyle.
I K- .
26
STENDHAL-BEYLE
"1
Fort des leons de Gros qui lui montrait le pourquoi deschoses
avec une extrme clart, tout hriss d'x et A^y ,Beyle s'tait prsent
hardiment Texamen public, et le f 6 septembre 1799, jour de la
distribution des prix, fut pour lui un
jour de triomphe. Le soir, il parcourait gaiement avec
sescamarades le bois du Jardin de ville, et, dans son ivresse,
ildisait Bigillion qu'en ce moment il pardonnait tous
sesennemis.
^n.
Aprs un pareil succs, Beyle et t srement admis rcole
polytechnique, et il avait Tintention de se prsenter Texamende Tan
VII : Pascal, un de ses auteurs favoris, a ditdes vocations que
chacun prend d'ordinaire ce qu'il a ou estimer, et Beyle avait ou
estimer l'cole polytechnique oquatorze Jves de l'cole centrale de
Grenoble taient entrsl'anne prcdente (l).En 1799, les candidats
furent interrogs sur l'arithmtique,la thorie des logarithmes,
l'algbre jusqu'aux quations du2 degr, le binme de Newton, la
gomtrie, la trigonomtrierectiligne, la construction des quantits
algbriques par la lignedroite et le cercle, la statique et le
nouveau systme des poidset mesures. 11 y avait quatre examinateurs,
et le ministre del'intrieur assigna sa rgion chacun : Langlet,
Paris ; Louis Monge, le centre et le sud-ouest ; Levesque, le nord;
Labbey, l'est ctle sud-est. Labbey devait venir Grenoble,et son
arrive tait fixe au 19 octobre. Il ne vint pas. Fut-ce,comme dit
Beyle, parce que les aristocrates attendaient lesRusses Grenoble et
criaient O rus, quando ego te aspiciam?Dj des patriotes cisalpins
se rfugiaient dans la ville, et plusieurs, rduits l'e.vtrrae misre,
chantaient dans les rues pourexciter la piti publique (2). Mais les
envahisseurs taient loinencore, et les annes suivantes, en 1800 et
en 1801, les can-
(i) NicoLKT, Discours prononc la distribulion des prix du lyce
de Grenoble,8 aot 1897, p. 26. Paruii les lves de Grenoble, on
relve sur le re^'istre deracole polytechnique 1rs deux Monval,
Sinard, MitifHot, Angles, CamillePrier, rbert.(2) Moniteur du 26
octobre 1799.
r
CHAPITRE PREMIER 27didats de Grenoble se rendirent Lyon.
Beyleque les huit lves qui remportrent avec luimatiques allrent
Paris subir leur examen et qu'ils furent tous reus. Mais ici
encore,
crit, il est vrai,le prix de mathTcole mme,il se trompe.
Cent
vingt-cinq sujets, entre autres Gourgaud, le fils du
conventionnel Blaux et le fils de Fabre d'glantine, furent admis
auconcours de 1799 d'aprs la dclaration faite le 25 novembreparle
jury. La liste ne compte que deux candidats de Grenoble :Brun et
Marcellin Gharvet, un de ceux qui eurent le prix demathmatiques
avec Beyle (1).Beyle a videmment confondu le concours de 1799 avec
leconcours de 1800. L'anne suivante, sept candidats de Grenoble,
dont quatre, Bret, Crozet, Mathieu et Migc, avaient partag le prix
de mathmatiques avec Beyle, entrrent Tcolcpolytechnique (2).Quoi
qu'il en soit, Beyle partit pour Paris avec un ami deson pre.
Basset, qui fut son mentor pendant son voyage. Ilsut Nemours le
coup d'tat du 18 brumaire qui datait de laveille, et il avoue qu'il
n'y comprit pas grand'chose. Basset ledposa dans un htel l'angle de
la rue de Bourgogne et de
1) Joseph- Antoine Brun venait de Chambry, o la mre tait
ngociante.MarceilD Charvel tait n le 28 avril 1782 Grenoble, o sa
mre, veuve,demeurait lur la route du Jardin de ville; il donna sa
dmission le 23 fvrier1801 pour devenir aspirant de marine, rentra
l'cole le 6 fvrier 1802 et donnade nouveau aa dmission le 14 avril
suivant pour mauvaise sant.(2) C'taient Alis, firet, Crozet,
Gagnires, Mathieu, Mige et Plana. Ali(Balthazar-tienne-Matheu), n
le 7 janvier 1781 :i Grenoble, est admis dansTartillerie le l''
frimaire XI. Bret (Jean-Jacques), n a Mercurol, dans la Drmc,le 25
septembre 1781, fils du notaire de Tain, est ray de la liste des
lves lel'' nivse XII. Crozet (Louis-Joseph-Mathias), n le 4-
octobre 1784 Grenoble,fils d'un avou qui demeurait, comme le pre de
Beyle, rue des Vieux-Jsuites,est admis le 6 brumaire Xf I l'cole
des ponts et chausses. Gagnircs (PierreJoachim), n le 3 dcembre
1782 Saint- Vallier, fils d'un propritaire, estray de la liste des
lves le 17 thermidor IX. Mathieu (Jean-Franois-JacquesCasimir), n
le 14 fvrier 1781 Veyiies, dans les Hautes-Alpes, devient rptiteur
de mathmatiques l'cole d'artillerie de Turin le 28 ventse XI..Vlige
(Jean-Claude), n le 9 janvier 1781 Grenoble, fils d'un limonadier
dela me Crqui, donne sa dmission le 9 prairial IX pour entrer dans
rartilleriode marine comme aspirant de 1** classe. Plana (
Jean-Antoine- Amde), n le8 novembre 1781 Voghera, est nomm le 28
ventse X professeur d mathmatiques l'cole d*artillerie de
Turin.
STENDIIAL-BEVLEant-Dom inique. Mais, par conomie, Beylu loua
une2 non loin de l'cole polytechnique, sur le quinconcealides, dans
le quartier o demeuraient ses anciensles de Grenoble. L'csamense
terminait laRn de brulu grand ctonnement de ses amis, Beyie dclara
qu'ilscnterait i>as.)iquait plus tard d'avoir montr dans cette
circonstance:c de caractre remarquable pour son ge. Maisil
avaitdsir de se singulariser et de ne pas faire comme lesS'ctait-ce
pas original d'lrc un des forts mathcmati-
la jeunesse franaise et de ne pas entrera l'cole polyic? Et
pourquoi y entrer? .S'appliquer des cours quit deux cl trois ans,
s'assujettir de nouveaux examens,i un joug! L'important, c'tait
d'avoirquitt Grenoble,t que son pre lui servirait une pension
mensuelle.plus sduisant que de vivre libre Paris en crivant:s et en
aimant la jolie femme qu'il esprait rencontrerIl laissa passer
douze jours, et le concours fut clos! Henri Beyle et comparu devant
l'examinateur Lanland il dit qu'il avait une peur du diable
d'entrer !t qu'il attendait avec impatience l'annonce del'ouveri
cours, il commet donc une inexactitude : il fallait,vre les cours,
se soumettre une preuve qu'il n'avaite.re ne le blAma pas. Use
contenta sans doute de rpirase favorite, que son Gis ferait bien de
mettre le rai;nt la place du sentiment. Mais son cousin Nol
Darumanda vertement cl lui conseilla d'achever ses tudesjues,
d'affronter le concours suivant : n Mes parents,idit Heyle, me
laissent matre du parti prendre. 'en aperois que trop , rpliqua Nol
Daru.ainsi que Beyle renonait aux mathmatiques qu'iljres nagure.
Elles n'avaient t qu'un instrument;lent une fois inutile, il
l'abandonna. Il citait souvent; de la Zulietta qu'il avait lue dans
les Confessions deu : Lascia le donne e studia la matematica.
C.ontraire^e mot, il pensa dsormais aux femmes et non plus aux
CHAPITRE PREMIER 29malhmatiqucs. Il ne garda de son commerce
avec Bezoul,Ciairaut et La Caille, que Tamour des dfinitions
prcises elrhorreiir des peu prs. Mais il se rappelait avec fiert
qu'ilavait t u loquent au tableau . En 1804, il assurait que
s'iltait ruin, il pourrait, au bout d'une anne de travail,
devenirprofesseur de mathmatiques, et en 1805, lorsqu'il songeait
fuir avec Mlanie Guilbert, il disait l'actrice qu'il tcheraitdans
sa retraite d'acqurir de la gloire en mathmatiques.11 n'a jamais
parl qu'avec affection de cette cole polytechnique o il faillit
entrer. Ses hros. Octave de Malivert, LucienLeuwen, Fdor de
Miossens, sont lves de l'cole polytechnique, u Quand nous voyons,
disait-il, ce titre accol au nomd'un auteur, nous nous attendons
trouver un ouvrage demrite. Dans iloiwe, Naples et Florence, il
exhorte le cardinalConsaivi nettoyer l'table d'Augias ou l'tat
romain en fondant une cole polytechnique, et il soutient que
Napolonaurait d donner au royaume d'Italie un institut semblable
ola noblesse et pris le got des ides librales. Il reproche
l'empereur de n'avoir visit qu'aprs le relourde Tile d*Elbe
cetteppinire d'excellents officiers, et en 1822 il blme le
gouvernement des Bourbons de dsorganiser une cole qui la Francedoit
dj quatre mille cinq cents sujets distingus, mauvaisesttes
peut-tre, mais excellents esprits, faonns par une ducation presque
militaire et accoutums au franc-parler.
CHAPITRE IILES DARUBeyle inalnde. Nol Daru. Mme Nol Daru. Leurs
enfants. PierreDaru. Sa carrire. Son caractre. Ses relations avec
Heyle. L*airnable Martial. Les Reluiffet. Mme Cardon et son fils
Edmond.
Paris, que Beyie avait dsir, le dsenchanta. Pas de montagnes aux
environs; de la boue dans les rues, pas de femmecharmante qui ft
sduite par sa jeunesse et sa redingote oliveaux revers de velours,
et, en ce misrable quartier des Invalides o il logeait, des filles
rpugnantes, des pierreuses quise livraient pour deux sous sur les
pierres dtaille deux centspas de sa maison. Tout le dconcertait, le
droutait. Il avaitcru rencontrer les tres chimriques clbrs par
Rousseau.Mais, bien que ses amis de Tcole polytechnique agissent
aveclai le plus honntement du monde, ce n^taient pas des hros
deJean-Jacques. Il tomba dans la mlancolie. I^ 'est-ce pas,
crivait-il plus tard, un senlimentdoux la vanit, puisqu'il consiste
se dire : Je suis si bon! comment ne puis-je trouver deshommes tels
que moi ? Il fut malade, et un ignorant chirurgien lui prescrivit
denoires mdecines : trente-cinq ans aprs, il se voit dans
unechambrelte ou plutt dans une prison assis tristement ct
d'unpetit pole en fer, sa tisane sur le plancher. Il quitta le
quinconce des Invalides et alla demeurer dans un troisime tagedu
passage Sainte-Marie. Menac d'une hydropisiede poitrine,atteint de
dlire, il resta trois semaines au lit. Mais il avaitapporte de
Grenoble une lettre d'introduction pour un siencousin et
compatriote, Nol Daru, et sa premire visite dans
r
CHAPITAB II SIParis vrai dire, la premire qu'il et faite de sia
vie avait t pour ce parent inconnu. Nol Daru prit soin dujeune
Henri et le sauva de Tennui qui le rongeait ; il lui amenale fameux
docteur Portai; il Tinstalla dans son propre logek ment, lui donna
le vivre et le couvert.C'tait un homme froid, mais souple, habile,
laborieux,infatigable. Aprs avoir tudi le droit et conquis le titre
d'avocat, il avait de bonne heure quitt Grenoble, sa patrie^
pourchercher fortune, et il eut un instant l'ide de s'tablir en
Amrique. Le hasard le fit Montpellier preipier secrtaire deH. de
Saint-Priest, intendant du Languedoc, et son activit,son
intelligence, sa probit le rendirent indispensable celuiqu'il
nommait son bienfaiteur. Saint-Priest ne voulait pas
recevoir : Nol Daru tint maison sa place, et Mme Daru,
quin'aimait pas le monde, prsida trois fois par semaine undner de
trente convives.L'auteur de la Vie de Henri Brulard reprsente Nol
Darucomme un personnage svre et imposant qui, malgr son tonmesur,
malgr ses priphrases et ses faons diplomatiques,faisait trembler sa
femme et ses enfants. Il avait la taille haute,le nez grand et le
regard louche. Lorsqu'il eut pris sa retraite,il habita Versailles,
puis Paris, o il acheta la maison qu'ilhabitait dans la rue de
Lille, au coin de la rue de Bellechasse.Mais il ne traversa pas la
Rvolution sans encombre. Il futarrt en 1794 et gard vue pendant six
mois. Beyle lequalifie de vieux bourgeois despote et ennuy (I).La
femme de Nol Daru, une demoiselle Suzanne Pris,tait une petite
vieille toute ratatine, d'ailleurs digne et fortpolie, qu'il avait
pouse pour sa dot. Beyle la jugea d'abord
(1) N en 1729, mort Versailles le 30 juin 1804; il avait t mis
la retraiteen 1786 lorsque fiallainvilliers succda Saint-Priest, et
il touchail en 1789eax pensions qui formaient un total de 4,200
livres; il fut capitoul de Toulouse et portait volontiers ce titre.
C'est au mois d'avril 1794 qu'il a t arrt Versailles, en mme temps
que son fils Pierre Daru Rennes, sur la rquisition du comit de
surveillance rvolutionnaire de Montpellier ; il fut relchen
octobre.
1
I STENDHIL-BEYLEiToreblement : il trouve ea 1805 qu'elle
l'accable de bonts etQ 1808 qu'elle lui tmoigne confiance et amiti.
Mais apriavoir longtemps observe, il assure qu'elle est sche et
froide ;lie ne rit jamais avec ses filles et ne les a jamais
caresses;lie a toutes les ides troites d'une bourgeoise de petite
villeui passe sa vie dans les pratiques de la religion; elle
estcomltement prive du Feu cleste, pleine de le prudence la
plusgoste, inaccessible aux motions gnreuses.Les Daru avaient onze
enfants. Ou cite parmi les filles[me Cambon, qui mourut quelques
mois aprs l'arrive deeyle; Mme de Baure, marie au Barnais Faget de
Baure, quijt dput sous l'Empire et rapporteur du Conseil du
conteneux de la maison de l'empereur; Mme Le Brun, femmeconome qui
fit longtemps sa cuisine sans avoir de domesque (I). La fille de
Mme Le Brun devait pouser le gnral derossard, et Beyle se rappelait
encore en 1835 cette petiteulcbrie, velue d'une robe d'indienne
rouge et jouant avecol Daru dans le salon de la rue de Lille ;
rt imprieuse, grosse comme un tonneau, et mena son marila
baguette. Les fils de Nol Daru taient Pierre, celui qu'on peut
appeler! grand Daru, et Martial.Pierre avait t l'un des plus
brillants et des plus solideslves du collge des oratoriens Tournon,
et il travaillait [ontpellier dans les bureaux de l'intendant
Saint-Prieslirsque son pcre acquit pourlut en 1784, au prix de cent
millevres, des hritiers du sieurMarmier, la cbarge de
commissairerovincial des guerres eo Languedoc. Il a de l'esprit,
criait Saint-Priest, et il s'est adonn avec beaucoup d'applicaon
aux mathmatiques ainsi qu' l'tude des langues, et j'ai(1) M. Le
Brun Tait exerc dei fonclioni juiliciBircaappel de Parii; la veuve
ollicila pour elle el li! l'empereur; un dcret du 12 dcembre 1811
lui000 francs.CHAPITRE II 83tout lieu de croire que ce sera un
sujet distingu. En achevantson droit l'universit, Pierre exera les
fonctions de commissaire des guerres auprs du commissaire
-ordonnateur deMontpellier, M. de Gausan. Envoy en 1785 dans le
dpartement du Vivarais et Yelay, o il remplaa le commissaire
Farconet, et en 1787 dans le dpartement de Bziers, o il supplale
commissaire Marantin, il s'acquitta parfaitement de ces
deuxmissions. Rform en 1788 la nouvelle constitution du corpsdes
commissaires des guerres, il obtint un brevet d'lve etremplit les
tches difficiles qui lui furent confies, d'aborddans la division de
l'Aunis, puis dans la division de Languedocet Roussillon, avec tant
de distinction et une si profonde con*naissance des dtails civils
et militaires qu'il fut nomm commissaire ordinaire des guerres en
1791 et commissaire-ordonnateur en 1792.Employ au dpartement de
Brest, puis dans la 13' division Rennes, il servit sous les ordres
de l'intgre et vigilant Petiet,dont il devint l'ami, a Presque tout
ce que j'ai pu faire debien, disait-il, tout ce que j'ai pu acqurir
de lumires, je l'aid au citoyen Petiet. 11 tait ordonnateur l'arme
des ctesde Brest et de Cherbourg lorsqu'il eut une grave
msaventure.Une lettre qu'il crivait un ami fut ouverte par le
comitrvolutionnaire de Montpellier. Il devait accompagner le
corpsexpditionnaire qui s'embarquerait Saint-Malo, et il demandait
son correspondant une prompte rponse, attendu,ajoutait-il, que nous
sommes sur le point de partir pour faireune visite nos amis les
Anglais. La phrase n'tait qu'uneironie. Le comit rvolutionnaire de
Montpellier la prit ausrieux. Il dnona Daru, qui fut arrt par le
comit de surveillance de Rennes et suspendu par le comit de salut
public.Mais Petiet intervint ; il dclara que la dnonciation
taitabsurde et qu'il fallait rendre l'arme un fonctionnaire
infiniment utile , et le comit de salut public dcida que Daruserait
remis en libert et rintgr sans dlai.Durant son inaction force,
Pierre Daru avait fait des vers ;il traduisait Horace ; il
composait une pitre mon sansculotte^ le sans-culotte qui le
surveillait; et cette ptre3M STENDHAL-BETLEprouve et son talent et
sa tranquillit d'esprit. Il suppose qu^ils'entretient avec ce
Brutus illettr et qu'il lui demande lequeldes deux est le plus
heureux, le plus libre :Qui de noui deux e>t libre? Eu>ce
toi, je (a priaiToi qai, de* le aHtin, conirant de l'Tciller,Ta
lre* ea billant pour ma *oir trTallar?Pierre ne cesse ds lors de
s'lever. Envoy l'arme deMayence pour vrifier la gestion des corps
et arrter leurcomptabilit, puis l'arme d'Helvtie pour diriger
spcialement l'administration des subsistances, des transports et
deshpitaux, commissaire-ordonnateur en chef de l'arme commande par
Massna, appel Paris pour travailler avec lacommission lgislative
des Ciaq-Cents au perfectionnement ducode militaire, il remplaa
Petiet en janvier 1800 dans lesfonctions de chef de la 1" division
du dpartement de ta guerre :H Vos talents, lui crivait le ministre,
vosqualits personnelles,votre attachement aux intrts de la chose
pubhque et l'amitiqui vous lie au citoyen Petiet ont dtermin mon
choix. >Inspecteur aux revues l'arme d'Italie, c'est Daru qui
assureaprs Marengo l'excution de la convention d'Alexandrie,comme
il sera plus tard commissaire pour l'excution de lapaix de
Presbourg, de la convention de Knigsberg et du traitde Tilsit.
Secrtaire gnral du ministre de la guerre en TSOl,membre du Tribunal
en I80S, prsident de la commission ducode militaire, conseiller
d'tat et intendant gnral des paysconquis dans la campagne
d'Autriche, intendant gnral de laGrande Arme en octobre 1806 et
administrateur des territoires occups, intendant gnral de l'arme
d'Allemagne enmars 1809, ministre secrtaire d'tat en avril 181 1,
PierreDaru fut, de la fin de 18l3jusqu' la chute de l'Empire,
directeur, et pendant les Cent-Jours ministre de l'administralion
dela guerre.Beyle a trac le portrait assez exact et trs dtaill de
PierreDaru.Selon Beyle, Daru a l'Ame froide, nullement sensible,
nullerCHAPITRE II 35ment expansive. Il manque de caractre; il s^est
laiss menerpar ses parents, et son frre, sa femme, un familier lui
ferasigner une lettre contraire ses principes ; il signera, nonsans
colre, et en criant qu'on lui force la main, mais ilsignera.
Prudent, semblable sa mre par sa sagesse et sonsens rassis, il n'a
ni souplesse ni ruse. Il a raison de protesterde son honntet, de
son horreur de tout ce qui sent Tartificeet la cabale, car il n'est
ni fin ni adroit, et ne sait pas dbrouiller une intrigue. Malgr ses
apparences de vivacit, ilcomprend les choses avec peine. Il a
constamment de Thumeur,et pour des riens il se fche tout rouge :
charg par le ministrePetiet de donner audience aux solliciteurs, il
a t tellementexcd de leurs mauvaises raisons qu'il brusque
dsormaiset accueille avec des mouvements de fureur les trente
ouquarante personnes qu'il reoit quotidiennement pour affairesde
service.Il traite de mme ses commis. Quel supplice d'crire dedix
heures du matin une heure aprs minuit sous le regard dece Dam
continuellement irrit et qui fait des yeux de sanglier!Que de
duret! Quel volcan d'injures! Il faut, s'criait-il en1808, mener
les jeunes gens par des verges de fer, et c'est leseul moyen
d'obtenir des rsultats. Aussi, dit Beyie, tait-ceune partie de
plaisir lorsqu'il ne se fchait que deux ou troisfois le jour.Et
pourtant, dans la socit, lorsqu'on cause des arts etde la posie, ce
terrible Daru dploie une politesse rechercheet manire ; il approche
un fauteuil au premier venu ! 11tait fait, remarque Beyle, pour tre
de l'Acadmie des inscriptions, pour tre un de ces savants qui
parlent volontiers dece que tout le monde ne sait pas. L' a
empereur de sa classeet le phnix des lves de Tournon, le plus
distingu desmembres d'un cnacle potique de Montpellier, habituaux
petites jouissances de vanit littraire, il avait dans sajeunesse
beaucoup d'urbanit; nulle sombre mlancolie, nullemisanthropie, nul
got de la solitude : sans son pre, il ett srement homme de lettres.
Il entra dans l'administration,rdigea des rapports, mit son
amour-propre bien crire, etB STENDBAL-BEVLE; mtier que Nol Daru lui
avait impose ne trda pas luilaire.Beyle loue le nombre, la rapidit,
la vigueur de ses combilaisons, son exprience et sa science
d'avocat consultant, aamissance de travail. En 1193, Daru, revtu de
son uniforme,lidait les soldats chargerdu pain sur des fouirons- En
1800,1 retournait certains soirs son bureau, et au dner il
arrivaitn retard avec les yeux rouges et u la physionomie du buf "
.1 croyait que rien n'est impossible au labeur persvrant, etteyle
l'entendit rpter que celui-l est mdiocre qui trouveles objections
tout.Stendhal estime moins le littrateur, et peut-tre devait-ilm
plu8 chaud hommage l'administrateur qui, sous l'normeardeau de ses
fonctions officielles, avait le temps de composerme estimable
traduction d'Horace, de correspondre avecLndrieux, Picard,
Alexandre Duval, et, comme disait sonnatre de Tournon, te Pre
Lefebvre, de courtiser Minerveprs avoir content Pallas. Il se
moque, par exemple, dea Clopdie, qui n'est qu'une bourgeoise
platitude, et desocits dont Daru prsidait les niaises sances, lui
reproche del'avoir pas d'ides nouvelles, de ne connatre que nLa
Harpe,tousseau et les principes vulgaires . 11 raille le projet
qu'aail Daru, au retour d'une excursion Morgarten et Sempacb,'e
hiire une histoire de la Suisse. Daru avait-il dans ces lieuxlbrcs
vers les larmes d'admiration de l'homme Iibre?Non;1 n'avait eu
qu'une motion littraire; il songeait au beau chaitre qu'il ferait,
aux dtails dont il se souvenait avec un plaiir d'amour-propre.
Bref, selon Beyle, Daru n'avait pas d'esrit et n'est qu'un
travailleur.Mais, n'en dplaise i Beyle, Daru versifiait mieux que
lui :'il manque Daru le relief de l'expression, s'il n'a pas la
rimeujours exacte et une forme chtie, il fut l'un des premierslarmi
les lettrs et les littrateurs de l'Empire, et si l'auteurle
l'Histoire de Bretagne n'a pas, suivant le mot d'un critique,ucilli
dans la fort celtique le rameau d'or de la lgende,'auteur de
VHisioire de Venise a fait une uvre intressante,emarquable tant par
l'ensemble solide du rcit que par lar^^'CHAPITRE II SInettet du
style et la fermet du jugement. N'en dplaise Beyle, quand il aurait
manqu d'esprit en socit, quand ilaurait eu Tair d'un courtisan de
Louis XIY en parlant dubal des marchaux, Dam fut un puissant
organisateur, et lenom de ce grand pourvoyeur d'armes est attach
dsormais celui de Napolon. Pierre Daru, a dit l'empereur, tait
unlion pour le travail, et il personnifie en lui l'idal de
l'administrateur.Au commencement de 1800, Daru emmena Beyle
sonbureau du ministre de la guerre, et, pour l'occuper, luidonna
des lettres copier. Mais Beyle avait peur de Daru. Ildevait tre
quelques annes sous ses ordres. Je l'admirais,dit-il, mais il me
faisait frmir, et jamais je n'ai pu m'accoutumer lui. Tant qu'il
fut l'auxiliaire de Daru, il l'vita,et il rapporte qu'il cherchait
le plus possible tre sparde cet ternel grondeur, de ce bourru
fiefiF, ft-ce par uneporte demi ferme. Il fit une bvue ds sa
premire copie;il crivit cela par deux / ; cella. Daru s'tonna qu'un
bonhumaniste, un prix de littrature commt de pareilles fautes,et
Beyle n'osa lui rpondre comme sa sur Pauline queTorthographe est la
divinit des sots, ou, comme le Ludovicde la Chartreuse Fabrice, que
l'orthographe ne fait pas legnie. Mais la mauvaise impression ne
s'effaa pas : Darusignait sans observation les lettres rdiges par
Barthomeufet d'autres; il signait peine la moiti des lettres
minutespar Beyle. Dans la campagne de 1809, il ne parlait que
trsrarement son cousin, et chaque fois pour le tancer et letraiter
d'tourdi; Beyle se crut nglig, disgraci, et on lit dansson Journal
de cette poque : a Jamais M. Daru ne m'aimera;il y a quelque chose
dans nos caractres qui se repousse. Daru n'avait pas devin le futur
Stendhal. Sous la Restauration, il trouva chez le libraire Delaunay
un volume de Beylequi contait quarante francs parce que l'dition
tait puise.II ne cacha pas sa surprise : a Comment, quarante
francs! Oui, rpondit le libraire, et par grce. Daru leva les yeuxau
ciel : u Est-il possible? Cet enfant, ignorant comme unecarpe ! *3S
STENDHAL-BEYLEBevic B admira sur le tard la bont de Pierre Daru, et
enplusieurs endroits de ses Souvenirs il le nomme son bien'aiteur.
Un jour de septembre 1829, il tait au caf de Roueo,lu coin de la
rue du Rempart, lorsqu'il lut dans le journal quee comte Daru tait
mort : il sauta dans un cabiiolet, il courutI l'htel Daru, il vit
un laquais pleurant, et pleura, lui aussi,I chaudes larmes. Je me
trouvais bien ingrat; je mis lecomble mon ingratitude en partant le
soir pour l'Italie,'avanai mme mon dpart, mais je serais mort de
douleurm entrant dans la maison (I).Le frre cadet de Pierre,
Martial, n'avait ni l'intelligence deion an, ni son vaste savoir,
ni son obstination dans le labeur,:t il n'est pas arriv aussi haut.
Il aimait le jeu et perdait enjne nuit avec dsinvolture une
trentaine de louis. Beyle dtnme qu'il n'tait ni bte ni gnie, qu'il
n'avait ni tte niesprit. Mais, quoique mdiocre, c'tait un homme
d'excellent,0D, trs brillant, simulant la passion avec aisance et,
de l'aveule Stendhal, ralisant presque l'idal du monde parisien.
Habilelducteur, il eut, rapporte son cousin, vingt-deux
matresses,;t des plus jolies, ce qu'il y avait de mieux dans
l'endroit oil se trouvait, et ce fut Beyle qui, lorsque Martial se
maria,brla les portraits, les cheveux et les lettres de ces
vingt-deuxbelles. 11 avait t l'amant de la Duchesnois, et il
frquentaitissidment les coulisses, assistait aux rptitions, dbitait
desinecdotes sur les comdiens, racontait que Mme Fleuryroulait
remplacer la fin d'un vers tigre par barbare, et queSaint-FaI
disait la trpied. Bon d'ailleurs et bienveillant, il nenouvait
faire de mal qui que ce ft. Il accueiUit Beyle en1800 avec une
cordialit charmante; il lui parla sur un ton(i'Cf. SmrE-EtBDVB,
Cauitrit> du lundi, IX, *13-47a; \taSouvtnirtd'rgilmi-, 19 et
91; le Jounial de Stendhal e( la VU de Henri BrularJ, pusim;C.
Strviessk), Revue blanche de 1" et 15 octobre 1897. Pierre Daru
tait ai\ Montpellier le 11 janvier 1767; Il mourul le 5 (eptembre
18S9 dam sa terrele Bcherille et fut inhum le 11 ; le> obtquea
eurent lieu en l'gliie de Saintrhomiii-d'Aqaia, la paruisae, et *n
btel tait bien, comme dit Beyle, rue deErentille-Sainl-GcrmaiQ, d
81.CHAPITRE H aOplaisant; il le dgourdit, le dniaisa; il le mena
dans la logede Glotilde, une actrice de TOpra, qui s^habilla et se
dsha*killa sans gne aucune devant notre provincial bloui; il
devintson compagnon de plaisirs et son mentor dans la science de
lavie. Je lui dois, assure Tauteur des Souvenirs d'goiismCy lepeu
que je sais dans Tart de me conduire avec les femmes. En 1804 et en
1805 Beyle court les thtres avec Martial, etlorsqu'il prend des
leons de La Rive et de Dugazon pour chasser les derniers restes du
parler tranard de son pays, le cadetdes Daru est de moiti avec lui.
Les deux amis passent ensembleleurs journes; ils vont le 19
septembre 1804 chez La Rive MoDllignon dans la fort de Montmorency.
Ils ont mmesgots et mmes faons : ce sont des jeunes gens la
mode,agrables, irrvrencieux, polissons. Beyle garda la plus
viveaffection Martial. Il aspirait en 1806 au bonheur de lui
treattach et dsirait le rejoindre pour acqurir quelques-unes deces
qualits qui le rendaient Tidole de ses entours : Voussavez pour
combien de millions de raisons j^aimerais mieuxcopier des revues
dans votre bureau qu'une place de six millefrancs deux cents
lieues. Il le rejoint, et il note avec joie dansson Journal que son
intimit croit avec Martial; il le nommeTaimable, Tadorable Martial.
Un jour, pendant la campagnede 1809, tous deux font route dans la
mme voiture trois heuresdurant, et Martial pense tout haut devant
son cousin, lui tmoigneune confiance entire, lui promet de
Tavancement. En 1814,Beyle s'indigne lorsqu'on lui parle de Martial
avec dfaveur :tt Me dire du mal de Martial, moi ! Il le cite
volontiersdans ses ouvrages; il le mentionne dans Rowe, Naples et
Florence comme un des hommes a les plus propres faire chrirle nom
franais , et en un passage des Promenades dans Romeil rappelle que
le palais de Monte-Cavallo a t admirablementrestaur d'aprs les
ordres de Martial. Plus tard, il regrette den'avoir pas exprim sa
gratitude Martial avec assez de chaleur et d'eFusion de coeur. Le
brave garon tait trs vaniteux,fier de son titre de baron, un des
Dangeaude la cour impriale,et Beyle mnageait avec soin son
amour-propre; mais, critStendhal en 1835, Martial a toujours t
parfait pour moi.STENDHAL-BEVLKais par usage du monde et par
amiti,par amiti passionne et par reconnais-tcousins galement
apparents aux Daru,ifFet tait un Mridional remuant, nerl>le de
s'accommoder tout et tous,me un ngociant de grand mrite, commere.
Il a\'ait lou pour sa femme et sa fillepremier tage de l'habilalion
des Dam.it y passer un quart d'heure. Il vivait le;a maison de
commerce rue Saint-DenisBarhercn dont il avait fait la fois
sonse(i\me reurent Bevie avec empressement,jolie cl trs Ikonne;
mais elle avait peuait mdiocrement sa conversation strile.I. Adlade
ou, comme on la nommait,que douie ans. et BevIe ne la courtisa
que>l les Dani. Bevle connut alors Mme Garid, qui deuieuraioni
dans la rue de Lille,IVloyen, personne adroite et intrigante,i ,;".
vni\-edun niajorde la place d'Arras.i an I$l > , bi.-; At I
Empare 3 ^rric-ft .ti: .j, l .vi.Jer ISa-ll fictobre"I..; r-.y.ji^
.VMr.,-.;i-JU>* J* Froide-CHAPITRE II 41avait t femme de chambre
de Mare-nfoinette, et avantTvoement de Yarennes elle fit le voyage
de Belgique avecune malle qui contenait le trousseau de la reine.
Beyle racontequ'on lut dans son salon les Mmoires de Mme Gampan,
dont letexte diffrait beaucoup de Y homlie nave qui parut en1823,
et il rapporte les curieux propos de Mme Cardon, queVersailles tait
la cour du roi Ptaud et que Marie- Antoinette,bonne, borne, pleine
de hauteur, trs galante, se moquait fortde Touvrier serrurier nomm
Louis XVI, si dissemblable deson aimable frre le comte d'Artois.Le
salon de Mme Cardon tait gai. Beyle y vit les nices deMme Campan et
petites-nices de Mme Cardon, les demoiselles Augui qui devaient
pouser, Tune le marchal Ney,l'autre le baron de Broc, la troisime
M. Pannelier (1). Ildploya, dit-il, son amabilit de 1800 avec
elles, et peut-tre lejugrent-elles un trange animal.Edmond Cardon
devint son ami. C'tait un grand garon,mince, trs bien lev, parfait
de ton, une admirable poupe,assure Beyle, un tre lgant, noble,
charmant. II aniniait parson entrain les charades dguises qu'on
jouait chez sa mre.H s'habillait en femme pour raccrocher dans la
rue, vingtpas de la maison, le grave Pierre Daru, qui rentrait au
logis ens'tonnant que le quartier ft infest de filles et qu'une
crature qui dtachait ses jupons l'et poursuivi jusque dans
l'escalier. La maladie de Beyle lui avait fait perdre tous
sescheveux, et il portait une perruque; le factieux Cardon la
jetadans une soire sur la corniche d'une porte.Le bel Edmond
n'avait pas d'emploi, et Beyle dit que lesdmarches importunes de sa
mre auprs de Pierre Daruauraient impatient l'homme le plus
flegmatique. Il ne se sou-vient pas que Mme Campan dirigeait
Saint-Germain enLaye une institution o la fille et la nice de
Josphine, Hor(1) Le pre de ces demoiselles, Pierre-Csar Au{;ui,
avait tft receveur gnral^es finances avant 1789, et il tait alors
administrateur gnral des postes. Safemme, Adlade-Henriette Gent,
sur de Mme Campan et femme de chambrede Marie- An toi nette, devint
folle la nouvelle de l'excution de la reine et sejeta par la
fentre; elle mourut fur le coup.lSTEMDHAL-BEYLEet Emilie de
Beauharnas, terminaient leurs ludes. La3 du premier consul
connaissait donc Mme Cardon, et cee, et non Daru, qui fit nommer
Edmond d'abord lTeissairc des guerres, puis,enavnl 1800, adjoint
aux comres des guerres (1).oir h l appendice une not lur Cardon,
avec une Ullre indile deCHAPITRE IIIAU 6* DRAGONSBeyie et Mazoer.
-farme det Pyrrnei oriemalei, l tait entr le % teptembre 1709, peu
delurt STanl Beyle, an ministre de la {;uerre comme limplc commis.
Il avan^eu peu; premier commig et loui-clief de liureau en IBOS,
chef de bureau1 ISIS, il obtenait en 1814 le titre de commiaiaire
des guerre, en 1S15, pourroir rerun de lervir pendnnt les
Cenl-Joun, le lllrc de ehef de diTitiouanoraire, en ISIT le litre
de >ou9-intendant; lorfustin, dit Auguste Pctiet, n lionnes le
19 juillet 1784, marchal decamp le 13 dcembre 1830, retrait le 30
mai 1848, mort le 1*' aot 1858.A50 STENDHAL-BEYLETarme. Beyle
aimait Joinville ou Louis, comme il Tappellefamilirement; il le
nomme le bon Joinville, et il se reproched'avoir un jour, en un
accs de folie, provoqu cet excellenthomme.Marigner, commissaire des
guerf^s depuis le commencement de la Rvolution, alors
sous-inspecteur aux revues, inspecteur aux revues en 1812, tait,
disait Daru, un hommed'un caractre lev, d'un esprit rare, d'une
capacit qui neserait point au-dessous des fonctions les plus
difficiles .Beyle estimait infiniment Marigner. Dans la campagne de
1809,il lut avec lui VUno d'Alfieri. Il trouvait que Marigner
s'exprimait de la meilleure grce du monde ; il louait son esprit
:c'tait, selon lui, le mme esprit que celui de Matta dans
lesMmoires de Grammont^ un esprit naturel invent chaqueinstant par
un caractre aimable sur toutes les circonstancesde la conversation
(I).Comme Marigner, Mazeau mrita les loges de Petiet, deDaru, de
Villemanzy, de Gouvion Saint-Cyr, qui vantrent l'cnvi son
exprience, son exactitude et son activit. Il avaitl'a me sche et
peu accessible l'enthousiasme; les arts le touchaient peu, et Beyle
le comparait son oncle RomainGagnon. C'tait un bon vivant au gros
nez et au visage pleinqui faisait volontiers de graveleuses
plaisanteries. En 1801,dans une excursion sur les bords du lac de
Garde, une nuit quedes dames taient venues le rveiller dans son
lit, il quitta sachemise et, prenant un flambeau, leur rendit leur
visite en cettat de nudit (2) .(1) Augustin- Andr Marigner de la
Creuzardire, fils d'un premier commis dutrsor royal, clerc de
notaire avant la Rvolution, membre des Jacobins deParis,
commissaire des guerres Tarme des Ardennes, l'arme des ctefde Brest
sous les ordres de Petiet qui loue son zle et ses services
distingus, Tarme de Sambre-et-Meuse, celle de Naples, celle du
Danube (oii Damqui l'employa vanta son exprience et son
irrprochable moralit), sous-inipecteur aux revues l'arme d'Espagne
et celle d'Allemagne, inspecteuraux revues dans la campagne de
1812, prend sa retraite en mai 1813, l'gede quarante-sept ans.(2)
Henri-Constant Mazeau de la Tannire, fils du directeur de la
recettegnrale des finances de Bretagne, n Nantes le 2 janvier 1775,
grenadierdans la lgion nantaise, dragon au 10* rgiment pendant cinq
mois en 1794,CHAPITRE III rlMalgr la diffrence d'ge, ces joyeux
compagnons 6rent lemeilleur accueil au cousin des Daru. Ils
remmenrent dansces bals si gais qui s'taient aprs Marengo organiss
la casaTanzi. Le jeune homme les enviait. Ils taient heureux,
ilsavaient de jolies et spirituelles matresses, et il essaya de
lesimiter. Il raconte qu'il avait apport de Paris son innocenceet
qu'il se dlivra de ce trsor Milan, il ne sait plus avec qui ;ne
dit-il pas dans VAmour que, lorsqu'on a soif, on ne doit pastre
difficile sur la nature du breuvage que le hasard nousprsente?Comme
nagure, Paris, il souhaitait vainement de rencontrer une femme qui
connatrait son me et qui et une mesemblable la sienne, une me de
pote. Il aurait voulu queMartial ou un autre eut piti de lui, le
secourt d'un charitableconseil, le mit dans les bras de la
charmante crature qu'ilrvait. Ses amis s'occupaient de tout autres
soins, et ils avaientraison. Beyle n'eut alors que de vulgaires
amours. Une nuitde juin I80I, Brescia, avec plusieurs bons drilles,
il donnal'assaut un lupanar et il chanta ce nocturne exploit en
versaussi mauvais qu'obscnes (I). Il n'a donc pas pass ces
deuxannes 1800 et I80I, comme il l'a prtendu, en vains soupirset en
lans impuissants. Ainsi fit en Italie Tallcniant desRaux qu'une
passion romanesque et des intentions de tristesse n'empchrent pas
de se divertir, tant c'est belle choseque jeunesse . Mais timide,
gauche, embarrass, manquantencore de l'usage du monde, dnu
d'argent, assez mal fagotet portant un habit quelquefois dcousu
par-ci par-l, fier enmme temps, il eut des accs de mlancolie et de
langueur.Une Milanaise l'avait sduit : Angela, fille du
marchandBorone et femme du mdecin Pietragrua, la superbe et
majestueuse Angela, matresse de Joinville, qu'elle aimait
follement.employ rtat-mnjor gnt'ral des armes de l'Ouest et de
Saubre-et- Meuse,commis princi|>al, puU sous-chef au ministre de
la guerre eu 1797 et en1798, commissaire des guerres en 1799,
commissaire-ordonnateur en 1808,commissaire-ordonnateur en chef de
l'arme de Portugal en 1811, intendantmilitaire dans le cadre
auxiliaire sous la Restauration, retrait en 1827, mortle 26 janvier
1829.(1) Henri Cordirr, Stendhal et ses amis, 75.ilSTENDHAL-BEYLfie
n'osa la courtiser. Elle ne se douta pas de la divineision qu'elle
produisait.1 fallait pourtaut avoir un emploi. Beyle,
dsesprantpparlenir au Commissariat des guerres, et certain de recer
bientt par le crdit de Pierre Daru un brevet de sousitenani, rsolut
de suivre la carrire des armes,jrune tait alors la tte de l'arme
d'Italie (I), et il avaitiT chef d'tat-major Oudiaot, qui Daru
recommandafie. A la prire d'Oudinol,Drunc envoya le 23 septembre
1800leyle un brevet provisoire de sous-lieutenant. Ce brevet
nentionnait, cl pour cause, ni les services ni les ctions etssures
de Bcylc : le gnrt lui donnait ce grade ' en rcomse de sa bonne
conduite et de ses talents " .Troie semaines plus tard, le 16
octobre, Oudinot transmet: Daru le brevet provisoire de Bcyle, en
se disant heureuxvoir trouv cette occasion d'tre agrable au citoyen
ins:teurii, et le lendemain, par une seconde lettre, il informaitru
que Beyle tait attach l'tal-major, et devait tre iasL sur le
tableau des officiers de l'ctat-major la suite
desis-lieutenants.testait la conKrmation du ministre. Daru crivit
Durosael,if du bureau de la cavalerie au dpartement de la guerre.i
expressions dont il se sert prouvent qu'il avait pour sonne cousin
une relle bienveillance, et qu'il savait appuyerpousser les gens
auxquels il s'intressait. 11 rappelle que^le a travaille et u
griffonn " avec loi. Il assure que Beyle,mport par son courage sur
les traces du premier consuldel des Alpes , mrite une
sous-lieutenance; il ajoutei sa recommandation n'est pas une
recommandation banalenme tant d'autres, qu'il dsire vivement la
nomination de^le, et qu'il ne veut pas en demeurer l, qu'il
compteenir la charge dans quelques mois, et obtenir davantageir son
protg. Je charge Martial, concluait-il, de vousrmenter jusqu' ce
que l'affaire soit finie, et, s'il le faut, jeI) DepuiiU 13 aot
1800.CHAPITRE III 53VOUS enverrai pour vous sduire la Vnus de
Mdicis quieMazeau est charg d'enlever. Mais sur ces entrefaites une
place avait vaqu dans le6* rgiment de dragons Lodi. Le
sous-lieutenant Millotdemandait sa retraite pour cause de
blessures. Le 23 octobre,Davout, qui commandait en chef la
cavalerie de Tarme, nommait Beyle sous-lieutenant au 6* rgiment de
dragons.Le 15 novembre, Daru envoyait Durosnel le brevet provisoire
que Beyle avait reu de Davout, et le priait instammentde faire
coniirmer son cousin dans son emploi : il appelaitDurosnel son cher
et ancien collaborateur, l'assurait de sonafFeclion,lui demandait
pour le jeune sous-lieutenant quelquebienveillance et un peu
d'amiti .La nomination fut confirme trs tard, le 24 juin 1801,
maiselle datait du 23 octobre 1800, et sur le compte qu'avait
renduDurosnel, le ministre dclarait que Beyle, attach Ttat-majorde
Brune, avait montr de Tintelligence, une bonne conduite,des
connaissances.Il fallait lui expdier le brevet dfinitif. Le P'
juillet 1801,le bureau des troupes et lgions cheval rclamait
Beyle,outre son acte de naissance, les pices qui prouvaient ses
services antrieurs. De services antrieurs, Beyle n'en avait
pas.Mais, grce Daru, ses prcautions taient prises. Par
deuxcertificats dresss Lodi le 20 octobre 1800, trois jours avantsa
nomination, le chef de brigade ou colonel Le Baron etle conseil
d'administration du (>* dragons avaient attest queBeyle tait
entr au corps comme enrle volontaire le 25 juillet ;qu'il faisait
partie d'un dtachement qui stationnait Sarreguemines; que, sur le
rapport du chef de ce dtachement, quilouait la conduite et les
connaissances du jeune soldat, le chefde brigade avait donn l'ordre
de le faire recevoir brigadier etmarchal des logis; mais qu'avant
la rception de cet ordre,Beyle avait quitt le dtachement et rejoint
le rgiment. Lenouveau sous-lieutenant envoya ces deux certificats
au ministreet reut son brevet.Ultrieurement, en 1818 et en 1819, il
crivit aux bureauxde la guerre qu'il avait t dragon ds le mois
d'avril 180054 STEiNDHAL-BEYLEavant Marengo, mais que les registres
du 6* rgiment taientmal tenus, et qu'il ne fut inscrit qu' la fin
de septembre. Lescontrles portent, en effet, qu'il entra le 23
septembre aucorps comme dragon; mais, parce qu'il n'avait pas
antrieurement servi, parce qu'il n'avait t ni soldat, ni brigadier,
nimarchal des logis, il fut inscrit la date de son brevet
provisoire de sous-lieutenant. Aussi, lorsque les bureaux lui
rpondirent qu'il ne comptait au G* dragons que depuis le l*'
vendmiaire an IX, et non, selon son dire, depuis le milieu del'an
VIII, Beyle ne protesta pas. Pourtant, en 1828, quand ilvoulut
grossir ses services pour grossir sa pension, il prtenditque
Berthier lui avait promis la premire place vacante dansla
cavalerie, qu'en consquence il avait rejoint le 6' dragonsqui
venait d'Allemagne avec le gnral Moncey quelques joursavant
Marengo, et qu'il avait t simple dragon jusqu' ce quele
sous-lieutenant Millot et pris sa retraite. Mais les documents
tmoignent contre lui, et ils dmontrent que ce rvolutionnaire, ce
hasseur des privilges a t nomm d'emblesous-lieutenant, parce qu'il
tait cousin de Pierre Daru.Le sous-lieutenant Beyle, dont le
rgiment tenait garnison Lodi, eut l'occasion d'tudier sur les lieux
la campagnede 1796. Il parcourut avec un enthousiasme juvnile
presquetous les champs de bataille. Ses guides taient des soldats
deBonaparte, de jeunes Italiens merveills de la gloire duvainqueur
d'Arcole, et dans les bourgades, dans les villes, surles murs
sillonnes par les balles, apparaissait encore la tracevidente des
combats.Bientt, il vit la guerre; s'il ne ft pas la campagne
deMarengo, il fit en dcembre 1800 et en janvier 1801 la campagne du
Mincio, o Brune commanda l'arme et prouva,selon le mot de Beyle,
qu'il manquait de toutes les qualitsd'un gnral en chef.Il a dit
qu'un certificat du gnral Michaud tmoignait qu'ilavait march
vaillamment sur deux canons. Les deux certificatsque Michaud lui
dlivra ne mentionnent pas ces deux picesd'artillerie qu'il aurait
affrontes. Mais l'un d'eux atteste queCHAPITRE III 55Beyle a donn
dans le cours de la campagne, et notammentau combat en avant de
Gastelfranco, des preuves d'intrpidit.Le gnral Mchaud tait un trs
bon soldat et un trs bravehomme dont Beyle a gard la mmoire. Ancien
chasseur cheval, lieutenant-colonel d'un bataillon de volontaires,
ilavait eu, comme tant d'autres, un avancement prodigieux
aucommencement de la guerre de la Rvolution : gnral de bri-gade en
mai 1793 et gnral de division au mois de septembresuivant, il tait
dans les premiers jours de 1794 gnral enchef de Tarme du Rhin.
Employ Tarme d'Italie en 1800,il avait command Taile droite, puis
la rserve, puis, lorsqueDelmas tomba malade, Tavant-gard