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Inventaire algologique tourbière de Mathon Étude no 8545 – Décembre 2013
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La réserve naturelle de Mathon s’intègre dans un vaste ensemble écologique de la région de Lessay et constitue un des éléments naturels majeurs du site Natura 2000 "Havre de St-Germain-sur-Ay - Landes de Lessay". Sa flore est étudiée depuis très longtemps et l’inventaire algologique réalisé par AQUASCOP en 2013, s’inscrit dans ce cadre. Le présent rapport élabore un inventaire du phytoplancton (algues microscopiques en suspension dans l’eau) de la réserve naturelle à partir d’un échantillonnage représentatif des différents habitats rencontrés, soit 10 points de prélèvements. Les différents sites de prélèvements ont été sélectionnés par le CPIE (Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement) du Cotentin (Manche), il s’agit : d’une zone de tourbière, de fossés, de mares ou de dépressions tourbeuses.
1. METHODOLOGIE
Les prélèvements ont tous été réalisés le 3 septembre 2013, par le personnel du CPIE. Notons que les dépressions tourbeuses, en eau une grande partie de l’année, étaient à sec en août-septembre. Le prélèvement effectué dans ces conditions n’est donc peut-être pas le plus représentatif du peuplement algal habituellement présent dans ces milieux. De l’eau brute a été prélevée à chaque site dans des flacons de 500 ml en plastique brun. L’ajout d’une dose de 5 ml de lugol permet de fixer le matériel. À leur réception au laboratoire d’Aquascop, les prélèvements ont été stockés au frais (4-5°C) dans l’attente de leur observation. Les analyses algales ont été réalisées par Aquascop, selon la norme NF EN 15204 qui préconise un dénombrement du phytoplancton par microscopie inversée. Cette méthode permet une analyse quantitative des algues et d’exprimer les résultats à la fois en nombre d’individus par millilitre, en nombre de cellules par millilitre ou encore en biovolumes. Les résultats obtenus selon les deux premiers modes d’expression sont donnés en annexe de ce rapport, ainsi que les pourcentages relatifs des individus. L’identification des taxons est la plus précise possible, à l’espèce ou à minima au genre, dans la mesure où l’état d’observation des organismes le permet. Lorsque les diatomées sont dominantes dans le peuplement, une préparation spécifique est effectuée (traitement à l’eau oxygénée à chaud, puis montage dans une résine) afin de les déterminer plus précisément.
2. RESULTATS
2.1. ANALYSES QUANTITATIVES ET COMPOSITION DU PEUPLEMENT
Le phytoplancton pouvant être sous forme d’algues unicellulaire ou pluricellulaire (colonies, filaments), les résultats des analyses quantitatives sont exprimés aussi bien en nombre d’individus par millilitre qu’en cellules par millilitre1.
1 la biomasse algale sera parfois donnée à titre indicatif dans le texte.
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Les densités sont très variables. En effet, les sites 2, 3, 7 et 9 présentent des densités très faibles tandis que les sites 1, 4 et 6 ont une densité moyenne et enfin les sites 5 et 8 ont les plus fortes valeurs. Cette différence est encore plus importante du point de vue des densités cellulaires ; les résultats varient de moins de 300 cell./ml au site 2 qui est très peu productif, jusqu’à des valeurs importantes de près de 43 000 cell./ml au site 5 qui se distingue par une biomasse importante. La carte ci-après (carte 1) présente les densités algales (en nombre d’ind./ml) par site dans la réserve naturelle de la tourbière de Mathon. Il n’apparait pas de réelle logique dans la répartition des densités algales entre les sites. En effet, certains points de prélèvements présentent une densité très faible (ex : site 4) à côté d’une autre station présentant une concentration beaucoup plus élevée (ex : site 5). Malgré leur proximité (distance de 10 à 50 m en moyenne, sauf pour les sites 1 et 2 plus éloignés), il ne semble pas y avoir de lien d’une station à l’autre. Les développements du phytoplancton se font indépendamment d’un site à l’autre. Les résultats des trois stations situées en milieu d’eau courante (sites 1, 2 et 3) donnent des densités moyennes ou très faibles. Les densités des sites 2 et 3 sont de même ordre de grandeur.
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Carte 1 : Représentation des densités algales à chaque site de prélèvement
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Les graphiques ci-avant exposent à la fois la densité selon les deux modes d’expression (individus ou cellules) mais aussi la composition du peuplement phytoplanctonique. Les principaux groupes d’algues représentés sont les Cyanophytes (algues bleues), les Chromophytes (algues brunes), les diatomées2, les Chlorophytes (algues vertes), les Euglénophytes, les Pyrrhophytes (algues « rousses ») et les Rhodophytes (algues rouges). Pour six des dix sites échantillonnés, ce sont les diatomées qui dominent (sites 1, 2, 3, 7, 8 et 10). Dans certains cas, il s’agit de taxons benthiques (Pinnularia, Navicula, Fragilaria virescens, Melosira varians…) dans d’autres cas de taxons épiphytes3 (Achnanthidium minutissimum, Ulnaria ulna var acus…). Les diatomées typiquement planctoniques sont quasiment absentes, ce qui est cohérent puisque les milieux échantillonnés ne sont pas en eau courante4, tout au moins à la date de prélèvement. Pour le site 1, en dehors des diatomées (Fragilaria capucina, Achnanthidium minutissimum et Ulnaria ulna var. acus) qui représentent près de 75% du peuplement, une algue verte pluricellulaire, Scenedesmus obtusus, est également bien représentée (13%). Les peuplements des sites 2 et 3 (en eau courante) présentent une similitude, on y retrouve les mêmes taxons dominants. Le phytoplancton du site 1 est par contre très différent. A d’autres sites, ce sont des algues filamenteuses qui dominent largement le peuplement. C’est le cas au site 5 avec à la fois Mougeotia sp. (Zygnématale) et Tribonema sp. (Xanthophycée), ou encore au site 4 avec Spirogyra sp.5 (Zygnématale). Rappelons que le site 5 présente la densité algale la plus importante. Cet échantillon a d’ailleurs montré une très grande quantité de fragments de végétaux et de dépôt de matière organique ; les filaments d’algues phytoplanctoniques observés n’étaient pas toujours entiers et la densité est donc sans doute sous-estimée. Le même constat est réalisé pour l’échantillon en provenance du site 4. Pour le site 6, le peuplement est dominé à 48% par une petite algue verte flagellée unicellulaire, Chlamydomonas sp. (Volvocale). Pour le site 7, si les diatomées (Gomphonema sp., Melosira varians) représentent 41% du peuplement, les euglènes représentent 32%. Parmi ce groupe d’algues, c’est le genre Euglena qui est dominant (30%), traduisant une qualité de l’eau médiocre, leur présence étant caractéristique des milieux eutrophisés. Les histogrammes présentant le nombre de cellules (densité cellulaire), permettent non seulement de mettre en évidence les sites dans lesquels les algues pluricellulaires se développent mais aussi ceux qui produisent le plus de biomasse. Ainsi, 5 sites se distinguent.
• Le site 1 présente un développement de diatomées et d’algues vertes mais aussi la présence d’une algue rouge (Rhodophyte), Batrachospermum sp., qui bien qu’ayant été observée ici à l’état de fragments développe habituellement des formes très ramifiées. A ce site, la biomasse algale est importante (20 mg/l), avec de très nombreux filaments dont Spirogyra sp.6.
• Le site le plus remarquable est le 5 dans lequel on observe une très grande quantité d’algues filamenteuses (Mougeotia sp.) dont le nombre de cellules par filament peut être très conséquent, d’où une densité cellulaire de plus de 40 000 cell./ml. Le biovolume de ces cellules étant important, la biomasse algale est par conséquent très élevée (63 mg/l).
2 Cette classe appartient à l’embranchement des Chromophytes, mais elle est représentée séparément. 3 Vivant sur des végétaux aquatiques. 4 Les sites 1, 2 et 3 sont situés dans un ruisseau ou un fossé. 5 En photographie sur la couverture. 6 Certains présentaient des stades de reproduction.
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• Au site 6, bien que la densité phytoplanctonique soit moyenne (moins de 10 000 cell./ml), les Cyanophytes y sont le plus développées. Cependant, les espèces présentes ne caractérisent pas un milieu très pollué. Notons que l’analyse quantitative de cet échantillon a été particulièrement difficile, de couleur très foncée avec de nombreuses algues filamenteuses, fragments de végétaux et débris organiques.
• Les sites 8 et 10 présentent tous les deux une densité cellulaire similaire (12 à 16 000 cell./ml) et une grande proportion de diatomées (94 à 97%). Les espèces présentent dans l’échantillon du site 10 étant très majoritairement de grandes tailles, la biomasse algale est plus élevée (141 mg/l contre 35 mg/l dans le site 8).
Enfin, notons que si la densité cellulaire du site 4 n’est pas très élevée (3 200 cell./ml), compte tenu des algues présentes, et en particulier de l’algue filamenteuse Spirogyra sp. de taille importante, la biomasse est cependant importante (24 mg/l). 2.2. RICHESSE TAXONOMIQUE
La richesse taxonomique correspond au nombre de taxons identifiés, quelque soit le niveau de détermination de celui-ci. Dans l’ensemble des sites, la richesse est très faible à moyenne, allant de 7 à 31 taxons identifiés (Tabl. 2). Il existe surtout une grande diversité parmi les diatomées présentes dans l’ensemble des sites parmi les 86 taxons identifiés, 54 sont des diatomées.
Tableau 2 : Richesse taxonomique
site 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Richesse
taxonomique 15 15 16 24 10 24 22 31 7 25
La richesse taxonomique la plus faible observée au site 9 correspond à un peuplement très nettement dominé par Trachelomonas sp.. Cette algue témoigne de la présence de matières organiques dans l’eau, limitant probablement le développement d’autres taxons. En revanche, lorsque les richesses taxonomiques sont élevées (ex : sites 8 ou 10) ce sont les diatomées qui dominent. Ainsi, le maximum de richesse observée au site 8 (31 taxons) a été obtenu du fait d’une grande diversité de diatomées. Notons que pour les sites localisés en milieu courant (1, 2 et 3), les richesses taxonomiques sont faibles (autour de 15 taxons). La carte ci-après (carte 2) représente la richesse taxonomique par site.
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Carte 2 : Représentation de la richesse taxonomique à chaque site de prélèvement
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2.3. ABONDANCE RELATIVE
Le tableau ci-dessous (Tabl. 3) présente les 18 taxons dont l’abondance relative est supérieure à 10% du peuplement algal, selon le nombre d’individus par millilitre, dans au moins un site (tableau détaillé en annexe). On observe ainsi que d’un site à l’autre les taxons dominants ne sont pas toujours les mêmes. Seuls les trois taxons suivants se retrouvent simultanément dans deux sites : Achnanthidium minutissimum (sites 1 et 2), Melosira varians (sites 7 et 8), ainsi que Navicula sp. (sites 2 et 3) et enfin Pinnularia sp. (sites 9 et 10). Les autres taxons ne se retrouvent pas en abondance simultanément dans différents sites. Notons la très grande abondance de Mougeotia sp. au site 5 et des Trachelomonas sp. au site 9.
La carte ci-dessous (carte 3) reprend ces informations site par site. Comme ce qui a déjà été vu auparavant, ce sont les diatomées qui dominent l’ensemble des sites et souvent en abondance. En dehors de la présence des diatomées, il n’y a pas que très peu de correspondance des taxons dominants entre les sites.
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Carte 3 : Représentation de l’abondance relative des espèces dominantes à chaque site de prélèvement
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2.4. INDICATIONS ECOLOGIQUES
Le tableau ci-dessous (Tabl. 4) présente les taxons présentant une abondance supérieure à 10% dans au moins un échantillon (en nombre d’individus) et les critères écologiques connus selon la bibliographie à notre disposition.
Achnanthidium minutissimum Milieu de bonne qualité, bien oxygéné
Fragilaria capucina Fréquente sur les macrophytes
Fragilaria virescens Surtout dans les fossés, plutôt en milieu acide et accompagnant des Eunotia
Gomphonema sp. Pas de données
Melosira varians En filament flottant ou accroché sur les macrophytes ou les pierres
Navicula sp. Milieu de qualité bonne à moyenne en général
Nitzschia sp. Milieu dégradé le plus souvent
Pinnularia maior Présence fréquente dans les tourbières, étangs ou fossés asséchants
Pinnularia sp. Pas de données
Staurosira construens Vit souvent en chaîne parmi les macrophytes, toujours en eaux calmes
Ulnaria ulna var ulna Espèce très commune, souvent parmi les macrophytes immergées
Chlamydomonas sp. Algue commune dans les milieux généralement mésotrophes à eutrophes
Scenedesmus obtusus Dans les eaux de qualité médiocre, milieux méso à eutrophes
Mougeotia sp. Préfère les eaux froides plutôt stagnantes
Spirogyra sp. Préfère les zones ombragées
Euglena sp. Répandue surtout dans les eaux polluées, riches en matières organiques, parfois dans les mares encombrées de débris végétaux
Trachelomonas sp. Répandue surtout dans les eaux polluées, riches en matières organiques
Quelques espèces particulières sont à noter également :
• Stenopterobia curvula : diatomée présente souvent dans les milieux acides et non pollués, typique de tourbière à sphaignes. Assez rare.
• Eunotia sp. : diatomée toujours d’eaux calmes ou stagnantes parfois très réduites (ex : fossés, mares), espèce de milieux acides (mais non exclusives) très fréquente dans les tourbières. Elle peut être associée à des macrophytes immergées.
• Rhopalodia sp. : diatomée souvent épiphyte sur les macrophytes. Rhopalodia gibberula est plutôt répandue dans les tourbières acides, mais ici l’espèce n’a pas été confirmée.
• Desmidiées : ce sont d’excellents indicateurs des milieux aquatiques, car elles sont très sensibles aux variations de la composition chimique des eaux. Une grande majorité se trouve dans les eaux acides et les tourbières à sphaignes.
• Batrachospermum sp. : appartient aux Rhodophytes (algues rouges) regroupant la plupart des algues marines, mais certaines vivent en eau douce. Une certaine catégorie vit dans les stations tourbeuses. Batrachospermum est assez fréquente dans les petits ruisseaux de préférence à température fraiche (< 20°C) et ombragés, mais très occasionnelle dans les tourbières.
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2.5. DONNEES ANTERIEURES
Le CPIE a fourni à Aquascop une liste des algues déjà observées dans les petites mares des Landes de Lessay (tourbière de Mathon) issue d’articles anciens, en particulier ceux de l’abbé Frémy en 19397. Cette liste montre en particulier la présence des Cyanophycées, des Chlorophycées, des Desmidiées et des Characées. Cependant, ces données ne nous permettent pas de connaitre l’abondance de chacun de ces taxons et leur localisation exacte par rapport aux sites échantillonnés dans la présente étude. L’absence de mention sur les diatomées n’exclut pas leur présence mais est sans doute liée à l’absence d’identification de celles-ci. La comparaison avec ces données antérieures est donc impossible.
3. CONCLUSION
Ce suivi a permis d’établir un inventaire du phytoplancton observé en septembre 2013. Globalement, il apparait que les densités algales sont très disparates et que la composition des peuplements révèle un fonctionnement différent entre les sites. La richesse taxonomique n’est jamais très élevée mais provient entre autre du fait qu’il s’agit d’un milieu très particulier avec une eau souvent acide et chargée de matières organiques, ce qui sélectionne les taxons capables de s’adapter à cet environnement. Les algues filamenteuses se sont révélées abondantes sur certains sites ainsi que les diatomées qui sont une composante constante des peuplements de tous les sites étudiés. Les euglènes ont montré par leur présence dans deux des sites que certaines mares présentaient une eau de qualité médiocre. Enfin, aucune efflorescence remarquable de Cyanophycées n’a été observée, ce qui aurait pu traduire une eutrophisation du milieu. Les résultats des analyses algales montrent qu’il y a très peu de ressemblance entre les 10 sites échantillonnés. Seuls les sites 2 et 3 montrent une similitude de densité et de composition du peuplement.
4. ANNEXES
Composition du peuplement phytoplanctonique :
- en nombre d’individus / ml
- en nombre de cellules / ml
- en % d’individus.
7 Bulletins de la Société Linnéenne de Normandie.
Phytoplancton tourbière de MathonEtude n°8545 - Décembre 2013