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LA REFLEXION STRATEGIQUE :
OBJET ET OUTIL DE RECHERCHE
POUR LE MANAGEMENT STRATEGIQUE
* * *
Christophe Torset
Conservatoire National des Arts et Mtiers
40, rue des jeneurs
75 002 Paris
Tel. : 06 80 41 28 07
E-mail : [email protected]
[email protected]
Rsum :
La littrature sur la formation de la stratgie utilise frquemment
lexpression rflexion stratgique . Cette notion est susceptible de
faciliter lanalyse des processus en favorisant une dmarche plus
systmique, capable de regrouper et prendre en considration
diffrents
niveaux organisationnels et diffrentes formes de gense des ides
stratgiques.
Cette communication propose une revue des caractristiques de la
notion de rflexion
stratgique, au regard notamment des problmatiques mises en
lumire dans la littrature : les
liens entre rflexion, dcision et action et lopposition entre
planification et rflexion. Nous proposons ensuite une dfinition
gnrique de la notion de rflexion stratgique et de
ses apports la recherche sur les processus de formation de la
stratgie.
Mots-cls : rflexion stratgique, processus stratgiques,
planification
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0Manuscrit auteur, publi dans "XIVme confrence internationale de
management stratgique, Angers : France (2005)"
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LA REFLEXION STRATEGIQUE :
OUTIL DU MANAGEMENT STRATEGIQUE ?
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Rsum :
La littrature sur la formation de la stratgie utilise frquemment
lexpression rflexion stratgique . Cette notion est susceptible de
faciliter lanalyse des processus en favorisant une dmarche plus
systmique, capable de regrouper et prendre en considration
diffrents
niveaux organisationnels et diffrentes formes de gense des ides
stratgiques.
Cette communication propose une revue des caractristiques de la
notion de rflexion
stratgique, au regard notamment des problmatiques mises en
lumire dans la littrature : les
liens entre rflexion, dcision et action et lopposition entre
planification et rflexion. Nous proposons ensuite une dfinition
gnrique de la notion de rflexion stratgique et de
ses apports la recherche sur les processus de formation de la
stratgie, notamment sous
langle de la perspective activity-based view.
Mots-cls : rflexion stratgique, processus stratgiques,
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LA REFLEXION STRATEGIQUE :
OUTIL DU MANAGEMENT STRATEGIQUE ?
Historiquement, la recherche en stratgie sest focalise autour de
deux concepts : le
processus et le contenu de la stratgie (Chakravarthy & Doz
1992, Laroche & Nioche 1998,
Elfring & Volberda 2001). Cette dichotomie reste extrmement
structurante pour le champ de
la stratgie et ne saurait pour linstant tre vritablement remise
en cause, mme si les micro
approches de la stratgie (Hendry 2000, Whittington 1996, 2001)
visent notamment combler
le foss entre les deux paradigmes.
Le sous-champ processuel sest principalement structur autour de
la notion de dcision, plus
particulirement du processus de decision-making. La prise de
dcision, au niveau
individuel puis dans les organisations, est lun des thmes les
plus abords par la recherche en
stratgie (Desreumaux 1993, Chakravarthy & White 2002). Deux
perspectives principales
sont identifiables dans cette littrature processuelle : une
approche rationnelle et analytique,
souvent associe directement la notion de dcision, et une
approche plus empirique,
heuristique, qui tudie la formation de la stratgie en tentant de
saffranchir plus ou moins de
la notion de dcision stratgique, analysant les orientations
stratgiques comme un ensemble
de patterns rsultant de processus organisationnels multiples
(Avenier 1996, Lauriol 1998,
Martinet 2001).
Ces deux conceptions des processus stratgiques sont largement
lies aux notion de dcision
(processus rationnel, synoptique) et de processus stratgique
(processus incrmental,
heuristique), comme le suggre lopposition propose par Pettigrew
(1992) entre decision-
making et strategy-making.
Depuis peu, face aux notions de dcision et de processus
stratgiques, un autre concept
commence merger dans le champ stratgique : la rflexion
stratgique. Si elle est trs
largement utilise (Liedtka 1998, Torset 2002), lexpression nest
que rarement dfinie. La
littrature acadmique fait de plus en plus souvent appel cette
notion, mais lutilise encore
rarement comme un concept thorique, plutt comme une alternative
smantique aux termes
dcision stratgique, formation de la stratgie, voire analyse
concurrentielle.
Plusieurs conceptualisations de la rflexion stratgique ont t
proposes dans la littrature
(Liedtka 1998, Heracleous 1998, Grundy & Wesley 1999, Torset
2002). Ces diffrentes
perspectives prsentent les caractristiques de la notion, mais ne
la discutent que peu au
regard des dbats importants du management stratgique. Pourtant,
cette confrontation, ce
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positionnement face aux dbats centraux du domaine est une
condition sine qua non pour que
le concept de rflexion stratgique soit reconnu, dvelopp et
utilis en management
stratgique (Liedtka1998, Balogun et al. 2003).
Pour clarifier et discuter lintrt de ce concept, ce papier
propose de le confronter deux
dbats historiques et constitutifs de ce champ de recherche : la
dichotomie rflexion/action
lorigine de nombreuses modlisations des processus de formation
de la stratgie et
lopposition prne par certains auteurs entre planification et
rflexion.
Ce choix repose sur lanalyse de la littrature concernant la
rflexion stratgique (Torset
2002, 2003). Parce quelle y est presque systmatiquement dfinie
au regard des concepts de
dcision1 et de planification stratgique
2, la notion de rflexion stratgique ne peut tre
approfondie et adopte que si elle est clairement positionne dans
ces deux dbats
fondamentaux du champ de recherche sur les processus.
Dans un premier temps, nous proposons donc dexpliciter les liens
entre rflexion stratgique,
action et dcision. Ce premier paragraphe est loccasion dune
premire proposition : la
rflexion stratgique doit tre apprhende comme englobant lanalyse,
la dcision et laction
stratgique.
Dans un deuxime temps, nous discutons la relation entre rflexion
et planification. Plutt que
dopposer les deux concepts, nous proposons quils ne sont pas
exclusifs mutuellement mais
que la rflexion stratgique doit au contraire se baser sur les
pratiques de planification.
Enfin, la dernire partie de ce papier est consacre une
discussion sur les apports de la
notion de rflexion stratgique, en tant quobjet et outil de
recherche pour le management
stratgique.
1 Nasi 1991, Liedtka 2001, Porter 1996, Auregan 1998
2 Mintzberg 1994, Liedtka 1998, Heracleous 1998, Martinet
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1. REFLEXION, DECISION ET ACTION.
Lanalyse des processus de dcision est lorigine des travaux sur
la formation de la stratgie.
Lvolution des perspectives a amen les chercheurs privilgier dans
un premier temps la
dcision en elle-mme, avant de sintresser aux processus
concourrant la prise de dcision,
puis la dmarche stratgique de faon plus globale. Les processus
stratgiques sont alors
analyss en intgrant laction, comme le rappelle la dfinition de
la recherche processuelle
propose par Chakravarthy & Doz : le sous-champ de la
recherche sur le processus stratgique est
concern par la faon dont les stratgies efficaces sont
construites au sein de lentreprise puis valides et mises
en uvre efficacement (1992 : 5).
Deux conceptions gnriques des relations entre rflexion et action
(squentielles et
rcursives) sont identifiables dans la littrature. Elles ont fait
lobjet de plusieurs critiques.
Nous les examinerons avant de nous pencher plus avant sur les
liens entre rflexion et action,
pour proposer une nouvelle approche de la notion de
rflexion.
1.1. RELATIONS SEQUENTIELLES ET RECURSIVES
Nous allons nous intresser successivement aux deux approches des
liens entre rflexion,
dcision et action. Ces liens ont dans un premier temps t
considrs comme squentiels,
puis comme rcursifs.
1.1.1. Lapproche squentielle des liens entre rflexion, dcision
et action
Les modles rationnels de decision-making proposent une relation
squentielle entre
rflexion, dcision et action :
Figure 1: lapproche squentielle des liens entre rflexion,
dcision et action
Lanalyse de lenvironnement et des ressources constitue
principalement la phase de rflexion
stratgique. Une fois cette phase acheve et diverses solutions ou
opportunits envisages, la
phase de dcision est caractrise par un moment et un endroit
prcis (runion du comit de
direction, du conseil dadministration, etc.). Une fois la
dcision prise, elle est suppose tre
mise en uvre, thoriquement exactement comme il a t prvu.
Rflexion Dcision Action
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Si cette prsentation est un peu caricaturale (plusieurs modles
ont mis en exergue le caractre
itratif du processus de dcision), elle est pourtant emblmatique
dune grande partie des
travaux de recherche.
Ces liens squentiels ont t casss par plusieurs auteurs.
Le premier lien, entre dcision et action, a t remis en cause par
exemple par Langley et al.
qui rappellent que Beaucoup de questions persistent sous une
forme ou une autre pour un temps
considrable. Elles ne meurent pas ncessairement lorsque des
dcisions cls sont prises ; beaucoup restent
dactualit et rencontrent dautres questions. Selon nous, la
recherche dans ce domaine serait plus productive si
elle tait conue en terme de courants de questions (streams of
issues) continues et interagissantes qui
entranent des actions, parfois au travers de dcisions
identifiables (1995 : 273).
De nombreux lments de rflexion peuvent donc exister dans
lorganisation sans quils
donnent ncessairement lieu dcision. Plus encore, ils ne
disparaissent pas une fois la
dcision prise. Cest ce que Romelaer appelle la maturation
stratgique : on doit dissocier le
processus stratgique (analyses, prise de dcision et mise en uvre
daction) du processus de maturation
stratgique. Par maturation stratgique, jentends lmergence, la
diffusion et la prise dinfluence dides
dalternatives stratgiques. Ces alternatives stratgique latentes
peuvent tre mises ou dfendues pendant des
annes par des acteurs de lorganisation sans quil en rsulte
ncessairement quoi que ce soit de concret
(1998 : 122).
Si la rflexion stratgique peut exister sans dcision, linverse
est difficilement envisageable,
la phase de dcision constituant en elle-mme un processus
danalyse, dvaluation, de
comparaison assimilable un processus de rflexion. Nanmoins, le
modle du garbage can
de Cohen, March & Olsen (1972) met en lumire, au travers de
lanarchie organise , des
processus de dcision mergents et non tlologiques. Eisenhardt
& Zbaracki le dfinissent
comme un modle o la prise de dcision survient dans une rencontre
stochastique de choix cherchant des
problmes, de problmes cherchant des choix, de solutions
cherchant des problmes auxquels rpondre, et de
dcideurs cherchant quelque chose dcider (1992 : 27). Bower
(1970) a montr galement que la
dcision dinvestissement des responsables de divisions tait
parfois intuitive et non base sur
une analyse formelle pralable. Une analyse formelle tait alors
effectue plus tard pour
soutenir la dcision qui avait t prise. Ce mode de dcision sans
rflexion pralable
identifiable est appel modle sporadique par Hickson et al.
(1986).
Une autre dimension de ce premier lien entre rflexion et dcision
mrite dtre discute : la
liaison tablie entre la rflexion et lobjet de la dcision. De
nombreuses dcisions peuvent
tre prises au regard de rflexions menes autour dautres sujets
que leur sujet principal.
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Liens prcursifs :
Une dcision propos dune question affecte les dcisions
futures sur dautres questions (par exemple dans ce cas, A change
la
direction de B)
Langley et al. (1995) proposent alors trois types de liens entre
dcisions qui illustrent cette
interrelation de dcisions supposes indpendantes :
Figure 2 : Types de liens entre dcisions (Langley et al.
1995)
La rflexion sur la stratgie nest donc pas ncessairement lie
directement et instantanment
une dcision. Une triple relation (prcursive, squentielle et
latrale) peut relier rflexion et
dcision.
Pour rsumer, le lien squentiel et strict entre rflexion et
dcision est discutable pour trois
raisons principales :
une rflexion stratgique, des ides stratgiques ne donnent pas
ncessairement lieu
dcision;
il est possible dobserver des dcisions sans rflexion pralable
identifiable ;
les dcisions sinfluencent entre elles et une rflexion ne peut
donc pas tre associe
strictement une et une seule dcision.
La seconde relation, entre dcision et action, a fait lobjet dune
littrature abondante qui en
critique les fondements.
Brunsson (1982, 1985), Starbuck (1985), Weick (1987) ou Laroche
(1995) ont mis en lumire
les incohrences de la squence dcision action. La thorie
comportementale de la firme de
Cyert & March a mis en avant le fait que la plupart des
choix ne procdent pas dun
comportement de prise de dcision dlibr, explicite et conscient.
Langley et al. considrent
Dim
ensi
on
str
atg
iqu
e
Dimension temporelle
Issue
stream 1
Decision A Decision A+
Decision B
Liens latraux :
Des dcisions
concourrantes sont lies
parce quelle partagent des ressources ou un contexte
commun
Liens squentiels :
Les dcisions sur la mme
question sont inter-relies
au fil du temps
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que la relation entre action et dcision peut tre beaucoup plus
tnue que la majeure partie de la littrature en
thorie des organisations ne le suggre (1995 : 266).
Un certain nombre de recherches ont montr que laction est
souvent dconnecte dune
dcision pralable (notamment Starbuck 1983) et quelle est ensuite
rationalise par la
rflexion et la dcision ex post (Starbuck 1985). Weick considre
ainsi que les organisations
formulent la stratgie aprs lavoir mise en uvre, pas avant. Ayant
mis en uvre quelque chose -nimporte
quoi- les gens peuvent avoir un regard dessus et conclure que ce
quils ont mis en oeuvre est la stratgie
(1979 : 188). Laroche estime que la prise de dcision est la
partie mergeante dun iceberg daction
irrflchie (1995 : 68). Il peut donc y avoir action sans dcision
pralable, comme lillustre
lexemple, rapport par Langley et al. (1995), du dveloppement
dune automobile pour
lequel aucune dcision formelle ne semblait avoir t prise.
Laction est alors le rsultat de
micro procdures organisationnelles qui, additionnes dans
lorganisation, crent ensemble du
sens.
La deuxime dimension de ce lien entre dcision et action est
lexistence stricte dune action
aprs une dcision. Si plusieurs auteurs ont montr quil y avait
souvent action sans dcision,
linverse est vrai galement. Il peut y avoir dcision sans action
subsquente. Cest
notamment le cas dans le cadre de ce que Brunsson (1989) appelle
lhypocrisie
organisationnelle : les dirigeants de lentreprise, confronts de
nombreuses contradictions,
placs au cur des relations dagence, organisent lhypocrisie en
prenant des dcisions qui
vont rassurer et satisfaire les diffrentes parties prenantes,
sans que laction organisationnelle
ne change.
Enfin, le lien entre dcision et action est encore affaibli dans
le cas de ce que Mintzberg &
Waters (1990) ont appel les stratgies mergentes . Dans ce cas,
il y a bien une dcision et
une action, amenant un rsultat, mais dautres dcisions
concommittentes, la modification des
conditions environnementales ou organisationnelles vont
profondment modifier le rsultat
attendu de laction initie par la dcision. Plus prcisment,
laction est transforme par ces
phnomnes mergents et ne correspond alors plus ce qui avait t
dcid pralablement.
Dans ce cas, le lien entre dcision et action nest pas
ncessairement bris, mais il est
transform.
Trois raisons principales affaiblissent donc le lien suppos
entre dcision et action :
il peut exister des actions sans dcision pralable ;
il peut exister des dcisions sans actions suivre ;
il arrive que les actions ralises ne soient pas conformes celles
qui avaient t dcides.
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1.1.2. Lapproche rcursive des liens entre rflexion, dcision et
action
Lapproche squentielle et rationnelle de la prise de dcision et
donc des liens entre rflexion,
dcision et action, a t remise en cause galement par la mise en
avant du caractre itratif
du processus stratgique. Les actions peuvent modifier lintention
stratgique de dpart, et
donc renvoyer la phase initiale de rflexion. Les liens entre les
trois phases peuvent alors
tre reprsents de la faon suivante :
Figure 3 : Lapproche rcursive des liens entre rflexion, dcision
et action
Cette perspective qui admet la grande difficult dfinir une
squence entre les trois concepts
a notamment t dveloppe sous langle de la stratgie ttonnante
(Avenier 1996, 1997) ou
de la stratgie empiriste (Bahrami & Evans 1989). Laction
nest plus une fin en soi, mais
enrichit la rflexion et la dcision : laction stratgique elle-mme
peut conduire les acteurs imaginer
dautres moyens pour mettre en uvre ces fins, ces autres moyens
suggrant leur tour dautres fins
(Avenier, 1996 : 8). Bahrami et Evans ont une approche plus
pragmatique encore lorsquils
postulent que les entreprises adoptent une dmarche empiriste
dlaboration de la stratgie en fusionnant
formulation et mise en uvre de la stratgie. Cette orientation
saccompagne la fois dintentions dlibres et
dactions mergentes. Elle permet lentreprise dlaborer une vision
stratgique large, de tester sa pertinence et
sa faisabilit dans lexprimentation, laction et lobservation,
ainsi que de bnficier dune certaine flexibilit
pour modifier les stratgies et les intentions lorsque de
nouveaux dveloppements surviennent (1989 : 108).
On retrouve ici un des courants de recherche majeurs du
management stratgique qui analyse
laction organisationnelle comme rsultant dune dmarche
incrmentale (Johnson 1988).
Rflexion, action et dcision sont des activits distinctes, mais
elles ne peuvent pas tre
considres comme suivant un ordre prtabli. Leurs liens sont
souvent rciproques (laction
rsultant dune dcision quelle va ensuite faire amender) et non
hirarchiss.
Plusieurs auteurs vont plus loin en remettant en cause la
distinction rflexion / action. Cette
perspective nous amne proposer que la rflexion stratgique doit
tre envisage de manire
intgrative, pour sinscrire notamment dans les volutions rcentes
du courant de recherche
Rflexion
Action Dcision
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sur les processus stratgiques (Paroutis & Pettigrew 1991,
Chakravarthy & White 2002,
Johnson et al. 2003).
1.2. VERS UNE LOGIQUE INTEGRATIVE DE LA NOTION DE REFLEXION
STRATEGIQUE
Weick (1983) propose que la pense construit laction car elle lui
est intimement lie. Plus
encore, il avance que la rflexion est une qualification dune
activit, pas une activit en elle-mme. Cest
un mode daction (1983 : 225). Selon Weick, il nest plus possible
de distinguer rflexion et
action. La rflexion qualifie lactivit, provoque lactivit et
intensifie lactivit (1983 : 222).
Il rejoint ici Quinn qui nonce que les processus utiliss pour
gnrer des stratgies majeures sont
typiquement fragments et volutionnaires avec un degr lev de
contenu intuitif. Bien que lon trouve
habituellement dans ces fragments des morceaux trs raffins
danalyse formelle, les stratgies globales tendent
merger comme des sries de dcisions internes conscientes qui
interagissent avec les vnements externes
changeants pour lentement faire voluer le consensus managrial
autour des lments qui feront sens pour le
futur (Quinn, 1982 : 613). Mangham &Pye (1991) parlent alors
de laction rflexive (acting
thinkingly) et de la rflexion tourne vers laction (thinking
actingly) et citent le philosophe
Pierce (1932) qui considre que la pense est en soi une action
.
Le dveloppement dune telle approche de la rflexion est
importante pour la construction de
la notion de rflexion stratgique. Elle permet denvisager la
rflexion stratgique comme un
processus global de formation et de dveloppement de la stratgie,
qui comporte des phases
danalyse, de dcision et daction qui interagissent. Nous
utilisons ici dessein le terme
analyse, en considrant que lutilisation du terme rflexion dans
les perspectives
processuelles de la dcision renvoie plutt lanalyse des
situations et des problmes qu la
rflexion. Si lanalyse peut tre considre comme la quintessence de
la rflexion, il faut
galement considrer que laction en elle-mme est une forme de
rflexion. Agir signifie
adapter, modeler, transformer des construits intellectuels
(dcisions) en rsultats
matriellement apprhendables, en fonction des conditions
rencontres lors de leur mise en
action. Ds lors, laction inclut la rflexion, elle est une forme
de rflexion. Il serait trs
rducteur de continuer penser que lentreprise qui met en uvre un
plan stratgique a
abandonn toute activit rflexive pour se consacrer une activit
purement concrte. Le
dploiement stratgique est une phase de rflexion, qui amne ou non
repenser les
fondements de laction telle quelle avait t envisage
initialement, qui ventuellement remet
en cause les dcisions.
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La rflexion stratgique peut donc tre dfinie comme incluant
analyse, dcision et action.
Cette approche de la rflexion stratgique permet galement
denvisager les trois niveaux de
problme stratgique conceptualiss par Martinet (1990, 1998) :
strategic problem solving,
strategic problem finding et strategic issue enacting.
Figure 4 : Les trois niveaux de problme stratgique (Martinet
1990, 1998)
En fonction du type de question stratgique pose lacteur
individuel ou lorganisation, la
rflexion stratgique aura pour dominante principale, la fois dans
ses phases danalyse, de
dcision et daction, lune ou lautre de ces trois dimensions. La
squence analyse-dcision-
action sera diffrente selon quil sagira de rsoudre un problme
identifi, didentifier un
problme stratgique ou de donner du sens une situation
complexe.
Les processus de type strategic problem solving mettent laccent
sur la dcision et laction
car lanalyse est dj largement constitue et les contours du
problme pos bien connus. Les
et mettre en scne les noncs (questions-rponses) dits
stratgiques
Le jeu consiste rendre la situation : - saisissable
cognitivement - viable cologiquement
- traitable politiquement
Strategic problem solving Strategic problem finding Strategic
issue enacting
Problme quasiment donn,
facilement nonable
Insatisfactions perues et symptmes divers pouvant
signifier diffrents problmes
Situation perue comme complexe et indicible, susceptible de
constituer diverses opportunits et
menaces
Le jeu consiste envisager les solutions possibles (par
rptition,
application, analogie,
imagination)
Le jeu consiste construire
diverses interprtations
Signes
Problmes Schmes
et juger le(s) problme(s)-
source(s) dterminant(s)
...et choisir une solution
satisfaisante, voire optimale
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processus strategic problem finding dveloppent davantage
lanalyse et la dcision puisquil
est indispensable didentifier la question stratgique, de la
caractriser et de
linstitutionnaliser dans lorganisation avant de pouvoir y
rpondre. Enfin, les processus
strategic issue enacting sont domins par lanalyse et laction
puisquils confrontent
lorganisation des problmatiques stratgiques complexes et
inter-relies pour lesquelles la
dcision nest quune tape formelle mais insuffisante (Laroche
1995).
La rflexion stratgique nest alors plus comprise comme une
activit lie exclusivement
lanalyse ou la dcision stratgique. Elle est construite et
utilise comme une activit de
raisonnement visant produire des effets stratgiques pour
lorganisation, sans
ncessairement distinguer des phases de manire formelle. La
rflexion est apprhende
comme tant constitue des trois principales dimensions
constitutives des processus
stratgiques : lanalyse, la dcision et laction (Martinet 1990,
Lacroux 1995, Whittington
2001) .
Figure 5 : La rflexion stratgique comme analyse, dcision et
action.
Si cette conception de la rflexion stratgique permet de la
positionner, en tant quobjet de
recherche, au regard dune problmatique majeure du champ de
recherche sur les processus
stratgiques, elle nest cependant pas suffisante pour inscrire de
manire durable la notion
dans les dbats actuels du management stratgique. Largement
dfinie en opposition aux
fondements et pratiques de la planification, la rflexion
stratgique doit galement tre
discute au regard de cet objet central de la discipline.
Rflexion stratgique
Analyse Dcision
Action
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2. REFLEXION, PLANIFICATION ET CREATIVITE.
La rflexion stratgique a t largement discute en opposition la
planification (Liedtka
1998, Heracleous 1998, Martinet 2001). Pour poursuivre le
dveloppement de ce concept, il
est indispensable aujourdhui de tenter une clarification des
liens entre rflexion et
planification. Cette tentative sera organise en deux temps. Nous
montrerons dabord en quoi
les deux notions ne peuvent pas tre compares stricto sensu, les
niveaux danalyse tant par
essence diffrents. Nous reviendrons ensuite sur une polmique
importante du management
stratgique qui sous-tend la plupart des conceptualisations
opposant planification et rflexion :
la question du degr de crativit ou non-crativit de la
planification et de la rflexion
stratgique.
2.1. REFLEXION ET PLANIFICATION STRATEGIQUE
La planification stratgique nest quun outil du management
stratgique, une mthode pour
formaliser lanalyse et les processus stratgiques. Nanmoins, cet
outil a acquis au fil des
annes un statut trs particulier dans les travaux de recherche,
comme en tmoigne par
exemple la fameuse controverse entre Ansoff et Mintzberg
(1991).
Il nest alors pas tonnant que beaucoup des nouveaux concepts du
management stratgiques
soient tests et apprhends au travers du prisme conceptuel que
constitue la planification,
berceau du management stratgique (Martinet 2001).
Mintzberg (1994) a longuement dtaill les raisons de linefficacit
de la planification
stratgique. Il oppose alors planification et rflexion
stratgique. La planification stratgique
est dfinie comme un processus analytique visant programmer des
stratgies dj
identifies, et dont le rsultat est un plan. La rflexion
stratgique, linverse, est un
processus synthtique, utilisant lintuition et la crativit, dont
le rsultat est une perspective
intgre de lentreprise.
Mintzberg considre que la rflexion stratgique nest pas seulement
une nouvelle faon de
caractriser le processus stratgique, mais que cest au contraire
un type particulier de
rflexion, ayant des caractristiques spcifiques. Planification et
rflexion stratgique
correspondent alors deux types de processus de formation de la
stratgie, la planification
pouvant mme tre dangereuse pour la rflexion : la planification
conventionnelle a tendance tre
un processus conservateur qui parfois encourage des
comportements qui sapent la pense et lactivit
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stratgiques. Elle peut tre inflexible, encourager la rsistance
aux changements stratgiques majeurs, et
dcourager les ides rellement nouvelles en faveur dextrapolations
du statu quo ou dadaptations marginales
(Mintzberg 1994 : 167).
Mintzberg ne propose malheureusement pas de dfinition de la
rflexion stratgique, se
contentant de considrer que cest un mode de rflexion aux
caractristiques particulires,
plus proches des aspects synthtiques et intuitifs attribus au
limbique droit du cerveau
humain : je suggre une diffrence fondamentale entre la
planification formelle et le management (informel),
une diffrence semblable celle entre les deux hmisphres [] la
planification formelle semble utiliser des
processus similaires ceux utiliss dans lhmisphre gauche, [alors
que] les processus les plus importants du
management se basent sur les facults de lhmisphre droit
(Mintzberg, 1976 : 53).
Hamel et Prahalad (1994) dcrivent la planification stratgique
comme une activit
bureaucratique de remplissage de dossiers (form filling) alors
quils apprhendent la
rflexion stratgique en utilisant des termes tels que crativit ou
exploration. Il y a
galement pour Goshal et Bartlett (1998) opposition entre
planification et rflexion, la
premire devant peu ou prou laisser la place la seconde : lge de
la planification stratgique cde
rapidement la place celui de lentreprise apprenante, base sur la
mobilisation de la rflexion stratgique
(1998 : 45). Lopposition introduite par March (1991) entre les
activits dexploitation et
dexploration, partiellement assimilable la distinction entre les
concepts de simple et double
boucle de Argyris (1977, 1992), est prsente galement dans la
conceptualisation de la
rflexion stratgique faite par Heracleous (1998). La
planification stratgique est ici dcrite
comme un apprentissage en simple boucle, alors que la rflexion
stratgique est un
apprentissage en double boucle. : le mode de formation de la
stratgie qui peut tre associ avec la r-
invention du futur, la cration de nouveaux espaces
concurrentiels [] est la rflexion stratgique. La rflexion
stratgique remet en question les paramtres stratgiques eux-mmes,
et est donc assimilable lapprentissage en
double boucle. (Heracleous, 1998 : 484).
Liedtka (1998b) propose peu prs le mme type dapproche en
questionnant les hypothses
sous-tendant rflexion et planification stratgique.
Elle identifie quatre diffrences dans les principes sur lesquels
sont selon elle bass les deux
concepts.
En premier lieu, la planification stratgique considre le futur
comme tant prvisible et stable,
spcifiable en dtail, ce qui permet de sparer nettement les rles
de formulation et de mise en uvre
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(1998b : 32). La rflexion stratgique en revanche prsume dun
futur dont seule la forme peut tre
prvue, et dans lequel lintelligence locale est essentielle
(Ibid).
Le deuxime aspect qui diffrencie planification et rflexion est
le rle attendu des managers
oprationnels non dcideurs : la planification traditionnelle
considre que le manager en dessous a
seulement besoin de bien connatre son rle []Par contraste, la
perspective de la rflexion stratgique ncessite
que les managers aillent au-del de cette comprhension limite de
leurs propres rles vers une comprhension
plus large du systme, la connexion entre leurs rles et le
fonctionnement de ce systme, et linterdpendance
entre les diffrents rles compris dans le systme. (Liedtka, 1998b
: 32-33).
Selon Liedtka, la planification est base sur le contrle et les
systmes de mesure, les
processus de planification se focalisent sur la cration du plan
comme objectif ultime (1998b : 33), tandis
que la rflexion stratgique repose sur un paradigme stratgique se
construisant au fil du
temps.
Enfin, la dernire diffrence entre planification et rflexion
repose sur lobjectif : la
planification cherche lefficience, la rflexion stratgique
cherche la pertinence.
Liedtka synthtise sa pense en avanant que rflexion et
planification, bien que
fondamentalement diffrents, ne sont pas ncessairement
antinomiques. Comme Heracleous
(1998b), elle propose un rapport complmentaire entre les deux,
la rflexion stratgique tant
associe la rupture de lalignement entre prsent et futur, tandis
que la planification cre et
renforce cet alignement :
Figure 6 : La formation de la stratgie entre rflexion et
planification stratgique (Liedtka 1998b)
Planification stratgique
Crer lalignement
Ralit
actuelle
Futur
dsir
Rflexion stratgique
Rompre lalignement
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Pour rsumer les diffrentes approches comparant planification
stratgique et rflexion
stratgique, nous pouvons considrer que ce sont deux modes
diffrents dlaboration de la
stratgie, qui se distinguent sur les points suivants :
la planification est centralise et formalise / la rflexion est
dcentralise et opportuniste,
donc plus informelle
la planification est analytique et normative / la rflexion est
intuitive et cratrice
la planification est un frein au changement / la rflexion est
propice au changement
la planification cre de la frustration au sein de lorganisation
/ la rflexion soulve
lenthousiasme en laissant des espaces dexpression et de libert
aux oprationnels
Ces perspectives sont rductrices et deux points mritent ici dtre
discuts : la dimension
caricaturale de la peinture de la planification propose et la
confusion des niveaux
danalyse.
Il faut en effet nuancer la vision extrmiste que ces diffrents
auteurs entretiennent propos
de la planification stratgique. A ce propos la typologie des
diffrents modes de planification
stratgique propose par Chakravarthy (1987) peut tre mobilise
:
CARACTERISTIQUES Planification
centralise
Planification
dcentralise
Planification de
portefeuille
Planification
double accent
1- Sens de la fixation des
objectifs Top-down Bottom-up
Mode mixte, inclinant
vers top-down
Mode mixte, inclinant
vers bottom-up
2- Lien entre plans et
budgets Trs troit Trs lche
Lche pour certaines
divisions, troit pour
dautres
Simultanment troit et
lche pour toutes les
divisions
3- Rle du planificateur
dans la formulation de la
stratgie
Stratge Catalyste Mixte Catalyste
4- Frquence de suivi des
plans stratgiques
Trs frquent (une fois
par mois)
Frquent (une fois par
trimestre)
Trs frquent pour
certains et rare pour
dautres
Peu frquent pour tous
(une fois par an)
5- Nature du contrle Strict respect du budget Strict respect du
budget
Objectifs de profit et de
croissance, selon les
divisions (sur-mesure)
Objectifs de profit et de
croissance, pour toutes
les divisions
6- Critres
de rcompense Standards universels Standards universels
Sur-mesure Sur-mesure
Tableau 1 : Les types de planification stratgique selon
Chakravarthy (1987)
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Lanalyse des modes de planification opre par Chakravarthy laisse
apparatre quatre types
diffrents de planification. La planification stratgique telle
quelle est envisage et brocarde
par les auteurs cits prcdemment correspond au type 1, voire au
type 3. Il existe donc
dautres modes de planification qui sont moins centraliss, et/ou
qui ne sont pas bass sur une
batterie dindicateurs prformats.
Le deuxime lment qui tempre trs largement lopposition entre
rflexion et planification
tient aux niveaux danalyse et au rle que lon assigne la
planification stratgique.
Quelques auteurs (De Geus 1994, Senge 1991, Nadler 1994)
considrent quun des aspects les
plus importants de la planification stratgique nest pas le plan
en lui-mme, mais la faon
dont il peut changer les modles mentaux des managers impliqus
dans le processus. La
planification doit tre perue comme un outil de la rflexion
stratgique, et pas comme un
mode diffrent de formation de la stratgie.
Martinet et al. (1995) proposent une analyse des axes de
contribution des processus de
planification aux dynamiques de changement. La planification
stratgique y est prsente
comme permettant, entre autres, lapprentissage du raisonnement
stratgique. Cette
dimension, qui rejoint celle mise en lumire par De Geus (1994)
par exemple, est
fondamentale : la planification stratgique, par son caractre
systmatique et formalis,
dveloppe la conscience stratgique et lalphabtisme stratgique3
des acteurs qui participent
au processus. En ce sens, la planification stratgique est un
outil pertinent pour faciliter le
passage de la rflexion stratgique individuelle la rflexion
stratgique organisationnelle,
comme le soulignent Martinet et al. en mobilisant les travaux de
Daft & Weick (1984) : le
recueil de donnes nouvelles conduit lapprentissage via les
processus dinterprtation qui interviennent surtout
au niveau conceptuel (1995 : 49).
Loin denterrer la planification stratgique, les auteurs
considrent quelle pourrait redevenir
un concept prsentable en management stratgique : nous serions
prts parier sur la renaissance de
la planification stratgique comme outil, parmi dautres, de
management stratgique et plus gnralement
comme vecteur de changement radical dans les grandes
organisations. La planification stratgique nous semble
en effet utile pour articuler le vieux problme de la stratgie et
ceux, plus la mode, de la vision et de
lapprentissage. (Martinet et al., 1995 : 52)
3 La notion dalphabtisme stratgique des acteurs renvoie leur
capacit participer la formulation de la
stratgie. Elle peut tre apprhende comme tant compose de deux
dimensions : la capacit lire et la capacit
crire la stratgie.
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Plus rcemment, Martinet a approfondi cette rflexion, en
sintressant cette fois-ci
explicitement aux liens entre rflexion stratgique et
planification stratgique : la plupart des
thories des organisations, les travaux sur la faon dont
travaillent les dirigeants, lobservation du
fonctionnement quotidien des entreprises convergent sur deux
points essentiels : les tches oprationnelles
repoussent en permanence la rflexion stratgique et une certaine
urgence semble ncessaire la dcision. La
procdure de planification joue cet gard un rle relativement
irremplaable. En instituant des espace-
temps , un calendrier et des chances prcis, des preuves
auxquelles doivent se soumettre diffrents niveaux
hirarchiques -prsenter et dfendre le plan pour le niveau n-1, le
comprendre et le discuter pour le niveau n-, la
procdure peut stimuler incontestablement la rflexion stratgique.
La recherche et le traitement des donnes,
lanalyse de lenvironnement, leffort dexplicitation et
dargumentation des diagnostics stratgiques, la
crativit requise pour concevoir des stratgies peuvent tre
singulirement activs par une procdure conue
dans cette vise (Martinet, 2001 : 188).
Il nest donc pas pertinent de confronter directement rflexion et
planification, comme le font
par exemple Liedtka (1998b), Heracleous (1998) ou Mintzberg
(1994). La planification
stratgique est un outil de la rflexion stratgique et les niveaux
danalyse sont diffrents. De
faon un peu caricaturale, nous pouvons ajouter que comparer
rflexion et planification
reviendrait peu ou prou comparer la dcision dinvestissement avec
un calcul de valeur
actuelle nette. Il ne faut pas assimiler fins et moyens. La
rflexion stratgique est une fin dans
la mesure o elle a pour ambition de dvelopper des
positionnements stratgiques. La
planification est un moyen pour gnrer cette rflexion, par la
formalisation et la construction
de sens partir de donnes environnementales, concurrentielles et
organisationnelles
complexes. Le principe de procduralit propos par Lacroux (1995)
pour construire le
concept de stratgie procdurale repose sur une vision semblable
de la planification : le but
est le chemin .
Langley synthtise cette approche en considrant que les systmes
doivent servir comme une
discipline dans le cadre de laquelle doit seffectuer le travail
(1988 : 47). Il faut alors considrer la
planification stratgique seulement comme un support majeur de la
rflexion stratgique
(Martinet, 2001 : 187).
La rflexion stratgique nest pas antagoniste la planification
stratgique. Au contraire, elle
sen nourrit, la planification tant un outil danalyse qui permet
de formaliser les
raisonnements et de dvelopper un langage commun tous les acteurs
de lorganisation.
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2.2. REFLEXION ET CREATIVITE
Le dernier point qui semble devoir tre discut au regard des
conceptualisations de la
rflexion stratgique (Nasi 1991, Zabriskie & Huellmantel
1991, Calori et al. 1997, Liedtka
1998, Heracleous 1998, Grundy & Wesley 1999) concerne le
caractre intuitif et cratif de la
rflexion stratgique.
Mintzberg (1994), Liedtka (1998a et b) ou Heracleous (1998)
considrent que la rflexion
stratgique est par essence crative par opposition une
planification norme et normalisante,
comme le souligne Nadler : dans la plupart des organisations, il
y a trop de planification stratgique et
pas assez de rflexion stratgique. Trop de temps est dpens en
analyses qui influencent finalement trs peu les
comportements, et trop peu de temps est pass sur le processus
cratif de rflexion propos de la formation, de
la mise en uvre et de lapprentissage de la stratgie (1994 :
31).
La question de la crativit dans la prise de dcision est un thme
important du management
stratgique. Rarement conceptualis tel quel, il est souvent
prsent au travers danalyses du
rle de lintuition dans la stratgie (Agor 1989, Lebraty 1996), ou
de la distinction entre
stratgies dlibres et mergentes (Mintzberg & Waters 1985). La
logique qui prvaut dans
ces distinctions relve globalement de celle identifie par March
qui distingue les activits
dexploitation de vieilles certitudes et les activits
dexploration de nouvelles possibilits (1991 : 71) ou
des travaux de Alexander (1979) sur la gnration dalternatives
stratgiques opposant la
dcouverte de solutions existantes et la cration de solutions
nouvelles.
Les travaux mens par Amabile (1988) et surtout Ford & Gioia
(1995, 2000) sur la crativit
dans les processus de dcision et daction organisationnelle
discutent la nature de la crativit
en matire stratgique. Ford & Gioia dfinissent une dcision
crative comme tant
dtermine par deux dimensions : sa nouveaut et sa valeur : la
crativit est dfinie ici comme un
jugement subjectif, spcifique un domaine, de la nouveaut et de
la valeur dun rsultat ou produit dune action
particulire (Ford & Gioia, 2000 : 708). En dautres termes,
une dcision est crative
lorsquelle prsente une rupture avec le paradigme stratgique
dominant (Johnson 1988), mais
galement si elle est valorisable pour lorganisation.
Ces auteurs, opposant planification et rflexion stratgique,
plaident pour le dveloppement
dune rflexion stratgique crative et intuitive qui remplacerait
la planification analytique et
normative. La rflexion stratgique serait un apprentissage en
double boucle, cest--dire
capable de questionner les principes et hypothses sous-tendant
la rflexion, alors que la
planification serait un apprentissage en simple boucle,
cest--dire ne remettant pas en cause
les bases sur lesquelles elle se construit (Heracleous
1998).
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Cette opposition est trs rductrice pour deux raisons principales
:
En premier lieu, rflexion et planification ne peuvent pas tre
opposes, les niveaux danalyse
tant diffrents. La rflexion stratgique peut prendre des formes
trs diffrentes selon les
acteurs impliqus, le contexte organisationnel et environnemental
et les outils utiliss. Ainsi,
le processus de planification stratgique, comme les processus
stratgiques autonomes
(Burgelman 1983a) ou le dveloppement de la stratgie ttonnante
(Avenier 1996, 1997)
relvent de la notion de rflexion stratgique. Ds lors, la
rflexion stratgique peut inclure
des analyses normes et formalises de type planification.
En second lieu, beaucoup dauteurs (Burgelman 1983a, March 1991,
Simon 1991) ont montr
quexploration et exploitation sont deux lments indispensables la
conduite stratgique
dune organisation. Il est vain de vouloir privilgier lune ou
lautre des approches, cest la
combinaison des deux modes de formation de la stratgie qui
permet lentreprise de
dvelopper et prenniser des positions concurrentielles uniques.
Il faut viter ce que Damasio
(1994) appelle lerreur de Descartes : considrer que rflexion et
sentiments, rationalit et
motion sont spars. Dailleurs, doit-on considrer, sur les traces
de Mintzberg (1994) ou
Liedtka (1998a) que la rflexion stratgique est ncessairement
crative ? Que penser alors
des trs nombreuses dcisions visant dvelopper lefficience et la
rentabilit des entreprises
en rationalisant la production ? Sont-elles exclues des
processus de rflexion stratgique ?
La rflexion stratgique nest pas uniquement crative. Elle peut
tre analytique et
synthtique, utiliser des outils de planification. Elle peut donc
avoir pour rsultat des
stratgies mergentes comme des stratgies dlibres, notamment en
fonction des acteurs qui
la dveloppent.
Liedtka (1998a) considre que la rflexion stratgique est une
notion importante mais trop peu
dveloppe et insuffisamment conceptualise.
Les dveloppements prcdents avaient pour objectif de mettre en
lumire et discuter les
principales problmatiques associes ce concept. Les arguments
proposs nous semblent de
nature permettre une bauche de conceptualisation de la rflexion
stratgique.
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3. LA NOTION DE REFLEXION STRATEGIQUE : VERS UNE MEILLEURE
COMPREHENSION DE LA FORMATION DE LA STRATEGIE ?
Les volutions rcentes des connaissances et conceptualisations
des processus stratgiques ont
t marques par lmergence dun nouveau courant de recherche, baptis
alternativement
strategy as practice , strategizing , pratique de la stratgie
(Whittington 1996, 2002 ;
Johnson et al. 2003, Torset 2003). Lambition de cette
perspective thorique est une
focalisation sur les processus et pratiques dtaills qui
constituent les activits quotidiennes
de la vie organisationnelle et qui sont relatifs aux rsultats
stratgiques (Johnson et al.,
2003 : 3). Cette dmarche acadmique propose notamment de
reconsidrer les objets et les
mthodes de recherche sur les processus stratgiques, de manire
rpondre aux limites des
recherches processuelles antrieures. La notion de rflexion
stratgique sinscrit dans cette
perspective (Torset 2001), en tant quobjet et en tant quoutil de
recherche.
3.1. LA REFLEXION STRATEGIQUE, OBJET DE RECHERCHE
La rflexion stratgique peut tre dfinie comme lactivit visant
gnrer des ides
stratgiques.
Cette acception renvoie limportante et riche littrature de
recherche sur la dcision et sur
les processus stratgiques.
Les trois limites gnralement attribues cette littrature sont
:
la focalisation sur le concept de dcision, les dcisions tant
perues comme des
vnements discrets, matrialiss par un moment et un lieu. Cette
focalisation entrane
notamment une distinction entre dcision et action, entre
formulation et mise en uvre.
Le caractre programmatique des analyses, qui ordonnent de faon
squentielle des
processus sociaux complexes et concourent donc une vision
simpliste de la formation de
la stratgie.
Lassimilation -explicite ou implicite- de la formation de la
stratgie un groupe de
dcideurs, sans prise en compte des multiples acteurs
organisationnels non dcideurs qui
participent pourtant au dveloppement de la stratgie.
Le concept de rflexion stratgique est susceptible de constituer
un angle dattaque pertinents
pour comprendre et modliser la complexit des processus
stratgiques, pour deux principales
raisons : elle permet denvisager, au moins partiellement, la
rconciliation entre processus et
contenu et le rapprochement des niveaux danalyse.
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La rconciliation du contenu et du processus
Un lment distinctif fondamental entre rflexion et processus
stratgique est relatif la
dichotomie frquente entre processus et contenu. Parler de
processus stratgique, cest
effectivement se couper de lobjet du processus. Chakravarthy
& White (2002) considrent
dailleurs que le champ de recherche sur les processus sest
largement constitu en opposition
aux travaux mens sur le contenu des stratgies (notamment lcole
du positionnement telle
que lont dcrite Mintzberg et al., 1998). Les logiques
processuelles, dans leur souci de
comprhension plus que description (Pettigrew, 1992), ont
plbiscit les dmarches isolant le
mode de formation des stratgies et leur produit. La dmarche est
analyse, on en spcifie
parfois le but, mais il nest que rarement pris en compte.
Johnson et al. (2003) considrent que
la perspective de la pratique stratgique doit satteler
rconcilier les deux approches.
La rflexion stratgique, contrairement aux notions de dcision ou
de processus, semble un
concept prometteur pour relever ce dfi.
Utiliser le concept de rflexion stratgique amne en effet poser
deux questions : 1) quoi
rflchit-on ? et 2) comment y rflchit-on ?
Contenu et processus peuvent alors tre rapprochs et des analyses
croises sont
envisageables, telles celles dveloppes part Miles & Snow
(1978) ou Papadakis et al. (1998).
Parce quelle renvoie la fois lobjet de la rflexion mais galement
au processus mis en
uvre, la notion de rflexion stratgique peut faciliter les
analyses croises contenu-
processus, les deux tant associs dans un mme cadre
conceptuel.
Le rapprochement des niveaux danalyse
En premier lieu, les travaux prsents prcdemment lont montr, la
rflexion stratgique
peut tre apprhende sous langle individuel comme sous langle
organisationnel. Un
individu peut rflchir stratgiquement, sans ncessairement que
cette rflexion devienne
organisationnelle (voir la notion de maturation stratgique de
Romelaer 1998). Ds lors, la
rflexion stratgique sera davantage apprhende sous langle de
lanalyse, du contenu de la
stratgie. Elle ne donnera pas forcment lieu dcision ou action,
mais la production
intellectuelle constitue par une ide ou une proposition
stratgique relve bien de la rflexion
stratgique. La mme remarque peut tre faite pour les actions
individuelles ou locales dans
lorganisation. Comme lont montr plusieurs recherches (dont les
travaux de Bower 1970 et
Burgelman 1983a, 1998 et 1991), des individus plus ou moins
isols dans lorganisation
peuvent dclencher une action potentiellement stratgique pour
lorganisation. Tant quelle
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nest pas approprie, retenue par lorganisation, cette action
individuelle ou locale ne peut pas
tre considre comme tant organisationnelle. Or la perspective des
processus stratgiques
prouve des difficults prendre en compte ces niveaux individuels
dans son analyse de la
formation de la stratgie (Chakravarthy & White 2002). La
notion de rflexion stratgique
permet, en tant envisageable sous langle individuel comme sous
langle organisationnel, de
dvelopper une analyse plus fluide des liens entre activits
individuelles et collectives dans la
formation de la stratgie. Nous avons propos une
conceptualisation de la rflexion
stratgique partir des contextes dans lesquels elle se construit
(Torset 2002). La rflexion
stratgique est apprhende au niveau organisationnel et se
construit partir des rflexions
individuelles au travers de trois dimensions contextuelles : les
contextes individuel,
stratgique et organisationnel. Cette perspective permet dancrer
la rflexion stratgique dans
les pratiques organisationnelles, en prenant en considration non
seulement les dimensions
collectives des processus, mais galement les dimensions
cognitives individuelles et les
contextes dans lesquels elles se forment et sinfluencent
mutuellement. Ce rapprochement des
niveaux danalyse nest pas facilement envisageable lorsque lobjet
de recherche est constitu
uniquement des dcisions menant une position stratgique, ni mme
des processus
organisationnels menant ladoption dun choix stratgique. En cela,
le concept de rflexion
stratgique est susceptible de permettre une volution des
pratiques de recherche vers une
meilleure comprhension et une plus grande contextualisation des
modes de formation de la
stratgie, appeles de leurs vux par de nombreux auteurs
(Pettigrew 1992, Chakravarthy &
White 2002, Jarzabkowski 2003).
En tant quobjet de recherche, le concept de rflexion stratgique
peut tre dfini de la
manire suivante.
La rflexion stratgique consiste gnrer des ides stratgiques. Cest
une activit de
cration de sens stratgique partir de lanalyse des ressources et
de lenvironnement. Cette
cration de sens stratgique se nourrit des analyses, des dcisions
et de laction. Intgrant les
outils danalyse et de planification, la rflexion stratgique
existe aux niveaux individuel et
organisationnel. Au niveau de lorganisation, elle peut prendre
de multiples formes,
correspondant aux diffrents types de processus stratgiques
identifis par la littrature.
La rflexion stratgique peut galement tre apprhende comme outil
de recherche,
notamment parce quelle favorise la prise en compte dindividus et
processus habituellement
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invisibles dans ltude du dveloppement des stratgies et parce
quelle permet de capter une
partie plus importante des phnomnes organisationnels
informels.
3.2. LA REFLEXION STRATEGIQUE, OUTIL DE RECHERCHE
Comme le soulignent Balogun et al. (2003), le dveloppement dune
nouvelle perspective
thorique sur la formation de la stratgie ncessite de disposer de
nouveaux concepts, outils et
dmarches permettant de comprendre comment les stratgies sont
dveloppes, au travers du
prisme des pratiques et micro-activits individuelles et
organisationnelles.
Le concept de rflexion stratgique peut tre tudi comme un objet
de recherche, mais il peut
galement tre apprhend comme outil de recherche pour rpondre ces
exigences
nouvelles. La perspective du strategizing ncessite de prendre en
considration les
multiples acteurs ayant contribu sous une forme ou une autre
llaboration des stratgies
(Whittington 1996). Pour cela, le concept de rflexion stratgique
favorise dune part la
visibilit pour le chercheur de la partie immerge de liceberg de
la formation de la stratgie
et dautre part une meilleure prise en compte des aspects
informels des processus stratgiques
tudis.
La prise en compte de la partie immerge de liceberg de la
formation de la stratgie
La notion de rflexion stratgique se diffrencie notamment des
processus stratgiques par
son caractre non squentiel et non ncessairement formalis.
Lanalyse des processus
stratgiques est opre le plus souvent en identifiant diffrentes
phases constitutives de la
dmarche stratgique. Hormis le modle du Garbage can, la plupart
des conceptualisations
rencontrent des difficults formaliser les innombrables
interactions entre analyse, dcision et
action, et entre diffrentes questions stratgiques. La nature
itrative du processus stratgique
est totalement admise, mais elle est souvent difficile
reprsenter et lanalyse des processus
comporte alors une part importante de simplification qui ne
permet pas de prendre en
considration la grande complexit de la dmarche. La notion de
rflexion stratgique permet
de prendre en compte les aspects informels de la formation de la
stratgie et donc de
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conceptualiser les phases prcdant et suivant la dcision, ainsi
que les contributions des
diffrents acteurs.
Si lon analyse une dcision dinvestissement stratgique dans une
entreprise de taille
moyenne, la modlisation du processus arrivera trs rapidement une
reprsentation du
processus formel ayant amen les dirigeants privilgier lune ou
lautre solution. Sous
langle de la rflexion stratgique, la mme dmarche pourra tre
envisage diffremment. En
privilgiant les questions comment avez-vous rflchi cette
question stratgique ? Qui a
particip ? au dtriment de la question comment avez-vous dcid de
raliser cet
investissement ?, le chercheur aura davantage la possibilit
dinclure dans son analyse tous
les lments informels du processus, tels que les discussions avec
les responsables de
production ou avec les dlgus commerciaux, qui ne sont que
rarement identifies comme
ayant particip au processus dinvestissement.
La perspective intgre des processus stratgiques
Le concept de rflexion stratgique permet de dvelopper une
perspective intgre des
processus de formation de la stratgie en intgrant dans une mme
dmarche de recherche
ltude des pratiques individuelles et collectives, des processus
cognitifs et organisationnels et
de leurs contextes.
La littrature sur les processus stratgiques souffre notamment
dtre base sur lopposition
entre une activit individuelle danalyse stratgique et le
caractre organisationnel de la
rflexion stratgique entendue au sens de processus. La difficult
analyser sur le mme plan
les phnomnes cognitifs individuels et les processus
organisationnels de dcision fragmente
largement cette littrature (Chakravarthy & White 2002). La
rflexion stratgique est la fois
un processus cognitif individuel danalyse des possibles et un
processus cognitif
organisationnel qui, par la confrontation des analyses
individuelles, construit un projet
stratgique pour lentreprise.
Les modles de Liedtka (1998a), de Martinet (1993) ou les
dveloppements proposs par
Martinet et al. (1995) sur les contributions de la planification
la rflexion stratgique
suggrent une caractristique importante de la rflexion
stratgique. La rflexion stratgique
est une activit de sense-making (Weick 1995), cest--dire de
construction de sens partir
des informations dont lacteur dispose propos de lenvironnement
et de son organisation.
Cest la confrontation de ces donnes et de son propre schma
cognitif qui structure sa vision
des possibles et donc les ides stratgiques dveloppes par un
acteur individuel.
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La cration de sens peut avoir lieu au niveau de lindividu comme
au niveau de lorganisation,
lorsque plusieurs acteurs apportent leur interprtation des
volutions environnementales qui,
confrontes les unes aux autres, crent du sens stratgique,
cest--dire font merger une ide
daction stratgique que les individus navaient pas dveloppe de
faon isole.
Lutilisation, dans le design de la recherche et dans le recueil
des donnes, du concept de
rflexion stratgique permet de construire un protocole intgrant
ds le dpart les dimensions
individuelles et collectives, cognitives et processuelles. Pour
cela, la rflexion stratgique doit
tre galement apprhende comme intgrant les diffrentes phases des
processus tudis et
les pratiques formelles comme la planification.
La rflexion stratgique se base sur les analyses, se nourrit et
se formalise avec les dcisions
et senrichit ou se renouvelle par laction. Elle offre alors un
cadre danalyse homogne de
formation de la stratgie, depuis les premires ides stratgiques,
jusquau rsultat de laction.
En tant quoutil de recherche, le concept de rflexion stratgique
oblige alors le chercheur
ne pas limiter le recueil des donnes aux seuls moments formels
des processus, mais
sintresser au contraire lensemble des lments ayant contribu au
dveloppement des
choix stratgiques et leur mise en uvre. Cette perspective intgre
permet de rpondre
plusieurs des exigences mthodologiques souleves par Pettigrew
(1992) ou Chakravarthy &
White (2002) pour saisir lessence des processus complexes.
Lanalyse de la rflexion
stratgique ncessite donc des mthodes de recherche relativement
lourdes pour le chercheur
(observation participante, tudes de cas, entretiens
semi-directifs approfondis, etc.), mais elle
permet denvisager les processus tudis dans toute leur complexit,
selon leurs contextes et
en y intgrant tous les acteurs qui y ont contribu. Cest en ce
sens que la rflexion stratgique
peut tre un outil pertinent de la recherche sur les processus
stratgiques, notamment dans une
perspective strategizing ou activity-based view .
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Conclusion
Les nombreuses mta-analyses de la littrature de recherche sur
les processus de formation de
la stratgie mettent en lumire les difficults rencontrs par
celle-ci, conceptuelles ou
mthodologiques (analyses infodes aux processus formels,
sur-reprsentation des
dirigeants, difficults prendre en compte laction
stratgique).
Lusage de plus en plus rpandu de la notion de rflexion
stratgique amne se poser la
question de son contenu et de son intrt. Lanalyse de la notion
au regard des principales
problmatiques issues de la littrature montre que la rflexion
stratgique doit tre envisage
comme lactivit qui consiste gnrer des ides stratgiques, en
faisant interagir la fois
lanalyse cognitive proprement dite, les processus de dcision et
laction stratgique. La
rflexion stratgique peut alors tre individuelle ou collective,
organise ou mergente. Elle
inclut la planification comme laction, peut tre de nature
exploratoire ou favoriser
lexploitation dorientations existantes.
La notion de rflexion stratgique peut tre utile au champ de
recherche sur la formation de la
stratgie. Elle permet en effet aux chercheurs dapprhender le
recueil et lanalyse des
donnes sans risque de fragmentation du fait dune focalisation
sur la dcision ou les
dirigeants. Approcher les mcanismes de dveloppement stratgique
sous langle de la
rflexion permet de ne pas choisir entre les niveaux individuel
ou organisationnel, mais
autorise galement une conceptualisation du processus prenant en
considration les acteurs
qui napparaissent habituellement pas dans les processus de
dcision auxquels ils ne sont pas
associs. Ainsi, apprhender la formation de la stratgie comme un
phnomne de rflexion
favorise la prise en compte des multiples niveaux
organisationnels participant au processus.
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