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LA SCULPTURE GALLO-ROMAINE EN ARLES Notes a propos de douze sculptures inedites Nous nous proposons de résumer ici les résultats d'un travail qui avait pour but de mettre en évidence le tempérament proprement arlésien d'un certain nombre de sculptures actuellement visibles au Musée lapi- daire, au Théâtre antique, au dépôt du Musée Réattu, dans la cour du Museon Arlaten et dans l'église Saint-Honorat, aux Aliscamps 1. Il s'agit donc d'une orientation de recherche originale. En effet, il n'est que de feuilleter les multiples études ou articles consacrés à cet art arlésien, pour constater que l'étude des pièces importées, l'étude des influences étrangères (et particulièrement hellénistiques) et les problèmes relatifs à la datation ou à la reconstitution représententent, à quelques exceptions près, les trois uniques thèmes traités à satiété, souvent d'ailleurs de façon très fragmentaire, et parfois partisane. Seul l'ouvrage de J.J. Hatt 2 a le mérite d'envisager l'existence de sculpteurs et d'architectes provençaux; il propose en outre, en se basant sur le style, la mode et l'épigraphie, quelques regroupements (on pour- rait dire ateliers ou écoles) dans l'espace et dans le temps. Malgré de multiples erreurs (en particulier dans la chronologie, modifiée par la recherche archéologique des vingt-cinq dernières années), cette synthèse demeure fort utile et nous a largement guidé. 1 La sculpture gallo-romaine ell Arles, essai de mise en valeur d'un art local, Mémoire de Maîtrise d'Histoire, 1971-1972 (Faculté des Lett;-(;s d 'Aix-en-Provence) , sous le direction de Monsieur Paul-Albert Février. NOUS renouvelons nos remercie- ments à M. J.-M. Rouquette, Conservateur des Musées d'Arles, qui nous a donné tou- tes facilités pour faire notre étude, el à IvI.F. Braemcr, Conservateur au Musée du Louvre, qui nOlIS a prodigué ses conseils et orienté par ses méthodes. 2 J.-J. HATT, La tombre gallo-romaine, Paris, 1951.
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RIVET (L.), La sculpture gallo-romaine en Arles. Notes à propos de douze sculptures inédites, Cahiers Ligures de Préhistoire et d'Archéologie, 25, 1976, p. 239-262.

Jan 17, 2023

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Paul AUBERT
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Page 1: RIVET (L.), La sculpture gallo-romaine en Arles. Notes à propos de douze sculptures inédites, Cahiers Ligures de Préhistoire et d'Archéologie, 25, 1976, p. 239-262.

LA SCULPTURE GALLO-ROMAINE EN ARLES

Notes a propos de douze sculptures inedites

Nous nous proposons de résumer ici les résultats d'un travail qui avait pour but de mettre en évidence le tempérament proprement arlésien d'un certain nombre de sculptures actuellement visibles au Musée lapi­daire, au Théâtre antique, au dépôt du Musée Réattu, dans la cour du Museon Arlaten et dans l'église Saint-Honorat, aux Aliscamps 1. Il s'agit donc d'une orientation de recherche originale. En effet, il n'est que de feuilleter les multiples études ou articles consacrés à cet art arlésien, pour constater que l'étude des pièces importées, l'étude des influences étrangères (et particulièrement hellénistiques) et les problèmes relatifs à la datation ou à la reconstitution représententent, à quelques exceptions près, les trois uniques thèmes traités à satiété, souvent d'ailleurs de façon très fragmentaire, et parfois partisane.

Seul l'ouvrage de J.J. Hatt 2 a le mérite d'envisager l'existence de sculpteurs et d'architectes provençaux; il propose en outre, en se basant sur le style, la mode et l'épigraphie, quelques regroupements (on pour­rait dire ateliers ou écoles) dans l'espace et dans le temps. Malgré de multiples erreurs (en particulier dans la chronologie, modifiée par la recherche archéologique des vingt-cinq dernières années), cette synthèse demeure fort utile et nous a largement guidé.

1 La sculpture gallo-romaine ell Arles, essai de mise en valeur d'un art local, Mémoire de Maîtrise d'Histoire, 1971-1972 (Faculté des Lett;-(;s d 'Aix-en-Provence) , sous le direction de Monsieur Paul-Albert Février. NOUS renouvelons nos remercie­ments à M. J.-M. Rouquette, Conservateur des Musées d'Arles, qui nous a donné tou­tes facilités pour faire notre étude, el à IvI.F. Braemcr, Conservateur au Musée du Louvre, qui nOlIS a prodigué ses conseils et orienté par ses méthodes.

2 J.-J. HATT, La tombre gallo-romaine, Paris, 1951.

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Douze sculptures inédites 3, réalisées sur calcaire 4, nous serviront de point de départ pour des commentaires concernant des ensembles plus ou moins vastes, chacun des reliefs n'étant pas isolé, mais au contraire partie de séries ou de groupes. Nous exposerons ainsi, peu à peu, nos conclusions qui, disons le tout de suite, ont été conçues avec le désir de donner une place de choix à la classification, à la clarification et à la logique, quitte parfois à décevoir sur le plan de la nouveauté.

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LA SCULPTURE TRIOMPHALE

Nous classons sous cette dénomination dix sept blocs apparentés, en particulier, par le caractère militaire de leur illustration (soldats et armes) et par leur gabarit. Nous présentons ici cinq de ces blocs, non catalogués 5.

Fig. 1 - Frise de personnages drapés .

3 Nous entendons par inédites les sculptures non cataloguées par E. ESPERAN­DIEU, Recueil général des bas-rehefs, statues et bustes de la Gaule romaine, tomes 1 à XI (Paris, 1907 à 1938) et R. LANTIER, Suppléments, tomes XII à XV (Paris, 1947 à 1966).

4 Nous avons effectué vingt-cinq prélèvements représentatifs de l'ensemble des sculptures réalisées sur calcaire. Les ana'lyses révèlent qu'il s'agit d'une molasse du type Fonvieille-Les-Baux (burdigalien moyen); ces identifications ont été réalisées M. C. Rousset, Directeur de l'UER de Géologie de la Faculté des Sciences de Marseille.

5 Les douze autres sont: Esp. 150, 152, 155-1, 155-2, 156, 157, 158-1, 158-2, · 159-1, 159-2, 6715 et 7956.

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Fig. 2 - Amoncellement d'armes.

1) Frise de personnages drapés (fig. 1). Inédit. Au Théâtre antique. Dimensions: H. 0,56 m; 1.2,00 m; ép. 0,65 m.

Bloc allongé et fracturé deux fois dans la hauteur, représentant une quinzaine de personnages drapés, de face, et alignés sur deux rangs. Un cadre, large de 0,08 m environ, est ménagé tout autour. Relief très érodé.

Cette frise s'apparente à celles de deux autres blocs (calcaire coquil­lier identique, provenant d'une même couche d'extraction), de même con­ception, et figurant des guerriers (Esp. 158-1 et 158-2) . La facture de ces reliefs est excellente. Bien qu'ils soient très usés, on peut voir dans ce tra­vail de miniature (la grandeur des personnages est de l'ordre de D,3D m.), très détaillé (armures, plis des toges, visages), la marque d'un atelier spécialisé.

En raison de leur longueur, ces blocs sont très probablement des entablements. On rappellera leur hauteur: 0,56 m; or celle de la frise qui forme l'entablement de l'Arc d'Orange varie entre 0,52 m et D,57 m.

Voyons maintenant trois reliefs figurant des amoncellements d'ar­mes (type pergaménien), associables, par le thème, à trois autres reliefs catalogués 6. Travaillés dans un calcaire tendre, friable et blanchâtre, ils proviennent apparemment d'une même couche d'extraction.

2) Amoncellement d'armes (fig. 2). Inédit. Au Théâtre antique. Dimensions: H. 0,46 m; 1. 1,26; ép. 0 ,65 m.

Le relief, extrêmement usé, permet seulement de reconnaître la moitié d'un bouclier gaulois, avec décor à volutes, et la pointe d'un glaive.

6 Esp. 157, 6715 et 7956.

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Fig. 3 - Casque, lances et glaives.

Fig. 4 - Bouclier ovale.

Par le décor et la forme, ce bouclier s'apparente à un bouclier du panneau sud-est de l'Arc d'Orange 7.

3) Casque, lances et glaives (fig. 3). Inédit. Au Théâtre antique. Dimensions: H. 0,40 m; 1. 1,30 m; ép. 0,62 m.

7 Cf. R. AMY, P.-M. DUVAL, J. FORMIGE, J.-J. HATT, CH. PICARD, G.-CH. PICARD, A. PIGANIOL, L'arc d'Orange, XV supplément à Gallia, Paris, 1962, Planche 46, IV, 18 (forme ovale).

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8 J .-J. HATT,

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"fj~~'t..~tt~~~;~ Fig. 5 - Jambes de trois per-Il: sonnages.

Ce relief présente des armes gauloises (bouclier orné d'un décor à volutes, glaives courts et pointes de lances, casque) disposées les unes à côté des autres, telles qu'on les imagine à la suite d'une reddition. Ce bloc est surmonté d'une corniche sommairement décorée d'entailles.

4)Bouclier ovale (fig. 4). Inédit. Au Museon Arlaten. Dimensions: H. 0,41 m; 1. 0,32 m; ép. 0,85 m.

Bouclier gaulois posé devant un glaive dont on distingue la poignée. Corniche sommairement décorée d'entailles.

Ces deux derniers blocs faisaient partie d'un même alignement (proportion des armes, corniche).

2nfin, notons un cinquième relief, bien que son caractère «militai­re» ne soit pas évident.

5) Jambes de trois personnages (fig. 5). Inédit. Au Théâtre antique. Dimensions: H. 0,58 m; 1. 0,82 m; ép. 0,62 m.

Jambes de trois personnages vêtus de toges. On remarque, à droite, un faisceau (de lances ?). Le relief est cerné.

La présence du cerne, sur la plupart de ces reliefs, demeure la caractéristique principale. Ce trait incisé (sillon creusé dans la pierre) entoure les représentations figurées et souligne le dessin, par l'ombre qu'il engendre.

J.J. Hatt a étudié cette cernure sur les frises de guerriers 8. Selon cet auteur, le cerne est obtenu, dans un premier temps, par l'emploi du trépan qui trace un sillon en pointillé, c'est-à-dire une succession de petits trous ronds, distants de 0,5 à 1 cm, puis, dans un deuxième temps, par l'emploi du ciseau qui joint entre eux ces petits trous, par des traits

8 J.-J. HATT, La tombe gallo-romaine, Paris, 1951, p. 127.

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inégaux, en faisant « sauter» la petite paroi de pierre qui les sépare. En observant que partout où le cerne n'existe pas, le relief s'accentue (la profondeur de l'incision ayant une constante de 3 cm), Hatt pense que le cerne est creusé avant l'éxécution de la sculpture; son but ne serait pas artistique mais purement technique; il faciliterait le travail du sculpteur, en lui donnant son cadre de travail, en lui fournissant un guide.

Cette interprétation n'est pas universellement admise, et nous som­mes de ceux qui restent circonspects. En effet, si le rôle du cerne est d'obtenir une limite, une sorte de « pré-sculpture », cela se conçoit dans la mesure où on observe un cerne sensiblement perpendiculaire à la surface du bloc. Or les reliefs arlésiens présentent, en certains endroits, un cerne très oblique; il serait alors une « prévision» très poussée de la future sculpture. Mais surtout, à quatre ou cinq reprises (cas des jambes des guerriers de la frise), plusieurs cernes très proches et très inclinés devaient, à l'origine, se croiser dans le bloc vierge; ce qui est, pratique­ment, impossible.

A priori, il n'est pas impensable de considérer le cerne comme un procédé technique; mais nous pensons qu'il est plus que cela. Seule une étude très spécialisée et très technique (ne serait-ce que par la nécessité d'utiliser des instruments de mesure adéquats) permettra de résoudre ce problème. En attendant, on constate que l'utilisation du trépan ne se limite pas à la réalisation du cerne, mais qu'il est aussi largement présent, par exemple, dans le décor des boucliers. Aussi, qu'il façonne un trait de contour ou un motif décoratif, le trépan, avant tout, participe au style des reliefs, leur donne une valeur proprement artistique, et imprime un effet caractéristique et original.

La parenté entre ces reliefs arlésiens. et ceux appartenant aux Arcs de la basse vallée du Rhône (Orange, Saint-Rémy et Carpentras; ajou­tons les reliefs de Vaison et de Saint-Julien-Ies-Martigues) est connue. Ce qui frappe surtout, c'est que le sujet, le style et la présence du cerne ne se rencontrent, de façon aussi dense, que sur cette rive gauche de la basse vallée du Rhône. Si bien que, en toute logique, on est conduit à envisager le travail d'une même équipe, d'une même école ou, comme le rappelait récemment F. Benoit, d'un atelier itinérant 9. De cette école, spécialisée, nous ne savons rien sinon, et c'est un point important, qu'elle ne travaillait que dans un périmètre très limité, dans un territoi­re s'inscrivant à l'intérieur du triangle Arles-Vaison-Martigues, délaissant des villes importantes et proches (Marseille et Nîmes par exemple). Cette localisation n'est probablement pas le fait du hasard. Nous sommes

9 F. BENOIT, Art et dieux de la Gaule, Paris, 1969, p. 82.

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tentés de voir derrière les limites de ce « marché» artistique des consi­déra tions poli tico-administra ti ves.

L'ensemble de ces reliefs est datable, par le style, les vêtements et surtout les armes, de la fin de la République ou du début de l'Empire. Il serait intéressant de connaître les dates de construction des arcs de triomphe d'Arles, et l'appartenance, à tel ou tel de ces arcs, des reliefs étudiés ici. Or, dans l'état actuel des connaissances, cela est impossi­ble 10.

II

LA SCULPTURE FUNERAIRE DU r.er SIECLE

s Au premier siècle, l'art funéraire arlésien se manifeste dans une ~- pr oduction relativement diversifiée (reliefs d'un mausolée, grandes stè­

les, cippes figurés et statues, principalement) . Un seul inédit intervenant n dans cette partie, nous nous limiterons à un rapide survol, n'insistant e que sur les aspects allant dans le sens indiqué dans l'introduction. é :e ;e

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1) La guirlande d'un mausolée

Quatre fragment de blocs (Esp. 6722-1-2-3 et 7958) permettent aIse­ment la reconstitution d'une lourde guirlande dont les extrémités s'atta­chent à deux chapiteaux d 'angle; de petits amours la supportent à inter­valles réguliers, tandis que des masques garnissent les creux de chacune des courbes ainsi obtenues (deux conservées, mais quatre à l'origine).

Il s'agit d'un relief identique à celui qui orne le socle du mausolée de Saint-Rémy. Ici, la hauteur des blocs est de 0,44-0,45 m environ, et la longueur de l'ensemble devait atteindre 5,40 ou 5,50 m, chapiteaux d'an­gle compris.

Or , cette association, on ne peut plus symbolique, de la guirlande, de l'amour et du masque, se rencontre dans une zone limitée: mausolée de Saint-Rémy, et quelques fragments à Alleins (Esp. 134), Avignon et Narbonne (Esp. 755). Des différences, parfois importantes, existent, au

10 Nous ne reviendrons pas sur la controverse qui oppose les auteurs au sujet de ces datations. En résumé, l'arc du Rhône (FOR, F. BENOIT, Bouches-du-Rhône, fasc. V, 1938, point 141) serait de l'époque augustéenne, tandis que l'arc Admirable (FeR, point 36) et l'arc municipal (à l'extérieur de l'enceinte, face à la Porte de la Redoute) restent non datés. Or la plupart des reliefs à caractère militaire ont été découverts en remploi dans le rempart médiéval de la Porte de Laure, construit entre le XIe et le XIIIe siècle ; ils ne peuvent donc provenir de l'arc du Rhône qui ne fut détruit qu'au XVIe siècle.

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niveau des amours et des masques. C'est donc à partir des guirlandes proprement dites que l'on peut mener une étude comparative. Celle-ci nous permet de dégager deux styles: celui de Saint-Rémy, qui compose des guirlandes avec des motifs végétaux géométriquement disposés, or­donnés; et celui d'Arles-Alleins, conçu sans ordre, simple entassement, mais plus naturaliste; ces deux styles correspondent probablement à deux centres de production (et ces localisations, là encore, sont signifi­catives).

2) Les petits monuments funéraires: cippes figurés et stèles 11

Dans ce domaine, l'influence romaine se manifeste de façon prépon­dérante, sans être exclusive; l'hellénisme est, en effet, omniprésent. Il s'agit d'une production qui s'exprime par des styles qui révèlent des ateliers ayant des conceptions totalement différentes quant aux sens et aux soins accordés aux visages des effigies qu'ils réalisent.

Notre étude porte sur sept cippes figurés (Esp. 193, 194, 195, 196, 197, 201 et 1695) et sur deux fragments de grande stèles (Esp. 199 et 200), et permet d'attribuer l'ensemble de ces reliefs à deux ateliers, l'un comme l'autre produisant à la fois des cippes (qui semblent être, en ce 1er siècle, d'un usage courant, tout au moins dans le domaine funéraire qui utilise un signe extérieur) et de grande stèles (de façon secondaire, complémentaire).

L'un des ateliers utilise la technique du bas-relief qui ne lui permet d'obtenir que de biens simples et médiocres effigies (Esp. cippes 194 et 201; stèle 199).

L'autre, grâce à sa maîtrise du haut-relief, aboutit à de meilleurs résultats, en particulier au niveau du réalisme (Esp. cippes 193, 195, 196, 197 et 1695; stèle 200); si bien que nous pouvons voir, dans ces effigies, des portraits. Pour s'en convaincre, observons le cippe à quatre person­nages (Esp 193) qui offre, par son état de conservation, le meilleur exemple, pour peu que l'on tente de lire au travers des conventions qui dissimulent ce couple et ces deux jeunes gens. Et l'on découvre que grâce au réalisme, ces visages reflètent des traits personnels et expriment des caractères individuels (de gauche à droite: le visage du père, maigre, pommettes saillantes, front ridé, regard lointain et détaché de l'entoura­ge, exprimant à la fois les soucis et la gravité; celui. de la mère, détendu, et le regard très nettement posé sur ses enfants, qu'elle semble contem-pler; puis la jeune fille et le jeune homme - chez qui on pourrait 1

Il Nous reprenons ici les deux termes, mal définis, de cippes figurés et stèles, employés par Esperandieu et repris par J.-J. Hatt.

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LA SCULPTURE GALLO-ROMAINE EN ARLES 247

'trouver un certain nombre de ressemblances - regardant droit devant eux, et ayant des expressions moins significatives).

Nous sommes donc ici en présence de la première, et probablement de l'unique école de portraitistes alésiens; on le doit à ces clients qui achetaient eux-mêmes leurs monuments funéraires 12.

3) Les statues

Enfin, sept statues (dont cinq sûrement funéraires), en calcaire, complètent l'essentiel de ce catalogue du 1er siècle. Nous distinguerons deux groupes.

a) Groupe de Médée et de la Niobide. Liées par leur petitesse et leur similitude de style, ainsi que par la technique du dos et de la base, et célèb:-:-es, car particulièrement charmantes et attachantes, elles ont été fréquemment citées au cours d'articles. C'est le cas, surtout, de la Médée (Esp. 143), réalisée dans un calcaire local (dont la légére coloration rosée n'est pas originelle). Mais ce n'est pas tant l'aspect élaboration, création, travail et technique, que l'aspect signification de cette ronde bosse, qui retient les auteurs, auteurs d'ailleurs largement stimulés par une con­troverse. En effet, s'agit-il réellement de Médée se préparant à tuer ses enfants, lesquels, apeurés semble-t-il, se cachent dans les plis de la robe?, ou bien d'une barbare face à un ennemi et destinée, peut-être, à périr avec ses deux enfants, mais résolue à ne point se rendre, les enfants cherchant alors une protection en se serrant contre leur mère? 13. On ne sait. Mais c'est encore sur les problèmes de datation que les avis diver­gent le plus 14. On s'accorde seulement pour considérer cette statue comme une copie d'un original grec (inconnu cependant).

Toujours est-il que nous sommes séduits par la réussite de cette somposition, qui s'organise autour d'un geste: le bras droit tirant le glaive hors du fourreau. Tandis que, dans un parfait équilibre, l'action

12 ,Cf. ? BRAEMER, Les stèles funéraires à personnages de Bordeaux, [-II [e siècles; contribution à l'histoire de l'Art provincial sous l'Empire romain, Paris, 1959, p. 133: « dans les provinces très romanisées, on se procurait, de son vivant, une stèle que l'on commandait à sa convenance »; voir aussi R. BIANCHI BANDINELLI, Rome, la fin de l'art antique, Paris, 1970, pp. 114-115.

13 Cf. G. CAPUTO, Thusnelda combattente, non Medea, dans La paroZa dei pas­sato, vol. 52, 1957, pp. 60-65.

14 I.er siècle, J.-J. HATT, La tombe gallo-romaine, p. 167; H. SCHOPPA, Die Kunst der Romerzeit in Gallien, Germanien und Britanien, München Berlin, 1957, fig. 108; R. BIANCHI BANDINELLI, Rome, la fin de l'art antique, fig. 139; ILe siècle, R. BIANCHI BANDINELLI, Storicità dell'arte classica, 1951, note 258; IlI.e siècle, F. BENOIT, fiche du Musée; IV.e siècle, G. CAPUTO, op. cit., p . 63.

Nous optons (suite à une conversation avec M. F. Braemer, juin 1972) pour la seconde moitié du Ler siècle.

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Fig. 6 - Homme en toge

LUCIEN RIVET

et la vie animent la pierre, par le mouvement du corps et des membres qui transparaît dans la robe plaquée contre la peau.

Enfin, cette oeuvre se singularise par son aspect rude, grossier, brut; cela résulte d'un procédé technique original: le traitement des plis du vêtement (qui couvre plus des trois quarts de la surface) ainsi que la chevelure, en arêtes vives et anguleuses (la face postérieure étant uniquement dégrossie - juxtaposition uniforme des marques du burin - sans aucun détail anatomique). Or nous pensons qu'il s'a­git là, non d'un travail inachevé, ou bâclé, mais d'un désir délibéré d'imposer un style par tel artiste. Si bien que nous sommes portés à donner une place tout à fait exceptionelle à cette oeuvre dans la production arlésienne.

b) Cinq statues funéraires. Du fait de leur attitude très conventionelle, ces cinq statues ne retiennent pas l'attention, à première vue; on les prendrait pour des copies de second or­dre (Esp 297, 6713, 7930 et 7931). De fait elles passent pratiquement inaperçues dans les ré-centes études . Une est inédite.

6) Homme en toge (fig. 6). Inédit. Au Musée lapidaire. Hauteur (incomplète): 1,17 m.

Statue 15 d'un homme; manquent les jambes et la tête. Les deux bras encadrent le buste. L'avant bras droit, totalement nu, se replie vers la taille; le poignet, souple, s'incline; la main tient un objet. L'avant bras gauche, dépourvu de main, soutient un abondant drapé.

Nous apparentons cette statue à celle d'une femme, elle aussi lar­gement drapée (Esp. 7931). La façon de traiter le vêtement, en sculptant un grand nombre de petits plis fins et serrés, est en effet identique, et donne une impression de froideur et de raideur; la prédominance des lignes verticales, due à l'absence de geste, renforce cette impression. Bien à part, elles appartiennent à un style que nous qualifions d'« im­mobiliste » (le manteau de la femme, en particulier, se présente comme un véritable carcan).

Rien de comparable avec les trois autres statues. L'attitude majes-

15 F. BENOIT, Le Musée lapidaire d'Arles, Paris, 1936, p. 14: «découverte en 1870 en creusant la culée du pont de Trinquetaille, avenue F. Mistral».

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LA SCULPTURE GALLO· ROMAINE EN ARLES 249

tueuse de la femme assise (Esp. 6713) traduit la puissance en même temps que la noblesse. La seconde, une femme debout et drapée (Esp. 7930), offre un corps vivant, empreint d'une grande assurance. La der­nière, un homme debout et drapé (Esp. 207), représente un cas unique, le visage étant conservé: cheveux ras, barbe extrêmement courte, nez iégèrement épaté, yeux dénués de pupille. Diffèrentes, et supérieures par la qualité de l'expression, ces oeuvres le sont aussi par la technique; jci, plus question de petits plis fins et serrés mais, au contraire, unique­ment quelques plis amples et épais pour indiquer les principaux mou­vements du vêtement. Et si les verticales sont tout aussi présentes que sur les deux statues précédentes, elles sont ici bien moins contraignan­tes; rien ne vient nuire à la souplesse. Le vêtement, comme le style, sont réalistes et vivants.

Il n'est guère possible d'aller plus en profondeur dans l'étude de ces

rondes ~osses. Considérées isolément, elles ne peuvent pas offrir plus que la possibilité de réaliser des descriptions plus ou moins objectives sur les styles et les techniques. Or le seul véritable moyen d'aller au-de­là, de passer de la description à l'interprétation, repose sur l'analyse comparative avec les oeuvres transalpines, c'est-à-dire avec les origi­naux 16; on pourrait ainsi déterminer le degré d'assimilation de la sta­tuaire arlésienne.

III

LA SCULPTURE FUNERAIRE DES ILe ET llI.e SIECLES

La caractéristique essentielle de la sculpture funéraire des Ile et Ille siècles réside dans le développement de la production de sarcophages. Le support de la sculpture funéraire se modifie donc; le petit monument du type cippe figuré, largement représentatif du 1er siècle, disparaît presque totalement. Mais des ateliers produisent encore, sur calcaire, quelques reliefs (amours auriges ou aigles soutenant une guirlande) pour de grands monuments.

16 Par exemple, certains traits de la femme drapée (Esp. 7930) se retrouvent dans celle dite « La Blancharde}) (au jardin du Musée des Thermes, Rome), H. SCHOPPA, Bermerkungen zur Herkunft der augusteischen Plastik am Rhein, (interven­tlon dans VIlle congrès international d'archéologie classique, Paris, 1963), Le rayon­nement des civilisations grecque et romaine sur les cultures périphériques, Paris, 1965, pl. 17, n. 4.

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1) Les sarcophages

Au cours des II'' et Ille siècle l'usage d'acheter un sarcophage, pour une fraction de la population arlésienne, s'impose; il est accompagné, stimulé, par un mouvement d'importation de sarcophages en marbre, le calcaire n'offrant pas la même qualité de sculpture, le même prestige.

On sait que, dans le monde romain, et dès la première moitié du Ile siècle, les sarcophages en marbre proviennent, dans de nombreux cas (c'est celui d'Arles), des carrières de Grèce et d'Asie Mineure, et qu'ils étaient expédiés à l'état d'ébauche (quarry state), l'emplacement des reliefs, déjà définis, étant seulement dégrossi 17. On connaît, en tout cas, assez bien ce phénomène d'importation à Rome 18 . . Dès lors, une question se pose: peut-on déterminer si l'achèvement de la sculpture pouvait s'effectuer dans des ateliers locaux, ou bien s'il était prévu une sorte d'escale obligatoire à Rome? Les auteurs s'accordent généralement sur cette deuxième éventualité. Mais l'état des recherches est tel, dans ce domaine, qu'on ne connaît guère que quelques aspects du problème comme, par exemple, l'existence de «maisons-mères)} à Rome 19.

Compte tenu de cette situation, nous nous trouvons dans l'impossi­bilité d'appréhender, avec un minimum de certitude, si des finitions de cuves en marbre eurent lieu dans des ateliers arlésiens. Il faudrait pouvoir, au moins, comparer dans le détail (composition, style, techni­que du ciseau, technique du trépan, etc.) les reliefs arlésiens avec ceux qui, retrouvés dans les autres cités de l'Empire, dérivent aussi de cuves « pré-sculptées ». Cette démarche aurait l'avantage de fournir des répon­ses à un certain nombre de problèmes; elle remettrait aussi en cause, très probablement, quelques notions et conclusions acquises 20; nous pensons ici, plus particulièrement, à neuf sarcophages arlésiens que nouS laisserons en dehors de notre étude, leur passage par un atelier arlésien

17 G. RODENwALOT, Sdulensarkophage, dans Mitteilungen des deutschen archeolo­gisthen Instituts, Roemische Abteilung, t. 38, 1923, p. 10 et Sarkophagprobleme, ibid., t. 58, 1943, p. 14; en dernier lieu, P. PENSABENE, Considerazioni sul trasporto di manufatti marmorei in età imperiale a Roma e in altri centri occidentali, in Dialoghi di Archeologia, Anno VI, n. 2-3, 1972, Roma 1973, pp. 317-362.

18 Cf. J.-B. WARD-PERKINS et P. THROCKMORTON, New ligh{ on the roman marble Irade: the San Pietro wreck, dans Archaeology, t. 18, 1965, pp. 201-209.

19 Cf. R. TURCAN, Les sarcophages romains à représentantions dionysiaques, Paris, 1966: « tout donne à penser que des cuves dégrossies étaient expédiées dans les succursales de la maison-mère avant d'être parachevées sur place ( ... ) ».

20 Rappelons que ce thème de recherche est une des préoccupations du Comité d'Etude des Marbres, réuni à l'initiative de J.-B. Ward-Perkins, T. Krauset F. Braemer.

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étant exclu, si l'on en croit les nombreux articles qui leur ont été consacrés 21.

Par contre, il est possible de montrer que ce mouvement d'importa­tion est à l'origine d'une production locale de sarcophages en calcaire: l'étude comparative, la recherche du détail, permettent, presque tou jours, de mettre le phénomène d'imitation en évidence (nous verrons, d 'autre part, que l'imitation déborde le domaine du sarcophage). Pour ce faire, nous retiendrons, dans cet article, l'étude de deux séries de sarco­phages que nous avons établies en fonction des types de décors (avec l'arbitraire que cela comporte: certains sarcophages possèdent les deux types de décors; dans ce cas, nous avons retenu celui qui nous semblait être dominant):

première série: sarcophages décorés d'amours soutenant un car­touche central;

deuxième série: sarcophages décorés de guirlandes. Par souci de simple réalisme, nous ne proposons aucune chronolo­

gie, nous estimons , en effet, que la datation Ile-Ille siècle, aujourd'hui, est amplement suffisante.

a) Série des sarcophages décorés d'amours soutenant un cartouche central.

H uit sarcophages s'apparentent par le thème de la composition qui couvre leur face principale: deux amours représentés en des attitudes symétriques, de part et d'autre d'un cartouche central qu'ils soutien­nent; cette attitude varie légèrement d'un sarcophage à l'autre: les a­mours sont en effet soit debout, soit volants.

Nous pouvons tout d'abord procéder à trois constatations: - première constatation (Tableau I). Il s 'agit d'un classement de

ces huit sarcophages en fonction, d'une part, de la nature de la pierre (marbre ou calcaire = Mou C) , et, d'autre part, de l'attitude des amours (debout ou volants = D ou V):

M C D V

Esp. 165 + + Esp. 171 + + Esp. 2539 + + Esp. 7444 + + Esp. 174 + + Inédit 7 + + Inédit 8 + + Inédit 9 + +

21 Certains présentent des scènes mythologiques, tel le sarcophage d'Hippolyte

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On remarque qu'aux cuves en calcaire correspondent systémati­quement des amours volants, tandis que les cuves en marbre se parta­gent également les deux attitudes. On notera aussi la proportion des amours volants par rapport aux amours debout.

- deuxième constatation (Tableau 2). Nous classons ici un certain nombre de sarcophages du type amours-cartouche signalés par Espéran­dieu 22:

Provenance M C D V --_ .. _--- _._------ - - -_ . . _----- - -_ . .

Esp. 132 Tarascon (B.-d.-R.) -1 + Esp. 423 Bourg-St.-Andéol (Ardèche) + + E sp. 1693 Stes-Maries-Mer (B.-d.-R.) + + Esp. 308 Novezan (Drôme) + + Esp. 367 Vienne (Isère) + + E sp. 498 Saint-Gilles (Gard) + + Esp. 554 Sauvian (Hérault) + +

Fig. 8 - Sarcophage d'funius Messianus.

(Esp. 133, au Musée lapidaire; cf. J.-B. WARD-PERKINS, The Hippolytus sarcophagus trom Trinquetaille, dans Journal ot Roman Studies, vol. 46 , 1956, pp. 10-16; la nature du marbre, cependant, est aujourd'hui reconsidérées, F. Braemer, communication personnelle, juin 1972), celui d'Apollon et des Muses (Esp. 141 , au Musée lapidaire) ou celui de Prométhée (Esp. 161, au Musée du Louvre) ; d'autres des scènes de chasse ou de cueillette, tel de sarcophage de la cbasse du sanglier de Calydon (Esp. 168, au Musée d'Autun), celui de la Chasse (Esp. 175, au Musée lapidaire) ou celui des Centaures (Esp. 173); les trois autres sont catalogués Esp. 172, 176 et 178.

n Nous sommes persuadés que cette liste est loin d'être complète; un nouvel inventaire s'imposerait. Par exemple, il existe, à Vienne (Musée lapidaire, dans l'église Saint-Pierre) une seconde cuve, en calcaire, avec amours debout.

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Ici, sans exception, aux cuves en marbre correspondent des amours volants et aux cuves en calcaire des amours debout; c'est donc une situation quasiment inverse à celle que nous avons remarqué en Arles.

- troisième constatation (fig. 7). La localisation de l'ensemble des sarcophages du type amours-cartouche fait apparaître le rôle privilégié du Rhône, en tant qu'axe commercial. Que pouvons-nous dire au sujet des quatre sarcophages localisés en amont d'Arles? Qu'il n'est pas in­vraisemblable, bien au contraire, de les considérer comme des pièces arlésiennes négociées dnlls l'antiquité. Et au problème que leur trans­port à contre-courant aurait pu poser, nous répondrons en mentionnant un simple détail: trois des quatre cuves sont de petites dimensions, mesurant moins de 1,70 m. On notera enfin que des villes comme Bé­ziers, Narbonne, Nîmes, Orange, Vaison, etc ... ne semblent pas avoir possédé ce type de sarcophage, ce qui détermine, là encore, une aire (de diffusion?) relativement bien limitée.

Mais revenons à nos sarcophages arlésiens. Quatre sont en marbre (Esp. 165, 171,2539 et 7444) et correspondent

aux cuves pré-sculptées que nous mentionnions plus haut: l'organisation des compositions, certains motifs représentés (comme, sur les faces laté­rales, celui des aigles soutenant une guirlande) et la forme d'un couver­cle, à imbrications, en sont les principaux indices 24. Tandis que quatre pièces en calcaire, dont trois inédites, complètent cette série.

7) Sarcophage d'Iunius Messianus (fig. 8) . Inédit. Au Musée lapi­daire (P. 457). Dimensions: H. 0,85 m; L. 2,26 m; 1. 0,86 m; ép. de la cuve 0,17. Provenance : Aliscamps . Inscription (non répertoriée dans le C.J .L.):

DM M . IVNIO . MESSIANO

V (- - -) CE . CORP . ARE LAT EIVSD . CORP . MAG . IIII . F

QVI . VIXIT . ANN . XXVIII M . V . D . X . IVNIA . VALERIA «- --))

D(is) M(anibus) / M(arco) Iunio Messiano / v(- - -)ce corp(oris) Arelat(ensis) / eiusd(em) corp(oris) m(agistro) IIII t(acto) / qui vixit ann(os) XXVIII / m(enses) V d(ies) X Iunia V Valeria ((---)).

Amours nus, volants , soutenant un cartouche central; sur les faces latérales, une guirlande.

23 Il faudrait accorder une attention toute particulière aux lieux de provenance (indiqués par Espérandieu, qui se réfère à d'anciennes monographies), ceux·ci n'étant évidemment pas ceux de production.

24 J.-B. WARD-PERKINS, The imported sarcophagi of roman Tyre , dans Bulletin du musée de Beyrouth, t . XXII, 1969, pl. l, II, et IX.

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Les reliefs de la face principale et des faces latérales de cette cuve sont absolument identiques à ceux du sarcophage, en marbre, d'Attia 3syche (Esp . 2539). Sur la face principale, l'attitude des amours est exactement la même (orientation des corps, des têtes, des bras et des jambes), à l'exception d'un détail: ici, le sculpteur a négligé l'effet de style qui consiste à faire passer la main supérieure de chacun des deux amours, celle qui tient le haut du cartouche, sous la queue d'aronde de celui-ci. D'autre part, les deux amours ne sont pas rigoureusement symé­triques: l'aile de l'amour de droite touche son pied, tandis que chez celui de gauche, l'écart dépasse 10 cm. Quant aux guirlandes des faces latéra­les, outre le fait qu'elles ne sont pas soutenues par des aigles mais par deux simples clous, elles diffèrent essentiellement par une absence pres­que totale de finition : elles sont à peine esquissées (alors que sur la cuve en marbre les fruits sont disposés trois par trois avec un désir évident de régularité de la part du sculpteur qui entame son travail par chacune des extrêmités, en avançant progressivement; une certaine im­prévoyance fait d'ailleurs qu'au point de jonction, c'est-à-dire vers le milieu de la guirlande, la symétrie n'est plus respectée) . Cette absence de finition s'applique d'ailleurs plus ou moins à l'ensemble de l'oeuvre: les reliefs ne sont que très grossièrement dégagés , les amours ne présentent pas de détail anatomique, les guirlandes ne sont que des bandeaux presque lisses; et ni les reliefs, ni les fonds, n'ont été polis. On pourrait croire à un travail inachevé. Or on trouvait déjà ces caractéristiques sur le sarcophage de Julia Lucina (Esp. 174); et on les trouve encore sur deux inédits:

8) Sarcophage (C.l.L. XlI, 823). inédit. A Saint-HonGrat des Alis­camps.

9) Fragment de sarcophage (fig. 9). Inédit. Au dépôt du Musée l{éattu .

Fig. 9 - Fragment de sarcophage décoré d'un amour soutenant un cartouche_

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La finition de ces deux pièces est cependant plus soignée que sur le sarcophage précédent.

Ces sarcophages en calcaire sont donc des imitations de sarcopha­ges en marbre, effectuées par des sculpteurs qui paraissent peu cons­ciencieux. Ces copies révèlent, en effet, une politique systématique de simplification, qui élimine, dans la composition, tout ce qui n'est pas utile, tous les détails qui présentent quelque difficulté, et, dans l'exécu­tion, tout souci de finition et de polissage.

Ces simplifications peuvent être le signe d'une incapacité technique, d'un manque de formation professionelle, aussi bien que le signe d'une production qui, pour satisfaire un nombre accru de commandes, doit sacrifier la qualité. Mais, en aucun cas, la nature de la pierre ne peut être mise en cause; un certain nombre d'autres pièces arlésiennes sont là pour en témoigner.

b) Série des sarcophages décorés de guirlandes. 1

Comme la précédente, cette série s'organise à partir de sarcophages en marbre (Esp. 167, 170 et 186), importés, qui servent ensuite de modèles pour une production sur calcaire (Esp. 166 et un inédit). Le motif de la guirlande, presque toujours composée de fruits, tient une place plus ou moins importante sur chacune des cuves, mais non unique; ainsi, des scènes mythologiques se présentent dans deux cas.

Les trois pièces en marbre dérivent directement de cuves pré-scul­ptées. La face postérieure du sarcophage de Psyché (Esp. 170) a des répliques sur des sarcophages de la côte d'Asie Mineure, à Beyrouth, Homs, Anavarza, Tarsus, Ramleh 25; et les reliefs du sarcophage de Cor­nelia Jacaena (Esp. 186) correspondent parfaitement aux ébauches d'une cuve, en marbre d'Assos, récupérée dans les fouilles de Tyr 26.

L'étude des guirlandes, et en particulier celles de ce sarcophage de Cornelia Jacaena, nous fournit de précieux renseignements. Chacune des six guirlandes est soutenue, à chaque extrêmité, par des têtes de béliers, auxquelles sont attachés des lemnisques flottants; on remarque l'ordon­nance des fruits, disposés sur deux rangs, tel un double collier de perles, la symétrie parfaite, les petites feuilles, mêlées aux fruits, traitées en faible relief pour ne pas alourdir l'ensemble. Tout ceci est le résultat d'un travail impeccable, méticuleux et prévoyant: en effet, la place de chaque fruit a été géométriquement calculée à l'avance, selon une méthode très

25 J.-B . WARD-PERKINS, Four Roman garlands sarcophagi in America, dans Archaeo­logy, juin 1958, photographies p. 102 et 103; cf. aussi Mélanges de la Faculté orien­tale de Beyrouth, t. VII, 1914, pl. 11 et 12, et figure 7; cf. enfin Syria, t. II, 1921, pl. 25 et 41.

26 J.-B. WARD-PERKINS, The imported sarcophagi of roman Tyre, dans Bulletin du musée de Beyrouth, t. XXII, 1969, figure 2.

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Fig. 10 - Fragment de sarcophage décoré d'une guirlande.

simple: le demi-cercle de la guirlande a été préalablement découpé en quatre parts. Or nous retrouvons ce détail de méthode sur les sarcopha­ges en calcaire, et de façon très nette sur un fragment inédit:

10) Fragment de sarcophage (Planche IV, 10). Inédit. Au dépôt du Musée Réattu. Dimensions: 3. 0,92 m; 1. 0,52 m; ép. de la cuve 0,12.

Trois incisions divisent la guirlande en quatre portions, et rendent ainsi la distribution des ornements plus sûre et plus aisée. Le procédé technique est donc identique.

D'autre part, la médiocrité de la sculpture (imprécision des fruits, asymétrie des lemnisques) révèle, là encore, cette incapadté technique ciéjà mentionnée.

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A l'inverse, cette sene possède une cuve parfaitement sculptée; il s'agit du sarcophage de Léda (Esp 166), en calcaire, dont les illustrations s'inspirent de modèles hellénistiques (Léda, griffons, Victoires, Méduses). Nous relèverons deux détails. D'abord, le piedestal sur lequel se tient un amour ou une Victoire nous paraît correspondre à un espace « réservé» à la sculpture, sur les cuves pré-sculptées n. Ensuite, l'emplacement de la grappe de raisin accrochée sous la guirlande est également prévu, sur les sarcophages de Proconnèse 28. Cette cuve pourrait donc fort bien s'inspi­rer d'un ou de plusieurs modèles en marbre.

Enfin, nous proposons de voir, à l'intérieur de cette série, une évolution des conceptions décoratives.

En début d'évolution, nous trouvons ce sarcophage de Léda. Par rapport aux cuves du Ier siècle, la nouveauté introduite ici réside dans les tableaux mythologique (I..,éda) et symbolique (griffons) des faces la­térales. L'apport de ces deux éléments reste timide; ceux-ci témoignent cependant de l'emploi de nouveaux cartons. C'est le point de départ d'un nouvel esprit: le personnage humain n'a plus vingt ou trente centimètres (cf. sarcophage Esp. 180), mais occupe tout un côté de cuve. Ce sarco­phage annonce, introduit, la série mythologique.

En fin d'évolution, le vocabulaire traditionnel s'est peu à peu effacé, et nous trouvons le sarcophage de Psyché. Les éléments décoratifs sont relégués sur les côtés (guirlandes suspendues par des bandelettes à de gros clous) et sur la face postérieure (une unique guirlande soutenue par trois amours), tandis que la face principale présente, libérés des a tti tu­des conventionnelles, quatre personnages: Psyché drapée, conduite par Cupidon vers deux amours ailés, vêtus d'une chlamide flottante nouée sur l'épaule droite. Nous noterons aussi, sur cette face principale, deux éléments qui tiennent, ou tiendront, une place de choix dans les reliefs de sarcophages (en particulier en Arles), et qui apparaissent ici très timidement: à gauche, un arbre (cf. les sarcophages de la série de la chasse) et, à droite, une colonne et l'amorce d'une arcade (cf. les sarco­phages paléochrétiens).

Dans chacune des deux séries que nous venons d'étudier, nous avons rencontré des sarcophages en marbre et des sarcophages en calcaire. Sur les uns comme sur les autres, nous retrouvons, souvent, les mêmes motifs décoratifs (amours, guirlandes), traités de semblable façon; on a

n J.-B. WARD-PERKINS, Four Roman garlands sarcophagi in America, dans Ar­chaeology, juin 1958, photographies p. 98, 102 et 103, concernant justement des a­mours et des Victoires; cf. aussi S. REINACH, Répertoire de reliefs grecs et romains, Paris, 1909-1912, t. II, p. 171, sarcophage de 10sos; d'autres exemples existent.

28 J.-B. WARD-PERKINS, The imported sarcophagi of roman Tyre, figures l et 2.

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donc tendance, et avec raison, à associer marbre à modèle, et calcaire à copie.

Il faut constater aussi que, quelque soit le matériau utilisé, il s'agit de composition qui ne se transforment guère ou, si l'on préfère, qui évoluent lentement.

Enfin, le plus souvent, sur les sarcophages en calcaire, sont repro~ duits des thèmes décoratifs courants, dont le style gauche et négligé ne relève pas une facture médiocre. Pourtant, quelques cuves font exception (comme le sarcophage de Léda) et permettent ùe penser que certains sculpteurs arlésiens étaient tout à fait capables d'achever les reliefs des cuves pré-sculptées.

2) Relief d'un monument funéraire circulaire.·

Six blocs de calcaire, de forme légèrement incurvée, ont été dégagés du rempart proche de la Porte de Laure. Ils sont décorés d'un thème identique: un amour nu, ailé et armé d'un fouet, conduisant un bige 29.

Un de ces blocs est inédit: 11) Amours-auriges (fig. 11). Inédit. Au dépôt du Musée Réattu.

Dimensions: H. 0,48 m; L. 0,95 m; ép. 0,38 m. Deux biges, avec chevaux courant de front, et vers la droite; les

deux auriges sont debout dans les chars dont les roues comportent qua­tre rayons.

Similaires par le thème, apparentés par les dimensions 30, ces six reliefs diffèrent cependant par la composition: par la présence d'un ou deux biges, l'orientation des attelages, la taille des auriges par rapport à celle des chevaux, leur position assise, debout ou volant, la disposition des chevaux en flèche ou de front, les roues des chars qui comportent quatre, huit ou douze rayons, etc. Pourtant, de toute évidence, ces reliefs illustent le travail d'un seul et même atelier.

On signalera un détail figurant sur l'un de ces blocs (Esp. 154): l'attitude des deux amours auriges volants, ailes déployées et jambes {( en ciseau ». En effet, on retrouve cette pose sur d'autres reliefs arlésiens, en particulier sur les devants de deux sarcophages, l'un en marbre (Esp 2539), l'autre en calcaire (Inédit 7). Ce détail dévoile, à notre sens, une

29 On sait que le thème des amours auriges s'inspire du mythe du Phèdre de Platon, F. CUMONT, Recherches sur le symbolisme funéraire des romains, Paris, 1942, p. 383; R. TURCAN, Les sarcophages romains à représentations dionysiaques, p_ 407-408; M. TURCAN-DELEANI, Contribution à l'étude des amours dans l'art funéraire ro­main: les sarcophages à course de chars, dans M.élanges d'Archéologie et d'Histoire, 1964, l, pp. 43-49.

30 Les dimensions des blocs sont en effet semblables; mais on note les variations suivantes dans la hauteur des frises: Esp. 151 = 0,18 mm; 149 = 0,19; Inédit = 0,22; 154 = 0,24; 144 = 0,25; 153 = 0,30.

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liaison entre ateliers spécialisés, entre un atelier de sculpture sur sarco­phage et celui où furent réalisés ces amours-auriges. Il est même permis d'envisager un prêt de cartons. Mais, là encore, une étude reste à réali­ser, au niveau de la Narbonnaise 31, afin d'appréhender une éventuelle circulation de ces cartons (ou de tout autre moyen ou processus de diffusion de motifs).

3) Reliefs d'un monument funéraire quadrangulaire.

Quatre blocs de calcaire, de même gabarit, et encadrés d'une moulu­re, présentent des aigles tenant, dans leur bec, les bandelettes d'une guirlande de fruits. Les trois blocs répertoriés (Esp. 160, 162 et 7957) ont été récupérés dans le rempart du Théâtre.

12) Aigle soutenant une guirlande (fig. 12). Inédit. Au dépôt du Mu­sée Réattu. Dimensions: H. 0,58 m; 1. 0,96 m; ép. 0,75 m.

Ce fragment correspond à la moitié gauche d'un bloc. Le relief se compose d'un aigle et d'une demi guirlande. Le relief est, en tous points, identique aux autres.

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Sur l'ensemble des quatre blocs, les guirlandes, lourdes, se compo-

Fig. 11 - Amours auriges.

31 Trois blocs incurvés et ornés des mêmes motifs sont exposés au Musée la­pidaire d'Avignon.

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Fig. 12 - Aigle soutenant une guirlande.

sent de grenades et de pommes de pin; au milieu, la symétrie est accusée, soit par quatre paires d'épis de blé, soit par une grappe de raisin suspendue sous la courbe. Les aigles (six en tout) sont présentés la tête de profil, avec bec fin et crochu, et le corps de face, avec poitrail traité en écailles bosselées; les plumes des pattes sont obtenues par un empilement de V renversés; quant aux ailes, on distingue les plumes de petite couverture traitées en écailles, et les rémiges primaires indiquées seulement par des hachures linéaires.

Il s'agit d'un travail qui atteint le réalisme; cela se dégage aussi bien de la diversité et de la disposition des fruits que de l'aspect général des aigles. La technique utilisée fait un très large emploi du trépan, aussi bien au niveau de la guirlande (individualisation des fruits) qu'à celui des aigles (plumage).

Ces reliefs sont à comparer avec une composition de même esprit figurant sur les côtés d'un sarcophage (sarcophage d'Attia Esyche, Esp. 2539). Le style et la technique de la guirlande sont totalement différents, mais la pose des aigles (tête de profil, corps de face), le plumage (écailles du corps, V renversés des pattes) et certains détails (ar:rondi de l'oeil, doigt des pattes composés de trois phalanges « sphériques ») sont analogues, la différence de pierre (marbre et calcaire) pouvant expliquer, pour une large part, les factures légèrement inégales.

On cerne donc, là encore, l'activité d'un atelier qui reproddt sur calcaire un motif (aigle) appartenant à l'illustration d'un sarcophage pré-sculpté; mais il semble conserver une certaine liberté (originalité?)

Page 24: RIVET (L.), La sculpture gallo-romaine en Arles. Notes à propos de douze sculptures inédites, Cahiers Ligures de Préhistoire et d'Archéologie, 25, 1976, p. 239-262.

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dans l'exécution de certains décors (fruits des guirlandes). Remarquons enfin que ce genre de relief ne paraît pas déborder le cadre d'Arles 32.

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Au cours de cette étude, nous avons pu aboutir à un certain nombre de constatations, comme, par exemple, la diversité des réq,lisations sur calcaire qui s'échelonnent du règne d'Auguste à celui de Constantin. De même la pluralité des ateliers et des styles; mais ces styles, quasiment stéréotypés, se révèlent difficiles à individualiser, tandis : que l'on ne saisit aucune source d'inspiration proprement arlésienne.

Donc des limites apparaissent vite. Elles tiennent probablement au statut politique d'Arles, à son histoire, c'est-à-dire à l'absence de substrat local qui, à notre sens, va de pair avec l'écrasante présence de l'art officiel romain. Ne doit-on pas voir ici une politique délibérée ayant fait d'Arles une ville à caractère uniquement colonial qui reçoit des influen­ces et semble les transmettre, comme cela est vrai de beaucoup d'autres villes?

Cependant, il est possible de dépasser ces limites, pour peu que l'on s'oriente vers une étude élargie des relations artistiques entre Arles et sa région.

LUCIEN RIVET

32 On rencontre des panneaux semblables, en calcaire, mais dans un style sensi­bIement différent, à Nîmes (Esp. 450, 451 et 452: les ailes des aigles sont déplo­yées et les plumes des pattes stylisées verticalement) et à Narbonne (Esp. 574, 578 et 582: le style des plumes est semblable, mais les aigles , tout en tenant une extrê­mité de la guirlande, se tournent le dos, tandis que leurs têtes sont tournées l'une vers l'autre) uniquement.

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