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13 Salariat et chômage des artistes en Belgique 1. Introduction Il n’est pas rare de trouver quelque déclaration politique, nationale ou internatio - nale, soutenant une amélioration des conditions d’exercice des métiers artistiques. Ainsi, dès 1980, l’UNESCO souhaitait - elle favoriser l’établissement de statuts spécifiques aux artistes : « Le système de sécurité sociale que les États membres seraient conduits à adopter, améliorer ou compléter devrait tenir compte de la spécificité de l’activité artistique, caractérisée par l’intermittence de l’emploi et des variations brusques de revenus de beaucoup d’artistes, sans impliquer pour autant une limitation de la liberté de créer, d’éditer et de diffuser leurs œuvres 1 ». Poussant avec lucidité sa réflexion sur les modalités d’autonomie d’une protec - tion sociale destinée aux artistes, elle invitait les États membres à « envisager l’adoption de modes de financement spéciaux de la sécurité sociale des artistes, par exemple en faisant appel à des formes nouvelles de participation financière soit des pouvoirs publics, soit des entreprises qui commercialisent ou exploitent les services ou les œuvres d’artistes 2 ». Un tel unanimisme bien intentionné se heurte toutefois à la fragmentation des réalités et des intérêts figurant au sein de chaque contexte national. En Belgique, il n’existe pas de statut de travail propre aux artistes, qui peuvent exercer leur art en tant que salarié, indépendant ou fonctionnaire. Ce cadre régle - mentaire, relativement large, est le résultat d’une longue réforme ayant abouti à une série de règles consignées dans la loi - programme du 24 décembre 2002 3 , entrée en vigueur le 1 er juillet 2003. Celle - ci introduit notamment la possibilité pour les artistes de choisir le régime d’indépendant ou de bénéficier d’une présomption de salariat. Si le législateur peut alors croire que ce dispositif juridique va résoudre une série de problèmes liés à l’emploi des artistes à commencer par l’inser - tion dans le circuit du salariat d’un panel élargi d’artistes (artistes de spectacle ou artistes créateurs), permettant à ceux - ci de conclure des contrats d’employé et de 1. Recommandation relative à la condition de l’artiste, UNESCO, 27 octobre 1980, article VI, 5. 2. Ibid. 3. M.B. 31/12/2002. Musicologie_2014_Book.indb 13 22-09-15 17:21:47
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Salariat et chômage des artistes en Belgique

May 15, 2023

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Page 1: Salariat et chômage des artistes en Belgique

– 13

Salariat et chômage

des artistes en Belgique

1. Introduction

Il n’est pas rare de trouver quelque déclaration politique, nationale ou internatio-

nale, soutenant une amélioration des conditions d’exercice des métiers artistiques.

Ainsi, dès 1980, l’UNESCO souhaitait-elle favoriser l’établissement de statuts

spécifiques aux artistes : « Le système de sécurité sociale que les États membres

seraient conduits à adopter, améliorer ou compléter devrait tenir compte de la

spécificité de l’activité artistique, caractérisée par l’intermittence de l’emploi et

des variations brusques de revenus de beaucoup d’artistes, sans impliquer pour

autant une limitation de la liberté de créer, d’éditer et de diffuser leurs œuvres

1

».

Poussant avec lucidité sa réflexion sur les modalités d’autonomie d’une protec-

tion sociale destinée aux artistes, elle invitait les États membres à « envisager

l’adoption de modes de financement spéciaux de la sécurité sociale des artistes,

par exemple en faisant appel à des formes nouvelles de participation financière soit

des pouvoirs publics, soit des entreprises qui commercialisent ou exploitent les

services ou les œuvres d’artistes

2

». Un tel unanimisme bien intentionné se heurte

toutefois à la fragmentation des réalités et des intérêts figurant au sein de chaque

contexte national.

En Belgique, il n’existe pas de statut de travail propre aux artistes, qui peuvent

exercer leur art en tant que salarié, indépendant ou fonctionnaire. Ce cadre régle-

mentaire, relativement large, est le résultat d’une longue réforme ayant abouti à

une série de règles consignées dans la loi-programme du 24 décembre 2002

3

, entrée

en vigueur le 1

er

juillet 2003. Celle-ci introduit notamment la possibilité pour les

artistes de choisir le régime d’indépendant ou de bénéficier d’une présomption de

salariat. Si le législateur peut alors croire que ce dispositif juridique va résoudre

une série de problèmes liés à l’emploi des artistes — à commencer par l’inser-

tion dans le circuit du salariat d’un panel élargi d’artistes (artistes de spectacle ou

artistes créateurs), permettant à ceux-ci de conclure des contrats d’employé et de

1. Recommandation relative à la condition de l’artiste, UNESCO, 27 octobre 1980, article VI, 5.

2. Ibid.

3. M.B. 31/12/2002.

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bénéficier d’une protection sociale —, il apparaît depuis 2011 que l’exercice des

professions artistiques demeure parsemé d’embûches réglementaires et nécessitera

sans conteste de nouvelles initiatives législatives.

C’est au cœur d’une problématique connexe, celle du lien entre emploi et chô-

mage, qu’une série de difficultés apparaît par ailleurs. Car en ouvrant les portes

du salariat aux artistes, l’État leur ouvre également celle de l’assurance chômage.

Faisant dans le secteur bien souvent figure de revenu de complément plutôt que de

remplacement

4

, l’assurance chômage semble alors devoir supporter de « nouveaux »

arrivants à une partie desquels l’ONEm

5

conteste le « statut d’artiste » dès 2011.

Cet article cherche à mettre en évidence l’existence de liens entre l’emploi

artistique et le chômage des artistes et à analyser la nature de ces interactions éven-

tuelles. Plus concrètement, il s’agit de confirmer l’hypothèse suivante : en régime

d’intermittence, il existe une corrélation positive entre l’emploi et le chômage

artistique ; plus l’emploi augmente et plus le chômage augmente

6

. Cette hypo-

thèse a pu être vérifiée en France par les travaux de Pierre-Michel Menger

7

. Elle

met en lumière un trait singulier des professions artistiques et contredit la logique

intuitive suivante : plus l’emploi augmente, plus le chômage diminue. Cette carac-

téristique, propre au régime de l’intermittence, a des implications dans la trajec-

toire professionnelle des artistes et aussi dans la manière dont les pouvoirs publics

peuvent adopter des mesures appropriées aux professions artistiques, notamment

par la mise en œuvre hypothétique d’un « statut d’artiste », c’est-à-dire d’un système

de sécurité sociale autonome et spécifique aux artistes

8

. Par ailleurs, confirmer cette

relation entre travail et chômage artistiques offrirait un éclairage sur la lecture des

données statistiques réalisées par les pouvoirs publics en général et par l’ONEm

en particulier.

Pour mettre à l’épreuve cette hypothèse en Belgique, il est nécessaire, dans un

premier temps, de dresser un état des lieux statistique du salariat et du chômage

des artistes depuis l’application de la loi de 2002. Nous tenterons de mettre en

lumière les diverses évolutions apparues au cours de cette période et cherche-

rons à comprendre les mécanismes engendrant les diverses tendances observées.

4. L’emploi artistique est de fait souvent un condensé de formes d’emplois fragmentés et de situa-

tions de pluriactivité, de ressources combinées entre les emplois abris et les revenus indemni-

taires, où paradoxalement, les indemnités de chômage constituent souvent la part la plus sûre

du revenu d’un intermittent. Cf. Pierre-Michel Menger, Profession artiste. Extension du domaine

de la création, Paris, Les Éditions Textuel, 2005, p. 46–47.

5. Office National de l’Emploi.

6. Jean-Gilles Lowies, Les conditions d’emploi dans les métiers artistiques, Séminaire du Grap, Université

libre de Bruxelles, décembre 2012.

7. Pierre-Michel Menger, Les intermittents du spectacle. Sociologie d’une exception, Paris, EHESS, 2005,

p. 32–33.

8. ERICarts, La situation des professionnels de la création artistique en Europe, Bruxelles, Parlement

européen, 2006.

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Christophe Levaux – Jean

-Gilles Lowies

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Signalons d’emblée que, contrairement à la littérature scientifique de nombreux

pays européens, la Belgique ne connaît pas de système de recueil et d’analyse systé-

matique des données relatives à l’emploi culturel et artistique. Si cet article ne

pourra donc pas se consacrer à l’analyse approfondie de l’une ou l’autre variable de

l’emploi, il s’attachera néanmoins à étudier quelques indicateurs majeurs (effectifs,

volume d’emploi, etc.) sur la base de données inédites.

2. Emploi culturel et emploi artistique

Analyser l’emploi culturel et artistique est devenu un volet classique des études

et des débats sur les politiques culturelles. Sa récurrence n’a d’égal que ses écueils

méthodologiques et l’on peut sans hésiter affirmer que ce type d’étude mériterait

de figurer au panel des genres littéraires tant il se distingue par des notes méthodo-

logiques de bas de pages plus importantes que le corps du texte.

Malgré cet engouement international, renforcé notamment par les initiatives

de l’Union européenne

9

, force est de constater que la Belgique reste singulièrement

sur sa réserve. Peut-être faut-il y voir une retenue à associer l’intervention étatique

à quelque argumentaire d’ordre économique ? La doxa des politiques culturelles

belges francophones reste sensiblement axée sur une opposition ontologique entre

économie et culture, cette dernière ne pouvant être considérée telle une marchan-

dise « comme les autres ». Il en résulte que les données les plus récentes concer-

nant l’emploi culturel belge se retrouvent… dans des publications statistiques de

l’Union européenne

10

ou encore de l’ONU

11

. Autant dire que le chantier demeure

peu exploré et particulièrement vaste

12

.

Ainsi qu’en témoigne la littérature internationale, il n’existe pas de voie unique

dans la définition de l’emploi culturel : chaque étude définit son périmètre selon

des objectifs propres, dépendant parfois des commanditaires et des (im)possibi-

lités offertes par les systèmes nationaux de statistiques publiques

13

. De manière

générale, il faut distinguer une approche du secteur culturel par les activités d’une

part et par les métiers de l’autre

14

. Comprendre les caractéristiques économiques

relevant de la création artistique est plus directement discernable par l’approche

des métiers artistiques. Cette voie est toutefois beaucoup plus incertaine car les

9. L’économie de la culture en Europe, KEA European Affairs, Bruxelles, Commission européenne,

2006.

10. Ibid. Voir également les travaux d’Eurostat.

11. Creative report 2010, UNCTAD.

12. Citons toutefois deux travaux pionniers en nos contrées : Xavier Mabille (dir.), L’emploi

culturel, Bruxelles, CRISP, 1994 et André Nayer, Xavier Parent et Jef Van Langendonck

(dir.), Étude ayant pour objet une analyse de l’importance de l’activité artistique dans l’économie belge et les

possibilités de l’augmenter par une réforme du statut social et fiscal des artistes, Bruxelles, CERP, 2000.

13. Xavier Mabille (dir.), L’emploi culturel, op. cit., 1994.

14. Xavier Greffe, L’emploi culturel à l’âge du numérique, Paris, Économica, 1999, p. 20–21.

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Page 4: Salariat et chômage des artistes en Belgique

Revue de la Société liégeoise de Musicologie

– 16

statistiques publiques sont généralement construites autour des activités écono-

miques (codes NACE

15

). Encore faut-il alors déterminer quels sont les secteurs

d’activité économique identifiant le secteur culturel.

La plus grande part des études envisage le périmètre culturel selon plusieurs

cercles, soit un noyau dur de matières entièrement culturelles suivi par un ou plu-

sieurs cercles plus larges comprenant des matières indirectement culturelles

16

. Cet

élargissement repose sur deux processus : l’extension du secteur culturel vers les

industries culturelles et créatives, et la prise en compte des filières de production

depuis la fabrication jusqu’à la vente de détail

17

. L’élargissement du secteur culturel

aux industries créatives permet d’englober plusieurs secteurs liés à l’audiovisuel

et aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (Internet,

téléphonie, logiciels informatiques, etc.) dont le poids économique est considé-

rable

18

. L’ouverture aux filières de production est quant à elle généralement opé-

rée lorsqu’on cherche à mesurer l’impact économique du secteur, qu’il soit direct,

indirect ou induit. Entrent alors notamment en ligne de compte, en amont, les

industries de fabrication (pâte à papier, DVD, manufactures d’instruments de mu-

sique, etc.) et, en aval, la grande distribution des produits culturels et des supports

de copie privée

19

.

D’après ESSnet, l’emploi culturel se définit par une addition composée des

occupations, culturelles ou non, réalisées dans le cadre d’activités économiques

totalement culturelles et des occupations culturelles réalisées dans d’autres acti-

vités économiques

20

. Cette approche demande toutefois d’utiliser des données

précises sur les professions

21

, à ce jour indisponibles, permettant de discerner les

occupations culturelles hors du « secteur culturel ». S’il s’avère difficile, eu égard

à la pauvreté des données, d’opérationnaliser un tel périmètre de l’emploi cultu-

rel, il est par contre possible de pointer spécifiquement les occupations de nature

artistique. Les statistiques de l’ONSS

22

permettent en effet de retracer les contrats

salariés artistiques depuis 2003

23

. Nous poserons donc ici que l’emploi culturel est

15. Nomenclature des Activités Économiques.

16. Xavier Greffe, op. cit., p. 22–27.

17. Howard Becker, Les mondes de l’art, Paris, Flammarion, 1988 (1982), p. 27–63.

18. Creative Industries Economic Estimates, Department for Culture, Media and Sport, UK, 9 December

2010.

19. André Nayer, Xavier Parent et Jef Van Langendonck (dir.), Étude ayant pour objet une analyse

de l’importance de l’activité artistique dans l’économie belge et les possibilités de l’augmenter par une réforme

du statut social et fiscal des artistes. Rapport final, 3 vol., avril 2000.

20. ESSnet-Culture, European Statistical System Network on Culture. final Report, Luxembourg, Mai

2012, p. 140–148.

21. Grâce à la nomenclature CITP (Classification internationale type des professions).

22. Office National de Sécurité Sociale.

23. Grâce aux codes spécifiques « artistes », 046 et 047, mentionnés dans la DmfA-déclaration

multifonctionnelle qui doit être effectuée par les employeurs.

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-Gilles Lowies

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constitué de l’emploi dans les secteurs d’activités totalement culturelles et des

occupations artistiques existant dans d’autres secteurs d’activité.

Emploi culturel Activités totalement culturelles Autres activités

Occupations artistiques Ѵ Ѵ

Occupations non artistiques Ѵ –

Pour pouvoir opérationnaliser cette définition de l’emploi culturel, notre atten-

tion doit donc se porter sur la délimitation de l’emploi dans un secteur culturel

« restreint », dont les activités économiques sont totalement culturelles, et, le plus

généralement, liées directement à la création artistique. C’est le système de statis-

tiques culturelles développé au sein de la Commission européenne par le groupe

de travail ESSnet

24

, lui-même inspiré notamment des travaux de l’UNESCO sur

les statistiques culturelles, qui fait à cette fin office de base de travail

25

. Partant

de la liste de codes NACE établie par ce groupe de travail, nous avons défini le

périmètre de ce secteur culturel restreint. Il s’écarte en deux points des travaux de

ESSnet, afin d’approcher au mieux le secteur de la création artistique. Le premier

point concerne le sous-secteur de la photographie, écarté dans ESSnet et que nous

avons choisi de conserver. Il convient de préciser que les propositions de ESSnet

sont basées sur des codes NACE à quatre chiffres, ce qui, pour les activités de

photographie, ne permet pas de distinguer les photographies artistiques ou non

artistiques. Notre étude étant basée sur des codes NACE à cinq chiffres, il nous a

été possible de prendre en considération la photographie artistique (parfois consid-

érée comme le huitième art). Le second point concerne le sous-secteur des agences

de presse, repris par ESSnet et écarté de notre périmètre car il n’implique pas

nécessairement un acte de création artistique. Le périmètre du secteur d’activité

culturelle ainsi déterminé reprend huit domaines : le livre et la presse, les médias

et l’audiovisuel, l’architecture, le design, les arts visuels, l’enseignement culturel, le

spectacle vivant, et le patrimoine, les archives et les bibliothèques

26

.

L’emploi artistique sera considéré ici uniquement sous l’angle de l’emploi

salarié des artistes, qu’ils soient créateurs ou interprètes. Si cet article se focalise

sur le salariat, il convient de noter que le travail artistique peut prendre de nom-

breuses autres formes, à commencer par les statuts de travailleur indépendant ou

fonctionnaire

27

. Outre ces statuts ouvrant certains droits à la sécurité sociale, les

24. ESSnet-Culture, European Statistical System Network on Culture. final Report, Luxembourg, Mai

2012, p. 71–72.

25. Cadre de l’UNESCO pour les statistiques culturelles 2009, Unesco-ISU, Canada, 2009.

26. La liste complète des codes NACE sélectionnés se trouve en annexe 1.

27. Un aperçu de l’évolution des effectifs d’artistes indépendants de 2004 à 2011 se trouve en

annexe 2, extraite de Jean-Gilles Lowies, Les conditions d’emploi dans les métiers artistiques,

Séminaire du Grap, Université libre de Bruxelles, décembre 2012.

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artistes peuvent exercer leurs pratiques selon des statuts très divers et parfois fort

précaires. Ils peuvent pratiquer leur art bénévolement, c’est-à-dire sans aucune

rémunération, avoir un statut de volontaire, bénéficiant alors de défraiements ou

encore travailler selon le système de RPI

28

créé en 2002. Nombre d’autres artistes

peuvent exercer leur art « professionnellement » sans être rémunérés autrement

que par le biais des droits d’auteur ou par les profits de la vente d’œuvres. Les

moyens de subsistance de l’artiste peuvent également provenir de quelque rente,

mobilière ou immobilière, des revenus du conjoint ou d’une autre profession (par

exemple les journalistes ou les avocats qui écrivent par ailleurs des romans). On le

voit, il serait illusoire de penser dénombrer l’effectif total des artistes par la seule

catégorie des salariés. Celle-ci reste néanmoins cruciale pour l’étude de l’emploi

artistique, a fortiori depuis l’ouverture de la présomption de salariat à l’ensemble

des artistes prévue par la loi de 2002.

Quatre niveaux de données statistiques ont été analysés. Le premier désigne

l’emploi culturel, soit l’emploi dans le secteur culturel auquel s’additionne l’emploi

artistique hors du secteur culturel. Le second vise l’emploi dans le secteur « cultu-

rel restreint », généralement lié à la création artistique qui y englobe tant l’emploi

artistique que l’emploi non artistique. Le troisième désigne l’emploi artistique à

proprement parler, tous secteurs d’activité économique confondus. Le quatrième

renvoie pour sa part au chômage artistique.

Autant que possible, nous remonterons jusqu’à la période de mise en appli-

cation de la loi de 2002, à savoir fin 2003–2004. Nous n’avons toutefois pas pu

réaliser de longues séries s’agissant des données d’emploi obtenues par secteur

d’activité via les codes NACE du secteur culturel, ceux-ci ayant été modifiés en

2008. Cette rupture de codification entraîne un changement du périmètre qui

annihile toute tentative fiable de série chronologique. Ce biais incontournable a

déjà été constaté dans les statistiques européennes de la culture entre 2005 et 2009.

Certaines données relatives à l’emploi artistique ne dépendent toutefois pas de la

classification NACE, et permettront de remonter jusqu’en 2003. Il en va de même

pour les données fournies par l’ONEm.

Il convient toutefois d’évoquer quelques limites des recherches dès lors

qu’elles reposent sur un périmètre réalisé sur la base des codes NACE. La première

limite tient au fait que l’attribution du code à une entreprise s’effectue au moment

de son établissement et qu’il ne reflète dès lors pas un éventuel changement de

secteur d’activité. La deuxième découle de l’écart existant entre la formulation

catégorielle du code et la nature exacte de l’activité. Il arrive soit que l’activité de

l’entreprise soit plus large et plus variée que l’intitulé du code, soit que l’activité

28. « Régime des Petites Indemnités ». Régime, prévu dans la loi du 24/12/2002, qui est exonéré de

toute cotisation sociale et fiscale moyennant le respect de certains plafonds : montant journalier

maximum, nombre maximum de jours consécutifs pour le même « employeur », montant annuel

maximum, nombre maximum de prestations. Bien que ce régime n’ouvre par ailleurs aucun

droit vis-à-vis de la sécurité sociale, il ne peut être cumulé avec des allocations de chômage.

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réelle corresponde à plusieurs codes alors qu’elle n’en a qu’un seul. Par ailleurs,

certains secteurs d’activité ne sont explicitement repris par aucun code NACE

(galeries d’art, création de jeux électroniques, etc.)

29

. Enfin, il existe aussi des cas

où l’attribution est tout simplement inadéquate, voire erronée

30

. Il résulte de ces

quelques limites que l’on ne pourrait accorder une fiabilité totale aux données

détaillées par sous-secteurs d’activité (codes à 5 chiffres). Nous ne présenterons

donc que les résultats qui agrègent tous les sous-secteurs retenus.

2.1. Part de l’emploi culturel et artistique sur l’emploi total

31

(Belgique, 2011)

L’emploi culturel belge compte pour le dernier quadrimestre de l’année 2011 en

Belgique 59 673 effectifs, soit 1,56 % de l’emploi total qui s’élève pour sa part à

3 836 832 effectifs. La moyenne européenne, et par ailleurs belge, de 2009 situait

pour sa part l’emploi culturel à 1,4 %

32

. L’emploi artistique représente quant à lui

3,32 % de l’emploi culturel, soit 1 983 effectifs.

2.2. Part de l’intermittence et évolution proportionnelle

33

de l’emploi total, de l’emploi culturel et de l’emploi artistique

(Belgique, 2008–

2012, moyennes trimestrielles)

Au-delà d’une croissance plus rapide de l’emploi artistique, en regard de l’emploi

culturel ou total, qui semble néanmoins diminuer fortement au cours de l’année

2012, c’est la part marquée de l’intermittence et par ailleurs de la saisonnalité de

l’emploi artistique qui semble ici se démarquer. Ainsi la période estivale, le troisième

trimestre de l’année, constitue le pic de l’emploi artistique, alors que le second est

la période creuse pour l’emploi dans le secteur. L’emploi culturel subit quant à lui

une légère baisse par rapport à l’emploi total.

29. Alain Guiette, Sofie Jacobs, Annick Schramme, Koen Vandenbempt, Monitoringinstrument

voor de Creatieve Industrieën in Vlaanderen, Onderzoeksrapport, Flanders DC, Antwerp Mana-

gement School, Septembre 2011.

30. Une entreprise peut être classée dans une catégorie connexe, par exemple « centres culturels »

au lieu de « salles de théâtre ». Il arrive aussi que certaines entreprises disposent de codes diffé-

rents lorsqu’il s’agit de l’inscription à la TVA et à l’ONSS.

31. Effectifs ONSS ; moyenne trimestrielle.

32. Cultural statistics, Eurostat, European Union, 2011, p. 67. Les écarts de méthode ne permettent

pas pour autant de postuler une éventuelle baisse de l’emploi culturel.

33. Rabattue à l’unité.

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Revue de la Société liégeoise de Musicologie

– 20

C’est par ailleurs la croissance du poids, et ce depuis 2009, des agences de place-

ment de main d’œuvre et de travail temporaire dans l’emploi artistique que semble

illustrer l’analyse de l’emploi artistique dans et hors du secteur culturel restreint

lié à la création artistique (fig. 2). On constate en outre que le phénomène d’inter-

mittence artistique est nettement plus présent hors du secteur d’activité culturelle.

Notons cependant que les activités artistiques exercées par l’intermédiaire d’agences

peuvent se dérouler au sein du secteur culturel ; ce cas de figure correspond aux

employeurs qui sous-traitent leurs obligations administratives.

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1

1,2

1,4

1,6

Total national emploi

Total national emploi culturel

Total national emploi artistique

0

500

1000

1500

2000

2500

3000

3500

4000

4500

Total national emploi artistique

Total national emploi artistique danssecteur culturel restreint

Fig. 1 (données : ONSS)

Fig. 2 (données : ONSS)

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– 21

2.3. Évolution régionale de l’emploi artistique

De 2004 à 2012, le volume d’emploi artistique augmente de 83 %, pour atteindre,

en 2012, 3 299 ETP (équivalent temps plein)

34

. Cette hausse spectaculaire n’est

pourtant pas commune aux trois régions, qui présentent chacune des tendances

propres (fig. 3). Début 2004, la Région flamande connaît le plus gros volume

d’emploi artistique salarié, totalisant davantage d’ETP que Bruxelles et la Wallonie

réunies. Ce rapport va s’éroder au fil des ans. D’une part, sous le poids de la

croissance marquée en Région wallonne et, principalement, en Région bruxelloise.

D’autre part, via la stagnation de l’emploi artistique apparue en Région flamande.

Ce retournement de situation est assez net : dès la fin 2011, la Région bruxelloise

montre un volume de salariat artistique supérieur à celui de la Région flamande.

Cette tendance peut trouver un écho dans la forte hausse des effectifs d’artistes

exerçant sous le statut d’indépendant en Région flamande

35

. Elle permet in fine de

soulever une différence significative du rapport entretenu par les artistes vis-à-vis

de leur statut de travail au sein de chaque région.

Fig. 3. Équivalents temps plein trimestriels par Région de 2004 à 2012 (données : ONSS)

2.4. Des causes à l’augmentation de l’emploi culturel et artistique ?

La hausse de l’emploi artistique est à présent établie. Est-il cependant permis d’y

voir quelque effet de la loi de 2002 ? On ne pourrait répondre trop hâtivement par

l’affirmative, tant les causes potentielles d’une telle hausse peuvent être diverses.

Citons, tout d’abord, l’effet éventuel du refinancement des Communautés opéré au

début des années 2000. Les accords du Lambermont II – Saint-Polycarpe, inter-

venus le 23 janvier 2001, ont effectivement permis une augmentation des crédits

destinés au secteur culturel

36

. En Communauté flamande et en Communauté

34. On remarque par ailleurs que le volume d’emploi artistique augmente davantage que les effec-

tifs trimestriels d’artistes. Cela tient au moins partiellement au mode de comptabilisation des

effectifs par l’ONSS, c’est-à-dire à date fixe chaque trimestre ; comptage qui convient peu à la

caractéristique intermittente du travail artistique.

35. Cf. Annexe 2, extraite de Jean-Gilles Lowies, Les conditions d’emploi dans les métiers artistiques,

séminaire du Grap, Université libre de Bruxelles, décembre 2012.

36. Le Bilan de la Culture. Les dépenses culturelles et sportives, 1995–

2007, en Belgique fédérale, Bruxelles,

Communauté française, 2010, p. 9–10.

0

200

400

600

800

1.000

1.200

1.400

1.600

2004

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042

2004

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044

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072

2007

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2008

120

082

2008

320

084

2009

120

092

2009

320

094

2010

120

102

2010

320

104

20111

20112

20113

20114

20121

20122

20123

ETP Région bruxelloise

ETP Région flamande

ETP Région wallonne

Musicologie_2014_Book.indb 21 22-09-15 17:21:47

Page 10: Salariat et chômage des artistes en Belgique

Revue de la Société liégeoise de Musicologie

– 22

française, les budgets alloués au secteur culturel ont particulièrement augmenté à

partir de 2007

37

. Il serait toutefois audacieux d’affirmer que ces hausses budgétaires

aient été répercutées mécaniquement dans l’emploi artistique qui reste la variable

d’ajustement budgétaire la plus flexible.

Une autre hypothèse expliquant cette hausse d’emploi artistique réside dans

le développement global du secteur audiovisuel. Le secteur cinématographique

francophone, en particulier, a connu une croissance financière singulièrement

remarquée grâce au mécanisme fiscal du Tax Shelter. Le financement du cinéma

a considérablement augmenté depuis 2003 grâce à cette source de financement

complémentaire

38

. Il est donc permis de supposer que ces nouvelles retombées

financières ont pu contribuer en partie à la hausse de l’emploi artistique, que

ce soit dans l’engagement d’acteurs, de scénaristes, de réalisateurs ou encore de

techniciens.

Évoquons enfin l’effet éventuel de la loi de 2002, qui est au moins double

et in fine paradoxal. D’une part, elle ouvre les portes du salariat à des catégories

d’artistes qui ne s’y trouvaient que rarement, notamment les créateurs plasticiens,

auparavant cantonnés au registre des relations commerciales de vente d’œuvres.

Cette présomption « réfragable » de salariat appliquée à l’ensemble des artistes,

interprètes et créateurs, offre la possibilité de figurer dans le système de sécu-

rité sociale des employés, comportant notamment une assurance chômage. Cette

ouverture a donc pu favoriser l’inclusion d’une population d’artistes qui fonction-

naient auparavant dans des relations économiques diverses, parfois proches de

l’économie informelle/grise. À l’inverse, cette loi a permis aux artistes de s’extraire

du statut de salarié et de profiter du statut d’indépendant. Cette tendance est fort-

e ment présente en Flandre, et se retrouve surtout dans la progression des effectifs

sous le statut d’indépendant complémentaire. On le voit, ces deux effets potentiels

sont paradoxaux, élargissement et diminution se côtoient.

Nous pouvons aussi émettre l’hypothèse d’un effet favorable de la loi de 2002

sur l’emploi artistique par le biais des aides à l’emploi qu’elle a introduites. Cette

loi a en effet prévu une réduction de cotisations patronales concernant les em-

plois artistiques. Ces réductions peuvent avoir joué un rôle d’incitant vis-à-vis des

employeurs. À masse salariale identique, les employeurs ont pu augmenter leur

volume d’emploi artistique.

Enfin, il faut mentionner l’essor des organismes faisant figure d’intermédiaires

sur le marché du travail artistique. Que ce soit au travers d’agences d’intérim,

37. Idem, p. 12–26 ; Le Bilan de la Culture. L’évolution des dépenses culturelles, 1984

–2007, en Communauté

française, Bruxelles, Communauté française, 2010, p. 11 ; Focus Culture 2012 —

Faits et Tendances,

Bruxelles, Communauté française, 2013, p. 13.

38. En 2012, le financement de la Communauté française atteignait presque 14 millions d’euros

et les revenus du Tax Shelter dépassaient les 93 millions d’euros. Cf. Production, promotion et

diffusion cinématographiques et audiovisuelles. Le Bilan 2012, Bruxelles, Communauté française /

Fédération Wallonie-Bruxelles, 2013, p. 15 et 164.

Musicologie_2014_Book.indb 22 22-09-15 17:21:47

Page 11: Salariat et chômage des artistes en Belgique

Christophe Levaux – Jean

-Gilles Lowies

– 23

de BSA

39

ou d’autres intermédiaires, de nombreuses relations de travail restant

jusque-là informelles ont pu trouver un cadre administratif pratique et sécurisant.

Ces structures intermédiaires, dont on a vu l’importance croissante en termes

d’emploi artistique, ont sans doute répondu à un besoin latent du marché du tra-

vail artistique et contribué ainsi à une telle évolution des indicateurs statistiques.

Voyons à présent quels enseignements ressortent des données disponibles en

matière de chômage des artistes, afin d’envisager ensuite les éventuelles relations

entre l’emploi et le chômage.

3. Le chômage des artistes

Il n’existe pas à proprement parler de « statut d’artiste » en Belgique ; les artistes

relèvent du régime général de la sécurité sociale des travailleurs salariés, des tra-

vailleurs indépendants ou des fonctionnaires. Il existe cependant, lorsqu’ils sont

salariés, deux règlementations qui facilitent leur accès et leur maintien au système

d’assurance chômage. Les dispositions de l’ONEm portant sur le droit à l’assurance

chômage se fondent d’une part sur l’Arrêté ministériel du 26 novembre 1991

40

concernant la règle spécifique du calcul des prestations « au cachet » permettant

l’accès aux allocations et, d’autre part, sur l’Arrêté royal du 25 novembre 1991

41

pour le régime de maintien des allocations à un taux « protégé »

42

.

La première règlementation a fait l’objet d’une interprétation de l’ONEm qui

prévoit le calcul des prestations « au cachet » en équivalents jours de travail pour

prouver le nombre requis de journées de travail dans une période de référence

précédant la demande d’allocations de chômage. En d’autres termes, là où la règle

générale demande de prouver un nombre de jours de travail (de 312 à 624 jours,

selon l’âge du travailleur) durant une période de référence (de 21 à 42 mois),

certains artistes peuvent faire valoir un montant minimum de rémunérations

43

.

Seules les occupations rémunérées et soumises à des cotisations de sécurité sociale

étant prises en compte par l’ONEm. Dès lors qu’il doit s’agir d’une occupation

en tant qu’artiste, l’employeur a dû, dans la déclaration effectuée à l’ONSS,

renseigner comme code travailleur « 046» ou « 047 », réservé aux artistes depuis

la loi-programme du 24 décembre 2002 qui entrait en vigueur le 1

er

juillet 2003.

L’Arrêté ministériel destinait cette règle aux artistes suivants : « l’artiste-musicien

et l’artiste du spectacle

44

».

39. Bureaux sociaux pour artistes.

40. M.B. 25/01/1992 (modifié par l’Arrêté ministériel du 30 novembre 2001 ; M.B. 15/12/2001).

41. M. B. 31/12/1991 (modifié par l’Arrêté royal du 23 juillet 2012 ; M.B. 30/07/2012).

42. L’A.R. du 23/07/2012 a modifié en profondeur ce système de protection et le montant des allo-

cations est depuis lors soumis à une dégressivité partielle.

43. 57,76 €/jour (montant valable au 01/04/2014), soit 18 021,12 € brut pour l’équivalent de 312 jours.

44. Art. 10 de l’Arrêté ministériel du 26 novembre 1991.

Musicologie_2014_Book.indb 23 22-09-15 17:21:47

Page 12: Salariat et chômage des artistes en Belgique

Revue de la Société liégeoise de Musicologie

– 24

Dès 2004, certains bureaux de l’ONEm généralisent l’application de la « règle

du cachet » aux artistes interprètes, aux artistes créateurs et à d’autres professionnels

liés au secteur de la création, comme les techniciens du spectacle. Cette pratique

instaurait donc une égalité de traitement entre travailleurs partageant une réalité

sectorielle et socio-économique similaire. En octobre 2011, l’ONEm modifie sa

pratique en refusant le bénéfice de la « règle du cachet » aux artistes créateurs (hors

secteur du spectacle) et aux techniciens du spectacle. Dès février 2012, l’ONEm

n’accepte plus les prestations effectuées par un artiste (musicien ou du spectacle)

pour un employeur qui dépend d’un autre secteur que celui du spectacle.

La seconde règle concerne le régime des allocations à un taux « protégé »,

c’est-à-dire qu’elle permet de déroger en partie au principe de dégressivité des

allocations. Cette règle, « la protection de l’intermittence », est en théorie valable

pour tout travailleur « qui est occupé exclusivement dans les liens de contrats

de très courte durée

45

» ; elle n’est donc pas spécifique aux artistes. À nouveau,

dès 2004, certains bureaux de l’ONEm appliquent la neutralisation des périodes

d’indemnisation tant aux artistes interprètes et techniciens du spectacle, qu’aux

artistes créateurs. Cette pratique respecte alors l’Arrêté royal du 25 novembre 1991

concernant l’occupation dans les liens de contrats de très courte durée. Dès 2011,

l’ONEm tente cependant de restreindre son application aux seuls artistes (046/47),

employés (495) et ouvriers (015) dont l’occupation comme artiste ou technicien

se déroule dans le secteur du spectacle, preuves à l’appui

46

. Dès février 2012, il

n’applique plus cette règle aux artistes et techniciens qui avaient effectué des pres-

tations pour un employeur dépendant d’un autre secteur que celui du spectacle.

L’ONEm justifie les restrictions apportées à ces deux règles par le constat d’une

hausse anormale des effectifs d’artistes au chômage. Les écarts entre les prescrits

légaux et les interprétations de l’ONEm nourrissent alors la motivation d’artistes

exclus du système d’assurance chômage à contester les décisions de l’Office. Le

19 juillet 2013, lors d’un procès qui oppose près de 250 artistes à l’ONEm, ce dernier

est contraint par le Tribunal du Travail de Bruxelles d’appliquer la protection

de l’intermittence aux travailleurs tous secteurs confondus (excepté l’industrie

hôtelière) qui travaillent dans des contrats de courte durée, soit en deçà de trois

mois. Le tribunal avait par ailleurs, le 28 juin précédent et dans le cadre cette fois

de la « règle du cachet », jugé discriminatoire son exclusion des techniciens du spec-

tacle, ne se prononçant pas dans le même sens sur celle des artistes créateurs hors

secteur du spectacle.

Dans les mois qui suivent, une série de nouveaux développements ayant trait

au statut de l’artiste et à la réglementation du chômage ont lieu. Une modification

45. Art. 116 § 5 de l’Arrêté royal du 25 novembre 1991.

46. Les artistes doivent fournir tout document prouvant l’activité mentionnée sur leur contrat :

affiche de spectacle, article de presse, programme du théâtre, copie des statuts de la personne

morale qui les engage, etc.

Musicologie_2014_Book.indb 24 22-09-15 17:21:47

Page 13: Salariat et chômage des artistes en Belgique

Christophe Levaux – Jean

-Gilles Lowies

– 25

de la loi dite du « statut de l’artiste » est votée en décembre 2013. Plusieurs arrêtés

émanant des ministres Onkelinx et De Coninck sont publiés au Moniteur belge le

20 février et le 17 avril 2014. Ces changements suppriment notamment la distinc-

tion entre secteurs et métiers artistiques et élargissent la définition des activités

techniques. Celles-ci incluent désormais toute forme de travail technique ou de

soutien consistant à la collaboration à la préparation, la représentation, l’enregis-

trement, la diffusion ou l’exposition d’une œuvre artistique.

La protection de l’intermittence est par ailleurs scindée en deux dispositifs

consécutifs : le premier stipule la nécessité d’avoir presté 156 jours de travail dont

104 artistiques répartis sur 18 mois ; le second ensuite qui prévoit un renouvelle-

ment pour autant que trois prestations artistiques aient été réalisées en 12 mois.

L’accès à la protection de l’intermittence est donc rendu plus difficile. En outre,

dans certains cas de figure, le montant des allocations de chômage est diminué

en fonction des revenus professionnels de l’artiste. Les allocations perdent donc

en partie leur caractère complémentaire. Certains pans de la réforme entrent en

vigueur le 1

er

janvier 2014, d’autres le 1

er

avril, mais certains nouveaux dispositifs

nécessiteront encore plusieurs mois pour être mis en œuvre.

L’absence de règles de sécurité sociale spécifiques à l’ensemble des artistes a

généré, on l’a vu, des interprétations diverses et fluctuantes de l’Office chargé d’appli-

quer les règlementations. Cette carence a régulièrement entraîné un glissement

des sphères de responsabilité allant de l’instance politique — le pouvoir législatif

— vers le pouvoir judiciaire. Ce phénomène a créé une situation d’insécurité pour

les artistes ne sachant plus quel système leur sera appliqué, l’instance judiciaire se

prononçant a posteriori. Cette insécurité juridique s’était d’ailleurs doublée d’une

incertitude professionnelle étant donné le caractère complémentaire de l’assurance

chômage (cette part des revenus demeurant généralement la plus certaine pour

les artistes). L’avenir nous dira probablement si les nouvelles réglementations ont

permis de mettre fin à ces nombreuses ambiguïtés.

3.1. Les évolutions de 2004 à 2012

Les données recueillies auprès de l’ONEm

47

ne concernent pas tant les artistes « au

chômage » que les chômeurs inclus dans la catégorie « artistes » telle que définie par

l’ONEm ; catégorie qui peut donc varier au gré des interprétations de l’Office. Les

statistiques de l’ONEm concernant les artistes ne peuvent donc pas garantir que

tous les artistes sans emploi soient repris dans la comptabilisation. Deux données

peuvent nous aider à comprendre l’évolution du chômage des artistes : les effectifs

de chômeurs

48

et les dépenses (le montant global des allocations versées).

47. Office National de l’Emploi. Organisme chargé de l’organisation de l’assurance chômage.

48. Les effectifs comptabilisés par l’ONEm reposent sur la notion d’« unité physique ». Loin de

se rapporter à quelque « corps physique d’artiste », cette unité rend compte du nombre de

Musicologie_2014_Book.indb 25 22-09-15 17:21:47

Page 14: Salariat et chômage des artistes en Belgique

Revue de la Société liégeoise de Musicologie

– 26

Région flamande Région wallonne Région bruxelloise Total

2004

Effectifs 1 583 1 074 1 965 4 622

% 34 % 23 % 43 %

Montants (€) 11 651 777 8 381 232 15 686 813 35 719 822

% 33 % 23 % 44 %

2012

Effectifs 2 449 2 174 4 197 8 820

% 28 % 25 % 47 %

Montants (€) 22 683 306 20 947 732 43 354 479 86 985 518

% 26 % 24 % 50 %

Fig. 4 (données : ONEm)

Ce tableau appelle plusieurs remarques et questionnements. Tout d’abord, on note

une augmentation des effectifs et des dépenses liés à la catégorie « artistes » entre

2004 et 2012. Sans interpréter à ce stade la ou les causes de cette hausse, on peut

affirmer que la situation du marché du travail artistique paraît suivre une tendance

à la précarisation, étant donné le recours croissant à l’assurance chômage.

Les portraits régionaux sont également significatifs. Tel que pour l’emploi

artis tique, on note le poids important et prépondérant de la Région bruxelloise

qui, à elle seule, représente quasiment la moitié des effectifs de l’ONEm repris

dans la catégorie « artistes ». Bien que toutes les régions présentent une hausse

significa tive du chômage des artistes, la Région flamande est la seule à connaître

une baisse de sa part relative dans l’enveloppe nationale du chômage artistique :

de 2004 et 2012, entre 6 % et 7 % selon qu’il s’agisse de l’effectif ou de la dépense.

BE VLA WAL BXL

2004

Effectifs 4 623 1 583 1 074 1 965

Montant total 2 976 652,00 € 970 981,00 € 698 436,00 € 1 307 234,00 €

Alloc. moy. / Eff. 643,88 € 613,38 € 650,31 € 665,26 €

2012

Effectifs 8 820 2 449 2 174 4 197

Montant total 7 248 793,00 € 1 890 276,00 € 1 745 644,00 € 3 612 873,00 €

Alloc. moy. / Eff. 821,86 € 771,86 € 802,96 € 860,82 €

Augm. % 28 % 26 % 23 % 29 %

Fig. 5 (données : ONEm)

paiements effectués chaque mois. Il ne s’agit donc pas de l’effectif réel d’allocataires, mais la

moyenne des données mensuelles tend à s’en approcher.

Musicologie_2014_Book.indb 26 22-09-15 17:21:48

Page 15: Salariat et chômage des artistes en Belgique

Christophe Levaux – Jean

-Gilles Lowies

– 27

En 2004, le montant moyen de l’allocation de chômage artistique est de 644 €.

Les moyennes bruxelloises et wallonnes se situent légèrement au-dessus de celle-ci

(665 et 650 €) alors que la moyenne flamande se situe en deçà avec 613€. L’allo-

cation moyenne augmente de 28 % pour l’ensemble du pays en huit ans, en 2004.

Elle se situe alors à 822€. La Flandre, cette fois accompagnée de la Wallonie, se

situent en deçà de la moyenne avec respectivement 772 et 802 € alors que la région

Bruxelloise se situe à 860 €.

3.2. 2004–

2012 : évolution et réformes

Si on partitionne l’évolution du chômage artistique en Belgique en trois phases,

soit : a) 2001–2003, avant l’harmonisation du règlement de l’ONEm avec la loi de

2002 ; b) 2004–2010, après harmonisation avec la loi et c) 2011–1012 réformes du

règlement de l’ONEm, il appert que la période a) connaît une hausse plus impor-

tante que la période b)

49

(fig. 6). En d’autres termes, l’harmonisation avec la loi

de 2002 ne semble pas avoir eu un impact palpable sur l’évolution du chômage

artistique : le chômage décélère de 2004 à 2011, et ce malgré l’introduction du

« statut d’artiste ». La période 2011–2012 voit quant à elle un tassement sensible de

l’évolution : + 2 % seulement.

Fig. 6. Projection de la hausse de 2001–2003 sur les années suivantes (données : ONEm)

49. Hausse moyenne annuelle de 38 %, globale de 91 % pour la période a) ; hausse moyenne annuelle

de 9 %, globale de 73 % pour la période b).

0

2.000

4.000

6.000

8.000

10.000

12.000

14.000

2001

/01

2001

/05

2001

/09

2002

/01

2002

/05

2002

/09

2003

/01

2003

/05

2003

/09

2004

/01

2004

/05

2004

/09

2005

/01

2005

/05

2005

/09

2006

/01

2006

/05

2006

/09

2007

/01

2007

/05

2007

/09

2008

/01

2008

/05

2008

/09

2009

/02

2009

/06

2009

/1020

10/0

220

10/0

620

10/10

2011

/02

2011

/06

2011

/1020

12/0

220

12/0

620

12/10

2013

/02

Réel

Projection

Musicologie_2014_Book.indb 27 22-09-15 17:21:48

Page 16: Salariat et chômage des artistes en Belgique

Revue de la Société liégeoise de Musicologie

– 28

4. Les liens entre le salariat et le chômage des artistes

Nous avons vu que si les parts relatives de l’emploi culturel et de l’emploi artistique

restent congrues, le volume d’emploi artistique n’a pas cessé de croître en huit ans.

Nous avons également souligné les hausses d’effectifs repris par l’ONEm dans la

catégorie « artistes ». Il reste à examiner si ces évolutions peuvent être reliées.

L’existence d’une relation entre le salariat et le chômage des artistes paraît

laisser peu de place au doute. Tout d’abord, on constate que l’évolution de l’emploi

artistique est proche de celle du chômage artistique ; les proportions sont simi-

laires. De 2004 à 2012, le volume annuel d’emploi artistique est en hausse de 83 %.

Et pour la même période, l’estimation annuelle des effectifs de chômeurs inclus

dans la catégorie « artistes » voit une croissance de 90 %. Il semble donc qu’il y

ait une corrélation « positive » entre le volume d’emploi artistique et le volume de

l’effectif de « chômeurs-artistes »

50

.

Nous pouvons ensuite vérifier si cette relation se retrouve, ou non, au niveau

de chaque région. Le graphique ci-dessous (fig. 7) reprend l’évolution des données

de l’emploi (ETP) et des chômeurs (UP) pour la Région bruxelloise. On remarque

à nouveau une hausse importante et conjointe des deux séries d’indicateurs. Nous

pouvons aussi noter les effets réciproques emploi-chômage pour chaque trimestre.

Lorsque l’emploi voit un pic de croissance trimestriel, l’effectif du chômage subit

une légère diminution et, inversement, lorsqu’il y a un tassement de l’emploi, l’effec-

tif de chômage se relève quelque peu. Toutefois, cet effet n’est pas totalement

proportionnel, c’est-à-dire que la part d’évolution de l’emploi n’est pas totalement

absorbée par une réaction contraire du chômage. Cela s’explique par le fait que les

changements de volume d’emploi ne sont pas répartis sur l’ensemble des chômeurs

mais uniquement sur une partie de ceux-ci. Au sein de la hausse conjointe, l’effec-

tif de chômeurs est donc plus stable que le volume d’emploi.

Le même constat peut être réalisé concernant la Région wallonne (fig. 8). La confi-

guration jointe des hausses de l’emploi et du chômage confirme une corrélation

positive. Il est toutefois notable de relever l’apparition d’un écart entre les deux

courbes dès 2011 : la hausse de l’emploi est en croissance et celle du chômage se

tasse quelque peu.

Le graphique suivant (fig. 9) laisse également apparaître une dynamique commune

entre emploi et chômage des artistes. Cela est particulièrement visible dans les

évolutions saisonnières trimestrielles : lorsque la courbe d’évolution de l’emploi

baisse, celle du chômage augmente. La tendance générale reste toutefois à l’évo-

lution conjointe des dynamiques : l’augmentation de l’emploi est concomitante à

celle du chômage. La particularité de la Région flamande réside sans doute dans un

50. Cf. Jean-Gilles Lowies, Les conditions d’emploi dans les métiers artistiques, Séminaire du Grap,

Université libre de Bruxelles, décembre 2012.

Musicologie_2014_Book.indb 28 22-09-15 17:21:48

Page 17: Salariat et chômage des artistes en Belgique

Christophe Levaux – Jean

-Gilles Lowies

– 29

0

0,5

1

1,5

2

2,5

320

041

2004

220

043

2004

420

051

2005

220

053

2005

420

061

2006

220

063

2006

420

071

2007

220

073

2007

420

081

2008

220

083

2008

420

091

2009

220

093

2009

420

101

2010

220

103

2010

420

111

2011

220

113

2011

420

121

2012

220

123

Etp Rb base 20041

UP Rb base 20041

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

2004

120

042

2004

320

044

2005

120

052

2005

320

054

2006

120

062

2006

320

064

2007

120

072

2007

320

074

2008

120

082

2008

320

084

2009

120

092

2009

320

094

2010

120

102

2010

320

104

2011

120

112

2011

320

114

2012

120

122

2012

3Etp Rw base 20041

UP Rw base 20041

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1

1,2

1,4

1,6

1,8

2

2004

120

042

2004

320

044

2005

120

052

2005

320

054

2006

120

062

2006

320

064

2007

120

072

2007

320

074

2008

120

082

2008

320

084

2009

120

092

2009

320

094

2010

120

102

2010

320

104

2011

120

112

2011

320

114

2012

120

122

2012

3

Etp Rf base 20041

UP Rf base 20041

Fig. 7. Évolution de l’emploi et du chômage des artistes en Région bruxelloise

(données : ONSS et ONEm)

Fig. 8. Évolution de l’emploi et du chômage des artistes en Région wallonne

(données : ONSS et ONEm)

Fig. 9 (données : ONSS et ONEm)

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Page 18: Salariat et chômage des artistes en Belgique

Revue de la Société liégeoise de Musicologie

– 30

essoufflement de la croissance de l’emploi artistique salarié

51

, qui paraît être suivi

d’une modération de la hausse du chômage.

Nous avons vu que la logique d’une évolution parallèle de l’emploi et du chômage

se vérifiait au niveau de chaque région, quoiqu’elles aient chacune leurs particula-

rités. L’hypothèse vérifiée pour la France par Pierre-Michel Menger s’avère donc

également concluante à propos de la Belgique. Cet état de fait n’est pas sans consé-

quences pour les pouvoirs publics qui se trouvent confrontés à une situation sibyl-

line : en régime d’intermittence, favoriser une hausse de l’emploi ne parviendrait

pas à enrayer une hausse du chômage mais l’accentuerait davantage…

5. Conclusions

Quelle place pour l’Artiste au sein du marché du travail belge ? La question de son

« statut » est-elle définitivement clarifiée depuis la loi du 24 décembre 2002 ? Si

ces questions ne peuvent se satisfaire seulement de réponses quantitatives, elles

ne peuvent les contourner puisqu’elles font partie de l’argumentaire des pouvoirs

publics et principalement de l’ONEm. Alors que les diverses règlementations en

vigueur font l’objet d’interprétations variées, au point de faire l’objet de procédures

judiciaires pendantes, la nécessité de mieux cerner les indicateurs du travail artis-

tique s’est imposée. Ne pouvant embrasser l’ensemble de cette matière jusqu’ici

peu défrichée, nous nous sommes concentrés sur deux aspects — le salariat et le

chômage — à partir de 2003, et sur leur relation hypothétique.

Tout d’abord, même en étant lus avec toutes les précautions méthodologiques

d’usage, les indicateurs généraux nous montrent que l’emploi culturel en Belgique

reste singulièrement peu élevé par rapport à de nombreux pays européens. Et au

sein de cet emploi culturel, l’emploi artistique demeure peu important, tournant

autour des 8 %.

Le premier enseignement majeur de cette contribution se rapporte à un aspect

pour le moins singulier du travail artistique : les liens paradoxaux existant entre

le salariat et l’assurance chômage. L’hypothèse majeure, déjà établie en France

par Pierre-Michel Menger, d’une corrélation « positive » entre salariat et assurance

chômage a pu être vérifiée pour la Belgique. Ainsi, contrairement à une logique

intuitive, lorsque le travail est exercé sous le régime de l’intermittence, plus l’emploi

artistique augmente et plus le chômage artistique augmente. L’effet de la loi de

2002 ouvrant explicitement le salariat à une large catégorie d’artistes ne peut alors

qu’engendrer une même dynamique de croissance pour l’assurance chômage des

artistes. Rappelons néanmoins que la présomption de salariat établie en 2002 n’est

pas le seul facteur potentiel de hausse de l’emploi artistique, d’autres pistes restent

plausibles, dont notamment les réductions de cotisations patronales, le refinan-

cement des Communautés, la mise en œuvre du Tax Shelter et l’essor des agences

51. Cf. Annexe 2. Rappelons que cette tendance peut se lire en regard de l’essor du statut d’indé-

pendant.

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Page 19: Salariat et chômage des artistes en Belgique

Christophe Levaux – Jean

-Gilles Lowies

– 31

intermédiaires. Au final, cette singularité de l’emploi artistique questionne

l’opportunité de mettre en œuvre un système de sécurité sociale autonome et

spécifique aux artistes.

Le deuxième constat marquant de nos recherches porte sur la mise en évidence de

dynamiques propres au marché du travail fortement différenciées selon les régions.

À l’évidence, la Région bruxelloise rassemble proportionnellement la plus forte

concentration de travail (et donc de chômage) pour les artistes belges. La Région

wallonne est quant à elle la seule région où la croissance du chômage est inférieure

à celle du travail. En Région flamande, le salariat artistique semble présenter une

certaine stagnation alors que le statut d’indépendant (surtout complémentaire) est

clairement à la hausse. Ces constats nous rappellent premièrement que la doxa des

politiques culturelles repose sur différents paradigmes au nord et au sud du pays et,

deuxièmement, que Bruxelles répond aux caractéristiques d’une capitale multiple

(Région bruxelloise, Communautés, Belgique, Union européenne).

Ces quelques constats ne doivent pas faire oublier qu’il ne s’agit ici que d’un pre-

mier état des lieux des indicateurs statistiques existant auprès des pouvoirs publics

compétents. Cette recherche paraît en ce sens porteuse de nombreuses pistes de

développement, qu’il s’agisse d’approfondir les approches quantitatives du salariat

artistique et des autres régimes de travail artistique (indépendance, volontariat,

etc.) ou encore d’approcher les dynamiques des diverses filières de production exis-

tant au sein de chaque sous-secteur culturel (arts plastiques, musique, littérature,

théâtre, etc.). Il importerait également de saisir davantage la réalité des pratiques

artistiques auxquelles s’adressent les différentes politiques publiques évoquées au

cours de cet article, car, au-delà des éléments statistiques, certes instructifs, il est

ici question de parcours artistiques individuels ou collectifs peu réductibles aux

catégories construites par les pouvoirs publics.

Christophe Levaux

Université de Liège

Jean-Gilles Lowies

Université de Liège–Université libre de Bruxelles

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Page 20: Salariat et chômage des artistes en Belgique

Revue de la Société liégeoise de Musicologie

– 32

Annexe 1 : Périmètre du secteur culturel (sélection des codes NACE)

Livre et presse

58.110 Édition de livres

58.130 Édition de journaux

58.140 Édition de revues et de périodiques

58.210 Édition de jeux électroniques

Médias et audiovisuel

59.111 Production de films cinématographiques

59.112 Production de films pour la télévision

59.113 Production de films autres que cinématographiques et pour la télévision

59.114 Production de programmes pour la télévision

59.120 Post-production de films cinématographiques, de vidéo et de programmes de télévision

59.130 Distribution de films cinématographiques, de vidéo et de programmes de télévision

59.140 Projection de films cinématographiques

59.201 Production d’enregistrements sonores

59.202 Studios d’enregistrements sonores

59.203 Edition musicale

59.209 Autres services d’enregistrements sonores

60.100 Diffusion de programmes radio

60.200 Programmation de télévision et télédiffusion

Architecture

71.111 Activités d’architecture de construction

71.112 Activités d’architecture d’intérieur

71.113 Activités d’architecture d’urbanisme, de paysage et de jardin

Design

74.101 Création de modèles pour les biens personnels et domestiques

74.102 Activités de design industriel

74.103 Activités de design graphique

74.104 Décoration d’intérieur

74.105 Décoration d’étalage

74.109 Autres activités spécialisées de design

Arts visuels

74.201 Production photographique, sauf activités des photographes de presse

74.202 Activités des photographes de presse

74.209 Autres activités photographiques

90.031 Création artistique, sauf activités de soutien

90.032 Activités de soutien à la création artistique

Enseignement culturel

85.520 Enseignement culturel

Spectacle vivant

90.011 Réalisation de spectacles par des artistes indépendants

90.012 Réalisation de spectacles par des ensembles artistiques

90.021 Promotion et organisation de spectacles vivants

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Page 21: Salariat et chômage des artistes en Belgique

Christophe Levaux – Jean

-Gilles Lowies

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90.022 Conception et réalisation de décors

90.023 Services spécialisés du son, de l’image et de l’éclairage

90.029 Autres activités de soutien au spectacle vivant

90.041 Gestion de salles de théâtre, de concerts et similaires

90.042 Gestion de centres culturels et de salles multifonctionnelles à vocation culturelle

Patrimoine, archives et bibliothèques

91.011 Gestion des bibliothèques, des médiathèques et des ludothèques

91.012 Gestion des archives publiques

91.020 Gestion des musées

91.030 Gestion des sites et monuments historiques et des attractions touristiques similaires

Annexe 2 : Artistes indépendants

Effectifs d’artistes indépendants (509–510) par Région, 2004 à 2011

0

1000

2000

3000

4000

5000

6000

7000

8000

9000

10000

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Région bruxelloise

Région flamande

Région wallonne

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