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May 09, 2020

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dariahiddleston
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Résumé Lorsqu’il rencontre celle qu’il est chargé de retrouver

et de ramener de force à Carthagène, Matthew se met immédiatement à douter. Cette jeune femme au visage d’ange est-elle vraiment la trafiquante que Douglas Hamilton, le diplomate qui l’a payé pour cette mission, lui a décrite? Bouleversé malgré lui par la beauté et la fraîcheur de Mia, Matthew en vient à se demander s’il doit remplir son contrat jusqu’au bout, et livrer la jeune femme à Hamilton. Car il est terriblement tenté de lui faire confiance et de la croire quand elle proclame son innocence. Mais, devant la force du désir qu’il sent monter en lui, Matthew redoute de n’être plus capable de considérer la situation avec sang-froid...

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Cet ouvrage a été publié en langue anglaise sous le titre: CAPTIVE IN HIS BED

Série Les Frères Knight Tome N°2

Traduction française de FLORENCE JAMIN

Collection : Azur n°2700 Editée par : Harlequin

1ère édition dans cette collection : juillet 2007

HARLEQUIN® est une marque déposée du Groupe Harlequin

et Azur ® est une marque déposée d’Harlequin S.A.

© 2006, Sandra Myles. © 2007, Traduction française : Harlequin S.A.

83-85, boulevard Vincent-Auriol, 75013 PARIS — Tél. : 01 42 16 63 63

Service Lectrices — Tél. : 01 45 82 47 47 ISBN 978-2-2802-0608-2 - ISSN 0993-4448

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Prologue Au cœur des hautes montagnes de Colombie La forêt tropicale était plongée dans l’obscurité. Seul

bruit à la ronde, un ronronnement sourd s’élevait de la chute, qui précipitait ses eaux bouillonnantes depuis un impressionnant à-pic rocheux.

Tel un énorme globe luminescent, la lune s’était levée et semblait suspendue dans les branches des arbres. Sa lumière laiteuse jetait ses rayons obliques sur la clairière et sur le bassin naturel qui, phosphorescent, resplendissait comme une pierre précieuse. Elle éclairait également Mia, qui se tenait debout, nue, tout près de l’eau...

Matthew s’immobilisa à l’orée de la clairière, face à la piscine creusée dans le rocher. Les yeux rivés sur la jeune femme, les poings serrés, il cherchait désespérément à reprendre le contrôle, à retrouver cette maîtrise de lui-même qui ne l’avait jamais quitté. Jamais, jusqu’à ce que son chemin croise celui de Mia.

Mia... Il était parti à sa recherche, il avait fini par la trouver, et il venait de la perdre pour toujours...

A cet instant cependant, elle était à sa merci. En apparence tout au moins. Car en fait, elle lui échappait encore... Elle ne voulait pas de lui, comme elle le lui avait fait comprendre sans équivoque aucune. Elle le quittait pour un autre, cet homme qui, après avoir trahi la jeune femme, avait lancé Matthew sur sa piste pour la récupérer.

Pourquoi est-ce elle que tu veux? s’était demandé Matthew quand il avait vu Mia pour la toute première fois.

C’était une bonne question, une excellente question. Il savait qu’elle serait belle – le type lui avait montré sa photo – mais le monde était plein de belles filles, alors pourquoi elle? Qu’avait-elle de si spécial?

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Quand Matthew lui avait posé la question, l’homme avait eu un drôle de sourire. Il avait réfléchi un instant et expliqué qu’il voulait la retrouver parce qu’elle avait tout ce qu’un homme pouvait souhaiter chez une femme...

Soudain, Matthew sentit son sang s’accélérer dans ses veines.

Cet homme avait tort. Elle était bien plus encore. Il le savait à présent, parce qu’elle lui avait appartenu. Elle était Eve, elle était Jezebel, elle était Lilith réincarnées... Elle pouvait être aussi chaude que l’orage d’été qui raye le ciel de ses éclairs incandescents, et aussi fraîche que la pluie de printemps qui abreuve les feuilles vert tendre.

Le simple fait de la regarder pouvait mettre n’importe quel homme sens dessus dessous, il était bien placé pour le savoir.

L’ovale de son visage avait la pureté des statues antiques, ses yeux noirs en amande brillaient d’un éclat mystérieux, et son nez aristocratique et racé contrastait avec une bouche si pulpeuse qu’elle semblait faite pour le péché...

Sur ses épaules et jusque dans le creux de ses reins s’étalait en cascade son opulente chevelure aux boucles auburn. Ces cheveux qui donnaient irrémédiablement envie d’y enfouir les mains et le visage, d’en respirer le parfum.

Ses jambes affichaient une insolente longueur, sa taille si mince qu’il aurait presque pu en faire le tour de ses deux mains, mettait en valeur, par contraste, sa poitrine généreuse.

La respiration de Matthew s’accéléra au souvenir de la rondeur souple de ses seins quand il les serrait dans ses paumes.

Et ses cuisses... Ses cuisses étaient faites pour encercler la taille d’un homme pendant l’amour. Dans un flash, il se revit soudain les écartant pour mieux la pénétrer, et la tête lui tourna.

Bon sang, qu’est-ce qui lui arrivait? Il ne savait plus où il en était!

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Qui était Mia Palmieri? A qui appartenait-elle? A lui ou à Hamilton? Tout ça n’avait-il jamais été qu’un jeu?

La jeune femme se retourna brusquement et Matthew se figea.

Dans l’obscurité, elle ne pouvait pas le distinguer, il en était certain. Il eut cependant l’impression étrange qu’elle avait senti sa présence. Etait-ce parce qu’elle le savait dans les parages qu’elle avait tourné la tête, lui montrant gracieusement son profil, et qu’elle avait levé les mains vers son buste, serrant ses seins dans ses paumes comme si elle les lui offrait?

Matthew sentit soudain qu’il était en pleine érection, une érection si dure et si violente qu’il en eut mal.

Il se revit quelque temps auparavant, promettant de ramener Mia à l’homme qui le payait pour ça. Cette fois, c’était à lui qu’il faisait cette promesse. Il la voulait, et il l’aurait.

Lentement, à pas furtifs, il s’avança vers la clairière, quittant peu à peu l’obscurité pour se laisser inonder par les rayons argentés de la lune. Là, il attendit, muscles bandés, tout son être en alerte.

Il aurait pu l’appeler, manifester sa présence, attirer son attention, mais il n’en fit rien. Il voulait que la surprise soit totale, qu’elle se retourne par hasard et l’aperçoive. Parce qu’il voulait voir comment elle réagirait quand elle découvrirait sa présence. Se mettrait-elle à courir vers lui pour le rejoindre? Se jetterait-elle dans ses bras? Si c’était le cas, il...

Mais elle ne fit rien de tout ça, et sa réaction fut pour lui comme un coup de poing dans la figure.

Il aurait été un monstre qu’elle n’aurait pas eu une autre attitude. Elle écarquilla les yeux et, d’effroi, ouvrit grand la bouche, mais aucun son n’en sortit. Puis, d’une main, elle se couvrit les seins, de l’autre le pubis, en un geste ancestral de pudeur féminine.

Ce n’était qu’un réflexe, pensa-t-il, et il n’avait pas à en tirer de conclusion. D’ailleurs, en ce qui concernait Mia, n’avait-il pas déjà toutes les réponses aux questions qu’il

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se posait? Des réponses qu’il aurait préféré ne pas connaître...

— Non! cria-t-elle enfin d’une voix étranglée. Non! Matthew l’entendit à peine, mais ce n’était pas

nécessaire. Toute son attitude exprimait l’effroi et l’envie de fuir.

Il sentit une décharge d’adrénaline affluer dans ses veines, et un sourire de prédateur se dessina sur ses lèvres.

Il ne lui fallut que quelques secondes pour se dévêtir. Alors, il se redressa de toute sa taille et lui fit face fièrement, pour qu’elle constate de visu la puissance de son désir pour elle. Puis, d’un mouvement précis d’athlète accompli, il plongea dans l’eau sombre du bassin pour aller la retrouver.

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1. Carthagène, Colombie, deux semaines plus tôt Attablé à la terrasse du café Esmeralda devant une

bouteille de bière locale que la chaleur écrasante avait déjà tiédie, Matthew Knight se demandait ce qu’il était venu faire dans cette galère...

Dans une autre vie, des années auparavant, il avait quitté cette ville inhospitalière en se promettant de ne plus jamais y mettre les pieds.

Il avait déjà bu un verre à ce café, peut-être à cette même table... A l’époque, le dos au mur, les yeux fixés sur la foule qui déambulait nonchalamment sur la petite place, il guettait le moment où les choses tourneraient mal, en espérant avoir le temps de réagir.

Il se souvenait de ces instants comme si c’était hier, et les mêmes images le poursuivaient inlassablement, nuit et jour. Se débarrasserait-il un jour de ces fantômes qui le harcelaient, du souvenir des heures tragiques qu’il avait vécues dans cette ville poussiéreuse, cette ville qu’il aurait voulu ne jamais revoir?

Le temps avait passé, mais rien n’avait changé. Ni la chaleur insupportable, ni les odeurs doucereuses des ordures que personne ne ramassait, ni le trafic aussi bruyant que congestionné, ni la foule bigarrée qui défilait sur la place, mélange hétéroclite d’autochtones flegmatiques, de policiers corrompus et de soldats en permission, sans oublier les touristes inconscients et naïfs dont les sacs bien garnis feraient la joie des pickpockets qui rôdaient, à l’affût.

A Carthagène, on risquait sa peau à tout moment. Et on pouvait s’estimer heureux si on s’en tirait seulement avec quelques billets en moins...

Il avait compris ça tout de suite. Il avait cru pouvoir s’en sortir, être plus fort qu’eux, mais il s’était trompé. Une bouffée de chagrin et de rage l’envahit soudain. Alita... Il avait survécu. Pas elle.

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D’un geste brusque, il vida le contenu de sa bouteille de bière dans son verre en s’efforçant de ne pas penser à la jeune femme.

Cette fois, d’ailleurs, la situation était entièrement différente : pour ce second séjour à Carthagène, il ne représentait pas les Services secrets. Désormais, il volait de ses propres ailes...

A trente et un ans, il avait l’impression grisante d’être enfin seul maître à bord, de gérer sa vie comme il l’entendait, sans avoir de compte à rendre à personne, sans se soucier d’un quelconque supérieur hiérarchique.

Il se sentait en pleine possession de ses moyens, au mieux de sa forme physique, et rien ni personne ne lui faisait peur. Avec son mètre quatre-vingt-quinze, son impressionnante musculature, les yeux vert émeraude que lui avait légués son père texan et les pommettes saillantes de sa grand-mère comanche, il ne passait pas inaperçu. L’impression de virilité prégnante qui émanait de toute sa personne était encore accentuée par une cicatrice qui lui barrait la joue gauche, lointain souvenir d’une rencontre inopinée avec un opposant tchétchène qui avait failli le tuer une nuit de janvier en plein Moscou.

Les femmes adoraient sa cicatrice. « Un vrai pirate des Caraïbes! Tu as l’air dangereux, et c’est terriblement excitant, mon chéri! » lui avait susurré amoureusement une blonde pulpeuse quand il l’avait enlacée pour la première fois, pas plus tard que l’avant-veille. Alors il l’avait fait rouler sous lui et lui avait montré à quel point il pouvait être dangereux. Elle en avait redemandé...

Aujourd’hui, en plus, non seulement il se sentait le maître du monde, mais il était riche, immensément riche... Et cet argent, il ne le devait à personne, sauf à lui-même. Personne ne l’avait aidé, et surtout pas son père...

Il se souvenait encore des soupirs de celui-ci, qui lui répétait sans arrêt qu’il était un bon à rien, que tout ce qu’il entreprenait était voué à l’échec. S’il avait dû

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attendre des encouragements pour se lancer, il n’aurait jamais accompli quoi que ce soit...

Sa fortune, il l’avait créée en fondant une société de gestion du risque avec ses frères, société tout naturellement baptisée Knight, Knight & Knight

Les trois hommes, proches en âge, partageaient tout. D’abord, le même douloureux passé familial : la disparition prématurée de leur mère qui n’avait fait qu’exacerber les ambitions professionnelles de son mari, désormais obsédé par sa réussite sociale... et celles de ses fils.

Etouffant dans ce milieu confiné, Matthew avait été le premier à se rebeller. Après une adolescence houleuse et un bref passage à l’université où il avait fait les quatre cents coups, il s’était engagé dans les Services secrets. Il était avide de découvrir le monde et de s’affranchir d’une tutelle paternelle devenue insupportable.

Avec les Services secrets, sa vie avait pris tout à coup une autre saveur... Une saveur épicée, dangereuse, enivrante, où il risquait sa peau à chaque instant et oubliait chaque soir le danger dans les bras des plus belles filles. Il ne savait jamais de quoi demain serait fait, ce qui lui allait parfaitement

— Une autre bière, señor ? Matthew acquiesça. Il avait soif, et la bière était la

seule boisson acceptable à Carthagène, comme il l’avait appris lors de son premier séjour.

Cinq ans auparavant, ses supérieurs l’avaient envoyé en mission en Colombie en compagnie d’un autre agent, une jeune femme charmante et fantasque dénommée Alita. Ils étaient chargés d’infiltrer le plus important cartel du pays, avec pour consigne de se faire passer pour un couple de marginaux désireux de se lancer dans le trafic de cocaïne entre les Etats-Unis et la Colombie.

Ce n’était qu’une couverture, et pour cause : Alita ne cessait de répéter en riant à Matthew que le jour où elle s’intéresserait aux hommes, il serait le premier sur la liste. Il riait lui aussi, et lui répondait que le jour où elle

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s’intéresserait aux hommes, les poules auraient des dents...

Contre toute attente, Alita avait fini par découvrir l’amour avec un homme. Contre son gré, et juste avant de mourir... Quelqu’un les avait trahis.

En pleine rue, à quelques dizaines de mètres du café où il se tenait à cet instant, quatre hommes les avaient soudain encerclés, et contraints à les suivre. Ils n’avaient même pas protesté. A quoi bon? Ils ne savaient que trop qu’à Carthagène, les seigneurs de la drogue avaient des relais dans chaque rue, dans chaque café, dans chaque boutique. Il était inutile de tenter de s’échapper.

Sous la discrète menace d’une arme, ils avaient été embarqués dans un gros 4x4, et conduits dans l’épaisse forêt tropicale. Une fois hors de la voiture, leurs ravisseurs les avaient entraînés dans une cabane aux planches disjointes, probable reste d’un campement de chercheurs d’or. Quand Matthew avait essayé de poser des questions, le plus gros des quatre hommes l’avait fait taire d’un coup de poing en pleine figure. Il avait alors perdu conscience. Quand il était sorti de sa torpeur, il avait aperçu Alita attachée sur une paillasse.

— Et maintenant, ma chérie, tu vas voir comment on traite les femmes en Colombie! s’était écrié le gros homme avec un rire gras. Et tu as de la chance, tu vas avoir quatre gaillards pour le prix d’un!

Leurs ravisseurs s’étaient esclaffés bruyamment, tandis qu’Alita blêmissait.

Cela avait été sa seule manifestation de faiblesse... Serrant les dents, elle avait résisté aux assauts des brutes sans émettre le moindre bruit, la moindre plainte. Puis, quand ils avaient estimé l’avoir assez salie, ils s’étaient arrêtés, épuisés. Alors le plus jeune avait sorti son arme et abattu la jeune femme comme un chien.

Révulsé, Matthew avait assisté à toute la scène sans pouvoir intervenir. Il était attaché, les bras dans le dos, un bâillon sur les lèvres. Cela avait été le moment le plus atroce de toute son existence. Etre témoin des

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ignominies de ces ordures, du calvaire d’Alita sans pouvoir intervenir avait été une souffrance et une frustration insupportables.

Ensuite, trois des hommes avaient tiré le corps dénudé d’Alita dans les bois. Le dernier était resté auprès de Matthew pour le surveiller.

— Jolie fille, avait-il dit avec flegme, tout en urinant non loin de lui, j’en aurais bien profité encore un peu plus...

Depuis qu’il était sorti de l’inconscience, Matthew avait tout fait pour essayer de se détacher. D’abord, les cordes n’avaient pas bougé. Mais, peu à peu, ses efforts pour se libérer avaient fini par disjoindre le nœud. En alerte, il avait guetté le meilleur moment pour agir.

Son geôlier s’était tourné vers lui avec un sourire mauvais.

— Heureusement, les réjouissances ne sont pas terminées, déclara-t-il en se préparant une ligne de cocaïne. Avec toi, on va pouvoir s’amuser un peu... Dans un autre genre...

Il était en train d’aspirer la poudre quand Matthew avait bondi. L’effet de surprise avait été total : garrotté, l’homme eut à peine le temps d’émettre un étrange gargouillis qu’il était déjà mort.

Il avait tué les deux autres avec l’arme du premier, mais le dernier lui avait échappé. Tant pis, avait-il froidement pensé. Dans la forêt vierge, il n’irait pas bien loin avant de rencontrer un jaguar ou un serpent. De toute façon, il n’avait pas l’intention de se lancer à sa poursuite : il avait autre chose à faire.

Il n’avait mis que quelques minutes à retrouver le corps supplicié d’Alita. Ils l’avaient déposé au pied d’un arbre, comptant sur les bêtes sauvages alentour pour faire disparaître la dépouille.

Il s’était attelé à la difficile tâche, non seulement parce qu’il n’avait pas d’instrument adéquat pour creuser un trou, mais parce que les larmes l’empêchaient d’y voir

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clair. Une fois sa tâche accomplie, il avait improvisé une prière et avait solennellement juré à Alita de la venger.

Puis, la haine au ventre, les yeux rougis, il était monté dans la voiture de ses ravisseurs pour regagner Carthagène, puis Bogota.

Là, il s’était directement rendu à l’ambassade. Là, l’ambassadeur avait exprimé ses regrets, avant de lui avouer qu’il n’avait pas la moindre intention de se lancer à la recherche du dernier membre du sinistre quatuor. Matthew avait insisté, sans résultat. L’ambassadeur lui avait précisé qu’il avait des ordres stricts : la situation en Colombie était si tendue, les rapports entre les deux gouvernements si complexes que le message avait été clair : pas de vagues, quel qu’en soit le coût. Pour lui, la mission était terminée. Et la mort atroce d’Alita un simple dommage collatéral. Même si, bien sûr, il regrettait la disparition d’un élément aussi précieux...

De retour à Washington, Matthew avait eu la surprise de retrouver ses frères Cameron et Alex, de passage eux aussi dans la capitale fédérale. Il avait tant besoin de raconter ce qui s’était passé, qu’il avait profité de leur oreille attentive pour leur confier sa révolte. Cameron et Alex étaient aussi désillusionnés que lui sur les Services secrets, et c’était ainsi que l’idée de fonder leur propre société était née.

Basée à Dallas, la jeune entreprise se proposait d’apporter des solutions aux problèmes les plus complexes que pouvaient rencontrer ses clients. Solutions parfois à la limite de la légalité, bien sûr, comme seuls d’anciens agents secrets de la trempe des frères Knight pouvaient en proposer.

La société aux activités ultraconfidentielles avait prospéré, et les frères Knight, réputés pour leur parfaite discrétion et leur maîtrise des méthodes les plus audacieuses, traitaient des opérations délicates, souvent pour des célébrités ou des hommes politiques. Matthew en était presque venu à oublier les Services secrets...

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Jusqu’à ce que son père lui demande comme une faveur de rencontrer un de ses vieux amis.

— Il est en Colombie, et je lui ai parlé de toi. Il paiera ton voyage, bien sûr, car il veut absolument te rencontrer. Il paraît que pour lui, tu es exactement l’homme de la situation.

Matthew avait fini par accepter. Son père lui demandait si rarement un service!

Ils s’étaient donné rendez-vous dans le seul hôtel

correct de Carthagène, un quatre étoiles répondant aux normes locales, c’est-à-dire d’un confort plus que simple et d’une propreté douteuse.

L’homme s’approcha. Et aussitôt, son sourire fut désagréable à Matthew. Tout comme son physique... Beau gosse, sûr de lui, la quarantaine agressive, une carrure d’haltérophile, l’individu ne lui plaisait guère...

— Matthew Knight ? Matthew se leva et tendit une main. — En personne. — Douglas Hamilton. Désolé de ce retard. — Pas de problème, monsieur Hamilton. — Colonel, rectifia le nouvel arrivant avec un sourire

qui révéla une dentition d’une éblouissante blancheur. Colonel Hamilton. Votre père ne vous a pas dit que j’étais dans l’armée?

Matthew fit signe à son interlocuteur de s’asseoir et commanda deux bières.

— Mon père ne m’a pas donné beaucoup de détails sur vous, en dehors du fait que vous êtes amis.

— En fait, c’est mon père qui était ami avec le vôtre, précisa Douglas Hamilton avec un autre sourire assassin.

Un sourire du genre de ceux des requins, songea Matthew. Pas très engageant, comme première impression... Sans savoir encore pourquoi, il n’aimait pas ce type. Et en général, son intuition ne le trompait pas...

— Avant toute chose, je dois vous remercier de vous être déplacé, reprit le colonel. Votre temps est précieux.

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Matthew garda le silence. Il avait appris depuis longtemps que c’est en se taisant plutôt qu’en posant des questions qu’on contraignait les gens à abattre leurs cartes et à se dévoiler.

— J’avoue avoir un peu fait pression sur votre père car vous êtes très demandé, mais j’avais absolument besoin de vous.

Quand allait-il cesser de le flatter pour en arriver au fait? se demanda Matthew, agacé.

— Vous pouviez prendre contact avec moi par téléphone, observa-t-il d’un ton distant.

Douglas fronça les sourcils. — Je ne voulais pas discuter de ceci par téléphone. — Discuter de quoi ? De nouveau, les dents blanches, l’éclat trop parfait...

Décidément, cet homme aimait jouer de son charme. S’il avait su à quel point son numéro de séducteur le laissait froid...

— Vous allez droit au but, et j’apprécie, enchaîna Douglas. Parlons clair, en effet. Il s’agit de ma fiancée. J’ai peur qu’elle n’ait commis une... disons... bêtise.

Matthew lança un coup d’œil incisif à son interlocuteur. Encore un client qui prenait leur société pour une vulgaire agence de détectives privés! C’était lassant!

— Colonel, j’ai peur que vous ne fassiez erreur, déclara-t-il d’un ton froid. Nous ne nous occupons pas de ce genre de cas. Peut-être devriez-vous vous adresser à une agence de filatures?

Douglas Hamilton pianota nerveusement sur la table. — Pas du tout. Je me suis adressé à vous parce que

l’affaire est complexe, et qu’elle doit rester confidentielle. Confidentielle? Parce que sa maîtresse l’avait trompé

avec un personnage important et qu’il voulait se venger discrètement? s’interrogea Matthew. Ou parce qu’il voulait supprimer son rival? Dès qu’une femme était en jeu, tout était possible, comme il l’avait appris depuis longtemps...

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Il attendit que son interlocuteur reprenne la parole, décidé à le décourager définitivement, mais désireux d’en savoir un peu plus malgré tout.

— Voyez-vous, ma fiancée a... — Une histoire avec un autre homme ? Douglas eut un sourire cynique. — Non, c’est malheureusement beaucoup plus

compliqué. Voyez-vous... elle a trempé dans une affaire de drogue.

— Trempé? Vous voulez dire qu’elle a fait du trafic? — Exactement. Cocaïne. Comme vous devez le savoir,

la valise diplomatique n’est jamais fouillée, et elle a profité de nos relations pour faire passer de la drogue aux Etats-Unis. En abusant de mon statut de diplomate.

Matthew réfléchit un instant, soudain attentif. L’affaire était plus intéressante qu’il n’y paraissait au premier abord.

— Elle se drogue ? demanda-t-il. — Pas que je sache. — Alors, pourquoi s’est-elle lancée là-dedans ? — L’appât du gain, j’imagine... Elle a dû amasser une

fortune... Douglas Hamilton vida son verre de bière d’un geste

brutal qui trahissait son agacement. A l’évidence, il ne semblait pas ravi que sa petite chérie l’ait ainsi roulé dans la farine, songea Matthew, non sans une pointe de satisfaction perverse.

— Comment vous en êtes-vous aperçu ? — Quelqu’un m’a averti. Quelqu’un dont je ne pouvais

pas mettre la parole en doute. — Un ami qui vous voulait du bien, en quelque sorte,

fit ironiquement Matthew. — On peut exprimer les choses ainsi. — Et qu’avez-vous fait ? — Je suis allé voir Mia, et je lui ai expliqué qu’elle

avait de la chance, qu’il était encore temps qu’elle se sorte de là et que je l’aiderais si elle se montrait raisonnable, expliqua le colonel.

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Apparemment, tout ça était resté un vœu pieux, en conclut Matthew. Sinon, jamais Hamilton n’aurait fait appel à ses services. La fille avait probablement rué dans les brancards, décidée à ne pas lâcher un si bon moyen de faire fortune...

— Mais ? Il leva un sourcil et attendit la suite. — Elle n’a pas réagi comme je m’y attendais, répondit

Hamilton. Au lieu d’être soulagée que je lui laisse une porte de sortie honorable, elle a été terrifiée. Elle prétendait que si elle arrêtait de travailler pour eux, ses patrons la supprimeraient. J’ai eu beau l’assurer qu’elle serait sous ma protection, que je connais tout le monde à Carthagène et que rares sont ceux qui osent me tenir tête, je n’ai pas réussi à la calmer. Deux jours plus tard, c’est-à-dire hier, quand je me suis réveillé, elle avait disparu. Et depuis, je n’ai eu aucune nouvelle...

Décidément, la situation devenait de plus en plus intéressante, pensa Matthew. Des trafiquants de drogue, de la cocaïne dans la valise diplomatique, une jolie fille vénale – elle ne pouvait qu’être jolie, si elle était la maîtresse de ce poseur : pour un peu, il se serait cru dans un mauvais roman policier...

— Vous pensez qu’elle a été kidnappée ? — Je n’en ai pas la moindre idée, et c’est pourquoi j’ai

besoin de vous. De toute façon, qu’elle ait pris la fuite ou qu’elle ait été enlevée, elle est en danger. En grand danger.

— Et bien sûr, vous avez été voir la police? enchaîna Matthew.

Il connaissait la réponse, mais il n’était pas mécontent de mettre cet homme face à ses contradictions.

— Non, je ne peux pas, répondit Douglas Hamilton en affectant un ton léger. Ce serait impliquer Mia...

— ...et vous-même par la même occasion. Le colonel s’abstint de protester. Il avait visé juste,

pensa Matthew, car dans le cas contraire, Hamilton l’aurait remis à sa place.

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— Je ne vois pas vraiment en quoi je peux vous être utile, fit-il enfin observer après un silence.

— Moi, si. Vous pouvez la trouver. — C’est hors de question, rétorqua Matthew d’un ton

sec. — Vous connaissez très bien le pays... Matthew fronça les sourcils, soudain méfiant. — Et vous semblez connaître beaucoup de choses sur

moi, fit-il observer, sur la défensive. Douglas Hamilton ne releva pas sa remarque. Il glissa

la main dans sa poche et en sortit une photo. — Voici Mia, déclara-t-il simplement en la posant sur

la table. Mia Palmieri. C’est elle dont vous devrez retrouver la piste.

De mauvaise grâce, Matthew jeta un œil au cliché et ne put retenir une réaction de surprise admirative. Il s’était attendu à ce que la petite amie du colonel soit une jolie fille, mais jamais il n’aurait imaginé une telle beauté.

La photo avait été prise sur une plage, un jour de vent, car les boucles brunes de cette beauté sculpturale en maillot deux-pièces semblaient voler dans tous les sens. Elle avait de longues cuisses fuselées et des jambes au galbe parfait. Son soutien-gorge mettait en valeur une poitrine haut placée, généreuse, d’une rondeur prometteuse. Elle était l’incarnation même de la féminité, songea Matthew en plongeant son regard dans celui de Mia, dont les grands yeux en amande pétillaient de gaieté. Sa bouche pulpeuse aurait donné des idées inavouables à un saint...

Il sentit une onde de désir le traverser à l’idée de tout ce qu’un homme pouvait faire au lit avec cette femme.

— Elle est très belle, dit-il simplement. — Elle est tout ce qu’un homme peut souhaiter chez

une femme, rétorqua Douglas. Et je veux la récupérer. Matthew hésita un instant. — Allez donc voir la police! lança-t-il en guettant la

réaction de son interlocuteur.

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— Je ne peux pas, je vous l’ai dit, décréta Hamilton avec un soupçon d’agacement.

— Et pourquoi ? Hamilton poussa un soupir qui marquait son

impatience. A l’évidence, il n’avait pas l’habitude qu’on lui résiste ainsi.

— Mia a des liens avec le cartel Rosario, expliqua-t-il enfin avec une évidente mauvaise grâce. Ce nom vous dit certainement quelque chose, monsieur Knight...

— Pourquoi donc devrais-je connaître le cartel Rosario?

— Cessons de tourner autour du pot, monsieur Knight, reprit Hamilton d’un ton coupant. Je connais votre histoire, et je sais que vous avez perdu une coéquipière lors de votre dernière mission pour l’agence. Ici même, à Carthagène. Assassinée par les mêmes ordures qui menacent ma fiancée. Je ne peux pas croire que vous la laisserez subir le même sort.

Sur la table, un coup de vent vit voleter la photo de Mia, et il sembla à Matthew que les yeux rieurs de la jeune femme l’interpellaient. Il saisit la photo et l’examina d’un air concentré.

— Pourquoi s’est-elle lancée dans le trafic de cocaïne? demanda-t-il.

— Je vous l’ai dit, je n’ai pas d’autre explication que l’appât du gain.

Matthew dévisagea son interlocuteur avec acuité. — Et si c’était vous qui étiez derrière tout ceci?

suggéra-t-il tout à coup. Si elle vous servait de couverture? Ou, autre hypothèse, si elle s’était tout simplement lassée de vous et que vous ne vouliez pas lui rendre sa liberté?

Un silence de plomb s’instaura entre les deux hommes. Visiblement, Douglas Hamilton avait le plus grand mal à contenir sa colère.

— En d’autres termes, vous m’accusez? murmura-t-il enfin d’une voix sifflante.

Contre toute attente, Matthew sourit.

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— Pas du tout! rétorqua-t-il d’un ton plus léger. Je veux simplement vous montrer que je n’ai aucune raison de croire un de ces scénarios plutôt qu’un autre, et qu’en me lançant dans cette mission, j’ignore ce qui m’attend. Mais j’ai l’habitude de travailler sans filet...

Douglas Hamilton leva les sourcils en signe d’étonnement.

— Alors, vous acceptez ? demanda-t-il. De nouveau, Matthew regarda la photo. Comment

résister à ces yeux de velours, à cette bouche pulpeuse? Il voulait connaître Mia Palmieri...

— Qui est la dernière personne à l’avoir vue? demanda-t-il soudain.

— Ma cuisinière. Elle lui a apporté son petit déjeuner au bord de la piscine, et quand elle est revenue chercher le plateau, Mia s’était volatilisée...

— Je souhaite parler à cette femme, puis au reste de votre personnel, déclara Matthew en reposant la photo.

Le visage de Douglas Hamilton s’éclaira d’un large sourire.

— Merci, monsieur Knight, dit-il simplement. Matthew se leva. L’entretien avait assez duré, il était

temps de passer à l’action. — Vous me remercierez quand je vous aurai ramené

votre fiancée. Où habitez-vous? J’aimerais rencontrer votre personnel tout de suite, si c’est possible. Il faut faire vite à présent.

— Bien sûr, fit Hamilton. Je vous emmène. Je n’habite pas loin...

Il nomma le quartier le plus prisé de Carthagène, situé dans les hauteurs et doté d’une splendide vue sur les montagnes, un quartier où les villas affichaient un luxe choquant par rapport aux favelas de la basse ville. Le colonel Hamilton avait de gros moyens, pensa Matthew.

— Non merci, j’ai un 4x4 de location, précisa-t-il. Je vous suis.

Quelques minutes plus tard, il démarrait derrière la limousine aux vitres fumées de Douglas Hamilton.

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Il avait gardé la photo de la jeune fille et la posa sur le pare-brise, devant lui. Tout en conduisant, il jetait de temps à autre un coup d’œil à Mia Palmieri, qui continuait de sourire, imperturbable, sans se douter le moins du monde du tracas qu’elle causait...

Plus il observait ses traits harmonieux, sa fraîcheur, son naturel, plus il pensait qu’elle n’avait pas l’allure d’une trafiquante de drogue. Cette féminité, cet air vulnérable, cette insouciance qu’on lisait dans ses yeux, c’était difficilement imaginable... Ou alors, elle était si douée pour la dissimulation qu’elle aurait fait un parfait agent double...

D’un geste qu’il ne s’expliqua pas, il avança soudain la main vers le pare-brise. De l’index, il effleura furtivement la bouche pulpeuse de la jeune fille. Puis, agacé contre lui-même, il détourna le regard de la photo et se concentra sur sa conduite.

A quelques centaines de kilomètres de là, dans les

hautes montagnes andines, Mia Palmieri se réveilla en sursaut dans sa chambre d’hôtel.

Quelque chose était passé sur ses lèvres... Avait-elle rêvé, était-ce un souffle d’air, ou tout simplement le fruit de son imagination?

Elle se redressa et observa la chambre. Tout était normal. La porte était fermée à double tour, le verrou mis, et elle avait même poussé une chaise devant la porte pour parer à toute éventualité. Tout était normal... sauf la fenêtre, dont elle avait dû mal serrer la poignée la veille au soir et qui s’était ouverte pendant la nuit.

— Voilà l’explication, conclut-elle, soulagée. Le coupable, c’était le vent, seulement le vent. Sautant à bas du lit, elle repoussa le battant et, cette

fois, le bloqua avec soin. Elle pouvait se rendormir tranquille à présent, se dit-

elle en se glissant de nouveau entre ses draps.

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Pourtant, elle se tourna et se retourna dans son lit pendant une bonne heure avant de sombrer enfin dans un sommeil agité...

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2. Où était Mia Palmieri? S’était-elle enfuie, avait-elle été

enlevée? Dans le sinistre milieu des stupéfiants, on pouvait craindre le pire. Ce qui amenait à la question suivante : pourquoi Mia Palmieri s’était-elle lancée dans le trafic de drogue? Non seulement elle prenait d’énormes risques en fréquentant ces truands sans foi ni loi, mais en plus, elle ne reculait devant rien : utiliser la valise diplomatique pour faire passer la cocaïne était une véritable folie!

De deux choses l’une, songea Matthew : soit elle était d’une inconscience folle, soit d’une audace qu’il avait rarement vue chez une fille de son âge. Et pourtant, à l’Agence, il avait côtoyé des femmes impressionnantes par leur courage et leur intrépidité, à commencer par Alita.

Tout en franchissant la grille d’entrée gardée par deux gorilles à la mine patibulaire, Matthew pensa que la réponse à toutes ces questions se trouvait probablement là, dans cette imposante maison entourée de hauts murs infranchissables, à l’instar de toutes les autres dans ce quartier privilégié.

— Mia adorait cette maison, expliqua Douglas Hamilton en pénétrant dans le vaste hall. Venez, je vais vous faire visiter.

Avec une évidente fierté, il lui fit faire le tour du propriétaire. Mais Matthew remarqua à peine la décoration prétentieuse, les faux tableaux de maître. Son esprit était occupé par un seul détail, qui pouvait paraître futile en apparence, mais qui le rendait perplexe.

Douglas Hamilton et Mia Palmieri occupaient deux chambres distinctes, qui ne communiquaient même pas entre elles...

Comment un homme normalement constitué pouvait-il accepter de faire chambre à part quand sa petite amie était une bombe sexuelle comme cette Mia Palmieri? Il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond...

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— Quelque chose m’intrigue... Vous et votre amie occupez des chambres séparées? demanda-t-il à son hôte sans la moindre gêne, quand ils furent installés dans le grand salon aux meubles coloniaux.

Douglas Hamilton fronça les sourcils. — De quel droit me posez-vous cette question?

rétorqua-t-il sèchement. — Je vous parle en professionnel de l’investigation,

colonel. Pour vous ramener Mia, il faut que je comprenne le contexte, expliqua Matthew. Dans tous les domaines. Même celui-là.

Hamilton acquiesça d’un bref signe de tête. — Très bien, fit-il de mauvaise grâce. Mia préférait

dormir toute seule, c’est tout. — Pour quelle raison ? Hamilton tapota nerveusement sur l’accoudoir de son

fauteuil. — Disons que Mia... sait se faire désirer quand elle

veut obtenir quelque chose. Comme toutes les femmes, elle n’hésite pas à jouer de ses atouts... même les plus intimes.

— Et que voulait-elle de vous, colonel ? — Rien en particulier. C’était juste une façon pour elle

de me tenir en son pouvoir. — Si elle a réussi à faire passer à votre insu de la

cocaïne par la valise diplomatique, elle en avait en effet, constata Matthew.

— Je sais, admit Hamilton, j’ai été faible avec elle, et je m’en veux. Mais je tiens à elle, et je veux la retrouver. A n’importe quel prix. C’est la seule chose que vous ayez à comprendre aujourd’hui.

Le sujet était clos, comprit Matthew. Mais il n’était pas pour autant convaincu par les explications du colonel... Il n’arrivait pas à deviner la nature réelle des relations que cet homme entretenait avec Mlle Palmieri.

La cuisinière confirma que Mia s’était littéralement

volatilisée.

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— Quand je suis venue rechercher le plateau, il n’y avait plus personne, expliqua-t-elle. Mlle Palmieri n’avait pas touché à son déjeuner, mais elle avait emporté la bouteille d’eau minérale.

De nouveau, Matthew s’interrogea. Si Mia avait été kidnappée, n’était-il pas étrange qu’elle ait pensé à se munir d’une bouteille d’eau? Ce détail ne plaidait-il pas plutôt pour une fugue?

— Personne d’autre ne l’a vue ? demanda-t-il. La petite femme ronde réfléchit quelques secondes. — Peut-être Roberto, qui s’occupe de la piscine,

répondit-elle d’une voix hésitante. Il était là le matin où elle a disparu... Si vous voulez lui parler, dépêchez-vous, il part bientôt chez les voisins.

Matthew débusqua Roberto au fond du parc. Après quelques questions, il finit par apprendre que l’employé avait remarqué la présence d’un taxi garé devant la maison, à peu près au moment où Mia avait disparu.

Ce furent les seuls indices que Matthew put recueillir... maigre butin dont il devrait se satisfaire.

De retour à son hôtel, il se procura la liste des compagnies de taxis de Carthagène et se mit en chasse. La troisième adresse fut la bonne. L’homme qui gérait les rendez-vous de la compagnie confirma qu’un taxi avait bien été envoyé à l’adresse de Douglas Hamilton à l’heure approximative de la disparition de Mia.

Un billet de cinquante dollars fit apparaître comme par magie le chauffeur en question. Matthew sortit la photo de Mia. Sans hésitation, le chauffeur affirma que c’était bien la femme qu’il avait prise en charge ce jour-là. Il se souvenait parfaitement l’avoir conduite en ville, à une agence de location de voitures.

— Vous comprenez, une aussi jolie fille, j’en transporte pas tous les jours! expliqua-t-il avec un rire gras.

L’employé de l’agence de location se souvenait lui aussi très bien de Mia. La jeune femme l’avait interrogé sur la route pour Bogota, et il l’avait dissuadée d’entreprendre ce voyage, beaucoup trop long – dix-huit

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heures au minimum – et beaucoup trop dangereux pour une femme seule. Mais elle avait tant insisté pour qu’il lui indique l’itinéraire le plus court qu’il avait fini par s’exécuter.

Une demi-heure plus tard, Matthew quittait la ville au

volant de son 4x4, en évitant soigneusement la route que le loueur de voitures avait indiquée à Mia.

Il avait pris sa décision rapidement : dix ans d’expérience dans les Services secrets lui avaient appris que dans certaines situations d’urgence, quelques minutes pouvaient faire la différence. Pourtant, il disposait de peu de données pour établir une stratégie.

Mia s’était enfuie, c’était la seule certitude. Mais pour quelle raison? Que fuyait-elle? Ou plutôt, qui?

Hypothèse numéro un : elle fuyait ses patrons parce que la drogue qu’elle était censée convoyer n’avait pas atteint sa destination. Ce qui, en effet, avait dû les mettre plutôt de mauvaise humeur...

Hypothèse numéro deux : elle avait subtilisé tout ou partie de la cocaïne qu’on lui avait confiée, et dans ce cas, l’humeur de ses patrons devait être franchement mauvaise : elle avait donc bien raison de filer ainsi à l’anglaise.

Matthew en était arrivé à la conclusion que sa deuxième hypothèse était la bonne. En effet, une femme pourchassée par des tueurs lancés à ses trousses ne serait pas partie seule, dans un pays qu’elle connaissait mal : elle se serait engouffrée dans le premier avion sous une fausse identité et se serait mise à l’ombre le plus loin possible.

Mais une femme en possession d’une petite fortune sous la forme de drogue dérobée à ses employeurs pouvait fort bien essayer de leur fausser compagnie en se perdant dans la nature, de préférence sans passer aucune frontière.

Et il était prêt à parier que c’était pour lancer sur une mauvaise piste d’éventuels poursuivants qu’elle avait

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interrogé le loueur de voitures sur l’itinéraire le plus direct. Itinéraire qu’il ne prendrait donc pas...

Après un détour par un supermarché, où il s’approvisionna en sandwichs et en eau fraîche, Matthew choisit au contraire une route secondaire qui menait elle aussi à Bogota, mais à travers les montagnes. La chaussée était défoncée, mais le trafic si rare qu’il avançait vite. Il n’avait d’ailleurs pas le choix, puisque Mia avait sur lui une bonne longueur d’avance. S’il voulait avoir une chance de la rattraper, chaque minute était comptée.

Il s’arrêta dans chacune des petites villes qu’il traversait pour enquêter dans les stations-service et les cafés, muni de la photo de Mia et de la description de sa voiture. Les hommes regardaient la photo avec un évident intérêt, mais personne n’avait vu cette beauté brune.

Quand la nuit tomba, Matthew s’arrêta sur un chemin de traverse et s’enferma dans sa voiture après avoir avalé un sandwich. Il avait si souvent dormi dans un véhicule au cours de ses expéditions à l’étranger qu’il ne mit que quelques secondes à s’assoupir.

Les pâles rayons du soleil levant le tirèrent de son sommeil. Quelques instants plus tard, il reprenait la route, décidé à s’octroyer un vrai petit déjeuner dans la prochaine ville.

La bourgade – ville était un terme très exagéré pour ce gros village endormi – se réveillait à peine quand il s’engagea dans la rue principale.

C’est là qu’il aperçut sa voiture... Elle était garée sur la chaussée poussiéreuse, devant un hôtel qui avait vu des jours meilleurs. Il s’arrêta aussitôt et se dirigea droit vers l’établissement à la façade miteuse. A la réception, il n’y avait pas âme qui vive, et il dut sonner la cloche plusieurs fois pour qu’un employé mal réveillé daigne apparaître.

— Monsieur désire une chambre? demanda ce dernier entre deux bâillements.

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— Merci, j’ai déjà une réservation. Ma fiancée est arrivée avant moi, mais j’ai oublié le numéro de la chambre, expliqua Matthew avec une parfaite décontraction.

Certain que Mia s’était enregistrée sous un faux nom, il préféra tirer sa photo de sa poche pour la mettre sous le nez du réceptionniste. Encore une fois, le charme opéra. Devant le sourire radieux de la jeune femme, l’homme se détendit aussitôt et opina du bonnet.

— Oui, bien sûr, elle est là depuis hier soir, précisa-t-il. Chambre n°9.

— C’est-à-dire que... je n’ai pas les clés, bien sûr, et j’aimerais bien lui faire une surprise, ajouta Matthew en lui lançant un clin d’œil complice. Vous voyez ce que je veux dire?

Il posa négligemment un billet de vingt dollars sur le comptoir. L’homme prit un air entendu, puis saisit le billet d’un geste preste avant de donner la clé à Matthew.

— Amusez-vous bien tous les deux, fit-il en le gratifiant d’une œillade de connivence masculine.

Matthew monta l’escalier quatre à quatre. La chambre n°9 était au bout d’un couloir dont le papier peint semblait avoir plus de trois décennies. La moquette tachée et élimée par endroits ne devait pas être plus récente...

Il colla l’oreille à la porte, après avoir pris soin de vérifier qu’il était seul. Pas un bruit... Alors, avec d’infinies précautions, il glissa la clé dans la serrure et tourna. Puis, très lentement, il entrouvrit la porte. La chambre était vide, mais un sac de voyage et des vêtements féminins posés sur le lit attestaient de la présence de Mia. Il reconnut son parfum, un subtil mélange de senteurs florales. Il l’avait remarqué en visitant la maison de Douglas Hamilton parce qu’il évoquait un champ de coquelicots en été...

Il referma la porte aussi silencieusement qu’il le put et se pencha sur le lit pour inspecter le sac. Pas de paquet suspect à l’horizon : quelques T-shirts, un jean, et des

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sous-vêtements basiques en coton blanc. Etrange..., pensa-t-il. Il aurait plutôt imaginé la maîtresse de Hamilton dans des dessous sexy. Et surtout fort dommage : si la photo disait vrai, elle avait un corps à porter de la soie, de la dentelle, tout ce qui pouvait exalter encore un peu plus sa féminité. Il imagina ses longues jambes dans des bas-résille, ses seins généreux dans un soutien-gorge juste assez transparent pour laisser deviner ses mamelons, mais pas trop pour ne pas tout révéler d’un coup, son string assorti...

Que lui arrivait-il? se demanda-t-il, presque honteux. Depuis quand fantasmait-il sur des tenues sexy portées par une femme qu’il n’avait jamais vue? Une femme qui en avait suffisamment lourd sur la conscience pour planter là son fiancé sans autre explication et s’enfuir dans la montagne andine! Il n’appréciait guère Hamilton, mais aucun homme ne méritait d’être traité comme ça.

Avec les gestes précis d’un professionnel, il souleva le matelas sans défaire le lit pour s’assurer qu’elle n’y avait rien caché. Rien sous le sommier, rien dans les placards, rien sur les étagères, sauf, tapie dans son immense toile, une araignée velue qui n’avait pas dû croiser un aspirateur depuis des lustres...

Si Mia Palmieri détenait un paquet compromettant, elle l’avait à l’évidence caché ailleurs. Il allait profiter de son absence pour fouiller sa voiture. Ensuite, il la guetterait tranquillement depuis son 4x4. Après, il verrait. Il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il lui dirait, mais l’expérience lui avait appris que l’impulsion du moment était souvent la bonne.

Tout à coup, il entendit des pas dans l’escalier. Alors, à la hâte, il referma la porte à clé et s’aplatit contre le mur, prêt à intervenir dès qu’elle entrerait. Car c’était elle, il en était convaincu...

La clé tourna dans la serrure... La jeune femme eut à peine le temps de pousser le battant que déjà Matthew se

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précipitait sur elle et la garrottait de son bras droit, tandis qu’il la maintenait par la taille de son bras gauche.

A moitié étranglée, paralysée par la terreur, Mia

essaya de crier, en vain : une main de fer se plaqua sur sa bouche et l’en empêcha. Puis, l’homme dont elle ne distinguait pas les traits se pencha sur elle et lui glissa à l’oreille quelque chose qu’elle ne comprit pas.

Alors, certaine qu’il allait la tuer, elle se débattit avec l’énergie du désespoir et réussit à le faire trébucher. Mais il reprit l’équilibre et, la saisissant à bras-le-corps, la souleva en l’air. Elle pédala désespérément dans le vide, mais cette fois, ferme sur ses deux jambes, il ne broncha pas. Alors, rassemblant toutes ses forces, elle réussit à dégager son bras gauche et à lui donner un coup de poing dans le bas ventre. Il grogna, et, un instant, elle crut avoir réussi. Mais elle avait crié victoire trop vite car il reprit bientôt l’avantage. Elle se débattit de plus belle et fit tomber une lampe qui se brisa à terre.

Ils vacillèrent et heurtèrent ensemble le cadre métallique du lit.

— Nom de Dieu..., grommela Matthew entre ses dents. Ces simples mots décuplèrent l’angoisse de la jeune

femme. L’homme était américain, pas colombien, et elle en conclut immédiatement qu’il avait été lancé à ses trousses pour la tuer. Dans une tentative désespérée pour lui échapper, elle se pencha sur sa main et le mordit jusqu’au sang.

Il jura, mais il parvint à se dégager. Il plaça un genou contre ses reins et la força à se cambrer tout en plaquant sa paume sur sa bouche. Suffoquant, elle eut la certitude atroce qu’il allait l’étouffer.

— Arrêtez de vous débattre, ordonna-t-il. Je ne vous ferai pas de mal...

Et il pensait qu’elle allait le croire! se dit Mia, pétrifiée d’angoisse. Cet homme pénétrait dans sa chambre par effraction, il la ceinturait, il l’empêchait de respirer, et il prétendait ne pas vouloir lui faire de mal!

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Il avait des gestes si précis, une telle maîtrise de la situation qu’il ne pouvait être qu’un tueur professionnel, pensa-t-elle. Si elle ne lui échappait pas, il la supprimerait...

Elle se débattit avec un regain d’énergie mais cette fois sans aucun résultat. Il la maintenait si fermement qu’elle n’avait aucune marge de manœuvre.

— Ne bouge pas, ma jolie, murmura-t-il en accentuant la pression de sa main sur sa bouche. Ou je vais être obligé d’être brutal.

Mia hoqueta et chercha désespérément à reprendre son souffle. Sans résultat. Soit il desserrait son étreinte, soit elle allait étouffer.

— Calme-toi, insista-t-il. Si tu ne veux pas que ça finisse mal pour toi.

Gagner du temps, songea Mia, il lui fallait gagner du temps. Pour repousser le moment inéluctable où il allait se débarrasser d’elle...

Elle sentit la respiration lui manquer et un vertige la saisit. Elle cessa de se débattre et sentit aussitôt se détendre la pression de ses bras autour d’elle.

— Voilà, tu deviens raisonnable ! murmura-t-il. Tant mieux. On va enfin pouvoir discuter tous les deux.

Quand il la lâcha, elle s’affala sur le sol comme une poupée de chiffon, cherchant désespérément à retrouver son souffle. Il lui fallut quelques minutes pour récupérer ses esprits... Alors elle leva les yeux et observa son agresseur dont elle n’avait qu’entraperçu la silhouette quand il lui avait sauté dessus.

Il était devant la fenêtre, les bras croisés sur sa large poitrine, parfaitement calme et maître de lui. A l’évidence, il la savait si épuisée par la lutte qu’il ne craignait même pas qu’elle essaie de lui fausser compagnie. D’ailleurs, même si elle avait tenté de fuir, elle n’aurait pu aller bien loin : la porte était fermée à clé et il lui aurait suffi d’un geste pour la rattraper.

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Elle ne distinguait pas son visage, mais il irradiait de toute sa personne une telle aura de virilité et de puissance physique qu’elle ne put retenir un frisson.

— Comment ça va ? demanda-t-il. Si elle n’avait pas eu aussi peur, elle aurait éclaté de

rire... Comment osait-il s’enquérir de son état après l’avoir à moitié assommée? Quel étonnant sens de l’humour!

Elle se refusa à répondre. Il la tenait à sa merci, et avait probablement déjà prévu de la ramener au plus vite à ceux qui le payaient pour ce sale boulot. Moyennant une jolie somme, certainement!

Il tourna brusquement le visage vers elle et la dévisagea d’un regard pénétrant qui la paralysa. Ses yeux avaient une incroyable couleur vert émeraude... Elle remarqua soudain la cicatrice qui lui barrait la joue, accentuant sa virilité naturelle. Avec ses traits racés, son haut front, il avait une étonnante prestance pour un tueur, songea-t-elle.

D’un pas souple et rapide, il se dirigea vers le lavabo, remplit d’eau un verre à dents ébréché et, revenant vers elle, le lui présenta.

— Buvez ceci, ordonna-t-il d’une voix grave. Elle lui aurait volontiers jeté son verre d’eau à la figure

mais se contrôla. Le défier ne servait à rien. D’autant que son imposante musculature incitait plutôt à la prudence... Mieux valait se montrer docile, songea-t-elle, ce qui lui laisserait le temps de mieux évaluer la situation. Et peut-être, de trouver une porte de sortie...

Leurs doigts se frôlèrent quand elle saisit le verre. Sa main était chaude, incroyablement chaude, pensa-t-elle. Ou peut-être était-elle tout simplement frigorifiée : l’effet de la peur, certainement, plus le fait qu’elle ne portait qu’un peignoir de coton puisqu’elle revenait de la douche. Ce qui n’avait pas dû échapper à cet homme qui, il y a seulement quelques instants, la tenait serrée contre lui.

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Mia réalisa soudain qu’elle était seule avec lui dans cette chambre, à sa merci... dans tous les sens du terme. Elle repoussa l’image angoissante de son agresseur s’approchant d’elle pour la violer et, plus morte que vive, tira nerveusement sur son peignoir dans un réflexe dérisoire pour se protéger.

Puis elle porta le verre à sa bouche en contrôlant miraculeusement le tremblement de sa main.

— Maintenant, vous allez me raconter, déclara-t-il d’une voix ferme.

Elle sursauta et, levant les yeux vers lui, constata qu’il était de nouveau planté devant la fenêtre. Comme s’il y avait quelque chose à regarder dans ce patelin paumé! pensa-t-elle avec une amère ironie.

— Vous raconter quoi ? rétorqua-t-elle d’une voix mal assurée.

— Ne tournons pas autour du pot, Mia. Je suis pressé. Pourquoi avoir mis en scène votre propre enlèvement?

— Mon propre...? Sa voix s’étrangla dans sa gorge. — Vous savez très bien ce que je veux dire, reprit

Matthew. Votre petit ami est très contrarié de votre départ, je peux vous l’assurer...

Douglas... Oui, bien sûr, pensa-t-elle. — Il s’est fait un sang d’encre, alors que vous étiez

tranquillement en train de vous évanouir dans la nature, fit observer Matthew d’une voix dure. Vous ne trouvez pas que vous exagérez? Mais venons-en au fait : où avez-vous caché la marchandise?

Son regard vert émeraude la foudroya et elle déglutit péniblement.

— Répondez-moi, Mia, reprit-il d’une voix coupante. Je ne suis pas d’un naturel très patient.

Une bouffée d’angoisse lui comprima la poitrine. Si cet homme devinait sa terreur, elle était perdue, pensa-t-elle, tétanisée.

— Je ne sais pas de quoi vous voulez parler, articula-t-elle avec difficulté.

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Il quitta la fenêtre et s’avança vers elle, la toisant son mètre quatre-vingt-quinze. Il était tout en muscles, se dit Mia, entraîné comme un athlète de haut niveau. Elle n’avait aucune chance de lui échapper par la force... Elle allait devoir jouer serré. En se montrant docile pour endormir sa méfiance... Mais pas soumise pour autant!

— Il faut que je me change, déclara-t-elle en se redressant.

Il l’observa de la tête aux pieds en prenant son temps, et elle baissa les yeux, troublée.

— Vous n’avez pas entendu? reprit-elle. J’ai besoin de me changer. J’ai froid.

— Froid? Vous me prenez pour un idiot? Comment peut-on avoir froid en Colombie?

— Je vous dis que j’ai froid! insista-t-elle. Je viens de prendre une douche et je suis...

— ...mouillée, enchaîna-t-il. Il fixa avec insistance ses mamelons qui se dessinaient

avec une arrogante précision sous le coton humide de son peignoir et elle frissonna. Pas de froid, cette fois-ci...

Qui était cet homme qui la pourchassait comme une vulgaire proie et qui l’observait comme si elle n’était qu’un objet sexuel? Ce tueur s’accordait-il un viol de temps en temps pour agrémenter son ordinaire?

Sous peine de devenir folle, Mia repoussa cette pensée avec l’énergie du désespoir. Elle devait absolument reprendre l’offensive, songea-t-elle, affolée, en tentant de se rappeler les quelques cours qu’elle avait suivis pour se préparer à cette mission. Son entraînement avait été très bref, bien trop bref, mais elle avait eu le temps d’enregistrer quelques règles de base. La première était de donner un nom à l’ennemi, ne serait-ce que pour le rendre moins effrayant.

— Qui êtes-vous? demanda-t-elle en s’efforçant de parler d’une voix ferme. Comment vous appelez-vous?

— Est-ce si important ? — Oui, c’est important, répondit-elle sans flancher.

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Il essayait de l’impressionner avec sa carrure, sa cicatrice et ses yeux émeraude, mais elle n’allait pas se laisser faire comme ça! Elle résisterait jusqu’à son dernier souffle s’il le fallait...

— Vous pénétrez dans ma chambre par effraction, reprit-elle, vous fouillez dans mes affaires, vous m’accusez de choses que je ne comprends même pas, et...

— ...et vous ne me demandez pas pourquoi je me donne tout ce mal? enchaîna-t-il. Curieux, non? Comme si vous le saviez déjà!

Il s’approcha un peu plus et les rayons du soleil qui pénétraient de façon oblique dans la pièce éclairèrent sa haute silhouette. Il avait la sveltesse tout en muscles d’un félin, songea Mia, tandis qu’une boule se formait dans sa gorge. La beauté dangereuse d’un guépard, ou d’un jaguar... Il portait un simple T-shirt noir qui moulait son large torse et dégageait ses bras hâlés. Son ventre parfaitement plat surmontait des hanches étroites, et dans son pantalon kaki, ses jambes paraissaient interminables.

Son corps viril avait une élégance toute particulière. Il aurait pu poser en blouson de cuir au volant d’une voiture de luxe, ou encore vêtu d’un costume en alpaga, pour un grand couturier. En fait, avec ses boucles brunes, ses yeux lumineux et sa bouche sensuelle, il avait plus l’air d’un play-boy de haut vol que d’un tueur professionnel...

Mais curieusement, cette pensée ne la rassura pas, bien au contraire. Elle aurait presque préféré être face à un malabar à la mine patibulaire...

— Vous avez vraiment pris Hamilton pour un imbécile, reprit-il tout à coup d’un ton menaçant.

— Comment ça ? — Ne fais pas l’idiote, Mia, reprit-il en passant

brusquement au tutoiement. Moi, en tout cas, tu ne m’as pas eu. J’ai tout de suite compris à qui j’avais affaire. Tu t’es enfuie en emportant ce qui t’intéressait, c’est ça?

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Le sang de la jeune femme se glaça dans ses veines et un doute terrible la saisit. Non, c’était impossible, il ne pouvait pas savoir! Elle avait pris toutes les précautions possibles avant de recopier la liste, elle l’avait replacée exactement à l’endroit où elle l’avait subtilisée. Personne ne l’avait vue, elle en était certaine. Prêchait-il le faux pour savoir le vrai?

— Je n’ai rien emporté du tout! protesta-t-elle en ouvrant de grands yeux indignés. Je suis partie parce que Douglas ne voulait pas rompre, c’est tout!

Matthew tapota sur le dossier du fauteuil avec un agacement non dissimulé.

— Ma petite Mia..., fit-il d’un ton familier qui ne fit qu’accentuer la panique de la jeune femme. Tu te fiches de moi? Si tu avais vraiment voulu le fuir, tu te serais engouffrée dans le premier avion. A l’heure actuelle tu serais tranquillement aux Etats-Unis, et pas terrée dans cet hôtel minable!

Mia réfléchit rapidement. Quel argument pouvait-elle lui opposer?

— Prendre l’avion? Impossible! Douglas aurait fait surveiller les aéroports!

— Allons, Mia, il n’est que colonel, pas ministre des transports!

— Vous croyez qu’il se serait gêné? rétorqua-t-elle comme si elle se parlait à elle-même.

— Pour êtes clair, je me contre-fiche de ton opinion sur ton ex! Je veux juste récupérer ce que tu as volé. Et qu’on en finisse...

Où allait-il l’entraîner pour accomplir sa sale besogne? se demanda-t-elle, horrifiée. Au fin fond d’une vallée perdue, où personne n’entendrait rien?

— Habille-toi, asséna-t-il sans ménagement. Je suis pressé.

— Je ne me changerai pas tant que vous serez dans la pièce, répliqua-t-elle d’une voix glaciale.

— Tu crois ça ?

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Il l’attrapa par le bras et, avant qu’elle ait eu le temps de réagir, l’attira à lui. D’un geste précis, il commença à dénouer la ceinture de son peignoir...

Son visage exprima un intense étonnement quand Mia le gifla. Il ne dit rien, mais il saisit les deux poignets de la jeune femme dans sa large main, lui leva les bras au-dessus de la tête. De son autre main, il acheva de défaire la ceinture.

Matthew plongea son regard dans celui de la jeune

femme et y lut une fureur sourde, une intense humiliation. Encore quelques secondes, et elle se mettrait à hurler, pensa-t-il. Et à rameuter tout le quartier.

— Si tu fais le moindre bruit, tu le regretteras, lui glissa-t-il à l’oreille d’un ton menaçant.

Elle tenta de se débattre et ouvrit la bouche pour crier. Il ne lui en laissa pas le temps, et la fit taire de la seule façon qui lui vint à l’esprit : en l’embrassant...

Elle gigota de plus belle et tenta de se soustraire à ses lèvres, mais en vain. Il accentua la pression de sa bouche, indifférent à sa réaction de rejet. Cette Mia Palmieri en avait vu d’autres, alors pourquoi la ménager? Elle avait trempé dans un trafic de cocaïne et défié ses patrons en subtilisant la marchandise : pourquoi jouait-elle soudain la sainte-nitouche? C’était ridicule!

Il resserra la pression de sa main sur ses deux poignets, et réalisa avec un frisson d’excitation qu’elle était à sa merci. Elle sentait délicieusement bon, ses lèvres étaient douces sous les siennes, et Matthew se retrouva pris à son propre jeu. Il avait juste voulu la punir, et il découvrait avec stupeur qu’il prenait un plaisir intense à cette punition...

De sa main libre, il la saisit par le menton et la força à lever la tête vers lui. Alors, cédant à une irrépressible pulsion de désir, il se pencha vers sa bouche pulpeuse et lui mordilla la lèvre inférieure. De nouveau, elle tenta de s’échapper, mais il comprit que sa résistance s’émoussait.

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C’est l’instant qu’il choisit pour la forcer à écarter ses lèvres et accueillir sa langue. Elle frémit, émit un gémissement incontrôlé, et, tout à coup, s’abandonna tout entière à l’ardeur de son baiser.

Fermant les yeux, il lui lâcha les poignets et saisit ses longs cheveux bruns à pleines mains. Alors sa langue se fit plus audacieuse, ses lèvres plus pressantes, son baiser plus profond, tandis qu’une vague de désir déferlait sur lui. Il en oublia presque la raison de sa présence dans cette chambre sordide. Il n’était plus qu’un homme prêt à faire l’amour à la femme qu’il tenait dans ses bras...

Mia mit quelques secondes à reprendre le contrôle d’elle-même, et à comprendre qu’elle devait profiter de cet instant où son assaillant relâchait sa surveillance. Un coup de genou bien placé le ramènerait brusquement à la réalité, songea-t-elle. C’était compter sans le professionnalisme de Matthew qui, même dans le feu de l’action amoureuse, était capable de voir venir le danger. Il esquiva le coup, immobilisa la jeune femme de ses deux mains et la plaqua contre le mur.

Puis, tranquillement, Matthew recula... et la regarda. Sot peignoir s’était ouvert, et le spectacle qui s’offrait à ses yeux était si troublant qu’il faillit céder à l’envie de la prendre là, debout, contre le mur.

Ses seins généreux aux mamelons dressés semblaient appeler les baisers, les caresses, et il imagina la douceur de leurs globes laiteux sous ses doigts. Son nombril, discrète ouverture sur son ventre magnifiquement plat, surplombait le triangle de toison brune de son pubis...

Il lui aurait suffi d’ouvrir son jean, de la soulever par le bassin et de l’empaler sur son sexe en érection, songea-t-il, le souffle soudain court. Elle aurait d’abord protesté, elle se serait peut-être débattue, mais il savait de façon certaine qu’elle aurait fini par prendre autant de plaisir que lui à leur étreinte. Le gémissement qui lui avait échappé tout à l’heure lui prouvait qu’il avait éveillé en elle un désir à l’unisson du sien. Il l’imagina soupirant d’extase sous ses coups de boutoir, l’implorant de...

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Etait-il devenu fou? se demanda-t-il tout à coup, reprenant brusquement conscience de la réalité. Il était en mission! Il était chargé de ramener cette fille à son ex, pas de lui faire l’amour à la sauvette dans cet hôtel de quatrième catégorie!

Comment avait-il pu se laisser prendre à ses gémissements? Comme toutes les femmes de son espèce, elle essayait probablement de jouer de sa séduction pour lui fausser compagnie... et il avait failli se faire avoir comme un débutant!

Le regard de Matthew s’assombrit de dégoût, à la fois contre lui-même et contre la jeune femme. Avec une mimique de mépris, il avança la main vers son buste et lui effleura un sein.

Bouleversée, Mia se sentit défaillir. Elle aurait dû lui cracher à la figure, lui crier son mépris, mais elle était comme tétanisée par le contact de sa paume sur sa poitrine.

— Je suis presque aussi stupide qu’Hamilton, déclara enfin Matthew d’une voix cynique. Tu as failli m’avoir... Mais heureusement je me suis souvenu de vos chambres séparées, à Hamilton et à toi... Tu le fais mariner pour mieux obtenir de lui ce que tu veux, n’est-ce pas? Quand il se montre docile, il a le droit de te rejoindre dans ton lit pour une petite récompense, c’est ça?

Elle lui jeta un regard horrifié. — Pas du tout ! murmura-t-elle d’une voix à peine

audible. Pas du tout... Et en plus, elle osait protester! Cette fois, Matthew lui

saisit un mamelon entre le pouce et l’index et le titilla sans cesser de la regarder.

Mia ne savait plus où elle en était. La tête lui tournait, il lui semblait qu’une onde de chaleur la submergeait, jusqu’à ses plus intimes terminaisons nerveuses. Ce n’était pas la première fois qu’un homme lui touchait la poitrine, mais jamais elle n’avait éprouvé cela...

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— Douglas ne savait peut-être pas comment te mater, mais moi, si, reprit Matthew avec un sourire qui la glaça et la fit revenir brusquement à l’inquiétante réalité.

Il recula d’un pas, mais cette fois il n’y avait pas la moindre ambiguïté dans le regard qu’il lui lança.

— Habille-toi, et vite, intima-t-il d’une voix peu amène. Sinon, c’est moi qui le ferai pour toi.

Il s’assit sur une chaise face à elle et croisa les bras sans la quitter des yeux. Son expression était fermée, impitoyable, et Mia sentit l’angoisse s’emparer d’elle. Alors, vaincue, elle lui tourna le dos, laissa glisser le peignoir à terre et commença à s’habiller.

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3. Matthew l’observait, fasciné. Chacun de ses gestes

était empreint d’une telle grâce qu’il ne pouvait détacher son regard de ce corps délicat.

Sa peau au grain presque translucide était légèrement hâlée. Son dos, une merveille d’harmonie, depuis la ligne de ses omoplates jusqu’à son émouvante chute de reins... Il se remémora soudain ces femmes peintes par les impressionnistes, radieuses de beauté et de sensualité dans la lumière crue de l’été. Elle était l’une d’entre elles, douce et ronde, incarnation même de l’éternel féminin.

Que ferait-elle s’il se levait, allait vers elle et posait ses lèvres dans le creux de son cou? Si, prenant chacune de ses fesses dans ses mains, il la pressait contre son bassin pour lui faire sentir la violence de son désir?

De nouveau, Matthew reprit conscience de l’incongruité de sa réaction et tenta de se ressaisir. Depuis quand jouait-il ainsi au voyeur? Il n’avait pas besoin de profiter de ce genre de situations pour avoir toutes les femmes qu’il voulait. Que lui arrivait-il?

Il avait des excuses. Mia Palmieri était belle à damner un saint, et aucun homme digne de ce nom, ébloui par l’incroyable sensualité qui se dégageait de la moindre parcelle de sa peau diaphane, ne pouvait la voir sans avoir envie de lui faire l’amour... Mais à la différence d’Hamilton, il était parfaitement conscient de sa faiblesse, et il savait se contrôler. Jamais il n’avait laissé ses sens lui dicter sa conduite, et ce n’était pas avec Mia Palmieri qu’il allait commencer.

Elle se pencha sur le lit et prit des sous-vêtements dans son sac de voyage. Dans le mouvement qu’elle fit, ses seins bougèrent gracieusement. Prêts à être caressés, pétris, mordillés...

Elle enfila prestement une simple culotte en coton blanc et un soutien-gorge assorti, et il songea qu’elle n’avait besoin ni de dentelle noire ni de string pour

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exhaler sa féminité. Elle était si naturellement excitante que tout artifice était superflu.

Enfin, vêtue d’un pantalon en lin grège et d’un T-shirt qui dessinait la forme de ses seins, ses pieds aux ongles rouges chaussés de sandales en cuir, elle se tourna vers lui.

Son visage avait retrouvé quelques couleurs, ses yeux noirs lançaient des éclairs. Elle avait repris du poil de la bête, songea-t-il, surpris. Se retrouver nue devant lui semblait l’avoir piquée au vif.

— Viens ici, indiqua-t-il, péremptoire. — Mais je croyais qu’on devait s’en aller ! — Viens ici, répéta-t-il. Mets tes mains sur le mur et

recule d’un pas. Elle lui lança un coup d’œil incrédule et apeuré. — Comment ? — Tu es sourde ? Fais ce que je te dis, lança-t-il d’une

voix dure. Mia s’exécuta, au supplice. La peur reprenait

possession d’elle, sourde et incontrôlable. A présent qu’il s’était rincé l’œil, qu’allait-il faire d’elle? La violer avant de la supprimer? Ou la ramener à Carthagène pour la jeter en pâture à ses commanditaires?

— Ecarte les jambes. Elle se redressa, outrée. — Quoi ? — Je veux te fouiller, rien de plus, dut-il préciser

devant son regard d’animal pris au piège. — Vous n’avez pas le droit! s’écria-t-elle d’une voix

sifflante. — J’ai tous les droits, asséna-t-il. Ecarte les jambes, ou

je vais t’obliger à le faire. Et ce sera encore plus désagréable...

Les dents serrées, retenant un gémissement plaintif, elle plaqua les mains au mur et lui obéit. Quand elle sentit les mains de Matthew parcourir son buste, s’attarder sur ses seins, puis descendre lentement le long

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de son torse pour palper l’intérieur de ses cuisses, elle chancela.

— Tout doux, ma jolie, je veux être sûr que tu n’as rien caché.

Tout en parlant, il posa la main sur son entrejambe et exerça une douce pression. Pour Mia, c’en était trop. Elle aurait voulu le mépriser de toutes ses forces, mais elle réalisait avec horreur qu’elle était troublée. Comment pouvait-elle oublier qu’il était dangereux, qu’il était payé pour la neutraliser?

Matthew ferma les yeux. Elle était chaude, il percevait sa moiteur... S’il continuait à la caresser là, au cœur de sa féminité, il était certain d’éveiller de nouveau son désir comme il l’avait fait tout à l’heure en l’embrassant. Elle le détestait, mais elle répondrait à ses caresses, et il était prêt à parier que s’il insistait, ils finiraient par faire l’amour...

Pourtant, malgré la violence de son désir, il hésita. Une des raisons pour laquelle il avait quitté les Services secrets, c’était qu’il avait de plus en plus de mal à faire la différence entre ce qui était bien et ce qui était mal. La déontologie d’un agent secret était parfois si élastique qu’il avait préféré changer d’activité. Allait-il retomber dans ce vieux dilemme avec Mia Palmieri, au mépris de tout ce à quoi il croyait?

Brusquement, il recula d’un pas. — O.K., asséna-t-il d’un ton brutal, l’inspection est

terminée. Tu peux te retourner. Elle fit volte-face et le toisa d’un regard haineux. Mais

à l’évidence, elle était matée, songea-t-il avec satisfaction. Désormais, elle savait qui menait la danse.

Que ferait-il s’il trouvait la drogue qu’elle cachait? songea-t-il tout à coup. La livrerait-il à ceux qui la cherchaient? Il comprit soudain qu’il ne ramènerait pas Mia à Hamilton, comme il en avait d’abord eu l’intention. Il détruirait la cocaïne, et la laisserait filer. Après, à elle de se débrouiller pour échapper à ses poursuivants, quels qu’ils soient. Elle avait joué avec le feu, qu’elle assume les

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conséquences de ses actes! Mais dans l’immédiat, encore fallait-il lui faire avouer où elle avait dissimulé la drogue.

— Ta valise est prête ? demanda-t-il. — Oui. — Alors, maintenant, tu vas m’écouter. On va

descendre l’escalier la main dans la main, avec des mines plus enamourées que Roméo et Juliette en personne. Compris?

— Pour aller où ? — Ne pose pas de questions, décréta-t-il sèchement.

Contente-toi de m’obéir. Tu es sûre que tu n’oublies rien ici?

— Rien, affirma-t-elle. Absolument rien. Il n’insista pas. Aucun individu sain d’esprit

n’abandonnerait un paquet valant des milliers de dollars dans une chambre d’hôtel. La drogue n’était pas dans cette pièce, il en était convaincu.

Avant d’ouvrir la porte, il prit Mia par le bras et l’attira à lui pour capter son regard.

— On est bien d’accord, n’est-ce pas? Tu es follement amoureuse de ton Roméo, et ça doit se voir.

Mia acquiesça de mauvaise grâce. A cet instant, elle n’avait pas le choix, mais elle était déterminée à lui fausser compagnie à la première occasion.

Le couloir était vide, tout comme le hall d’accueil. Une fois sur le trottoir, Matthew entraîna Mia vers un café de l’autre côté de la rue.

— Allons prendre un petit déjeuner, dit-il. Elle n’avait pas faim, mais elle le suivit docilement.

Que pouvait-elle faire d’autre?

Le bar exhalait une odeur de graisse rance, et Mia retint un haut-le-cœur.

Matthew toucha à peine son assiette d’œufs au bacon qui baignaient dans l’huile. Mia but son café d’un air dégoûté.

— Venons-en au fait, reprit-il. J’espère que tu es devenue raisonnable.

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— A quel propos ? rétorqua-t-elle, glaciale. — Ne fais pas l’imbécile. Je parle de ce que tu as volé. — Je ne comprends pas. Il tapota de ses doigts sur la table dans un geste qui

trahissait son impatience. — Tu ferais mieux de faire un effort. Ou ça va mal se

passer pour toi. Il se leva brusquement. — Allons-y, lança-t-il. Assez perdu de temps comme

ça. Il la prit par le bras et la força à se lever. Puis, de son

autre main, il empoigna sa valise avant de se diriger vers la voiture.

— Assieds-toi, c’est moi qui prends le volant, ordonna-t-il.

Mia obéit, la mort dans l’âme, et la peur en elle redoubla, nouant son estomac. Désormais, elle était seule avec lui, dans l’espace clos de la voiture. Aucun cri, aucun appel n’alerterait personne. Il pouvait faire d’elle ce qu’il voulait, songea-t-elle horrifiée. Mais, justement, que voulait-il exactement?

Il roula pendant une vingtaine de minutes sans ouvrir la bouche, et finit par s’arrêter sur un chemin creux à l’écart de la route. Des bouteilles de bière vides et des papiers gras donnaient à l’endroit un air sinistre.

Ce n’est pas ici que j’ai envie de mourir, pensa Mia avec une étrange lucidité.

Sans un mot, il la tira hors de la voiture, lui attacha les poignets au moyen de sa ceinture et l’entraîna vers un arbre. Là, il boucla la ceinture autour du tronc : elle ne pouvait plus s’échapper.

Il s’attendait à ce qu’elle le supplie, qu’elle se mette à pleurer, qu’elle tente de l’attendrir, mais elle n’en fit rien.

— Réfléchissez, se contenta-t-elle de murmurer d’une voix blanche. Me tuer n’est pas une solution.

Il ne put s’empêcher d’admirer son cran. Un instant, il hésita à la rassurer, à lui expliquer qu’il n’avait pas l’intention de la supprimer, mais il se ravisa. Mieux valait

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la laisser dans le doute pour la faire avouer. Mais ce n’était pas gagné d’avance...

— J’ai déjà réfléchi, rétorqua-t-il sèchement. Et je n’ai pas besoin de tes conseils.

Matthew lut alors une telle terreur dans ses yeux noirs que, cédant à une soudaine pulsion, il se pencha vers elle et l’embrassa. Ses lèvres étaient douces sous les siennes, sa peau exhalait un parfum délicieux, et une vague de désir le submergea. Il eût été si facile de l’enlacer, de la caresser, de la sentir se détendre dans ses bras... Mais il parvint à se contenir et s’obligea à reculer de quelques pas.

— Tiens-toi tranquille, intima-t-il d’une voix volontairement menaçante. Si tu me dis où est ta cachette, tu n’as rien à craindre. Je t’écoute.

Elle baissa la tête sans répondre. Avec un soupir d’énervement, Matthew se détourna

d’elle et retourna vers la voiture. Alors, minutieusement, il se mit à désosser méthodiquement tout ce qui pouvait servir de cachette dans le véhicule. Tout y passa, depuis les coussins des sièges, qu’il ouvrit avec son couteau de poche, jusqu’au pneu de secours qu’il éventra.

Rien, il n’y avait rien! se dit-il avec fureur quand il eut achevé sa tâche. Et Mia n’avait pas bronché pendant toute l’opération. Comment la faire craquer sans la brutaliser? pensa-t-il, perplexe. Peut-être fallait-il lui rappeler ce qui l’attendait si elle ne se montrait pas raisonnable...

— Très bien, fit-il d’une voix coupante en se rapprochant d’elle. Puisque tu ne veux pas coopérer, je te ramène à ton amoureux. Je veux parler du charmant colonel Hamilton, bien sûr.

Matthew constata avec plaisir qu’elle pâlissait. — Non! supplia-t-elle. Je ne sais pas qui vous êtes, et

pourquoi vous êtes à mes trousses, mais ne faites pas ça, je vous en prie...

Soit cette fille était vraiment terrorisée, soit elle jouait parfaitement la comédie... comme elle avait su si bien le

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faire avec Hamilton. Le colonel avait de la bouteille, et pourtant il s’était fait avoir : avec cette fille, il fallait se méfier...

— Où as-tu as caché la drogue ? reprit-il. Elle lui lança un regard chargé d’incompréhension. — Quoi ? s’exclama-t-elle avec ce qui semblait être de

la stupéfaction. Il émit un petit ricanement. Elle le prenait vraiment

pour un abruti... — La cocaïne, asséna-t-il. Tes histoires avec Hamilton,

ce ne sont pas mes oignons. Ce qui m’intéresse, c’est ta cachette.

— Mais si j’avais eu de la drogue, vous l’auriez trouvée! s’exclama-t-elle d’un ton plaintif. Vous avez défoncé ma voiture!

— Alors pourquoi t’es-tu enfuie? rétorqua-t-il. Qu’avais-tu à cacher?

— Je vous l’ai dit, bredouilla-t-elle. Douglas ne voulait pas que je le quitte et j’ai préféré partir.

— Tu te fiches de moi! s’exclama-t-il. Tu faisais de lui ce que tu voulais, c’est clair! Certaines femmes savent très bien se servir du sexe pour asservir les hommes, et ce pauvre Douglas s’est laissé prendre à ton jeu...

— Vous aimez insulter les femmes, on dirait, fit observer Mia avec une rage froide.

— Je cherche juste à comprendre pourquoi tu t’es enfuie. Et inutile de me faire le coup de l’amourette qui tourne mal. Tu as subtilisé quelque chose, c’est clair.

— Non, protesta-t-elle faiblement. Je n’ai rien pris. Au son de sa voix, à son regard fuyant, Matthew eut la

certitude qu’elle mentait. Avec une brutalité décuplée par la fureur, il la détacha

et l’entraîna vers la voiture. Sans un mot, il démarra en trombe et reprit la direction de la ville. Quelques minutes plus tard, il abandonnait la voiture de location à quelques mètres de son 4x4, dans lequel il poussa Mia sans ménagement. Puis il prit le volant.

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— Mais que voulez-vous de moi? demanda-t-elle d’une voix implorante. Qui êtes-vous? Qui vous envoie?

Il la toisa d’un regard cinglant qui la réduisit immédiatement au silence.

— C’est moi qui pose les questions, pas toi, asséna-t-il. — Mais j’ai le droit de... Il se tourna vers elle et la saisit sans ménagement par

les épaules. — Tu n’as aucun droit. Je veux savoir pourquoi tu t’es

enfuie. Ce que tu as volé. Où tu veux aller... A cet instant, le téléphone portable se mit à sonner.

Qui pouvait bien l’appeler? se demanda Matthew avec contrariété. Il reconnut immédiatement la voix déplaisante d’Hamilton.

— Monsieur Knight ? — Bonjour. — Vous devinez pourquoi je vous appelle : je viens aux

nouvelles. Avez-vous retrouvé la trace de ma fiancée? Matthew regarda Mia. Un mot de sa part, et elle était

livrée à ce type pour lequel il avait éprouvé une immédiate antipathie.

— Vous m’avez entendu, monsieur Knight ? — Oui. — Alors ? Vous l’avez retrouvée ? Mia l’observait d’un regard inquiet, comme si elle

savait que son sort était en train de se jouer. Elle semblait perdue, vulnérable...

— Non, répondit-il, pas encore. Je vous tiens au courant.

Il referma son téléphone et démarra. Mais avant d’enclencher la première, il tourna la tête vers Mia, et eut le geste le plus illogique de toute sa vie. Il se pencha vers elle et, sans prononcer un mot, déposa sur ses lèvres pulpeuses un rapide baiser.

Quelques minutes plus tard, le 4x4 s’enfonçait dans la montagne, laissant derrière lui les maisons délabrées du village sur lequel flottait une légère brume.

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4. Il conduisait comme un cinglé, se dit Mia, effrayée. Ce

qui n’avait rien d’étonnant : tous les tueurs à gages n’étaient-ils pas des cinglés?

Elle lui jeta un regard en biais. Elle avait déjà rencontré des espions, qui venaient de temps à autre voir Douglas en pleine nuit. Bien sûr, ce dernier ne lui avait jamais dit ce qu’ils faisaient, mais leur mine patibulaire parlait d’elle-même.

Lui, c’était différent... Il était beau, incroyablement beau. Ses traits racés lui

rappelaient la statue de David qu’elle avait admirée lors d’un voyage d’études à Florence, pendant ses années d’université, et qu’elle n’avait jamais oubliée. Il était aristocratique et dangereux, raffiné et viril tout à la fois, tel un félin dans la jungle. Un prédateur, qui n’avait pas hésité à la faire se dénuder devant lui pour lui montrer qu’elle était la proie.

Il l’avait touchée, dans des endroits où peu d’hommes l’avaient touchée... Et à sa grande honte, elle en avait éprouvé une intense émotion.

Elle le détestait pour ce qu’il avait fait, et elle se détestait d’avoir, l’espace d’un instant, souhaité de tout son cœur que sa main possessive s’aventure plus loin encore, sous le coton blanc, jusqu’au plus profond de son intimité...

Mia frissonna brusquement et regarda sans rien voir par la vitre du 4x4.

Comment avait-elle pu être assez stupide pour éprouver du désir pour cet homme sans foi ni loi? S’il avait posé la main sur elle, c’était uniquement pour lui prouver qu’elle était en son pouvoir, qu’il pouvait faire d’elle ce qu’il voulait. Tout ça était calculé, délibéré, et elle avait failli rentrer dans son jeu pervers...

Il était le bourreau, elle était la victime, mais elle savait qu’un lien équivoque se nouait parfois entre prisonnier et geôlier. Attirance mêlée de haine,

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dépendance mutuelle qui faisait naître des sentiments troubles. Peut-être tentait-il délibérément de créer entre eux ce genre de rapport pour mieux asseoir son pouvoir sur elle?

Et pourquoi ne pas chercher, elle aussi, à tirer parti de cette étrange relation? songea-t-elle soudain. Il la trouvait à son goût, elle l’aurait parié. Il lui aurait volontiers fait l’amour, c’était clair... Pourquoi ne pas jouer à son profit de l’intérêt qu’elle éveillait en lui?

Faisait-il partie de ces hommes qui aiment conjuguer violence et sexe? En tout cas, elle pouvait se servir du désir qu’elle devinait en lui pour tromper sa vigilance et lui échapper...

Elle s’était toujours interdit de se donner à un homme par calcul, mais elle n’hésiterait pas à transgresser ce principe pour sauver sa peau. Car c’est bien de ça qu’il s’agissait : s’il la ramenait à Carthagène, elle serait éliminée sans pitié.

— Vous connaissez mon nom, et je ne sais même pas comment vous vous appelez, déclara-t-elle tout à coup, brisant le silence.

— En effet, dit-il avec une courtoise ironie, je manque à tous mes devoirs. Mon nom est Matthew Knight.

— Vous travaillez pour qui ? — Pour personne. — Vous êtes free lance ? — Dans le cas qui nous occupe, disons que je rends un

simple service à ton petit ami. — Ce n’est pas mon petit ami, coupa-t-elle sèchement. — Très bien. Alors disons ton fiancé. Elle faillit le reprendre de nouveau, mais se ravisa. Il

semblait si sûr de lui, à quoi bon essayer de le faire changer d’avis?

— Vous parlez l’espagnol sans accent, fit-elle soudain observer. Au début, je vous ai même pris pour un Colombien.

Il fronça les sourcils.

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— N’essaie pas de me flatter, ça ne marchera pas, rétorqua-t-il sans ménagement.

— C’était juste une remarque, protesta-t-elle innocemment.

Le silence s’abattit de nouveau dans l’habitacle, de plus en plus pesant. Sa tentative de conversation ne portait guère de fruits, se dit Mia, sans se décourager pour autant. Si elle voulait espérer sortir saine et sauve de cette situation périlleuse, il fallait à tout prix tenter d’établir un contact avec son ravisseur.

— Vous êtes américain ? demanda-t-elle. — De Dallas. — Et vous êtes un ami de Douglas ? — Si l’on veut... Mia poussa un profond soupir. — Vous ne pouvez pas être un peu plus explicite?

s’écria-t-elle, exaspérée. — Nous ne sommes pas ici pour faire la conversation,

rétorqua-t-il, laconique. — Vous pourriez au moins me dire où nous allons ! — Je te l’ai dit. Un endroit éloigné, où nous serons

tranquilles pour discuter. Aussitôt, Mia sentit une bouffée d’angoisse monter en

elle. Où l’emmenait-il? Dans une grotte? Une cabane abandonnée? Un lieu où personne ne l’entendrait hurler quand il braquerait un pistolet sur elle?

— Laissez-moi partir, s’écria-t-elle d’une voix étranglée. Je vous en supplie! Personne ne le saura.

— Si, moi. Et Hamilton. — Il ne saura rien si vous ne le prévenez pas. — Et qu’aurai-je en échange si je te laisse partir ? — Que voulez-vous ? répondit Mia, dont le cœur s’était

mis à battre la chamade. Un sourire ambigu se dessina sur les lèvres sensuelles

de Matthew. — Je ne sais pas. C’est toi qui proposes... Elle pouvait lui offrir son corps, se dit soudain Mia,

avant de réaliser à quel point cette pensée était

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condamnable. Du moins sur le plan moral... car pour le reste, elle était au contraire plutôt séduisante : faire l’amour avec Matthew Knight devait être une aventure inoubliable... Elle aurait parié qu’il était un amant merveilleux, audacieux, impudique... et qu’elle vibrerait de tout son être sous ses caresses.

— Eh bien ? fit-il. J’attends. Elle se sentit rougir et chassa de son esprit l’image de

leurs corps nus enlacés. — Je pourrais... vous donner de l’argent, murmura-t-

elle d’une voix mal assurée. Il éclata de rire. — Tu perds ton temps, ma chère Mia! rétorqua-t-il.

On ne m’achète pas. J’ai quelques principes, même si cela te surprend.

Elle se sentit rougir. Elle commençait à désespérer de parvenir enfin à le déstabiliser...

— Vous pourriez dire à Douglas que je me suis enfuie, suggéra-t-elle enfin.

Le rire de Matthew Knight redoubla. — De mieux en mieux! s’exclama-t-il. Parce qu’à ton

avis, il croira que tu as réussi à te soustraire à ma surveillance?

Il haussa les épaules d’un geste qui signifiait que cette éventualité était totalement saugrenue, et Mia se tut.

Puis, la route se fit plus étroite, les bois plus denses. Enfin, ils arrivèrent dans un vallon baigné de soleil. Au cœur de la forêt vierge se nichait une maison de bois et de verre à l’architecture futuriste, dont la modernité paraissait d’autant plus incongrue dans cette nature par ailleurs inviolée.

Rien ni personne à des kilomètres à la ronde, se dit Mia glacée d’effroi. Pas un être humain pour lui venir en aide si Matthew décidait de se débarrasser d’elle...

— C’est ici que nous nous arrêtons? demanda-t-elle, la gorge serrée.

— Oui. — Mais où sommes-nous ?

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— Contente-toi de savoir que nous sommes dans un endroit où personne ne nous dérangera, rétorqua Matthew.

Pétrifiée sur son siège, Mia réalisa avec une terreur froide que sa mort était peut-être proche...

La vallée n’avait pas changé depuis ce jour lointain où

il en était tombé amoureux. Il avait eu le coup de foudre pour ce lieu magique à sa première visite. Le vendeur était un haut fonctionnaire du ministère de la Défense, rencontré par hasard à Carthagène.

— Ma femme est colombienne et a hérité la propriété de son oncle, lui avait expliqué le type. Mais elle trouve l’endroit trop isolé, et je me suis décidé à vendre.

En effet, la maison était au bout du monde, et c’est justement ce qui avait immédiatement plu à Matthew. Par goût d’abord, mais aussi par tactique : aucun ennemi ne viendrait jamais le pourchasser ici, au fin fond de la forêt vierge... Et surtout, avec la végétation luxuriante qui l’entourait, la rivière aux eaux limpides dont on entendait la chanson depuis la terrasse, les oiseaux qui pépiaient à tue-tête dans les frondaisons, on se serait cru arrivé au paradis terrestre...

Il avait pris sa décision sans même réfléchir, certain que s’il y avait un endroit au monde où il pourrait peut-être un jour oublier la vision atroce du corps supplicié d’Alita, c’était celui-là.

Il y avait fait de fréquents séjours, heureux de se retrouver avec pour seule compagnie la nature généreuse, la caresse du soleil, le bruit du vent et des animaux qu’il entendait rôder la nuit.

Cette fois, pourtant, il ne pourrait guère profiter de cet endroit où il aimait tant se ressourcer d’ordinaire. Il avait cette fille sur les bras, et ce n’était pas une mince affaire! D’abord, parce qu’il n’arrivait pas à démêler le vrai du faux dans toute cette histoire, à commencer par l’attitude de ce Hamilton, dont le regard fuyant et le sourire ambigu ne lui disaient rien qui vaille.

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Et puis – inutile de le nier – parce que depuis le premier instant où il avait vu Mia, il ne cessait de penser à ce qu’il pourrait lui faire si elle était au lit avec lui. Et son imagination semblait sans limites...

Il s’arrêta devant le garage, stoppa le moteur et se tourna vers la jeune femme.

— Terminus, tout le monde descend, annonça-t-il. Elle ne bougea pas. Les mains sur les genoux, les yeux

fixes, elle ressemblait à une statue de pierre. Matthew poussa un soupir. Il fit le tour du 4x4 et ouvrit la portière sans ménagement.

— Tu as deux solutions, lança-t-il d’une voix tendue. Ou tu sors toute seule, ou je t’extrais de ce véhicule manu militari, je te jette sur mon épaule et je t’emmène à l’intérieur. Tu auras beau te débattre, j’aurai le dernier mot, et tu le sais. A toi de décider, et vite...

Furieuse mais impuissante, Mia lui lança un regard noir et, sans dire un mot défit sa ceinture de sécurité. Le 4x4 était haut, et Matthew la réceptionna dans ses bras au moment où elle sautait à terre.

— Je ne voudrais pas que tu te fasses mal, murmura-t-il avec un sourire ironique.

— Trop aimable, fit-elle d’un ton acerbe. Elle le fusilla du regard. Pourquoi ne la lâchait-il pas?

Elle lui avait obéi, alors qu’il la laisse tranquille! Elle ne vit rien venir... Soudain il l’attira à lui, plaqua

sa bouche sur la sienne et l’embrassa. Ce n’était pas le baiser d’un homme qui désire une femme, mais plutôt, encore une fois, une façon de lui faire comprendre qu’il était le plus fort, qu’il pouvait faire d’elle ce qu’il voulait.

Elle appuya les mains sur son torse et, de toutes ses forces, tenta de le repousser. C’était peine perdue, et elle le savait. Il la serra plus fort contre lui, écrasant ses seins contre sa poitrine, son bassin contre ses hanches.

Mia parvint à détourner la tête et lança une injure que Matthew avait rarement entendue dans la bouche d’une femme. Alors, il lui saisit le visage entre les mains et reprit sa bouche, la réduisant de nouveau au silence.

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Il la sentait trembler de peur entre ses bras et il en éprouvait une intense satisfaction. Enfin, il la lâcha. En observant ses traits marqués par la crainte, il comprit qu’il l’avait soumise.

Parfait, pensa-t-il, c’était ainsi qu’il la voulait. Terrifiée, vulnérable, dépendante de son bon vouloir. Prête à lui dire tout ce qu’il cherchait à lui faire avouer depuis le début.

Et puis, soudain, il cessa de penser. Il se pencha sur elle sans même réfléchir et l’embrassa de nouveau. Mais cette fois, il ne cherchait pas à lui faire peur : il cédait simplement à l’appel de ses lèvres sensuelles, à l’envie de la sentir frémir sous sa bouche comme la première fois, au besoin de serrer contre lui son corps souple aux douces courbes féminines.

Et, en l’espace d’une seconde, tout changea... Mia émit un léger gémissement qui le bouleversa La tête renversée en arrière, les yeux clos, elle entrouvrit les lèvres pour mieux lui offrir l’intérieur doux et velouté de sa bouche. Il oublia tout...

Plus rien ne comptait que ce baiser profond, le ballet de leurs langues qui se cherchaient, se perdaient, se retrouvaient, l’odeur délicate de sa peau satinée, son infinie douceur. C’était comme s’ils étaient seuls au monde, juste un homme et une femme prêts à accomplir l’acte d’amour...

Dans un sursaut de lucidité, il s’arracha brutalement à elle et la repoussa avec une rage mal contenue, furieux contre elle, mais surtout contre lui.

— Si tu continues à me faire ce genre de proposition, je vais finir par accepter, murmura-t-il enfin d’une voix rauque.

Elle blêmit. D’un geste presque brutal, il la saisit par le menton et la força à le regarder droit dans les yeux.

— Tu joues avec le feu, ma chérie, conclut-il de sa voix grave. Et si tu te brûles, tu ne pourras t’en prendre qu’à toi-même...

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Sans un mot, Mia le suivit à l’intérieur de la maison. A quoi bon discuter? Il avait raison, et elle le savait... A l’évidence, il n’était pas aussi facile à séduire qu’elle l’avait imaginé au début, et sa belle stratégie s’évanouissait. Comment avait-elle pu imaginer un instant qu’il lui suffirait de jouer de sa sensualité pour reprendre l’avantage? Un seul baiser, et il s’était aussitôt rendu compte du danger! Séduisant comme il était, il devait être habitué à ce genre de manège... Alors qu’elle, comme une idiote, se serait facilement laissé prendre à son propre jeu...

Mieux valait voir la réalité en face : quand il l’avait enlacée, elle n’avait plus songé à autre chose qu’au bonheur d’être dans ses bras. Ses lèvres étaient si caressantes, sa langue si audacieuse qu’elle aurait voulu que ce baiser ne s’arrête jamais. Elle avait senti monter en elle un désir violent, une vague de chaleur l’avait inondée. Elle aurait tout donné pour qu’il l’entraîne à l’intérieur de la maison, qu’il la plaque contre un mur, qu’il lui dégrafe son pantalon et qu’il la pénètre.

— ...café ? Elle sursauta comme un enfant pris en faute. Dieu

merci, il ne pouvait pas lire dans les pensées... — Pardon, bredouilla-t-elle, je n’ai pas entendu. — Je viens de te dire que la cuisine était au bout du

couloir. Tu sais faire du café, où tes compétences s’arrêtent-elles hors du lit?

Pour la deuxième fois en seulement quelques heures, elle eut envie de lui arracher les yeux... mais se contint. Elle s’était déjà assez ridiculisée pour ne pas en rajouter...

— Je vais m’en préparer un, rétorqua-t-elle d’une voix distante. Si vous avez de la chance, il en restera peut-être assez pour vous. On ne sait jamais...

La cuisine, vaste pièce aux placards de bois clair, était dotée d’un équipement dernier cri. A qui appartenait cette étonnante maison luxueuse, perdue au fin fond de la forêt? se demanda Mia, de plus en plus intriguée.

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Tout en attendant que la machine ne chauffe, elle ouvrit les grandes vitres coulissantes qui donnaient sur la vaste terrasse en teck et observa les alentours. Il n’y avait que la forêt, la forêt tropicale dont elle connaissait les dangers.

Pourquoi ne pas essayer de fuir? se dit-elle soudain. Marcher des heures ne lui faisait pas peur : elle finirait bien par rencontrer une maison de paysans, ou, avec un peu de chance, une voiture qui l’emmènerait au prochain village. Elle était même prête à se terrer dans les fourrés le temps qu’il faudrait.

— Ce n’est même pas la peine d’y penser. La voix était coupante, nette, sans appel. Tétanisée,

Mia se retourna brusquement et aperçut son geôlier dans l’embrasure de la porte. Elle ne l’avait pas entendu arriver.

— La propriété est sécurisée, et personne ne peut en sortir sans déclencher l’alarme, précisa-t-il. En d’autres termes, tu es prise au piège...

Un sursaut d’orgueil lui donna la force de dissimuler sa déception. Elle détourna les yeux et s’approcha de la machine à café.

— Cette maison ultramoderne est vraiment surprenante, déclara-t-elle d’un ton parfaitement neutre. A qui appartient-elle?

— A moi. De surprise, Mia écarquilla les yeux. — Tu ne me crois pas? reprit-il. C’est pourtant la

vérité. C’est ma maison de campagne, en quelque sorte. Le sourire qu’il arborait exaspéra Mia. — J’en ai assez que vous me meniez en bateau!

s’exclama-t-elle, à bout de nerfs. Nous ne sommes pas venus ici pour un week-end d’agrément, que je sache! Alors dites-moi ce que vous comptez faire de moi, et qu’on en finisse!

Sa voix tremblait, la peur se lisait sur son visage. A l’évidence, elle était terrorisée, se dit Matthew. Il aurait dû se réjouir, mais il faillit pourtant céder à l’envie

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absurde de la prendre dans ses bras, de la serrer contre lui et de lui murmurer à l’oreille qu’il ne lui ferait aucun mal, qu’il ne laisserait personne lui faire de mal.

Mais cet instant de folie ne dura pas. Elle trempait dans un trafic de drogue. Elle était la femme d’un autre.

Il n’y avait rien de bon à attendre d’une fille comme ça, hormis son corps de rêve qui frémissait si docilement sous ses caresses, sa bouche qui répondait si bien à ses baisers, ses seins fermes et généreux qui se contractaient de plaisir sous ses doigts.

Soudain il eut la vision insupportable de Mia au lit avec Hamilton, et il serra les poings pour se contrôler.

Il laissa passer quelques secondes avant de reprendre la parole, de peur qu’elle ne perçoive son trouble.

— On parlera plus tard, dit-il sèchement. Pour l’instant, j’ai faim. Mangeons.

— Parler? rétorqua-t-elle. Tu crois que je m’imagine que tu m’as emmenée jusqu’ici simplement pour que nous parlions? Tu me prends vraiment pour une idiote!

Dans la colère, Mia était passée au tutoiement sans s’en rendre compte.

Il se dirigea vers elle sans lui laisser le temps de réagir et l’attira à lui sans ménagement. Puis il plaqua ses lèvres sur les siennes et tout en l’embrassant, glissa la main sous son chemisier et lui palpa les seins. Tétanisée par l’émotion, Mia ne pouvait bouger...

— Pour une idiote, certainement pas! précisa-t-il enfin d’une voix dure. Mais tu as des choses à me dire, et tu finiras par le faire, je te le promets!

Il reprit sa bouche et, écartant brutalement le soutien-gorge, saisit ses mamelons dressés entre ses doigts, qui se firent d’abord caressants, puis plus insistants. Mia se sentit défaillir.

— Non..., bafouilla-t-elle. Ne fais pas ça ! Mais les caresses de Matthew redoublèrent, arrachant

un soupir d’extase à la jeune femme. — J’ai envie de toi, bon sang, lança-t-il d’une voix

rauque, et toi aussi... Je le sais, je le sens...

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Délaissant ses seins, il enfouit les deux mains dans la chevelure bouclée de Mia et la força à le regarder. Puis il posa ses lèvres sur les siennes et l’embrassa à lui en faire perdre le souffle.

— Matthew, balbutia-t-elle, éperdue. Matthew... C’était la première fois qu’il entendait son nom dans la

bouche de Mia, et il en fut bouleversé. Personne ne l’avait jamais prononcé comme elle...

— Dis-le encore, dit-il dans un souffle. Dis mon nom... Elle sembla hésiter un instant. — Matthew, chuchota-t-elle. Matthew... Il la sentit s’abandonner entre ses bras, s’offrir à lui de

tout son être. Mia répondit à son baiser avec ardeur. Elle glissa les

mains sous son T-shirt et caressa son torse avec passion, heureuse de sentir ses muscles durs et tendus sous ses doigts.

Alors Matthew la poussa contre le plan de travail et d’un geste brutal, déchira son chemisier. D’un coup sec, il détacha son soutien-gorge, libérant les globes nacrés de ses seins. Il resta un instant à contempler sa poitrine offerte. Alors, n’y tenant plus, il se pencha et saisit entre ses lèvres ses mamelons durcis, léchant, mordillant, caressant jusqu’à ce qu’elle ondule de plaisir.

— Tu es si belle, si belle, murmura-t-il. Si femme! Il s’écarta légèrement et prit chacun de ses seins dans

une main, les soupesant comme on apprécie un fruit mûr, ému de sentir leur plénitude et leur lourdeur au creux de sa paume. Elle avait la poitrine la plus excitante qu’il ait jamais vue, songea-t-il, émerveillé.

— Je n’ai jamais eu envie d’une femme comme j’ai envie de toi, ajouta-t-il d’une voix rauque.

Eperdue, Mia se lova de plus belle contre lui et plaqua ses hanches contre son bassin pour mieux sentir sa virilité. La violence de son érection acheva de l’étourdir. Alors il lui prit la main et la plaça sur son sexe. Elle ne put retenir un petit cri.

— Matthew, murmura-t-elle, je t’en prie...

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Une vague de chaleur la saisit et la tête lui tourna. Elle serait tombée s’il ne l’avait pas retenue.

Matthew la serra contre lui, et tout en l’embrassant se mit à lui caresser les cuisses de son autre main. Puis sa main glissa vers l’intérieur de sa cuisse. Il la sentit frémir et son désir s’accentua encore. Ses doigts s’aventurèrent plus loin encore, au cœur même de sa féminité. Elle était douce, chaude, d’une merveilleuse moiteur, prête à l’accueillir.

— Dis-moi ce que tu veux, dis-le-moi, murmura-t-il. Eperdue d’émotion, Mia ferma les yeux. Dans un

éclair de lucidité, elle songea qu’elle était folle, qu’elle jouait avec le feu. Mais comment stopper les forces qui se déchaînaient en elle et qui la poussaient dans les bras de cet homme? C’était peine perdue... Elle n’aurait pas de paix tant qu’elle ne serait pas à lui...

— Dis-le-moi, répéta-t-il sans la quitter des yeux. D’une main tremblante, elle lui caressa la joue. — Fais-moi l’amour, balbutia-t-elle. Je t’en prie...

Maintenant... Un sentiment de bonheur et de triomphe inonda

Matthew. Il la prit dans ses bras, lui noua les mains autour de son cou, et commença à se diriger vers la chambre à coucher.

C’est à ce moment que l’alarme se mit à sonner...

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5. Le son strident ramena cruellement Mia à la réalité.

Elle voulut s’arracher à l’étreinte de Matthew, mais il la serra de plus belle contre lui et se dirigea à la vitesse de l’éclair vers une grande bibliothèque qui garnissait tout un mur du salon. Tout alla si vite que Mia comprit à peine ce qui se passait. Matthew écarta un livre, appuya quelque part sur le fond du panneau et tout à coup, à la stupéfaction de la jeune femme, la bibliothèque pivota, découvrant une pièce aveugle. Sans un mot, il la poussa brutalement à l’intérieur et le mur se referma sur elle avant qu’elle ait le temps de réagir.

Puis, ce fut le silence. Le cœur battant, la jeune femme observa les lieux tandis qu’une angoisse indicible resurgissait en elle, étrangement familière. Elle constata qu’il n’y avait aucune fenêtre, pas de meubles, mais des écrans de surveillance allumés, un fax, un ordinateur, et d’autres machines sophistiquées dont elle ignorait l’usage.

Où était Matthew? Pourquoi l’avait-il enfermée? Une rangée de placards garnissait un mur. Elle les ouvrit et découvrit, horrifiée, une série d’armes à feu. Elle ne comprenait plus rien...

Puis elle tenta de se raisonner pour contrôler la terreur qui s’insinuait en elle. Que Matthew ait des armes chez lui n’avait rien d’étonnant : elle avait simplement oublié qu’avant d’être un homme qui lui faisait tourner la tête, il était un tueur professionnel, un homme payé pour la pourchasser et la ramener à Carthagène. Ce qui avait failli se passer entre eux ne changeait rien à cela.

Elle restait prostrée au milieu de la pièce, en proie à un terrible sentiment d’impuissance. Enfin, au bout d’un temps qui lui parut interminable, la paroi tourna lentement sur ses gonds et Matthew apparut. Par bonheur, il n’était pas blessé, constata-t-elle sans pouvoir s’empêcher de ressentir un intense soulagement

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Comme elle était stupide! se dit-elle aussitôt, furieuse contre elle-même. Pour un peu, elle se serait jetée dans ses bras pour se serrer contre lui et lui dire combien elle était heureuse de le savoir sain et sauf. Quand donc comprendrait-elle qu’elle n’était pour lui que l’objet d’un contrat?

— Tu peux sortir à présent, indiqua-t-il. — Que s’est-il passé? Pourquoi l’alarme s’est-elle

déclenchée? s’écria Mia. — Une erreur... Evalina a... — Evalina ? coupa Mia dans un cri du cœur. — Oui. Elle habite le dernier village que nous avons

traversé et a aperçu le 4x4 sur la route. Alors elle est venue jusqu’ici pour s’assurer que c’était bien moi. Malheureusement elle s’est trompée dans le code.

Qui était Evalina? pensa Mia. Une de ses petites amies locales? Avec laquelle il faisait l’amour dans la chambre où elle avait failli le suivre, sur le lit même où elle se serait donnée à lui si cette alarme providentielle n’avait pas sonné?

— Je vois, fit-elle d’un ton acerbe. Elle était tellement heureuse de te retrouver qu’elle en a perdu la tête...

Matthew lui lança un coup d’œil intrigué. — Jalouse ? fit-il, amusé. Elle se rembrunit aussitôt. — Etonnée, corrigea-t-elle d’un ton sec. Que tu puisses

mettre une femme dans un état tel qu’elle en oublie le code de l’alarme...

— Tu es jalouse! conclut-il avec un étrange sourire sur ses lèvres sensuelles.

— Bien sûr que non ! protesta-t-elle. — Evalina est à la fois la gardienne et la cuisinière

quand je suis ici, enchaîna-t-il. Elle vient chaque semaine pour faire le ménage et surveiller que tout est en ordre. Ah... un dernier détail : elle est grand-mère.

L’intense soulagement qu’elle ressentit acheva d’exaspérer Mia. En quoi le fait que Matthew ait ou non une petite amie la concernait-elle?

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— Cela ne me regarde pas, rétorqua-t-elle, agacée. — En effet, constata Matthew. D’ailleurs, si j’avais une

maîtresse, je ne le cacherais pas. Et ce qui s’est passé tout à l’heure entre nous n’aurait pas eu lieu.

— C’était un regrettable incident, enchaîna Mia, soudain nerveuse.

Il y eut un silence. — Regrettable, parce que je t’ai embrassée, ou parce

que tu as répondu à mes baisers? demanda enfin Matthew en lui lançant un coup d’œil incisif.

Pour toute réponse, la jeune femme se contenta de rougir en détournant le regard. Son malaise était presque palpable. Matthew hésita à la déstabiliser davantage, avant d’y renoncer. Pour l’heure, il avait d’autres choses à régler.

— Allons manger, décréta-t-il d’un ton qui n’admettait pas la réplique.

— Je n’ai pas faim. — Peu importe, tu vas me suivre. — Non, je n’ai pas faim, je te dis. Il s’avança vers elle, menaçant. — Tu sembles avoir oublié que c’est moi qui décide: Tu

es sous ma surveillance, et je ne te quitte pas des yeux. Si je mange, tu viens dans la cuisine avec moi, un point c’est tout. Que tu aies faim ou pas, je m’en contrefiche! Tu n’auras qu’à me regarder.

— Mais... — Et si tu n’es pas raisonnable, coupa-t-il, je te laisse

enfermée ici le temps que tu comprennes. Est-ce bien clair?

Elle déglutit péniblement. — Finalement, je crois que je vais manger un morceau,

articula-t-elle en ravalant son orgueil. Matthew délaissa la salle à manger d’apparat pour

s’installer dans la cuisine, où Evalina les accueillit avec un grand sourire.

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C’était une petite femme ronde d’une cinquantaine d’années qui babillait sans cesse, à une telle vitesse que Mia la comprenait à peine. L’espagnol qu’elle avait appris au cours de ses deux années d’études à l’université et de ses quelques mois de cours intensifs avant de commencer à travailler pour Douglas en Colombie, n’avait d’ailleurs pas grand-chose à voir avec le dialecte mâtiné d’indien de la cuisinière.

Matthew, quant à lui, semblait parfaitement à l’aise. Il se montrait souriant et charmant, à la grande joie d’Evalina qui rosissait de plaisir. A l’évidence, elle appréciait son patron; elle ne savait probablement pas qui il était vraiment, conclut Mia avec cynisme.

A sa grande surprise, elle fit honneur au repas préparé par Evalina, alors qu’elle pensait ne pas avoir faim. Mais tout était si tentant que son appétit se réveilla.

La nuit tombait déjà quand Evalina apporta le dessert. Quelle chance que la cuisinière soit là! pensa la jeune

femme, plus détendue. Ainsi elle ne passerait pas la nuit seule dans la maison avec Matthew, perspective qui ne lui disait rien qui vaille. Avec Evalina, il ne tenterait rien. Et s’il s’aventurait dans sa chambre, elle appellerait la cuisinière à l’aide et il serait bien obligé de la laisser en paix.

Mais elle s’était réjouie trop vite... A peine Evalina eut-elle servi le café qu’elle salua Matthew, fit un petit signe de tête à Mia et s’éclipsa.

— Qu’est-ce qu’elle fait? s’écria la jeune femme. Matthew lui jeta un regard étonné. — Elle rentre chez elle, bien sûr, répondit-il avec

calme. — Elle ne dort pas ici ? — Non, elle habite un village à quelques kilomètres

d’ici. — Mais, je croyais..., balbutia Mia, décontenancée. Matthew posa sa tasse de café et gratifia la jeune

femme d’un de ses sourires ravageurs dont il avait le secret.

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— Je sais ce que tu croyais, ou ce que tu espérais, corrigea-t-il avec ironie. Désolé, mais j’ai le regret de t’annoncer que nous allons passer la nuit seuls. Sans personne pour te secourir si tu appelles au secours.

Mia frissonna. L’homme affable et charmeur qui avait fait rire Evalina avait laissé la place à l’être odieux qui l’avait kidnappée dans l’hôtel sordide de cette petite ville dont elle avait déjà oublié le nom. Quelques heures seulement s’étaient écoulées depuis qu’elle s’était trouvée nez à nez avec lui dans sa chambre, mais elle avait l’impression que des siècles la séparaient de ce moment.

Elle se força à dominer sa peur et à le regarder en face. — Si tu essaies quoi que ce soit avec moi, je te tuerai!

s’écria-t-elle d’une voix qui tremblait d’une rage mêlée de crainte.

Le sourire de Matthew se fit condescendant, ce qui redoubla l’animosité de la jeune femme.

— Avec quoi ? demanda-t-il. Tes mains nues ? Si elle avait été une véritable professionnelle, elle

aurait été capable de tuer un individu à mains nues, songea Mia. Mais, propulsée brutalement de son tranquille emploi de secrétaire à son actuel statut d’agent secret, elle n’avait eu que quelques semaines d’entraînement, et n’était pas préparée à ce genre de combat. Naturellement, elle n’allait pas lui raconter tout ça...

— Je me débrouillerai, rétorqua-t-elle, laconique. Le sourire de Matthew s’évanouit soudain et il se leva.

Sa patience semblait avoir atteint ses limites. — Viens, intima-t-il. Suis-moi dans le salon. Il se pencha vers elle et lui posa la main sur l’épaule. — Non, dit-elle, je reste ici. Il resserra son étreinte et elle retint une grimace de

douleur. — Debout, Mia ! Elle se décida à se lever. Inutile de lui tenir tête : avec

lui, toute résistance était perdue d’avance. Il lui faudrait jouer plus finement...

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Qu’allait-il faire d’elle? se demanda-t-elle avec angoisse. L’enfermer dans cette pièce secrète derrière la bibliothèque?

Il l’entraîna en effet dans le salon, mais à son grand soulagement, ne se dirigea pas vers les livres. Il lui fit signe de prendre place sur un des canapés de cuir blanc immaculé. Elle respira, soulagée de ne pas se retrouver cloîtrée dans cette pièce aveugle. Puis il se dirigea vers le bar, servit deux verres de cognac et en apporta un à Mia.

— Bois ça, dit-il, ça te redonnera des couleurs. Tu es pâle...

Un remontant lui ferait du bien en effet, se dit-elle en acceptant le verre que lui tendait Matthew.

L’alcool lui brûla la gorge, puis elle ressentit une chaleur réconfortante. Elle se passa la langue sur les lèvres et quand elle releva les yeux, elle vit que Matthew l’observait, une étrange lueur dans son regard émeraude.

— C’était bon, n’est-ce pas ? murmura-t-il. Sa voix grave était comme une caresse, et elle réprima

un frisson. Puis il s’assit face à elle, but son verre cul sec et la fixa en silence. Cette fois, son expression était concentrée, implacable. Il était redevenu le chasseur lancé à ses trousses...

— Maintenant, parlons business, déclara-t-il en posant son verre vide sur la table basse.

— Quel business ? Elle aurait tout fait pour se soustraire à cet

interrogatoire, à ce regard inquisiteur, à ces questions auxquelles elle ne pouvait pas répondre.

— Tu sais très bien de quoi je parle. Mia se tortilla nerveusement sur le canapé. Et si elle

essayait de l’attendrir, puisque rien d’autre n’avait marché?

— Ecoute, dit-elle d’un ton suppliant, je sais que Douglas t’a demandé de me ramener à Carthagène, mais je n’irai pas. Dis-lui que je refuse, et laisse-moi partir!

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— Tu veux que j’aille voir Hamilton en lui annonçant que j’ai fait chou blanc! s’exclama-t-il comme s’il n’avait jamais rien entendu d’aussi absurde.

— Ne t’inquiète pas, il te paiera quand même. — Il ne me paie pas, coupa sèchement Matthew. Mia en resta muette de surprise. — Pourquoi t’es-tu enfuie ? demanda-t-il. Elle poussa un soupir. — Je te l’ai expliqué cent fois! rétorqua-t-elle avec

lassitude. — Il te battait ? — Non. — Il te violait ? Elle haussa les épaules, exaspérée. — Non ! s’écria-t-elle, poussée à bout. — C’est à cause de lui que tu es devenue une voleuse ? Mia pensa au CD miniature qu’elle avait dissimulé

dans son sac et se mordilla la lèvre. — Je ne sais pas de quoi tu parles, répliqua-t-elle

d’une voix blanche. Il eut un ricanement inquiétant. — Si. Tu sais très bien! protesta-t-il. Tu t’es servie de

la valise diplomatique pour convoyer de la cocaïne. Hamilton a mis à jour ton petit manège. Il a cherché à te protéger, et tu l’as remercié en prenant la fuite. Lui ne sait pas pourquoi, moi oui. En fait, tu as détourné une partie de la drogue à ton seul profit.

Elle se mordilla la lèvre de plus belle. Comment pouvait-il imaginer un tel scénario? Elle en trafiquante de drogue, c’était invraisemblable! Si la situation n’avait pas été aussi tragique elle en aurait presque ri...

Il n’était bien sûr pas question de lui expliquer les vraies raisons de sa fuite, mais il fallait absolument le convaincre de lui rendre la liberté si elle voulait rester vivante. Elle savait ce qui l’attendait à Carthagène...

— Douglas a menti, articula-t-elle avec difficulté. Il n’a jamais été question de drogue. Je me suis enfuie pour lui échapper. Il me harcelait...

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— Mais tu es sa petite amie ! protesta Matthew, décontenancé.

Mia hésita un instant. Autant lui dire la vérité sur ce point. Seulement sur ce point...

— Je travaillais pour lui aux Etats-Unis, commença-t-elle. Quand je suis arrivée à Carthagène pour être sa secrétaire particulière, il m’a dit qu’il avait une immense maison avec plusieurs chambres et m’a offert l’hospitalité. Il disait que ce serait plus simple pour tout le monde.

Et elle pouvait ainsi exercer sur lui une surveillance rapprochée..., ajouta-t-elle en son for intérieur. Mais ça, elle ne le révélerait pas à Matthew.

— J’ai du mal à croire à ton histoire, fit celui-ci, perplexe.

Elle se passa la main sur le front et poursuivit. — Très vite, il a commencé à avoir des paroles, puis

des gestes déplacés... Mia eut un haut-le-cœur au seul souvenir de la main

d’Hamilton posée sur sa cuisse. — Je l’ai menacé d’avertir sa hiérarchie, mais il m’a ri

au nez en m’expliquant qu’il était un haut gradé, et que personne ne mettrait sa parole en doute face à une simple assistante. Alors je suis partie, acheva-t-elle.

— ...pour une cavale dans la région la plus sauvage de Colombie, truffée de bandits, où tu ne connais pas un chat, enchaîna Matthew d’un ton acerbe. Exactement ce que font toutes les honnêtes filles quand leurs fiancés leur suggèrent une petite partie de jambes en l’air!

— Douglas n’est pas mon fiancé! répéta Mia, excédée. Le sourire crispé de Matthew lui prouva qu’il ne la

croyait pas. A quoi bon essayer de le convaincre? Tout ce qu’il souhaitait, c’était remplir son contrat et la livrer à Douglas. Qu’il persiste à la prendre pour une trafiquante ne changeait rien au fait qu’elle était sa prisonnière.

Elle se leva brusquement et Matthew l’imita. Debout face à elle, les bras croisés sur la poitrine, il lui jeta un regard pénétrant qu’elle ne parvint pas à déchiffrer.

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Soudain, elle prit conscience du silence qui régnait à l’intérieur de la maison, des multiples bruits de la nuit qui, par la fenêtre entrouverte, venaient de la forêt : le vent dans les arbres, le chant des grillons, le cri d’une chouette. Ils étaient au bout du monde, se dit-elle avec frayeur. Et c’était lui et lui seul qui avait les cartes en main... Son cœur se mit à battre plus vite et elle recula d’un pas.

— Il est tard, déclara-t-elle d’une voix à peine audible, et je suis épuisée. Tu as l’intention de m’interroger jusqu’à ce que je m’effondre, ou j’ai droit à un peu de repos?

Un demi-sourire se dessina sur les lèvres pleines de Matthew.

— Parce que tu appelles ça un interrogatoire? s’écria-t-il d’un ton railleur. On voit que tu ne sais pas de quoi tu parles! Il ne s’agit que d’une simple conversation, ma chère...

Il consulta sa montre. — Mais tu as raison, reprit-il. Il est tard, allons nous

coucher. Elle recula de plus belle. — Qu’est-ce que ça veut dire ? balbutia-t-elle. De nouveau ce sourire irrésistible, ce fascinant éclat

dans l’émeraude de ses yeux... Pourquoi était-il si séduisant? pensa Mia, en plein désarroi.

— Je suis certain que tu as compris, répondit-il avec une lenteur calculée.

— Je ne coucherai pas avec toi, articula-t-elle avec difficulté.

— Tu feras ce que je te dis de faire, rétorqua-t-il sèchement.

— Non, je... Il ne la laissa pas terminer : il la saisit si brutalement

par le poignet qu’elle s’interrompit. — Viens ! ordonna-t-il.

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Elle tenta de se débattre, avec pour seul résultat que la main de Matthew se resserre encore un peu plus autour de son poignet.

— Laisse-moi ! s’écria-t-elle. — Pas question, rétorqua-t-il. Tu me suis. Il la saisit par la taille et la fit basculer sur son épaule.

Puis il se mit à monter l’escalier en la portant aussi facilement que si elle avait été une plume. Elle trépigna, tapa des poings, agita les jambes, mais rien n’y fit : il la maintenait si fermement que malgré toutes ses tentatives, elle ne parvint pas à se libérer.

— Où m’emmènes-tu ? — Dans ma chambre. Elle se débattit de plus belle. — Non! s’écria-t-elle d’une voix étranglée. Tu n’oseras

pas! Il entra dans une pièce où trônait un grand lit et

referma la porte derrière eux. A clé... Puis il posa Mia à terre et la dévisagea d’un air narquois.

— Pourquoi? Tu crois que je me gênerais? Tu me prends déjà pour un espion, un tueur, alors pourquoi ne pas ajouter violeur à ta charmante liste?

— Parce que..., répondit-elle, horrifiée, parce que... A sa grande surprise, au lieu d’avancer vers elle, il se

jeta lourdement sur le lit et enleva l’une après l’autre ses bottes qui tombèrent bruyamment à terre. Puis il s’installa confortablement sur l’oreiller, croisa les bras au-dessus de sa tête avant de la dévisager d’un air goguenard.

— Pas la peine de faire cette tête-là, fit-il observer. Moi aussi je suis fatigué, alors tes histoires de viol, excuse-moi... Très peu pour moi, surtout ce soir! La douche est à côté, tu n’as qu’à y aller la première.

— Je n’ai pas du tout l’intention de prendre une douche juste pour te faire plaisir, asséna-t-elle avec un regard méprisant.

Il bondit hors du lit, les traits marqués par la fureur. Il s’approcha d’elle et la saisit par la main.

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— Tu es vraiment insupportable! s’exclama-t-il en l’entraînant vers la salle de bains. Puisque tu ne veux pas prendre de douche, c’est moi qui vais te la donner! Tes caprices, j’en ai assez!

Joignant le geste à la parole, il entreprit de la dévêtir. Rouge de colère, Mia lutta comme un beau diable, mais son combat était perdu d’avance.

Matthew ne se laissa pas attendrir. Il était épuisé, exaspéré par cette femme impossible dont il ne pouvait rien tirer. Il en avait assez de ses explications obscures, de ses vaines protestations d’innocence. En plus, elle le mettait dans un tel état qu’en sa présence, il ne parvenait plus à réfléchir correctement.

Car si elle le mettait hors de lui, il devait bien admettre qu’elle l’avait aussi ensorcelé... L’odeur suave de son opulente chevelure, le grain si délicat de sa peau nacrée, la courbure émouvante de ses seins, tout cela agissait sur lui comme un filtre magique. Il émanait de cette femme une telle sensualité, une telle féminité, qu’elle éveillait en lui toutes sortes de fantasmes inavouables...

— Bien, dit-il d’une voix sourde. Maintenant c’est mon tour...

Il enleva son T-shirt et Mia observa, fascinée, sa large poitrine recouverte d’une toison brune. Il avait la carrure d’un rugbyman; à chacun de ses gestes, ses muscles se dessinaient sous sa peau hâlée. Sa virilité était si prégnante, sa masculinité si triomphante, qu’elle se sentait près de défaillir. Jamais aucun homme ne lui avait fait un tel effet, songea-t-elle avec affolement.

D’une main, il la poussa dans la vaste cabine de douche. Cette fois, Mia n’essaya même pas de protester, de lutter : elle se laissa faire, le cœur battant. Elle ignorait ce qui allait suivre, mais elle était en son pouvoir. C’était comme si toute volonté l’avait abandonnée...

Puis il se débarrassa de son jean. Le souffle court, Mia fixa ses cuisses puissantes, ses jambes fortes et élégantes,

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ses hanches étroites. « Pourvu qu’il ne retire pas son caleçon! » pensa-t-elle, tandis qu’une vague de chaleur l’envahissait. Car dans ce cas, elle ne répondait plus d’elle-même. Elle aurait dû s’enfuir, faire n’importe quoi pour se dérober, mais elle en était incapable.

Il ne retira pas son caleçon. Il entra dans la douche à sa suite et ouvrit le robinet.

La jeune femme recula brusquement, et Matthew faillit éclater de rire devant son expression tétanisée. Il se remémorait son premier séjour dans cette maison...

Il se reposait tranquillement dans sa chambre quand un cri strident l’avait alerté. Accouru en toute hâte, il avait découvert le propriétaire des lieux nu comme un ver dans cette même cabine de douche, claquant des dents, accroché tant bien que mal au pommeau, tandis qu’un serpent enroulé sur lui-même occupait la majeure partie du bac...

Matthew attrapa le savon et le tendit à Mia. Elle ne bougea pas. O.K., pensa-t-il, tant pis pour elle! Il se savonna longuement, se mouilla les cheveux, laissa l’eau couler sur lui. Le jet puissant de la douche le détendit si agréablement qu’il en oublia presque la présence de la jeune femme qui, plaquée contre la paroi, ne bougeait toujours pas.

Quand donc cesserait-elle de faire de la résistance? se demanda-t-il. Il lui offrit de nouveau le savon, qu’elle finit par accepter.

Elle avança pour se placer à son tour sous le jet d’eau et se savonna avec des gestes lents et précis. L’eau dégoulinait sur elle, dessinant la courbe de ses seins, le creux de son ventre, le galbe parfait de ses cuisses.

Matthew déglutit péniblement. Sous le coton blanc de ses sous-vêtements, on devinait l’aréole sombre de ses mamelons, leurs pointes dressées, et il sentit le désir monter en lui, incontrôlable. Son regard descendit plus bas encore jusqu’à la chute de ses reins. Le tissu trempé de sa culotte ne cachait plus grand-chose de la toison brune de son pubis et il se remémora l’instant magique

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où il avait glissé la main sous le tissu, à ce même endroit, et perçu une moiteur infiniment émouvante au creux de sa féminité.

Il serra les dents dans une dérisoire tentative pour se contrôler. Il voulait cette femme comme il n’avait jamais voulu aucune femme avant elle... Mais, contrairement à ce qu’elle pensait, il n’était pas un violeur.

« Sors de cette cabine de douche, pensa-t-il, sors avant qu’il ne soit trop tard! »

Mais il n’en eut pas le courage. Elle avait fini de se savonner et se mit à se laver les cheveux. La tête en arrière, le visage tendu vers le pommeau, elle était magnifique avec ses traits purs, son cou gracile, songea-t-il, ébloui. Les gouttes ruisselaient sur ses longs cils noirs, et ses lèvres humides étaient une invite au baiser.

Brusquement elle se tourna vers lui. Elle le regarda, puis baissa les yeux, et quand elle vit son sexe en érection sous son caleçon trempé, elle poussa un léger cri. Elle releva la tête et leurs regards se croisèrent. Ce que Matthew lut sur son visage acheva de lui tourner la tête...

A cet instant le savon tomba des mains de la jeune femme.

— Laisse, je le ramasse, murmura-t-il d’une voix qu’il ne reconnut pas pour la sienne.

Il s’exécuta, et la frôla involontairement. Dans la cabine de douche, l’électricité monta d’un cran.

— Tu as laissé un peu de savon, fit-il observer. — Quoi ? balbutia-t-elle d’une voix à peine audible. — Sur ton épaule... Mia ne bougea pas. Il s’approcha encore un peu plus

et, de l’index, essuya la légère trace de mousse. Puis il se pencha et posa la bouche sur la peau délicieusement douce. Le faible son qui sortit de la bouche de Mia était aussi discret que le murmure du vent.

— Tu sais pourquoi il y a de la mousse sur ton épaule? murmura-t-il en plongeant son regard dans le sien.

Tétanisée, elle fit non de la tête.

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— Parce qu’on ne peut pas se doucher correctement si on n’a pas enlevé tous ses vêtements.

Il chercha derrière son dos, trouva l’agrafe de son soutien-gorge et l’ouvrit. Elle se mit à trembler... Alors, avec une infinie lenteur, il fit glisser les bretelles le long de ses bras. Quand le soutien-gorge tomba à terre, libérant sa poitrine, la gorge de Matthew se contracta. Ses seins étaient splendides, pensa-t-il, ébloui. Si parfaits, si émouvants dans leur plénitude!

Il se pencha vers son cou, fit glisser ses lèvres le long de sa nuque, puis sur son sein. Il la sentit palpiter, ce qui l’enflamma encore un peu plus. Quand il saisit son mamelon entre ses lèvres, elle gémit, leva les mains et les posa sur son torse. Il la mordilla et elle gémit de nouveau, cette fois plus fort.

Il glissa les doigts dans l’échancrure de son slip et, avec une infinie douceur, le fit glisser le long de ses hanches. Puis il s’agenouilla et, lentement, lui dégagea un pied, puis l’autre.

Matthew resta quelques instants immobile, vaincu par l’émotion. Puis sa bouche remonta le long de ses chevilles, de ses genoux, jusqu’à ses cuisses. Il s’arrêta, le cœur battant, avant d’enfouir son visage contre la toison brune de son pubis. Bouleversé, il inspira pour se pénétrer de l’odeur du savon derrière laquelle perçait, discrète mais étourdissante, le parfum magique de sa féminité.

— Mia..., murmura-t-il. Ses lèvres se firent aventureuses, s’égarant, s’attardant

sur la peau douce et moite, sa langue se glissa jusqu’au cœur même de sa féminité, atteignant enfin cet endroit secret qui était la clé de son plaisir. Alors elle cria, d’un cri aigu et incontrôlé qui le fit chavirer.

Les yeux clos, la bouche entrouverte, elle enfouit les mains dans les boucles de Matthew, et ses hanches se mirent à onduler sous la caresse de plus en plus précise de sa langue audacieuse, de ses lèvres insatiables. Elle gémissait et il comprit que s’il continuait ils allaient

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atteindre l’orgasme. Mais il était trop tôt, beaucoup trop tôt! Ils avaient toute la nuit devant eux, et tant de caresses à échanger, de baisers à partager, de merveilles à découvrir ensemble... Il voulait prendre son temps, tout son temps, porter leur désir à son paroxysme avant de la faire enfin sienne.

Il se releva avec douceur et ils se regardèrent, les yeux brillant de la même émotion. Alors il lui prit le visage dans les mains et l’embrassa à pleine bouche, pour qu’elle goûte elle aussi la saveur du désir...

Enfin, d’un geste décidé, il prit Mia dans ses bras et la porta jusqu’au lit.

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6. Un rayon de lune inondait les draps immaculés.

Matthew y déposa Mia avec d’infinies précautions. Elle lui ouvrit les bras, et il obéit à son appel en la rejoignant aussitôt. Ils se lovèrent l’un contre l’autre et leurs bouches se joignirent de nouveau avec la même frénésie, comme s’ils ne pouvaient pas se rassasier de baisers. Il prit sa lèvre inférieure entre ses dents et mordilla la chair douce, d’abord délicatement, puis de plus en plus fort. Elle gémit, ivre d’émotion, et chercha sa langue. Leur baiser fut profond, intime, d’une sensualité torride, prélude à cette autre union plus intime encore qu’ils appelaient tous deux de tous leurs vœux.

De ses mains possessives, Matthew lui prit les seins. Sa peau satinée était si douce... Il les pétrit longuement, heureux de la voir se cambrer pour mieux lui offrir ses mamelons dressés.

— Tu aimes que je te touche? demanda-t-il d’une voix rauque.

— Oui, Matthew, gémit-elle. Mords-moi, je t’en prie... Sa supplique acheva de l’embraser. Il saisit un

mamelon entre ses dents et arracha un cri de plaisir à la jeune femme.

Le souffle court, le corps en feu, Mia se mit à caresser son amant avec avidité, comme si aucune parcelle de sa peau ne devait lui échapper. Elle joua avec la toison qui lui couvrait la poitrine, s’émerveilla de son ventre plat et musclé, puis descendit plus bas encore. Quand sa main se referma autour de son sexe dressé, elle frissonna d’émotion. Il était prêt pour elle, merveilleusement viril, si fort et puissant sous ses doigts...

Il frémit, en proie à un désir si violent qu’il craignit de ne pouvoir se retenir.

— Pas si vite, Mia, pas si vite... Il l’attrapa par les poignets et, lui relevant les bras au-

dessus de la tête, lui embrassa le cou, les seins. Puis il glissa la main entre ses jambes, et d’un doigt audacieux

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s’aventura en elle. Il retint un spasme de plaisir en sentant sa moiteur, en songeant que c’est lui et lui seul qui l’avait mise dans cet état, prête à l’accueillir au plus profond d’elle-même. Ses doigts s’attardèrent sur son clitoris, lui tirant un soupir d’extase, et bientôt sa bouche prit le relais de ses mains. Il l’embrassa, la lécha, la mordit, et le plaisir qu’il lui donna fut si intense qu’elle en trembla de tous ses membres.

Ivre de désir, il lui écarta les cuisses et resta un moment immobile à la contempler. Elle était si belle, ainsi offerte, si tentante, image même de la femme désirable et désirée, qu’il eut un serrement de cœur, il se sentait envahi par une extraordinaire tendresse pour cette femme qui lui donnait ce qu’elle avait de plus précieux. Il se pencha et embrassa l’intérieur de ses cuisses, puis, délicatement, les pétales de son sexe, s’étourdissant de son parfum. Puis, n’y tenant plus, il la pénétra lentement.

De ses jambes, Mia lui entoura les hanches pour mieux l’accueillir en elle. Leur danse d’amour commença, doucement d’abord, puis le rythme s’accéléra. Le désir si longtemps contenu en eux explosa. Plus rien n’existait que leurs deux corps enlacés, leurs souffles mêlés, cette vague qui montait en eux, annihilant tout sur son passage, tout sauf cette soif qu’ils avaient l’un de l’autre.

Les mains de Mia se crispèrent dans le dos de Matthew, mais il ne sentit pas ses ongles le griffer. Il se plongea dans son regard, la vit chavirer, et au moment où le plaisir s’abattait sur elle, la rejoignit dans un même cri.

* * *

Mia frissonna. Etait-ce la brise légère qui, depuis la fenêtre ouverte, apportait les senteurs fraîches de la nuit tropicale, ou plutôt ce retour aussi, violent que déstabilisant à la pénible réalité? Elle ouvrit les yeux,

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sentit le poids du corps de Matthew sur le sien, et son sang ne fit qu’un tour...

Avait-elle perdu la tête? De toute sa vie, elle n’avait fait l’amour qu’avec deux garçons : son premier flirt au lycée, et un camarade d’université avec lequel elle avait failli se fiancer. Et elle était sortie avec chacun d’eux pendant de longs mois avant de sauter le pas. Alors qu’elle ne connaissait Matthew Knight que depuis vingt-quatre heures... Matthew Knight, l’homme lancé à ses trousses pour la ramener de gré ou de force à Carthagène, le tueur à la solde de ceux qui voulaient absolument mettre la main sur ce qu’elle avait dissimulé dans son ordinateur...

Le souvenir des caresses impudiques de Matthew afflua tout à coup à sa mémoire et elle se sentit rougir.

Quelque chose dut alerter Matthew, qui s’éveilla brusquement.

— Qu’est-ce qu’il y a ? murmura-t-il. — Rien. Rien du tout... — Je suis trop lourd pour toi, dit-il en se dégageant. Elle voulut s’écarter mais il la prit dans ses bras et la

dévisagea longuement. — Salut..., fit-il en souriant. — Salut, répondit-elle avec un sourire forcé. Il l’embrassa avec une infinie douceur. Mia se sentit

défaillir. Comment un homme comme lui peut-il être aussi tendre? se demanda-t-elle, dévastée.

— Tu as l’air bizarre, murmura-t-il. Tout ça était trop rapide?

L’espace d’un instant, elle pensa qu’elle n’avait jamais rien vécu d’aussi extraordinaire que l’amour avec lui, mais elle se força à ne pas trahir son émotion.

— Non, rétorqua-t-elle d’une voix contenue. C’était bien.

Il s’écarta d’elle et resta silencieux un moment. — C’était bien..., répéta-t-il en lui lançant un regard

perplexe. Je vois... Sur une échelle de un à dix, combien donnerais-tu à notre performance? Quatre?

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Elle secoua la tête, au supplice. — Non, non, fit-elle. Je voulais juste dire... — ...que tu ne sais pas ce que tu fais ici, au lit avec

moi... Mia se sentait de plus en plus mal. — Je n’ai pas envie de parler de ça, Matthew, articula-

t-elle avec difficulté. Elle tenta de se dégager, mais il resserra son étreinte. — Moi non plus, parce que je n’ai pas plus de réponse

que toi aux questions que tu te poses..., lui glissa-t-il à l’oreille.

Il la fit rouler sur elle-même. Tout en plongeant son regard émeraude dans le sien, il la maintenait par les poignets.

— La seule chose dont je sois sûr, c’est que j’ai eu envie de faire l’amour avec toi à la seconde où je t’ai vue. Je ne sais pas qui tu es vraiment, Mia, je ne sais pas ce que tu caches ni pourquoi on te poursuit, mais je n’ai jamais eu envie d’une femme comme j’ai envie de toi.

Mia s’interdit de se laisser aller à la joie. Les paroles de Matthew n’avaient aucun sens, tenta-t-elle de se convaincre.

— Allons, Matthew, combien de fois as-tu dit ça à une femme? rétorqua-t-elle avec un cynisme amer.

Il lui ferma la bouche d’un baiser. Elle commença par se débattre, mais il insista, forçant la barrière de ses lèvres. Alors, vaincue par le désir qui se réveillait déjà en elle, elle répondit à son baiser.

— Tu vois, murmura-t-il, c’est la même chose pour toi...

— Non, c’est faux, c’est faux ! s’écria-t-elle, éperdue. Il s’écarta d’elle et lui lança un regard étrange. — C’est la première fois que je brise la règle que je me

suis fixé, Mia. Ne jamais mélanger vie professionnelle et vie amoureuse. En toute logique, je n’aurais jamais dû faire l’amour avec toi. Mais quand je suis face à toi, la logique n’a plus droit de cité...

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De ses doigts experts, il lui titilla un mamelon. Un spasme exquis traversa Mia, depuis la pointe de ses seins jusqu’à son sexe. Par quel miracle savait-il l’enflammer à chacune de ses caresses?

Il l’enlaça, mêla ses jambes aux siennes, et la pressa contre lui pour lui faire sentir la puissance de son érection. Alors elle oublia toute autre considération pour ne plus penser qu’au bonheur de le sentir bouger en elle de nouveau, de respirer son odeur mâle, de partir avec lui pour la plus merveilleuse aventure qu’un homme et une femme pouvaient vivre ensemble.

Ce fut aussi beau, aussi intense que la première fois. Quand, enfin, ils s’écroulèrent dans les bras l’un de l’autre, Mia avait les larmes aux yeux. Larmes de joie, de désespoir? Elle ne le savait pas elle-même, tant le flot de sentiments qui l’assaillait était tumultueux.

Matthew la serra contre lui, et elle sentit le battement de son cœur contre sa poitrine.

— Mia, murmura-t-il. Elle restait silencieuse, incapable de parler, de penser.

Plus tard, se dit-elle, elle affronterait les multiples questions qui se posaient à elle. Pour l’instant, elle ne souhaitait qu’une chose : se pelotonner contre la large poitrine de Matthew et s’endormir au creux de ses bras. Et c’est ce qu’elle fit...

Elle se réveilla en sursaut quelques heures plus tard.

Profondément endormi à côté d’elle, Matthew lui avait passé un bras autour de la taille et une de ses cuisses pesait délicieusement sur la sienne.

Mia ferma les yeux, envahie par l’émotion. Elle songea à ce qui s’était passé dans ce lit, à la façon dont elle s’était offerte à Matthew, encore et encore, au plaisir intense qu’ils s’étaient donnés, à la douceur de ses caresses, la tendresse de ses baisers.

Il avait révélé en elle la femme sensuelle qui sommeillait, libérant ses pulsions, l’encourageant à oser

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des gestes qu’elle n’avait même jamais imaginés auparavant.

Elle savait tout des deux hommes avec lesquels elle avait fait l’amour avant lui : elle connaissait leur famille, leurs projets, leurs goûts. Elle ignorait tout de Matthew et pourtant, elle avait eu la sensation merveilleuse, en s’unissant à lui, qu’ils ne faisaient plus qu’un, qu’il ne lui cachait rien.

Et pourtant, oui..., songea-t-elle alors avec une douloureuse amertume. Elle ne savait de lui qu’une chose, et cette pensée la glaça : il était chargé de la ramener à ceux qui la recherchaient et qui lui feraient payer cher, très cher, ce qu’elle avait fait.

La vérité, c’était qu’elle avait couché avec un inconnu à la solde de ceux qui voulaient la supprimer. A moins que Matthew lui-même n’ait été chargé de la sale besogne, se dit-elle tout à coup avec horreur.

Elle jeta un coup d’œil à son amant. Les yeux clos, la bouche entrouverte, il avait la beauté hiératique d’un éphèbe grec, et une émotion désormais familière l’envahit à la pensée des moments magiques qu’ils avaient partagés.

Mais elle avait déjà pris sa décision. Elle faillit se pencher pour l’embrasser une dernière fois mais, surmontant son désespoir, elle trouva la force de s’en empêcher. Avec mille précautions, elle parvint à s’extraire du lit et se glissa dans la salle de bains.

C’était là, seulement quelques heures auparavant, qu’ils s’étaient caressés pour la première fois, pensa-t-elle, le cœur brisé. Là qu’il l’avait déshabillée, qu’il s’était agenouillée devant elle, qu’il avait enfoui son visage contre son pubis...

Un frisson la parcourut à ce seul souvenir. Jamais, avant Matthew, elle n’avait imaginé que le sexe puisse être aussi enivrant, aussi magique...

Un an auparavant, elle menait la vie normale d’une secrétaire ordinaire au ministère de la Défense. Elle obéissait à ses supérieurs hiérarchiques, elle louait un

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petit appartement et sortait le samedi soir avec ses amies. Ainsi, elle oubliait peu à peu son enfance ballottée entre une mère alcoolique et un père absent. Elle ne cherchait qu’une chose : la stabilité, l’équilibre, la tranquillité...

Et puis, un jour, son patron l’avait fait appeler dans son bureau au seizième étage. « Prenez l’ascenseur réservé aux marchandises », avait-il précisé.

Etonnée, vaguement inquiète, Mia s’était exécutée. Que pouvait-on lui vouloir? Avait-elle démérité? Allait-elle être renvoyée?

Quelques instants après, elle plongeait dans un autre monde, un monde dont elle ne soupçonnait pas l’existence, un monde qu’elle croyait réservé aux romans policiers : le monde des services secrets...

Une assistante vêtue d’un élégant tailleur l’avait conduite dans un vaste bureau.

— Monsieur le Directeur, voici Mlle Palmieri, annonça-t-elle avant de s’éclipser. Mlle Palmieri, je vous laisse avec M. Gates.

Plus morte que vive, Mia s’était assise, comme le lui avait suggéré M. Gates, un homme au regard incisif et aux cheveux grisonnants.

— Mademoiselle Palmieri, je crois savoir que vous avez travaillé pour Douglas Hamilton pendant l’année qu’il a passée ici à Washington.

Il se pencha en avant et darda sur elle un regard magnétique.

— Mademoiselle Palmieri, reprit-il d’une voix solennelle, votre profil a retenu toute notre attention. Nous allons vous offrir la possibilité de servir votre pays...

Mia eut un sourire amer en se remémorant cette scène. Elle avait cru naïvement servir son pays, comme le formulait avec tant d’emphase M. Gates, mais en réalité on s’était servi d’elle. Elle n’avait été qu’un pion dans toute cette affaire, comme son aventure avec Matthew le prouvait.

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Une fois de retour dans la chambre, elle renonça à prendre ses vêtements : ils étaient posés si près de Matthew qu’elle le réveillerait à coup sûr en approchant du lit.

A l’autre extrémité de la chambre, son dressing était ouvert. Elle y piocha à la hâte un T-shirt et un pantalon. Trois fois trop grands pour elle, bien sûr, mais elle devrait s’en satisfaire, pensa-t-elle en roulant le tissu sur ses mollets. Quant aux chaussures, impossible de porter celles de Matthew. Elle se débrouillerait...

Son cœur battait à tout rompre quand elle quitta la chambre, munie de sa valise et de son sac. Quelques secondes plus tard, elle était dans le grand hall d’entrée. Le cœur battant, elle fit une pause et écouta. Avait-elle réveillé Matthew? Pas un bruit.

Elle se détendit un peu. Restait maintenant à trouver les clés, que Matthew avait déposées sur une console en marbre avant le dîner.

Elle s’approcha vers le meuble et s’aperçut avec stupéfaction que les clés n’y étaient plus. Pourtant, elle n’avait pas rêvé! Il les avait placées la, elle en était certaine.

Soudain, Mia crut que son cœur s’immobilisait dans sa poitrine. Elle se retourna lentement, plus morte que vive...

Matthew lui faisait face. Vêtu d’un simple jean, pieds nus, il la dévisageait d’un air narquois en balançant dans sa main tendue un trousseau de clés.

— C’est ce que tu cherches, chérie ? lança-t-il.

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7. Matthew éprouvait une intense satisfaction : l’effet de

surprise avait fonctionné à plein. Il s’était réveillé prêt à lui faire l’amour de nouveau,

tant il était incapable de se rassasier d’elle. C’était folie, il le savait, puisqu’elle était sa prisonnière, mais il la voulait. Pas seulement son corps, mais sa personne tout entière. Il souhaitait prendre le temps de la caresser, de la découvrir lentement en savourant chaque instant de son exploration. Faire l’amour avec elle était une expérience unique. Quand, le plaisir devenant incontrôlable, il avait vu dans ses yeux soudain voilés qu’elle était prête à basculer sur l’autre rive, il avait eu la sensation merveilleuse de se dépasser, de la rejoindre, de vivre un moment d’exceptionnel partage.

Puis elle avait bougé imperceptiblement, le tirant sans s’en rendre compte de son sommeil, et il avait cru naïvement qu’elle avait simplement besoin d’aller à la salle de bains. Mais à ses gestes furtifs, à ses regards inquiets, il avait compris qu’il se trompait. Elle s’apprêtait à fuir, tout simplement!

A cet instant, il avait réalisé à quel point il avait été stupide. Non content d’avoir une relation sexuelle avec celle qu’il était censé neutraliser, il s’était endormi nu entre ses bras, en lui laissant tout loisir de lui échapper. Et bien sûr, cela n’avait pas manqué...

Peut-être avait-elle décidé depuis le début de se laisser séduire, pour mieux l’avoir à sa merci, et tenter de profiter du moindre moment d’inattention de sa part. C’était bien calculé : à quelques secondes près son plan aurait pu marcher. Mais, heureusement pour lui, elle n’avait pas prévu qu’en bon professionnel, il ne dormait jamais que d’un œil...

— Matthew! bredouilla-t-elle, tétanisée. Tu es réveillé! Il garda le silence. — Je... J’étais juste en train de..., commença-t-elle. — Je sais, asséna-t-il. Tu cherchais mes clés.

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— Non, ce n’est pas ça! protesta-t-elle. A vrai dire, je cherchais mon sac...

Il eut un sourire cynique. — Celui que tu as sur l’épaule, vraisemblablement. Il s’avança d’un pas et elle recula vers le mur. Alors il

l’attrapa par les avant-bras. — Dis-moi la vérité, Mia ! lança-t-il d’une voix dure. Comme elle restait muette, il la plaqua sans

ménagement contre la paroi. — Tu as fait l’amour avec moi juste pour pouvoir

t’échapper, c’est ça? Les yeux de Mia lancèrent des éclairs. Pour toute

réponse, elle leva la main et le gifla de toutes ses forces. D’abord, il ne réagit pas. Puis il attrapa la jeune femme par le poignet et l’entraîna vers sa chambre à coucher.

— Tu as tort, lança-t-il avec un sourire cynique. A ce petit jeu, tu es perdante, ma jolie!

Malgré sa résistance, il réussit à la traîner jusqu’au lit. — Monte sur le lit, ordonna-t-il. — Ecoute-moi, je t’en prie ! supplia-t-elle. Il la poussa brutalement et elle se retrouva au milieu

du lit, terrorisée. — Ou tu te calmes, ou je t’enferme dans la chambre

forte, déclara-t-il. Et je pourrais bien t’y oublier en partant...

Dans un réflexe de fuite aussi dérisoire que désespérée, elle sauta du lit et se précipita vers le balcon. Mais Matthew avait activé la commande électronique de fermeture des portes : la baie vitrée ne coulissa pas.

— Retourne sur le lit, ordonna-t-il d’une voix menaçante. Allonge-toi et ne bouge plus.

Mia s’exécuta, la mort dans l’âme, tandis qu’il fouillait dans un tiroir. Il en sortit une paire de menottes, l’obligea à lever les bras et l’attacha par les poignets au montant du lit.

— J’aurais dû croire Douglas quand il me parlait de tes petits jeux pervers, murmura-t-il d’une voix sifflante. Je dois reconnaître que tu es assez douée pour éveiller le

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désir chez un homme. Une longue pratique, vraisemblablement...

— Matthew, balbutia-t-elle, au bord des larmes. Je te jure que...

— Tais-toi ! Mia retint un sanglot. Elle était morte d’angoisse, ses

bras levés au-dessus de sa tête lui faisaient mal, les menottes lui coupaient les poignets. Qu’allait-il faire? pensa-t-elle, atterrée. Comment l’homme qui lui avait si merveilleusement fait l’amour pouvait-il se transformer en un véritable tortionnaire?

Il enleva son jeans et la rejoignit sur le lit. — Non! s’écria-t-elle en se recroquevillant comme elle

le put sur elle-même. Ne fais pas ça! Un sourire étrange se dessina sur les lèvres de

Matthew. — Pas quoi ? fit-il. Il approcha une main, lui palpa un sein, puis glissa

vers l’intérieur de ses cuisses. Elle ne put retenir un gémissement. Mais cette fois-ci, c’était un gémissement de peur, et non de plaisir.

— Tais-toi, répéta-t-il d’une voix dure. Ou je te bâillonne.

Elle serra les dents et se tut. Satisfait, il s’allongea et lui tourna le dos.

* * *

Quelques secondes après, elle entendit son souffle régulier. Il dormait comme un enfant...

Matthew dormit vingt minutes, exactement comme il l’avait prévu, et se réveilla parfaitement dispos. Quand il était dans les Forces spéciales, son frère Cameron lui avait appris comment dissocier corps et esprit dans les situations extrêmes, technique qu’il possédait à présent parfaitement. Il s’endormait quand il le voulait, pour la durée qu’il avait décidée. Grâce à Cameron, il avait la maîtrise de ses émotions, ce qui s’était avéré souvent

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utile dans l’exercice périlleux de son métier d’agent secret.

Mais avec Mia, en matière de contrôle de ses pulsions, il devait bien reconnaître qu’il avait été au-dessous de tout...

Comment la forcer à avouer la vérité sur ses rapports avec Hamilton, sur sa responsabilité dans le trafic de drogue? se demandait-il, perplexe.

En tout cas, il devait se méfier d’elle comme de la peste et ne plus jamais lui faire confiance, songea-t-il. Elle l’avait attiré dans ses filets sans qu’il lui oppose la moindre résistance, et s’il ne s’était pas réveillé au bon moment, elle aurait été loin à l’heure actuelle.

Il se concentra, réfléchissant à la meilleure stratégie à adopter. Mais bientôt, son attention fut distraite par un bruit étrange. Un bruit presque imperceptible, juste à côté de lui. Le bruit de quelqu’un qui pleurait...

Mia pleurait aussi discrètement que possible, mais il n’avait aucun doute sur la nature de ce qu’il entendait.

« Qu’elle pleure! » pensa-t-il, la première surprise passée. Il n’allait tout de même pas s’apitoyer sur son sort après la façon dont elle s’était jouée de lui!

Il se força à ne pas penser à ce qu’ils faisaient sur ce même lit quelques heures auparavant, aux gémissements de plaisir de Mia quand il la pénétrait encore et encore, à la contracture de ses muscles quand il était en elle, à la façon dont elle ondulait sous lui en criant son nom...

Le visage en feu, il se redressa brusquement et lui jeta un regard sans concession. Elle avait la tête baissée sur sa poitrine, les bras toujours en l’air, et il ne pouvait voir son visage.

— Arrête de pleurer ! asséna-t-il durement. Elle se figea et il sentit qu’elle faisait un effort

désespéré pour contrôler ses sanglots. Sans grand résultat, car elle hoqueta de plus belle.

Partagé entre l’exaspération et la compassion, incapable de supporter ce spectacle plus longtemps, il bondit hors du lit et se précipita dans la salle de bains.

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Penché sur le lavabo, il resta un long moment à regarder son reflet dans la glace. Il avait l’air de revenir de l’enfer, pensa-t-il en notant ses traits tirés, son regard fébrile, les cernes qui lui ombraient les yeux. Etait-ce Mia qui l’avait mis dans cet état? Quand donc saurait-il exactement ce que cachait toute cette histoire? Pour la première fois de sa vie professionnelle, il était le jouet des événements, et cette sensation lui était insupportable. D’habitude c’était lui, Matthew Knight, qui dictait la règle du jeu, alors comment se faisait-il que les rôles soient ainsi renversés?

Brusquement, il décida d’en avoir le cœur net. Il ne pouvait pas continuer à soupçonner Mia du pire alors qu’elle protestait de son innocence. Quelqu’un mentait : elle ou Hamilton. Il voulait la vérité, et il l’aurait. Si elle avait vraiment trempé dans un trafic de drogue, il la livrerait à Hamilton. Sinon... il aviserait...

Il prit une douche rapide qui le détendit un peu. Puis, une serviette nouée autour de ses hanches, il retourna dans la chambre. Mia était toujours dans la même position, les poignets attachés au montant du lit, la tête baissée.

Il alluma la lumière et elle releva brusquement la tête. La trace de ses larmes sur ses joues était encore visible, mais dans son regard brillait un éclat de défiance que Matthew ne put qu’admirer. Même dans cette situation difficile, elle ne s’avouait pas vaincue.

Il avança vers elle et lui libéra les bras. Elle les baissa lentement, avec un gémissement de douleur qui le bouleversa. Elle ne jouait pas la comédie : elle souffrait réellement. De nouveau un sentiment de compassion s’empara de lui.

— Dans quelques secondes, la douleur sera passée, expliqua-t-il.

Elle ne répondit pas. Il posa les mains sur les épaules de la jeune femme et commença à lui masser les bras, mais elle se dégagea brutalement.

— Ne sois pas stupide! dit-il. Un massage rétablira plus vite la circulation.

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Mia finit par se laisser faire, sans articuler la moindre parole. Elle était inerte, visiblement choquée, et Matthew regretta de l’avoir attachée.

— Tu n’aurais pas dû te débattre, murmura-t-il d’un air soucieux. Les menottes t’ont blessée...

Mia resta muette. — Tu te sens mieux ? demanda-t-il. De nouveau, sa seule réponse fut le silence. Comment

rétablir la communication entre eux? pensa-t-il, décontenancé. Il ne supportait pas de la sentir ainsi absente.

Ses mains étaient glacées. Il les prit entre les siennes pour les réchauffer. Pourquoi était-elle frigorifiée? se demanda-t-il avec inquiétude. Il ne faisait pas froid dans la chambre, bien au contraire, et le mince filet d’air que donnait le ventilateur au plafond était même bienvenu.

Il lui effleura la joue et constata avec inquiétude qu’elle était aussi gelée que ses mains... Il scruta ses traits : elle ressemblait à un spectre, mais ses yeux affolés, ses traits crispés, sa pâleur, montraient à quel point elle était traumatisée.

Tout à coup il grommela un juron entre ses dents et, cédant à une brusque pulsion, la prit dans ses bras.

Alors, comme sous l’effet d’une baguette magique, elle sembla revenir à la vie : retrouvant immédiatement toute sa pugnacité, elle se mit à taper des poings contre la poitrine de Matthew. Enfin rassuré, il ne put s’empêcher de sourire devant sa réaction. Mia était décidément pleine de ressources insoupçonnées...

— Tout doux ! lança-t-il. Il la serra plus fort contre lui pour la neutraliser mais

elle se débattait comme une tigresse : ils tombèrent enlacés sur le lit. Elle profita de cette position inconfortable pour l’attraper par le menton et le griffer.

— Je t’ai dit que je ne te ferai pas de mal! s’écria-t-il. Calme-toi, voyons!

Il lui attrapa les mains et la neutralisa. Elle tremblait toujours...

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De froid, de rage, de peur? Il ne savait pas, mais cette fois il était décidé à la calmer. Alors, avec une infinie douceur, il l’attira à lui et l’enlaça. Puis il lui caressa le front lentement, délicatement, comme si elle avait été un nourrisson dont il aurait voulu apaiser les pleurs.

Peu à peu, elle cessa enfin de lutter. Il sentit ses muscles se détendre, son corps se réchauffer, son tremblement s’atténuer.

Dieu que c’était bon de la tenir de nouveau dans ses bras! pensa-t-il. Il ferma les yeux, enfouit son visage dans ses cheveux bouclés et inspira profondément pour s’imprégner de son délicieux parfum. Avec une profonde émotion, il sentait son cœur battre tout contre le sien. Exactement au même rythme...

Un jour – il devait avoir onze ou douze ans – il montait à cheval avec ses frères, absorbés qu’ils étaient tous trois par leur jeu favori de l’époque : jouer aux Comanches, en hommage inconscient à la grand-mère qu’ils n’avaient jamais connue.

Soudain le cheval de Matthew avait fait un écart. Déjà bon cavalier malgré son jeune âge, il avait réussi à maîtriser sa monture. Puis, prudemment, il avait inspecté l’herbe rase à la recherche d’un serpent à sonnette, que tous craignaient aux alentours du ranch familial. Mais à sa grande surprise, c’est un nid tombé à terre qu’il avait trouvé. Et dans ce nid, le plus petit des oisillons, émouvante boule de plumes, précieuse étincelle de vie. Il avait sauté à bas de son cheval, pris l’oiseau dans sa main et, tout attendri, senti son petit cœur battre de terreur. Ni l’un ni l’autre ne savait que faire... Alors, avec mille précautions, il avait posé le nid sur une branche pour y installer l’oiseau. Quand il était revenu deux jours plus tard, il avait ressenti son premier grand chagrin : son protégé était mort...

Plus de vingt ans après ce moment qu’il n’avait jamais oublié, il semblait à Matthew que le cœur de Mia battait aussi vite que celui de l’oiseau tombé du nid...

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Il s’efforça de contrôler l’émotion qui le gagnait inexorablement. Peut-être était-elle l’être faux qu’avait décrit Hamilton, se dit-il. Mais peut-être avait-elle de bonnes raisons pour expliquer sa fuite... Peut-être suffisait-il de l’interroger, de la mettre en confiance pour qu’elle lui dise enfin la vérité.

— Mia, murmura-t-il alors, je suis désolé de t’avoir fait peur.

Elle leva vers lui un regard perdu. — Douglas t’a menti, expliqua-t-elle d’une voix à peine

audible. Je n’ai jamais été liée ni de près ou de loin à un quelconque trafic de cocaïne.

Matthew lui prit le visage entre les mains et embrassa ses joues mouillées de larmes. Puis il lui effleura le front d’un baiser furtif et l’attira tout contre lui. Il la sentit s’abandonner tout entière à son étreinte. De l’index, il dessina la ligne pure de son menton. Il se sentait bouleversé par sa douceur, sa vulnérabilité.

Il inspira pour mieux se pénétrer de son parfum enivrant, et le désir familier se réveilla en lui. Comment réagirait-elle s’il cherchait de nouveau ses lèvres? songea-t-il avec fébrilité. Répondrait-elle à son baiser? Il cessa de réfléchir. Juste un baiser, pensa-t-il, et je la laisse en paix.

— Mia..., murmura-t-il d’une voix rauque. Il se pencha sur elle et trouva les lèvres qu’elle lui

offrait. Leur baiser fut si intense qu’il les laissa le souffle court. Une vague de chaleur envahit Mia quand Matthew glissa ses mains sous son T-shirt et lui prit les seins. Un spasme de plaisir la fit onduler, et elle se cambra pour mieux lui offrir sa poitrine déjà gonflée par le désir. Mais dans un éclair de lucidité, elle s’écarta de lui, le visage en feu, le regard égaré.

— Non, il ne faut pas! s’écria-t-elle d’une voix étranglée. C’est de la folie, je ne sais rien de toi, je...

Un éclair de désespoir étincela dans ses yeux sombres, et elle ne put achever. Alors, incapable de contrôler les forces irrépressibles qui la poussaient vers lui, elle

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entoura de ses mains le visage de Matthew et le couvrit de baisers.

Pris de la même frénésie, ils se déshabillèrent mutuellement avec des doigts rendus malhabiles par l’impatience.

Quand elle l’accueillit en elle, éperdue de joie, des larmes d’émotion perlaient à ses yeux.

Nul besoin de techniques de concentration pour

s’endormir après avoir fait l’amour avec Mia, songea Matthew quand il se détacha enfin d’elle, épuisé et comblé. C’était une expérience si merveilleuse, si intense, si riche, que le sommeil viendrait tout naturellement... à condition toutefois qu’il s’endorme en la serrant dans ses bras.

Peu lui importait les questions qui restaient sans réponse, peu lui importait ses rapports avec Hamilton et la cocaïne : à cet instant, plus rien ne comptait que le bonheur simple de la sentir chaude et douce contre lui...

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8. Le pépiement des oiseaux qui commençaient à

chanter avec la première lueur de l’aube tira Mia de son sommeil. Le bras de Matthew était passé autour de sa taille, sa main posée sur son sein, son souffle lui caressait la nuque... Dans son dos, elle sentait son sexe dur, dressé, prêt à la satisfaire encore et encore.

Elle bougea légèrement. Alors, sans changer de position, il la saisit par les hanches et la pénétra doucement. Elle se cambra de plaisir, tandis que ses mouvements en elle se faisaient plus rapides, jusqu’à l’accomplissement ultime, cette joie fulgurante qui, au même moment, explosa en eux.

Longtemps après, il la fit se tourner vers lui. Les yeux brillant d’émotion, elle se plongea dans son regard vert émeraude et lui caressa la joue avec une infinie tendresse. Il lui prit la main et déposa un baiser au creux de la paume. Puis, quand elle se fut endormie, il resta longtemps à la contempler, perdu dans ses pensées.

Le soleil était à son zénith quand Matthew ouvrit les

yeux. Il s’émerveilla que Mia soit toujours dans ses bras, et songea que sa présence le réconciliait miraculeusement avec cette maison qu’il s’était mise à détester après la mort d’Alita.

Alita... Saurait-il protéger Mia mieux qu’il n’avait protégé Alita? Car à l’évidence, elle fuyait un danger, quelque chose ou quelqu’un qui la terrorisait. Il était persuadé à présent que ce n’était pas un problème de drogue.

Mais alors, de quoi s’agissait-il? Pourquoi Hamilton avait-il menti? Et pourquoi souhaitait-il à tout prix la récupérer?

Il devait trouver la réponse à ces questions, car c’est à ce prix seulement qu’il pourrait la protéger. Elle avait besoin qu’il la défende. Elle avait besoin de lui...

Et lui avait besoin d’elle.

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Non! protesta-t-il intérieurement, repoussant cette idée avec violence. Il n’avait jamais eu besoin de personne, et il n’allait pas commencer avec Mia! Il la désirait, oui, comme il n’avait jamais désiré aucune femme, mais elle n’était pas nécessaire à son équilibre.

Il se leva brusquement, enfila son jean et quitta la chambre d’un pas vif.

Mia rêvait. Elle marchait dans un interminable couloir avec

Matthew. Elle lui demandait où ils allaient, mais il ne lui répondait pas. Au bout du couloir, on distinguait une silhouette. Une silhouette sans visage, mais elle savait de qui il s’agissait. Elle suppliait Matthew de faire demi-tour, implorait sa pitié, mais il ne l’écoutait pas. Sa main dans la sienne, il l’entraînait inexorablement vers l’homme sans visage qui les attendait à l’extrémité du couloir...

Elle se réveilla en sursaut, haletante. Le soleil pénétrait à flots par la fenêtre ouverte, et sur l’oreiller à côté d’elle, elle aperçut une magnifique orchidée rose pâle.

Les dernières visions de son cauchemar s’évanouirent comme par enchantement et elle saisit délicatement l’orchidée que Matthew avait déposée pour elle avant de quitter le lit. Brusquement, le souvenir de leur nuit d’amour la submergea, avec ses moments de passion, de tendresse, de sensualité torride. Matthew était un magicien, pensa-t-elle, un magicien qui savait jouer de chaque fibre de son corps comme un musicien tire les sons les plus somptueux de son violon.

Un sourire de bonheur se dessina sur ses lèvres et elle se leva. Après une douche rapide – elle avait hâte de retrouver Matthew – elle se dirigea vers la cuisine, guidée par une bonne odeur de café.

Il était là, face au jardin, les deux mains dans son short kaki, solidement campé sur ses jambes hâlées, ses cuisses puissantes. Un frisson sensuel la parcourut

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quand elle songea que ce magnifique athlète était son amant et qu’il lui avait fait l’amour toute la nuit.

Il se retourna brusquement. L’expression de son visage était impénétrable, et elle se rappela soudain qu’au-delà de leurs étreintes passionnées, de cette émotion presque insoutenable qu’elle éprouvait en sa présence, elle ne savait toujours rien ni de lui, ni de la nature réelle de ses rapports avec Hamilton.

— Bonjour, murmura-t-il. Ses traits s’adoucirent et un sourire presque tendre se

dessina sur ses lèvres. Quand il lui ouvrit les bras, Mia s’y lova avec délices.

— Désolée d’avoir dormi si tard, murmura-t-elle. — Tu peux être désolée, renchérit-il. Je suis affamé... — Tu n’aurais pas dû m’attendre pour manger... — Je ne parle pas de ça, fit-il, amusé. C’est de toi que

j’ai faim. Il la prit par la taille et l’entraîna vers la galerie de bois

qui courait tout autour de la maison. La végétation tropicale offrait au regard son exubérance et ses fleurs aux couleurs vives, et mille senteurs exotiques emplissaient l’air.

— C’est magnifique, murmura-t-elle, admirative. Evalina était déjà repartie au marché local, mais elle

leur avait préparé un alléchant petit déjeuner sur une table ronde, à l’ombre fraîche d’un manguier. Après s’être installés sur des fauteuils en rotin garnis de coussins moelleux, ils attaquèrent avec appétit salade de fruits et muffins.

— On a vraiment l’impression d’être au bout du monde ici, s’exclama Mia, et c’est délicieux!

— Les peuplades locales appelaient cette colline le Pays du Ciel, expliqua Matthew.

— Tout est à toi ? — Quelques centaines d’hectares. — Comment as-tu découvert cet endroit magique ? — J’ai rencontré l’ancien propriétaire au cours d’un

déplacement professionnel, précisa-t-il.

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— Professionnel ? Que faisais-tu exactement ? A peine eut-elle prononcé ces paroles qu’elle les

regretta. Elle ne voulait à aucun prix risquer de le braquer en se montrant trop curieuse.

— Désolée, enchaîna-t-elle alors à la hâte, je ne voulais pas être indiscrète.

Le sourire de Matthew la rassura. Il avança la main et la posa sur la sienne.

— Tu n’as pas à t’excuser, murmura-t-il. Sache simplement que cette maison est associée pour moi à un mauvais souvenir.

Une ombre voila soudain le vert de son regard, et il se tut. A quoi pensait-il? se demanda Mia. Elle aurait donné cher pour le savoir!

— Pourquoi parler de moi? reprit-il. C’est toi qui m’intéresses!

Mia s’efforça de masquer son malaise. Il fallait absolument trouver un autre sujet de conversation, car à l’évidence, Matthew allait lui poser des questions auxquelles elle ne voulait ni ne pourrait répondre.

— Il n’y a pas grand-chose à raconter sur moi, fit-elle observer, évasive.

Matthew porta à sa bouche la paume de Mia. — Je suis sûr que si! Par exemple, quel est ton acteur

préféré, ton film culte, le pays où... Elle s’efforça de sourire, de plus en plus mal à l’aise. — Tout ça n’est pas passionnant, il me semble... Il la scruta longuement, accentuant encore sa

nervosité. — Si! insista-t-il, soudain sérieux. J’ai des milliards de

questions qui me viennent à l’esprit. Il fit une pause, et son regard se fit plus insistant

encore. — Et parmi une, celle-ci, reprit-il d’une voix coupante

: pourquoi Hamilton veut absolument retrouver ta piste...

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Un silence tendu s’instaura entre eux. Matthew retira sa main et se pencha en avant, les deux coudes sur la table.

— Venons-en au fait, poursuivit-il en dévisageant la jeune femme avec acuité. Cette question me taraude depuis le début et je suis prêt à affronter la vérité, quelle qu’elle soit. D’abord, qu’est-ce qui t’a amenée en Colombie?

La gorge nouée, Mia hésitait, au supplice. Devait-elle se confier à lui, lui expliquer que sans avoir compris ce qui lui arrivait, elle s’était trouvée propulsée du statut de simple assistante à celui d’agent secret? Devait-elle lui révéler ce qu’elle avait promis de ne jamais confier à personne?

— C’est une question simple. Qui appelle une réponse simple, fit-il observer en la guettant du regard. Je mérite ta franchise, tu ne crois pas?

Cette dernière remarque emporta sa décision. En effet, il avait le droit d’être mis au courant de la situation. Au moins partiellement...

— Tu vas avoir du mal à me croire, balbutia-t-elle, le cœur battant à tout rompre. Pour être brève, sache que j’étais assistante au ministère de la Défense, et que du jour au lendemain, on m’a demandé de faire de l’espionnage...

Il fronça les sourcils. Désespérée, Mia en conclut qu’il ne la croyait pas. Alors, elle lui raconta tout, depuis son premier rendez-vous avec le chef des services secrets jusqu’à son installation chez Hamilton à Carthagène. Mais du reste, et surtout de ce qu’elle cachait dans son sac, elle ne souffla mot...

Matthew ne paraissait pas convaincu. — Hamilton a donc voulu que tu viennes en Colombie,

coupa-t-il d’une voix glaciale. N’essaie pas de me faire croire qu’il n’y a pas une explication à tout ça! Une explication d’ordre privé dont tu préfères ne pas parler...

Mia lui lança un coup d’œil courroucé. Comment pouvait-il mettre sa parole en doute alors qu’elle lui

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disait enfin la vérité? Ne pouvait-il donc pas lui faire confiance, au moins une fois?

— Je n’aime pas le ton de suspicion sur lequel tu t’adresses à moi, déclara-t-elle.

— Je n’aime pas les gens qui fuient quand les questions deviennent trop embarrassantes, rétorqua-t-il d’une voix cinglante.

Elle se leva brusquement et ils se défièrent du regard. Puis elle se dirigea sans un mot vers l’intérieur de la maison, mais il se leva à son tour et la rattrapa par l’épaule.

— Il y a quelque chose entre toi et Hamilton? demanda-t-il d’une voix sifflante.

— J’ai déjà répondu à cette question. — Il dit que oui. — Grand bien lui fasse... — Tu as couché avec lui ? Elle le nargua du regard. — Si tel était le cas, en quoi cela te regarderait-il?

rétorqua-t-elle. — Je considère que ça me regarde, décréta-t-il d’une

voix qui n’admettait pas la réplique. — Eh bien tu as tort. Mon passé n’appartient qu’à moi,

expliqua-t-elle posément. Elle était si calme tout à coup, que la tension de

Matthew baissa d’un cran. — Tu as raison, admit-il de mauvaise grâce. O.K. pour

ton passé. Mais pour le présent et l’avenir, attention! Si tu oses seulement regarder un autre homme, je...

Alors, submergé de passion, il se pencha vers elle et l’embrassa.

L’espace d’un instant, Mia s’interdit de répondre à son baiser, mais son corps refusa de lui obéir. Cet homme la rendait folle, pensa-t-elle, éperdue. Quand il la touchait, c’était comme s’il l’embrasait... Vaincue, elle lui mit les mains autour du cou, renversa la tête en arrière et lui offrit sa bouche.

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Pendant une fraction de seconde, Matthew songea qu’il était insensé de revendiquer un droit sur la vie future d’une femme dont il ne savait rien et dont, en toute logique, il devait se méfier comme de la peste. Mais le désir en lui était si violent qu’il oublia bientôt cette évidence dérangeante.

Quelques minutes plus tard, il ne pensait plus à Hamilton et aux services secrets : il tenait de nouveau Mia dans ses bras, il s’enivrait de sa féminité, et cela seul comptait...

Dans l’après-midi, Matthew suggéra une promenade.

Il allait lui faire découvrir un lieu magique, assura-t-il à Mia, sans lui donner plus d’explications.

Aussi l’effet de surprise fut-il total quand, après une petite demi-heure de marche dans l’épaisse forêt tropicale, Mia découvrit, nichée dans son écrin de verdure, une cascade d’une hauteur impressionnante qui déversait ses flots limpides le long d’une paroi rocheuse. Un bassin naturel aux eaux cristallines creusé dans le rocher blanc invitait irrésistiblement à la baignade.

— On dirait le jardin d’Eden..., murmura-t-elle, éblouie.

— Oui, renchérit-il. Ici, on est loin du monde et de ses turpitudes, n’est-ce pas?

Mia lui glissa un regard de côté, aussi étonnée par ce qui ressemblait à une confidence que par l’amertume de sa remarque. Enfin, il se livrait un peu...

D’un geste preste, Matthew retira son T-shirt et lança à Mia un coup d’œil complice.

— On se baigne ? — Tu es sûr qu’il n’y pas de serpents? demanda-t-elle,

soudain méfiante. Il éclata de rire. — Mais non, idiote! s’exclama-t-il. Ici, on est loin de

l’Amazone et de ses anacondas. L’eau est si claire que tu n’auras aucune mauvaise surprise, crois-moi.

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— Tu te baignes nu ? demanda-t-elle, encore hésitante.

— Evidemment! Je ne risque pas de choquer grand monde, à part les oiseaux... et toi, ajouta-t-il en ôtant son jean et son caleçon.

Il apparut alors dans toute la splendeur de sa fascinante virilité, attirant le regard de Mia comme un aimant. Tout était parfait en lui, d’une sensualité torride, se dit-elle, éblouie : sa large poitrine, ses hanches étroites, ses interminables jambes et...

— Ce n’est pas juste, murmura-t-il d’une voix rauque, je suis nu et pas toi. Laisse-moi te déshabiller, Mia.

Il s’avança vers elle. — Je peux le faire toute seule ! protesta-t-elle. — Avec moi, ce sera encore mieux, tu vas voir, assura-

t-il... Il avait raison, pensa-t-elle quelques secondes plus

tard. Avec délicatesse, il lui retira son chemisier, lui dégrafa son soutien-gorge et libéra ses seins. Puis, de ses doigts impatients, il lui ôta son short, sa culotte, et resta un instant en arrêt devant le spectacle émouvant de sa chute de reins.

— Tu es si belle, murmura-t-il en la serrant contre lui. Elle s’abandonna à son étreinte puissante, les seins

pressés contre sa large poitrine, et plaqua son bassin contre le sien pour mieux sentir l’intensité de son désir. Il était dur, dur pour elle, pensa-t-elle, émerveillée d’attiser en lui un désir si violent, de se sentir si femme entre ses bras. Jamais elle ne pourrait se rassasier de lui.

Une vague de chaleur l’envahit et elle ondula contre lui dans une invite ancestrale à l’acte d’amour. Elle était prête aussi, prête à l’accueillir en elle encore et encore, jusqu’au plus profond.

— Tu es ensorcelante, murmura-t-il en glissant un genou entre ses cuisses.

Elle eut un spasme de plaisir et écarta les jambes pour mieux le sentir contre elle. Le désir montait en eux, violent, irrépressible.

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Alors, titubant, accrochés l’un à l’autre comme des nageurs en perdition, ils s’approchèrent d’un arbre. Matthew plaqua la jeune femme contre le tronc moussu, la saisit par les hanches et la pénétra si violemment qu’elle poussa un cri.

De surprise d’abord, puis de plaisir, un plaisir si fort que Mia eut l’impression de découvrir une autre dimension à l’acte d’amour. Elle serra les jambes autour des hanches de Matthew pour mieux s’offrir à lui, pour le laisser entrer en elle encore plus profond.

Plus rien n’existait que le bruit lancinant de la cascade, les rayons du soleil sur leurs corps enlacés, l’odeur enivrante de la terre, et cette sensation merveilleuse de ne faire plus qu’un avec Matthew, d’être en symbiose avec l’exubérante nature tropicale.

Le rythme de leur danse d’amour s’accéléra encore, jusqu’à l’extase finale, et leur cri retentit dans la clairière.

Puis ils se détachèrent à regret l’un de l’autre, éblouis par la violence et l’intensité de ce qu’ils venaient de vivre.

— C’était extraordinaire, Mia, balbutia Matthew en glissant un doigt sur la peau moite de la jeune femme, sur ses lèvres gonflées par leurs baisers. Jamais auparavant je...

— Moi non plus, le coupa-t-elle, bouleversée. Dans les arbres, les oiseaux pépiaient sans cesse,

comme s’ils participaient à leur bonheur, à cette expérience magique qu’ils venaient de vivre.

— Mia..., fit-il d’une voix rauque. Elle leva vers lui un regard d’adoration. — Oui ? — Je suis heureux de t’avoir trouvée... — Je suis heureuse que tu m’aies trouvée... Il eut l’impression que, de joie, son cœur allait éclater

dans sa poitrine. Alors, il l’embrassa encore et encore, et de nouveau le temps s’arrêta, le monde cessa de tourner. Elle était là, dans ses bras, et le reste n’existait plus...

— On se baigne ? suggéra-t-il enfin. — Elle doit être froide, tu ne crois pas ?

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Pour toute réponse, il la prit dans ses bras et plongea avec elle dans l’eau cristalline. Elle se débattit et émergea en riant de l’eau claire, le visage ruisselant, les cheveux trempés. Son sourire était radieux, ses yeux brillaient de mille feux, et Matthew songea qu’il aurait voulu que cet instant ne cesse jamais.

— Mia, murmura-t-il, Mia... Leurs rires à tous deux se figèrent et ils

s’immobilisèrent, le visage empreint d’une soudaine gravité.

— Matthew, balbutia-t-elle, bouleversée. Il se pencha vers elle et lui prit la bouche. Ses lèvres

étaient tièdes après la fraîcheur de l’eau, son corps fort et dur contre le sien, songea Mia.

C’est à cet instant qu’elle comprit, aussi sûrement que l’eau tombait de la cascade depuis la nuit des temps, que le soleil se levait, aussi ardent, chaque matin, qu’elle l’aimait de tout son être...

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9. Les jours succédaient aux nuits. Pour les deux amants,

il n’y avait ni montre à regarder, ni règle à observer, ni regard à redouter. Ils se suffisaient l’un à l’autre...

Leurs journées s’écoulaient en mille plaisirs partagés : les délicieux repas préparés par Evalina, les longs bains dans le bassin, les soirées sur la terrasse au clair de lune, et bien sûr les nuits sans fin qui les laissaient épuisés, le corps douloureux après tant de caresses et de baisers. « Tu aimes ça? » murmurait Matthew en lui mordillant les seins. « Et ça? » ajoutait-il en lui écartant doucement les cuisses pour mieux la contempler.

Elle s’abandonnait tout entière, heureuse de lui offrir son corps de femme dans ce qu’il avait de plus intime, l’essence même de sa féminité. L’harmonie entre eux était telle que la pudeur n’avait plus droit de cité. Il n’y avait aucune barrière à leur amour, et leur soif de tout posséder l’un de l’autre les poussait aux gestes les plus audacieux.

Une nuit, sur la terrasse, Mia se déshabilla lentement sous les rayons de la lune, pour lui, rien que pour lui. Quand elle fut nue devant lui, elle le provoqua avec un sourire mutin et des mouvements lascifs : il se mit à se dévêtir à son tour, poussé par un désir incontrôlable. Il la voulait, là, sur le sol de la terrasse, tout de suite.

— Attends, murmura-t-elle, en s’asseyant sur lui à califourchon. Laisse-moi faire...

Il eut toutes les peines du monde à lui obéir. Elle se pencha sur lui : ses seins lourds devant ses yeux étaient un supplice de Tantale, ses mamelons durcis une invite aux baisers. Mais il se contint...

Elle se mit à lui enlever ses vêtements l’un après l’autre, avec une lenteur calculée, pour attiser un peu plus encore le feu qui brûlait en lui. Quand il fut enfin nu, arrogant de virilité, elle se pencha sur son sexe et joua longuement avec lui, de ses doigts caressants d’abord, puis de ses lèvres gourmandes, de sa langue

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experte. Il se cambra, ivre de désir, inondé d’un plaisir si aigu qu’il en était presque douloureux.

Alors elle le guida en elle. Puis, la tête renversée en arrière, les seins dressés, elle ondula sur lui jusqu’à ce que, n’y tenant plus, il la fasse rouler sous lui et la pénètre encore et encore. Elle cria son nom au moment où il s’effondrait sur elle dans un gémissement.

Longtemps après, elle voulut s’écarter de lui mais il l’en empêcha. Il voulait rester en elle, s’endormir en elle. Il la serra contre lui et fondit d’attendrissement en la sentant peu à peu s’endormir dans ses bras.

Il regarda la lune à son zénith et songea que de sa vie il n’avait jamais rien vécu d’aussi beau que ces quelques jours avec Mia. Depuis qu’il l’avait rencontrée, sa vision du monde avait changé, songea-t-il. Que lui arrivait-il? Il n’aurait su le dire, mais pour la première fois de sa vie il avait l’impression que son existence avait un sens...

Une autre journée commençait, riche de promesses

comme les précédentes. Cette fois, Matthew emmena Mia dans un petit village andin où ils dégustèrent de délicieuses tortillas. Un bijoutier ambulant proposait sa production et Mia s’arrêta devant une broche en forme d’aigle joliment ciselée.

— C’est pour toi! s’exclama Mia avec un petit clin d’œil complice. Assorti à ton tatouage!

Matthew sourit. — Tu ne l’aimes pas ? demanda-t-il, vaguement

inquiet. — Si, j’adore! Avec tes fesses musclées, tu peux te

permettre le tatouage le plus excentrique! Tu l’as depuis longtemps?

— Oui, c’est un vieux souvenir, précisa-t-il, un peu gêné. Un pari stupide avec mes frères. Cameron venait d’avoir son bac, et il m’a défié en m’assurant que je n’oserais pas me faire tatouer la fesse. Et moi, je l’ai pris au mot! Il voulait que je choisisse une tête de mort, mais j’ai insisté pour l’aigle. Plus sexy, tu ne trouves pas?

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Mia sourit, attendrie. — Du coup, poursuivit Matthew, Cameron et Alex ont

fait la même chose... La fin justifie toujours les moyens... — C’est un lien entre vous qui ne s’effacera jamais, fit

observer Mia, pensive. Moi qui suis fille unique, ça me fait rêver...

Ils passaient devant une boutique de vêtements et Mia

s’arrêta un instant pour admirer une robe de soie orange. — Entrons, fit Matthew. Je veux te l’offrir. — Mais non, tu es fou ! Il l’attira à lui et l’embrassa sous le regard attendri de

la vendeuse, une Indienne d’âge mûr. — Oui, fou de toi, lui murmura-t-il à l’oreille. Je

m’imagine déjà défaisant un à un chacun des boutons de cette robe quand tu la porteras, glissant la main sur tes seins, entre tes jambes...

Une onde de désir envahit la jeune femme et le rouge lui monta aux joues. Elle était si réceptive à tout ce qui venait de Matthew qu’il pouvait presque lui faire l’amour avec des mots...

Il la dévisagea avec adoration, fier et ému de ce pouvoir qu’il avait sur elle. Elle est à moi, pensa-t-il, rien qu’à moi.

Et c’est là qu’il admit enfin l’évidence : cette étrange sensation qu’il éprouvait en sa présence, ce besoin inextinguible qu’il avait d’elle, cette volonté de ne jamais la quitter, c’était tout simplement l’amour...

Matthew insista pour que Mia porte sa robe le soir

même, au restaurant où il avait réservé une table. — Je veux que tu sois la plus belle, lui glissa-t-il à

l’oreille. Quand ils pénétrèrent dans le petit établissement

éclairé aux chandelles, tous les regards masculins convergèrent vers Mia et Matthew en ressentit une immense fierté.

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Assis face à elle, il admira longuement ses traits purs, la transparence de sa peau délicate, et plongea son regard dans le sien, soudain grave.

Il l’aimait, il en était certain à présent, mais où cela allait-il les mener? Il l’aimait, mais elle lui mentait. Comment pouvait-il aimer une femme qui n’avait pas assez confiance en lui pour lui dire la vérité?

Il songea tout à coup qu’il avait lui aussi ses zones d’ombre. Il ne lui avait rien dit de son passé d’agent secret, de certaines choses qu’il avait faites dans le cadre du service, et aussi de celles qu’il avait refusées de faire, l’amenant à la démission.

Comment réagirait-elle en apprenant que son passé le hantait toujours? Qu’il avait été incapable de sauver Alita, et qu’il n’avait même pas encore réussi à la venger?

Entre eux, tant de questions sans réponse! N’était-il pas temps de lui ouvrir enfin son cœur, même si l’idée qu’elle puisse refuser son amour le dévastait?

Soudain, il comprit qu’il était prêt à tout lui dire. Tout de suite.

— Si nous allions danser? suggéra-t-il presque timidement.

Mia lui sourit avec une infinie tendresse. Comment pouvait-on être aussi heureuse? pensa-t-elle, émerveillée. Comment sa pénible fuite de Carthagène avait-elle pu la conduire à un tel paradis?

Elle se leva, les yeux brillant d’émotion et le suivit vers la piste. Ils se mirent à tourner lentement au milieu des autres couples, les yeux clos, seulement préoccupés d’eux-mêmes et des sentiments contradictoires qui bouillonnaient en eux.

Soudain, un merveilleux sentiment d’apaisement envahit Mia. Elle allait parler à Matthew, lui révéler tout ce qu’elle lui cachait depuis le début, sans rien omettre. Il saurait résoudre cette situation inextricable, il saurait l’aider. Elle lui faisait confiance...

Elle ne tairait rien de la mission qu’on lui avait attribuée : confirmer les soupçons des services secrets

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concernant Hamilton, à savoir qu’il était un agent double à la solde du cartel Rosario, le plus puissant cartel de trafiquants de drogue de Colombie.

Ni du fait que, malgré toutes ses précautions, il l’avait démasquée... La réaction de Douglas avait été terrible...

— Si tu tentes quoi que ce soit contre moi, avait-il menacé, je te dénonce aux autorités colombiennes comme trafiquante de cocaïne. Fais-moi confiance, j’ai constitué un dossier contre toi, avec preuves à l’appui. Fausses, bien entendu, mais parfaitement au point... Inutile de te dire que tu ne ressortiras pas vivante des geôles colombiennes... Bien sûr, si tu te montres raisonnable, tu continueras à habiter chez moi, et tu dormiras dans mon lit quand bon me semblera! Cette fois, tu n’auras pas l’arrogance de te refuser à moi. Sinon...

Cette dernière menace avait décidé Mia à fuir. Mais avant de fausser compagnie à Hamilton, elle

avait fouillé son ordinateur et trouvé la liste de ses contacts du cartel, liste qui était l’objet même de sa mission. Elle l’avait enregistrée sur un CD qu’elle s’apprêtait à faire parvenir à ses supérieurs à Washington quand Matthew l’avait kidnappée...

— Matthew, murmura Mia en levant vers lui un regard grave. J’ai des choses importantes à te dire. Mais pas ici.

Matthew comprit immédiatement que l’instant était sérieux. Très sérieux. Qu’il allait enfin apprendre la vérité, comprendre ce qui les séparait, et peut-être pouvoir y remédier.

— Rentrons à la maison, suggéra-t-il. Nous y serons plus tranquilles. Car moi aussi j’ai à te parler...

Sur le chemin du retour, ils n’échangèrent pas un mot.

Une fois devant la maison, Matthew sauta à bas du 4x4, alla ouvrir la portière de Mia et l’aida à descendre.

Quand elle fut à terre, il la prit dans ses bras et ils échangèrent un long et doux baiser. La lune inondait la forêt de ses rayons argentés, la végétation bruissait des

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bruits familiers de la nuit tropicale. Sans même se concerter, ils se prirent mutuellement par la main et se dirigèrent vers la cascade, cet endroit magique qui n’appartenait qu’à eux. Ils parleraient après...

— Maintenant, à toi de m’enlever ma robe, murmura Mia en se lovant contre Matthew. D’ôter ces boutons comme tu me l’as promis...

Il sourit, heureux de la complicité infinie qui les unissait. Mia devinait chacun de ses souhaits avant même qu’il en soit lui-même conscient...

Quelques instants plus tard, la robe tombait à terre. Mia apparut dans une parure rebrodée de dentelle assortie à la couleur de la robe. Le soutien-gorge pigeonnant donnait à sa poitrine une merveilleuse rondeur, et le string dessinait ses formes avec une affolante précision.

— La vendeuse m’a offert cet ensemble en profitant d’un moment d’inattention de ta part, expliqua Mia devant le regard admiratif de Matthew. Elle a dit : « Pour toi, rien que pour toi »...

Matthew retint son souffle. Sous la lumière de la lune, Mia était l’incarnation même de la femme, somptueuse de sensualité.

Il dégrafa d’un geste son soutien-gorge et contempla ses seins. Incapable de résister à l’appel de leurs pointes dressées, il se pencha et les cueillit dans ses lèvres l’une après l’autre comme on cueille un fruit mûr, pendant qu’elle lui ôtait sa chemise à la hâte.

— Mia..., murmura-t-il, il faut que tu saches une chose... Quoique tu me dises tout à l’heure, aujourd’hui tu es tout pour moi. Ne l’oublie jamais. Jamais...

Pour toute réponse, Mia l’embrassa avec passion, tandis que des larmes d’émotion perlaient à ses yeux.

Puis vint le moment où les caresses remplacèrent les mots, les baisers les paroles, et plus rien ne compta que l’herbe fraîche et moelleuse qui accueillait leurs ébats, que leurs soupirs et leurs gémissements qui se répondaient comme en écho, jusqu’à l’extase finale...

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Longtemps après, Mia ouvrit les yeux et se lova contre

son amant. — Tu avais raison, murmura-t-elle, cet endroit est

unique. Je m’y sens tellement en sécurité que j’aimerais ne jamais le quitter...

C’était la première fois que Mia faisait allusion au fait que leur séjour dans ce lieu protégé prendrait fin à un moment ou à un autre, et elle sentit son cœur se serrer d’anxiété en pensant à ce que leur réservait l’avenir.

Matthew l’enlaça. — Ne t’en fais pas, chérie, cette cascade sera toujours

dans notre cœur. Quoiqu’il arrive par la suite, il nous suffira d’y penser, et nous nous y retrouverons comme par magie.

Mia songea tout à coup que c’était peut-être la dernière fois qu’elle admirait ce bassin limpide, ces arbres majestueux, et un frisson la saisit.

— Tu as froid, Mia. Rentrons. Je vais faire un feu, nous dégusterons un cognac et...

— Nous parlerons, coupa-t-elle d’une voix soudain tendue. Je te dirai tout, Matthew. Tout sur Hamilton et moi.

Il se leva brusquement, et ils se rhabillèrent. Sur le chemin du retour, le bras sur l’épaule de Mia,

Matthew s’efforçait de chasser les idées sombres qui l’assaillaient. Qu’allait-elle lui révéler sur sa relation avec Hamilton? Pourquoi éprouvait-il cette angoisse sourde et lancinante?

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10. Mia trébucha en montant les marches du perron. — Tu t’es fait mal ? demanda Matthew avec

sollicitude. — Non, balbutia-t-elle, tout va bien. Mon talon s’est

accroché, c’est tout. Il se pencha sur elle et l’aida à se relever. Dévastée,

Mia pensa que c’était peut-être la dernière fois qu’elle montait ces marches à son côté, la dernière fois qu’elle le sentait heureux et détendu auprès d’elle.

— Tu veux que j’aille te chercher d’autres chaussures? demanda-t-il quand ils furent sur la galerie.

— Non, non, tout va bien, répondit-elle en s’efforçant de sourire. Occupe-toi du feu...

Elle avança brusquement la main vers lui et lui caressa la joue, heureuse de sentir sous ses doigts sa barbe d’un jour déjà rugueuse, cette barbe qui la piquait délicieusement quand il enfouissait son visage entre ses seins, entre ses cuisses...

— Matthew..., murmura-t-elle. Il releva la tête. — Oui, qu’y a-t-il ? Je t’aime : les mots se bousculèrent dans sa tête, mais

elle fut incapable de les prononcer. — Rien, répondit-elle dans un souffle. Sers-nous un

cognac, je te rejoins dans une minute. Il disparut dans l’obscurité et elle l’imagina

désactivant le système de sécurité, ôtant sa veste, craquant une allumette sous une bûche bien sèche.

Tout à coup une main se plaqua sur sa bouche, la faisant sursauter de terreur, et une voix atrocement familière brisa le silence.

— Pas un mot, souffla Hamilton. Ou tu le regretteras. Tu m’as bien compris?

Tétanisée, Mia acquiesça de la tête : il retira sa main. Elle savait qu’il n’hésiterait pas à la supprimer si elle tentait d’alerter Matthew...

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— Comment vas-tu, ma jolie? demanda-t-il alors avec un sourire mauvais. Quand je pense que tu files le parfait amour avec notre ami et que tu te refusais à moi! C’est vexant, tu ne trouves pas?

— Douglas..., balbutia-t-elle, au supplice. Le regard d’Hamilton brilla d’un éclat métallique qui

était à lui seul une menace. — Tu m’as mal compris, chérie. C’est moi qui parle,

pas toi, asséna-t-il d’une voix glaciale. — Mia ? C’était Matthew qui l’appelait depuis l’intérieur de la

maison. Douglas se rapprocha de Mia et elle sentit tout à coup le canon d’un revolver braqué dans son dos.

— Réponds-lui comme si tout était normal, lui chuchota-t-il à l'oreille. Dis-lui que tu arrives.

— J’arrive ! lança Mia, plus morte que vive. — Dépêche-toi, le feu est déjà bien parti. — J’en ai pour une minute, reprit Mia en s’efforçant de

maîtriser le tremblement de sa voix. Douglas entraîna la jeune femme loin de la porte. — Comme c’est charmant! lança-t-il avec mépris. De

vrais tourtereaux! Je suis sûr que Knight ferait n’importe quoi pour toi. Mais à présent, tu vas lui expliquer que tu rentres à Carthagène avec moi, ajouta-t-il, cinglant.

— Douglas ! s’écria Mia, atterrée. — Tu vas m’obéir, dit-il en lui enfonçant le revolver

dans le dos. Lui expliquer que nous nous sommes réconciliés, et que tu veux reprendre la vie commune avec moi. Si tu ne joues pas bien ton rôle, je le tue. Est-ce clair?

Mia retint un sanglot. — Compris ? Incapable de prononcer le moindre mot, elle hocha la

tête en signe d’assentiment, anéantie. Que pouvait-elle faire d’autre qu’accepter cet horrible marché, si la vie de Matthew était enjeu?

— Très bien, fit-il, alors vas-y. Je te surveille, et à la moindre incartade je le supprime. Ah, encore un détail

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qui peut t’intéresser. Je ne suis pas seul : j’ai deux hommes de Rosario avec moi, qui guettent et sont prêts à intervenir à la moindre incartade de ta part.

L’éclairage de la terrasse s’alluma soudain, et Matthew apparut. Celui-ci se figea aussitôt quand il aperçut Hamilton qui tenait Mia par la taille.

Lui, ici? Comment ce type avait-il découvert cette retraite que seuls ses frères connaissaient? Et pourquoi Mia semblait-elle aussi calme?

— Bonjour, monsieur Knight, fit alors Hamilton avec un sourire narquois. Comme c’est gentil de m’accueillir chez vous.

— Vous n’avez rien à faire ici, rétorqua Matthew en serrant les poings pour contenir son envie de le frapper. Et d’abord, lâchez-la!

— Vous pourriez être plus aimable! fit observer Hamilton en affectant un air offusqué. N’oubliez pas que je vous ai engagé pour une mission bien précise.

— Vous vous trompez. Il n’y a eu ni contrat ni argent entre nous, précisa Matthew.

— Exact. Mais je vous avais chargé de retrouver Mia, et c’est chose faite. D’ailleurs, comme vous le constatez, elle est ravie de me voir ici...

Matthew jeta un regard douloureux à la femme qu’il aimait. Pourquoi ne réagissait-elle pas? pensa-t-il, au supplice. Pourquoi le laissait-elle la prendre par le bras dans un geste horriblement familier?

— Viens, Mia, implora-t-il avec une infinie douceur. Viens près de moi...

— Elle est très bien là où elle, Knight! rétorqua Hamilton avec un petit rire. N’est-ce pas, chérie? Vous comprenez sûrement qu’elle n’a pas envie de vous approcher, après la façon dont elle vous a roulé dans la farine...

— Mia, s’écria Matthew, révolté. Viens ! — Ne donnez pas d’ordres à ma fiancée, conseilla

Hamilton d’un ton menaçant. — Ce n’est pas votre fiancée !

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— C’est ce qu’elle vous a dit, et idiot que vous êtes, vous l’avez crue! Ah, quand on a une femme dans la peau..., ajouta-t-il avec condescendance.

— Douglas ! balbutia Mia, au supplice. — Lâche-la, Hamilton, asséna Matthew d’une voix

menaçante. Hamilton eut un sourire mauvais. — Pas la peine de t’énerver, je la laisse décider de ce

qu’elle veut faire en toute indépendance, répondit-il en s’éloignant de Mia. Mais tu vas voir, elle ne viendra pas à toi pour autant. N’est-ce pas, mon amour?

Le cœur brisé, Mia hocha la tête. Douglas avait la main dans sa poche, crispée sur son pistolet, et il tirerait sur Matthew à la première occasion s’il le jugeait utile. Elle le savait capable de tout. Elle ne pouvait sauver la vie de Matthew qu’en lui brisant le cœur.

— Laisse-moi, Matthew, balbutia-t-elle alors avec peine. Je sais que tu as du mal à le croire, mais je vais bien. Vraiment bien. Et je reste avec Douglas. De mon plein gré.

Elle comprit à son regard qu’il ne la croyait pas. Si par miracle il pouvait réussir à neutraliser Hamilton, il n’aurait en revanche aucune chance avec les deux tueurs qui l’attendaient dehors. Il fallait absolument le convaincre qu’elle disait la vérité pour qu’il ne tente pas de la délivrer.

Alors, retenant ses sanglots, elle se rapprocha de Douglas et lui glissa le bras autour de la taille. La lueur de désespoir qu’elle lut dans les yeux de Matthew à cet instant lui brisa le cœur. Cette fois, il la croyait, elle en avait la certitude. Elle avait réussi... mais à quel prix?

— Allons, Knight, fais-toi une raison! lança Hamilton. Je suis venu pour discuter tranquillement avec toi, alors oublions Mia...

Matthew semblait avoir repris le contrôle de lui-même.

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— Je suis prêt à la discussion, mais pas maintenant. Pas ici. Tu quittes les lieux immédiatement et on parlera au téléphone, asséna-t-il d’une voix glaciale.

— Tu te crois intouchable, Knight! rétorqua Hamilton, furieux. Tout ça parce que tu as travaillé pour les services secrets, et que...

— Quoi ? s’exclama Mia. — Il ne travaille plus pour eux, je te rassure, ma

chérie, expliqua Hamilton. Maintenant, il se vend au plus offrant et ça lui rapporte gros, très gros. Mais cette fois, tu t’es fait avoir comme un bleu, Knight. Puisque tu n’as rien compris à la situation, je vais te mettre les points sur les i. Sache que Mia a commencé par être mon assistante, et qu’ensuite les rapports entre nous sont devenus beaucoup plus... intimes.

Il attira à lui la jeune femme et l’embrassa dans le cou. Mia eut toutes les peines du monde à réprimer le sentiment de dégoût qui l’envahissait. Elle baissa la tête, déchirée.

— Il ment, Mia, dis-moi qu’il ment! s’écria Matthew d’une voix étranglée. Dis-moi que tu n’as rien à voir avec cette ordure!

Hamilton éclata de rire. — Mia est plus roublarde que tu ne le croies, fit-il. Elle

a essayé de me doubler en passant de la drogue pour son profit personnel. Tout ça par la valise diplomatique, pourquoi se serait-elle gênée? Mais elle a oublié qu’on n’a jamais intérêt à jouer au plus fin avec moi. J’ai découvert son manège et je lui promis que je ne dirais rien si elle repartait immédiatement pour les Etats-Unis. Au lieu de ça, elle n’a rien trouvé de mieux à faire que de me fausser compagnie. Non sans s’être procurée la liste top secret des agents doubles travaillant en Colombie pour le compte du gouvernement américain.

Matthew blêmit en écoutant cette longue explication. Il refusait toujours de croire que Mia était cet être abject décrit par Hamilton.

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— Ce n’est pas vrai, Mia, ce n’est pas vrai! articula-t-il d’un ton presque suppliant.

Anéantie, Mia comprit qu’elle devait trouver le courage de mentir encore à Matthew, pour le sauver...

— Si, tout est exact, murmura-t-elle dans un souffle, en s’interdisant de le regarder.

Il se précipita vers elle et la saisit par les épaules avec une rage froide.

— Tu es pire encore que ce que je pouvais imaginer, lança-t-il avec un mépris qui acheva d’anéantir la jeune femme. Tu as couché avec moi juste pour endormir mes soupçons, tu as...

— Il faut dire que Mia sait parfaitement jouer de ses... charmes, interrompit Hamilton avec un petit rire égrillard. Une vraie professionnelle... Je dois dire que moi non plus je n’ai pas pu lui résister...

Matthew paraissait sur le point d’exploser. — Je te donne une dernière chance, Mia. Dis-moi qu’il

ment, que tout ce que nous avons vécu ensemble était vrai! Dis-le, et je te croirai. Malgré tout ce que je viens d’entendre...

Mia retint ses larmes avec peine et lutta contre l’envie folle de se précipiter dans ses bras, de lui crier qu’elle l’aimait, qu’elle n’avait jamais aimé que lui et qu’elle l’aimerait jusqu’à la fin des temps...

Au lieu de cela, elle garda le silence, fuyant son regard qui la fixait comme s’il voulait lire au fond d’elle-même.

Matthew se figea, lâcha la jeune femme et se tourna vers Hamilton, le visage soudain sans expression. Il était redevenu l’individu inquiétant qui l’avait kidnappée quelques jours auparavant, songea Mia avec horreur.

— Quels sont tes plans à présent? demanda-t-il à Hamilton, sans plus se préoccuper d’elle.

— Je la ramène à Carthagène, je récupère la liste et je surveille mademoiselle comme le lait sur le feu. A la moindre incartade, j’appelle mes supérieurs et je leur lâche le morceau en leur racontant tout sur elle, même si je risque la cour martiale pour l’avoir protégée. Désolé,

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Knight, ajouta-t-il, mais c’est le genre de fille dont il faut se méfier, et toi et moi on l’a compris trop tard. J’espère que tu as la liste sur toi, Mia?

Elle hocha la tête, la gorge nouée, la peur au ventre. — Parfait. Alors on y va. Au revoir, Knight, et merci de

ta coopération dans toute cette histoire. Matthew s’abstint ostensiblement de saisir la main

qu’Hamilton lui tendait. — Sors d’ici, Hamilton, asséna-t-il sans ménagement.

Et ne t’avise pas de revenir dans les parages. Hamilton tira fermement la jeune femme par le bras. — Partons, Mia, déclara-t-il. Ton ami n’est pas très

aimable. Et puis, toi et moi, nous avons des choses à mettre au point tous les deux, n’est-ce pas?

Une peur panique saisit la jeune femme. Elle savait tant de choses sur lui qu’il allait probablement la supprimer... Et elle décida d’oser une manœuvre pour alerter Matthew. Tout à coup, elle se remémora leur conversation, ce jour merveilleux où ils avaient admiré l’aigle en argent chez l’artisan du village. Ce jour heureux qui lui paraissait déjà vieux de plusieurs siècles...

— Matthew, murmura-t-elle en se retournant vers son amant dans l’espoir de capter son regard. C’est comme choisir la tête de mort au lieu de l’aigle... La fin justifie toujours les moyens...

Hamilton la tira si fort qu’elle trébucha. — Encore un mot, lui glissa-t-il à l’oreille, et tu signes

son arrêt de mort... Matthew était déjà loin : il n’avait probablement rien

entendu, songea Mia, anéantie. Et l’aurait-il fait, il n’aurait peut-être pas compris ce message sibyllin. Son dernier espoir s’évanouissait. Tout était fini...

Quelques minutes plus tard Hamilton la poussait sans ménagement vers sa voiture et la ligotait sur le siège.

— Où sont les hommes de Rosario? demanda-t-elle. Dis-leur de partir...

Il éclata d’un rire qui résonna atrocement aux oreilles de la jeune femme.

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— Les hommes de Rosario? Ils n’ont jamais existé! Tu es beaucoup trop crédule, ma chérie, ça te perdra! Mais pour l’heure, rentrons à Carthagène! C’est fou ce qu’on va s’amuser tous les deux...

Mia se tourna vers lui et, sans même réfléchir à ce qu’elle faisait, lui cracha au visage. Hamilton jura et la frappa violemment sur la joue du plat de la main.

Elle ne sentit même pas la douleur. Plus rien ne lui importait à présent. Plus rien ne lui importerait jamais plus, puisqu’elle avait perdu Matthew...

Le bruit du moteur s’évanouit peu à peu et le silence

de la nuit retomba. Prostré sur la terrasse, appuyé à la rambarde,

Matthew se redressa soudain et jura. Comment avait-il pu être assez stupide pour ne pas comprendre le manège de Mia? Pour croire à son innocence?

Quelques baisers passionnés, quelques caresses lascives et elle avait réussi à retourner la situation à son profit, à le convaincre qu’elle était la victime. Et il avait tout gobé, parce qu’il la désirait, parce qu’elle avait su enflammer ses sens avec une habileté diabolique, soufflant le chaud et le froid, jouant à la pauvre innocente égarée dans un monde de brutes!

Et dire qu’il avait failli lui dire qu’il l’aimait! Heureusement, c’était fini, et bien fini! Il la sortirait

de son esprit le plus vite possible, car elle ne valait pas qu’il s’encombre du souvenir des instants qu’ils avaient passés ensemble.

Il rentra dans le salon et se servit un double scotch. Il pensa à toutes les femmes auxquelles il avait fait

l’amour, et songea qu’après Mia il y en aurait d’autres, beaucoup d’autres, aussi désirables qu’elle, plus excitantes encore...

Tout ça n’avait été qu’un jeu entre eux, un jeu pervers et dangereux auquel il avait failli se laisser prendre. Dans quelques semaines, il rirait de penser que lui, l’ancien agent secret rompu à toutes les perversités du monde

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interlope, s’était fait doubler par une femme sensuelle et vénale, comme dans le plus mauvais des romans d’espionnage.

Il se resservit un verre, puis un autre. Enfin, d’un coup, il se leva, éteignit le feu, saisit sa

veste et son portefeuille et quitta la pièce. — C’est le moment de rentrer à la maison, lança-t-il

dans le silence de la nuit avant de se diriger vers le garage. Chez moi, à Dallas...

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11. L’argent vous ouvrait vraiment toutes les portes,

songea Matthew en embarquant dans le petit bimoteur à destination des Etats-Unis. Depuis que la société fondée avec ses deux frères avait atteint sa vitesse de croisière, il était un homme riche, très riche – et il n’avait jamais autant apprécié la chose qu’en arrivant en pleine nuit au minuscule aéroport de Cachalua, au cœur de la montagne andine.

Il y avait bien un petit avion disponible, mais pas avant le lendemain matin, et pour cinquante mille dollars. Cash... Matthew avait doublé la somme et, soudainement, le pilote avait été prêt à partir sur-le-champ...

Cinq heures plus tard, il faisait un arrêt à Houston avant de rejoindre Dallas. Pour une petite visite à son père...

Encore mal réveillé, Avery Knight ouvrit la porte à son fils en se demandant ce qui pouvait bien motiver cette visite aussi inattendue que matinale. Matthew l’avait appelé depuis le taxi pour lui annoncer sa présence à Houston et son désir de lui parler, sans lui donner plus de précisions.

— Je viens de faire du café, dit-il, tu en veux ? Matthew acquiesça d’un signe de tête et suivit son

père dans la cuisine, décidé à lui poser les questions qui le taraudaient.

Pourquoi son père l’avait-il embarqué dans cette sale histoire? Quels étaient ses rapports réels avec cette ordure d’Hamilton? Qui était vraiment cet homme qui se disait colonel dans l’armée mais se comportait comme un truand?

— Comment s’est passée ta mission pour Hamilton? demanda Avery en dévisageant son fils avec curiosité.

Au moins, on rentrait tout de suite dans le vif du sujet, pensa Matthew. Tant mieux, il n’avait pas l’intention de tourner autour du pot...

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— Je suis venu précisément pour en savoir plus sur lui, commença-t-il. Quels sont tes rapports exacts avec ce salaud?

— C’est un salaud? rétorqua Avery avec flegme. Désolé, mais je ne sais pas grand-chose sur lui. C’est son père que je connais, et que j’estime. Donc ça s’est mal passé?

— Très mal. — Si j’avais su, je ne t’aurais jamais mis en contact

avec lui. Son père est un homme bien, et il s’est bien gardé de m’expliquer de quoi il s’agissait. Peut-être d’ailleurs ne le savait-il pas lui-même... Tu devais retrouver une femme, c’est ça?

— Oui. Et je l’ai retrouvée. — Alors où est le problème ? — Le problème est que c’était la maîtresse d’Hamilton,

et que j’ai eu une relation avec elle. Avery prit une longue gorgée de café. — Une histoire sentimentale dans le boulot, c’est

toujours délicat, fit-il enfin observer. — Ce n’était pas sentimental! protesta Matthew avec

une soudaine violence. Juste sexuel, mais je me suis rendu ridicule, et ce salopard d’Hamilton me l’a bien fait sentir!

— Quand on est amoureux, on perd le sens commun, c’est bien connu, enchaîna Avery comme s’il n’avait pas entendu.

— Mais papa, je te dis que... — Il m’est arrivé la même chose quand j’ai rencontré

ta mère, poursuivit Avery, le regard soudain vague, comme si le passé prenait peu à peu forme sous ses yeux.

De surprise, Matthew écarquilla les yeux. Jamais de sa vie il n’avait entendu son père évoquer sa rencontre avec sa mère, et encore moins leur relation amoureuse.

— Du jour où je l’ai connue, ma vie a changé, poursuivit Avery Knight d’une voix sourde. J’avais si peur qu’elle cesse un jour de m’aimer... Quand elle a disparu après vingt ans de bonheur, c’est comme si la

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terre s’était écroulée sous mes pieds. Je me suis abruti de travail, et je vous ai négligés, toi et tes frères. Je m’en veux aujourd’hui, mais à l’époque je ne pouvais pas réagir autrement.

Ces confidences émurent profondément Matthew. — C’est vrai, tu as été un père absent, enchaîna-t-il, la

gorge nouée, mais je comprends mieux pourquoi aujourd’hui. Et je ne t’en veux pas.

Il toussota nerveusement, chassant les souvenirs douloureux de sa mère trop tôt disparue, cette femme tant aimée qui avait laissé un vide énorme derrière elle.

— Ce que je vis aujourd’hui n’a rien à voir, papa, reprit-il. J’espérais que tu m’apprendrais du nouveau sur Hamilton, mais tant pis... Je me débrouillerai tout seul. Mais un jour ou l’autre je saurai ce que cache toute cette histoire. Pour l’heure, je file, mon avion m’attend.

Avery Knight jeta un regard plein de compassion à son fils, dont les traits tirés et le regard sombre trahissaient le désarroi.

— Le temps adoucit beaucoup de choses, heureusement, fit-il enfin observer. Un jour tu repenseras à tout ça sans souffrir. Et qui sait, peut-être auras-tu l’explication que tu cherches et qui éclairera d’un jour nouveau toute cette histoire. La fin justifie souvent les moyens, ne l’oublie pas...

Père et fils se donnèrent une accolade, la plus chaleureuse depuis bien longtemps...

Dans le taxi, Matthew, pensa à sa mère, au couple fusionnel qu’elle avait formé avec son père... et il pensa à Mia. Mais pendant tout ce temps, la même petite phrase lui trottait inlassablement dans la tête : la fin justifie les moyens... Sans qu’il s’explique pourquoi...

Quelques heures plus tard, il était dans son bureau à

Dallas. Par extraordinaire, ses deux frères étaient là également, et non appelés à l’étranger par leurs affaires.

A midi, Alex bipa ses frères pour leur proposer un déjeuner commun. Cameron accepta aussitôt, mais

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Matthew répondit qu’il n’avait pas le temps. A 13 heures, ce fut Cameron qui prit la même initiative : cette fois, Matthew rétorqua qu’il n’avait pas faim.

A 14 heures, Cameron et Alex se retrouvèrent dans la salle de conférences, en proie à la même inquiétude : à l’évidence, quelque chose ne tournait pas rond chez Matthew. Cinq minutes plus tard, ils débarquaient dans le bureau de leur frère.

— On t’emmène déjeuner, déclara Alex. — Tout de suite, renchérit Cameron. Matthew les regarda tour à tour et dut juger qu’il était

inutile de leur tenir tête, car il se leva. — Vu votre façon de présenter les choses, il me semble

que je n’ai guère le choix, fit-il observer d’un ton désabusé.

Quelques instants plus tard, ils s’asseyaient dans leur repaire favori, un bar sans prétention dont ils connaissaient tous les serveurs par leurs prénoms.

Alex fit quelques réflexions sur les embouteillages, Cameron sur la météo, tandis que Matthew restait muet. Au bout de quelques minutes, les deux frères échangèrent un regard qui signifiait qu’il était temps de passer à l’attaque.

— La Colombie, c’était comment ? demanda Alex. — Bien, fit Matthew, laconique. — Ta mission pour papa s’est bien passée? reprit

Cameron. — Oui. De nouveau, Alex et Cameron échangèrent un regard,

cette fois teinté d’une nette impatience. Comment faire parler Matthew? Peut-être en créant une diversion, décida Cameron.

— Moi, la seule fois où papa m’a demandé de l’aider, ça s’est plutôt bien terminé : c’est à cette occasion que j’ai rencontré Salomé! s’exclama-t-il en affichant un ton léger.

— Tu as bien de la chance! enchaîna Matthew avec amertume. Mais permets-moi de te dire que toi et

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Salomé, c’est l’exception qui confirme la règle. Le couple, l’amour, pour moi, ça n’a aucun sens. C’est juste de la poudre aux yeux...

Cette fois, Alex et Cameron eurent un clin d’œil de connivence. Ils touchaient enfin au but...

— Tu penses à une femme en particulier? demanda Alex.

— Qui a dit qu’on parlait d’une femme? rétorqua Matthew avec une agressivité mal contrôlée.

— Personne, personne, fit Cameron. Mais tu as dit que l’amour était...

— Je sais ce que j’ai dit, coupa brusquement Matthew. Et pour répondre à ta question, non, il ne s’agit pas d’une femme en particulier.

— Très bien, très bien, fit Alex. Parce que si c’était le cas, tu...

— Tu penses que je suis le genre de crétin qui se laisse embobiner par la première fille venue? rétorqua Matthew avec colère. Tu penses vraiment ça de moi?

— Tu sais, reprit Cameron avec prudence, s’il s’est passé quelque chose en Colombie dont tu as envie de nous parler, n’hésite pas!

Matthew lui lança un regard courroucé. — Je n’ai pas besoin d’une thérapie de groupe!

protesta-t-il. On n’est pas chez le psy, que je sache! — Certainement, Matthew, certainement, fit Alex d’un

ton apaisant. Les yeux de Matthew lancèrent soudain des éclairs. — Tu crois que je suis du genre à me répandre sur

moi-même? reprit-il avec rage. A m’intéresser à une fille qui se paye ma tête? Qui fait du trafic de drogue? Qui est la maîtresse d’un autre homme?

Il frappa du poing sur la table avec une telle violence que les verres s’entrechoquèrent.

— Tu crois ça ? reprit-il d’un air menaçant. Devant le regard soudain franchement inquiet de ses

frères, Matthew se calma soudain. Puis, cédant à une brusque impulsion, il leur raconta tout. Tout, sauf

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l’essentiel : qu’il était fou amoureux de Mia. Il se contenta de dire qu’il était tombé sous son charme...

— D’accord, fit enfin Cameron après l’avoir écouté attentivement. Au fond, c’est juste une vulgaire histoire de sexe... Je reconnais que ce n’est pas très agréable de se laisser prendre dans les filets d’une professionnelle de la séduction, mais au fond, ce n’est pas très grave.

Le vert des yeux de Matthew s’assombrit soudain. — Qu’est-ce que tu veux dire par « professionnelle de

la séduction »? lança-t-il avec une soudaine agressivité. — Mais rien, rien ! répondit Cameron, surpris. Tu

m’expliques que c’est une fille facile, alors je... — Je ne laisserai personne insulter Mia! s’écria

Matthew d’une voix rauque. Personne! De nouveau, Alex et Cameron échangèrent un regard

perplexe : leur frère semblait plus gravement atteint qu’ils ne l’avaient cru au premier abord.

— En fait, tu es complètement accro à cette fille, énonça Alex en guettant avec inquiétude la réaction de son frère.

— Je dirais même plus, tu es purement et simplement amoureux, insista Cameron.

Matthew se prit la tête entre les mains dans un geste d’impuissance qui émut ses deux frères.

— Oui, admit-il dans un souffle, pour mon malheur... Il semblait si désespéré que le cœur d’Alex se serra. — La situation n’est peut-être pas aussi sombre que tu

sembles le dire, avança-t-il prudemment. — Mais elle n’a même pas nié quand Hamilton l’a

accusée d’avoir volé la drogue! protesta Matthew, désemparé. Elle est restée muette, comme si elle cautionnait tout ce qu’il disait!

— Elle n’a pas prononcé un seul mot ? — Non, rien ! Sauf à la fin, un truc bizarre que je n’ai

pas compris, en rapport avec le tatouage qu’on porte tous les trois.

— Tiens, c’est curieux... Qu’a-t-elle dit exactement? demanda Alex en fronçant les sourcils.

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— Que la fin justifie les moyens, comme quand on choisit la tête de mort plutôt que l’aigle... Tu vois, en plus elle s’est trompée. Car inutile de vous dire qu’elle sait parfaitement quel motif est dessiné sur...

Matthew se tut et devint blême. — Comment ai-je pu être assez stupide? s’écria-t-il

soudain en se tordant les mains. Cette phrase, c’était une tentative pour m’alerter!

— T’alerter ? — Oui, bien sûr! s’exclama Matthew avec un sourire

radieux. Elle m’aime, elle n’est rien de tout ce que prétend Hamilton, et moi, pauvre crétin, je l’ai laissée partir avec lui, contrainte et forcée! Il n’y a pas une seconde à perdre! A l’heure actuelle, elle est probablement en danger. Je ne sais pas qui est vraiment Hamilton, mais Mia le gêne, c’est clair. Et elle a tellement peur de lui qu’elle est restée muette. A part ce message codé qui m’est passé au-dessus de la tête... Bon sang, comment ai-je pu être aussi bête!

Il se leva brusquement. — Il faut que je la sorte des griffes de Hamilton : je

retourne immédiatement en Colombie, annonça-t-il en se dirigeant vers la porte. Je vous tiendrai au courant.

Ses deux frères lui emboîtèrent le pas. — On vient avec toi, décrétèrent-ils d’un ton qui

n’admettait pas la réplique. Pour te donner un coup de main.

Une heure plus tard, ils embarquaient tous les trois

dans le jet qui avait amené Matthew de Carthagène et qui, par miracle, n’était pas encore reparti.

Dans l’avion, Matthew appela longuement un des hauts responsables des services secrets. Quand il raccrocha, son visage trahissait une profonde inquiétude.

— C’est encore pire que ce que je pouvais imaginer! lança-t-il, écœuré. Décidément, rien n’a changé dans leurs méthodes : ils n’hésitent devant rien pour arriver à leurs fins! Mia était une simple assistante dans leurs

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bureaux de Washington. Quand ils ont eu des soupçons sur Hamilton, ils l’ont envoyée en Colombie parce qu’elle avait déjà travaillé pour lui. Ils lui ont donné une formation quasi inexistante, lui ont bourré le crâne avec leur discours habituel, la patrie en danger, le dévouement au pays, et elle a accepté. Pour tomber entre les mains d’un type qui est probablement un des plus dangereux agents doubles d’Amérique du Sud. Et qui, à l’évidence, a mis au jour la véritable nature de sa mission. A l’heure actuelle, elle est en danger de mort, j’en suis certain!

— Ella a des preuves contre Hamilton ? demanda Alex. — Oui. La liste de ses contacts au sein du cartel. C’est

pour ça qu’elle s’est enfuie, et pour ça qu’il voulait à tout prix remettre la main sur elle.

— Que pense faire l’Agence pour récupérer Mia? demanda Cameron.

— Ils vont tenter une opération au domicile d’Hamilton. Mais ils ont besoin de vingt-quatre heures pour coordonner les services secrets, les Affaires étrangères et la police colombienne.

— Vingt-quatre heures? s’écria Alex. C’est trop long! — Je sais, fit Matthew. C’est pour ça que je vais

intervenir avant. Seul. Alex et Cameron échangèrent un bref regard pour

s’assurer qu’ils étaient sur la même longueur d’onde. — Décidément, on ne le changera jamais, fit Alex d’un

ton dépité. Que ce soit son tricycle ou ses premiers CD, il n’a jamais voulu partager les trucs sympas!

— Mais on ne s’est jamais laissés faire..., enchaîna Cameron avec un sourire de connivence. On vient avec toi!

Pour la première fois depuis des heures, le visage de Matthew s’éclaira d’un bref sourire.

— Vous êtes vraiment, vraiment..., commença-t-il, mi-agacé, mi-attendri.

— Oui, on sait! répondirent les deux autres en chœur. On est les meilleurs!

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Quelques instants plus tard, penchés sur le plan de la maison d’Hamilton que Matthew venait de dresser rapidement à main levée, concentrés et déterminés, les trois frères tentaient d’élaborer une stratégie pour récupérer Mia avant qu’il ne soit trop tard. Il n’y avait pas une minute à perdre...

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12. A l’aéroport de Carthagène, un 4x4 les attendait. Avec,

dissimulée à l’intérieur de la boîte à gants, une adresse griffonnée sur un bout de papier...

Matthew traversa la ville en trombe, tenaillé par l’idée qu’une seule seconde pouvait faire la différence, que la vie de Mia était entre ses mains.

Dans le quartier le plus sordide de la ville, ils pénétrèrent dans une petite maison aux planches disjointes. Un homme au teint basané et au large sourire les accueillit et donna une accolade à Matthew.

— Voilà un bail qu’on ne s’est vus, amigo! lança-t-il d’un ton jovial. Alors, tu as des ennuis? J’ai fait ce que j’ai pu pour toi : j’ai réuni presque tout ce que tu m’avais demandé... Tu sais qu’on peut compter sur moi! Pour les missions impossibles, je suis le moins cher et le plus rapide de la ville!

Il poussa les trois frères dans une pièce à part et leur indiqua, soigneusement alignés sur le sol, un attirail impressionnant. Mitraillettes, gilets pare-balles, talkies-walkies, et plusieurs paires de menottes : rien ne manquait...

— Parfait, fit Matthew en sortant une liasse de billets de sa poche. Tu n’as pas oublié la viande et les somnifères, au cas où il y aurait des chiens?

L’homme empocha l’argent d’un air gourmand. — J’y ai pensé. Bonne chance, amigo ! Et à la

prochaine, ajouta-t-il tandis que les frères Knight s’engouffraient dans le 4x4 sans plus attendre.

Quelques minutes plus tard, le véhicule se dirigeait à vive allure vers la maison de Hamilton... Au fur et à mesure que l’étau se resserrait autour de leur proie, les risques augmentaient, songea Matthew. Il allait falloir jouer serré pour ne pas mettre en danger la vie de Mia. Au moindre faux pas, Hamilton n’hésiterait pas à la supprimer.

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Le plan était simple. Au moins sur le papier... Ils se gareraient à quelques centaines de mètres de la

maison, et, vers minuit, s’approcheraient du jardin protégé par de hauts murs. S’il y avait des chiens, ils les attireraient discrètement et leur jetteraient des boulettes de viande bourrées de somnifères. Puis ils escaladeraient le mur, neutraliseraient une éventuelle alarme, et rentreraient dans la maison.

Ensuite, ils se fieraient à leur instinct. L’expérience du danger et des situations extrêmes leur avait appris que la stratégie la plus efficace n’était pas toujours la plus préparée...

La première partie du plan se déroula sans encombre. L’unique chien, un énorme rottweiler, avala docilement la boulette et s’effondra au bout de quelques minutes. Ensuite, escalader le mur et neutraliser l’alarme fut un jeu d’enfant.

Les trois frères restèrent quelques instants accroupis dans la pénombre à observer les lieux pour mieux évaluer le danger.

Sur le parking étaient garées une demi-douzaine de véhicules : à l’évidence, une réunion d’importance se tenait chez Hamilton. Cela risquait de leur compliquer la tâche, car ils avaient espéré trouver la maison endormie. Et vu les cylindrées des puissantes limousines, il devait s’agir de gros bonnets. Mais peut-être était-ce justement l’occasion rêvée de faire d’une pierre deux coups : délivrer Mia d’une part, et arrêter par la même occasion les têtes pensantes du réseau...

Ils étaient si habitués à travailler ensemble qu’il leur suffisait de quelques gestes pour se comprendre. En silence, ils se concertèrent et décidèrent d’attaquer par l’étage : en toute logique, la réunion devait se tenir dans les pièces de réception, au rez-de-chaussée.

Avec mille précautions – il y allait non seulement de leur vie, mais surtout de celle de Mia – ils escaladèrent la façade et pénétrèrent dans une chambre inoccupée par une fenêtre ouverte. Là, ils marquèrent une pause,

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guettant le moindre son. Le danger était palpable, menaçant, même pour des professionnels avertis comme eux...

Pas un bruit à l’étage. Ils descendirent l’escalier furtivement, se couvrant mutuellement de leur arme, et déboulèrent dans la cuisine. L’effet de surprise fut tel qu’ils eurent le temps de bâillonner la cuisinière avant qu’elle ait pu émettre un son.

— Si tu te tiens tranquille, tu ne risques rien, lui glissa Matthew à l’oreille avant de la ligoter sur une chaise.

La pauvre femme les dévisagea avec un air effaré et se le tint pour dit.

Puis, de nouveau aux aguets, ils prêtèrent attentivement l’oreille. Des tintements de vaisselle leur parvenaient de la salle à manger toute proche, entremêlés de rires gras et de bruits de voix masculines. La compagnie semblait prendre du bon temps...

Matthew reconnut d’abord le timbre désagréable d’Hamilton. Puis, soudain, il se figea : il venait d’identifier sans erreur possible une autre voix. Celle du meurtrier d’Alita, restée gravée dans sa mémoire avec une cruelle précision, cette voix qui appartenait à un être qu’il avait rêvé nuit après nuit d’éliminer depuis la mort de la jeune femme.

Il prit une profonde inspiration et signifia d’un signe de tête à ses frères qu’il était temps de passer à l’action.

Les armes au poing, les frères Knight firent irruption dans la salle à manger. Autour de la table, il y avait six hommes, et derrière eux, six gardes du corps. La surprise fut d’abord totale, puis, quelques secondes plus tard, les mitraillettes se mirent à crépiter.

Quand le calme fut revenu, il y avait trois morts et trois blessés parmi les gardes du corps. Des six convives, deux gisaient sans vie au sol. Les quatre autres étaient toujours assis, les mains posées à plat sur la table, le visage livide, sous bonne garde.

Il s’agissait en effet de gros bonnets, songea Matthew avec satisfaction : Juan Maria Rosario, le chef du cartel,

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le colonel Douglas Hamilton, un des plus gros distributeurs de cocaïne d’Amérique du Nord, et le meurtrier d’Alita qui, quand il reconnut Matthew, se mit à trembler de tous ses membres.

— Toi ! balbutia l’homme, atterré. Matthew sourit. — Moi, en effet... L’homme tenta de faire bonne figure avec un sourire si

abject que Matthew éprouva un haut-le-cœur. — Allons, amigo, c’est à la fille que j’en voulais, pas à

toi! s’exclama-t-il en affectant un ton dégagé. C’était pas si grave, cette histoire!

Il se leva brusquement et dégaina, mais il n’eut pas le temps de tirer : Matthew l’avait devancé. L’homme s’effondra au sol comme une poupée de chiffon.

« Pour toi, Alita », songea alors Matthew avec un regard de mépris à l’homme qui gisait sans vie à ses pieds. « Je t’ai vengée, enfin... »

Pendant qu’Alex neutralisait les prisonniers et que

Cameron contactait le chef des services secrets, Matthew s’approchait d’Hamilton et le saisissait sans ménagement par le collet.

— A présent, tu vas me dire où est Mia! lança-t-il. Et vite!

Hamilton avait soudain perdu de sa superbe : il était blême, échevelé, et arborait un sourire pitoyable.

— Ne m’en veux pas! bredouilla-t-il. Nous nous sommes mal compris, c’est tout...

— Où est-elle ? répéta Matthew en le soulevant par le col.

— Je ne sais pas ! articula Hamilton avec difficulté. — Si tu ne m’as pas répondu dans une minute, tu es un

homme mort! fit Matthew. Il se mit à serrer le cou d’Hamilton, si fort que ses

frères jugèrent bon d’intervenir. — Tout doux, Mat, tout doux, fit Alex. Nous avons

encore besoin de lui. Les agents vont le cuisiner, et il

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aura sûrement des tas de choses intéressantes à raconter. Et puis, n’oublie pas qu’il est le seul à savoir où est Mia.

— Je vous dis qu’elle n’est pas là! glapit Hamilton. Vous n’avez qu’à fouiller la maison, vous ne la trouverez pas. Elle est partie sans me dire où elle allait... Elle m’a faussé compagnie.

— C’est toi qui l’as obligée à te suivre! protesta Matthew. Comment a-t-elle pu t’échapper?

— Non, elle m’a suivie de son plein gré, protesta Hamilton. Elle avait déjà sûrement prévu de filer à l’anglaise en emportant la liste, qu’elle va essayer de monnayer pour son compte. L’appât du gain, il n’y a que ça qui la motive... Tu es vraiment naïf, Knight, beaucoup trop naïf pour cette fille! Depuis le début, elle joue un double jeu, et tu n’y as vu que du feu!

La pression des doigts de Matthew sur la gorge de Hamilton s’accentua. Cette ordure mentait! songea-t-il, au supplice. Mia ne pouvait pas l’avoir trompé ainsi!

Il repoussa avec horreur la pensée qu’Hamilton avait raison, que les instants magiques qu’il avait vécus avec Mia étaient un mirage. Il fallait qu’il la retrouve, où qu’elle soit. Ne serait-ce que pour en avoir enfin le cœur net...

— Laisse-le, Matthew, répéta Alex. L’antenne locale va l’interroger. Il nous est plus utile vivant que mort...

— Tu as raison, je le sais, murmura Matthew d’une voix sourde. Mais si je ne me contrôlais pas, je...

Il se redressa et serra les poings, tandis que le vert de ses yeux se voilait d’une ombre douloureuse.

— A présent, je pars à la recherche de Mia, annonça-t-il d’une voix sourde. Et de la vérité...

— On te suit. Dès que les types de l’agence auront pris la relève ici.

— Non, protesta Matthew. Je veux être seul. A présent, c’est une affaire entre elle et moi...

Alex et Cameron échangèrent un regard. — Tu sais ce que tu fais, j’espère, fit Alex. Imagine

qu’Hamilton dise vrai...

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— Je ne veux pas le croire, déclara Matthew d’une voix sourde. Tant que je n’aurai pas la preuve irréfutable que Mia a essayé de doubler les services secrets, je refuse cette hypothèse. Je vais partir à sa recherche. Elle doit être restée en Colombie. Prendre un avion, pour elle, c’était trop risqué. Repartez à Dallas. Vous m’avez déjà beaucoup aidé tous les deux.

Ils se séparèrent à l’aéroport de Carthagène, après une longue accolade. Sans vouloir l’avouer à Matthew, Alex et Cameron étaient inquiets pour lui. Mais ils le connaissaient assez pour savoir que tenter de le faire changer d’avis était une entreprise vouée à l’échec...

Matthew s’engagea sur la route de la montagne, cette

même route qu’il avait empruntée quand il s’était lancé la première fois sur la piste de Mia. Il n’hésita pas une seconde : si Hamilton avait dit vrai, si Mia s’était enfuie, elle avait dû chercher un abri sûr, un lieu où personne ne la trouverait, ni le cartel ni les services secrets. Ne lui avait-elle pas dit un jour qu’elle ne s’était jamais sentie aussi en sécurité qu’à Cachalua, dans sa maison nichée au creux des montagnes?

Elle pensait probablement qu’il était rentré à Dallas, une fois sa mission accomplie, et que la maison était vide.

Oui, il en était certain, elle était là-bas. Au cœur de la forêt vierge, avec pour seul bruit le ruissellement des cascades et les pépiements d’oiseaux. Son instinct ne le trompait pas. N’avait-il pas du sang comanche dans les veines, le sang de ses ancêtres indiens, rompus dans l’art de suivre une piste? Mia avait trouvé refuge au Pays du Ciel, et il allait l’y rejoindre.

Il était à bout, épuisé nerveusement et physiquement, mais une force intérieure le soutenait. Il trouverait Mia, il l’interrogerait. Et si elle ne lui donnait pas les bonnes réponses...

Il serra les poings sur le volant. Il penserait à ça plus tard, se dit-il...

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L’obscurité était tombée quand il se gara devant la

maison. Pas une lumière aux fenêtres, toutes fermées, pas un

signe de vie, constata-t-il, perplexe. S’était-il trompé? Non, c’était impossible. Elle était là, il le savait, il le sentait...

Il sortit en silence de la voiture, et se félicita d’avoir gardé sa tenue de combat, noire des pieds à la tête. Dans la pénombre, il passerait inaperçu.

Son cœur battait la chamade, et il sentit une poussée d’adrénaline se répandre dans ses veines. Il avait toujours aimé cette sensation d’excitation que procurait la prise de risques, le danger, mais cette fois-ci l’enjeu était tel qu’il avait l’impression que son cœur allait éclater dans sa poitrine. Il ne s’agissait plus de trafic de drogue, de tueurs à gages, de services secrets, mais tout simplement de la femme qui occupait toutes ses pensées. Dans quelques instants, il saurait si ce qu’ils avaient partagé était réel ou s’il avait tout imaginé.

De son pas souple et athlétique, il monta les quelques marches du perron et glissa la clé dans la serrure. Pas un bruit...

Il se dirigea silencieusement vers son bureau, ouvrit un tiroir et y trouva la lampe de poche qu’il cherchait. Ainsi, il pourrait explorer la maison en toute discrétion.

Il traversa la première chambre, puis la seconde et, comme un coup au cœur, perçut son parfum. Bouleversé, il resta un moment immobile, s’emplissant de sa saveur sucrée, délicieusement sensuelle. Il se remémora soudain leurs baisers, leurs étreintes, ses cris quand il la pénétrait, et serra les poings pour maîtriser son trouble.

La maison était vide, mais Mia avait été là, peu de temps auparavant.

Brusquement, comme un flash, l’évidence lui apparut. Comment avait-il pu ne pas y penser plus tôt?

C’est à la cascade qu’elle avait trouvé refuge, là où ils avaient fait l’amour des dizaines de fois, nus sous le soleil

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comme Adam et Eve au premier jour, là où il avait compris qu’il l’aimait...

Là où il avait imaginé qu’il l’aimait, se reprit-il. Il éteignit sa lampe et se glissa dehors. Puis, à pas

furtifs, il s’engagea sur le sentier qui menait à la cascade.

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13. La forêt tropicale était plongée dans l’obscurité. Seul

bruit à la ronde, un ronronnement sourd s’élevait de la chute, qui précipitait ses eaux bouillonnantes depuis un impressionnant à-pic rocheux.

Tel un énorme globe luminescent, la lune s’était levée et semblait suspendue dans les branches des arbres. Sa lumière laiteuse jetait ses rayons obliques sur la clairière et sur le bassin naturel qui, phosphorescent, resplendissait comme une pierre précieuse. Elle éclairait également Mia, qui se tenait debout, nue, tout près de l’eau...

Matthew s’immobilisa à l’orée de la clairière, face à la piscine creusée dans le rocher. Les yeux rivés sur la jeune femme, les poings serrés, il cherchait désespérément à reprendre le contrôle, à retrouver cette maîtrise de lui-même qui ne l’avait jamais quitté. Jamais, jusqu’à ce que son chemin croise celui de Mia.

Mia... Il était parti à sa recherche, il avait fini par la trouver, et il venait de la perdre pour toujours...

A cet instant cependant, elle était à sa merci. En apparence tout au moins. Car en fait, elle lui échappait encore... Elle ne voulait pas de lui, comme elle le lui avait fait comprendre sans équivoque aucune. Elle le quittait pour un autre, cet homme qui, après avoir trahi la jeune femme, avait lancé Matthew sur sa piste pour la récupérer.

Pourquoi est-ce elle que tu veux? s’était demandé Matthew quand il avait vu Mia pour la toute première fois.

C’était une bonne question, une excellente question. Il savait qu’elle serait belle – le type lui avait montré sa photo – mais le monde était plein de belles filles, alors pourquoi elle? Qu’avait-elle de si spécial?

Quand Matthew lui avait posé la question, l’homme avait eu un drôle de sourire. Il avait réfléchi un instant et

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expliqué qu’il voulait la retrouver parce qu’elle avait tout ce qu’un homme pouvait souhaiter chez une femme...

Soudain, Matthew sentit son sang s’accélérer dans ses veines.

Cet homme avait tort. Elle était bien plus encore. Il le savait à présent, parce qu’elle lui avait appartenu. Elle était Eve, elle était Jezebel, elle était Lilith réincarnées... Elle pouvait être aussi chaude que l’orage d’été qui raye le ciel de ses éclairs incandescents, et aussi fraîche que la pluie de printemps qui abreuve les feuilles vert tendre.

Le simple fait de la regarder pouvait mettre n’importe quel homme sens dessus dessous, il était bien placé pour le savoir.

L’ovale de son visage avait la pureté des statues antiques, ses yeux noirs en amande brillaient d’un éclat mystérieux, et son nez aristocratique et racé contrastait avec une bouche si pulpeuse qu’elle semblait faite pour le péché...

Sur ses épaules et jusque dans le creux de ses reins s’étalait en cascade son opulente chevelure aux boucles auburn. Ces cheveux qui donnaient irrémédiablement envie d’y enfouir les mains et le visage, d’en respirer le parfum.

Ses jambes affichaient une insolente longueur, sa taille si mince qu’il aurait presque pu en faire le tour de ses deux mains, mettait en valeur, par contraste, sa poitrine généreuse.

La respiration de Matthew s’accéléra au souvenir de la rondeur souple de ses seins quand il les serrait dans ses paumes.

Et ses cuisses... Ses cuisses étaient faites pour encercler la taille d’un homme pendant l’amour. Dans un flash, il se revit soudain les écartant pour mieux la pénétrer, et la tête lui tourna.

Bon sang, qu’est-ce qui lui arrivait? Il ne savait plus où il en était! Qui était Mia Palmieri? A qui appartenait-elle? A lui ou à Hamilton? Tout ça n’avait-il jamais été qu’un jeu?

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La jeune femme se retourna brusquement et Matthew se figea. Dans l’obscurité, elle ne pouvait pas le distinguer, il en était certain. Il eut cependant l’impression étrange qu’elle avait senti sa présence. Etait-ce parce qu’elle le savait dans les parages qu’elle avait tourné la tête, lui montrant gracieusement son profil, et qu’elle avait levé les mains vers son buste, serrant ses seins dans ses paumes comme si elle les lui offrait?

Matthew sentit soudain qu’il était en pleine érection, une érection si dure et si violente qu’il en eut mal.

Il se revit quelque temps auparavant, promettant de ramener Mia à l’homme qui le payait pour ça. Cette fois, c’était à lui qu’il faisait cette promesse. Il la voulait, et il l’aurait.

Lentement, à pas furtifs, il s’avança vers la clairière, quittant peu à peu l’obscurité pour se laisser inonder par les rayons argentés de la lune. Là, il attendit, muscles bandés, tout son être en alerte.

Il aurait pu l’appeler, manifester sa présence, attirer son attention, mais il n’en fit rien. Il voulait que la surprise soit totale, qu’elle se retourne par hasard et l’aperçoive. Parce qu’il voulait voir comment elle réagirait quand elle découvrirait sa présence. Se mettrait-elle à courir vers lui pour le rejoindre? Se jetterait-elle dans ses bras? Si c’était le cas, il...

Mais elle ne fit rien de tout ça, et sa réaction fut pour lui comme un coup de poing dans la figure. Il aurait été un monstre qu’elle n’aurait pas eu une autre attitude. Elle écarquilla les yeux et, d’effroi, ouvrit grand la bouche, mais aucun son n’en sortit. Puis, d’une main, elle se couvrit les seins, de l’autre le pubis, en un geste ancestral de pudeur féminine.

Ce n’était qu’un réflexe, pensa-t-il, et il n’avait pas à en tirer de conclusion. D’ailleurs, en ce qui concernait Mia, n’avait-il pas déjà toutes les réponses aux questions qu’il se posait? Des réponses qu’il aurait préféré ne pas connaître...

— Non ! cria-t-elle enfin d’une voix étranglée. Non !

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Matthew l’entendit à peine, mais ce n’était pas nécessaire. Toute son attitude exprimait l’effroi et l’envie de fuir.

Il sentit une décharge d’adrénaline affluer dans ses veines, et un sourire de prédateur se dessina sur ses lèvres.

Il ne lui fallut que quelques secondes pour se dévêtir. Alors, il se redressa de toute sa taille et lui fit face fièrement, pour qu’elle constate de visu la puissance de son désir pour elle. Puis, d’un mouvement précis d’athlète accompli, il plongea dans l’eau sombre du bassin pour aller la retrouver.

Mia avait fui vers la cascade comme une bête traquée

fuit un prédateur. Personne ne viendrait la débusquer jusque-là, avait-elle songé. Elle était seule, comme elle serait seule le reste de sa vie...

Se réfugier à Cachalua lui avait paru la solution la plus évidente. D’abord, Hamilton ne viendrait jamais la chercher là où il l’avait déjà trouvée une première fois. Et puis... Cachalua, c’était peut-être une infime chance de revoir Matthew, même si elle s’interdisait d’y croire... Même si elle savait que tout était fini entre eux...

En effet, il n’était pas là. Mais, après avoir cherché désespérément des traces de sa présence, elle avait fini par s’endormir dans son lit, serrant son oreiller dans ses bras pour mieux se pénétrer de son odeur.

Une nuit passa, puis une journée. Et puis, soudain, mue par un élan qui la dépassait elle-même, elle avait senti qu’elle devait se rendre à la cascade, ce lieu magique où ils avaient fait l’amour jusqu’à en perdre le souffle, en communion parfaite avec la nature vierge et majestueuse. Cette cascade, c’était un peu le symbole des moments merveilleux qu’ils avaient partagés, même si elle savait au fond d’elle-même que tout entre eux était déjà fini sans avoir jamais vraiment commencé...

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Elle se figea soudain, en alerte. Elle aurait juré que quelqu’un l’observait. Mais qui? Hamilton, qui aurait contre toute attente retrouvé sa trace?

Paralysée par la terreur, elle aperçut soudain, éclairée par les rayons argentés de la lune, la silhouette athlétique de Matthew.

La joie l’inonda. Il était là, l’homme qu’elle aimait, celui qui avait pris possession de son cœur, de son âme, de ses pensées! Mais alors elle aperçut son visage, dur, menaçant, intraitable, et elle comprit, le cœur brisé, qu’il croyait toujours aux mensonges d’Hamilton.

— Non ! balbutia-t-elle, au supplice. Comment faire pour qu’il lui fasse confiance à elle, et

non pas à Hamilton? Soudain, les paroles de ce dernier lui revinrent à la mémoire. « Ma pauvre Mia, ton amant est un tueur! avait-il dit en ricanant, un type qui a du sang sur les mains. » Avec l’énergie du désespoir, elle avait refusé de l’écouter. Mais à cet instant, l’expression de Matthew était si inquiétante qu’elle songea avec horreur qu’Hamilton avait peut-être raison.

Tout à coup, Matthew commença à se dévêtir avec des gestes calmes et précis qui ajoutèrent encore à son angoisse. Une fois nu, il se redressa de toute sa taille et la dévisagea avec une terrible acuité.

Affolée, elle se mit à trembler de tous ses membres. Il n’y avait rien de subtil dans le message qu’il lui adressait en cet instant : il voulait d’abord qu’elle voie le désir qu’il éprouvait, avant de se venger... Il voulait lui montrer qu’il restait le plus fort.

Brusquement, il plongea dans le bassin pour la rejoindre : alors Mia se mit à courir, prise d’une panique incontrôlable. Elle était nue, les rochers glissaient sous ses pas, les herbes la piquaient, mais elle n’en avait cure. Elle devait échapper à cet homme qu’elle ne reconnaissait pas, cet homme effrayant qui avait juré sa perte...

Elle s’arrêta un instant, indécise, comme une proie qui sent la présence toute proche du chasseur et des chiens,

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et qui hésite. Face à elle s’étendait la forêt vierge, sombre, magnifique mais aussi infiniment dangereuse. Où aller? Matthew connaissait mieux les lieux qu’elle, et elle se sentit tout à coup perdue, dépassée par des événements qu’elle ne contrôlait plus depuis qu’elle avait quitté son tranquille emploi d’assistante à Dallas. Comment avait-elle pu se retrouver dans une telle situation? songea-t-elle, affolée. Pourquoi avait-elle accepté cette mission à laquelle rien ne l’avait préparée?

Matthew ne lui laissa pas le loisir de réfléchir bien longtemps. Rapide comme l’éclair, avec la souplesse et la précision d’un félin, il avançait, écartant les branchages, sautant les obstacles. Il la rejoignit en quelques minutes. D’une poigne de fer, il la saisit alors par le bras, lui fit faire volte-face et l’attira à lui.

— Mia..., murmura-t-il. Son expression était énigmatique, sa voix calme, mais

elle ne fut pas rassurée pour autant. Les deux mains contre sa poitrine nue, elle tenta en vain de le repousser. Cette fois, elle jouait le tout pour le tout, songea-t-elle, le cœur battant à tout rompre.

— Ecoute-moi, Matthew! s’écria-t-elle d’un ton suppliant. Douglas a menti! Je n’ai jamais été sa maîtresse! Comment aurais-je pu coucher avec un homme que je méprise?

— Tu as bien couché avec moi..., lança Matthew d’une voix coupante. La comédie, ça te connaît, n’est-ce pas?

— C’est avec Douglas que j’ai joué la comédie, pas avec toi, Matthew! protesta-t-elle avec désespoir. Avec toi, j’étais sincère!

Le visage ravagé par l’amertume et le doute, Matthew la prit par les poignets et la força à lui faire face.

— Alors, pourquoi m’as-tu caché la vérité? s’exclama-t-il. Tu n’avais qu’à me dire que tu avais été engagée par les services secrets pour espionner Hamilton, et j’aurais compris.

Elle lui jeta un regard désemparé.

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— Voyons, Matthew, c’était impossible! protesta-t-elle. J’ignorais tout de toi, à part le fait que Douglas t’avait engagé pour me retrouver. Te dire la vérité était beaucoup trop risqué.

Ses paroles étaient marquées au coin du bon sens, mais il refusait toujours de la croire...

Matthew resta silencieux un moment, tandis que ses pensées s’échappaient, le ramenant à ces moments enfuis où il avait tenu Mia dans ses bras. Elle était face à lui, nue, infiniment désirable et vulnérable... Un instant, il fut tenté de l’attirer à lui pour retrouver la chaleur de sa peau, le goût de ses baisers, enfouir son visage une dernière fois dans ses boucles brunes au parfum enivrant... Il résista à la vague de désir qui l’assaillait, presque douloureuse, et s’écarta d’elle, le regard dur, le cœur plein de méfiance.

— Peut-être au début, admit-il à contrecœur. Mais après, nous avons couché ensemble, et là tu aurais dû...

Elle le coupa brusquement et le fusilla du regard. — Je t’interdis de parler en ces termes! s’écria-t-elle

d’une voix étranglée. Nous avons fait l’amour, c’est très différent! Pour moi, ce n’était pas juste une histoire de sexe..., acheva-t-elle dans un sanglot.

Pas question de se laisser prendre à son jeu! se dit Matthew. Mais au fur à mesure qu’il voyait son visage se décomposer, le doute s’insinuait dans son esprit. Et si tout ce qu’elle disait était vrai? Ne pouvait-il lui faire confiance, juste un instant, pour tester sa réaction?

— Ne pleure pas, Mia..., murmura-t-il, la gorge serrée. Elle gardait la tête baissée. — Je te déteste, rétorqua-t-elle d’une voix sourde. Je

te déteste! — Oui, comme tu détestes Hamilton, fit-il remarquer

avec une douloureuse amertume. Elle leva les yeux vers lui et il prit son regard en plein

cœur. Un regard où son âme était à nu... Jamais il n’oublierait ce moment, pensa-t-il soudain...

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C’était sa dernière chance pour renverser la situation, songea Mia, au désespoir. Elle avait quelques secondes pour tenter de le convaincre. Après, il serait trop tard...

— Que veux-tu, Matthew? lança-t-elle alors d’une voix vibrant d’émotion. Réfléchis, je t’en prie! Tu veux la vérité, ou les mensonges d’Hamilton?

Ebranlé, Matthew resta silencieux un moment. Mia semblait si convaincue qu’il commençait à douter.

— Je sais dans quelles conditions tu as été envoyée à Carthagène pour travailler avec Hamilton, dit-il en la guettant du regard. Mais je sais aussi qu’après, tu as essayé de passer de la drogue pour ton propre compte, en mettant en danger les agents doubles travaillant pour les services secrets...

Mia s’écarta de lui et lui lança un regard qui semblait venir du tréfonds de son âme.

— Tu me crois vraiment capable de ça? articula-t-elle d’un ton solennel, sans le quitter des yeux.

Il y eut un silence, l’air se chargea brusquement d’électricité... Soudain, il sembla à Matthew que le temps s’arrêtait, que de cette seconde dépendait le reste de son existence. Et quelque chose en lui se relâcha, se libéra. C’était le mur jusque-là inviolable qu’il avait érigé autour de son cœur et qui s’écroulait, pensa-t-il, envahi par une vague de tendresse pour cette femme qui lui demandait seulement sa confiance...

— Non, balbutia-t-il, soudain apaisé, je sais que tu n’es pas capable de ça...

Il l’enlaça et posa les lèvres sur ses cheveux avec une infinie tendresse.

— Matthew, murmura Mia, Matthew... Il l’écoutait enfin! Elle avait gagné... Eperdue

d’émotion et de bonheur, elle releva la tête et leurs lèvres se joignirent en un baiser passionné, un baiser qui scellait leurs retrouvailles.

— Raconte-moi ce qui s’est passé, ma chérie, lui glissa-t-il à l’oreille. Parler te déchargera de tout ce poids qui t’oppresse.

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Alors elle lui expliqua comment Hamilton, ayant découvert qu’elle avait subtilisé la liste de ses contacts, l’avait menacée de la faire passer pour une trafiquante et de la faire emprisonner dans les sinistres geôles colombiennes. Sauf si elle acceptait de coucher avec lui...

— Jusque-là, j’avais tenu bon, résolue à aller au bout de ma mission. Mais là, c’en était trop, expliqua-t-elle. J’ai pris la fuite, avec la liste sur un mini CD... que j’ai fait parvenir aux services secrets, à Washington, pas plus tard qu’hier.

Matthew lui lança un regard ébahi d’admiration. — Comment as-tu fait ? s’exclama-t-il, impressionné. — Par l’intermédiaire d’Evalina, qui est passée ici. Je

l’ai chargée d’envoyer le CD par la poste, tout simplement. Non sans en avoir fait une copie au préalable, bien sûr! ajouta-t-elle fièrement.

— Tu es devenue un vrai agent secret, conclut-il, admiratif... Quand je pense que tu as été propulsée en plein cœur du cartel de drogue le plus puissant de Colombie pour une mission impossible, sans la moindre préparation ou presque, et que tu as réussi! C’est époustouflant!

Elle sourit de ces compliments. Mais bientôt, un tremblement la saisit.

— Rentrons, dit Matthew, inquiet. Tu as froid, et tu as vécu des moments si éprouvants ces derniers jours que tu dois être épuisée.

* * *

Une demi-heure plus tard, Mia était enveloppée dans une couverture, confortablement installée dans le canapé face à la cheminée où Matthew s’affairait à démarrer un grand feu.

Quand les flammes crépitèrent, il versa du cognac dans deux grands verres et s’assit à côté d’elle. Puis il l’attira à lui et ils restèrent un moment à admirer l’âtre, apaisés, émerveillés du simple fait d’être ensemble, en paix l’un avec l’autre.

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— Tu sais, j’ai failli devenir fou quand Hamilton t’a emmenée, fit observer Matthew en la prenant par les épaules.

— Je n’avais pas le choix. Il m’avait menacée... — De te tuer ? — Non. De te tuer toi... Bouleversé, Matthew se pencha vers elle et lui effleura

le front d’un tendre baiser. Courageuse Mia, pensa-t-il. Elle avait risqué sa vie pour sauver la sienne...

— Mais j’ai réussi à m’échapper, reprit-elle d’un ton plus léger. Une ruse stupide, mais qui a marché. Il roulait comme un fou dans les virages, et j’ai fait semblant d’être malade. Je l’ai supplié de s’arrêter pour me laisser vomir dehors. Et, par chance, il a accepté... Je me suis mise à courir comme une folle... Et le miracle a eu lieu : il n’a pas réussi à me rattraper.

Matthew posa son verre et la serra contre lui à l’étouffer.

— Mia, murmura-t-il, ma chérie! Si forte, si déterminée sous tes airs de femme fragile! Quand je pense à tout ce que tu as accompli sans la moindre préparation. Tu es extraordinaire...

Il la sentit s’alanguir entre ses bras, et il comprit que le désir se réveillait en elle à l’unisson du sien.

— Tu te souviens qu’avant l’irruption d’Hamilton, je voulais te parler? reprit Matthew.

— Et moi, j’allais t’avouer enfin la vérité... — Moi aussi, enchaîna-t-il. Mais il ne nous en a pas

laissé le temps... Elle lui sourit, et son beau visage s’éclaira d’une joie

qui venait du plus profond de son âme. — A présent, tout est clair, déclara Matthew sur un ton

solennel. Entre nous, il n’y aura plus jamais aucune zone d’ombre... Tu es une femme exceptionnelle, Mia. De droiture, de courage, d’honnêteté. Je t’aime, Mia. C’est ce que je voulais te dire ce dernier soir...

Eperdue d’émotion et de bonheur, elle plongea son regard dans le sien.

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— Je t’aime moi aussi, Matthew, et je n’aimerai jamais que toi.

Ils s’embrassèrent à perdre haleine, uniquement préoccupés d’eux-mêmes et de leur bonheur.

— Veux-tu être ma femme ? demanda-t-il enfin. Il s’écarta légèrement pour guetter sa réaction. L’éclat

de bonheur qu’il lut dans ses yeux le bouleversa. — Oui, répondit-elle d’une voix sourde. Il la prit dans ses bras, l’allongea délicatement sur le

tapis à côté du feu et regarda longuement la lumière dansante des flammes jouer sur ses formes sculpturales. Puis, n’y tenant plus, il l’enlaça.

Et Mia se nicha contre son épaule. Elle était comblée. Elle avait trouvé sa place, pour toujours. Plus rien ni personne ne pourrait jamais les séparer...