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Renaud Meltz, Isabelle Dasque

Oct 27, 2021

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Pour une histoire culturelle de la diplomatieRenaud Meltz, Isabelle Dasque

To cite this version:Renaud Meltz, Isabelle Dasque. Pour une histoire culturelle de la diplomatie : Pratiques et normesdiplomatiques au XIXe siècle. Renaud Meltz ; Isabelle Dasque. France. Histoire, économie et société,p. 3 - 16 2014, 978-2-20092933-6. �10.3917/hes.142.0003�. �hal-01777631�

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POUR UNE HISTOIRE CULTURELLE DE LA DIPLOMATIE.PRATIQUES ET NORMES DIPLOMATIQUES AU XIXE SIÈCLERenaud Meltz, Isabelle Dasque

Armand Colin | « Histoire, économie & société »

2014/2 33e année | pages 3 à 16 ISSN 0752-5702ISBN 9782200929336

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-histoire-economie-et-societe-2014-2-page-3.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Renaud Meltz, Isabelle Dasque« Pour une histoire culturelle de la diplomatie.Pratiques et normes diplomatiques au XIXe siècle », Histoire, économie & société2014/2 (33e année), p. 3-16.DOI 10.3917/hes.142.0003--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Pour une histoire culturelle de la diplomatie.Pratiques et normes diplomatiques

au XIXe siècle

par Renaud Meltz et Isabelle Dasque

Introduction

L’histoire de la diplomatie au XIXe siècle n’aurait-elle pas droit au bénéfice du renouvelle-ment historiographique et épistémologique que connaît l’histoire des relations internatio-nales, à l’instar des autres champs de la discipline historique1 ?

L’histoire diplomatique du XIXe siècle mérite pourtant d’être revisitée, réinvestie, vivi-fiée par de nouveaux regards. Depuis plusieurs décennies, le renouvellement de l’histoiredes relations internationales met en œuvre le programme ambitieux qu’avaient tracé lesfigures tutélaires de Pierre Renouvin et Jean-Baptiste Duroselle dans les années 19602. Dèsles années 1950, le premier (1893-1974) avait déduit de sa confrontation avec l’histoireimmédiate, et l’entêtant débat sur l’origine de la Grande Guerre, la nécessité de prendre encompte les transformations de l’économie et autres « forces profondes ». La vaste fresquedont il était maître d’œuvre, déroulait sur plusieurs siècles une Histoire des relationsinternationales sensible à cette préoccupation. Le cadet, né une génération plus tard (1917-1994), ouvrait l’histoire des relations internationales aux progrès des sciences sociales ethumaines, pour une lecture plus complexe de la psychologie de l’homme d’État et desprocessus de décision. Aussi bien, l’État demeurait au centre de cette nouvelle approchedes relations internationales, pluridisciplinaire et pluricausale.

En formulant la proposition précoce et novatrice d’une histoire politique ouverte auxperspectives économiques, sociales et culturelles, Renouvin et Duroselle ont fait soufflerun vent nouveau sur l’histoire dite diplomatique, telle que la pratiquait en France un

1. Pour un bilan historiographique, Lucien Bély et Georges-Henri Soutou, « Les relations internationales »,dans Les historiens français à l’œuvre, 1995-2010, dir. Jean-François Sirinelli, Pascal Cauchy, Claude Gauvard,PUF, 2010, p. 261-286 ; Robert Frank (dir.), Pour l’histoire des relations internationales, PUF, 2012, p. 5-40 ; id.,« Penser historiquement les relations internationales », Annuaire français des relations internationales, 2003, vol.IV, p. 42-65 ; Stanislas Jeannesson, « Diplomatie et politique étrangère de la France contemporaine : un bilanhistoriographique depuis 1990 », dans Nouvelles Approches en histoire de la France contemporaine, numérospécial d’Histoire, Économie et Société, 2012/2, p. 87-98.

2. Pierre Renouvin et Jean-Baptiste Duroselle, Introduction à l’histoire des relations internationales,Armand Colin, 1964.

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Albert Sorel3. Ils renouvelaient cette histoire fidèle aux règles de l’École méthodique,limitée au récit d’événements fabriqués par les seuls acteurs des négociations politiques,ministres et diplomates4. Depuis trois générations que s’est trouvée fondée ce qu’il estconvenu d’appeler l’École française de l’histoire des relations internationales, sans queses plus récents rameaux en soient des disciples toujours revendiqués, formant un bouquetmonochrome, force est de constater que l’histoire diplomatique n’en a pas suffisammenttiré les fruits. C’est particulièrement vrai pour le XIXe siècle, qui a pourtant suscité destravaux novateurs dans le domaine domestique, en bénéficiant des questionnements et desoutils de l’histoire culturelle5.

On connaît les reproches sarcastiques et heuristiques formulés par Lucien Febvredans l’entre-deux-guerres, contre l’histoire diplomatique alors pratiquée, myope danssa lecture des mouvements de l’histoire, incapable de faire droit au renouvellement deson objet : la diplomatie de la place publique, comme on disait dans les années 1920,remplaçait celles des chancelleries, « des Cours et des Cabinets », tandis que la pression del’économie diminuait l’emprise du politique sur le fait diplomatique. Tout cela, s’indignaitLucien Fevbre, sans modifier les habitudes des historiens de la diplomatie ! La prise enconsidération, par Renouvin et Duroselle, des « forces profondes » à l’œuvre dans lesrelations internationales, a répondu partiellement à l’exigence formulée par l’École desAnnales pour l’histoire des relations internationales – sans donner satisfaction au souhaitde renouvellement des sources, que Lucien Febvre ne voulait pas limiter aux documentsdiplomatiques officiels6.

Cet élargissement, réclamé en faveur d’une histoire renouvelée des rapports entre lesÉtats, a porté ses premiers fruits dès les années 1970. Sur le plan théorique, Jean-BaptisteDuroselle a couronné un premier cycle de ce renouvellement, en 1981, avec Tout empirepérira : théorie des relations internationales. En termes de travaux pratiques, les facteursd’ordre matériels, géographiques ou économiques ont été pris en considération par lesthèses magistrales de Jacques Thobie, Pierre Guillen, Raymond Poidevin, René Girault ouPierre Milza. Dans le domaine des dimensions immatérielles, celui des « tempéramentsnationaux » et des « mentalités collectives », les générations suivantes, aussi entremêléesqu’à l’époque de Renouvin et Duroselle, ont adjoint le poids des représentations et desperceptions – on songe naturellement aux travaux de René Girault et Robert Frank7. Plus

3. « [...] de par leurs objets, l’histoire des relations économiques et de la finance internationales, l’histoiredes migrations, ces « forces profondes » où le national et l’international sont indissociables, ont devancé letournant transnational des années 1990. » Sabine Dullin, Pierre Singaravelou, « le débat public : un objettransnational ? », Revue Monde(s), Histoire Espaces Relations, 2012/1, n° 1, p. 13.

4. Gérard Noiriel, Qu’est-ce que l’histoire contemporaine, Hachette, 1998, p. 51-52.

5. Nous pensons par exemple, sans souci d’exhaustivité à Pierre Karila-Cohen, L’État des esprits. L’in-vention de l’enquête politique en France (1814-1848), Rennes, Presses universitaires de Rennes (PUR), 2008 ;Emmanuel Fureix, La France des larmes. Deuils politiques à l’âge romantique (1814-1840), Champ Vallon,2009 ; Vincent Robert, Le temps des banquets. Politique et symbolique d’une génération (1818-1848), Publica-tions de la Sorbonne, 2009 ; Corinne Legoy, L’enthousiasme désenchanté. Éloge du pouvoir sous la Restauration,Paris, Société des études robespierristes, 2010 ; Judith Lyon-Caen, La Lecture et la Vie. Les usages du romanau temps de Balzac, Tallandier, 2006 ; Matthieu Brejon de Lavergnée, La société de Saint-Vincent de Paul auXIXe siècle. Un fleuron du catholicisme social, Éd. du Cerf, 2008 ; François Jarrige, Au temps des « tueuses debras ». Les bris de machines à l’aube de l’ère industrielle (1780-1860), Rennes, PUR, coll. « Carnot », 2009.

6. Lucien Febvre, Combats pour l’histoire, « contre l’histoire diplomatique en soi », Armand Colin, 1953.François Dosse, Christian Delacroix, Patrick Garcia, Les courants historiques en France, XIXe-XXe siècles, « FolioHistoire », 2007, p. 201-207.

7. René Girault, Conscience et identité européenne au XXe siècle, Hachette, 1994 ; id., Être historien desrelations Internationales, Publications de la Sorbonne, 1998 ; Robert Frank (dir.), Images et imaginaire dans les

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récemment, l’ouverture disciplinaire a produit ses effets au bénéfice d’une approche desrelations internationales et de ses acteurs tenant de l’histoire sociale8, voire de l’anthropo-logie9.

Ce renouveau a posé les jalons d’une histoire sociale et culturelle de la diplomatie10.Cette dernière est appelée à contribuer à l’ambition actuelle d’une histoire connectée etcroisée. Si l’on définit la diplomatie par trois fonctions essentielles de mise en relation (quece soit entre les États, les peuples ou les sociétés), la négociation, la représentation et l’in-formation, il est de bonne logique d’attendre de l’histoire diplomatique une contributiondécisive à l’effort de connexion des historiographies nationales. Stimulés par l’élargis-sement de leur champ, il serait fâcheux que les historiens des relations internationalesen viennent à oublier le potentiel épistémologique de l’histoire diplomatique. La belleensommeillée ne demeure-t-elle pas la mieux placée pour répondre à l’exigence, aussilégitime que rabâchée, à l’heure de la troisième mondialisation, d’une histoire globale,faute d’historiographies unifiées ou d’épistémologies partagées11 ?

Nous proposons, à l’occasion de ce numéro spécial d’HES, de contribuer avec modestie,mais avec ardeur, à l’impulsion que nous estimons nécessaire pour un double renouvelle-ment de l’histoire diplomatique du XIXe siècle. Renouvellement historiographique, d’abord.L’histoire du XIXe siècle a été largement revisitée, depuis une décennie, par l’histoire cultu-relle du politique, grâce à des approches neuves, touchant généralement le champ national,sans que des objets invisibles à force d’être familiers, comme l’État dans les relationsinternationales, en aient bénéficié12. Renouvellement épistémologique, pour ce faire, enfaveur d’une histoire diplomatique restée dans l’ombre des questionnements féconds del’histoire des relations internationales.

Nous avons choisi d’alimenter cette double ambition en soumettant l’histoire diploma-tique du XIXe siècle à la question d’une notion aussi antique que stimulante : celle de la

relations internationales depuis 1938, Cahiers de l’IHTP, n° 28, juin 1994 ; Maria M. Benzoni, Robert Frank,Silvia M. Pizzetti (dir.), Image des peuples et histoire des relations internationales du XVIIIe siècle à nos jours,Milan-Paris, UNICOPLI-Publications de la Sorbonne, 2008.

8. Claire Bénazet, Ambassadeurs et ministres de France de 1748 à 1791. Étude institutionnelle et sociale,Thèse de l’École des Chartes, 1982 ; Anne Mézin, Les consuls de France au siècle des Lumières (1715-1792),Ministère des Affaires étrangères, Direction des archives et de la documentation, 1997 ; Didier Ozanam, Lesdiplomates espagnols du XVIIIe siècle : introduction et répertoire biographique : 1700-1808, Madrid, Casa deVelázquez, 1999 ; Sabine Dullin, Des hommes d’influences : les ambassadeurs de Staline en Europe, 1930-1939,Payot, 2001 ; Isabelle Dasque, A la recherche de Monsieur de Norpois : les diplomates de la République (1871-1914), Thèse de l’Université Paris-Sorbonne, 2005 ; Peter Jackson, « Tradition and adaptation : the social universeof the French Foreign ministry in the era of the First world war », French History, 2010/2, vol. 24.

9. Laurence Badel, « Conclusion. Le verbe et le corps : anthropologie du diplomate écrivain », dansÉcrivains et diplomates. L’invention d’une tradition XIXe-XXe siècles, Dir. Laurence Badel, Gilles Ferragu,Stanislas Jeannesson et Renaud Meltz, Armand Colin, 2012, p. 398-408.

10. Lucien Bély, Espions et ambassadeurs au temps de Louis XIV, Fayard, 1990 ; Claire Gantet, La paixde Westphalie (1648). Une histoire sociale, XVIIe-XVIIIe siècles, Belin, 2001 ; Isabelle Dasque, A la recherche deMonsieur de Norpois, op. cit. ; Georges-Henri Soutou et Jean-François Sirinelli, Culture et guerre froide, PUPS,2008 ; Anne Dulphy, Robert Frank, Marie-Anne Matard-Bonucci, Pascal Ory (dir), Les relations culturellesinternationales au XXe siècle. De la diplomatie culturelle à l’acculturation, Bruxelles, PIE Peter Lang, 2010.Laurence Badel, Gilles Ferragu, Stanislas Jeannesson et Renaud Meltz (dir.), Écrivains et diplomates, op. cit.

11. Patrick Boucheron rappelle que Global History et Connected Histories « ne partagent rien ou presquedu point de vue méthodologique ou épistémologique », Patrick Boucheron, « L’entretien du monde », Pour unehistoire monde, PUF, 2013, p. 6.

12. Aux ouvrages cités plus haut, ajoutons l’article-manifeste d’Eric Anceau, « Pour une histoire politiquetotale de la France contemporaine », dans Nouvelles approches en histoire de la France contemporaine, numérospécial d’Histoire, Économie et Société, 2012/2, p. 116-117.

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morale. La notion, pour paraître désuète, ou décalée de ces enjeux, relevant a priori del’histoire des idées, de l’histoire religieuse ou de l’histoire culturelle, a nourri un projetde séminaire, puis suscité l’organisation d’un colloque, tenu en Sorbonne en 2012. Cetterencontre d’historiens venus d’horizons divers, autour du thème imposé, « morale et diplo-matie au XIXe siècle », a validé la pertinence de ce rapprochement. Les articles réunisdans ce numéro sont plus ou moins directement issus de ce colloque. Ils reprennent à leurcompte les questionnements que propose la notion de morale, entendue comme raisonpratique autant que corpus de codes et de valeurs.

Aussi bien, la morale permet-elle de traverser les ambitions que nous nourrissons pourl’histoire diplomatique du XIXe siècle.

Sur le plan historiographique, on voit bien la fécondité de la notion : le XIXe sièclene cesse de ressasser les grands bouleversements cristallisés par la révolution française.Ce bouleversement pose la question des valeurs défendues par les États mais aussi parles diplomates qui les représentent, sans compter les nouveaux acteurs diplomatiques quiportent leurs propres exigences morales. Au titre de l’histoire globale, qui est l’horizonhistoriographique actuel, la notion de morale n’est pas moins heuristique : nous pensonsaux confrontations et aux circulations des valeurs et des normes qui se jouent avec la miseen relation accélérée des différentes aires de civilisation, au siècle des impérialismes et desEmpires. Le renouvellement conceptuel que nous appelons de nos vœux s’articule autour dela question des pratiques, grâce aux outils de l’histoire sociale et de l’anthropologie13. Onvoit bien en quoi cette question se trouve liée à la notion de morale, entendue comme raisonpratique, depuis l’ethos du diplomate à la bonne conduite des États. C’est naturellementce renouvellement épistémologique, nourri par la confrontation disciplinaire, qui peutjustifier, in fine, l’intention revendiquée au seuil de ce dossier, en faveur d’une nouvellehistoriographique de l’histoire diplomatique.

Pourquoi le renouvellement de la recherche en relations internationales ne profiterait-ilpas à l’histoire diplomatique du XIXe siècle, demandions-nous ? La question de la moraleoffre une occasion de la revitaliser en l’ouvrant à d’autres champs disciplinaires commel’histoire des idées, la philosophie morale ou les sciences politiques.

Un renouvellement historiographique au prisme de la morale : les acteurs de ladiplomatie au xixe siècle, normes et valeurs

Abandonné aux historiens classiques de l’époque du positivisme, pris en tenaille entre lefoisonnement des études sur la diplomatie d’Ancien Régime et celles sur le XXe siècle, leXIXe siècle, disions-nous, est resté pendant longtemps en marge du dynamisme touchantl’histoire des relations internationales. L’histoire de la diplomatie française suscite parexemple peu de vocations ; ses progrès ne bénéficient pas d’une bonne visibilité acadé-mique, que l’on entende par-là audience scientifique, présence éditoriale, ou transmission

13. Voir, du côté des politistes, Christer Jönsson et Martin Hall, Essence of Diplomacy, Houdsmille, Mac-millan, 2005 ; Paul Sharp et Geoffrey Wiesmann, The Diplomatic Corps as an Institution of International Society,Houdsmille, Macmillan, 2007 ; Guillaume Devin, Sociologie des relations internationales, La Découverte, 2001 ;Marie-Christine Kessler, Les ambassadeurs, Les Presses de Sciences-Po, 2012. Chez les sociologues, FrançoisePitotet, Marc Loriol, David Defolie, Splendeurs et misères du travail des diplomates, Paris, Hermann, 2013 ;Meredith Kingston de Leusse, Diplomate. Une sociologie des ambassadeurs, L’Harmattan, 1997 ; Marc Loriol,« Les enjeux actuels de l’évolution des métiers de la diplomatie », Les cahiers Irice 2009/1 (n° 3), p. 81-102 ; Ducôté des historiens inspirés par une démarche culturaliste, voir par exemple Markus Mösselang et Torsten Riotte,The Diplomats’s World. A cultural History of Diplomacy, 1815-1914, Oxford, Oxford University Press, 2008.

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pédagogique14. Pourtant, cette histoire a bénéficié d’un premier rafraîchissement historio-graphique, venu d’outre-Atlantique, grâce à l’approche systémique qui l’affranchit de laseule étude des rapports inter-étatiques. Les travaux de Paul Schroeder15, popularisés enFrance par Georges-Henri Soutou16, ont introduit une réflexion sur le fondement civili-sationnel et idéologique, bref, sur le substrat organique que règle la mécanique nouvelledu multilatéralisme, à quoi l’on a trop réduit l’ordre européen né au Congrès de Vienne.Naturellement, au XIXe siècle, cet ordre organique n’a pas l’homogénéité ni la constancequ’il avait dans l’Europe de l’Ancien Régime, où les valeurs chrétiennes primaient surtoutes les autres, en dépit de « l’étonnante mais indéniable reviviscence des philosophiesantiques » (cf. article de S. De Franceschi).

Le XIXe siècle est traversé par un mouvement de balancier entre deux revendicationsà régénérer l’ordre international, au nom de morales distinctes. Le Congrès de Vienne,prolongé par la Sainte-Alliance, renoue avec la foi en l’ordre divin pour pacifier et stabiliserle vieux continent. L’héritage des Lumières et de la Révolution alimente la contestationde l’ordre de Vienne. Aux frontières de 1815, aux relations inter-étatiques, peu soucieusesdes aspirations populaires, libéraux, démocrates et républicains opposent les principes nou-veaux, dont la souveraineté nationale est la pierre de touche. Ces deux conceptions, l’uneinspirée du décalogue, l’autre de l’humanisme des Lumières, parcourent tout le XIXe siècle ;elles trouvent une application dans tous les champs de la vie politique, sociale, culturelleet leur inscription dans le droit des États. Mais il serait par trop paresseux d’opposer seule-ment ces morales, et de leur distribuer le siècle, à l’une la restauration de l’Ancien Régime,à l’autre l’avènement de la Démocratie, pour imputer subrepticement la dissolution del’ordre européen à l’affaiblissement de la première (une certaine historiographie, hostile àla République, donne parfois ce sentiment).

Certes, la diplomatie du premier XIXe siècle fonde le concert européen, en puisant avanttout (sans ignorer les Lumières !) aux principes de légitimité, de respect des droits dessouverains et du droit des gens traditionnel. Pour autant, la Sainte-Alliance ne rechignepas à la guerre, afin de maintenir l’ordre de Vienne, ce dont témoigne, parmi bien d’autresexpéditions militaires, l’intervention française en Espagne (cf. article E. Larroche). C’estle libéralisme des monarchies constitutionnelles, celui de Castlereagh, puis de Guizot, quitempère les velléités interventionnistes de Metternich.

Certes, le principe de souveraineté nationale, qui progresse à mesure que se répandle modèle de l’État-nation, mine le concert européen inspiré par les principes chersà Metternich. Peut-on pour autant imputer la constitution de blocs antagonistes, dont

14. S. Jeannesson, « Diplomatie et politique étrangère de la France contemporaine », art. cit., p. 97. Parmi lestravaux portant sur la diplomatie française au XIXe siècle, Jacques-Alain de Sédouy, Chateaubriand : un diplomateinsolite, Perrin, 1992 ; id., Le Congrès de Vienne : l’Europe contre la France : 1812-1815, Perrin, 2003 ; id.,Le concert européen : aux origines de l’Europe, 1814-1914, Fayard, 2009 ; Raymond Bourgerie, Magenta etSolferino (1859) : Napoléon III et le rêve italien, Paris Economica, 1993 ; Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand :le prince immobile, Fayard, 2003 ; Nicolas Jolicoeur, La politique française envers les États pontificaux sous lamonarchie de Juillet et la Seconde république, 1830-1851, Bruxelles, PIE-Peter Lang, 2008 ; Servane Marzin,L’Europe de François Guizot (1840-1848), thèse de l’Université de Paris Nanterre la Défense, 2006 ; YvesBruley, Le Quai d’Orsay impérial, Pedone, 2012 ; Emmanuel Larroche, L’expédition d’Espagne. 1823 : de laguerre selon la Charte, Rennes, PUR, 2013 ; Olivier Varlan, Armand-Louis de Caulaincourt, duc de Vicence(1773-1827) : étude d’une carrière diplomatique sous le Premier Empire, de la cour de Napoléon au ministèredes Relations extérieures, Thèse de l’Université Paris-Sorbonne, 2013.

15. Paul Schroeder, The Transformation of European Politics 1763-1848, Oxford, 1994 ; id., « Thenineteenth-Century International System : Changes in the structure », World Politics, 39, 1986-1987 ; id., « Didthe Vienna system rest on a balance of Power ? », American Historical Review, 97, 1992, p. 683-706.

16. Georges-Henri Soutou, L’Europe de 1815 à nos jours, PUF, Nouvelle Clio, 2007.

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Bismarck fut le premier acteur, au principe de souveraineté nationale, alors que le chancelierde fer s’en proclamait le premier adversaire ? La tradition libérale n’a-t-elle pas son propreidéal d’ordre et de paix universels ? Ses plans de paix perpétuelle17, qui espèrent la paixmondiale grâce à la généralisation des régimes républicains, associant le peuple à ladélibération politique ? Celui de Kant, publié en 1795, en constitue la matrice, ou dumoins le modèle popularisé par les philosophes et les historiens des idées18. Les progrès dupacifisme internationaliste, plus ou moins synchrones à ceux des socialistes, dans chacundes États aux régimes représentatifs, ne puisent-ils pas à ces deux traditions chrétienne etlibérale, trop schématiquement opposées ?

Une histoire diplomatique sensible à l’histoire des idées et à la philosophie politique,une histoire attentive au long terme, donnent à voir combien ces principes s’emmêlentcomme ils s’opposent. Guillemette Crouzet montre dans ce dossier comment la Grande-Bretagne, garante de l’ordre de Vienne, fonde son nouveau rapport au monde, après laperte des colonies d’Amérique, sur des valeurs issues du libéralisme des Lumières etdiffusées par le courant abolitionniste anglais à partir de 1780/1800. Mais droits naturels etvaleurs chrétiennes s’imbriquent pour inspirer ceux qui combattent la traite. Libéralisme,philanthropisme laïc et missionnaire se combinent, notamment dans le protestantismeanglais qui lutte contre la traite dans le Golfe Persique.

Bien entendu, les combats en faveur de la liberté de conscience et de commerce, pourle droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ou contre la traite, s’inspirent, en Europeoccidentale, des Lumières écossaises et continentales, bref, des valeurs que s’est choisiela Révolution française. La constitution d’un espace public européen permet l’émergenced’une première opinion publique internationale, traversée par les idéaux des Lumières, etles opinions qui contestent l’ordre de Vienne sont plus sonores que celles qui les défendent.Mais, aux côtés de la notion de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, qui est aucœur du combat philhellène ou pro-belge et polonais, la solidarité chrétienne joue unrôle considérable, parfois cumulatif, parfois dissocié. L’aspiration à l’émancipation del’ensemble des peuples est associée à la revendication démocratique pour chacun despeuples ; mais les valeurs chrétiennes n’y sont pas étrangères comme le montre le moment1848. Droits naturels et valeurs chrétiennes s’entremêlent dans des proportions variables,chez les républicains et les pacifistes.

Mieux : par un étrange paradoxe, cet État libéral, qui continue le grand processus desécularisation de la politique initié par l’Humanisme et la réforme, pour dessiner les chosesà très grands traits, renoue également avec la forme de prudence et le refus d’assumer unemission morale pratiquée par la Monarchie absolue. Ce qui revient à identifier d’étonnantescontinuités de l’histoire politique, après l’événement singulier de la Révolution française,et son rejet de l’arbitraire d’un État monarchique, auquel on reprochait d’avoir expulséde la sphère publique le jugement moral, propre à l’éthique chrétienne19. En somme,l’État libéral prolonge un rapport de déception avec le public, en refusant d’incarner desvaleurs, fussent-elles libérales, dans sa politique étrangère, au profit de la défense d’intérêts,proportionnée aux moyens de la nation. Bien entendu, la délibération parlementaire, mêmedans un régime électoral faiblement représentatif, fait entendre la voix du peuple et marque

17. Marc Belissa, « Les projets de paix perpétuelle de l’abbé de Saint-Pierre à Jeremy Bentham », dansLa cara oculta de la razon : locura, creencia y utopia, Cinta Canterla Gonzàlez (dir.), Universidad de Cadiz,Servicios de publicaciones, 2001, p. 61-74.

18. Marc Belissa et Florence Gauthier, « Kant, le droit cosmopolitique et la société civile des nations »,Annales historiques de la Révolution française, 1999/3, p. 495-511.

19. Roger Chartier, Les origines culturelles de la Révolution française, Seuil, 2000, p. 294.

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les progrès de la rationalité collective contre la raison d’État. Reste que la revendicationmorale, portée par cet acteur insaisissable qu’est l’opinion publique, selon des valeursdifficiles à unifier selon les intérêts, les idéologies, les sentiments religieux, constate ladéshérence d’un État moral et conteste sa politique étrangère, réduite à la défense de sesseuls intérêts nationaux (cf. article R. Meltz). Les dimensions morales, immatérielles, quesont l’honneur, la dignité ou la solidarité entre les peuples, sont prises en compte par cesnouveaux acteurs qui justifient que l’on parle de diplomatie des peuples.

À cet égard, deux champs se révèlent particulièrement féconds. D’une part, l’étudedes mouvements de volontariat international armé, initiée par Ferdinand Boyer et relancéepar Gilles Pécout20, qui s’inscrit dans une histoire de l’amitié politique entre les peuples ;d’autre part, sans que l’on puisse séparer absolument ces deux domaines, la question desopinions publiques, au siècle de la presse, qui offre un premier système médiatique oùs’incarne une prétention à dire, à faire, bref à constituer une institution sociale de l’opinionpublique.

Le premier est illustré par de nombreux travaux, qui portent sur les officiers de laGrande Armée21, le mouvement philhellène22, le volontariat étranger pro-risorgimental23

ou l’épopée des volontaires garibaldiens, au secours des peuples en lutte pour leur indépen-dance24. À côté du mouvement révolutionnaire25, s’impose une mobilisation internationaleen faveur du légitimisme, celui des Bourbons de Naples contre le Risorgimento26, desBourbons de France et d’Espagne27 ou encore au nom de la défense du pouvoir temporeldu Pape28. D’autre part, la prise en compte des questions internationales par les opinions

20. Gilles Pécout, « The international armed volunteers : pilgrims of a transnational Risorgimento », dansInternational Volunteers and the Risorgimento, numéro spécial du Journal of Modern Italian Studies, vol. 14,issue 4, 2009, p. 413-426.

21. Walter Bruyère-Ostells, La Grande armée de la liberté, Taillandier, 2009.

22. Hervé Mazurel, Vertiges de la guerre. Byron, les philhellènes et le mirage grec, Les Belles Lettres, 2013.Antonis Liakos, L’Unificazione italiana e la grande idea, Florence, Alethaia, 1995 ; G. Pécout, « Philhellenismas a political freindship : Italian volunteers in XIXeth century Mediterranean », Journal of Modern Italian Studies,Vol. 9, issue 4, 2004, p. 405-427 ; id., « une amitié politique méditerranéenne : le philhellénisme italien et françaisau XIXe siècle », dans La democrazia radicale nell’Ottocento europeo. Annali della Fondazione GiangiacomoFeltrinelli-2003, dir. Maurizio Ridolfi, Milan, Feltrinelli, 2005, p. 81-106.

23. Anne-Claire Ignace, Des quarante-huitards français en Italie : étude sur la mobilisation de volontairesfrançais pour le Risorgimento 1848-1849. Thèse de l’Université Panthéon-Sorbonne en cotulle avec l’Universitéde Pise, 2010 ; Ferdinand-Nicolas Göhde, « German volunteers in the armed conflicts of the Italian Risorgimento,1834-1870 », dans International Volunteers and the Risorgimento, op. cit., p. 460-475.

24. G. Pécout, « Garibaldi e i garibaldini verso Creta nel 1866-1869 », Rassegna Storica del Risorgimento,80, 1993, III, p. 316-343 ; Daria Ermolaeva, Relations politiques et circulations révolutionnaires entre l’Italie duRisorgimento et la Russie des autocrates et des réformateurs. Thèse en cours sous la direction de Gilles Pécout etMarie-Pierre Rey, Université Panthéon-Sorbonne.

25. Clément Thibaud, Républiques en armes. Les armées de Bolivar dans les guerres d’indépendance duVénézuela et de la Bolivie, Rennes, PUR, 2006 ; Grégoire Bron, Révolution et nation entre le Portugal et l’Italie.Les relations politiques lusoitaliennes des Lumières à l’Internationale libérale de 1830, thèse de l’EPHE, 2013.

26. Simon Sarlin, Le légitimisme en armes. Histoire d’une mobilisation internationale contre l’unitéitalienne. Rome, École française de Rome, 2013.

27. Alexandre Dupont, Carlistes et légitimistes entre France et Espagne. Les relations entre contre-révolutionnaires français et espagnols dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Thèse en cours sous la direction dePhilippe Boutry, Université Panthéon-Sorbonne.

28. Jean Guénel, La dernière guerre du pape. Les zouaves pontificaux au secours du Saint-Siège, 1860-1870,Rennes, PUR, 1998, 195 p.

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publiques – question que Robert Frank élargit à celle des émotions, susceptibles d’in-fluer sur les rapports entre les États, les peuples et les sociétés29- montre l’importance dela politique étrangère dans la politisation des masses. En témoigne le rôle des opinionspubliques franco-anglaises dans les crises qui agitent les années 1840 (crise d’Orient,affaire Pritchard), étudiées dans ce dossier par Renaud Meltz, ou plus tard, celui des opi-nions publiques en prise avec la politique officielle des Puissances face aux massacresarméniens de la fin du XIXe siècle30.

Ces travaux introduisent dans l’histoire diplomatique des concepts et des savoirsvenus de l’histoire culturelle31 et sociale32, mais aussi de la sociologie33 et des sciencespolitiques34. Ils revisitent à nouveaux frais, au bénéfice du XIXe siècle, les questionnementsles plus contemporains sur ce nouvel acteur des relations internationales. Aussi bien, lesrecherches sur l’opinion publique au XIXe siècle doivent beaucoup aux préoccupationset aux analyses du contemporain ; leur dette n’est pas moins importante à l’égard deshistoriens du Moyen Âge et de l’époque moderne35.

Or cette diplomatie des peuples repose sur la volonté de définir un bien universel, surlequel fonder en raison, et en justice, chaque régime, et l’ensemble des nations, grâce àquoi la paix universelle sera permise. Ce désir d’appliquer la loi morale universelle audomaine des relations internationales n’est pas neuf, ni propre aux radicaux anglais ouaux républicains français. Il relaie, redouble ou croise des réflexions sur l’élaboration d’uncorpus de règles coutumières et de conventions, connu sous le nom de droit des gens, jusgentium, inspiré du droit naturel qui s’est fait jour au XVIIe siècle et dans la première moitiédu siècle suivant, sous la plume de publicistes comme Puffendorf, Burlamaqui, Mably,Vattel. Sylvio De Francheschi montre leur importance, dans la double formation d’une

29. Robert Frank, « Émotions mondiales, internationales et transnationales, 1822-1932 », Revue Monde(s),Histoire Espaces Relations, 2012/1, p. 47-70.

30. Vincent Duclert et Gilles Pécout, « La mobilisation intellectuelle face aux massacres d’Arméniens »dans Les Exclus en Europe 1830-1930, André Gueslin et Dominique Kalifa (dir.), Paris Editions de l’Atelier,1999, p. 323-344.

31. Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), La civilisation dujournal, histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle, Nouveau monde éditions, 2011 ;Françoise Parent-Lardeur, Les cabinets de lecture. La lecture publique à Paris sous la Restauration, Payot, 1982.

32. L’opinion : information, rumeur, propagande. Les Rendez-vous de l’histoire, Blois, 2007, Nantes, Pleinsfeux, 2007, et notamment l’introduction de Jean-Noël Jeanneney et les textes de Claude Gauvard, ChristianDelporte, et Alain Corbin (« L’opinion publique ou l’« état des esprits » du Premier empire à l’instauration dusuffrage universel »). Christophe Charle, Le siècle de la presse, 1830-1939, Seuil, 2004.

33. Pierre Bourdieu, « L’opinion publique n’existe pas », Les Temps modernes, n° 318, janvier 1973, p. 1295-1309 ; Loïc Blondiaux, La fabrique de l’opinion, une histoire sociale des sondages, Seuil, 1998 ; MatthieuBrugidou, L’opinion et ses publics, Une approche pragmatiste de l’opinion publique, Presses de la FNSP, 2008(Voir la préface, très éclairante, de Nonna Mayer) ; Nicole d’Almeida (dir)., L’opinion publique, les Essentielsd’Hermès, CNRS éditions, 2009.

34. Dominique Reynié, Le triomphe de l’opinion publique. L’espace public français du XVIe au XXe siècles,O. Jacob, 1998 ; Bertrand Badie, Le diplomate et l’intrus. L’entrée des sociétés dans l’arène internationale, Paris,Fayard, 2008.

35. L’opinion publique en Europe (1600-1800), PUPS, 2011, notamment l’introduction de Daniel Laroche,« L’opinion publique a-t-elle une histoire ? » ; Keith Baker, Au tribunal de l’opinion. Essais sur l’imaginairepolitique au XVIIIe siècle, Payot, 1993. Patrick Boucheron, Nicolas Offenstadt, L’espace public au MoyenÂge. Débats autour de Jürgen Habermas, PUF, 2011 ; Arlette Farge, Dire et mal dire. L’opinion publiqueau XVIIIe siècle, Le Seuil, 1992 ; Sandro Landi, Naissance de l’opinion publique dans l’Italie moderne, Sagessedu peuple et savoir de gouvernement de Machiavel aux Lumières, PUR, 2006. ; Mona Ozouf, L’homme régénéré.Essais sur la Révolution française, Gallimard, 1989 (« Le concept d’opinion publique au XVIIIe siècle »), p. 21-53.

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tradition française d’une morale de raison, et d’un corpus d’ouvrages religieux, notammentde jésuites, sur les bonnes pratiques diplomatiques. Cette volonté de rendre conforme laconduite des rapports internationaux aux règles universelles de la raison et de la morale,traverse les temps et les partis. Elle entend répandre normes et pratiques européennesau-delà de son foyer : seule une histoire globale peut en rendre compte.

Comment écrire l’histoire diplomatique d’une Europe traversée par des mouvementstransnationaux36, qui prétend disséminer ses valeurs, en se cantonnant au récit de l’entre-soides États occidentaux ? Nous appelons de nos vœux cette « approche attentive aux formesplus subtiles et plus ténues de contacts entre les peuples37 », que ce soit par le biais desexilés, vecteurs des transferts culturels et politiques38, des volontaires internationaux et detoute la variété de forme des impérialismes. D’où l’importance accordée aux groupes depression (missionnaires, cercles abolitionnistes, milieux pacifistes) et de tous ceux qui, àl’ombre des cabinets, ont agi et œuvré en faveur d’une vision morale des relations entreles États, au bénéfice des peuples et des individus. Si la diplomatie européenne occupela première place, à l’image de sa domination de l’ordre international de l’époque, sonprolongement par le biais des impérialismes et des logiques coloniales permet aussi de laconfronter avec d’autres espaces (Empire Ottoman, le Golfe arabo-persique, Inde). À lasuite des historiens des relations internationales nous souhaitons rompre avec une histoireeuropéocentrée. L’approche d’une diplomatie interculturelle, définie par Christian Windlercomme une « expérience de l’Autre », à propos des relations entre la France et les Échellesentre 1715 et 184039, est naturellement féconde pour l’ensemble du XIXe siècle40. À côtédu modèle étatique européen, il existe en effet des entités différentes, dotées d’autres statutsjuridiques, qui ne disposent pas de tous les attributs de la souveraineté, mais participentpourtant du même système international comme le rappelle Fabrice Jesné41.

Ce dossier propose quelques contributions pour articuler diplomaties nationales ettransnationales. L’article de Guillemette Crouzet laisse voir comment la condamnationde la traite produit une forme d’homogénéisation des pratiques et de socialisation desdiplomaties. L’histoire diplomatique du XIXe siècle que nous avons en vue, se destine àl’étude des connexions et des interactions, à différentes échelles spatio-temporelles, afin dedépasser les « oppositions entre micro et macro et entre courte et longue durée pour mettreau point leurs imbrications42 » au bénéfice d’une histoire croisée. Pour ce faire, elle trouve

36. Christophe Charle « Les réseaux intellectuels européens au XIXe siècle » dans Penser les frontières del’Europe du XIXe au XXIe siècles, dir. Gilles Pécout, Editions Rue d’Ulm, PUF, 2004, p. 65-93.

37. A-C Ignace, Des Quarante-huitards français en Italie. op. cit., p. 21.

38. Delphine Diaz, Un asile pour tous les peuples ? Proscrits, exilés et réfugiés étrangers en France de 1813à 1852. Thèse de l’Université Panthéon-Sorbonne, 2012.

39. Christian Windler, La diplomatie comme expérience de l’Autre. Consuls français au Maghreb (1700-1840), Genève, Droz, 2002.

40. A ce sujet, voir le débat autour de cet ouvrage dans Diplomaties, numéro spécial de Monde(s), Histoire,Espaces, Relations, 2014/5.

41. Fabrice Jesné, « Le consul, subalterne de la machine diplomatique ou intermédiaire par excellence ? »Débat autour de l’ouvrage de Christian Windler (La diplomatie comme expérience de l’Autre, op. cit.) dansDiplomaties, numéro spécial de Monde(s), Histoire, Espaces, Relations, 2014/5. Il cite notamment les entitéscréées par la colonisation, comme l’État libre du Congo, les territoires administrés par les compagnies à charteou encore les dominions. On peut y ajouter les territoires sous domination ottomane, étudiés par AlexandreMassé, La « domination morale » : Les consuls de France dans l’Orient grec : Images, ingérences, colonisation(1815-1856). Thèse de l’Université de Toulouse 2, 2012.

42. Bénédicte Zimmerman, « Histoire comparée, histoire croisée », dans Historiographies, I. Conceptset débats, dir. Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia, Nicolas Offenstadt, Gallimard, coll. FolioHistoire, 2010, p. 174.

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de précieux renforts dans les outils méthodologiques et conceptuels de l’ensemble dessciences sociales – droit, sciences-politiques, anthropologie et sociologie43 –, et de toute ladiscipline historique. L’histoire économique, culturelle (représentations) et sociale (micro-histoire, prosopographie), permettent une analyse des réseaux44 et des jeux d’échelle, dansl’espace45 et dans le temps, par la combinaison de la micro-histoire et de la macro-histoireutilisées dans d’autres périodes.

Bref, le renouvellement historiographique repose avant tout sur un renouvellementépistémologique.

Les pratiques diplomatiques au prisme de la morale : pour une histoire sociale etculturelle de la diplomatie

Ce dossier reflète quelques facettes de ce renouvellement historiographique que nousappelons de nos vœux, en même temps que nous en recevons les premiers fruits. Lesarticles publiés dans ce numéro contribuent à divers titres à cette nouvelle épistémologiede l’histoire des pratiques diplomatiques ; l’angle de la morale y dispose, si l’on entendpar morale des règles propres à définir une bonne diplomatie autant qu’un socle de valeurscommunes pour la vie des États en bonne société.

Inutile, pour rehausser l’importance de ces nouvelles approches, de renier la centralitédu fait politico-juridique, institutionnel, qui a longtemps régné en solitaire dans l’histoirediplomatique. Les relations inter-étatiques, étudiées sur la base des documents officiels,occupent légitimement un large pan de l’historiographie française actuelle46. La plupart desarticles de ce dossier n’ignorent pas cette donnée élémentaire. Les auteurs n’hésitent pas àrouvrir, à nouveaux frais, des enquêtes sur des événements d’histoire politique, dont lesrécits les plus récents ont parfois près d’un siècle (voir les articles d’O. Varlan, E. Larroche,R. Meltz, ou G. Crouzet). Ce qui ne nous empêche pas d’ajouter une double exigence à ceconstat élémentaire : la diplomatie n’est pas une affaire seulement politique ; par ailleurs,l’histoire politique ne suffit pas à rendre compte de toutes les dimensions politiques dela diplomatie. Ainsi, sans être contestée, la centralité du politique dans la diplomatie desÉtats, au XIXe siècle, ne doit plus occulter la variété de ses domaines de compétence. Sonaccroissement et sa diversification spectaculaire, au XXe siècle47, en diplomatie culturelle,économique, technique ou sanitaire, ne peuvent pas se séparer des premiers jalons, posésau siècle précédent.

43. Peter Jackson, « Pierre Bourdieu, the « cultural Turn » and the Pratice of International History », Reviewof International Studies 34, 2008/1, p. 155-181. Parmi les auteurs les plus souvent exploités par les travauxd’histoire diplomatique, Fredrik Barth (Ethnic Groups and Boundaries : the Social Organization of CultureDifference, Bergen-Oslo : G. Allen and Unwin, 1970), Pierre Bourdieu (La distinction. Critique sociale dujugement, Éd. Minuit, 1979 ; « Les rites comme acte d’institution », Actes de la recherche en sciences sociales,n°43, juin 1982, p. 58-63) ou Erving Goffman (Les rites d’interaction, Éd. Minuit, 1998 ; La mise en scène de lavie quotidienne ? I-La présentation de soi. II- Les relations en public, Éd. Minuit, 1973).

44. Anne Claire Ignace analyse par exemple les réseaux de voisinage, de sociabilité et d’accueil, danslesquels s’inséraient les 1 000 à 1 300 volontaires partis au secours de l’Italie démocratique durant le Quarantotto.

45. Outre la thèse de Christian Windler, d’autres travaux privilégient l’échelon local comme Mathieu Jestin,Le consulat de France à Salonique 1781-1912. Thèse en cours à l’Université Panthéon-Sorbonne sous la directionde Robert Frank et Anne Couderc ; id. « Les identités consulaires dans la Salonique ottomane, 1781-1912 »,Monde(s), Histoire, Espaces, Relations, 2013/2, p. 189-209.

46. Jean-Claude Allain, Françoise Autran, Lucien Bély, Georges-Henri Soutou, Maurice Vaisse et al, Histoirede la diplomatie française, Perrin, 2005.

47. Laurence Badel et Stanislas Jeannesson (dir), Diplomaties en renouvellement, numéro spécial des cahiersIrice 2009/1 (n° 3).

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De plus, si les enjeux immuables de la diplomatie, puissance, sécurité, stratégies,alliances, continuent d’occuper la première place, ils sont relus ici dans une perspectiveculturelle, sous l’angle des « représentations et perceptions de soi comme de l’autre, indivi-duelles et collectives, pour apprécier la prégnance des forces profondes et rendre compte infine des comportements des décideurs48. » Dans ce dossier, Stanislas Jeannesson s’appliqueà lui-même cette exigence, dans son approche du solidarisme : Léon Bourgeois est à lafois prescripteur et usager d’une opinion publique actrice des relations internationales, cequi modifie naturellement l’art diplomatique, que ce soit en termes d’information ou denégociation.

Comme l’écrit Lucien Bély, « une lecture anthropologique, sociologique ou culturellede la réalité internationale et de l’action diplomatique s’immisce ainsi dans l’analysehistorique49. » Cette approche a été précocement empruntée par les historiens médiévisteset modernistes, dans le sillage des travaux de Lucien Bély et de Jean-Claude Waquet.Ceux-ci font une place à l’étude de la formation et de la culture des diplomates50, à lalangue, l’écrit et le discours diplomatiques51, aux techniques de négociation52, aux circuitsdes savoirs et des pratiques53, aux réseaux de l’information et de la propagande. Ils sontplus particulièrement attentifs aux gestes et au cérémonial54, destinés non seulement àmettre en scène le prestige des États et à déterminer le rang des acteurs mais aussi àpolicer les rapports internationaux. Cette posture épistémologique est encore plus marquéepar ceux d’entre eux qui rompent avec une histoire « statocentrée » et considèrent la

48. S. Jeannesson, « Diplomatie et politique étrangère de la France contemporaine », art. cit., p. 91.

49. L. Bély, « Les relations internationales », art. cit., p. 62.

50. M. Belissa, Fraternité universelle et intérêt national (1713-1795). Les cosmopolitiques du droit des gens,Kimé, 1998.

51. Stefano Andretta, Stephane Pequignot, Marie-Karine Schaub, Jean-Claude Waquet et Christian Windler(dir.), Paroles de négociateurs. L’entretien dans la pratique diplomatique de la fin du Moyen Âge à la fin duXIXe siècle, Rome, École française de Rome, 2010. Jean-Claude Waquet, « La lettre diplomatique. Vérité de lanégociation et négociation de la vérité dans quatre écrits de Machiavel, du Tasse et de Panfilo Persico », dansPolitique par correspondance. Les usages politiques de la lettre en Italie (XIVe-XVIIIe siècles), Dir. Jean Boutier,Sandro Landi, Olivier Rouchon, Rennes, PUR, 2009, p. 43-55.

52. L. Bély, Espions et ambassadeurs au temps de Louis XIV, op. cit. ; id., L’incident diplomatique auxXVIe-XVIIIe siècles, Pedone, 2010 ; Jean-Claude Waquet, François de Callières. L’art de négocier en Francesous Louis XIV, Éd. Rue d’Ulm, 2005 ; Claire Gantet, « L’institutionnalisation d’une négociation », Hypothèses2000/1, p. 181-187 ; Marc Belissa, « Principes des négociations ou art de négocier ? », dans PublikationsportalFriedensverträge, (Veröffentlichung des Instituts für Europäische Geschichte, Mainz, Veröffentlichung der Pro-jektgruppe Europäische Friedensverträge der Vormoderne), Mainz 2008-11-18, Abschnitt 1 – 16. http://www.ieg-mainz.de/publikationsportal/index.html.

53. Michel Espagne, Michael Werner (dir.), Transferts. Les relations interculturelles dans l’espace franco-allemand : XVIIIe et XXe siècles, Paris, Éd. Recherche sur les civilisations, 1988 ; Michel Espagne, Les transfertsculturels franco-allemands, PUF, 1999 ; Marc Belissa et Eric Schnakenbourg, « Les circulations diplomatiquesen Europe au XVIIIe siècle : représentation, information, diffusion des modèles culturels », dans Les circulationsinternationales en Europe ; années 1680-années 1780, Actes du colloque de Bordeaux, 22 et octobre 2006, PUPS,2011, p. 279-295.

54. Claire Gantet, La paix de Westphalie (1648). op. cit. ; Barbara Stollberg-Rilinger, Les vieux habitsde l’empereur : une histoire culturelle des institutions du Saint-Empire à l’époque moderne, Éd. de la Maisondes Sciences de l’homme, 2013 ; id., « Symbolische Kommunikation in der Vormoderne. Begriffe-Thesen-Forschungsperspektiven », Zeitschrift für Historische Forschung, vol. 31, 2004, p. 489-527 ; id., « Zeremoniellals politisches Verfahren. Rangordnung und Rangstreit als Strukturmerkmale des frühneuzeitlichen Reichstags »,dans Neue Studien zur frühneuzeitlichen Reichsgeschichte, Dir. Johannes Kunisch, Berlin, Duncker & Humblot,1997, p. 91-132 ; Matthias Köhler, Strategie und Symbolik. Verhandeln auf dem Kongress von Nimwegen, Köln,Böhlau Verlag, 2011 ; Fabrice Brandli, Le nain et le géant. La République de Genève et la France au XVIIIe siècle,cultures politiques et diplomatie, Rennes, PUR, 2012.

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diplomatie avant tout comme un « ensemble de pratiques et d’expériences observablesdans des zones de contact entre des entités politiques régies par des normes partiellementdivergentes 55 ». Aussi l’histoire diplomatique s’ouvre-t-elle à l’histoire des interactionset des face-à-face, à l’analyse des pratiques culturelles qui accompagnent les différentsniveaux de l’interaction, au poids des représentations culturelles de l’autre dans les prisesde décision, aux conditions de production de normes communes, irréductibles à cellesdes États. Cette approche, enfin, permet de ne plus séparer l’histoire politique d’unehistoire des idées et des idéologies longtemps sous-estimées par l’École française desrelations internationales, influencée « par le primat de l’intérêt national et une conceptionstrictement réaliste de la politique étrangère » selon les dires de Georges-Henri Soutou56,et actuellement en cours de réévaluation par l’historiographie57.

La notion de morale, comprise comme vertu désintéressée, nous place à l’articulationentre une histoire des idées, des normes et des pratiques : comment la diplomatie d’unpays peut-elle prétendre à la morale, à des valeurs universelles, puisqu’un État est intéressé,par définition, à ses intérêts particuliers de puissance ? Guillemette Crouzet montre que leRight to interfere de l’humanitarisme anglais, pris comme un tout, loin d’être purementdésintéressé, a permis, en même temps que d’abolir la traite dans l’espace du golfe arabo-persique, d’y établir un véritable lac britannique. L’intervention française en Espagne,décrite par Emmanuel Laroche, obéit autant à l’idéal de légitimité dynastique et de guerremorale, qu’à une volonté de puissance et d’influence, d’ambitions personnelles, bref depratiques diplomatiques chahutées par les bouleversements de valeurs. De fait, l’expéditionpermet d’asseoir la légitimité de la Restauration. En revenant à la philosophie thomisteappliquée aux relations internationales, le Saint-Siège entend affirmer son rôle de médiation,qui le conforte en tant que puissance morale (cf. article de G. Ferragu). La confrontationde la Raison d’État et de la morale privée ou collective peut tout autant s’appliquer auxindividus chargés de représenter l’État et censés aussi respecter une éthique professionnelle,qui résiste parfois difficilement aux appréciations personnelles de ce qu’il convient defaire pour bien servir son Prince et la paix comme le montre la trahison de Caulaincourt(cf. article d’O. Varlan). L’aventure sans précédent de l’Empire, dans un moment debouleversement total des valeurs individuelles et politiques, a conduit Caulaincourt à suivreune morale personnelle, faute d’un code diplomatique adéquat. Pour autant, les grandsbouleversements idéologiques du siècle n’ont pas pu ne pas influencer les codes moraux dudiplomate.

Enfin, la recherche d’une morale universelle en relations internationales va de pairavec l’élaboration de normes et de justes conventions. La prise en compte progressivede l’opinion publique dans les relations internationales, notamment dans les monarchiesconstitutionnelles, permet la constitution d’un espace public européen certes étroit, maisqui favorise l’émergence d’une première opinion publique internationale (cf. article de R.

55. C. Windler, La diplomatie comme expérience de l’Autre, op. cit., p. 11.

56. G.H. Soutou, « Les relations internationales », op. cit, p. 280 ; Isabelle Davion et Stanislas Jeannesson,« Entretien avec Georges-Henri Soutou », dans Penser le système international, XIXe-XXIe siècles, PUPS, 2013,p. 407.

57. G-H. Soutou, La guerre de cinquante ans. Les relations Est-Ouest, 1943-1990, Fayard, 2001 ; ChristopheDickès, Jacques Bainville et les Relations internationales, 1908-1936, Thèse de l’Université Paris-Sorbonne,2004 ; Marc Belissa, Fraternité Universelle et Intérêt National (1713-1795), op. cit. ; Virginie Martin, La diplo-matie en Révolution. Structures, agents, pratiques et renseignements diplomatiques : l’exemple des diplomatesfrançais en Italie (1789-1796), Thèse de l’Université Panthéon-Sorbonne, 2011 ; Religion et diplomatie. Principeset expériences de l’action culturelle de la France au XXe siècle, Colloque organisé par Gilles Ferragu et FlorianMichel le 13 décembre 2013 à l’université Panthéon-Sorbonne.

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Meltz). Elle explique aussi l’apparition d’un espace de droit dont le Golfe arabo-persiquesous domination britannique a pu être un des laboratoires. C’est surtout sous l’effet depenseurs pacifistes et républicains internationalistes, de théoriciens comme Léon Bourgeoiset de juristes, que se développe un droit émanant de la communauté internationale58 pourdéfendre les prérogatives des individus, contre la toute-puissance des États, désormaisjustifiables et passibles de sanctions59. La morale apparaît bien comme un des principauxpivots à partir desquels s’est opérée la transformation d’un droit des gens en un droitvéritablement international, dont le XIXe siècle a été la charnière. Les deux conférences dela paix étudiées par S. Jeannesson ont permis d’inscrire dans le droit international, commedans la pratique des relations internationales, des principes novateurs, comme les droits etobligations des États en temps de guerre, la codification et l’extension de la pratique del’arbitrage comme moyen de règlement pacifique des conflits. Ainsi participent-elles, grâceà Léon Bourgeois, à l’avènement d’une « diplomatie du droit », seule capable d’assurerune paix durable. Les traités de paix de 1919 et la naissance de la Société des nationsconstituent à la fois l’aboutissement de ce processus et un nouveau départ, caractérisépar la promotion d’un nouveau modèle de sécurité, fondé sur les principes de justice, dedroit et de responsabilité, ainsi que les règles de transparences, censées renouveler l’ordreinternational, dont la Grande Guerre avait démontré la faillite.

Aussi bien, ce dossier et, plus généralement, l’histoire que nous avons en vue, s’assignede croiser les regards et les objets, pour embrasser tous les enjeux de la diplomatie :militaires et stratégiques, économiques et commerciaux, culturels et religieux, juridiqueset humanitaires. Et de considérer l’objet « diplomatie » sous toutes ses formes : secrète etouverte, privée et publique, officielle et officieuse. Ce numéro esquisse ainsi l’étude desvoies informelles de négociation et d’action, relayées parfois par des acteurs non étatiques,et qui émergent aux côtés de la « diplomatie d’État » et de ses représentants officiels (cf.O. Varlan, R. Meltz et S. Jeannesson), thèmes explorés depuis quelques années par destravaux novateurs60.

Cette ambition inscrit l’histoire de la diplomatie du XIXe dans un temps long, enplongeant dans des débats et les usages nés à l’époque moderne (cf. l’article de S. DeFranceschi), nécessaires à l’élucidation d’un XXe siècle novateur en matière de principeset de pratiques. Ce choix permet de questionner le sens de la notion d’événement enhistoire politique et d’interroger la pertinence des grandes ruptures – Révolution, GrandeGuerre – en matière de valeurs et pratiques dans la conduite extérieure des États et de leursreprésentants.

En somme, la notion de morale permet d’éprouver la pertinence et la possibilité denos ambitions en faveur d’une histoire diplomatique renouvelée. L’histoire des idées nesuffit pas à rendre compte d’une diplomatie juste, dans ses principes et sa conduite ;nous avons essayé, ici, de la marier à une histoire des pratiques diplomatiques, qui ont

58. Dzovinar Kevonian, Réfugiés et diplomatie humanitaire : les acteurs européens et la scène proche-orientale pendant l’entre-deux-guerres, Publications de la Sorbonne, 2004 ; id., « André Mandelstam and theinternationalization of human rights (1869-1949) », dans Revisiting the origins of human rights : Genealogy ofa European Idea, dir. Miia Halme-Toumisaari, Pamela Slotte, University of Helsinki, Erik Castren Institute ofInternational Law and Human Rights, Cambridge University Press, 2014.

59. Jean-Michel Giueu et Dzovinar Kevonian (dir.), Juristes et relations internationales, numéro spécial deRelations internationales, 2012/1.

60. Par exemple, sur les acteurs économiques, Séverine Marin, L’apprentissage de la mondialisation : lesmilieux économiques allemands face à la réussite américaine, (1876-1914), Bruxelles, PIE Peter Lang, 2012 ;Laurence Badel, Un milieu libéral et européen : le grand commerce français, 1925-1948, Paris : ministère del’Économie, des Finances et de l’Industrie, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1999.

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leurs héritages spécifiques, évoluant à leur rythme propre, opposant une forme d’inertieaux bouleversements des idées, ou les bousculant par des novations relevant de l’histoiresociale – quoiqu’une diplomatie juste vise, selon le vœu de Guizot, à réunir buts et moyensdans la même moralité. L’évolution de l’ethos du diplomate, fondé sur des qualités privéesmais universelles, héritées du système curial, n’évolue pas toujours au train des idées. Latrahison ou la vénalité supposée de Caulaincourt, dont nous parle ici Olivier Varlan, nousoblige à l’appréhender sous l’ange des valeurs et des pratiques propres aux régimes, auxpériodes, aux systèmes d’organisations internationales, sans que cette rationalisation nepuisse jamais épuiser le mystère d’une conduite individuelle, nourrie d’idéologie, de codesprofessionnels et de mobiles personnels.

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