U N I V E R S I T É P A R I S 1 P A N T H É O N - S O R B O N NE MASTER M2 MANAGEMENT SPECIALITE PROFESSIONNELLE : RESSOURCES HUMAINES ET RESPONSABILITE SOCIALE DE L’ENTREPRISE MEMOIRE D’ANALYSE OPERATIONNALISER LA PERFORMANCE SOCIALE ? UNE ADAPTATION DES FONCTIONS RH INCONTOURNABLE. REDIGE ET SOUTENU PAR : DANIELE TALMONT -FAIVRE PROMOTION JB 2015 DIRECTEUR DES TRAVAUX : FLORENT NOËL DATE DE LA SOUTENANCE : Mots clés : Performance sociale, Ressources humaines, Management, Opérationnalité, Parties prenantes, Salariés INSTITUT D’ADMINISTRATION DES ENTREPRISES DE PARIS
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RESSOURCES HUMAINES ET RESPONSABILITE S ’E - Chaire M.A.I – La … · 2017. 10. 9. · respectivement responsable de la « gestion administrative-paie », de la « GPEC et du
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U N I V E R S I T É P A R I S 1 P A N T H É O N - S O R B O N N E
MASTER M2 MANAGEMENT
SPECIALITE PROFESSIONNELLE :
RESSOURCES HUMAINES ET RESPONSABILITE SOCIALE DE L’ENTREPRISE
MEMOIRE D’ANALYSE
OPERATIONNALISER LA PERFORMANCE SOCIALE ?
UNE ADAPTATION DES FONCTIONS RH INCONTOURNABLE.
REDIGE ET SOUTENU PAR :
DANIELE TALMONT -FAIVRE
PROMOTION JB 2015
DIRECTEUR DES TRAVAUX :
FLORENT NOËL
DATE DE LA SOUTENANCE :
Mots clés : Performance sociale, Ressources humaines, Management, Opérationnalité, Parties
prenantes, Salariés
I N S T I T U T D ’ A D M I N I S T R A T I O N D E S E N T R E P R I S E S D E
P A R I S
2
L’UNIVERSITE N’ENTEND DONNER AUCUNE APPROBATION NI
IMPROBATION AUX OPINIONS EMISES DANS CE MEMOIRE :
CES OPINIONS DOIVENT ETRE CONSIDEREES COMME PROPRES A LEUR
AUTEUR
3
REFERENCES
MASTER MANAGEMENT – M2 -
SPECIALITE PROFESSIONNELLE :
RESSOURCES HUMAINES ET RESPONSABILITE SOCIALE DE L’ENTREPRISE
PROMOTION JB 2015
TITRE DU MEMOIRE: OPERATIONNALISER LA PERFORMANCE SOCIALE ?
UNE ADAPTATION DES FONCTIONS RH INCONTOURNABLE CONFIDENTIEL : NON
Je terminerai, avec un remerciement particulier à tous les DRH externes à Pôle emploi,
qui ont pris un moment pour répondre et mieux encore pour échanger téléphoniquement,
curieux et intéressés par ce sujet : Sabine, Julien, Hubert, Isabelle, Éric, Lionel, Frédéric, …
Plus simplement, à tous ceux qui ont cru en moi, m’ont aidée, et accompagnée dans
cette belle aventure.
5
SOMMAIRE
INTRODUCTION
I. Première partie — La performance sociale : étymologie et
fondements conceptuels
1.1. Approche étymologique des termes de « performance » et de « social »
1.11. La performance 12
1.11.1. Etymologie du terme « performance » 12
1.11.2. La performance dans le champ de la linguistique et de la psychologie 13
1.11.3. La performance à travers l’approche théorique de Bourguignon 14
1.11.4. La performance au service de l’entreprise à travers l’approche
théorique de Morin et col. 15
1.12. Le social 17
1.12.1 Etymologie du terme « social » 17
1.12.2 Le « social » dans le champ du travail 18
1.12.3 Le « social » dans le champ de la sociologie 18
1.13. La « performance » et le « social » 21
1.2. La performance sociale au cœur des lectures académiques
1.21. Retour sur la naissance d’un concept : la marque américaine 23
1.21.1. Carroll (1979) 23
1.21.2. Wood (1991) 24
1.21.3. Clarkson (1995) 25
1.21.4. Mitnick (2000) 25
1.22. Les apports de la littérature européenne 25
6
II. Deuxième partie — L’opérationnalisation de la performance
sociale : de l’Europe au monde professionnel
2.1. L’Europe comme levier du mode opératoire de la performance sociale
2.11. Quelques éléments de contexte 28
2.12. La commission européenne 28
2.2. Les regroupements de professionnels (associations, lab, …), cabinets
de consultants, agences de notation, etc.
2.21. Les agences de notation extra-financière ou agences de notation 30
2.22. Les regroupements professionnels 32
2.23. Les think tanks 34
2.24. Les cabinets de consultants 35
2.25. Tableau de synthèse 39
III. Troisième partie — L’opérationnalité de la performance
sociale à travers la perception des salariés
3.1. Présentation de la démarche liée à l’analyse de l’expression de salariés
3.11. Les choix méthodologiques qui se sont imposés 41
3.12. La démarche liée aux questionnaires 42
3.13. Le texte d’accompagnement 42
3.14. Les questions posées 43
3.15. Les retours de mails 43
3.16. Le logiciel IRaMuTeQ 45
3.2. Analyse des retours
3.21. Analyse des retours de la question « une » (E1) 45
3.21.1. La performance sociale comme lien social 47
3.21.2. La performance sociale comme démarche de gestion 47
3.21.3. La performance sociale comme élément de Qualité de vie au travail 48
3.21.4. La performance sociale comme facteur économique 49
7
3.21.5. Essai d’analyse 49
3.21.6. Tableau de synthèse de la question « une » - Q1 50
3.21.7. Eléments de lecture 50
3.22. Analyse des retours de la question « deux » (Q2) 51
3.22.1. Une Direction de la performance sociale qui « gère » les ressources
humaines par le management 53
3.22.2. Une Direction de la performance sociale qui pilote
la performance humaine 54
3.22.3. Une Direction de la performance sociale complexe 55
3.22.4. Une Direction de la performance sociale qui se dote de « moyens » et
d’outils innovants 56
3.22.5. Réajustement des classes de la question « deux » 57
3.22.6. Tableau de synthèse de la question « deux » 58
3.22.7. Eléments de lecture 59
3.23. Eléments d’analyse des questions « une » et « deux » : regard croisé 59
3.23.1. Eléments de lecture du tableau de synthèse 59
3.23.2. Tableau de synthèse 60
3.23.3. Eléments d’analyse 61
CONCLUSION 62
BIBLIOGRAPHIE 66
ANNEXES 71
8
INTRODUCTION
Dans le cadre de la réforme territoriale, depuis le 1er
janvier 2016, Pôle emploi1
réorganise sa structure et son organisation régionale. A cette date, l’entité « Pôle emploi
Alsace » (tout comme celle de Loraine et de Champagne Ardenne) n’existe plus en tant que
telle, mais est intégrée au sein de la nouvelle région « Grand Est ».
La mise en œuvre du regroupement « grande région » relève du Directeur régional, le
portage politique est fort : notes de cadrages spécifiques, communications auprès des salariés
des fonctions supports, des managers, … à travers des focus, des séminaires, un journal papier
et un intranet spécifique. Un point d’avancée est réalisé régulièrement au niveau des instances
représentatives du personnel (CHSCT, CE). Ce regroupement impacte les fonctions d’appuis2
dans leurs organisations, à travers la mutualisation de services, des relocalisations, des
créations de pôles d’activités ou leurs suppressions, etc. Les services Ressources Humaines
(RH) et son COD-RH3 sont totalement impliqués notamment à travers l’accompagnement au
changement. L’objectif est de travailler en amont l’évolution de carrières des agents des
fonctions support et de proposer des mesures d’accompagnement spécifiques, dans le cadre de
mobilités professionnelles et de la réorganisation des services.
Pour engager ces travaux, le nouveau Comité de Direction (CODIR) Alsace
Champagne-Ardenne Lorraine est mis en place au 1er
janvier 2016. Il est constitué de cadres
dirigeants, initialisant ainsi un nouveau niveau hiérarchique. Aujourd’hui, les directeurs des
services des fonctions d’appuis, membre des anciens CODIR, (un comité de direction par
région) ont la charge de maintenir leurs activités sur leurs territoires tout en étant responsables
de domaines (exemple : trois Directeurs des ressources humaines en place géographique, et
respectivement responsable de la « gestion administrative-paie », de la « GPEC et du
recrutement », des « relations sociales, de la santé et des conditions de travail »).
1 Pôle emploi : Acteur du marché de l’emploi, constitué de 54000 collaborateurs, a pour mission de faciliter le retour à l’emploi des
demandeurs et d’offrir aux entreprises des réponses adaptées à leurs besoins de recrutement. Pôle emploi est créé le 19 décembre 2008, par la
fusion de l’ANPE (service public) et de l’ASSEDIC (droit privé) : loi du 13 février 2008. 2 Les fonctions d’appuis, ou supports sont des fonctions qui ne font pas partie du processus de production. Mais elles participent à la bonne
marche de l’entreprise. A titre d’exemple : les ressources humaines, la communication, le juridique, l'informatique, le contrôle de gestion, la
comptabilité ou les services généraux, etc. Ces métiers prodiguent un niveau de service indispensable aux équipes opérationnelles et participent à la performance globale de l'entreprise. 3 COD RH : comité de direction ressource humaine.
9
Le Comité de direction (CODIR), lui est constitué de 4 grandes directions :
1 La Direction de la stratégie et des relations extérieures ;
2 La Direction de la performance sociale ;
3 La Direction financière et de la maitrise des risques ;
4 La Direction des opérations et du réseau ;
La Direction des ressources humaines n’existe plus en tant que telle, elle est renommée
Direction de la performance sociale. Et, paradoxe, sans qu’aucun élément de communication
ne soit apporté aux salariés contrairement à la communication portée pour la réorganisation.
C’est à partir de là que notre questionnement s’est ouvert, et que notre interrogation
s’est tournée vers cette nouvelle nomination qui surgissait de nulle part, telle une « génération
spontanée » pour reprendre, de manière métaphorique une notion Aristotélicienne4.
Notre problématique s’est donc formulée en ces termes :
« D’où surgit cette appellation, que signifie- t-elle ? Qu’entendre par cette association
entre « performance » et « social », dans un contexte de pressions fortes, au sein de
l’établissement ? Que penser de cette modification à un moment où les résultats, les chiffres
sont prêts à prendre le pas sur la « qualité des services rendus » ?
Ces interrogations nous ont portés à l’extérieur de Pôle emploi, vers des lectures
« internet » à travers lesquelles il fallait bien se rendre à l’évidence : « la performance sociale »
devenait un sujet. Cependant, à trop en entendre parler, nous ne savions plus vraiment de quoi
il s’agissait au point où le sens en devenait évanescent, peut être faute d’en connaître l’origine
et les enjeux.
Aujourd’hui, le constat montre que chacun y va de sa conception, de ses attentes, ou
frustrations. Tranquillement ces mots s’installent dans le paysage, deviennent un élément de
langage dont chacun se dote pour « faire avec ».
4 La génération spontanée est une notion aristotélicienne, tombée en désuétude, attribuant l’apparition d’un être vivant sans ascendant, de nulle
part et indépendamment de la matière inanimée (https://fr.wikipedia.org/wiki/Génération_spontanée).
10
Effet de mode, de marketing, traduction éphémère de ce que pourrait être la question
sociale de la responsabilité de l’entreprise, volonté de mettre la performance au service des
salariés ou inversement celle des salariés au service de l’entreprise, intention de tenir compte
de l’humain pour en faire le cœur de l’entreprise ?
Le flou persiste, de quoi parle-t-on, que mettre derrière ces termes, aujourd’hui
lorsqu’une Direction des ressources humaines devient une Direction de la « performance
sociale » ? Si notre questionnement est au départ issu de notre vécu professionnel, nous nous
en sommes très vite dégagé, afin d’ouvrir notre recherche et d’en faire une interrogation plus
généraliste.
Aussi, sans avoir la prétention de trouver un consensus sur ce que pourrait être ou ne
pas être la performance sociale, nous nous proposons d’interroger cette notion5 et d’en extraire
quelques grandes lignes afin d’ouvrir à la réflexion.
Dans une première partie, nous tentons une approche théorique de cette notion de
« performance sociale ». L’idée est de mieux en cerner la représentation, d’en comprendre le
cadre contextuel dans lequel elle est née, d’en fixer les contours.
Il nous importe de nous y retrouver dans le « bric-à-brac » théorique regroupant tout
autant la performance sociale/sociétale, que la responsabilité sociale des entreprises, où même
la qualité de vie au travail et le bien-être. Il s’agit pour nous, de simplement tenter d’en saisir
les enjeux et les évolutions pour en extraire une ligne directrice.
Dans une deuxième partie, nous nous proposons de mettre en évidence comment la
notion de « performance sociale » présente essentiellement dans la littérature américaine, a
réussi à percer en Europe. La place occupée par la commission européenne et celle prise par les
associations de professionnels, les cabinets de consultants, les think tanks 6, etc. Cette
appropriation semble permettre de rendre compte de cette notion sous une forme plus
opérationnelle et ainsi de permettre aux entreprises de s’en saisir.
5 Nous parlons de notion et non de concept, souvent ces deux termes se chevauchent sans pour autant être des synonymes. D’après le Larousse,
le terme de concept fait référence à un objet construit dans le monde scientifique. Une notion est une connaissance intuitive générale qui
synthétise les caractéristiques d’un objet mais sans prétendre à sa scientificité, elle peut également être une construction ». 6 Le think tank est un groupe ou laboratoire d’idées influentes, indépendant et à visé non lucratif. Les personnes le constituant apportent des
réflexions sur des sujets politiques, économiques, sociétales, ...
11
Enfin dans une troisième partie, nous essayons de mettre à jour ce qu’il en est de « la
performance sociale » pour les salariés : leur perception à partir de leur expression. Cet
exercice, nous permet d’envisager la pertinence de ce concept et sa possible opérationnalité au
sein d’une entreprise : plus particulièrement dans le domaine des ressources humaines.
L’objectif premier de ce travail de recherche est de « défricher » cette notion de
« performance sociale » afin d’en envisager les impacts potentiels ou pas. Puis après une
analyse et discussion croisée à partir de ces divers apports, d’ouvrir à de nouveaux débats et
réflexions.
12
I. Première partie — La performance sociale : étymologie et
fondements conceptuels
1.1. Approche étymologique des termes de « performance » et de « social »
De manière très basique, nous tentons dans ce premier temps exploratoire, de cerner la
notion de « performance sociale » à partir d’une recherche étymologique des termes et des
grands champs que ces représentations traversent. Nous utiliserons des ressources classiques
telles que le Larousse7, le Robert
8 ou des informations issues d’internet via des sites comme
Wikipédia. Nous nous attacherons déjà au mot « performance » puis à celui de « social » pour
tenter de dégager une première lecture de cette association.
1.11. La performance
1.11.1. Etymologie du terme « performance »
Son apparition date de 1838, son origine est anglophone. Son sens global précise
« accomplissement, réalisation, résultats réels » dans des champs relativement vastes.
Le terme de performance est introduit en France plus particulièrement dans le milieu des
turfistes, à propos du cheval de course et de sa manière d’être, de son comportement. Puis
rapidement, par extension de sens, il passe dans l’usage courant pour rendre compte de
résultats sportifs hors du commun, d’exploits dans le sens « d’accomplir ».
Cette idée initie au XXème siècle l’usage de ce terme pour parler « des performances » d’un
appareil. Une nuance s’opère dans cette acception plurielle, qui renvoie plutôt aux
« possibilités optimales d’un appareil ». 9
Le terme franchit un cap, et un changement de paradigme s’opère : relevant
essentiellement du monde du vivant et du mouvement, (dans ses premières significations), il
intègre ici le monde des objets.
Mais quoiqu’il en soit, le sens reste plutôt lié à l’idée de comportement, de tenue du
produit ou d’une personne dans une situation donnée, une action à produire.
Cette notion se retrouve tout particulièrement dans le milieu artistique10
, ou la
performance se réfère à l’idée d’« exécution ». Le Larousse précise : « mode d’expression
7 Le petit Larousse (2004). 8 Le Robert sous la direction d’Alain Rey (2000). 9 L’exemple cité par le Robert est celui des chemins de fer (1832). 10 Au sujet de L’art performance ou la performance de l’art, (https://fr.wikipedia.org/wiki/Performance_(art)).
13
artistique contemporain qui consiste à produire des actes, des gestes, un événement dont le
déroulement temporel constitue l’œuvre en soi ».
1.11.2. La performance dans le champ de la linguistique et de la psychologie
La linguistique s’en empare avec Chomsky11
(1963), qui oppose « to perform » :
réaliser, accomplir, à « compétence ». Nous retrouvons ici, cette même idée d’action à réaliser.
En France, Binet12
(1905), travaille à l’élaboration de tests mentaux, c’est la naissance de la
psychométrie. Ces travaux à l’origine du calcul du QI (quotient intellectuel) permettent une
mesure de la performance intellectuelle. Les résultats à un ensemble de tests permettent de
comparer la performance intellectuelle de l’enfant (résultats aux tests) par rapport à un groupe
de référence.
Avec Binet, la notion de performance introduit une nouvelle conceptualisation: celle de
mesure par comparaison à des résultats obtenus. Ce passage, met très clairement en
évidence la teinte que va recouvrir le mot performance dans l’hexagone en y associant :
« résultats, mesures et comparaisons ».
Aussi, dans le cadre d'une démarche d'évaluation, l'analyse de la performance vérifie
que l'organisation analysée réalise de façon effective et pertinente (les bonnes choses), de façon
efficiente (rapidement, au bon moment, au moindre coût) pour produire les résultats fixés ou
attendus et - in fine - répondre aux besoins et aux attentes des clients13
, au sens large du terme.
Pour l’économie, la performance économique relève tout autant des ressources que du chiffre
d’affaire14
.
A travers ce bref détour étymologique, nous pouvons extraire deux grandes familles de
sens au sujet du terme « performance » :
Le premier plutôt en lien avec la manière de faire, de réaliser une action, un acte, du
« comment ». L’aspect est plutôt comportemental avec des termes comme
11 Cité par le Robert, Chomsky est un universitaire américain spécialisé dans le domaine de la linguistique
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Noam_Chomsky). 12 Alfred Binet Psychologue français ayant mis au point avec Simon des tests de mesures de la performance intellectuelle
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Alfred_Binet). 13 Même plus généralement à l'ensemble des « parties prenantes» dans le cadre de l’entreprise. Les parties prenantes sont plus connues en
anglais sous le nom de « stakeholders », les parties prenantes de l’entreprise regroupent l’ensemble de ceux qui participent à sa vie économique (salariés, clients, fournisseurs, actionnaires), de ceux qui observent l’entreprise (syndicats, ONG), et de ceux qu’elles influencent
plus ou moins directement (société civile, collectivité locale). Les parties prenantes sont toutes les personnes, autres que les actionnaires, ayant
un intérêt dans les activités de l’entreprise. Cf ; J. Allouche, Cours de 2015/2016 master management des ressources humaines et RSE Ŕ IAE Paris Sorbonne. 14 Exemple extrait de Wikipédia cf https://fr.wikipedia.org/wiki/Performance
14
« réalisation, accomplissement, exploit ». Ce qui semble être pris en compte est
« l’acte en soi », dans « sa réalisation », ceci pouvant s’appliquer autant à l’humain
qu’à l’objet.
Le second plutôt en lien avec les résultats obtenus et la finalité par comparaison à une
norme, une référence. Ce qui importe ici, c’est plutôt le fait « d’être le meilleur ».
De manière très schématique nous pourrions dire que la première orientation relève
plutôt du qualitatif et de « la beauté » de l’acte, dans l’ici et le maintenant15
, alors que la
seconde relèverait plutôt du quantitatif et de la « compétitivité ».
Sans que l’on puisse parler réellement de clivage ou de dichotomie entre ces deux
manières de concevoir la notion de « performance », cette distinction paraît intéressante. Les
limites et contours du terme restent flous et montrent l’impact de la sémantique dans
l’interprétation que chacun d’entre nous peut en faire.
Pour Pesqueux16
(2005), « le mot est en quelque sorte « attrape tout » dans la mesure
où il comprend à la fois l’idée d’action (performing) et d’état (performance comme étape
franchie) » et pour Saulquin et Schier17
(2007), « Lorsqu’on cherche à définir la performance,
force est de constater que le vocabulaire des spécialistes n’est pas stabilisé. La performance
est un construit qui débouche sur des divergences selon les auteurs, un mot « valise » qui a
reçu et reçoit toujours de nombreuses acceptions. »
1.11.3. La performance à travers l’approche théorique de Bourguignon18
Bourguignon (1995-1996-1997), est l’une des rares auteures à s’être attelée à cette
notion dans ses signifiés et dans une recherche de sens. En 199719
, elle se demande ce dont il
est question à travers les utilisations successives de ce terme de « performance », faites par les
uns et les autres, allant jusqu'à dire : « La perplexité s’accroit lorsque, au-delà d’un titre
d’ouvrage qui affiche la performance comme objet d’étude central, on cherche en vain une
15 A noter le terme de « performatif » est utilisé en linguistique au sujet d’un verbe qui exprime et constitue simultanément l’action qu’il
exprime du style « je performe » en anglais, il est peu usité en français. Cette distinction est intéressante dans le rapport de temps qu’elle
introduit ou pas. 16 Pesqueux Y., (2005) « La notion de performance globale », p : 7. Pesqueux est professeur au Conservatoire national des arts et métiers,
titulaire de la chaire de développement des systèmes d'organisation. 17 Saulquin J.Y., Schier G., (2007), « Responsabilité sociale des entreprises et performance Complémentarité ou substituabilité ? » in Revue des sciences de gestion, n°223, pp. 57-65 Ŕ Saulquin est professeur et doyen honoraire Ŕ ESCEM Ŕ Tours Ŕ Schier est professeur à l’université
de Rennes 1. 18 Bourguignon. A. : Professeur au Département « Approches interdisciplinaires du management » de l’ESSEC 19 Bourguignon. A., « Sous les pavés la plage... ou les multiples fonctions du vocabulaire comptable : l'exemple de la performance », in
Comptabilité - Contrôle - Audit - (Tome 3), Ed Economica, pp. 89-101.
réflexion introductive sur le concept … ». Elle poursuit, nous offrant cet axe de réflexion : « le
hasard n’existant pas il faut bien supposer que cette absence ponctuelle de rigueur remplis des
fonctions spécifiques »
Elle met ici en évidence la polysémie du terme et les représentations multiples qui s’y
nouent, une des formes de l’ubiquité du langage difficilement appréhendable pour le
« pragmatisme », la « gestion », et le monde du quantifiable.
Pour contourner cette question Bourguignon propose « trois sens primaires » :
1. « La performance est action » plus proche du sens anglophone, la performance serait ici
proche du processus, et « non un résultat qui apparaît à un moment dans le temps »,
Blaird20
(1986), avec une référence proche de la définition retenue par Chomsky (1965-
1971) : « elle est la mise en acte d’une compétence qui n’est qu’une potentialité » : la
capacité à réaliser …
2. « La performance est résultat de l’action » en référence à Bouquin21
(1986), la
performance ici, est plutôt liée au niveau de réalisation de l’action.
3. « La performance est succès » en lien avec les représentations de réussite, variable pour
chaque entreprise et les acteurs qui la composent.
Bourguignon propose ainsi une multitude de performances possibles, mettant en
évidence sa singularité, tout en l’inscrivant dans un champ commun et collectif. C’est cet
aspect que nous retiendrons au-delà des trois formes de performance qu’elle décrit.
1.11.4. La performance au service de l’entreprise à travers l’approche théorique
de Morin and col22
Pour aller plus loin Morin et col (1994), relèvent quatre grandes approches théoriques
de la performance ou efficacité :
« Une approche économique » : elle se fonde et repose essentiellement sur l’idée
d’objectifs à atteindre. Elle pourrait être représentée par de grandes figures des
20 Cité par Bourguignon. 21 Cité par Bourguignon. 22 Morin E.M., Savoie A., Beaudin G., (1994) « L’efficacité de l’organisation : une conception intégrée », In L’efficacité de l’organisation.
Chap 5, Edit° Gaëtan Morin, Estelle M. Morin est professeur de management à HEC Montréal.
16
théories de l’organisation comme Fayol, Weber et Taylor. Pour eux l’organisation est
basée essentiellement sur des critères économiques (économie et productivité).
« Une approche systémique » : elle met l’accent sur l’environnement de l’entreprise
et son adaptation au milieu dans ce qui va lui permettre d’être pérenne, sans
présupposer une façon d’organisation particulière. La performance est alors analysée à
travers les processus de la qualité du produit, de la rentabilité financière, de la
compétitivité. Ces approches sont portées par Von Bertalanffy, Thompson, Emery et
Trist, Katz et Kahn.
« Une approche politique » : Elle pose l’idée de légitimité de l’entreprise vis à vis
des parties prenantes. Elle permet à l’entreprise de mettre en œuvre sa stratégie tout
comme de passer des moments de crises. Ces notions sont plus récentes et s’inscrivent
dans les travaux de Pfeffer et Salancik, Hirchman, et Nord.
« Une approche sociale » : Cette dimension relève de la structure des relations entre
les individus et les groupes. L’observation porte sur la structure sociale qui constitue
l’organisation. L’efficience de cette dimension pourrait être « la cohésion sociale ».
Les individus sont considérés comme éléments constitutifs de l’organisation. L’atteinte
de ces objectifs est corrélée à ceux de la performance économique. Cette approche est
représentée essentiellement à travers l’école des sciences humaines avec Mayo,
Maslow, McGregor, Likert et Quinn23
.
Ce détour met une fois encore en évidence les interprétations multiples qu’offrent la
sémantique et les champs du possible comme le souligne Bourguignon. Morin quant à elle
nous introduit doucement vers les acceptions du terme, en lien avec le milieu de l’entreprise et
des organisations.
Cependant ce qui nous paraît important, dans ces différentes approches, reste l’idée de
la performance qui se joue sur deux niveaux : le dedans (action en soi) ; le dehors (les
résultats une fois l’action terminée).
23 Les différents auteurs de référence sont cités par Morin et col.
17
Un peu, dans ce même sens, De La Villarmois24
(1998), distingue deux dimensions de
la performance : «une dimension objective de type économique (l’efficience) et systémique
(pérennité de l’organisation) puis une dimension subjective à la fois sociale (ressources
humaines) et sociétale de l’organisation. »25
Il poursuit « La performance peut alors finalement être considérée comme un mode de
construction des frontières entre le « dedans » au regard du « dehors » de l’organisation, d’où
l’importance performative du recours à la notion. ». Une autre manière d’appréhender la
notion de dehors et de dedans.
1.12. Le « social »
1.12.1. Etymologie du terme « social »
A partir d’une démarche identique à celle utilisée pour le terme de « performance »,
nous allons tenter de cerner ce qu’il en est du « social », à travers l’évolution de sons sens ou
de ses sens.26
Dans une définition large, on peut entendre cette notion de « social », comme
l'expression de l'existence de relations entre les vivants. Certains animaux, dont la plupart
des mammifères par exemple, sont qualifiés « d'espèces sociales ».27
Dans son acception commune, le terme « social », issu du latin « socialis » (fait pour la
société, sociable, …), renvoie à celui de « société », apparu deux siècle auparavant et lui-même
issu du latin « sociétas » qui signifie « association, réunion, communauté ».
C’est au XIVème siècle que le sens dérivé apparaît avec l’idée de communication, c’est
à dire le rapport entre des personnes qui ont quelque chose en commun, pour passer à la
représentation d’union ou d’alliance.
Au XVIIème la notion de « vivre en société » prend tout son sens par opposition à celle
de « vivre à l’état de nature ». L’adjectif s’emploie alors dans ce qui est propre à « la vie
humaine dans sa dimension collective », avec l’apparition de notions telles que « contrat,
pacte, traité social, … »
24 De la Villarmois O. : Professeur des Universités, Directeur du Master Contrôle de Gestion et Audit Organisationnel, Directeur MBAIP
Océan Indien. 25 De La Villarmois. O. (1998) « le concept de performance et sa mesure » actes des XIV journées des IAE, Nantes, T.2, pp 199-216, cité par
Pesqueux (2005) in « la notion de performance globale, p. 9 et 14. 26 Analyse réalisée à partir des données du Petit Larousse illustré, du Robert et de Wikipédia (déjà cité). 27 Référence en ligne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Social
18
La notion d’ensemble d’individu entre lesquels existent des rapports durables et
organisés prend son essor en particulier avec Montesquieu puis Rousseau (le contrat social).
1.12.2. Le « social » dans le champ du travail
En 1830, l’adjectif se spécialise, qualifiant ce qui est relatif aux rapports entre les
classes de la société, par opposition à ce qui relève de la politique et de l’économique. Avec la
révolution industrielle, une nouvelle « classe sociale » est née, celle des ouvriers ou pour
reprendre un terme marxiste « le prolétariat ». On parle alors du rapport social entre travailleurs
et employeurs, de « classes sociales ». Le droit du travail nait à cette même époque (fin du
XIXème.).
C’est subséquemment la « grande entrée » du terme « social » dans le monde du travail,
de l’entreprise. Ainsi, il crée liens et passerelles entre le patron (le représentant de l’entreprise)
et les ouvriers, (médiatisés ou pas par les syndicats), mais également entre emploi et société
(« raison sociale », « siège social »).
Le droit social devient alors un terme qui regroupe l'ensemble des règles régissant les
relations individuelles et collectives de travail : droit du travail, droit à la sécurité sociale, à
l’aide sociale, etc.
Le « Social » précise ainsi ce qui est relatif aux relations de la société pour définir
aujourd’hui l’ensemble des questions sociales dans différents secteurs.
1.12.3. Le « social » dans le champ de la sociologie
C’est avec l’avènement des sciences sociales (1908), et de la sociologie que l’étude
« des êtres sociaux » est envisagée du point de vue des groupes structurés d’individus.
Le « social » devient l’objet d’excellence de la sociologie qui pourrait se définir comme la
branche des sciences humaines qui cherche à comprendre et à expliquer l'impact de la
« dimension sociale » sur les représentations (façons de penser) et les comportements (façons
d'agir) humains. Ses champs de recherche sont très variés : travail, famille, médias, rapports de
genre (hommes/femmes), statuts et fonctions, religions, etc.
19
C'est ce qui pousse l'humain à réagir en société de façon à modifier ou préserver son
statut social28
.
Dans les grands contributeurs et initiateurs de la sociologie, nous pourrions citer entre
(1951), est l’un des premiers à définir en ces termes, ce qu’est pour lui la
société : « C'est d'une manière générale la communauté humaine plus ou moins complexe où
l'on vit, où vivent les individus pris en considération pour l'application du mot. Les hommes
qui font partie d'une société présentent cette caractéristique d'avoir entre eux des rapports
volontaires ou involontaires, explicites ou implicites, réels ou potentiels ; ils sont à quelque
degré interdépendant et forment un groupe qui comporte généralement des sous-groupes plus
ou moins consistants et entremêlés par les membres communs qu'ils comptent. »
Durkheim31
(1974), précise sa vision sous cette forme : «une société n’est pas un
groupe d’individus qui habitent dans le même endroit géographique, elle est « avant tout un
ensemble d’idées, de croyances, de sentiments de toutes sortes, qui se réalisent par les
individus »,
Et, pour mieux déterminer et analyser le contenu de cette réalité psychique, il invente le
concept de « fait social » qui est essentiel, puisqu’il constitue et exprime la conscience
collective d’une société.
«Ils (les faits sociaux) consistent en des manières d'agir, de penser et de sentir,
extérieures à l'individu, et qui sont doués d'un pouvoir de coercition en vertu duquel ils
s'imposent à lui. »32
Pour lui, les « faits sociaux » ont une réalité objective qui peut être étudiée, comme un
physicien étudie le monde physique. Il précise et rappelle que les faits sociaux sont aussi
28 Définition succincte de la sociologie : cf : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sociologie 29 Mauss M. et Fauconnet P. (1901), « La sociologie : objet et méthode » in article Sociologie», grande encyclopédie vol 30,
http://www.taymat.org/etudesamazighes/S1/la_sociologie.pdf 30 Janne H. (1951), « Introduction à la sociologie générale » in La Revue de l'Institut de Sociologie, n°3, pp. 345-392,
https://sociologies.revues.org/2964
Janne H. (1908-1991), est un sociologue et un homme politique belge. Il fonde en 1958, avec Georges Gurvitch, l’Association internationale
des sociologues de langue française (AISLF), (Cf Javeau C., « Henri Janne aurait cent ans », Cahiers internationaux de sociologie 2/2008
(n° 125) , p. 377-378 URL : www.cairn.info/revue-cahiers-internationaux-de-sociologie-2008-2-page-377.htm. 31 Durkheim, E., (1974), « Sociologie et philosophie » Paris, PUF, p. 79. 32 Durkheim E. (1894) «Qu'est-ce qu'un fait social ?», in Les règles de la méthode sociologique, Chap.1, publié dans Les cahiers psychologie
internes aux individus : il n'y a qu'à travers les individus que les faits sociaux peuvent exister :
« En effet, les choses sociales ne se réalisent que par les hommes ; elles sont un produit de
l'activité humaine. Elles ne paraissent donc pas être autre chose que la mise en œuvre d'idées,
innées ou non, que nous portons en nous, que leur application aux diverses circonstances qui
accompagnent les relations des hommes entre eux ».
Pour conclure sur ce point Durkheim précise : et si «Un phénomène social ne peut être
produit que par un autre phénomène social […] La fonction d'un fait social doit toujours être
recherchée dans le rapport qu'il soutient avec quelque fin sociale » 33
.
Nous n’irons pas plus en avant dans cette incursion au milieu du champ de la
sociologie, celle-ci nous entrainant trop hors de notre « objet » d’étude. De plus, même si
Durkheim, nous laisse à penser que oui, nous ne pouvons réellement dire à ce stade, si la
« performance sociale» est un « fait social », questionnement qui pourrait être une voie
d’exploration parallèle à ce travail.
Cependant, ce détour nous permet de lier très nettement les notions de société et
d’interrelations entre les hommes, que celles-ci soient directes (par exemple groupes) ou
médiatisées par une structure (institutionnelle, étatique), un enjeu (humain, économique,
juridique), au « social ».
Par ailleurs il apparaît également que sous le « social » une multitude d’acteurs s’en
font les parties prenantes, et qu’un phénomène social n’est jamais qu’interdépendant
d’un autre, pour une fin sociale donnée (implicitement ou explicitement).
Notons également qu’aucun élément ne nous laisse entendre si le « social » est
forcément en lien avec la notion de « bien » pour « l’humain » ou « la société », ou si son lien à
la morale est indéniable, même si cette question (de la morale), reste importante et traverse les
questionnements de Durkheim, au sujet de ses rapports avec le fait social34
, tout comme elle
traverse également le questionnement de la « Corporate » américaine.
Aussi s’il paraît indéniable que « le social », de par ses enjeux, a toute sa place dans la
responsabilité sociale de l’entreprise, comment entendre la notion de « performance sociale »
au sein de l’entreprise, comment composer avec l’adjonction de ces deux termes ?
33 Durkheim « le fait social » cf : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fait_social 34 Au sujet de la moral et de l’éthique dans le milieu des entreprises américaines (contrairement à l’Europe), cf. M. Ben Yedder et F. Zaddem
(institut de gestion économique de Tunis) « La responsabilité Sociale de l’Entreprise RSE : voie de conciliation ou terrain d’affrontements ? »
in de Revue multidisciplinaire sur l’emploi, le syndicalisme et le travail (REMEST), 2009, vol. 4, Nº 1,
(1996), nous prévient que « l’adjonction de ces deux termes peut
surprendre ». Il précise simplement que : « le premier renvoie plutôt à une idée de mesure, de
quantification ou d’évaluation, alors que le second fait plutôt référence à l’homme et à sa
complexité ». Ceci dit, pour Gilbert et Charpentier36
(2004), cette association, n’est plus si
étonnante depuis les travaux de l’école des relations humaines, où « la contribution des
ressources humaines à la performance des entreprises est généralement admise ». C’est donc à
travers la littérature que nous allons poursuivre notre recherche afin d’établir ce qu’est ou
pourrait être la « performance sociale » en terme cette fois de concept.
1.2. La performance sociale au cœur des lectures académiques
Les écrits académiques sont peu abondants sur ce sujet. Contrairement à ceux lié à la
responsabilité sociale des entreprises. Très rapidement et de manière schématique, deux grands
courants se distinguent de l’ensemble37
. Le premier dit « la théorie des parties prenantes »
identifie les bénéficiaires à l’égard de qui l’entreprise se doit d’être responsable. La deuxième
qui intègre la notion d’entreprise citoyenne identifie plutôt la manière d’être responsable. Ce
second modèle pour le dire simplement vient enrichir la théorie des parties prenantes. C’est ce
second modèle qui va initier la performance sociale et c’est de celui-ci dont il sera plus
particulièrement question ici.
La plupart des travaux plus orientés sur « la performance sociale » sont plus
essentiellement issus de la recherche américaine et se concentrent autour de quelques grands
noms. Les observations sur cette thématique, et les modèles les plus connus, datent des années
soixante-dix38
avec Carroll39
(1979). Puis viennent ensuite ceux de Wartick et Cochran40
(1985), précédent ceux de Wood41
(1991).
35 Cité par Gilbert Patrick, Charpentier Marina, (2004) in « Comment évaluer la performance RH ? Question universelle, réponses
contingentes », Patrick Gilbert : Professeur à l’IAE Paris Sorbonne (Directeur du master Management). 36 Gilbert Patrick, Charpentier Marina, (2004) « Comment évaluer la performance RH ? Question universelle, réponses contingentes » Ŕ
Publication GREGOR. 37 Cf. cours de J.Allouche (2016), IAE, Paris Sorbonne : master 2 de management des ressources humaines et RSE. 38 A travers leur article, T. Daudigeos, A. Acquier, B. Valiorgue nous offrent la genèse, des mouvements de recherche sur le sujet en portant
leur regard sur ceux des années 70. Cf. : « Que peut nous apprendre le courant de la Corporate Social Responsiveness sur les démarches de
développement durable des entreprises contemporaines ? » in Working paper serie RMT (WPS 10-10) 34 p. 2010. 39 A.B. Carroll: Professor Emeritus, University of Georgia Business Ethics, Stakeholder Management. 40 S.L. Wartick, P.L. Cochran: Professor of Manangement, Indiana University. 41 D.E. Wood: Professeur Uniserity of Victoria.
Seuls les acronymes R.S.E. et P.S.E. semblent créer l’unité. Quelques auteurs prendront
parfois le temps de préciser soit la notion ou les notions, soit de poser une définition tel un
postulat, ou encore d’autres en parleront comme d’un « fait établi ».
42 C. Germain Professeur, Finance Audencia Business School 43 S. Trébucq : Enseignant-chercheur en stratégie, contrôle et systèmes d’information 44 Jean Yves Saulquin : Doyen honoraire recherche chez FBS Tours-Poitiers, ex-ESCEM 45 G. Schier : Professeur de Finance, Groupe ESCEM 46 Jacques Igalens : Professeur IAE de Toulouse et chercheur au CRM, CNRS 47 A. EL. Akremi : Professeur des universités : Toulouse 1 – Chercheur CRM & CNRS 48 Jean-Pascal Gond, professeur en RSE à la Cass Business School, City University, Londres. 49 V. Swain : Université catholique de Louvain - Louvain School of Management 50 N. Berland : Responsable d'un programme de formation : M2 Gestion/Finance/ Comptabilité, Contrôle interne, Audit 51 A. Dohou Renaud : Maitre de conférence économie et gestion IAE Dijon 52 S. Salgado : PRAG à Arts et Métiers ParisTech Campus d’Aix-en-Provence. Rattaché au CERGAM, Aix-Marseille Université. 53 P. Baret : Professeur-Associé Groupe Sup de Co La Rochelle – Economie et finances
23
1.21. Retour sur la naissance d’un concept : la marque américaine
Pour cette partie dite « Américaine », notre travail s’est plutôt basé et référé sur des
textes d’auteurs francophones, ayant traité la thématique sous divers angles, même s’il peut
être enseignant de se poser la question, des effets de traductions liés à ces termes.
Les auteurs s’accordent pour faire de la RSE (responsabilité sociale de l’entreprise), le
lieu de l’émergence du concept de « la performance sociale » des entreprises (Carroll -1999,
Wartick et Cochran -1985, Bnouni -2011). Et de la notion de P.S.E (performance sociale de
l’entreprise), un concept central de la recherche en éthique des affaires (Business Ethics) et des
travaux sur les relations entreprises-société (Business et Society), Igalens et Gond, (2003).
Les différents auteurs, Bnouni (2011), Dutton et Larouche54
(2016), sont assez unanimes pour
faire coïncider l’émergence du concept de RSE avec les réflexions de Bowen (1953)55
qui dès
cet époque soutenait « l’importance de mettre en œuvre des politiques, de prendre des
décisions ou de suivre des orientations en accord avec les valeurs de notre société »56
.
Pareillement la paternité du premier modèle de la performance sociale revient très clairement à
Carroll (1979). Celui-ci introduit en matière de RSE un nouveau concept : la « corporate
social performance » : la performance sociale de l’entreprise (PSE).
1.21.1. Carroll (1979)
Très schématiquement, Carroll (1979), développe la PSE, comme le croisement de trois
dimensions (Germain & Trébucq57
-2004, Berlan & Dohou58
-2007) :
1. « Les principes de responsabilité sociétale » (économiques, légales, éthiques et
discrétionnaires), cette dimension correspond aux fins que poursuit l’entreprise par le
biais de la RSE.
2. « Les philosophies de réponse » apportées aux problèmes sociétaux qui se présentent
calculée à partir des quatre postures qui sont : refus, contestation, adaptation et pro-
action ou anticipation.
3. « Les domaines sociétaux » au sein desquels l’entreprise est impliquée.
54 Robert Dutton est président du comité consultatif de l’école des dirigeants de HEC Montréal, est président de « Larouche consultant » 55 Howard Bowen, Economiste et moraliste américain. 56 Cité par Robert Dutton et Daniel Larouche in « La responsabilité sociale des entreprises de la bonne intention à la discipline de gestion ». 57 Germain Christophe, Trébucq S. (2004) « Au-delà de la RSE : la responsabilité globale » ; p 37. 58 Berland Nicolas, Dohou A. (2007) « Mesure de la performance Globale des entreprises » p 8.
24
Même si cette catégorisation n’est pas parfaite, aux dires même de Carroll, ces travaux
mettent en évidence que « le concept de PS peut être appliqué en utilisant un système fondé
sur les relations de l’entreprise avec les individus et les groupes concernés par ces activités et
ces objectifs » (Bnouni -2011). Il réintègre en quelque sorte la théorie des « parties prenantes »
au sein de sa nouvelle conceptualisation.
Par ailleurs Aquier, Daudigeos, Valiogue, (2010), à travers l’histoire de la RSE,
reviennent sur le mouvement de recherche de Bauer & Ackerman. Ils mettent en évidence
comment ceux-ci, en laissant de coté la question du lien entre pratiques de RSE et performance
de l’entreprise, s’exposent directement à la critique libérale qui voit la RSE comme une
doctrine foncièrement subversive.
Les auteurs font l’hypothèse (entre autres) que le développement autour de la notion de
performance sociétale de l’entreprise (Carroll, 1979) peut ainsi s’expliquer comme une
tentative de faire face à la critique libérale, et comme une stratégie de légitimation du
courant.
1.21.2. Wood (1991)
Dans la lignée des travaux précédents, Donna Wood (1991), décompose également la
performance sociale en trois niveaux, et elle la définie comme : « Une configuration
organisationnelle de principes de responsabilité sociale, de processus de sensibilité sociale et
de programmes, de politiques et de résultats observables qui sont liés aux relations sociétales
de l’entreprise »59
.
Wood, en 1991 estime qu’il n’existe toujours pas de théorie, à proprement parler,
permettant d’appréhender la notion de performance sociale (Germain & Trébucq -2004).
C’est ainsi qu’elle propose la prise en compte des concurrents, des fournisseurs, de la société
en générale et de toutes personnes ou groupes concernés par les activités de l’entreprise : « les
parties prenantes ».
Par rapport au modèle de Carroll, celui de Wood semble intégrer plus d’approches et
clarifier leurs niveaux (Igalens, Gond -2003).
59 Cité par Gond J.P. « Performance sociétale de l'entreprise et apprentissage organisationnel: vers un modèle d'apprentissage sociétale de
l'entreprise? », Journée AIMS : Développement durable et entreprise.
25
1.21.3. Clarkson (1995)
En 1995, les études de Clarkson60
montrent que les entreprises gèrent au mieux leurs
relations avec leurs parties prenantes et n’intègrent pas dans leur démarche les questions
sociales plus globales. Ces travaux se centrent plutôt sur la question des résultats
contrairement à ceux de Wood plus axés sur les processus (Closon61
-2010)
1.21.4. Mitnick (2000)
Mitnick (2000), cité par Germain & Trébucq (2004), ne trouvant toujours pas pertinent
la définition de la performance sociale de Wood (1991) ira dans le sens différent, montrant que
la « performance sociétale est l’émanation d’une configuration organisationnelle ». Il propose
dans la foulée une typologie de la mesure de la performance sociétale.
1.22. Les apports de la littérature européenne
Les reprises ou la poursuite des travaux d’auteurs européens sur le sujet n’apportent que
peu d’éléments nouveaux. Seul, Gond62
(2003), s’inscrivant dans la lignée de ceux présentés
par Clarkson (1995), et Wood (1991), propose une nouvelle modélisation de la PSE « comme
processus d’apprentissage ».
Cependant, même si comme nous l’avons relevé, les textes post-américains ne
présentent pas d’avancées majeures sur la thématique, les auteurs traitant du sujet permettent
quoiqu’il en soit de soutenir de nouvelles analyses par le biais de regards croisés.
De manière très globale, nous avons relevé que lorsqu’il s’agit de performance sociale, les
écrits sur le sujet, traitent plutôt d’un aspect de l’opérationnalité du « produit » comme nous le
verrons dans la partie suivante63
A partir de nos lectures, nous pouvons dire que la littérature francophone sur le sujet est
essentiellement faite d’articles assez éparts. Cependant, il semble évident, - au-delà de la
60 Cité par Germain C., Trébucq S. (2004) « Au-delà de la RSE : la responsabilité globale » ; p : 37 61 Closon C. « L’impact de la satisfaction des travailleurs à l’égard de la performance sociale de leur entreprises sur le soutien organisationnel
perçu, l’implication organisationnelle et la satisfaction au travail des travailleurs » p : 68 (Laboratoire de psychologie du travail Ŕ université
libre de Bruxelles . 62 Gond J.P. (2003), « Performance sociétale de l’entreprise et apprentissage organisationnel : vers un modèle d’apprentissage sociétal de
l’entreprise ».63 Cf. paragraphe 2.11 « Les cabinets de consultants ».
26
naissance du concept de RSE et de PS - que leurs articulations avec l’entreprise est très liées
aux particularités du pays, à sa culture, et ses modes d’évolutions. Le modèle américain et
l’étude de son évolution mettent très clairement ces liens en avant. Maignan et Ralston64
(2002), parlent d’« un construit social dépendant largement de contextes culturels ».
Par ailleurs, la plupart des écrits se situent dans un intervalle temps d’une vingtaine
d’année et pose la question de la pertinence du sujet en termes de « sujet d’étude », ou
« d’opérationnalité » aujourd’hui. Aussi, nous ne pouvons qu’adhérer à ce que dit Gond
(2009), en parlant cette fois de Performance Sociétale de l’entreprise (PSE) : « Les revues de la
littérature mettent en évidence le manque de fondements théoriques et d’ancrage empirique de
cette notion et des concepts qui lui sont liés, tels que celui de Performance Sociétale de
l’Entreprise (PSE) ou de sensibilité sociétale de l’entreprise »65
Mais à priori, cette confusion n’est pas nouvelle puisque déjà Votaw66
dès 1973
exprimait ainsi ses doutes au sujet de la RSE : « un terme brillant qui signifie sans doute
quelque chose, mais certainement pas la même chose pour tout le monde», idée reprise par
Ullmann qui, en 1985, assimilait les recherches sur la RSE à des « données en quête de
théorie»
En 2009, Gond encore, note : « Les synthèses récentes de la littérature expriment un
scepticisme similaire : le concept de PSE y est présenté comme un concept « insaisissable »
(Clarkson - 1995), « désorienté » (Gond - 2006), un « paradigme perdu » (Gond et Crane -
2010) ou encore une notion « fatalement défectueuse » (Rowley et Berman -2000)
[…] probablement condamné à rester en perpétuel état d’émergence (Lockett et al. -2006) »
Mais alors, en ce sens, pourquoi, si absente de la littérature depuis presque quinze ans,
elle resurgit aujourd’hui aussi fortement dans le monde professionnel à travers de multiples
offres, écrits, outils, de cabinets de consultants, d’associations professionnelles des ressources
humaines ou de dirigeants ?
64 Maignan et Ralston (2002) cités par Robert C. in « Responsabilité sociale de l’entreprise et pratiques de gestion des ressources Humaines »
Cahier du Fargo, n°1060902, IAE de Dijon.65 Gond J.P. (2009) « La responsabilité sociale de l’entreprise au-delà du fonctionnalisme : un cadre d’analyse pluraliste de l’interface
entreprise - société » Conférence à HEC Montréal http://leg.u-bourgogne.fr/rev/142066.pdf 66 Votaw (1973), chercheur américain sur la Corporate Social Responsability et la PSE « The corporate dilemma » Cité par Gond dans l’article
commission européenne : investir dans son capital humain, la santé, la sécurité et
l’accompagnement aux changements.
Le point de jonction entre l’interne et l’externe est « l’intérêt commun ». D’un côté la
contribution de l’entreprise à l’amélioration de la société et de la planète, de l’autre une forme
de veille pour que l’ensemble de ces actions apportent à leur tour des bénéfices à l’entreprise :
du donnant-donnant en quelque sorte.
Les infléchissements européens, nous autorisent à penser que l’opérationnalité de la
« performance sociale » est de l’ordre du possible. Toujours est-il que le monde professionnel
fourmille et plus que de satisfaire simplement aux obligations légales et juridiques applicables,
il doit investir dans le capital humain, les relations aux parties prenantes et l’environnement.
La performance sociale, pour la plupart des contributeurs de l’entreprise ou spécialisés
autour de celle-ci (journalistes, consultants, agences de notation, …) devient un enjeu plus
pragmatique et opérationnel. C’est ce que nous allons observer dans ce que propose les
différents acteurs du monde professionnel.
2.2. Les regroupements de professionnels (associations, lab, …), cabinet de
consultants, agences de notation, etc.
2.21. Les agences de notation extra-financière ou agences de notation
Suite, entre autres, à cette orientation européenne, les entreprises subissent des
pressions de plus en plus fortes concernant leur responsabilité sociale. Celles-ci se déploient au
travers de divers dispositifs de régulation, d’ONG, plutôt spécialisées dans les droits de
l’homme, de l’environnement, etc.
Parallèlement se développe fortement l’investissement socialement responsable (ISR)
qui désigne « tous les placements financiers réalisés en fonction d’un arbitrage fondé non
seulement sur la performance financière des valeurs suivies, mais aussi sur la prise en compte
de critères sociétaux» (l’ORSE, 2005)71
, comme la protection de l’environnement, le respect
71 ORSE, l’observatoire de la responsabilité sociétale des entreprise, cité par D.Bessire, S.Onnee, (2006) « Les agences de notation sociétale :
la quête de légitimité dans un champ organisationnel en construction », en ligne : halshs-00548091
31
des droits de l’homme, la qualité du management des ressources humaines et des
relations avec les clients et fournisseurs.
C’est dans ce contexte qu’apparaissent en France les agences de notation72
. Elles
évaluent et notent les entreprises et les États au regard de leurs pratiques Environnementales,
Sociales et de Gouvernance (ESG), domaines non pris en compte par la notation financière.
La notation sociétale s’impose donc. En France, les principales agences sont : Vigeo73
,
Ethifinance74
, Innovest75
.
Les agences reposent initialement sur un mécanisme décalqué de la notation financière,
« ce qu’indique bien l’emploi du terme même de «notation». Une bonne note sociétale envoie
aux multiples partenaires de l’entreprise un signal sur la qualité de son engagement sociétal.
« Elle lui permet éventuellement de se concilier leurs bonnes grâces et donc d’espérer ainsi
obtenir les ressources qui lui sont nécessaires dans les meilleures conditions » (Bessire et
Onnee -2006).
Enfin, la notation sociétale fournit aux gérants de fonds ISR (investissement
socialement responsable) un dispositif d’évaluation de la RSE qui leur permet de mieux
légitimer leurs décisions et ceci d’autant plus précise Quairel76
(2004), que « le concept de
responsabilité sociale (ou sociétale) de l’entreprise est sémantiquement flou et (que) ce sont
les dispositifs d’évaluation des performances qui l’opérationnalisent ».
Ces agences s'appuient généralement sur des sources multiples : les entreprises elles-
mêmes (documents publics, questionnaires spécifiques, chartes réalisées, …), les parties
prenantes (ONG, syndicats, organisations gouvernementales, etc.) et les médias.
Si les critères d'évaluation diffèrent d'une agence à une autre, (il n'existe pas de
référentiel standard du développement durable), celles-ci s'appuient généralement sur les
grandes conventions internationales et couvrent les trois critères de l’ESG :
72 A titre d’exemple : http://www.vigeo.com/csr-rating-agency/ & http://ethifinance.com/newwebsite/ 73 Vigéo évalue tout type d'entreprises, publiques et privées. 74 Ethifinance prend en compte les petites et moyennes entreprises. 75 Innovest a créé EcoValue 21, un modèle mathématique pour calculer la plus-value économique d'une entreprise qui prend en compte les
critères ESG. 76 Quairel F. (2004) « Responsable mais pas comptable : analyse de la normalisation des rapports environnementaux et sociaux»,
Comptabilité Contrôle Audit, tome 10, vol. 1, juin, pp. 7-36.
entreprises ont clairement la volonté d’officialiser leur engagement et de le faire connaître.
Pénétrant l’entreprise tout autant de l’extérieur que de l’intérieur, une forme de
révolution conceptuelle, s’impose pour les hommes et les femmes qui la constituent. Il en va de
sa survie ou de celle du travail, de l’économie, … tout dépend bien sûr, du point de vue et de la
place dont on parle.
Néanmoins, les schémas et modèles cognitifs79
résistent et les changements liés à la
mondialisation, semblent plutôt endurés. Même si les managers affichent très clairement
l’importance de cette question par rapport aux enjeux économiques à travers un discours très
« communiquant » ou « politique ». Les flous théoriques des concepts et les effets mis en
évidence par Bourguignon peuvent prendre tout leur sens ici. Toutefois certains regroupements
professionnels à l’initiative de leurs dirigeants tentent de définir ce qu’il en est.
« Le Mouvement pour un nouveau pacte social » fondé sur « la confiance et la
performance"80
, publie à travers son livre blanc, des propositions concrètes pour booster la
performance sociale. Chefs d’entreprises, directeurs des ressources humaines, influenceurs
mettent l’accent sur la plus-value économique obtenue par la prise en compte de la
performance sociale versus salariés. L’idée est qu’un salarié bien dans son travail sera plus
productif. La complémentarité de la performance et du social est ici mise en avant.
D’après une étude menée par le Mouvement en avril 2015, la performance sociale est
aujourd’hui reconnue de façon positive par 70% des français et apparaît comme bénéfique à la
fois pour l’entreprise et ses salariés.
C’est à travers des propositions très concrètes que le mouvement oriente ses réflexions
autour de la performance sociale de l’entreprise.
78 Capron. M., Quairel-Lanoizelée. F. (2007) « la responsabilité sociale d’entreprise », édit° la découverte ; Paris. 79 Delavallee E., cours de « Design organisationnel et transformation des entreprises » Master 2 « Management des ressources humaines et
RSE » IAE Paris Sorbonne, 2015/16 au sujet des modèles cognitifs. 80 Réunis au sein du " Mouvement pour un nouveau pacte social fondé sur la confiance et la performance ", initié en 2010, par l'agence de
communication Capitalcom, des groupes tels que l'Oréal, GDF, Suez environnement, France Telecom Orange ou encore Renault ont constitué
un livre blanc : « Et si la performance sociale insufflait une autre dynamique de croissance», en ligne : http://www.pacte-social.fr/wp-
content/uploads/2015/05/2013_Pacte-Social-Livre-Blanc-Vision-partagée.pdf . Il a été présenté lors d’assises du 12 juin 2014 et rédigé par des
présidents, directeurs généraux et DRH de ces entreprises cotées et partageant la même ambition. cf : http://www.pacte-social.fr
entreprises et de leur communication sur cette thématique.
« Ces instruments se distinguent par leur entrée de lecture, par leur caractère public ou
privé, interne ou externe à l’entreprise, par le nombre de dimensions qu’ils investiguent, par la
nature de la démarche, …. Ils ont en commun le principe de la mesure par l’analyse d’indices
dits objectifs » (Closon83
- 2010).
Ceci dit la mesure de la performance sociale devient un défi pour l’entreprise. Elle
relève soit du monde objectif (quantitatif), soit du monde subjectif (qualitatif), mais il faut la
mesurer, la mettre en évidence, la montrer.
Les références dites objectives s’expriment surtout en termes d’indicateurs.
Ils témoignent de la volonté d’engagement de l’entreprise. Ils sont traduits sous forme
de codes, de chartes84
, etc. L’acte reste souvent sous sa forme écrite et souvent la réalité
comportementale diffère.
Ou ils vérifient, valident que l’entreprise est en adéquation avec les attentes sociales sur
le sujet. Il s’agit des labels, des normes85
.
Les références subjectives sont plus complexes à appréhender. Elles relèvent plutôt
d’analyses liées à la passation de questionnaires qualité de vie, satisfaction, ou à des modalités
d’accompagnement managérial, etc. Chacune s’inscrit dans les offres et prestations des
cabinets et consultants en entreprise.
D’ailleurs ne s’agirait-il pas de tenter de trouver les moyens d’objectiver, ce
subjectif si difficile à « neutraliser » ? En 1975, Sudreau86
écrivait « si l’on veut que la
82 In : « La QVT un enjeu pour l’entreprise en 2015 », en ligne : http://www.rhinfo.com/thematiques/management-et-conditions-de-travail/la-
qualite-de-vie-au-travail-enjeu-2015. 83 Closon C. in « L'impact de la satisfaction des travailleurs à l'égard de la performance sociale de leur entreprise sur le soutien organisationnel
perçu, l'implication organisationnelle et la satisfaction au travail des travailleurs » p :70. - C. Closon est psychologue du travail. 84 À titre d’exemple : Charte_Sociale_Sanofi.pdf. 85 À titre d’exemple la norme iso : « Chaque organisation doit mettre en œuvre des actions pour améliorer le monde. Une évaluation de la
performance ISO 26000 de SGS mesure les performances de votre organisation et les améliorations en termes de comportement socialement
responsable ». http://www.sgsgroup.fr 86 Sudreau P. cité par Igalens et Gond in « La mesure de la performance sociale de l’entreprise : une analyse critique et empirique des données
gestion sociale participe aux préoccupations stratégiques de l’entreprise, il faut qu’elle sorte
du relatif et du subjectif, même si, dans ce domaine, la quantification est difficile »
Les cabinets des consultants s’y essaient et s’en saisissent pour légitimer sa mise en
œuvre. Ils proposent ainsi des outils venant améliorer la performance, et au-delà « rendre plus
performant » les indicateurs. C’est ce que propose, par exemple, le cabinet Mozart Consulting87
en créant un nouvel indicateur : « l’indice IBET » ou Mars-Lab88
qui lance dès 2008
« l’observatoire de la vie au travail » (l’OVAT89
) et pour qui la performance sociale est : «la
synchronisation de la performance individuelle, de la performance collective et de la
performance organisationnelle. Et pour qu’il y ait performance sociale, la performance de
chaque salarié doit être synchrone avec la performance de son collectif de travail et par-delà
celle du corps social tout entier. Enfin, la performance du facteur humain doit être synchrone
avec la performance de l’organisation ».
Nous pouvons nous demander aujourd’hui, au regard de l’explosion du nombre de
consultants, si ceux-ci ne viendraient pas implicitement légitimer l’entreprise dans sa
démarche, en lui offrant une sorte de « couverture », d’« assurance » permettant à certains
dirigeants et managers de se déresponsabiliser vis à vis d’un sujet souvent complexe ?
En même temps les consultants se doivent d’apporter du crédit à la démarche
d’opérationnalisation de la performance sociale, afin d’en faire un « vrai » sujet d’entreprise.
Pour aller plus en avant dans cette idée, nous avons relevé qu’un certains nombres de cabinets,
s’associent au monde de la recherche. Les chercheurs et scientifiques qui s’y inscrivent,
produisent ainsi des études dont l’objectif sera plutôt de démontrer, de mettre en évidence une
des plus-values de la performance sociale ou a postériori une valeur de celle-ci. A titre
d’exemple, nous pouvons citer quelques références90
ancrant la performance sociale dans le
monde de l’opérationnalité de l’entreprise et plus particulièrement au travers :
87 Le cabinet Mozart consulting, crée l’indice IBET (http://www.mozartconsulting.eu/fr/accueil.html). 88 Mars-lab est une société de conseil en management de la performance sociale et en prévention des risques sociaux. Depuis 2007, mars-lab
propose d’accompagner les organisations et leurs salariés pour « valoriser leur capital humain tout en prévenant les risques qui menacent leur
performance sociale : performance des individus, performance des collectifs de travail et performance de l’organisation ». La P.S. vu par Mars
Lab : http://www.mars-lab.com/la-performance-autrement/, son livre blanc : « La performance sociale au travail »: http://www.mars-
lab.com/wp-content/uploads/2015/06/livre-blanc-sur-la-performance-sociale-mars-lab-2013.pdf 89 Mars-lab, l’OVAT : http://blog.ovat.fr 90 Nos références ne recouvrent pas l’ensemble des travaux existants sur ces questions, nous avons opté de manière partiale à quelques
de ses liens avec la performance économique de l’entreprise : Allouche, Charpentier
et Guillot91
(2003), réalise une étude de cette abondante littérature, en s’appuyant sur
180 études de recherches depuis 1970.
Bnouni92
(2011), présente également un état de l’art, permettant de mettre à jour le lien
de causalité entre la performance sociale et la performance financière. Et au-delà de la
mise en évidence d’une corrélation plutôt positive entre PS et PF, l’auteur note une
forme d’ambiguïté sûrement liée à « la prolifération des différentes conceptualisations
de la responsabilité sociale des entreprises ainsi que la multitude de mesures utilisées
pour approcher la PS et la PF ».
Gond et Igalens93
(2016), ne dénombre pas moins de 251 études sur ce sujet, dans le
champ plus large de la RSE en date de 2009, et plus de 300 études empiriques depuis
1972 qui testent la nature des relations entre la PSE et la PF.
Michael Porter94
(2003), précise les enjeux de ces choix ainsi : « Peu importe ce qu’ils
racontent en public, lorsque vous êtes derrière la scène avec les chefs d’entreprise et
les dirigeants, ils vont vous demander : “Pourquoi devrions-nous investir dans des
initiatives sociales ?” Nous aurons beau tous nous préoccuper sincèrement de sauver le
monde, si nous ne pouvons répondre à cette question correctement, nous avons un
problème. »
de ses modalités de mesure95
, avec Igalens, et Gond, (2003)96
qui analysent les
données ARESE 2000. Dans le préambule de l’étude, les auteurs relèvent la complexité
et la diversité des mesures, liées à « l’ambiguïté sémantique dans la définition du
concept ». A partir des travaux de Decock-Good (2001) ils définissent ainsi cinq
catégories de mesures.
91 Allouche J., Charpentier. M., Guillot-Soulez. C. (2004) « Un panorama des études académiques sur l’interaction performances
sociales/performances économiques et financières. », Congrès de l’AGRH. Par ailleurs notons que les auteurs centrent leur étude sur la
pratique GRH en restreignant leurs choix autour de quatre des thèmes les plus récurent dans la littérature : la rémunération, la formation, les
relations sociales et les suppressions d’emplois. 92 Bnouni I., (2011) « Performance sociale et performance financière : Etat de l’art » Ŕ XXème conférence de l’AIMS Ŕ Nantes. 93 Gond J.P., Igalens J., « Chapitre V. L’impact financier de la responsabilité sociale de l’entreprise », La responsabilité sociale de
l'entreprise, Paris, Presses Universitaires de France, «Que sais-je ?», 2016, 128 pages.
Les auteurs présentent huit hypothèses sur les interactions entre PSE et PF et un tableau récapitulatif des différentes modalités de construction
des liens positifs entre PSE et PF. 94 Porter M., cité par Gond J.P., Igalens J., ibid, p78 : Extrait d’une interview de Michael Porter (« CSR Ŕ A Religion With Too Many
Priests ? »), réalisée en septembre 2003 à la Copenhagen Business School 95 A ce sujet, cf l’article de Aquier. A., Daudigeos. T., Valiogue. B. (2010) chercheurs associés à Mines Paritech & EM Lyon ; « Que peut nous
apprendre le courant de la Corporate Social Responsiveness sur les démarches de développement durable des entreprises contemporaines ?». 96 Igalens J., Gond J.P. (2003) «La mesure Sociale de l’entreprise : une analyse critique et empirique des données ARESE», in Revue de
Gestion des Ressources Humaines, Eska. Université Toulouse I. pp.111-130.
38
de ses moyens à se faire évaluer, Gilbert et Charpentier (2004), proposent une
démarche originale sur ce sujet, mi empirique, mi sociologique, ils la veulent en tout
état des choses orientées « terrain » et « opérationnalité ». Après avoir posé les contours
de la performance sociale, et du champ (méthodologie de l’étude, présentation des
acteurs) sur lequel ils allaient évoluer, c’est avec la typologie d’Ulrich qu’ils proposent
leurs analyses sur les modalités en vigueurs au sein des entreprises partenaires. Pour
conclure que les mesures d’évaluations des performances RH sont diverses, (certaines
contestables, d’autres pas du tout), mais surtout que « la réponse à la question
« comment évaluer ? » est secondaire par rapport à celle de l’identification du
positionnement de la fonction RH dans l’entreprise »
de mettre en lumière ce qui la détermine, à titre d’exemple Reynaud (2014),
présente un texte inattendu, en comparant les déterminant de la performance sociale à
partir de deux structures : Emmaüs et les Restos du cœur. Son objectif est de
comprendre les fondements de l’indépendance financière des organisations au service
des plus démunis. Et de conclure « la littérature traditionnelle sur la PS s’attache au
lien existant entre celle-ci et la performance économico-financière. Un lien positif est
souvent trouvé … ce qui reviendrait à dire que ce sont les entreprises qui ont les
moyens qui feraient du social, … les résultats de notre article proposent une
perspective différente. En effet, dans le cas d’Emmaüs on s’aperçoit qu’une
organisation a appliqué les règles du jeu économiques afin de servir la performance
sociale, c’est donc pour servir la performance économique que la performance sociale
a été nécessaire »
de ses liens avec la performance globale, à travers les différents écrits relevant de la
responsabilité sociale de l’entreprise et plus récemment à travers ceux traitant de la
performance globale. Plus particulièrement avec des auteurs comme Raynaud, (2003)
qui introduisent cette idée de « performance globale » et y intègre la performance
sociale comme l’un de ses trois piliers. Plus récemment encore nous en retrouvons la
trace à travers l’étude des performances « extra financières » (Morin-Estève, Gendron,
39
Ceccarelli Ŕ2016)97
, peut-être dans le souci d’une recherche de vocabulaire commun
avec les agences de notations !
Quoiqu’il en soit Germain et Trébucq (2004), après avoir fait le point sur les limites des
outils de pilotage actuel en matière de pilotage de la performance sociale, et du flou entourant
cette logique, terminent leur article en déclarant : « Sur le plan théorique, l’intégration
sociétale de la performance à la mesure de la performance globale doit être mieux définie et
mieux précisée […] des notions encore trop abstraites telles que la responsabilité ou la
performance sociétale »
Tout en notant l’importance de constater à travers la littérature, qu’au-delà du concept
de « performance sociale de l’entreprise » naissait celui de « performance sociétale » définit
comme « un concept fédérateur, une synthèse conceptuelle et une réconciliation des approches
jusqu’alors disjointes au sein du champ de la recherche », (Aggeri et al. -2005).
Au-delà de la tentative d’éclairer l’évolution des fondements théoriques de la RSE et de la
performance, Germain et Trébucq (2004), restent eux même assez flou et confus dans
l’utilisation des termes : Responsabilité sociale/ performance sociale/ sociétale, passant avec
une simplicité étonnante de la Responsabilité sociale à la performance sociale et plus
particulièrement à la performance sociétale (Germain & Trébucq -2004).
De nombreuses définitions foisonnent dans la littérature ce qui démontre que la notion
de performance sociale reste encore une notion fragile et non stabilisée. A travers l’ensemble
de ces observations, il apparait très nettement qu’elle n’est aucunement stabilisée aujourd’hui
et qu’elle fait l’objet d’une construction progressive dans laquelle les différents acteurs
s’attachent à faire valoir une définition singulière ou des définitions particulières. Ce qui
participe à l’éclosion multiple des cabinets professionnels.
2.25. Tableau de synthèse
Nous proposons ici, un tableau récapitulatif des points d’impacts sur la performance
sociale des regroupements professionnels, des think tanks, des agences de notation et des
cabinets de consultants :
97 Morin-Esteves C., Gendron C., Ceccarelli A. (2016), « Les rapports de développement durable : dialogues autour de la définition et de la
mesure de la performance extra financière des entreprises. » RIODD 2016, Saint-Étienne, France. Elles sont toutes trois Professeures à l’ICN
Business School Ŕ Nancy Metz.
40
Acteurs de l’opérationnalité Actions sur Moyens
Agences de notation L’ISR, Evaluation, Notation
Mouvements Professionnels La stratégie de l’entreprise,
l’image publique,
Impulsions, préconisations,
Marketing
Think tank Le politique Débats, agitateurs d’idées
Cabinets et consultants L’entreprise Outils, mesures, indicateurs
De manière très succincte, ce tableau permet de dresser les grandes lignes des liens qui
s’établissent entre les différents « opérateurs » de la performance sociale, en lien avec les
entreprises, leurs actions et les moyens mis en œuvres pour parvenir à une forme
d’opérationnalité de la performance sociale.
Mais qu’en est-il pour les salariés ? C’est ce nous proposons d’étudier dans la troisième
partie. Il s’agit de percevoir à travers l’expression des salariés comment cette notion de
performance sociale à fait son chemin ou pas, et comment pour le monde des parties prenantes
de l’entreprise versus « salariés » elle devient ou pourrait devenir opérante à travers par
exemple une Direction.
41
III. Troisième partie — L’opérationnalité de la performance
sociale à travers la perception des salariés
Nous avons donc souhaité dans le cadre de ce travail, entendre comment à travers le
discours de salariés, la notion de « performance sociale » prenait sens.
Que symbolise l’idée de « performance sociale », quelle représentation en ont-ils ?
Les salariés, parties prenantes de l’entreprise, sont-ils à même de mettre celle-ci en
œuvre, ou du moins de la penser à travers une direction spécifique ?
3.1. Présentation de la démarche liée à l’analyse de l’expression de salariés
Pour réaliser cette étude, nous avons opté pour un questionnaire simple et minimaliste
afin d’obtenir un recueil de l’expression de salariés sur la performance sociale.
Notre souhait est de réaliser une analyse de leur perception, en lien avec notre
questionnement initial, sur ce qu’est la performance sociale. Nous n’avons pas défini de
méthodologie particulière d’analyse, celle-ci est venu assez naturellement au fil de la
réalisation et des avancées de notre travail. D’ailleurs comme le mentionne Igalens, El Akremi,
Gond et Swaen98
(2011), peu de recherches (et donc de méthodologies) portent sur la
perception en soi, elles sont en générale, plutôt centrées sur la mesure de cette même
perception.
Notre seul désir, à travers cette observation est celui de confronter la théorie, les actions
des entreprises et la perception des salariés, d’en considérer les écarts, ou au contraire d’en
relever les liens. Cette modalité d’approche nous permet tout simplement de connaitre les
représentations et les sentiments de salariés vis-à-vis de ce que lui renvoient ces notions.
3.11. Les choix méthodologiques qui se sont imposés
Nous avons fait parvenir deux questions simples à des personnes salariées relevant de
domaines différents : certaines exerçant au sein de ressources humaines, d’autres non, certaines
de notre entreprise, d’autres externes. Nous avons juste tenté d’avoir un échantillonnage large.
Sans avoir spécifiquement ciblé les populations sollicitées. Nous avons quoiqu’il en soit
souhaité sortir de notre entreprise, pour confronter notre regard à l’externe et ouvrir à
l’objectivité.
98 Igalens, El Akremi, Gond et Swaen (2011), « la responsabilité sociale des entreprises vue par les salariés : phare ou rétroviseurs » in
ESKA, revue de gestions des ressources humaines, 2011/4 n°82, p : 33-45.
42
Entendre un nombre de DRH de grands groupes relevant de différents secteurs
(banques, industrie, santé, recherche, services, …) était également un des préalables que nous
nous étions fixés, afin d’obtenir des « paroles de RH ».
Mais si dans un premier temps, nous avions essentiellement visé ce monde, rapidement,
dans un second, il nous a semblé plutôt intéressant d’ouvrir le questionnement à des non RH.
La différence entre interne/externe et RH/non RH était peut-être significative, ou du moins
nous permettait d’élargir notre vision.
Au final, il s’avère que ces distinctions : Interne/externe Ŕ RH/non RH, ne sont guère
pertinentes, dans le cadre de cette recherche, pas plus dans le vocabulaire utilisé que dans la
manière d’envisager la performance sociale.
3.12. La démarche liée aux questionnaires
Nous avons proposé, par mail, deux questions en essayant d’apporter un minimum
d’informations complémentaires sur le sujet. Nous voulions obtenir un « matériel brut », si
possible peu influencé par nos explications99
.
A travers ces questions, nous avons souhaité recueillir le sens que les salariés donnent à
cette notion de performance sociale : soit en tant que telle, soit en tant que dénomination d’une
direction RH.
3.13. Le texte d’accompagnement
Le corps du texte d’accompagnement dans le mail était celui-ci :
« Je me permets de venir vers vous, afin de vous solliciter suivant vos possibilités, dans
le cadre de la réalisation de mon mémoire.
Je suis en train de réaliser un master « management des ressources Humaines et RSE
(responsabilité sociale de l’entreprise) » à l’IAE de Paris-Sorbonne et je travaille sur
la notion de « performance sociale »
J’aurais souhaité vous soumettre dans ce cadre deux questions : […]
Par avance, je vous remercie pour votre participation
Bien à vous »
99 Nous avons dû parfois, répondre à quelques demandes de précisions de manière orale.
43
Suivaient en fin de ce message, nos coordonnées : métier, téléphone, mail, adresse
professionnelle.
3.14. Les questions posées
Les deux questions étaient les suivantes :
La première question :
« Pour vous, qu'est-ce que la performance sociale ? »
La deuxième question :
« Une DRH qui devient Direction de la performance sociale, quel sens cela prend,
quelle signification et quel impact dans la perception du salarié ? »
3.15. Les retours de mails
Sur une cinquantaine de questionnaires envoyés, nous avons reçu 38 réponses
exploitables100
. Ce qui correspond à un taux de retours de plus de 75% fort acceptable.
Sur ces 38 retours, 23 proviennent de l’interne de notre entreprise soit 60% et 15 de
l’extérieur soit 40%. Sur l’ensemble 20 sont issus des métiers RH ce qui représente 52% des
interviewés et 18 de métiers sans liens avec les ressources humaines, soit 48%.
Ce que nous retrouvons ci-dessous :
Dans les métiers RH, les réponses externes sont essentiellement issues de directeurs des
Ressources humaines (cadres dirigeants, ou supérieurs). Ceux-ci se sont d’ailleurs montrés très
intéressés, et curieux de la thématique.
100 Cinq réponses n’ont pu être prises en compte faute du moment tardif de leurs arrivées, ou du contenu relevant d’un copier/coller.
Représentation RH En % de (1)
Non RH En % de(2)
Total En % de(3)
Interne 12 60% 11 61% 23 60%
Externe 8 40% 7 39% 15 40%
En % de (3)
En % de(3)
Total 20(1)
52% 18(2)
48% 38(3)
44
Au sein de notre entreprise, à un niveau national, un seul Directeur de la performance
sociale (cadre dirigeant) a répondu sur quatre sollicités. Notre Directeur général adjoint en
charge des ressources humaines, lui nous a fait un retour. Celui-ci n’a pu être intégré dans les
réponses au regard de l’avancée de nos travaux, mais ses réponses vont dans le même sens que
l’ensemble des résultats. Par ailleurs l’ensemble des salariés sollicités (RH et non RH) en
interne à répondu avec empressement et sympathie.
Si le questionnement semblait aller de soi pour la plupart des interviewés, il n’en a pas
été de même pour les personnes dont les métiers étaient issus de la recherche, ou de la santé,
contrairement aux autres secteurs. Les notions de « performance » et de « social » associées ne
semblent pas faire partie de leur monde professionnel, ni même de leur environnement,
contrairement à celui des consultants ou RH.
La population interrogée se trouve être tout autant constituée de cadres que de non
cadres. Nous n’avons pas remarqué, ni analysé de différences fondamentales.
Les réponses pour certains étaient brèves et courtes, (A titre d’exemple, 19 mots pour la
question n°1, 25 pour la question n°2). Pour d’autres, les questions ont semblé sources
d’éloquences, et ont été relativement denses (290 mots/Q1, 299/Q2). Nous pouvons cependant
établir une moyenne d’une centaine de mots pour la question 1, contre une moyenne comprise
dans un intervalle de [110-120] mots pour la question 2.
Globalement, d’après l’outil statistique de Word, notre matériel de recherche est ainsi
constitué :
Question 1 Question 2
Pages 9 12
Mots 3791 4895
Caractères (sans espace) 20308 26388
Paragraphes 169 200
Lignes 486 502
Les données statistiques, nous laissent entrevoir que les réponses ont été de manière
générale assez étayées, plus particulièrement pour la deuxième question. Il ne nous est
45
cependant pas possible de dire qu’une des catégories (Rh/non RH Ŕ Int/Ext) soit plus prolixe
qu’une autre.
3.16. Le logiciel IRaMuTeQ
Pour nous permettre un premier regard plutôt global, et une analyse statistique des
données, nous les avons codées pour les passer au crible avec le logiciel IRaMuTeQ101
IRaMuTeQ est une interface s’appuyant sur « R », « R » étant un langage de
programmation et un environnement open-source (version libre du logiciel Alceste102
)
permettant le traitement des données et les analyses statistiques.
Nous avons opté essentiellement pour l’utilisation de la classification par la mesure de
Reinert qui permet une analyse textuelle (méthode rapprochant les textes les plus proches), au
plus près des représentations des personnes interrogées.
Cette approche offre, au-delà d’une approche textuelle, des dendrogrammes qui
donnent une représentation de la partition et de la taille des classes définies en pourcentages,
permettant de faire émerger des thématiques particulière. Cette approche est ensuite étayée par
une analyse de contenu des discours orientée par les catégories issues des résultats de
IRaMuTeQ.
3.2. Analyse des retours
3.21. Analyse des retours de la question « une »
Pour rappel, la question est la suivante : « Pour vous, qu'est-ce que la performance
sociale ? ».
L’outil IRaMuTeQ, nous permet une première approche par regroupement de termes
sur l’ensemble des réponses à la question « une ».
Le dendrogramme (ci-dessous) distingue 4 classes de formes. La première (classe1) qui
représente 19,5% des segments de textes. Les 3 autres classes, dans la deuxième branche, sont
sous divisées en une et deux classes : 26% des formes pour la classe 4 et 54,6% pour les
classes 2 et 3. Nous y avons associé sous chaque classe, les termes s’y référents. Ceux-ci y sont
répertoriés de manière décroissantes (référence au nombre d’occurrences relevées).
101 IRaMuTeQ, Version 0.6 alpha 3, conçu par Ratinaud P. et Dejean S. IRaMuTeQ est un logiciel open source. Pour plus d’informations :
http://edutechwiki.unige.ch/fr/IRaMuTeQ#Introduction - ou - http://www.iramuteq.org/documentation/html 102 Marpsat M. (2010) « La méthode Alceste », Sociologie [En ligne], N°1, vol. 1 , mis en ligne le 09 mai 2010, consulté le 31 octobre 2016.
Si dans un premier temps, notre étude nous conduit entre étymologie et textes
académiques à la recherche de la performance sociale, il s’avère très rapidement que l’enjeu de
notre questionnement, ou plutôt ses réponses ne sont surement pas à cet endroit. D’ailleurs, au
regard de l’ensemble des éléments recueillis, il semble même tout à fait possible de poser ici
que recherches, définitions et concept de P.S. (tout comme de RSE), sont en quelque sorte une
tentative de modélisation de ce qui empiriquement surgit au sein des entreprises prisent dans
un environnement économique et sociétal totalement mouvant. L’étude de l’origine de cette
réflexion liée à Carroll, Wood, etc., pointe aisément les liens avec le milieu des affaires
américaines, son histoire et sa culture109
.
D’ailleurs, nous avons vu comment la commission européenne doit s’en emparer pour à
son tour la démocratiser dans les pays de l’union et plus particulièrement dans le milieu des
entreprises. A partir des conceptualisations américaines, la commission européenne oriente et
défini la RSE, en y intégrant la dimension de la performance sociale. Ainsi, elle lance et ouvre
la réflexion sur une mise en œuvre opérationnelle de la PS.
Les groupements professionnels, cabinets de consultants, think tanks, etc. s’y attèlent dans la
foulée, proposant définitions, moyens de mesures, d’évaluations, etc., : des outils permettant de
booster les indicateurs et de les développer pour les rendre plus performants.
Au-delà de ces propositions et outils notre analyse offre de nouvelles opportunités de
lecture. A partir du recueil de l’expression de salariés (DRH et non DRH) sur la question de la
performance sociale et de l’évolution d’une Direction RH en Direction de la performance
sociale, l’analyse des discours met en évidence, simplement, ce qu’elle pourrait être. Une
Direction des ressources humaines qui prendrait en compte l’évolution de la société, et de
l’entreprise au sein de celle-ci : autrement dit une forme d’adaptation de l’entreprise à son
environnement. L’entreprise comme microcosme de la société est soumise aux mêmes règles,
en étant absorbée par un environnement qui va vite, qui bouge et qui demande toujours plus de
compétitivité. Après s’être automatisée, numérisée, réorganisée, etc., son objectif est de
109 Nous pouvons noter que si les éléments liées à l’analyse des perceptions des salariés, peuvent se nouer quasi spontanément avec les repères étymologiques de notre première partie de travail, il n’en va pas de même avec les apports liés à l’étude des textes académiques.
63
s’inscrire dans un enjeu mondialiste à travers la RSE et plus finement d’intégrer la performance
sociale en son sein : de s’occuper de ses parties prenantes : ses salariés. C’est ce que met en
évidence, ici l’expression des salariés sur le sujet.
Pour ce faire il apparaît naturellement que la gestion des ressources humaines doit
évoluer, aussi bien dans ses modalités de gestion que dans sa dynamique face à la rapidité des
changements. Une DRH se devra de plus en plus d’être innovante et principalement dans ses
modalités de management des ressources humaines afin d’être en phase avec ce qui attendu
aujourd’hui par l’entreprise, par les salariés et au delà par l’ensemble des acteurs en lien avec
elle. C’est ce qui se révèle distinctement : là, où nous étions dans une gestion des ressources
humaines en termes de moyens, (les moyens humains au service de l’entreprise) nous allons
vers une culture de résultat, essentiellement en termes d’objectifs pour les RH. Ce qui
s'interprète à travers la notion de performance sociale qui ainsi s’insère totalement dans ce
nouveau cadre. Finalement, une DRH va devoir inventer de nouveaux modes de management
vis à vis de son potentiel humain, plutôt de manière collective (par exemple :réflexions et
prises de décisions co-construites) à travers le lien social, véritable tissu de l’entreprise : ce qui
allie bien les termes de « performance » et « social ».
Plus confondant encore, à partir de l’analyse des perceptions, les salariés à travers leurs
réponses sont déjà en phase avec ce que pourrait être demain ces nouvelles organisations RH,
leur fallait juste le temps d’y penser, de puiser dans l’inconscient collectif (en lien avec
l’étymologie des termes), et de le mettre en mot, … Toute aussi flou qu’elle puisse encore être,
la notion de performance sociale est en train de devenir un concept opérant, en voie
d’élaboration.
Et contrairement à ce que nous avons pu mettre en évidence dans les lectures
académiques (le flou de la notion de performance sociale, la déconnexion entre la
conceptualisation américaine et la réalité110
perceptive du terrain, etc.), cette analyse textuelle
de l’expression de salariés permet de mettre en évidence une opérationnalité possible de la
performance sociale, et plus encore la pertinence d’une nouvelle nomination d’une DRH
110 La psychologie de la perception définit la réalité comme l'ensemble des données avec lesquelles nous sommes en interaction constante et
que nous utilisons pour nous adapter et survivre. Ces données ont longtemps été admises comme issues des sens alors qu'aujourd'hui elles sont plutôt considérées comme un produit du cerveau. Delorme. A., Flückiger. M., « Perception et réalité », Bruxelles, De Boeck Supérieur,
« Neurosciences & cognition », 2003, 544 pages
64
(Direction des ressources humaines) en DPS (Direction de la performance sociale), si l’on
considère que cette re-nomination marque un changement de paradigme majeur des fonctions
RH.
Cette étude ouvre donc sur les prémisses de ces changements RH111
, qui mériteraient
d’être fouillés plus finement à travers une étude ciblée sur ce sujet112
. Mais en ce sens, et pour
revenir un instant sur les origines de cette réflexion, il s’avère que si au sein de Pôle emploi,
pour le top management et les directions RH (de manière consciente ou inconsciente), un
tournant est pris au niveau de la conceptualisation de ces nouvelles modalités de manager les
ressources humaines, il en va également de mêmes pour des salariés : cette nomination ouvrant
à de nouvelles attentes de ceux ci (une prise en compte de nouvelles conceptions de travail et
de leurs besoins associés). Et ce, même si l’idée de performance sociale reste équivoque,
ouvrant soit à l’idée de l’humain comme performeur pour son entreprise lorsqu’il est question
d’une direction de performance sociale, soit à l’inverse à celle d’une entreprise qui performe
pour le bien être de ses humains, acteurs de l’entreprise, lorsqu’il s’agit de définir ce que
pourrait être la performance sociale pour les salariés.
Aussi, ce travail, outre le flou de la notion de « performance sociale » qui comme le
note Bourguignon (1997) à bien toute sa fonction, pose la question de ce qu’il en est du salarié
dans cette nouvelle dimension ?
A travers cette analyse, nous avons pu mettre en évidence ce que pourrait être une
Direction de la performance sociale, des moyens dont elle devrait se doter, du management
dans lequel elle devait s’inscrire et impulser, de l’aspect collectif plutôt qu’individuel, de la
notion d’objectifs collectifs, de la dimension qualité de vie au travail fondamentale pour les
salariés, de l’idée d’employabilité et d’agilité de ceux-ci afin d’être au plus près des attentes
économiques, des changements… Mais ceci dit à aucun moment il n’a été question de la place
du salarié dans l’entreprise, au sein de son entreprise. Nous l’avons seulement désigné sous le
vocable de « partie prenante interne », renommé tel que défini dans les théories des parties
111 Cette étude pourrait ouvrir à un travail de mise en perspective de ces changements RH à partir de la matrice de Dave Ulrich. 112 A ce sujet, il pourrait être fort intéressant de réaliser un travail d’analyse entre les offres des cabinets de consultants et les résultats obtenus à travers l’expression et les perceptions des salariés. La plupart des offres sur la thématiques PS, restent essentiellement cantonnées aux
mesures, évaluations, etc. travaillant la notion de PS de manière souvent morcelées. Alors qu’il serait tout à fait envisageable de travailler la performance sociale de manière singulière pour chaque entreprise, mais globale en l’intégrant par exemple dans une démarche d’alignement
stratégique.
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prenantes. Et si, comme nous l’avons perçu, la notion de « performance » introduit l’idée
d’interne et d’externe, tout comme le terme de « société » d’ailleurs : la théorie des parties
prenantes en fait bien de même. Alors, au final, qu’est ce qui fait aujourd’hui, ou fera demain,
la différence entre une partie prenante interne et externe, entre par exemple un salarié et un
fournisseur ?
En 1984, Freeman définie une partie prenante ainsi « Tout groupe, ou individu qui peut
affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs d’une organisation » et si effectivement
les parties prenantes sont différenciées au niveau de leur positionnement en terme d’internes
(actionnaires, employés, …) et d’externes (fournisseurs, clients, …) les préconisations et
modes de relations restent les mêmes afin de : « cibler les parties prenantes prioritaires,
entamer les dialogues sur les engagements, … afin d’améliorer les activités réalisées par
l’organisation et augmenter la performance ».
Aussi aujourd’hui lorsque l’entreprise réorganise, lorsqu’elle parle de mobilité
professionnelle, d’agilité, de flexibilité, … « qui peut être obtenue par l’aménagement des
capacités de production à l’interne ou par le recours à des moyens de production à
l’externe »113
(Roy, Audet, 2002) et aussi parce que « l’entreprise transformée doit développer
l’agilité, la flexibilité et les compétences qui la rapprocheront de ses clients et lui permettront
d’être à leur écoute » 114
(Lejeune, Préfontaine, Ricard -2001), de quoi est-il question ? Quel
traitement pour le salarié ?
Plus précisément n’est ce pas les prémices pour que le salarié soit/devienne
effectivement une partie prenante au même titre que l’est le fournisseur, le client ? 115
Se pose alors la question du devenir du son statut de salarié ?
113 Roy M., Audet M. (2002) « La transformation vers de nouvelles formes d'organisation plus flexibles : un cadre de référence », Gestion 4 (Vol. 27), p. 43-49. 114 Lejeune A., Préfontaine L., Ricard L. (2001) « Les chemins vers la performance : l'approche relationnelle et la transformation des entreprises », Gestion 3 (Vol. 26), p. 45-51. 115 Questionnement issu de nos échanges avec notre directeur de mémoire.
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BIBLIOGRAPHIE
1. Allouche J., Charpentier M., Guillot-Soulez C. (2004) « Un panorama des études
académiques sur l’interaction performances sociales/performances économiques et