« L’AGRICULTEUR PROVENÇAL » - Vendredi 7 février 2014 3 Phyto ➜ Dans le cadre du réseau Déphy, des arboriculteurs s’engagent pour réduire, dans la mesure du possible, leur utilisation en intrants phyto. Un projet ambitieux et des avancées concrètes. Protection contre les bioagresseurs : un Déphy qui profite à tous B aisser fortement les traite- ments de protection dans les vergers de pommiers, pas facile ! En effet, le cortège para- sitaire inféodé à cette espèce est particulièrement bien fourni : carpocapse, tavelure, pucerons, oïdium, tordeuses… L’équation de- vient encore plus périlleuse lorsque la réduction des insecticides, herbi- cides ou autres fongicides ne doit pas pénaliser la production. En clair, baisser le nombre d’interven- tions et optimiser les méthodes alternatives tout en maintenant des vergers sains, productifs et rentables. Un paradoxe, une quadrature du cercle pour certains mais une vo- lonté bien réelle pour des produc- teurs de pommes de notre région qui se sont engagés dans le projet national Ecophyto Fermes Déphy (une dénomination particulière- ment adaptée !). Un projet qui, pour une fois, n’oppose pas l’écono- mie et l’environnement mais a pour ambition de les associer. Il concer- ne toutes les filières de la produc- tion française et l’arboriculture est bien représentée. Des avancées concrètes Jeudi 23 janvier, trois groupes d’ar- boriculteurs des fermes Déphy se sont donc retrouvés à Manosque pour échanger sur leurs pratiques et sur les évolutions récentes. Chaque groupe, composé d’une dizaine d’agriculteurs, est appuyé par un ingénieur et des conseillers techniques qui les accompagnent au quotidien. Ils ont pour projet de mettre en œuvre concrètement des combinaisons de techniques et technologies permettant d’atteindre les objectifs cités ci-dessus. Ces groupes sont issus de la Chambre d’agriculture des Hautes-Alpes, de la structure Raison’Alpes et du GR Ceta de Basse Durance. Les arbori- culteurs qui les composent vien- nent des deux départements alpins ainsi que des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse. Le matin, les exposés en salle ont disséqué les cycles des bioagres- seurs, les IFT (Indices de fréquence de traitement) et les situations pra- tiques qui ont permis de baisser ef- fectivement l’usage des produits phytosanitaires. L’après-midi a été consacré à la visite de deux vergers, chez M. de Valois et au GFA des 4 vents où les producteurs ont montré concrètement les “leviers” mis en place pour traiter moins et mieux. Le mot “levier” regroupe des ouver- tures génétiques et des opportuni- tés techniques variées. Il peut s’agir de l’emploi de variétés nouvelles qui sont naturellement moins sen- sibles à certains parasites. Il peut s’agir d’une bonne maîtrise de la confusion sexuelle sur le carpocap- se, technique efficace mais sur- veillance rigoureuse. Il peut aussi s’agir d’une approche mécanique avec, par exemple, le travail du sol sous les rangs de plantation pour supprimer le désherbage chimique ou encore la protection contre les lépidoptères par des filets Alt’carpo. Les éléments extérieurs au verger sont également considérés. Dans ce cadre, la qualité du matériel de pul- vérisation et l’adaptation des doses de traitement au volume des arbres sont des pistes sérieuses et pragma- tiques. Sur le terrain Les exposés et visites techniques de l’après-midi ont notamment permis d’aborder et d’approfondir les points suivants : La question de la réduction de dose : en définissant ce qu’est le vo- lume d’arbre pour adapter au mieux la quantité de bouillie à l’hectare, voire la dose/ha de pro- duits phytopharmaceutiques. Pour y répondre, la station expérimenta- le de La Pugère met notamment en place, en 2014, dans le cadre des projets bas intrants, une expéri- mentation relative au mode de trai- tement. Avec une éventuelle réduc- tion de dose à l’hectare se pose cependant la question de la gestion des résistances (sujet abordé lors du colloque Inra d’octobre 2013 à Avignon). La gestion de la lutte contre le car- pocapse via les filets Alt’carpo : dans les vergers visités à Manosque où la pression carpocapse reste conséquente avec jusqu’à trois gé- nérations de papillons par an, la protection Alt’carpo est efficace même sans complément. Elle a permis d’assainir la situation dans un verger de Granny Smith en deux ans. La gestion du travail du sol sur le rang de plantation. La lutte contre le campagnol pro- vençal : elle a constitué le point d’intérêt abordé sur la seconde ex- ploitation. Piégeage mécanique et lutte par système à propagation d’ondes de choc ont été développés avec leurs points forts et leurs points faibles. Ces deux méthodes alternatives semblent devenir incontournables étant donné les évolutions réglementaires. De nombreuses interactions Ces exemples montrent que des solutions existent et peuvent être adaptées aux différents vergers. Néanmoins, pour réduire les trai- tements sans pénaliser la perfor- mance du verger il faut une consi- dération globale de la parcelle et de l’exploitation. En effet, dans un verger les interactions sont nom- breuses et les modifications de pratiques ont une incidence au- fruitsetlégumes delà des cibles sur lesquelles elles sont employées. L’exemple le plus prégnant est la réduction justifiée des traitements contre certains parasites qui peut avoir pour conséquence l’émergence forte de nouveaux bioagresseurs considé- rés jusqu’alors comme secondai- res. On peut également observer le versant positif de ces évolutions avec le fait que la réduction des interventions sur certains parasi- tes diminue par exemple la pré- sence des acariens rouges en favo- risant les auxiliaires. En fait, ce que l’on appelle “l’équi- libre du verger” n’est jamais stable et exige une adaptation perma- nente de l’arboriculteur. Globale- ment, il faut donc associer à ces pratiques innovantes une sur- veillance accrue du verger, une forte réactivité et des outils d’aide à la décision fiables. La confrontation des idées, les propositions nouvelles faites lors de cette journée d’échanges ont été particulièrement bénéfiques. Cela a permis de faire un point précis et d’envisager des combi- naisons de pratiques à diffuser largement. L’appui des techniciens de développement sera essentiel pour cela car il ne s’agira jamais de faire des “copier-coller” mais d’adapter des évolutions béné- fiques au service de toute la filière professionnelle. Jean-Michel Montagnon, Chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône, ingénieur territorial Ecophyto Déphy En salle, présentation de différents itinéraires techniques permettant de réduire les intrants phytosanitaires. En verger, les producteurs ont échangé leurs expériences pour limiter les traitements et maintenir des vergers performants. enbref Concevoir ses parcelles agroforestières Le GR Civam Paca, en lien avec le bureau d'études Agroof et l'Inra, proposent une visite-échange-atelier sur le thème “Conce- voir/concrétiser ses parcelles agroforestiè- res” (orientation arbres fruitiers et maraî- chage), le 27 février de 9 h à 17 h au Thor (Vaucluse, Ferme du Colibri, chez Nicolas Verzotti). Nicolas Verzotti, agriculteur à titre secon- daire, a mis en place en 2012 des parcelles associant rangs de fruitiers et maraîchage, en bio. Un temps d'atelier permettra à chaque par- ticipant de se pencher sur son propre pro- jet agroforestier et d'échanger. Repas de midi tiré du sac. Journée gratui- te pour les agriculteurs cotisants au fonds Vivea ; non cotisants, 40 € ; chômeurs, RSA... 20 € ; gratuit pour les adhérents aux groupes Civam ; salariés, 175 € (voir prise en charge par votre fonds de formation) ; adhésion au GR Civam, 15 €. Inscriptions (avant le 24 février) : GR Civam, MIN 13, 84953 Cavaillon Cédex, tél. 04 90 78 35 39, fax. 04 90 71 32 94 ; Mathieu Espert, animateur, [email protected] 06 88 84 60 03 (le jour même). www.civampaca.org