Réglementation et compétitivité en France Dossier pédagogique – Décembre 2017 Ce dossier pédagogique s’adresse aux enseignants de sciences économiques et sociales. Il propose des éléments permettant d’illustrer les notions abordées par le programme de Première ES, dans le chapitre sur l’institutionnalisation des marchés. Notions abordées : institutions - marchés – réglementation – externalités économiques
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Réglementation et compétitivité en France · 2020-04-21 · Réglementation et compétitivité en France Dossier pédagogique – Décembre 2017 Ce dossier pédagogique s’adresse
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Réglementation et compétitivité en France
Dossier pédagogique – Décembre 2017
Ce dossier pédagogique s’adresse aux enseignants de sciences économiques et sociales. Il propose des
éléments permettant d’illustrer les notions abordées par le programme de Première ES, dans le chapitre
La réglementation en France est régulièrement décriée par certains responsables politiques, chefs
d’entreprise, journalistes ou économistes. Il lui est reproché son instabilité, sa lourdeur, sa complexité et
les coûts supplémentaires qu’elle induit, réduisant la rentabilité et la compétitivité des entreprises
françaises. Ainsi, de trop nombreuses règles en France brideraient l’activité économique.
Les gouvernements se sont emparés du sujet, témoin le « choc de simplification » initié par le Président
François Hollande en 2013. Pourtant, ces règles sont aussi une source de bénéfices, en termes de sécurité
au travail, de lutte contre les discriminations, de protection de l’environnement, etc. Une analyse coûts-
bénéfices s’impose pour évaluer notre cadre réglementaire.
La réglementation fait partie des institutions qui structurent et permettent les relations entre agents
économiques. L’objet de ce dossier pédagogique est d’éclairer les débats en cours sur la réglementation en
France et les actions engagées sur ce thème. Le premier document informe sur l’utilité et les coûts de la
réglementation française. Le second se penche sur la France dans les classements internationaux en la
matière. Enfin, le troisième renseigne sur les réformes du cadre réglementaire.
Lexique
Réglementation
Les règles sont des obligations, édictées par les pouvoirs publics, qui doivent être appliquées par les entreprises. Elles peuvent prendre la forme de lois votées par le Parlement, de décrets signés par le Président de la République ou par le Premier ministre, d’arrêtés émanant d’une autre autorité administrative (ministres, préfets, maires, présidents de conseil départemental ou régional) ou de circulaires précisant les modalités d’application de ces décisions.
Institutions
Ensemble de règles, conventions, normes de comportement qui structurent les relations entre agents
économiques (source : http://ses.webclass.fr/notion/institutions). On distingue les institutions formelles (les
lois, les réglementations) et les institutions informelles (par exemple les traditions, les codes de comportement).
Document 1. Une analyse coûts-bénéfices de la réglementation
La réglementation occupe une fonction centrale en économie. Elle est justifiée parce qu’elle permet de
corriger les défaillances du marché, c’est-à-dire les situations dans lesquelles le marché échoue dans
l’allocation optimale des ressources. Ces défaillances peuvent d’abord se produire en cas d’asymétries
d’information, c’est-à-dire lorsque l’information de certains acteurs économiques est imparfaite.
Lorsqu’un acteur économique a davantage d’informations que les autres, il peut exploiter cette situation à
son profit. Les pouvoirs publics peuvent corriger cette situation par des règles ou par la diffusion
d’informations, ce qui réduit l’incertitude et rétablit la confiance.
La réglementation est aussi justifiée par la nécessité de corriger des externalités. Ces externalités peuvent
être définies comme les effets de l’activité d’une entreprise sur d’autres agents, dont l’entreprise elle-
même ne tire directement ni bénéfices ni pertes. Les externalités peuvent être négatives, par exemple la
pollution issue de l’exploitation d’un site industriel, ou positives, par exemple la recherche et
développement d’une entreprise dont les applications peuvent bénéficier à d’autres entreprises.
L’État réglemente donc pour corriger ces externalités. Une règle prend la forme d’une loi votée par le
Parlement, d’un décret, d’un arrêté, ou d’une circulaire. Elle est décidée au niveau international, européen,
ou national. Son domaine d’application peut être circonscrit à l’industrie elle-même ou bien s’étendre de
façon plus transversale sur un ensemble de secteurs. Les entreprises ont pour obligation d’appliquer les
réglementations. Dans un rapport publié en 2013, Alain Lambert et Jean-Claude Boulard estimaient le
nombre de règles en France à 400 0001.
D’un autre côté, la réglementation impose des coûts. Ils sont de plusieurs natures. D’abord, il y a les
transferts financiers entre les pouvoirs publics et les entreprises (taxes, impôts, charges sociales, etc.)
Ensuite il y a les coûts de mise en conformité de l’activité de l’entreprise (par exemple l’installation d’un
nouvel équipement évitant des rejets nuisibles) et les coûts liés aux procédures administratives (frais de
dossier, temps passé à remplir des formulaires). Une étude publiée en 2005 estimait que la charge
administrative représentait 2,9 % à 3,7 % du PIB en France, un niveau similaire à ce que l’on observe en
Allemagne et aux Pays-Bas.
Source : CPB, « EU Competitiveness Report 2005 », Netherlands Bureau for Economic Policy Analysis.
La réglementation française est parfois critiquée sur sa qualité : elle serait instable, inadaptée à la réalité
économique et une source de procédures lentes. Ainsi, une étude publiée par le Secrétariat général pour la
modernisation de l’action publique (SGMAP) relevait que, parmi 1 617 firmes interrogées, 57 % se
plaignaient de la complexité des démarches administratives liées à la construction de locaux en 2013.2
1 Boulard J.-C., Lambert, A., 2013, « Rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative ». 2 SGMAP, 2013, « Étude par événements de vie sur la complexité : volet entreprise ».
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En réalité, il est difficile d’évaluer précisément les coûts et bénéfices liés à une règle. On peut prendre
l’exemple de la réglementation environnementale. D’un côté, des études ont montré que les coûts de
dépollution, le développement de la réglementation environnementale, et les investissements réalisés pour
y répondre tendent à avoir un impact négatif sur la productivité des entreprises.3 D’un autre côté, d’autres
études expliquent que la réglementation environnementale joue un rôle important dans la modernisation
des procédés, dans l’utilisation plus efficace des intrants, dans l’amélioration du traitement des déchets.
Ces nouveaux processus et outils améliorent à la fois la productivité des entreprises et réduisent les
impacts environnementaux.4
3 Voir par exemple Denison, 1978, et Dufour, Lanoie et Patry, 1992. 4 Voir par exemple Landry, 1990, Robins, 1992.
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Document 2. La France dans les classements internationaux
Derrière la question du coût de la réglementation pour les entreprises se pose celle de son impact sur la
compétitivité. La réglementation augmente les coûts des entreprises lorsqu’elle s’applique aux conditions
de production, de sorte que ces dernières doivent soit augmenter leurs prix au risque de perdre des parts de
marché, soit réduire leurs marges. La réglementation est aussi un élément de l’attractivité de la France,
c’est-à-dire de sa capacité à attirer les investissements.
Comment la France se positionne-t-elle par rapport aux autres pays développés ? Plusieurs classements
internationaux existent sur ce thème. L’un des principaux est le Doing Business de la Banque mondiale.
Cette étude classe 190 pays en fonction de la facilité pour les petites et moyennes entreprises d’y faire des
affaires. L’étude Doing Business 2018 pour l’année 2017 classe la France au 31erang. On voit cependant
que le classement est très différent suivant le critère choisi :
Détail du classement de la France par la Banque mondiale
en 2017
Indicateur
Classement (sur
190)
Classement global 31
Création d'entreprise 25
Obtention d'un permis de construire 18
Raccordement à l’électricité 26
Transfert de propriété 100
Obtention de prêts 90
Protection des investisseurs minoritaires 33
Paiement des taxes et impôts 54
Commerce transfrontalier 1
Exécution des contrats 15
Règlement de l’insolvabilité 28
Source : Banque mondiale, Doing Business, 2018
Classement global Doing Business 2017
Pays Rang
Nouvelle-Zélande 1
Etats-Unis 6
Royaume-Uni 7
Allemagne 20
Espagne 28
France 31
Japon 34
Italie 46
Source : Banque mondiale, Doing Business, 2018
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Le Forum Economique Mondial réalise également un classement sur la compétitivité de plusieurs pays. Il
interroge des dirigeants de grandes, moyennes et petites entreprises, et il s’appuie sur des données
collectées par des institutions internationales comme le Fond Monétaire International (FMI), ou
l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). La France est stable depuis plusieurs années, évoluant
autour du 20e rang (21e en 2016). Ce classement montre que, malgré le poids de la réglementation, la
compétitivité de la France est assurée par d’autres éléments, dont la qualité des infrastructures et la taille
du marché.
Classement de la France par le Forum Economique
Mondial, 2016-2017
Pays Index de
compétitivité globale Index du poids de la
réglementation
Etats-Unis 3 29
Allemagne 5 18
Royaume-Uni 7 25
France 21 115
Espagne 32 113
Italie 44 136
Source : World Economic Forum, The Global Competitiveness Report 2016-2017
En conclusion, les principaux classements internationaux classent la France en queue de peloton parmi les
pays développés, plus proche en général de pays comme l’Italie (46e dans le Doing Business) et l’Espagne
(28e) que des meilleurs de la classe comme les pays Scandinaves (la Suède est 10e, le Danemark 3e).
Plus généralement, les écarts entre les classements sur le poids de la réglementation et sur la compétitivité
globale soulignent que la réglementation est un facteur parmi d’autres de la compétitivité d’une économie.
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Dans une enquête publiée en 2008, intitulée « enquête compétitivité », l’INSEE montrait qu’environ 35 %
des entreprises industrielles développant des activités à l’étranger le faisaient pour obtenir une
réglementation plus souple, mais ce n’était que le 3e facteur, après le coût du travail et la nécessité de se
rapprocher du marché ciblé.
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Document 3. Les réformes du cadre réglementaire en France
Depuis plusieurs années, la nécessité de réformer le cadre réglementaire qui pèse en France sur l’activité
des entreprises s’est imposée dans le discours économique et politique. De sorte que plusieurs missions ont
été menées depuis le début des années 2000, afin de proposer des axes de changement. La ligne
généralement suivie est celle d’une simplification des règles et des procédures, sans pour autant porter
atteinte à l’objectif principal de la réglementation. Voici une liste de rapports traitant de simplification
réglementaire, identifiés par La Fabrique de l’industrie en 20155 (tous ne se penchent pas exclusivement
sur la réglementation).
Liste des rapports sur la réglementation en France
Année Rapport Direction
2002 Rapport du groupe de travail interministériel sur la qualité de la réglementation
Dieudonné Manderlkern
2004 Pour une meilleure qualité de la réglementation Bruno Lasserre
2004 France : vers des orientations stratégiques plus claires
OCDE
2008 Commission pour la libération de la croissance Jacques Attali
2010 Simplification de la réglementation et amélioration de la compétitivité industrielle
Laure de La Raudière
2010 Mieux légiférer en Europe : France OCDE
2011 La simplification du droit au service de la croissance et de l'emploi
Jean-Luc Warsmann
2012 Pacte pour la compétitivité de l’industrie française Louis Gallois
2013 Rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative
Alain Lambert et Jean-Claude Boulard
2013 France : redresser la compétitivité OCDE
2013 Mieux simplifier : la simplification collaborative Thierry Mandon
2013 Pour des aides simples et efficaces au service de la compétitivité
Jean-Philippe Demaël, Philippe Jurgensen, Jean-Jacques Queyranne
Total des rapports depuis 2002 : 12
Source : Emilie Bourdu et Martin Souchier, 2015
De ces rapports, plusieurs constats et recommandations ressortent :
clarifier la réglementation, qui est à la fois trop instable, trop illisible, et parfois contradictoire ;
simplifier les procédures pour les entreprises ;
ne pas durcir la réglementation en France par rapport au reste de l’Union Européenne et aux États-
Unis ;
recourir systématiquement aux études d’impact, afin d’apprécier les conséquences d’une règle pour en
limiter les conséquences négatives ;
introduire plus de flexibilité dans l’interprétation des règles ;
recourir à un mode de rédaction des règles plus participatif.
5 Émilie Bourdu et Martin Souchier, Réglementation, normalisation : leviers de la compétitivité industrielle, Paris,
Presses des Mines, 2015.
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Suite à ces rapports, des mesures ont été initiées visant à réformer le cadre réglementaire français. On peut
d’abord relever les initiatives prises dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques
(RGPP), lancée en 2007 par le président Nicolas Sarkozy : programme « 100 simplifications » en 2010,
organisation des « Assises de la simplification » en 2011, loi de « simplification et d’amélioration de la
qualité du droit » en 2011 suite au rapport Warsmann. On peut aussi relever la création de la Commission
consultative d’évaluation des normes (CCEN, CNEN depuis 2013), instituée en 2008 pour prévoir les
effets de la réglementation sur le budget des collectivités territoriales. Le poste de Commissaire à la
simplification a également été pérennisé.
Surtout, un « choc de simplification » a été annoncé en mars 2013 par le président François Hollande. Six
séries de mesures ont ainsi été présentées respectivement en avril 2014, en octobre 2014, en juin 2015, en
février 2016, en octobre 2016 et en mars 2017. Au total, ce sont 486 mesures de simplification qui ont été
initiées jusqu’en mars 2017, dont 65 % sont effectives pour les entreprises.
Parmi les simplifications concernant les entreprises, on peut relever la délivrance des permis de construire
sous 5 mois maximum, le droit de saisine de l’administration par voie électronique (pour des démarches
relatives à une demande, une déclaration, une information ou un document), la création d’un guichet
unique national du dédouanement (dématérialisation des procédures douanières), la création de marchés
publics simplifiés, etc.
Source : entreprises.gouv.fr
Le gouvernement, à partir d’une étude réalisée par la société de conseil EY, avance que ces simplifications
pourraient représenter 4,3 milliards d’euros d’économies pour les entreprises. On notera d’ailleurs qu’à
elle seule la mise en œuvre de la déclaration sociale nominative représente 86 % de ces économies, soit
3,7 milliards d’euros. Quant au gain annuel de chiffre d’affaires, il serait de 1,7 à 3,3 milliards d’euros.
De son côté, l’OCDE (2014) a proposé un exercice d’évaluation des réformes structurelles engagées par la
France depuis 2012, et conclut que la diminution des contraintes règlementaires aurait un impact de
+0,2 % sur un horizon de 5 ans, et de +0,3 % sur un horizon de 10 ans.
65%
29%
6%
Etat d'avancement des mesures de simplification à destination des