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N 847 ______
ASSEMBLE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 QUATORZIME LGISLATURE
Enregistr la Prsidence de l'Assemble nationale le 27 mars
2013.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE
LOI relatif la scurisation de lemploi,
(procdure acclre)
PAR M. JEAN-MARC GERMAIN,
Dput.
TOME I
Rapport
Voir les numros :
Assemble nationale : 774, 837 et 839.
3
SOMMAIRE ___
Pages
INTRODUCTION
..............................................................................................................
7
I.- LA SITUATION DGRADE DU MARCH DU TRAVAIL APPELLE DES MESURES
FORTES
..........................................................................................................
13
A. UN MARCH DU TRAVAIL ENTRE PRCARIT DE LEMPLOI ET DES
CONDITIONS DE TRAVAIL
......................................................................................
13
1. Une prcarit croissante de lemploi
................................................................
13
2. Un dveloppement des formes atypiques de travail
....................................... 15
B. LES PARTENAIRES SOCIAUX DSORMAIS PLEINEMENT ASSOCIS
LLABORATION DE LA NORME SOCIALE
.............................................................
15
1. La procdure de consultation des partenaires sociaux en amont
des projets et propositions de loi
.............................................................................
16
2. Un projet de loi constitutionnel pour reconnatre dans notre
loi fondamentale ce rle accru des partenaires sociaux
..................................... 17
II.- UN ACCORD LARGE
.............................................................................................
17
A. UN DES RARES ACCORDS NATIONAUX INTERPROFESSIONNELS
MULTIDIMENTIONNELS SUR LEMPLOI ET LE MARCH DU
TRAVAIL................. 17
B. LACCORD VU PAR SES SIGNATAIRES
..................................................................
20
C. LE PRSENT PROJET DE LOI
.................................................................................
23
4
TRAVAUX DE LA COMMISSION
..................................................................................
27
EXAMEN DES ARTICLES
.................................................................................................
27 Article 1er (art. L. 911-7, L. 911-8 et L. 912-1 du code de la
scurit sociale ;
loi n 89-1009 du 31 dcembre 1989) Gnralisation de la couverture
complmentaire collective sant pour les salaris et amlioration de la
portabilit des couvertures sant et prvoyance des demandeurs demploi
..................................................... 27
Article 2 (art. L. 6111-1 et L. 6314-3 [nouveau] du code du
travail) Cration du compte personnel de formation et du conseil en
volution professionnelle
.....................................................................................................
86
Article 3 (art. L. 1222-12 L. 1222-15 [nouveaux] du code du
travail) Cration dune priode de mobilit volontaire scurise
............................ 119
Article 4 (art. L. 2323-3, L. 2323-4, L. 2323-7-1 L. 2323-7-3
[nouveaux], L. 2325-35, L. 2325-42-1 [nouveau], L. 2332-1, L.
2323-26-1 L. 2323-26-3 [nouveaux], L. 2313-7-1 [nouveau], L. 4616-1
L. 4616-5 [nouveaux], et L. 4614-3 du code du travail) Rforme des
rgles de consultation et de recours lexpertise des institutions
reprsentatives du personnel
............................................................................
133
Article 5 (art. L. 225-27-1 et L. 225-28-1 [nouveaux], L. 225-29
L. 225-34, L. 225-34-1 et L. 225-79-1 [nouveaux], L. 225-80 et L.
226-4-2 L. 226-4-4 [nouveaux] du code du commerce ; art. L. 2323-65
du code du travail) Reprsentation des salaris au conseil
dadministration ou de surveillance
......................................................................................................
171
Article 6 (art. L. 5422-2-1 [nouveau] du code du travail ; art.
43 de la loi n2011-893 du 28 juillet 2011 pour le dveloppement de
lalternance et la scurisation des parcours professionnels)
Amlioration des droits nouvelle indemnisation chmage des salaris et
renforcement de laccompagnement des demandeurs demploi
.............................................. 193
Article 7 (art. L. 5422-12 du code du travail) Majoration de la
cotisation dassurance chmage sur les contrats courts
............................................... 215
Article 8 (art. L. 2241-13, L. 3123-8, L. 3123-14, L. 3123-14-1
L. 3123-14-4 [nouveaux], L. 3123-16, L. 3123-17, L. 3123-19 et art.
L. 3123-25 du code du travail) Encadrement du travail temps partiel
............................... 238
Article 9 (art. L. 2242-15, L. 2242-16, L. 2323-33 et L. 2323-35
du code du travail) Extension du primtre de la ngociation triennale
obligatoire sur la gestion prvisionnelle des emplois et des
comptences
.........................................................................................................
266
Article 10 (art. L. 2242-21 L. 2242-23 [nouveaux] du code du
travail) Mobilit interne
.....................................................................................................
276
Article 11 (art. L. 3232-2, L. 3232-5, L. 5122-1 L. 5122-4, et
L.5428-1 du code du travail et art. L. 242-10 du code de la scurit
sociale) Refonte du dispositif dindemnisation de lactivit partielle
....................................... 299
Article 12 (art. L. 5125-1 L. 5125-6 [nouveaux] du code du
travail) Accords de maintien de lemploi
.......................................................................
319
5
Article 13 (art. L. 1233-22 L. 1233-24, L. 1233-24-1 L.
1233-24-4 [nouveaux], L. 1233-30, L. 1233-33 L. 1233-36, L. 1233-39
L. 1233-41, L. 1233-45-1 [nouveau], L. 1233-47, L. 1233-50, L.
1233-52 L. 1233-57, L. 1233-57-1 L. 1233-57-8 [nouveaux], L.
1233-58, L. 1233-63, L. 1233-90-1 [nouveau], L. 1235-7, L. 1235-7-1
[nouveau], L. 1235-10, L. 1235-1,L. 1235-16, L. 2323-15, L.
2325-35, L. 2325-37, L. 3253-8, L. 3253-13, L. 4614-12-1 et L.
4614-12-2 [nouveaux] du code du travail ; art. L. 631-17, L.
631-19, L. 641-4 et L. 642-5 du code de commerce) Rforme de la
procdure de licenciement collectif pour motif conomique
...........................................................................................................
345
Article 14 (art. L. 1233-90-1 [nouveau] et L. 2325-37 du code du
travail) Cration dune obligation de recherche dun repreneur en cas
de fermeture dtablissement
..................................................................................
379
Article 15 (art. L. 1233-5, L. 1233-71 et L. 1233-72-1 du code
du travail) Prcision des critres dordre des licenciements
conomiques et allongement de la dure du cong de reclassement
.................................... 385
Article 16 (art. L. 1235-1, L. 1471-1 [nouveau], L. 3245-1 du
code du travail ; art. 80 duodecies du code gnral des impts)
Dveloppement de la conciliation prudhomale et rforme des dlais de
prescription ............... 389
Article 17 (art. L. 2314-2, L. 2322-2 et L. 2324-3 du code du
travail) Amnagement de la mise en place des institutions
reprsentatives du personnel en cas de franchissement des seuils
deffectif ........................... 397
Article 18 Exprimentation du contrat dure indtermine
intermittent ...... 400 Article 19 Habilitation du Gouvernement
modifier par voie
dordonnance le code du travail application Mayotte
................................ 405
TABLEAU COMPARATIF
..............................................................................................
409
AMENDEMENTS EXAMINS PAR LA COMMISSION
.............................................. 511
7
INTRODUCTION
Notre pays est confront la plus grande crise quil ait sans doute
connue en temps de paix. La crise est dure avec un taux de chmage
au plus haut, des emplois prcaires qui se sont multiplis et des
fins de mois de plus en plus difficiles boucler atteignant aussi
dsormais les classes moyennes, et des entreprises franaises
fragilises dans la mondialisation.
La crise est dure, mais aussi particulirement dure affronter,
dans notre pays comme dans les autres pays dvelopps, car
contrairement dautres priodes de notre histoire, ces difficults des
mnages et des entreprises se cumulent avec celles des tats,
fortement endetts et donc aux marges de manuvre limites. Elle est
particulirement difficile affronter aussi parce quelle est
profonde, la fois conomique, sociale, cologique et plantaire.
Dans cette situation, le Prsident de la Rpublique et son
gouvernement ont engag une bataille sur trois fronts, avec des
mesures durgence comme des rformes de structure.
Le front europen, tout dabord, pour relancer la croissance car
cest ce niveau-l quelle se joue. Nos conomies europennes sont ce
point imbriques que tenter de relancer seuls notre conomie ne
serait gure plus efficace que de tenter dcoper la mer avec un
seau.
Cest la raison dtre du paquet croissance ngoci de haute lutte
par le Prsident de la Rpublique lors du sommet europen de juin
2012. Ce sont les ngociations rcentes pour un budget europen
prserv. Cest un rythme de rduction des dficits budgtaires
suffisamment tal dans le temps pour ne pas porter atteinte la
croissance. Cest une Banque centrale europenne et un Mcanisme
europen de stabilit qui apportent aux banques et aux tats les
liquidits dont elles ont besoin pour fonctionner.
Le deuxime front, cest la comptitivit pour redonner la France sa
place dans la mondialisation. En 2002, la balance commerciale
franaise tait excdentaire, aujourdhui, elle accuse un dficit
commercial de plus de 70 milliards deuros.
La comptitivit, cest remettre la finance au service des
entreprises : cest lobjet de la loi crant la Banque publique
dinvestissement et de la loi bancaire adoptes rcemment, de la
future loi sur la mobilisation de lpargne des Franais au service de
lconomie et de la dernire loi de finances, avec le crdit dimpt
comptitivit emploi (CICE), qui donne des moyens sans prcdent aux
entreprises 20 milliards deuros par an , non pas pour baisser leurs
prix de production, ce serait une course sans fin illusoire, mais
pour leur permettre dinvestir dans la recherche, dans linnovation,
dans la formation et dembaucher.
8
Le troisime front, cest celui du march du travail. Il faut agir
sur lembauche, cest ce qui est fait avec les deux lois dj votes sur
les 150 000 emplois davenir et les 500 000 contrats de gnration
pour aider les jeunes et les seniors qui sont les premires victimes
du chmage , mais aussi sur la scurisation des emplois : cest lobjet
du prsent projet de loi.
*
cette fin, sur le fondement des grands principes poss lors de la
Grande confrence sociale des 9 et 10 juillet 2012, le Gouvernement
a adress aux partenaires sociaux au dbut du mois de septembre 2012
un document dorientation dfinissant quatre domaines quil souhaitait
soumettre leur ngociation dans le cadre de la scurisation de
lemploi : la lutte contre la prcarit du march du travail, la
progression dans lanticipation des volutions de lactivit, de
lemploi et des comptences, lamlioration des dispositifs de maintien
de lemploi face aux alas conjoncturels ainsi que lamlioration des
procdures de licenciements collectifs.
Aprs quatre mois de ngociations, un accord national
interprofessionnel a t sign le 11 janvier 2013 par les trois
organisations reprsentatives des employeurs et trois des cinq
organisations syndicales reprsentatives des salaris, la CFDT, la
CFTC et la CFE-CGC. Selon les rsultats de reprsentativit rendus
publics le 29 mars, ces trois syndicats de salaris reprsentent
51,15 % des suffrages recueillis par les organisations habilites
ngocier au plan interprofessionnel, cest--dire ayant franchi le
seuil des 8 %.
Le projet de loi relatif la scurisation de lemploi, qui est
aujourdhui soumis la reprsentation nationale, en est le
prolongement. Il traduit la nouvelle articulation souhaite par le
Prsident de la Rpublique entre la dmocratie sociale et la dmocratie
politique qui a donn lieu un projet de loi constitutionnelle
relatif la dmocratie sociale, adopt par le Conseil des ministres le
13 mars 2013. Sa philosophie dveloppe dans son expos des motifs se
rsume ainsi : la ngociation sociale prcde et inspire les lois
sociales. Le lgislateur reste souverain, mais les volutions
lgislatives en matire sociale, sauf urgence, doivent tre prcdes
dune phase de consultation et, si les partenaires sociaux le
veulent, dune ngociation.
Cest au fond une sorte de valse trois temps : le premier est
celui du gouvernement qui fixe les objectifs comme cela a t le cas
avec la feuille de route de septembre 2012 ; le second est celui
des partenaires sociaux qui ngocient sur ce fondement, comme ils
lont fait entre octobre et jusquau 11 janvier 2013 ; le troisime
est celui du Parlement.
*
Votre rapporteur considre que ces trois tapes doivent tre dgale
importance. Repartir de zro serait un non-sens : rien ne justifie
dignorer le fruit de quatre mois de travail intense des partenaires
sociaux auquel ont contribu y
9
compris les organisations non signataires, qui sont restes
jusquau bout la table des ngociations mme si in fine elles ne se
reconnaissent pas dans laccord. Beaucoup des dispositions qui sont
contenues dans ce texte concernent le cur du fonctionnement des
entreprises, et il est fondamental pour la reprsentation nationale
de prendre en compte ce que proposent ceux qui en sont les premiers
acteurs, les reprsentants des salaris et des employeurs.
Nous limiter toutefois un travail de scribe qui consisterait
simplement codifier ce qui a t crit par les signataires ne serait
pas plus conforme au mandat que nous ont donn nos lecteurs : celui
de faire la loi au nom du peuple, porteurs de lintrt gnral et
fidles aux convictions et aux engagements que chacun dentre nous a
pris devant ses lecteurs.
Jouer pleinement notre rle de lgislateur est dautant plus
lgitime que, dune part, nombre des dispositions de cet accord
dpassent le champ de lentreprise la cration dune couverture sant
complmentaire obligatoire ou dun compte personnel de formation
universel, le rle de ltat dans la protection des salaris, celui du
juge dans le rglement des contentieux. et que dautre part,
contrairement laccord sur les contrats de gnrations, deux
organisations de syndicats de salaris ne lont pas sign.
tre loyal vis--vis des signataires car sinon nous porterions un
coup fatal la ngociation collective interprofessionnelle pour de
longues annes , mais lcoute des non-signataires et aussi de tous
ceux qui au-del seront concerns, pour amliorer ce qui peut ltre,
voil ce qui a guid votre rapporteur dans les travaux prparatoires
quil a conduit. Cest un chemin de crte sans doute troit, mais il
existe et il permet davancer loin ds lors quon le fait avec
mthode.
Avancer avec mthode, cest dabord couter. Cest la raison pour
laquelle de trs nombreuses auditions ont t organises. Les
organisations patronales et syndicales ont t ainsi auditionnes cinq
reprises chacune : par votre rapporteur pendant les ngociations,
aprs la conclusion de laccord, aprs lavant-projet de loi, aprs le
projet de loi, et de manire collective par la commission des
affaires sociales.
Avancer avec mthode, cest comprendre. Afin que chacun puisse se
faire une ide trs prcise de la porte de chacune des dispositions du
projet de loi, et de ses effets possibles sur lemploi, sur la
rduction de la prcarit, sur les droits des salaris, sur la
comptitivit des entreprises, de trs nombreux spcialistes, experts,
administrations ont t auditionns, et tous les dbats qui sont
apparus sont retracs dans ce rapport, sans rien luder des dbats qui
existent et des questions qui se posent.
Avancer avec mthode, cest enfin respecter. Respecter les
signataires dans leur choix de signer cet accord ; respecter les
non-signataires dans leur choix de ne pas le faire ; respecter les
parlementaires dans la plnitude de leur droit
10
damendement. Lintelligence est collective. Cela a conduit votre
rapporteur, en liaison avec le gouvernement, consulter en
permanence les partenaires sociaux, signataires comme non
signataires, dans son travail damendement du texte. Beaucoup de
questions qui avaient pu tre souleves ont pu tre rgles lors de
notre travail en commission, dautres pourront ltre lors du dbat
dans lhmicyle avec les amendements complmentaires qui sont proposs,
dautres encore le seront dans le temps, par un suivi et une
valuation trs prcises, et le cas chant un droit de suite pour
corriger ce qui na pas fonctionn comme espr.
Lobjectif est quin fine, lefficacit dans la lutte contre le
chmage, dans la protection des salaris et de leur qualit de vie, et
pour la performance des entreprises, soit au rendez-vous.
*
Mis bout bout, la vingtaine darticles du projet de loi dessinent
trois volutions profondes du march du travail de notre pays.
La premire, cest retour de ltat, lappui des salaris et de la
ngociation sociale, comme garant dans la prvention des
licenciements conomiques.
Une refonte profonde de la procdure en la matire est en effet
engage. Aujourdhui, la mise en place dun plan de sauvegarde de
lemploi sopre de manire unilatrale linitiative de lemployeur ; elle
sera demain soumise soit laccord des salaris travers leurs
organisations syndicales un accord majoritaire , soit dfaut une
homologation de ladministration. Il sagit l de la traduction
concrte de lengagement n 35 de Franois Hollande : renchrir le cot
des licenciements en fonction des moyens des entreprises, en vue de
les dissuader le plus possible. Ladministration sera cet effet dote
dun nouveau pouvoir : celui de refuser un plan social qui ne serait
pas suffisamment protecteur pour les salaris.
Lobjectif est clair : comme la soulign le ministre du travail
lors de son audition, il sagit de mettre rsolument fin la prfrence
franaise pour le licenciement au profit de toutes les solutions qui
permettent de les viter. Cest ainsi que paralllement cette nouvelle
procdure, le projet de loi procde une refonte du dispositif de
chmage partiel qui est rendu plus efficace et plus facilement et
rapidement mobilisable par les entreprises confrontes des alas
conjoncturels. Il cre galement la possibilit de conclure des
accords de maintien de lemploi, qui sont galement une forme
dactivit partielle, mais ngocie et assortie de protections, de
garanties, et dune contribution des dirigeants actionnaires aux
efforts.
Cest ce choix qui a principalement permis lAllemagne de mieux
sen sortir que dautres pendant la crise de 2008 sans augmentation
sensible du chmage : ainsi par exemple, au plus fort de la crise en
2009, 1 600 000 salaris
11
allemands taient en activit partielle quand, la mme anne,
seulement 200 000 salaris franais ltaient.
Contrairement ce qui est parfois avanc, ce texte ne porte pas en
lui la mise en place en France de la flexi-scurit. La flexi-scurit
aurait consist faciliter les licenciements tout en indemnisant
mieux les chmeurs. Elle repose sur un thorme absurde et dmenti par
les faits selon lequel les licenciements daujourdhui feraient les
emplois de demain . Cela supposerait en outre daugmenter
considrablement les moyens de lassurance chmage, ce qui est hors de
porte compte tenu de la situation financire de la France.
Cest un autre choix qui a t fait, que lon pourrait qualifier de
la scuri-scurit : il rend plus difficile la flexibilit externe
plans sociaux limits, taxation des contrats dure dtermine,
encadrement des temps partiels au profit des redploiements internes
aux entreprises, en donnant des pouvoirs et des moyens nouveaux la
ngociation collective, avec ltat comme garant. Cest lintrt des
salaris, qui gardent leur emploi, mais aussi des entreprises qui
conservent en leur sein leurs comptences.
La deuxime volution profonde, cest une participation accrue des
salaris la dfinition des stratgies dentreprise.
Lobjectif est simple : anticiper, saisir temps les opportunits
et grer les difficults avant quil ne soit trop tard, et cela, en
associant fortement les salaris. La mise en place dune
reprsentation des salaris au conseil dadministration des trs
grandes entreprises, de plus de 5 000 salaris, en constitue
indniablement la mesure emblmatique qui constituait un engagement
fort de Franois Hollande (engagement n 55). Mais cette vision
commune et concerte sincarne galement dans la nouvelle
participation des salaris, travers leurs reprsentants, la stratgie
de lentreprise, avec la cration de deux consultations annuelles
supplmentaires sur les orientations stratgiques de lentreprise et
son utilisation du crdit dimpt comptitivit emploi, un recours largi
lexpertise, une obligation de ngocier dsormais les grandes
orientations du plan de formation, la mise en place dune base de
donnes stratgiques accessible en permanence aux reprsentants du
personnel.
Enfin, ce projet de loi apporte de nouveaux jalons constitutifs
dune vritable scurit sociale professionnelle.
Les salaris sont dsormais amens changer beaucoup plus souvent
dentreprise que par le pass, que cette situation soit choisie ou
subie. Ds lors, il nous faut aller vers un modle social o les
droits acquis dans une entreprise puissent tre conservs lorsque lon
en change, des droits attachs au salari tout au long de sa vie
professionnelle et non plus lentreprise qui lemploie un moment
donn.
Que ce soit en matire de sant avec la gnralisation de la
couverture complmentaire sant lensemble des salaris et la mise en
place dun
12
mcanisme de portabilit des droits pour les salaris qui quittent
lentreprise -, en matire de formation avec la cration dun compte
personnel de formation destin suivre toute personne de son entre
sur le march du travail son arrive la retraite ou encore en matire
de couverture chmage avec la mise en place de droits rechargeables
lassurance chmage , lapproche qui est privilgie est bien celle de
la reconnaissance de droits aux individus en tant que salaris, mais
galement pendant leurs priodes dinactivit, de chmage ou de
formation.
Au-del de ces droits portables , ce texte vise aussi amliorer
les transitions en encadrant par la ngociation collective les
mobilits demandes aux salaris lintrieur des entreprises, en crant
une mobilit externe scurise qui permet de tenter une exprience
professionnelle dans une autre entreprise avec un droit au retour
si cela ne se passe pas comme prvu mais galement en obligeant les
entreprises qui veulent fermer un tablissement rechercher des
repreneurs.
* *
*
13
I.- LA SITUATION DGRADE DU MARCH DU TRAVAIL APPELLE DES MESURES
FORTES
Si la crise conomique qui frappe la France a entran une
acclration des destructions demplois, la situation du march du
travail apparat structurellement dgrade, gnrant prcarit de lemploi
et des conditions de travail. Conformment lobjectif prsidentiel
dinversion de la courbe du chmage et la priorit daction pour
lemploi, aprs de nombreux textes visant redresser conomiquement et
financirement notre pays, aprs les lois portant cration des emplois
davenir et des contrats de gnration, le prsent projet de loi
propose de nouvelles mesures fortes pour amliorer en profondeur le
fonctionnement du march du travail de notre pays. Depuis la Grande
confrence sociale de lt dernier, les partenaires sociaux ont engag,
linitiative du Gouvernement, de nombreuses ngociations les
associant au processus dlaboration du droit du travail.
A. UN MARCH DU TRAVAIL ENTRE PRCARIT DE LEMPLOI ET DES
CONDITIONS DE TRAVAIL
La situation du march du travail franais est marque par une
prcarit croissante de lemploi, caractrise par laugmentation du taux
de chmage depuis mars 2008 et un recours accru aux contrats
temporaires, ainsi que par un dveloppement des formes atypiques de
travail, telles que le temps partiel ou les horaires dcals.
1. Une prcarit croissante de lemploi
Le taux de chmage, qui avait fortement t rduit dans les annes
1997-2002 et fluctu ensuite pendant les cinq annes qui ont suivi, a
repris sa progression il y a cinq ans pour atteindre un niveau
historiquement lev. Il touche 10,6 % de la population active au
dernier trimestre 2012.
Source : Insee, Sries longues sur le march du travail.
14
Les taux de chmage de longue dure et de trs longue dure ont
galement augment sur cette priode : en 2011, 3,7 % des actifs sont
en recherche demploi depuis plus dun an, soit une augmentation dun
point par rapport 2008, et 1,8 % depuis plus de deux ans, soit une
augmentation de 0,5 point. En fvrier 2013, lanciennet moyenne des
demandeurs demploi inscrits Ple emploi slve 482 jours.
La prcarit de lemploi sur le march du travail franais stend aux
formes de celui-ci, et lon constate un accroissement significatif
du recours aux contrats temporaires. Ainsi, en 2011, prs de 9,5 %
des salaris se trouvent en contrat dure dtermine (CDD) et 16,8
millions de contrats dintrim ont t conclus, concernant 3,2 % des
salaris. Depuis le milieu des annes 1990, cette dernire forme
demploi a connu une croissance notable. Les contrats temporaires
constituent dsormais des modes banals de recrutement par les
entreprises.
Source : DARES Analyses, Lintrim en 2011 , juin 2012.
Enfin, le nombre de stages en milieu professionnel est estim
environ 1,6 million par an, selon le rapport sur lemploi des jeunes
du Conseil conomique, social et environnemental de septembre 2012.
Leur dveloppement sexplique par la diffusion de la pratique de
lalternance dans les cursus universitaires, mais galement par les
difficults dinsertion des jeunes sur le march du travail, qui
acceptent des stages dfaut de trouver un emploi prenne.
15
2. Un dveloppement des formes atypiques de travail
Lvolution des conditions de travail des salaris franais se
caractrise aussi par une prcarit accrue, quil sagisse de la dure du
travail ou des horaires atypiques. En 2011, prs 18,7 % des salaris
travaillent temps partiel, dont 28,7 % des salaris en contrat dure
dtermine (CDD) contre 16,5 % des salaris en contrat dure indtermine
(CDI), ce qui donne une premire mesure du cumul des contraintes que
subissent les salaris prcaires.
En 2012, par rapport la moyenne des pays de lUnion europenne, on
observe que le recours aux CDD apparat plus important sur le march
du travail en France, alors que le temps partiel y est moins
rpandu, bien que le temps partiel subi y soit plus important.
Source : Insee, France, portrait social , dition 2012.
Les horaires atypiques ont galement connu une forte progression.
Ainsi, en 2011, prs de 29 % des salaris ont travaill le dimanche de
manire habituelle ou occasionnelle, contre 20 % en 1990.
B. LES PARTENAIRES SOCIAUX DSORMAIS PLEINEMENT ASSOCIS
LLABORATION DE LA NORME SOCIALE
Face cette situation dgrade du march du travail, le Gouvernement
a fait du dveloppement de lemploi sa priorit daction, et a invit
les partenaires sociaux se mobiliser. Ces derniers ont ouvert de
nombreuses ngociations suite la Grande confrence sociale, dont deux
dentre elles ont dores et dj abouti : celle sur les contrats de
gnrations, conclue par un accord unanime et traduite depuis dans la
loi ; celle sur la scurisation de lemploi qui a abouti laccord
transversal du 11 janvier dernier. Dautres sont en cours, notamment
celle sur la qualit de vie au travail et lgalit entre les femmes et
les hommes qui devrait
16
aboutir au premier semestre 2013. Une nouvelle confrence sociale
est programme en juillet pour fixer le programme de travail des
douze mois qui suivront. Les partenaires sociaux sont donc,
dsormais, pleinement associs llaboration de la norme sociale.
1. La procdure de consultation des partenaires sociaux en amont
des projets et propositions de loi
La loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007 a
cr une obligation de consultation pralable des partenaires sociaux,
place en tte du code du travail, son article L. 1. Ainsi, lorsque
le gouvernement envisage une rforme qui porte sur les relations
individuelles et collectives du travail, lemploi et la formation
professionnelle et qui relve du champ de la ngociation nationale et
interprofessionnelle, il doit dabord organiser une concertation des
partenaires sociaux, en commenant par leur communiquer un document
dorientation.
Sils dcident douvrir une ngociation, les partenaires sociaux
doivent indiquer au Gouvernement le dlai quils estiment ncessaire
pour tenter de parvenir un accord. Au vu des rsultats de cette
ngociation et de la concertation, le gouvernement labore, ensuite,
un projet de loi quil doit soumettre pour avis, selon le cas, la
Commission nationale de la ngociation collective, au Comit suprieur
de lemploi ou au Conseil national de la formation professionnelle
tout au long de la vie.
Afin dassocier galement les partenaires sociaux llaboration des
propositions de lois, les assembles parlementaires se sont dotes de
protocoles prvoyant des procdures de consultation pralable
similaires. Ainsi, la Confrence des Prsidents de lAssemble
nationale a adopt le 16 fvrier 2010 un protocole (1) organisant la
concertation des partenaires sociaux avant linscription effective
lordre du jour dune proposition de loi, dont le contenu entre dans
le champ de la loi de modernisation du dialogue social.
Aujourdhui, lorsque linscription lordre du jour dune telle
proposition de loi est envisage, le prsident de la commission des
affaires sociales doit en tre inform. Il transmet alors ce texte
aux partenaires sociaux, afin quils lui fassent part, sous quinze
jours, de leurs observations et de leur intention douvrir une
ngociation. Si tel est le cas, il doit leur accorder un dlai
raisonnable pour conduire cette ngociation, lorsque lensemble des
organisations syndicales et demployeurs consultes la demand. Il ny
est pas tenu lorsquelles ne sont pas unanimes.
(1) Protocole relatif la consultation des partenaires sociaux
sur les propositions de loi caractre social
relevant du champ de la ngociation nationale et
interprofessionnelle.
17
2. Un projet de loi constitutionnel pour reconnatre dans notre
loi fondamentale ce rle accru des partenaires sociaux
Depuis sa cration, la procdure de consultation a t mise en uvre
quatorze fois au titre de la loi de modernisation du dialogue
social, et quatre fois sur le fondement du protocole exprimental de
lAssemble nationale. Depuis la Grande confrence sociale, les
partenaires sociaux, comme cela a t dit, ont t invits ouvrir
plusieurs ngociations, relatives aux contrats de gnration et la
scurisation de lemploi, qui ont abouti deux accords nationaux
interprofessionnels, ainsi qu la qualit de vie au travail, une
ngociation toujours en cours.
La mise en uvre de cette procdure apparat donc soutenue. Afin de
consacrer cette reconnaissance du rle essentiel des partenaires
sociaux et de marquer une nouvelle tape dapprofondissement de la
dmocratie sociale, le Gouvernement a dpos, en mars 2013, un projet
de rvision constitutionnelle visant inscrire cette procdure dans
notre loi fondamentale.
II.- UN ACCORD LARGE
Laccord conclu le 11 janvier porte sur lemploi dans sa globalit,
contrairement la plupart des accords nationaux interprofessionnels
conclus au fil des annes, qui sont le plus souvent sectoriels ou
thmatiques. Rares sont les deux autres ngociations portant sur un
spectre aussi large qui ont abouti dans notre histoire sociale.
A. UN DES RARES ACCORDS NATIONAUX INTERPROFESSIONNELS
MULTIDIMENTIONNELS SUR LEMPLOI ET LE MARCH DU TRAVAIL
Laccord national interprofessionnel du 31 dcembre 1958, qui cre
le rgime dassurance chmage et en confie la gestion des instances
paritaires, lUndic et les Assdic, constitue le texte fondateur de
la ngociation interprofessionnelle sur lemploi.
En ralit, les premiers pas du dialogue social interprofessionnel
sur lemploi se matrialisent dans des accords qui portent de manire
isole sur des champs spcifiques, quil sagisse donc du premier
accord dj voqu de 1958, ou encore de la cration de lAssociation
pour lemploi des cadres (APEC) par laccord du 18 novembre 1966 ou
de lindemnisation du chmage partiel par laccord du 23 fvrier
1968.
Les vnements de mai 1968 relancent le dialogue social de manire
plus large : si, en matire de rduction de la dure du travail, ce
sont essentiellement des accords de branche qui aboutissent cette
poque, la ngociation interprofessionnelle dbouche nanmoins, en 1969
et 1970, sur deux accords portant respectivement sur la scurit de
lemploi et la formation et le perfectionnement professionnels :
18
le premier, sign le 10 fvrier 1969, cre des commissions
paritaires de lemploi dans chaque branche, et, dans le cadre du
projet de licenciement collectif, dfinit dune part les modalits de
la consultation du comit dentreprise, et fixe dautre part des
obligations de reclassement ou de rembauche.
le second, sign le 9 juillet 1970, est considr comme fondateur
du systme franais de formation professionnelle continue. Il fonde
la lgitimit des partenaires sociaux rgir le dispositif de formation
continue et cre un droit individuel pour le salari : le cong
individuel de formation. Il prvoit le recours la formation pour les
salaris menacs de licenciement. Il est repris par la loi du 16
juillet 1971 qui prvoit les modalits de financement du systme de
formation professionnelle continue.
Jusquau dbut des annes 1980, le dialogue social est ensuite
clairement marginalis.
Avec lapparition du phnomne de chmage de masse, une nouvelle
srie de ngociations interprofessionnelles et multidimensionnelles
sur lemploi souvre en 1984 linitiative du patronat : elles portent
autant sur les mutations technologiques, la dure et lamnagement du
temps de travail, le temps partiel, les contrats dure dtermine et
le travail temporaire, que sur les procdures de licenciement et la
question des seuils deffectifs. Ces ngociations se soldent, comme
on le sait, par un chec, et conduisent obrer pour plusieurs annes
le dialogue social au niveau interprofessionnel et oprer un retour
de celui-ci au niveau de lentreprise. Une des raisons parfois mise
en avant par certains de cet chec est davoir voulu de faire de la
ngociation une ngociation non fractionnable.
Ce nest quen 1988-1989 que des ngociations interprofessionnelles
sont relances autour de la modernisation des entreprises ; la
recherche dun accord global indivisible est demble abandonne. Au
final, sur les cinq thmatiques soumises la ngociation, quatre
aboutissent : la premire travers laccord national
interprofessionnel du 23 septembre 1988 sur les mutations
technologiques, la deuxime par laccord du 21 mars 1989 sur
lamnagement du temps de travail ; la troisime, relative
lamlioration des conditions de travail, se matrialise dans laccord
du 20 octobre 1989, tandis que la quatrime aboutit laccord du 23
novembre 1989 sur lgalit professionnelle entre les hommes et les
femmes. Seule la ngociation sur la mobilit gographique et
professionnelle choue. Les quatre accords signs se donnent
davantage comme des prconisations adresses aux pouvoirs publics
ainsi que des orientations donnes aux branches pour une ngociation
leur niveau.
De nouvelles ngociations sur lemploi, et notamment lemploi des
jeunes, sont inities en 1995 : comme en 1988, la formule retenu
consiste rechercher des accords formellement distincts dont chacun
couvrirait un champ spcifique. Cette ngociation dbouche sur la
conclusion de quatre accords : un accord sur linsertion
professionnelle des jeunes le 23 juin 1995, qui obtient notamment
des
19
aides financires publiques pour rduire le cot salarial de
lembauche des jeunes ; un accord sur les prretraites contre
lembauche , sign le 6 septembre 1995 et qui initie une politique de
cessations anticipes dactivit ; un accord sur lemploi conclu le 31
octobre 1995, qui porte essentiellement sur un change de
contreparties entre amnagement et rduction du temps de travail ; et
enfin, un accord sign le mme jour qui porte sur larticulation entre
les diffrents niveaux de ngociation et amnage des procdures
drogatoires de ngociation dans les entreprises dpourvues de dlgus
syndicaux.
Une nouvelle vague de ngociation de vaste ampleur sur lemploi
est amorce en 2000-2001 sous la thmatique gnrale de la refondation
sociale . Elle a initialement port sur quatre thmatiques
lapprofondissement de la ngociation collective ; lassurance chmage,
la lutte contre la prcarit et linsertion des jeunes ; la sant au
travail et la prvention des risques ; et enfin, lvolution des
rgimes de retraite complmentaire. Par la suite, quatre thmatiques
complmentaires doivent relayer le premier round de ngociations :
ladaptation de la formation professionnelle ; lgalit
professionnelle ; la place et le rle de lencadrement ; et enfin, la
protection sociale. Sur ces huit sujets, trois font lobjet dun
accord final, qui se matrialise respectivement dans laccord du 14
juin 2000 sur lassurance chmage, laccord sur la sant au travail du
19 dcembre 2000, et laccord sur les retraites complmentaires du 10
fvrier 2001. Sagissant de la formation professionnelle, cest le 20
septembre 2003 que sera sign laccord sur la formation tout au long
de la vie, qui cre le droit individuel la formation (DIF) de vingt
heures par an pour chaque salari ainsi que le contrat de
professionnalisation.
Enfin, le dernier accord national interprofessionnel
multidimensionnel sur lemploi a t sign le 11 janvier 2008 : il
porte sur la modernisation du march du travail . Il comporte de
nombreuses mesures relatives notamment lallongement de la priode
dessai qui est soumise des accords de branche tendus, la gestion
prvisionnelle des emplois et des comptences (GPEC), le dveloppement
de la mobilit professionnelle et gographique, laccs la portabilit
des droits la complmentaire sant et la prvoyance ou encore la
scurisation du portage salarial. Il prvoit galement la cration du
dispositif de la rupture conventionnelle ou encore lexprimentation
du contrat de projet destin des ingnieurs et des cadres (1).
Depuis 1958, le dialogue social avance, on le voit, par -coups,
et selon deux types de modalits :
la premire, qui consiste ngocier sur un ensemble de thmatiques
interdpendantes lies lemploi, dans lobjectif dobtenir un quilibre
final grce des concessions mutuelles portant sur des domaines
diffrents ; cette voie cre les conditions dun dbat sur les enjeux
du march du travail et de lemploi dans (1) Ces dveloppements
reprennent assez largement les analyses de louvrage de Jacques
Freyssinet :
Ngocier lemploi : 50 ans de ngociations interprofessionnelles
sur lemploi et la formation. Centre dtudes de lemploi, Editions
Liaisons, 2010.
20
leur globalit mais sest rvle souvent plus difficile faire
aboutir dans sa totalit, comme le montre lchec de la ngociation de
1984.
la seconde, qui consiste engager une ngociation sur une
thmatique prcise ou, dans le cadre dun dialogue global, sparer les
sujets les uns des autres. Cette voie a lavantage de permettre
daboutir plus facilement un accord, elle a en revanche linconvnient
de morceler le traitement de questions qui sont trs lies.
Laccord national interprofessionnel conclu le 11 janvier 2013
sinscrit dans la continuit des accords relatifs lemploi ambition
multidimensionnelle. Il en constitue ce titre un moment important,
par lampleur des thmatiques dont il traite.
B. LACCORD VU PAR SES SIGNATAIRES
Conclu le 11 janvier 2013 aprs quatre mois de ngociations,
laccord national interprofessionnel pour un nouveau modle conomique
et social au service de la comptitivit des entreprises et de la
scurisation de lemploi et des parcours professionnels des salaris
sarticule autour de cinq grands titres :
la cration de nouveaux droits pour les salaris afin de scuriser
les parcours professionnels ;
le renforcement de linformation des salaris sur les perspectives
et les choix stratgiques de lentreprise pour renforcer la gestion
prvisionnelle des emplois et des comptences ;
les moyens donns aux entreprises pour sadapter aux problmes
conjoncturels et prserver lemploi ;
le dveloppement de lemploi par ladaptation du contrat de travail
lactivit conomique de lentreprise ;
et enfin, la rationalisation des procdures de contentieux
judiciaire.
Le renforcement de la scurit de lemploi passe en effet en
premier lieu par la protection et laccompagnement des salaris dans
leurs parcours professionnels, en particulier des plus fragiles
dentre eux. Il sagit du premier volet de laccord.
De ce point de vue, laccord du 11 janvier vise la consolidation
ou lamlioration de certains outils en faveur des salaris, quil
sagisse de la portabilit des droits la couverture complmentaire et
la couverture prvoyance pour les anciens salaris (article 2) ou
encore de celle des droits la formation (article 5), mais galement
du dveloppement de la prparation oprationnelle lemploi (POE). Il
instaure galement des rgles entirement nouvelles, comme le principe
de la majoration des cotisations dassurance chmage sur les
contrats
21
courts (article 4), la gnralisation de la couverture
complmentaire sant lensemble des salaris (article 1er) ou encore
linstauration dun droit une mobilit externe scurise pour les
salaris. Il modifie les rgles en vigueur pour mieux couvrir les
demandeurs demploi, par la cration des droits rechargeables
lassurance chmage (article 3). Enfin, de nouvelles rgles sont fixes
pour encadrer le travail temps partiel (article 11).
On le voit, si certains de ces droits sont exclusivement destins
aux salaris, tels la mobilit volontaire scurise, certaines
dispositions sadressent aussi aux demandeurs demploi, travers la
portabilit des droits la protection sociale mais surtout par le
biais des droits rechargeables lassurance chmage et parfois aussi,
aux ayant-droits de salaris comme la couverture complmentaire sant.
Le compte personnel de formation est quant lui entirement
transversal, puisquil a vocation sadresser tout primo-entrant sur
le march du travail et laccompagner jusqu son dpart la retraite.
Deux mesures lencadrement du temps partiel et la surcotisation
dassurance chmage sur les contrats dure dtermine (CDD) sadressent
enfin spcifiquement aux salaris les plus vulnrables, ceux qui
enchanent les contrats courts dune part, et les salaris en
sous-emploi, autrement dit, temps partiel subi , dautre part.
Le deuxime volet de laccord souhaite favoriser lanticipation et
le partage de linformation au sein des entreprises. Larticle 12 de
laccord instaure cet effet une information et une consultation
permanentes, au fil de leau, des institutions reprsentatives du
personnel, travers la mise en place dune base de donnes unique qui
doit constituer le socle du partage dinformation au sein de
lentreprise. Ce renforcement de linformation et de la capacit des
salaris intervenir sur la stratgie de lentreprise passe galement
par la mise en place dun mcanisme de reprsentation des salaris au
conseil dadministration dans les entreprises de plus de 5 000
salaris (article 13). Larticle 14 de laccord propose galement de
mieux articuler la ngociation sur la gestion prvisionnelle des
emplois et des comptences (GPEC) avec le plan de formation de
lentreprise. Parce quelle doit tre articule avec cette gestion
anticipe, laccord place galement sous ce chapitre le volet relatif
la ngociation sur lorganisation de la mobilit interne lentreprise
(article 15). Afin de tenir compte de la situation particulire des
petites entreprises, il entend galement leur donner un dlai lorsque
celle-ci franchissent un seuil deffectifs pour rpondre leurs
obligations sagissant de la mise en place des institutions
reprsentatives du personnel en leur sein (article 17).
Le troisime volet entend renforcer la capacit des entreprises
sadapter aux volutions conjoncturelles, afin de prserver lactivit
et lemploi. De ce point de vue, trois mesures sont actes : la
possibilit de ngocier des accords transitoires de maintien de
lemploi dans les entreprises confrontes de graves difficults
conjoncturelles (article 18) ; la refonte du dispositif de chmage
partiel pour amliorer son efficacit et faciliter son recours par
les entreprises en difficult (article 19) ; et enfin, la refonte de
la procdure de licenciement collectif pour motif conomique (article
20).
22
Le quatrime volet de laccord recouvre une unique mesure
dadaptation de la forme du contrat de travail aux caractristiques
de lactivit conomique, par le biais de lexprimentation du recours
direct, dans certains secteurs dactivit, au contrat de travail
intermittent, aujourdhui conditionn son encadrement par un accord
collectif.
Enfin, le cinquime et dernier volet de laccord traite des
procdures de contentieux judiciaire : pour ce faire, larticle 23
prvoit que le critre de la comptence professionnelle est
expressment prvu comme tant un critre privilgi de fixation de
lordre des licenciements, conformment la jurisprudence. Larticle 25
porte sur la procdure de conciliation prudhomale, par la fixation
dun barme dindemnisation de rfrence. Enfin, larticle 26 de laccord
rduit les dlais de prescription en matire de contestation relative
lexcution ou la rupture du contrat de travail.
Laccord du 11 janvier prend ainsi le parti du renvoi dautres
ngociations, sur deux plans.
En premier lieu, certaines mesures dont le principe est pos sont
renvoyes pour leur application des ngociations ultrieures. Ainsi de
la gnralisation de la couverture complmentaire sant, qui sera
principalement mise en uvre par accords collectifs de branche ou,
subsidiairement, par accords dentreprise ; ou encore de la mise en
place des droits rechargeables lassurance chmage ou de la
majoration des cotisations chmage sur les contrats courts, qui ont
vocation tre instaurs dans le cadre de la rengociation de la
convention dassurance chmage qui doit avoir lieu au seconde
semestre 2013.
La cration dun compte personnel de formation est quant elle
renvoye non pas une ngociation ultrieure, mais une concertation
entre les partenaires sociaux, ltat, lensemble des acteurs dans le
champ de la formation, mais galement les rgions, qui ont vocation
intervenir largement dans ce dispositif. cet gard, deux rformes
lgislatives doivent intervenir pour pouvoir amnager un tel compte
personnel de formation : la rforme de la dcentralisation dune part,
la rforme de la formation professionnelle dautre part.
La ngociation est galement privilgie au cur mme des mesures
souhaites par laccord du 11 janvier. Ainsi, face au constat de
grandes difficults conomiques dans une entreprise, cest la voie de
la ngociation qui est recherche pour maintenir les emplois, et
permettre aux entreprises de passer un cap difficile sans recourir
des licenciements. Ainsi encore, cest le rle essentiel de la
ngociation dentreprise qui est raffirm pour organiser la mobilit
interne lentreprise. Afin de permettre un meilleur encadrement du
temps partiel, cest encore la ngociation, de branche cette fois,
qui est privilgie pour adapter les nouvelles rgles, en particulier
la mise en place dune dure minimale hebdomadaire de travail de
vingt-quatre heures. Enfin, et cest sans doute lune des grandes
innovations de cet accord, la voie de la ngociation sera dsormais
galement recherche dans le cadre de la mise en place dun plan de
sauvegarde
23
de lemploi. Les salaris se voient aujourdhui imposer un plan de
licenciement collectif sans disposer dautre pouvoir que celui de
linformation et de la consultation des institutions reprsentatives
du personnel : la dmarche promue par laccord du 11 janvier est
inverse, puisquelle souhaite donner un rle aux salaris, travers
leurs reprsentants, dans la mise en place dun plan de sauvegarde de
lemploi, celui-ci pouvant mme faire lobjet dun accord ventuel avec
les syndicats reprsentatifs dans lentreprise.
C. LE PRSENT PROJET DE LOI
Le gouvernement souligne, dans lexpos des motifs, avoir associ
pleinement toutes les organisations la prparation du projet de loi,
dans un double esprit : loyaut envers laccord et les signataires ;
transparence et coute vis--vis de tous. .
Il prcise que le projet de loi sur tous les points o laccord
tait ambigu, imprcis ou incomplet, voire comportait des
contradictions, a retenu des options claires. Le gouvernement a opr
des choix, en coutant les partenaires sociaux bien sr, mais en
labsence de convergence, en retenant loption qui lui a paru la plus
juste, la plus efficace au regard des objectifs du projet de loi
scuriser lemploi et les parcours professionnels et la plus conforme
lintrt gnral. .
Cest ainsi en effet que votre rapporteur considre que des
amliorations dcisives ont t apportes.
La plus importante porte sur le nouveau rle de ltat travers
lhomologation. Lespoir de certains tait sans doute den faire une
simple formalit administrative. La ralit du projet de loi est tout
autre, et rejoint le souhait des organisations de salaris,
signataires comme non signataires.
Comme cela a t dit, le projet de loi donne ltat des pouvoirs trs
importants qui lui permettront de peser de manire dcisive pour
viter tous les licenciements qui pourront ltre et exiger des
entreprises des efforts proportionns aux moyens dont dispose le
groupe auquel elles appartiennent le cas chant. En renfonant le rle
de ltat travers lhomologation, on renforce aussi celui des
syndicats dans les ngociations de plan sociaux. Ltat intervenant
dfaut daccord, les pouvoirs qui lui sont donns seront de fait aussi
dans les mains des organisations de salaris. Concrtement, par ce
choix essentiel qui est fait et sur ce point laccord ne disait rien
, lemployeur devra rechercher soit laccord majoritaire des salaris,
soit de ladministration, sur son plan de sauvegarde de lemploi.
Le projet de loi renforce aussi les protections des salaris en
cas dapplication qui leur serait faite dun accord dentreprise
portant sur la mobilit : le projet de loi prvoit quils bnficieront
de toutes les protections lies au motif conomique, alors que le
motif personnel avait t retenu par laccord. Ce choix
24
sappuie sur la volont de conformer notre droit national la
directive 158 de lOrganisation internationale du travail (OIT),
mais correspond aussi une demande qui avait t faite avec insistance
par les organisations syndicales de salaris non signataires de
laccord.
On pourrait citer galement de nombreuses autres amliorations,
qui lvent autant dinquitudes souleves par certains la lecture de
laccord : le maintien de la possibilit de dsigner des organismes de
branches pour assurer la couverture complmentaire sant des salaris
et sa gnralisation effective toutes les entreprises mme les plus
petites, un champ large retenu pour les entreprises devant ouvrir
leur conseil dadministration des administrateurs salaris et des
modes dlections qui permettent soit aux organisations syndicales
soit au dlgus du personnel de prsenter leurs candidats, des
exceptions la rduction des dlais de prescription des cas o cela
pourrait porter prjudice aux salaris (harclement, dommages
corporels).
Votre rapporteur souhaite que les dbats parlementaires
sinscrivent dans un mme esprit et permettent de nouvelles avances
dcisives.
Du point de vue de sa structure, le projet de loi suit le
cheminement de laccord. Ainsi, le projet de loi sarticule autour de
quatre chapitres au lieu des cinq titres de laccord.
Le premier regroupe lensemble des nouveaux droits crs au bnfice
des salaris, avec les droits individuels gnralisation de la
couverture complmentaire sant et extension de la portabilit des
droits (article 1er), compte personnel de formation et conseil en
volution professionnelle (article 2), et mobilit externe scurise
(article 3) , les droits collectifs dautre part, avec lamlioration
de linformation et des procdure de consultation des institutions
reprsentatives du personnel (article 4) et la reprsentation des
salaris dans les conseils dadministration (article 5).
Contrairement laccord, ces deux dernires dispositions figurent donc
dans la partie relative aux nouveaux droits consentis aux
salaris.
Le deuxime chapitre regroupe les mesures de lutte contre la
prcarit de lemploi et dans laccs lemploi, travers les dispositifs
de droits rechargeables lassurance chmage (article 6), la
majoration des cotisations dassurance chmage sur les contrats
courts (article 7) et lencadrement du temps partiel (article 8).
Ces trois mesures figuraient dans laccord au rang des nouveaux
droits : leur regroupement au sein dun chapitre spcifique apparat
nanmoins tout fait justifi.
Le troisime chapitre vise favoriser lanticipation ngocie des
mutations conomiques, pour dvelopper les comptences, maintenir
lemploi et encadrer les licenciements conomiques.
Les deux dispositions autour de la gestion prvisionnelle des
emplois et des comptences (GPEC) sont runies au sein de la premire
section : la recherche
25
dune meilleure articulation de la GPEC avec une srie dautres
ngociations ou actions menes dans lentreprise dune part (article
9), la ngociation organisant la mobilit interne lentreprise dautre
part (article 10). On notera que laccord a plac ces deux outils
dans le chapitre consacr linformation des salaris.
La deuxime section renforce les dispositifs de maintien de
lemploi dans lentreprise en cas de difficult conomique
conjoncturelle : elle recouvre le nouveau rgime dactivit partielle
(article 11) ainsi que les accords de maintien de lemploi (article
12).
Enfin, la troisime section recouvre la refonte des procdures de
licenciements conomiques collectifs (article 13), la cration dune
obligation de recherche dun repreneur lors de la fermeture dun
tablissement (article 14), lordre des licenciements et lallongement
du cong de reclassement (article 15).
Le dernier chapitre du projet de loi regroupe lensemble des
autres dispositions donnant lieu transposition lgislative, quil
sagisse de la procdure de conciliation prudhomale (article 16), des
dlais accords aux entreprises en cas de franchissement des seuils
(article 17) et enfin, de lexprimentation du recours direct au
contrat de travail intermittent (article 18), qui figurait de
manire isole dans un titre de laccord.
Enfin, larticle 19 habilite le Gouvernement procder par
ordonnance pour rendre le texte applicable Mayotte.
Certaines mesures, on la dit, nont pas ncessit de traduction
lgislative. En particulier :
la mise en uvre de larticle 6 de laccord du 11 janvier, qui
prvoit lassouplissement des conditions daccs des salaris de moins
de 30 ans en contrat dure dtermine (CDD) au cong individuel de
formation (CIF), passe par la modification des dispositions
rglementaires affrentes. Larticle R. 6322-20 du code du travail
rserve en effet le cong individuel une anciennet de vingt-quatre
mois au cours des cinq dernires annes, dont quatre mois en CDD au
cours des douze derniers mois. Un dcret ne maintiendra que la seule
deuxime condition pour les publics concerns.
larticle 9 de laccord souhaite donner un rle dinitiative aux
organismes paritaires collecteurs agrs (OPCA) ayant conclu une
convention avec Ple emploi dans le cadre du dispositif de la
prparation oprationnelle lemploi (POE) : il sagit de leur permettre
de proposer aux entreprises qui ont des offres demploi disponibles
dutiliser ce dispositif daccompagnement des demandeurs demploi. Les
modalits de mise en uvre seront ngocies entre les organismes
collecteurs et Ple emploi.
Les mesures damlioration de laccs au logement des primo-entrants
sur le march du travail, des salaris en contrat court et des
salaris en mobilit professionnelle, prvue par larticle 10, passe
par la mobilisation dune partie des
26
fonds dAction Logement. Si ces mesures dordre strictement
financier nont logiquement pas de traduction lgislative, il
pourrait nanmoins tre utile de prciser que ces trois catgories de
publics prioritaires sont galement prises en compte comme tant
prioritaires par les commissions dinformation et daide au logement
des salaris des comits dentreprise, ces commissions jouant en effet
un rle pour faciliter laccs au logement, la proprit et la location
des salaris.
Enfin, larticle 24 de laccord prvoit lventuelle mise en place
dun groupe de travail sur la scurit juridique des relations de
travail : daprs laccord, il sagit de rpondre linscurit juridique
constate lorsque des irrgularits de forme sont assimiles des
irrgularits de fond . Les partenaires sociaux conviennent que leurs
futurs travaux sur cette question sappuieront sur le concours des
pouvoirs publics. Aucune disposition de mise en uvre na donc lieu
dtre prvue ce sujet.
27
TRAVAUX DE LA COMMISSION
EXAMEN DES ARTICLES
La Commission des affaires sociales examine, sur le rapport de
M. Jean-Marc Germain, le prsent projet de loi, au cours de ses
sances des mardi 26 et mercredi 27 mars 2013.
Article 1er
(art. L. 911-7, L. 911-8 et L. 912-1 du code de la scurit
sociale ; loi n 89-1009 du 31 dcembre 1989)
Gnralisation de la couverture complmentaire collective sant pour
les salaris et amlioration de la portabilit des couvertures sant
et
prvoyance des demandeurs demploi
Conformment larticle 1er de laccord du 11 janvier, le prsent
article prvoit la gnralisation de la couverture complmentaire
collective sant pour lensemble des salaris, lamlioration de la
portabilit des couvertures sant et prvoyance des demandeurs
demploi, ainsi que lobligation des branches professionnelles
dengager une ngociation destine mettre en place une couverture
prvoyance . La gnralisation de la couverture complmentaire sant
collective doit intervenir au 1er janvier 2016 : cette date,
lensemble des salaris devront tre couverts.
Le projet de loi privilgie la conclusion daccords de branche, en
crant pour les branches professionnelles une obligation douvrir des
ngociations ce titre avant le 1er juin 2013. Ce nest que de manire
subsidiaire, en labsence daccords de branche, que les entreprises
non couvertes prendront le relais en ngociant leur niveau, entre le
1er juillet 2014 et le 1er janvier 2016. dfaut, cette date, les
entreprises devront faire bnficier, de manire unilatrale, leurs
salaris dune couverture complmentaire sant minimale.
Paralllement, et conformment toujours aux souhaits des
partenaires sociaux, le prsent article propose de gnraliser
lensemble des salaris et dtendre de neuf douze mois le mcanisme de
portabilit des droits aux couvertures sant et prvoyance des salaris
licencis.
Les enjeux dune telle gnralisation de la couverture
complmentaire sant sont importants. Les objectifs poursuivis sont
en effet ceux de laccs de tous les salaris une couverture
complmentaire, mais galement dun meilleur accs et dun accs facilit
une telle couverture. Le choix dune couverture collective
obligatoire emportera des consquences en termes de rpartition de la
couverture entre lassurance individuelle et lassurance collective.
Une telle mesure comporte galement un cot, important, puisquun
certain nombre davantage fiscaux et sociaux sont aujourdhui attachs
aux contrats collectifs
28
obligatoires, alors quils ne bnficient pas aux garanties
souscrites dans le cadre de lassurance complmentaire
individuelle.
A. LA COUVERTURE COMPLMENTAIRE SANT DENTREPRISE : TAT DES LIEUX
ET ENJEUX DE LA GNRALISATION
1. La situation actuelle de la couverture complmentaire sant
Daprs les comptes nationaux de la sant, en 2010, 77 % de la
dpense de soins et de biens mdicaux taient pris en charge par
lassurance maladie obligatoire et 14 % de cette dpense taient pris
en charge par une complmentaire sant. Cette mme anne, plus de 95 %
de la population franaise bnficiait dune couverture complmentaire
sant, alors quau dbut des annes 1980, seulement deux tiers des
Franais disposaient dune telle couverture.
La part respective de lindividuel et du collectif
Parmi les plus de 95 % de Franais couverts par une complmentaire
sant, 56 % sont en 2009 couverts par une complmentaire individuelle
et 44 % par une complmentaire collective (1).
Sagissant des seuls salaris, 2,3 % dentre eux ne sont
actuellement couverts par aucune complmentaire sant, soit de lordre
de 400 000 salaris, sur un total de 18 millions de salaris. Le
tableau suivant rcapitule la situation des seuls salaris au regard
de leur couverture complmentaire sant.
Nombre de salaris
Pourcentage du total des salaris
Salaris non couverts par une complmentaire sant 414 000 2,3
Salaris couverts par une complmentaire individuelle 3 250 043
18,1
Salaris couverts par la complmentaire de leur conjoint
fonctionnaire 664 063 3,7
Salaris couverts par une complmentaire collective dentreprise 13
206 600 75,9
en tant quassur 11 757 828 65,3
en tant quayant droit 1 914 065 10,6
Total des salaris 18 000 000 100
Source : Direction de la scurit sociale.
(1) Direction de la recherche, des tudes, de lvaluation et des
statistiques (DREES), tudes et rsultats
n 789 : Les contrats les plus souscrits auprs des complmentaires
sant en 2009 , fvrier 2012.
29
Les caractristiques de la couverture complmentaire collective
obligatoire
La couverture complmentaire sant collective dentreprise
couvrirait au total 25 millions de personnes en tenant compte de
lensemble des ayants droit, y compris donc les conjoints et les
enfants. Si, historiquement, les garanties collectives de frais de
soins de sant relevaient trs majoritairement des accords
dentreprise, alors que les conventions collectives nationales de
branches professionnelles instituaient essentiellement des rgimes
de prvoyance lourde (dcs, incapacit de travail, invalidit), un
relatif renversement de tendance a pu tre observ depuis 2003-2004,
la faveur :
de la loi Fillon du 21 aot 2003 qui a rserv le bnfice des
exonrations de charges aux complmentaires sant collectives
obligatoires ;
et de la loi du 13 aot 2004 portant rforme de lassurance maladie
surtout, qui a conditionn ces exonrations aux contrats dits
responsables (cf. supra).
En 2009, 44 % des tablissements franais dclarent proposer une
complmentaire sant tout ou partie de leurs salaris (1) : cest le
cas de 93 % des entreprises de plus de 250 salaris, de 79 % des
entreprises entre 50 et 250 salaris, de 49 % des entreprises de 10
50 salaris et de seulement 33 % des TPE de moins de 10 salaris.
Parmi les 56 % dentreprises qui ne proposent pas de couverture
complmentaire sant leurs salaris, 28 % invoquent la trop petite
taille de la structure pour lassumer. Le principal critre de choix
du contrat est le bon rapport qualit / prix (31 %) ; pour 15 % des
entreprises, le contrat est impos par la convention collective ou
laccord de branche, tandis que 15 % choisissent leur organisme
parce quil est le mme que celui qui couvre la prvoyance. Sil na pas
t possible didentifier lorganisme gestionnaire pour lensemble des
entreprises, lorsque cela a t possible, il savre que 51 % des
entreprises ont opt pour une mutuelle, 25 % pour une institution de
prvoyance et 24 % pour une socit dassurance.
En 2009 toujours, prs des trois quarts (72 %) des entreprises
proposant une complmentaire sant leurs salaris le font sur la base
dun accord dtablissement ou dentreprise, contre 20 % seulement sur
la base dun accord de branche ou de la convention collective qui
leur est applicable (2).
Sagissant des accords de branches, daprs ltude dimpact associe
au prsent projet de loi, seules 34 des 145 plus grandes branches en
termes deffectifs
(1) Les donnes dtailles ci-aprs sont issues dun rapport de
linstitut de recherche et documentation en
conomie de la sant (IRDES), n 1890 : Lenqute Protection sociale
complmentaire dentreprise 2009 , juillet 2012.
(2) IRDES, rapport n 1890.
30
proposent une couverture complmentaire sant leurs salaris. Au
total, 64 branches (sur un total denviron 240) proposent une
couverture complmentaire sant aux salaris de leurs secteurs, soit
de lordre de 3,5 millions de salaris. Seuls 5 % de ces rgimes de
branche couvrent les seuls cadres, les 95 % restants couvrant
lensemble des salaris.
En moyenne, parmi les 34 branches professionnelles qui comptent
plus de 10 000 salaris et qui ont mis en place un rgime de prise en
charge complmentaire des frais de sant, la cotisation totale slve
en moyenne 443 euros par an, soit 37 euros par mois. Dans 80 % de
ces branches, lemployeur assume la charge de plus de la moiti du
financement de la couverture.
La couverture collective dentreprise est aujourdhui
inquitablement rpartie entre les salaris : en effet, seuls 58 % des
ouvriers non qualifis et 53 % des employs du commerce sont couverts
par un contrat collectif, contre 76 % des cadres. Daprs ltude
dimpact associe au prsent projet de loi, la couverture des salaris
temps partiel est galement plus faible que celle des salaris temps
complet, respectivement 51 % et 68 %, et celle des salaris en
contrat dure dtermine est plus faible que celle des salaris en
contrat en dure indtermine, respectivement 25 % contre 66 %.
Le cas des PME/TPE
Pourquoi privilgier des accords de branche ? En particulier pour
assurer une meilleure couverture complmentaire des TPE/PME, la
couverture complmentaire sant collective ngocie au niveau de
lentreprise tant souvent pointe du doigt comme tant lapanage des
grandes ou trs grandes entreprises, en raison des cots dadhsion et
des tarifs potentiellement plus levs auxquels sexposent les petites
entreprises.
Certaines des branches couvertes par un accord instituant un
rgime de complmentaire sant recouvrent des secteurs composs de trs
petites structures de type commerce ou artisanat et o les salaires
moyens pratiqus sont modestes : cest le cas de la boulangerie
artisanale, de la coiffure, de la poissonnerie, de la pharmacie
dofficine, de la charcuterie de dtail, des fleuristes ou encore du
secteur des htels, cafs et restaurants, ce dernier secteur comptant
500 000 salaris.
Daprs une tude ralise en juillet 2012 par le Crdoc sur
lquipement des TPE/PME en complmentaire sant (1), 74 % des
entreprises de moins de 250 salaris ont mis en place une couverture
complmentaire sant en leur sein, qui dans huit cas sur dix, est
obligatoire. Dans 80 % des TPE/PME concernes, elle couvre tous les
salaris, cadres comme non cadres et dans 90 % dentre elles, elle
stend aux ayants droit (conjoint, famille), sans surcot dans la
moiti des cas. Au total, 94 % des entreprises qui ont mis en place
une telle couverture participent son financement, hauteur en
moyenne de 53 % de son cot total. Enfin, dans six cas sur dix, la
couverture complmentaire sant est mise en place par dcision prise
au sein de lentreprise et non par obligation conventionnelle.
(1) Cette tude a port sur 900 entreprises de moins de 250
salaris.
31
Daprs les donnes de la DREES, en 2009, 41,4 % des bnficiaires
dun contrat collectif taient couverts par une institution de
prvoyance, 38,5 % par une mutuelle et 20,2 % par une socit
dassurance.
Parmi les 64 branches qui proposent aujourdhui une couverture
complmentaire sant leurs salaris, on estime 80 % le nombre dentre
elles qui ont dfini des garanties sur le fondement dune clause de
prescription de lorganisme assureur. Dans un cas sur quatre, cette
clause de prescription serait assortie dune clause de migration.
Parmi les branches couvertes par un accord comportant une clause de
prescription figurent : la coiffure, les poissonniers-dtaillants,
les intermittents, lhabillement, les htels-cafs-restaurants,
notamment. Ce sont donc souvent des branches qui couvrent de
petites, voire trs petites entreprises, avec des salaris
globalement faiblement rmunrs.
2. Le cadre juridique
La protection sociale complmentaire en entreprise recouvre
aujourdhui deux volets : la prvoyance et la retraite. Les garanties
complmentaire sant relvent de la premire catgorie : larticle L.
911-2 du code de la scurit sociale dfinit en effet les garanties
collectives complmentaires des salaris comme incluant les risques
portant atteinte lintgrit physique de la personne ou lis la
maternit .
Les couvertures complmentaires sant collectives sont soumises
aux rgles gnrales applicables en matire de protection sociale
complmentaire, figurant aux articles L. 911-1 L. 914-4 du code de
la scurit sociale, aux dispositions du code du travail sagissant de
la ngociation collective et des accords collectifs qui les
encadrent, ainsi quaux dispositions spcifiques aux oprations de
prvoyance prvues par la loi n 89-1009 du 31 dcembre 1989 renforant
les garanties offertes aux personnes assures contre certains
risques.
Conformment lensemble des autres garanties collectives
complmentaires (garantie dcs, incapacit de travail, invalidit ou
retraite), aux termes de larticle L. 911-1, une couverture
complmentaire sant collective est institue soit par voie de
convention ou daccord collectif, soit par la ratification la
majorit des salaris intresss dun projet daccord propos par le chef
dentreprise, soit enfin, par dcision unilatrale de lemployeur
remise par crit chacun des salaris intresss. Toutefois, dans ce
dernier cas, larticle 11 de la loi du 31 dcembre 1989 prvoit
expressment la possibilit pour le salari dj prsent dans lentreprise
de refuser dadhrer au systme de prvoyance mis en place par
lemployeur.
Une couverture complmentaire sant collective peut donc tre
facultative pour lentreprise, mais elle peut galement lui tre
impose par une convention ou un accord collectif
interprofessionnel, de branche ou professionnel.
32
En cas de rgime simposant obligatoirement lentreprise,
lemployeur est responsable de la bonne excution de son
obligation.
Ainsi, des accords de branche par exemple peuvent tre conclus
qui vont simposer aux entreprises en relevant. Mais plusieurs cas
de figure coexistent :
laccord peut se borner fixer un niveau de financement consacrer
des garanties librement choisies par lentreprise ;
laccord peut dfinir des garanties en laissant lentreprise le
choix des moyens.
laccord peut galement mettre en place un vritable rgime, en
fixant prestations et cotisations et en dsignant un organisme
assureur charg de mutualiser les risques pour lensemble des
entreprises de la branche professionnelle.
Un accord de branche ou professionnel instaurant une
mutualisation des risques sapplique obligatoirement lentreprise qui
en relve, celle-ci se contentant dadhrer lorganisme quil dsigne
(article L. 912-1). Conformment larticle L. 2253-3 du code du
travail qui renvoie cette disposition spcifique du code de la
scurit sociale, la convention ou laccord dentreprise ou
dtablissement ne peut pas droger aux garanties collectives prvues
par une convention de branche ou un accord professionnel ou
interprofessionnel instaurant une mutualisation des risques. Qui
plus est, lorsquune convention de branche ou un accord
professionnel ou interprofessionnel prvoyant une mutualisation des
risques et organisant la couverture auprs dun ou plusieurs
organismes assureurs vient sappliquer une entreprise dj couverte
par un contrat avec un organisme assureur diffrent pour garantir
les mmes risques un niveau quivalent, celle-ci doit adapter son
systme en consquence (article L. 912-1 du code de la scurit sociale
qui lui-mme renvoie larticle L. 2253-2 du code du travail), ce qui
lui impose de changer dorganisme assureur, comme en a jug la Cour
de cassation en octobre 2007.
En tout tat de cause, lacte juridique qui institue la protection
complmentaire sant dans lentreprise, quil sagisse dun accord
(dentreprise, professionnel, de branche ou interprofessionnel), dun
accord ratifi ou dune dcision unilatrale de lemployeur , dfinit les
garanties accordes et les modalits de financement et de gestion du
rgime.
Lorsquil comporte une clause de prescription du ou des
organismes assureurs garantissant la couverture des risques, il
doit galement inclure une clause de rexamen du choix du ou des
organismes dsigns, ainsi que des modalits dorganisation de la
mutualisation des risques lorsquil sagit dun accord de branche ou
interprofessionnel. La priodicit de ce rexamen ne peut excder cinq
ans (articles L. 912-1 et L. 912-2) (1).
(1) On notera galement quaucune discrimination fonde sur le sexe
ne peut figurer dans cet acte juridique
fondateur peine de nullit, cette interdiction ne faisant
toutefois pas obstacle aux dispositions relatives la protection de
la femme au titre de la maternit (article L. 913-1).
33
En outre, le comit dentreprise est obligatoirement inform et
consult pralablement la mise en place dans lentreprise dun rgime de
protection sociale complmentaire ou la modification de ce
dernier.
Aux termes de larticle 1er de la loi de 1989 prcit prcite, la
gestion dune complmentaire sant collective est confie lun des trois
types dorganismes habilits : socits dassurance, institutions de
prvoyance ou mutuelles. Les premires sont rgies par le code des
assurances, les deuximes par le code de la scurit sociale et les
troisimes par le code de la mutualit.
3. Les avantages fiscaux et sociaux attachs aux contrats
collectifs
Lensemble des avantages fiscaux et sociaux attachs aux contrats
collectifs complmentaires sant sont conditionns leur caractre
obligatoire (1) et leur conformit la dfinition des contrats dits
responsables .
En effet, depuis la loi portant rforme de lassurance maladie
daot 2004, les contrats complmentaires sant doivent, pour bnficier
de lexonration fiscale et sociale, respecter un certain nombre
dobligations et dinterdictions de prise en charge. Il sagit de la
condition de ce que lon appelle dsormais communment les contrats
responsables et solidaires .
Les contrats responsables
Larticle L. 871-1 du code de la scurit sociale rserve le bnfice
de lexemption de lassiette des cotisations sociales aux contrats
qui :
ne prennent pas en charge la participation forfaitaire de 1 euro
sur les consultations, les actes mdicaux et les actes de biologie
mdicale, pas plus que la franchise annuelle de 0,5 euro par bote de
mdicaments, 0,5 euro par acte paramdical pratiqu hors de lhpital et
2 euros par recours au transport sanitaire, sauf transport durgence
;
excluent la prise en charge de la majoration de participation
des assurs en cas de non-respect du parcours de soins, et qui est
gale 20 % du ticket modrateur dans la limite de 5 euros par acte
pour les actes suprieurs 25 euros, ainsi que les dpassements
dhonoraires sur les actes cliniques et techniques des spcialistes
consults hors parcours de soins hauteur au moins du montant du
dpassement autoris sur les actes cliniques ;
prennent en charge au moins 30 % du tarif opposable des
consultations du mdecin traitant, au moins 30 % des mdicaments
vignette blanche (rembourss 65 % par lassurance maladie
obligatoire), au moins 35 % du tarif de base de lassurance maladie
obligatoire pour les frais danalyses ou de laboratoire, ainsi que
100 % du ticket modrateur dau moins deux prestations de prvention
choisir sur la liste tablie par le ministre charg de la sant.
(1) Le bnfice de lexemption de lassiette des contributions
patronales est rserv, depuis lentre en vigueur
de la loi du 21 aot 2003 portant rforme des retraites, aux
rgimes de protection sociale complmentaire caractre collectif
(bnficiant lensemble des salaris ou une partie dentre eux) et
obligatoire .
34
Pour lentreprise et pour les salaris :
Sagissant de lemployeur :
les rgles gnrales applicables la dductibilit de certaines
charges du bnfice imposable permettent aux entreprises de dduire
lensemble des cotisations ou primes (contribution salariale et
patronale) verses aux rgimes de prvoyance complmentaire de leur
rsultat imposable.
aux termes de larticle L. 242-1 du code de la scurit sociale,
les seules contributions des employeurs sont exemptes de lassiette
des cotisations sociales dans la limite de 6 % du plafond annuel,
soit 2 221,92 euros en 2013, et de 1,5 % de la rmunration soumise
cotisations, le bnfice total ne pouvant excder 12 % du plafond,
soit 4 443,84 euros en 2013. Daprs les donnes fournies par lannexe
5 au projet de loi de financement de la scurit sociale pour 2013,
lassiette exempte en 2011 reprsente 12,7 milliards deuros au titre
de la prvoyance complmentaire.
Nanmoins, depuis le 1er janvier 2012, les contributions
patronales aux rgimes de prvoyance complmentaire sont soumises au
forfait social, hauteur de 8 % pour la part exonre de cotisations
sociales, sauf lorsquelles sont verses au bnfice de salaris,
anciens salaris de leurs ayants droit par des employeurs de moins
de 10 salaris.
Le bnfice de lexemption de lassiette des cotisations sociales
est rserv, depuis lentre en vigueur de la loi du 21 aot 20003
portant rforme des retraites, aux rgimes de protection sociale
complmentaire caractre collectif et obligatoire .
Sagissant du salari, aux termes du 4 du II de larticle 156 du
code gnral des impts, lensemble des cotisations (incluant les
versements de lemployeur) verses dans le cadre dun rgime de
prvoyance obligatoire sont admises en dduction pour ltablissement
de lassiette de limpt sur le revenu, dans la limite de 7 % du
plafond annuel de la scurit sociale, soit 2 592,24 euros en 2013 et
3 % de la rmunration annuelle brute, sans que le total ne puisse
excder 3 % de huit fois le plafond, soit un montant maximal
dductible de 8 887,68 euros en 2013. (Cet avantage ne sapplique pas
aux contrats facultatifs, sauf pour le cas du maintien, pour neuf
mois, des garanties au profit des anciens salaris au chmage).
Pour les organismes gestionnaires :
Pour la gestion de leur protection sociale complmentaire, les
entreprises doivent sadresser lun des trois types dorganismes
habilits sur ce march : socits dassurance, institutions de
prvoyance ou mutuelles. Lorsquil sagit de contrats souscrits auprs
dune socit dassurance, on parle de contrats dassurance de groupe,
qui sont, aux termes du 1 de larticle 998 du code gnral des impts,
exonrs de la taxe spciale sur les conventions dassurances,
35
condition que moins de 20 % de la prime ou de la cotisation
globale soit affecte au remboursement de soins de sant (ce qui ne
concerne donc thoriquement pas les contrats complmentaire sant
).
En outre, les contrats dassurance maladie complmentaires
collectifs et obligatoires sont soumis la taxe sur les conventions
dassurances au taux de 7 % depuis le 1er octobre 2011 (contre 3,5 %
auparavant) la condition que les cotisations ou les primes ne
soient pas fixes en fonction de ltat de sant de lassur et que ces
garanties respectent les conditions mentionnes larticle L. 871-1 du
code de la scurit sociale dj cit.
On notera que les cotisations dassurance maladie complmentaire
sont galement soumises une taxe de solidarit additionnelle de 6,27
% au profit du Fonds pour le financement de la couverture maladie
universelle complmentaire (Fonds CMU).
* * *
Dans son rapport annuel sur la scurit sociale de 2011, la Cour
des comptes estimait entre 1,6 et 1,75 milliard deuros la perte de
recettes pour la scurit sociale lie lexemption de lassiette des
cotisations des primes verses au titre des contrats collectifs
obligatoires, et entre 575 et 661 millions deuros la dpense fiscale
rsultant de lexemption de lassiette de limpt sur le revenu de la
cotisation pour les salaris. Elle na pas chiffr le cot rsultant de
la dductibilit du rsultat imposable de la cotisation verse par
lemployeur, celle-ci pouvant tre considre comme une modalit de
calcul de limpt. Au total, ce sont donc entre 2,18 et 2,41
milliards deuros de pertes de recettes fiscales et sociales qui
sont gnres par ce dispositif dexonrations. Ces montants sont mme
ports entre 2,9 et 4 milliards deuros en tenant compte des
exonrations de contributions sociales dont bnficient par ailleurs
ces contrats (au titre par exemple, de la retraite complmentaire et
de lassurance chmage), si lon neutralise donc toujours la dpense
fiscale au titre du bnfice imposable de lentreprise.
4. Les enjeux de la gnralisation de la couverture complmentaire
sant dentreprise
Les dispositions prvues par laccord du 11 janvier, dont la
traduction lgislative est porte par larticle 1er du prsent projet,
doivent permettre de couvrir les 414 000 salaris qui ne
disposeraient lheure actuelle daucune couverture complmentaire. Ces
nouvelles garanties permettront galement de couvrir leurs
potentiels ayants-droit. Au-del, laffiliation obligatoire des
salaris une couverture collective dentreprise va gnrer un transfert
des salaris aujourdhui couverts par une assurance individuelle vers
la couverture collective dentreprise. Ensuite, les salaris qui ont
aujourdhui accs la couverture collective de leur conjoint
fonctionnaire vont vraisemblablement galement tre
36
amens basculer dans le rgime de la couverture collective
obligatoire dentreprise. Enfin, on peut faire lhypothse quun
certain nombre de salaris aujourdhui ayants droit de la couverture
complmentaire de leur conjoint salari deviendront directement
assurs auprs de leur propre entreprise.
Au total, le dport vers lassurance complmentaire collective
dentreprise organis par la gnralisation de la couverture
dentreprise pourrait concerner entre 24 % et 34,7 % des salaris.
Cette dernire hypothse est haute, puisquelle repose sur le postulat
du basculement de lensemble des salaris ayants droit dun conjoint
salari vers leur propre couverture dentreprise. Autrement dit,
entre 4,32 et 6,25 millions de salaris pourraient tre concerns par
lextension du champ de la couverture complmentaire sant
dentreprise.
Le transfert vers lassurance collective obligatoire dune partie
des salaris aujourdhui couverts par une assurance individuelle
prsente un certain nombre davantages ; il est aussi gnrateur dun
cot important pour la collectivit.
Du point de vue du cot pour lassur de la couverture
complmentaire sant , toutes choses gales par ailleurs, les contrats
collectifs cotent 6 euros de moins par personne et par mois que les
contrats individuels, hors prise en compte des avantages lis pour
les couvertures collectives, la prise en charge dune partie de la
prime par lemployeur et la dduction par le salari de lensemble des
cotisations verses de son revenu imposable (1). En outre, toujours
daprs la mme tude, les garanties proposes sont souvent plus larges
en collectif quen individuel.
La couverture collective prsente galement lavantage de permettre
une mutualisation des risques, une chelle particulirement large
lorsque cette couverture est assure au niveau de la branche : en
effet, laffiliation dun grand nombre de salaris au sein dun secteur
dactivit permet de rduire les effets danti-slection bien connus sur
le march de lassurance ; en outre, les branches disposent dune
masse critique suffisante pour obtenir des conditions de garanties
que ne peuvent ngocier leur niveau des entreprises, a fortiori les
plus petites dentre elles, et encore moins un individu isol. Plus
le champ de la couverture est large, comme cest le cas dune
couverture de branche, plus la mutualisation des risques est donc
importante.
Enfin, la logique de couverture sant de branche est cohrente si
lon considre la spcificit des mtiers : lexemple souvent donn en la
matire est celui de la boulangerie, dont laccord de branche
organisant la couverture complmentaire sant permet de dvelopper des
actions particulires de prvention spcifiques dans deux domaines,
lasthme et la carie dentaire, deux pathologies particulirement
prsentes dans ces mtiers. On pourrait a contrario considrer que des
secteurs prsentant une dangerosit particulire ou une exposition
certains risques spcifiques fassent lobjet de tarifications
spcifiques
(1) DREES, tudes et rsultats, n 789, fvrier 2012.
37
ce titre, ce qui alourdirait le cot de la couverture par rapport
dautres filires professionnelles : cela reste nanmoins vrai aussi
lchelle dune entreprise dont les salaris seraient exposs des
risques particuliers.
La gnralisation de la couverture complmentaire pour les salaris
et le transfert quelle entrane vers une couverture collective dune
partie des salaris aujourdhui couverts par une assurance
complmentaire individuelle gnre un cot important pour les finances
publiques, en raison, on la vu, des avantages fiscaux et sociaux
associs ces contrats.
Daprs ltude dimpact associe au projet de loi, le cot pour la
scurit sociale de la gnralisation de la protection sociale
complmentaire collective aux salaris serait compris entre 300 et
430 millions deuros, selon lhypothse dextension considre (soit 24 %
des salaris, soit 34,7 % des salaris), au titre des exonrations de
cotisations sociales. Le mcanisme de portabilit des droits sur
douze mois se traduirait quant lui par un cot supplmentaire compris
entre 75 et 110 millions deuros pour la scurit sociale.
Sagissant de ltat, le manque gagner stablirait entre 1,175
milliard deuros et 1,56 milliard deuros au titre de la dduction des
cotisations verses de lassiette de limpt sur le revenu qui bnficie
au salari et de la dduction de lassiette de limpt sur les socits
qui bnficie lemployeur.
Au total, les pertes de recettes pour les finances publiques
sont estimes entre 1,5 et 2,1 milliards deuros.
B. LA GNRALISATION DE LA COUVERTURE COMPLMENTAIRE SANT
DENTREPRISE PRVUE PAR LARTICLE 1ER
Pour assurer la gnralisation de la couverture complmentaire
collective sant , la ngociation daccords de branche est privilgie
par le projet de loi ; ce nest quen labsence de tels accords quune
ngociation dentreprise prendra ensuite le relais. lchance du 1er
janvier 2016, en labsence daccord de branche ou dentreprise,
lobligation de couverture devenant effective, les entreprises
seront tenues de mettre en uvre une telle couverture par voie
unilatrale.
1. Par dfaut, la mise en place dune couverture complmentaire
collective a minima compter du 1er janvier 2016
Le 1 du II de larticle complte le chapitre premier du titre
premier du livre IX du code de la scurit sociale. Il sagit des
dispositions du code consacres la protection sociale complmentaire
et supplmentaire des salaris et non-salaris et aux institutions
caractre paritaire, en loccurrence de la dtermination des garanties
complmentaires des salaris en matire de protection sociale.
38
Un nouvel article L. 911-7 prvoit lobligation pour les
entreprises qui ne seraient pas couvertes la date du 1er janvier
2016 par un accord de branche ou dentreprise organisant une
couverture complmentaire sant collective et obligatoire dont les
garanties seraient aussi favorables que celles prvues par ce mme
article, doffrir une telle couverture leurs salaris par voie
unilatrale.
Autrement dit, la couverture complmentaire minimale dfinie par
larticle L. 911-7 devra obligatoirement tre mise en uvre au 1er
janvier 2016 au sein des entreprises qui ne seraient pas couvertes
par un accord de branche et nauraient pas russi faire aboutir la
ngociation dun accord leur niveau ou encore des entreprises
dpourvues de dlgu syndical dans lhypothse toujours o aucun accord
de branche ne serait intervenu cette date. Elle aura galement
potentiellement vocation sappliquer des entreprises couvertes par
une complmentaire dont les garanties sont infrieures celles
dsormais requises, que ces garanties soient prvues par accord de
branche ou dentreprise. Dans lhypothse o une entreprise serait dj
couverte par le biais dune dcision unilatrale de lemployeur, il
conviendr