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Re vue du Centre Archéologique du Var 37 BUTTE SAINT-ANTOINE À FRÉJUS (VAR) Les recherches, débutées en 2008, se poursui vent dans le cadre d'une nouvelle autorisation de fouille triennale (201 2-2014) sur le site de la Butte Saint-Antoine où deux occupations romaines distinctes sont avérées. On r ap pellera qu'il s'agit d'une vaste esplanade de 1,6 ha, créée artificiellement et ceinte d'une muraille propre qui sert de soutènement aux apports de remblais. À la surface de cette esplanade s'étend un grand bâtiment construit d'un seul tenant sur de profondes fondations; large de 66,70 m et long de plus de 106,60 m, sa surface est supérieure à 7 100 m 2 . Cette construction présente un plan régulier, selon des axes de symétrie, autour d'une grande cour centrale; au nord-ouest et au nord-est sont deux cours secondaires flanquées de salles résidentielles; entre les deux une salle d'une superficie de plus de 335 m 2 , axée et ouvrant sur la grande cour centrale. On identifie désormais cet édifice à un prétoire, et plus particulièrement à la préfecture maritime de Forum lutii compte tenu de son implantation sur un promontoire isolé, au sud de la ville antique et près du port antique. La mise en oeuvre de ce bâtiment s'opère au détriment d'un habitat plus ancien. 1. Le prétoire Depuis 2008, le plan prétoire est peu à peu complété et précisé (fig. 1) , avec la mise en évidence des façades septentrionale, occidentale et orientale et avec la découverte d'une galerie-façade à l'est, dominant le port. En 2012, les tranchées superficielles de reconnaissance ont porté sur la zone sud de la parcelle publique, là où le plan est encore incomplet; elles ont révélé l'existence de longues ailes latérales, à l'ouest et à l'est, avec des surfaces chaulées à la cote 9,05 m NGF (soit près de 1 m en contrebas des sols antiques connus alentour) ainsi qu'une croisée de murs près d'un emrnarchement maçonné (87) qu'il est malaisé d'expliquer compte tenu de la faible surface décapée et de l'absence de datation. 1· Chercheur associé, Aix Marseille Universi té, CN RS CCl , UM R 7299. Lucien RIVET 1 En ce qui concerne la campagne de fouille proprement dite, les portiques ouest (59) et nord (62) ainsi que l'espace hypètre de la cour secondaire nord-ouest (60) ont encore fait l'objet de recherches complémentaires. Si ces dégagements concernent essentiellement l'état antérieur (voir infra), la fouille des remblais qui l'oblitèrent génère une importante quantité de mobilier propre à confirmer la datation déjà émise pour la constituti'on de l'esplanade, à savoir les années 15/12 av. J.-C . La fouille s'est en outre portée sur le long espace de circulation (Esp. 22 et 57) qui sépare la cour secondaire de la vaste salle 32 et dans lesquels deux sondages ont été ouverts. Deux autres ont également été entamés dans les angles sud-est et sud-ouest de cette salle 32. Dans tous ces nouveaux secteurs, les traces relatives à l'époque médiévale, datées entre le xe et le XIVe siècle, sont omniprésentes sous la forme de remblais et d'épandages consécutifs à des terrassements et affouillements parfois importants (Esp. 22) ou sous la forme de fosses (dans les Esp. 32-S0 et 57), parfois très profondes, qui ont éliminé une partie des remblais antiques, voire la couche de destruction ou le sommet des niveaux de l'état antérieur (Esp.32-S0). Pour l' époque augustéenne , des observations ont été réalisées sur les techniques de construction des fondations des murs (G3, H, 1 et 1 2 , ces derniers, qui limitent la salle 32, étant larges de 0,74 m) et sur la nature des remblais parmi lesquelles les strates de sable pur constituent un apport important. Le décapage du sol de la grande salle axiale 32, à la cote 9,60/9,65 m NGF, constitué d'un pavement de mosaïque à tesselles noires de petite taille, avec une bordure géométrique, mêlé à un semis irrégulier de crustae, a été poursuivi cette fois sur une surface de 6 x 4 m (fig. 2): le pavement est globalement très abîmé, seulement préservé par lambeaux. Par ailleurs, les restes linéaires du nucleus de ce sol, épargnés par des labours superficiels plus ou moins récents, ont été mis au jour dans la partie sud de la salle. Revue du CAV - 2012, pp 37- 40
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RIVET (L.), Fouille de la Butte Saint-Antoine (Fréjus, Var), Revue du Centre Archéologique du Var, 2012, p. 39-42.

Jan 21, 2023

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Paul AUBERT
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Revue du Centre Archéologique du Var 37

BUTTE SAINT-ANTOINE

À FRÉJUS (VAR)

Les recherches, débutées en 2008, se poursui vent dans le cadre d'une nouvelle autorisation de fouille triennale (201 2-2014) sur le site de la Butte Saint-Antoine où deux occupations romaines distinctes sont avérées. On rappellera qu'il s'agit d'une vaste esplanade de 1,6 ha, créée artificiellement et ceinte d'une muraille propre qui sert de soutènement aux apports de remblais. À la surface de cette esplanade s'étend un grand bâtiment construit d 'un seul tenant sur de profondes fondations; large de 66 ,70 m et long de plus de 106,60 m, sa surface est supérieure à 7 100 m2

. Cette construction présente un plan régulier, selon des axes de symétrie, autour d'une grande cour centrale; au nord-ouest et au nord-est sont deux cours secondaires flanquées de salles résidentielles; entre les deux une salle d'une superficie de plus de 335 m2

, axée et ouvrant sur la grande cour centrale . On identifie désormais cet édifice à un prétoire, et plus particulièrement à la préfecture maritime de Forum lutii compte tenu de son implantation sur un promontoire isolé, au sud de la ville antique et près du port antique. La mise en œuvre de ce bâtiment s'opère au détriment d'un habitat plus ancien.

1. Le prétoire

Depuis 2008, le plan prétoire est peu à peu complété et précisé (fig. 1) , avec la mise en évidence des façades septentrionale, occidentale et orientale et avec la découverte d'une galerie-façade à l'est , dominant le port. En 2012, les tranchées superficielles de reconnaissance ont porté sur la zone sud de la parcelle publique, là où le plan est encore incomplet; elles ont révélé l'existence de longues ailes latérales, à l'ouest et à l'est, avec des surfaces chaulées à la cote 9,05 m NGF (soit près de 1 m en contrebas des sols antiques connus alentour) ainsi qu'une croisée de murs près d'un emrnarchement maçonné (87) qu'il est malaisé d'expliquer compte tenu de la faible surface décapée et de l'absence de datation.

1· Chercheur associé , Aix Marseille Universi té, CN RS CCl , UM R 7299.

Lucien RIVET1

En ce qui concerne la campagne de fouille proprement dite, les portiques ouest (59) et nord (62) ainsi que l'espace hypètre de la cour secondaire nord-ouest (60) ont encore fait l'objet de recherches complémentaires. Si ces dégagements concernent essentiellement l'état antérieur (voir infra), la fouille des remblais qui l'oblitèrent génère une importante quantité de mobilier propre à confirmer la datation déjà émise pour la constituti'on de l'esplanade , à savoir les années 15/12 av. J .-C. La fouille s'est en outre portée sur le long espace de circulation (Esp. 22 et 57) qui sépare la cour secondaire de la vaste salle 32 et dans lesquels deux sondages ont été ouverts. Deux autres ont également été entamés dans les angles sud-est et sud-ouest de cette salle 32. Dans tous ces nouveaux secteurs, les traces relatives à l'époque médiévale, datées entre le x e et le XIVe siècle, sont omniprésentes sous la forme de remblais et d'épandages consécutifs à des terrassements et affouillements parfois importants (Esp . 22) ou sous la forme de fosses (dans les Esp. 32-S0 et 57), parfois très profondes , qui ont éliminé une partie des remblais antiques , voire la couche de destruction ou le sommet des niveaux de l'état antérieur (Esp.32-S0). Pour l ' époque augustéenne , des observations ont été réalisées sur les techniques de construction des fondations des murs (G3, H , 1 et 1

2, ces derniers, qui

limitent la salle 32, étant larges de 0 ,74 m) et sur la nature des remblais parmi lesquelles les strates de sable pur constituent un apport important. Le décapage du sol de la grande salle axiale 32 , à la cote 9,60/9,65 m NGF, constitué d'un pavement de mosaïque à tesselles noires de petite taille, avec une bordure géométrique, mêlé à un semis irrégulier de crustae, a été poursuivi cette fois sur une surface de 6 x 4 m (fig . 2): le pavement est globalement très abîmé, seulement préservé par lambeaux. Par ailleurs, les restes linéaires du nucleus de ce sol, épargnés par des labours superficiels plus ou moins récents, ont été mis au jour dans la partie sud de la salle.

Revue du CAV - 2012, pp 3 7 -40

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38 Lucien Rivet

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Fig. 1: plan du prétoire, état de la recherche en 2012 (relevé S. Roucole et S. Saulnier; levés topograph iq ues Chr. La Rocca et N. PaireaulVi li e de Fréjus).

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Fig. 2: portion de so l de la grande salle ax iale du prétoire (datation: 15/ 12 av. J .-c.).

Vue prise vers le nord (cliché. C. Durand /C N RS-CCj).

Fig. 3: mur Md en pierres liées à la terre et, au premier plan, son retour vers le nord,

Ma2 dont l'angle est renforcé parun bloc en grand apparei l (cliché L. Rivet/CNRS-CCj).

2.2. Des habitations d'époque tardo-républicaine (?)

La connaissance du plan des vestiges de l 'état antérieur à la construction du prétoire connaît de réelles avancées puisqu 'on est désormais assuré que se profile un site couvert de plusieurs habitations bien distinctes . Dans le portique nord (59) de la cour secondaire, la recherche a été poursuivie dans le prolongement de segments de murs en blocs liés àla terre découverts les années précédentes (fig. 3) ; de nouvelles salles aux sols en terre battue sont apparues et

Butte Saint-Antoine - Fréjus (Var) 39

Fig. 4: vestige du mur de façade orientale de l'habitation HI à empattement

taluté découvert dans l'emprise de I·Esp. 22. Vue prise vers le nord (cliché

L. Rivet/CNRS-CCj).

feront l'objet d'une poursuite des explorations l'an prochain. Dans l'emprise des Esp. 22 et 57 a été mis au jour, sur une longueur de 10,30 m, un mur nord-sud, Ms, large de 0,60 m. Il s'agit du mur de façade correspondant à la limite orientale d'une habitation (Hl) qui s'étend à l 'ouest et contre lequel sont adossées les pièces Se, Sn et Sm; aucun mur de refend n'a été observé sur sa face orientale. Sa technique de construction est originale (fig. 4) car si son élévation est large de 0,60 m, sa fondation présente un empattement taluté qui porte sa largeur à 0 ,84 m. Si les sols des pièces Se et Sn sont en terre battue, celui de la pièce Sm conserve son pavement de béton clair orné d'incrustations contre un bas de paroi portant, sur une vingtaine de centimètres de

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hauteur, un champ rouge violacé surmonté d'une plinthe blanche mouchetée qui correspond aux très abondants fragments de peintures murales retrouvés les années précédentes, tout alentour, dans les niveaux de destruction de cette maison et à la base des remblais de l'esplanade. Le mur de façade est construit sur un épais remblai d'assainissement constitué de sable blond (dans l'Esp. 57) ou sur une dorsale rocheuse (7,12 m NOF au sud, 6,80 m vers le nord). À l'est, une surface en terre battue a été retrouvée à la cote 7,13/7 ,21 m NOF. Plus à l'est encore, dans le sondage 32-SE, le parement méridional d'un mur en blocs grossièrement équarris et liés à la terre (Mt) présente un enduit de chaux lissé; ce mur, non fondé, est posé sur un sol de terre battue (à la cote 8,74 m NOF) , sur lequel ont été accumulées plusieurs recharges (la plus haute se situant à 8,96 m). Ces sols reposent sur un épais remblai de sable. La fouille de ces sols et de leurs supports a livré une forte quantité de mobilier céramique. Ce mur et la pièce St qui se développe au sud - qui peuvent être mis en relation avec les vestiges mis au jour lors des campagnes de 1973-1976, à quelques mètres au sud et à l'est - appartiennent à l'organisation d'une autre habitation (H2). La découverte de cette habitation, H2, dont les sols sont établis à une cote altimétrique haute (8,70 m NOF), dénonce les dénivelés du terrain sur lequel des terrassements conséquents ont été entrepris pour bâtir puisque le sol de la pièce Sq, dans l'autre habitation, Hl, à une trentaine de mètres de distance, se situe à la cote 5,60 m NOF, soit 3,10 m en contrebas!

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En ce qui concerne la datation de ce premier état antique, la création de l'habitation Hl est toujours mal datée par manque d'indice chronologique recueilli sous les sols; les peintures murales du ne style, ornant une des pièces de la maison, fournissent néanmoins un élément significatif, en plus d'une information sur le statut du commanditaire qui devait être de haut rang, car apte à faire appel aux meilleurs artisans de la péninsule en possession des modèles en vogue dans les années 50/30 av. J.-C . Le mobilier céramique récolté dans la couche de destruction et à la base des remblais conforte cette proposition de par la diversité et la qualité des approvisionnements, En revanche, le mobilier découvert sur le sol d'origine de la pièce St et dans les remblais qui le supportent renvoie sans nul doute à une date haute, autour des années 45 av. J.-c': les formes de gobelets en céramique à paroi fine, les céramiques campaniennes, très largement majoritaires, les rares formes de sigillée italique, archaïques et anciennes, auxquelles il faut ajouter une estampille Q.A/\F, ainsi qu'un PB des Volques Arécomiques (60/40 av. J,-C.), participent de cette chronologie. On serait donc là en présence d 'une occupation, bien documentée par le mobilier archéologique , en rapport avec la fondation césarienne de la ville. Il faut en outre signaler, dans ce dernier sondage (32-SE) et dans les niveaux inférieurs, une forte concentration de céramiques de l'âge du Fer, au-dessus d'un niveau qui livre, de façon inattendue, quelques tessons de l'âge du Bronze.

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