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326 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 9 - octobre
2013
DOSSIERRadiothérapie stéréotaxique
Radiochirurgie
Radiothérapie stéréotaxique et oligométastasesStereotactic body
radiotherapy and oligometastases
P. Giraud*
* Université Paris-Descartes ; service d’oncologie et de
radiothérapie, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris.
Classiquement, le traitement de la “maladie métastatique” est la
chimiothérapie (CT) exclusive. Malheureusement, à part pour les
tumeurs très chimiosensibles, comme les tumeurs germinales, la CT
exclusive n’est que palliative, sans action suffi sante sur les
lésions macroscopiques. Il y a presque 20 ans, S. Hellman et R.R.
Weichselbaum ont été les premiers à défi nir un stade
“oligométa-statique” intermédiaire entre un stade localisé et une
maladie diffuse, dans lequel le nombre de sites atteints reste
limité (1). Les données récentes de la littérature semblent confi
rmer l’existence d’un tel état intermédiaire ou parallèle. Les
progrès des traitements systémiques et, surtout, ceux des
techniques locorégionales, comme la chirurgie, la radiologie
interventionnelle et la radiothérapie (RT), permettent aujourd’hui
d’explorer cette présentation clinique particulière et d’en tirer
profi t (2-4).Dans cette situation, l’objectif est d’obtenir le
meilleur contrôle local (CL) possible, que ce soit en stérilisant
directement ces foyers secondaires ou en facilitant l’action des
traitements systémiques, afi n d’améliorer la survie globale. Il
est donc nécessaire, d’une part, de sélectionner les patients
susceptibles de présenter une maladie oligométastatique et, d’autre
part, de disposer d’une thérapie locorégionale adaptée (chirurgie
limitée, radiothérapie en condi-tions stéréotaxiques [RTS],
radiofréquence, etc.), effi cace et peu toxique. Les progrès de
l’imagerie, essentiellement le PET scan et l’IRM, permettent d’ores
et déjà une meilleure sélection de ces patients. Les critères
habituellement retenus sont le nombre total de métastases et de
sites atteints ainsi que le délai entre la progression métastatique
et le traite-ment de la lésion primitive. D’autres éléments liés
aux patients doivent également être pris en compte, comme l’âge,
l’histologie, les comorbidités, etc. (5).
Nous nous attacherons, dans cet article, à décrire la place de
la RTS extracrânienne dans la prise en charge de ces formes
oligométastatiques et ses premiers résultats prometteurs.
Maladie oligométastatique : dogme ou réalité ?Le dogme
Dans l’histoire de la cancérologie, plusieurs hypo-thèses ont
été avancées pour expliquer l’évolution naturelle des cancers et
leur capacité à se propager au-delà de l’organe où ils ont pris
naissance. Au début du XXe siècle, W.S. Halsted a suggéré que le
cancer du sein se répandrait d’abord à travers les ganglions et le
réseau lymphatique avant de métastaser dans les autres organes. Le
cancer ne pourrait alors être vaincu qu’au stade précoce (6). Un
peu plus tard, une théorie inverse a avancé que le cancer était
d’emblée une maladie métastatique. Les thérapies loco régionales
n’auraient donc que peu d’effets et la CT systémique serait le seul
traitement effi cace pour guérir les patients (7). Plus récemment,
selon une troisième hypothèse intermédiaire, le cancer reste-rait
localisé un certain temps avant de se répandre. Selon cette
hypothèse, les métastases seraient issues d’un clone cellulaire
ayant acquis, par mutations et réarrangements génétiques
successifs, des capacités migratoires spécifi ques. Ce clone
surviendrait dans un contexte d’instabilité mutationnelle qui peut
apparaître dans la lésion primitive mais surtout dans les premières
localisations secondaires, ou oligo-métastases, déjà originaires de
cellules cancéreuses modifi ées. Cette théorie, proposée par S.
Hellman et R.R. Weichselbaum en 1995, valide le concept de
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La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 9 - octobre 2013 |
327
RésuméLa radiothérapie en conditions stéréotaxiques (RTS), mono-
ou hypofractionnée, représente un changement fondamental dans la
pratique de la spécialité telle qu’elle a été développée depuis un
peu plus d’un siècle. Cette technique intégrant les derniers
développements technologiques en matière d’imagerie médicale, de
contention et de dosimétrie a la capacité d’irradier un volume
cible tumoral de taille moyenne à une très forte dose et avec un
haut gradient de dose tout en épargnant les tissus sains. Malgré la
très grande hétérogénéité des sites, des techniques et des doses,
la plupart des études retrouvent un taux de contrôle local élevé,
de 70 à 90 % à 2 ans, et une toxicité réduite – environ 5 % de
grade 3 à 2 ans. La RTS est maintenant considérée comme
la technique de choix, équivalente à la chirurgie, pour les petites
tumeurs ou les oligométastases pulmonaires et hépatiques chez les
patients médicalement inopérables ou à risque. Les autres
localisations métastatiques, osseuses, ganglionnaires, voire
surrénaliennes, semblent également de bonnes indications.
Il conviendra néanmoins de valider ces résultats très
prometteurs lors d’études randomisées comparatives et d’évaluer son
rapport coût-efficacité.
Mots-clés Radiothérapie
stéréotaxiqueOligométastasesCyberKnife®
Hypofractionnement
SummaryStereotactic radiotherapy (SR), mono- or
hypofractionated, represents a fundamental change in the practice
of the specialty as it was developed for a century. This new
tech-nique incorporating the latest technological developments in
medical imaging, secure immobilization and dosimetry, has the
ability to irradiate the tumor target volume to very high doses
with a high dose gradient to spare healthy tissue. Despite the
great heteroge-neity of sites, techniques, and doses, most studies
found a high local control rate, around 70-90% at 2 years, and
reduced toxicity, around 5% of grade 3 at 2 years. SR is now
consid-ered the method of choice, and equivalent to surgery, for
small tumors or lung and liver oligometastases, for patients
medically inoperable or at risk. Other metastatic locations, bone,
lymph nodes, or adrenal glands, also seem good indica-tions.
Nevertheless, it will be necessary to validate these promising
results with random-ized comparative studies and to assess its
cost-effectiveness.
Keywords Stereotactic radiotherapy
Oligometastases
CyberKnife®
Hypofractionated radiotherapy
“maladie oligométastatique” ouvrant la possibilité d’un
traitement curatif malgré la diffusion tumorale secondaire (1).
Récemment, en complément de cette troisième hypothèse, Y. Niibe et
al. ont suggéré que les patients qui présentaient des
oligométastases et une lésion primitive contrôlée auraient un
meilleur pronostic que ceux dont la lésion primitive était
également évolutive (8).
La réalité
Les cellules métastatiques peuvent atteindre tous les organes,
mais certains d’entre eux, de par leur vascularisation, un tropisme
particulier des cellules métastatiques ou certaines spécifi cités
vis-à-vis des traitements systémiques, sont plus souvent touchés
que d’autres. Le poumon est le site métastatique le plus
fréquemment atteint, probablement en raison de sa connexion avec
d’importants réseaux veineux (veines caves supérieure et
inférieure) et lymphatiques (canal thoracique) qui drainent vers
lui le sang et la lymphe de la plus grande partie des organes du
corps humain. Les métastases pulmo-naires surviennent dans environ
30 % des cancers et pour quasiment tous les types histologiques
tumoraux (2-4).Situé sur le système porte et le réseau lymphatique
de la plupart des organes abdominaux, le foie est également un site
très souvent atteint, qui dépasse même le poumon dans les séries
autopsiques. Les séries les plus importantes concernent
naturelle-ment les cancers du côlon. Au moment du diagnostic, 19 %
des patients pris en charge pour un cancer du côlon ont déjà des
métastases hépatiques. Elles surviennent chez environ 50 % des
patients tout au long de leur parcours de soin. À 5 ans, la survie
de ces patients n’est que de 11 % en moyenne.En ce qui concerne les
autres localisations méta-statiques, le cerveau représente une
entité à part : bien que la présentation habituelle soit une
localisation unique, en réalité, les disséminations métastatiques
sus- et sous-tentorielles sont très fréquentes. Si tous les types
de cancer peuvent se propager dans le cerveau, le cancer du poumon
est à l’origine de plus de 80 % des métastases cérébrales. Comme
pour celles du cerveau, le caractère solitaire
des métastases osseuses est extrêmement diffi cile à prouver.
Une métastase osseuse réellement unique n’est retrouvée que dans 2
à 3 % des cas. Les cellules métastatiques isolées se retrouvent
facilement dans l’os spongieux très vascularisé, prédominant chez
l’adulte dans les vertèbres, le pelvis, les extrémités des membres,
le crâne, les côtes et le sternum (2).
Les options thérapeutiques hors radiothérapie
◆ La chirurgieLa chirurgie reste aujourd’hui encore le
traitement de référence pour la prise en charge des méta-stases
uniques ou en faible nombre. L’analyse de 5 206 patients traités
pour une seule métastase pulmonaire a rapporté une survie de 43 % à
5 ans, contre 34 % pour ceux qui avaient 2 ou 3 métastases et 27 %
pour les patients qui en avaient au moins 4. L’élément pronostique
le plus important était la résé-cabilité : la survie était de 36 %
en cas de résécabilité complète, versus 13 % si elle était
incomplète (9). Les métastases pulmonaires des sarcomes sont
égale-ment une bonne indication pour la chirurgie. La résec-tion
des métastases pulmonaires offre une survie plus longue de 9 mois
pour 37 % des patients opérés. Dans les histiocytomes malins, la
survie à 5 ans atteint 21 % après l’exérèse des lésions pulmonaires
(10, 11). Des résultats comparables ont été obtenus pour les
cancers du rein, avec une survie à 5 ans de 45 % après
métastasectomies (11, 12). Pour les cancers du côlon, les exérèses
des métastases hépatiques, bien documentées dans la littérature,
permettent, dans les situations favorables, d’obtenir une survie à
5 ans de 38 à 55 %. La stratégie et les techniques d’exérèse ont
beaucoup évolué ces dernières années. Les limitations ne concernent
plus le nombre, la taille et l’extension intraparenchymateuse, mais
la possibilité de préserver un foie fonctionnel a minima avec sa
vascularisation sanguine et biliaire adéquate. Cependant, la
plupart des séries chirurgi-cales rapportent une morbidité de 20 à
45 % et une mortalité de 1 à 3 % ; par ailleurs, les marges
posi-tives restent malgré tout fréquentes, d’environ 24 %. La
plupart des patients développent une récidive dans les 17 mois
après l’exérèse hépatique (13, 14).
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328 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 9 - octobre
2013
Radiothérapie stéréotaxique et oligométastases
DOSSIERRadiothérapie stéréotaxique
Radiochirurgie
Actuellement, une approche plus agressive avec une CT
périopératoire permet d’atteindre une survie à 5 ans de 58 %. Les
études sur les exérèses de méta-stases hépatiques d’autres sites
primitifs rapportent des taux de survie à 5 ans de 37 à 51 % pour
les cancers du sein, de 49 % pour les sarcomes, de 34 % pour les
cancers de l’estomac et de seulement 7 % pour les mélanomes. Les
données sont plus rares en ce qui concerne les cancers
gynécologiques et les tumeurs de la tête et du cou (14, 15).
◆ La radiofréquenceLa radiofréquence a été utilisée plus
récemment pour le traitement des métastases pulmonaires. La plupart
des études associent le traitement de la maladie primitive et celui
des métastases avec un suivi très court. Les complications sont
assez fréquentes, notamment pour le poumon, avec un risque de
pneumothorax et de douleurs pariétales. Le CL est de 61,9 à 97 %,
et la morbidité, de 15,2 à 55,6 %. La mortalité varie de 0 à 5,6 %,
et la survie globale de 15 à 46 % à 3 ans (16). Sur le foie, les
techniques de radio fréquence, cryothérapie et micro-ondes sont
moins agressives et entraînent moins de morbidités. La limitation
est la taille (elle doit être inférieure à 5 cm), à laquelle
s’ajoute éventuellement le nombre de métastases. Il n’y a pas
d’étude randomisée comparant ces techniques et la chirurgie.
Cepen-dant, les récidives semblent un peu plus fréquentes, entre 12
et 57 %, avec la radiofréquence (17).
Radiothérapie en conditions stéréotaxiquesLe matériel et les
techniques
◆ Le matérielLa RTS extracrânienne, ou corps entier, est une
tech-nique de haute précision qui permet de délivrer une dose très
importante, habituellement selon un mode hypofractionné, dans de
petites tumeurs pulmo-naires, hépatiques, ou plus généralement dans
des localisations tumorales limitées en taille et diffi -ciles
d’accès avec les techniques classiques. Elle a le potentiel
d’améliorer le CL, sans augmenter les effets indésirables
concernant les tissus sains voisins. Depuis le développement de la
RTS cérébrale, dans les années 1970, plusieurs innovations
technologiques combinées récentes, comme l’imagerie embarquée et le
tracking respiratoire, ont permis d’appliquer cette technique à
l’ensemble du corps. Comme pour la radiochirurgie cérébrale, la RTS
peut être réalisée
soit par un accélérateur dédié (CyberKnife®), soit par un
accélérateur classique associé à un système spéci-fi que
d’immobilisation, de contention et de repérage dans l’espace.
L’expérience acquise et les premiers résultats cliniques
encourageants de la radiochirurgie cérébrale ont incité l’équipe du
Karolinska University Hospital (Suède), l’un des premiers centres à
s’inté-resser à cette technique, à développer un système similaire
pour réaliser une irradiation stéréotaxique au niveau thoracique ou
abdominal. Les protocoles de RTS, généralement fortement
hypofractionnés, ont été établis assez empiriquement sur des bases
radio-biologiques et une expérience clinique anciennes, mais aussi,
de façon plus pragmatique, en raison d’une faible disponibilité de
ce type de technique (4).
◆ Les méthodesLa radiochirurgie se défi nit classiquement comme
la délivrance d’une très forte dose de rayonnement dans un volume
restreint en une fraction unique. Elle nécessite un repérage
stéréotaxique pour obtenir une précision millimétrique dans la mise
en place des faisceaux de RT. Le principe général est d’irradier de
petits volumes (souvent d’un diamètre inférieur ou égal à 3 cm,
plus rarement inférieur ou égal à 5 cm) à limites nettes, pour des
pathologies tumorales qui ne présentent pas ou peu d’infi ltration
microscopique dans les tissus sains. La dose délivrée dans ce petit
volume est habituellement très hétérogène (18). On appelle
“radiothérapie en conditions stéréo-taxiques” une irradiation qui
délivre la dose non plus en 1 fraction unique mais en plusieurs.
Elle est le plus souvent hypofractionnée (3 à 6 fractions). Le
terme de radiochirurgie est habituellement réservé aux irradiations
en séance unique.Sur le plan théorique, il est très diffi cile
d’utiliser les modèles radiobiologiques de la RT classique pour
calculer les équivalents de doses en RTS. Pour des doses
supérieures à 10 Gy par fraction, le modèle linéaire quadratique,
“pierre angulaire” de la RT moderne, n’est plus valable. Beaucoup
d’extra-polations biologiques théoriques ont été publiées dans la
littérature pour expliquer les bons résultats de la RTS, sans qu’un
modèle particulier ait été réelle-ment validé (19). Certains
auteurs ont suggéré qu’une composante vasculaire interviendrait au
travers de mécanismes dépendant de la sphingomyéline et
responsables d’un collapsus rapide ou d’une alté-ration importante
et profonde de la vascularisation tumorale ; d’autres ont proposé
l’hypothèse d’une médiation immune facilitée par la présentation
d’une grande quantité d’antigènes tumoraux à la suite d’une
destruction massive de cellules cancéreuses
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La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 9 - octobre 2013 |
329
DOSSIER
par les fortes doses de RT (20). Cependant, à l’instar du modèle
linéaire quadratique, plusieurs études montrent que plus la dose
équivalente biologique est élevée dans le volume cible, plus la
probabilité de contrôle tumoral est importante (19).Pour prédire la
tolérance des tissus sains, on distingue classiquement les organes
critiques dits “en série” de ceux dits “en parallèle”. Le foie et
le poumon sont des organes à risque dits “en parallèle”, car ils
sont composés de sous-unités fonctionnelles indé-pendantes. Ces
organes peuvent classiquement supporter de fortes doses
d’irradiation sur de petits volumes. Une forte décroissance de la
dose autour du volume cible protège les unités fonctionnelles
voisines et aide à la régénération des tissus. En revanche, la
moelle est l’organe à risque typique dit “en série”, car elle est
composée de sous-unités fonc-tionnelles reliées entre elles et donc
dépendantes les unes des autres. La lésion d’une seule unité altère
l’ensemble de la fonction de l’organe. La RTS extra-crânienne des
masses vertébrales ou costovertébrales doit donc être extrêmement
prudente. Sur certains organes à risque “en série”, il convient de
respecter des doses maximales à ne pas dépasser, comme dans
certaines structures digestives creuses (œsophage, intestin,
estomac, côlon) ou respiratoires (trachée), pour éviter une nécrose
ponctuelle de la paroi (21).
Les principaux résultats
Les études sur la RTS des oligométastases sont relati-vement
rares et très hétérogènes. Elles peuvent être classées en 3 types :
celles qui regroupent des sites
primitifs et secondaires très hétéroclites, celles qui ne
s’intéressent qu’à un site métastatique unique et, enfi n, celles
qui ne s’intéressent qu’à un type histologique particulier. Malgré
la très grande hétéro-généité des sites, des techniques, des doses
et des fractionnements, la plupart de ces études retrouvent des
résultats semblables, et ce quelles que soient les localisations
métastatiques : un taux de CL élevé, de 70 à 90 % à 2 ans, et une
toxicité réduite, d’environ 5 % de grade 3 à 2 ans (tableaux I, et
II p. 330). Environ 20 % des cancers restent sous contrôle 2 à 4
ans après la RTS (3, 4). Dans un essai d’escalade de dose, 21
patients atteints de 39 tumeurs d’ori-gines diverses ont été
traités en RTS selon différents protocoles délivrant des doses de 5
× 7 à 5 × 8 Gy. Seul 1 patient a développé, au palier le plus haut,
une toxicité de grade 3. Les réponses complètes, partielles et
stables étaient respectivement de 51, 33 et 3 % à 2 ans (22). Dans
une autre étude de phase I, 32 patients porteurs d’une lésion
pulmo-naire (qui était une métastase dans 11 cas) ont été traités
avec un CyberKnife® en une seule fraction de 15 à 30 Gy (fi gure 1,
p. 330). Une toxicité de grade 3-4 a été observée uniquement à
partir de 25 Gy (23). Une étude multicentrique de phase I/II a
évalué différents protocoles de 3 × 16 à 3 × 20 Gy chez 38 patients
présentant de 1 à 3 métastases pulmonaires (63 lésions au total).
Le CL était respec-tivement, à 1 et à 2 ans, de 100 et de 96 %. La
survie médiane était de 19 mois, et le taux de toxicité de grade 3,
de seulement 8 % (il n’y a eu aucune toxicité de grade 4). Les
complications les plus graves étaient observées pour les
localisations centrales. En cas de récidive, plus de 80 % des
nouvelles métastases
Tableau I. Principales études concernant la radiothérapie
stéréotaxique d’oligométastases pulmonaires (tous sites primitifs
confondus).
Auteurs Année Nombre de patients
Nombre de lésions
Suivi médian (mois)
Dose (Gy)/nombre de fractions
Contrôle local (%)
Toxicités ≥ 3 ( %)
J.K. Salama et al. (31) 2011 61 113 - 24-48/3 66,7 % à 2 ans80 %
si ≥ 30 Gy/3
1
M.T. Milano et al. (26) 2008 121 293 Variable 50/10 77 % à 2
ans74 % à 4 ans
Aiguës : 3Tardives : 10
P. Okunieff et al. (35) 2006 42 125 15 50/5 94 % à 2 ans 2
Y. Norihisa et al. (36) 2008 41 43 9 26-37,5/1-3 80 % à 2 ans
0
T. Inoue et al. (30) 2010 44 60 20 35-60/4-8 80 % à 3 ans 0
A. Ernst-Stecken et al. (22) 2006 61 36 14 12-30/1 74 % à 2 ans
3
H. Hof et al. (37) 2007 38 71 16 48-60/3 96 % à 2 ans 15
Q.T. Le et al. (23) 2006 11 11 18 15-30/1 91 % à 1 an
si > 20 Gy
3 décès
K.E. Rusthoven et al. (24) 2009 206 63 15 16-20/3 96 % à 2 ans
0
-
Figure 1. Exemple d’une balistique multifaisceaux de la
radiothérapie en conditions stéréo-taxiques par CyberKnife® d’une
lésion parenchymateuse apicale pulmonaire épargnant les organes
voisins à risque comme la moelle épinière, le plexus brachial et
les différentes structures osseuses (X. Mirabel, centre
Oscar-Lambret, Lille).
330 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 9 - octobre
2013
Radiothérapie stéréotaxique et oligométastases
DOSSIERRadiothérapie stéréotaxique
Radiochirurgie
survenaient dans le même territoire (24). Une impor-tante série
internationale a montré que les patients qui bénéfi ciaient de
plusieurs RTS successives pour des récidives répétées de métastases
pulmonaires avaient la même survie que ceux qui avaient eu une
seule irradiation pour une localisation secondaire unique (25).
Toutes ces données confortent l’hypo-thèse selon laquelle un
traitement “agressif” à visée curative des oligométastases
pulmonaires amélio-
rerait la survie spécifi que, voire la survie globale, au prix
d’une toxicité faible en ce qui concerne la RTS. Il peut également
être noté que les toxicités observées avec la RTS sont plus
tardives qu’avec les techniques conventionnelles, ce qui impose une
surveillance longue et précautionneuse des patients traités. Les
rares séries publiées avec un recul important rapportent en effet
des complications plus retardées (vers le sixième mois) qu’avec les
techniques clas-siques. À côté de la toxicité pulmonaire
(pneumo-pathie, pleurésie, hémoptysie), qui dépend fortement de la
taille de la tumeur, de sa localisation thoracique centrale et des
CT associées, les complications les plus fréquemment observées sont
une fatigue géné-rale, des fractures des côtes, des péricardites,
des épithélites et des douleurs pariétales (21).Dans les autres
localisations, les séries sont encore plus hétérogènes, mais elles
rapportent toutes un taux de contrôle d’environ 80 %. La série la
plus importante est celle de M.T. Milano et al., qui ont traité 121
patients ayant au plus 5 métastases d’ori-gines et de sites
différents. La dose délivrée était rela-tivement faible par rapport
aux autres séries : 50 Gy en 5 fractions sur 2 semaines. Toutes
localisations confondues, le CL à 2 et à 4 ans était respectivement
de 77 et 74 %. La plupart des récurrences survenaient dans les 2
ans après la RTS (26). Contrairement aux oligométastases
pulmonaires, les métastases hépatiques demandent beaucoup
d’attention en raison d’un risque de perforation des organes creux
voisins, comme l’intestin, l’œsophage et l’estomac (fi gure 2).
Dans une étude rétrospective, 69 patients
Tableau II. Principales études concernant la radiothérapie
stéréotaxique d’oligométastases hépatiques (tous sites primitifs
confondus).
Auteurs Année Nombre de patients
Nombre de lésions
Suivi médian (mois)
Dose (Gy)/nombre de fractions
Contrôle local ( %) Toxicités ≥ 3 ( %)
A.W. Katz et al. (27) 2007 69 174 14,5 30-55/2-6 76 % à 10 mois
57 % à 20 mois
0
A.E. Van der Pool et al. (38) 2010 20 31 26 12,5-15/3 74 % à 2
ans 10
K.K. Herfarth et al. (39) 2001 33 56 5,7 14-26/1 71 % à 12 mois
67 % à 18 mois
0
G. Ambrosino et al. (40) 2009 27 3 13 25-60/3 74 % 30 (2-3)
A. Méndez Romero et al. (28) 2006 14 34 12,9 12,5/3 100 % à 12
mois 86 % à 24 mois
Aiguës : 20Tardives : 7
K.E. Rusthoven et al. (24) 2009 47 63 16 12-20/3 95 % à 12 mois
92 % à 24 mois
0
M.T. Lee et al. (41) 2009 70 143 10,8 27,7-60/6 71 % à 18 mois
Aiguës : 10Tardives : 2,9
W. Rule et al. (29) 2011 27 37 20 10/3-5 et 12/5 56 %
(30 Gy) et 89 % (50 Gy) à 2 ans
0
-
Figure 3. Dosimétrie de la radiothérapie en conditions
stéréotaxiques par CyberKnife® d’une lésion osseuse vertébrale
proche de la moelle épinière. Les fortes doses (isodose orange)
sont concentrées sur la métastase ; la moelle est protégée par le
fort gradient de dose et les dispositifs de repositionnement de
haute précision (X. Mirabel, centre Oscar-Lambret, Lille).
Figure 2. Dosimétrie de la radiothérapie en conditions
stéréotaxiques par CyberKnife® de 3 lésions parenchymateuses
hépatiques. Les zones rouges et bleues correspondent aux différents
volumes cibles, les courbes vertes à l’isodose de prescription effi
cace (X. Mirabel, centre Oscar-Lambret, Lille).
La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 9 - octobre 2013 |
331
DOSSIER
atteints de 174 métastases hépatiques ont été traités avec des
doses comprises entre 30 et 55 Gy en 3 à 6 fractions. Le nombre de
lésions traitées, le plus souvent d’origine colique ou mammaire,
était de 1 à 6 (en moyenne 2,5) par patient. Après un suivi médian
de 14,5 mois, le CL était de 76 et 57 % respectivement à 10 et à 20
mois, et la survie sans progression, de 46 et 24 % respectivement à
6 et à 12 mois. Aucune toxicité de grade 3 n’a été observée (27).
Dans une étude prospective de phase I évaluant une seule fraction
de 37,5 Gy en 3 fractions chez 17 patients pour un total de 34
métastases, A. Méndez Romero et al. ont rapporté un taux de CL de
100 et 86 % et une survie globale de 85 et 62 %, respectivement à 1
et à 2 ans (28). Dans une autre étude de phase I, 3 protocoles ont
été testés : 30 Gy en 3 fractions, 50 Gy en 5 fractions et 60 Gy en
6 fractions. Vingt-sept patients ont été traités (9 dans chaque
cohorte). Le CL à 24 mois était respectivement, pour chaque groupe,
de 56, 89 et 100 % ; la différence n’était signifi cative qu’entre
les cohortes à 30 et à 60 Gy. La survie médiane était identique
pour les 3 groupes, d’environ 20 mois. La morbidité était faible et
également comparable entre ces 3 protocoles. Quelques réactivations
d’une hépatite B ont été observées, ainsi que des élévations
faibles des enzymes hépatiques, une asthénie et une
thrombocytopénie. Cependant, des perforations hémorragiques de
l’estomac ou du duodénum pour les lésions hépatiques les plus
proches de ces organes creux ont été rapportées (29). Une autre
série sur une RTS de métastases osseuses vertébrales a rapporté
un risque de compression par fracture spontanée de 11 % qui
survient dans un délai médian de 3 mois après la RT (fi gure 3).
Les ganglions métastatiques représentent également une bonne
indication, avec
-
332 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 9 - octobre
2013
Radiothérapie stéréotaxique et oligométastases
DOSSIERRadiothérapie stéréotaxique
Radiochirurgie
des taux de CL pour des ganglions lomboaortiques ou abdominaux
au-dessus de 90 %. Les métastases surrénaliennes sont, en revanche,
de beaucoup plus mauvais pronostic et moins bien contrôlées par la
RTS (3, 4).
Pour quels patients ?
La diffi culté essentielle de cette nouvelle stratégie est de
sélectionner les patients réellement oligo-métastatiques. Trois
situations cliniques peuvent être distinguées : les patients qui
présentent une oligomé-tastase d’emblée découverte en même temps
que la tumeur primitive ; ceux qui développent une oligo-métastase
métachrone précoce après le traitement initial qui a permis de
réduire la lésion primitive ; et, enfi n, ceux qui récidivent à
distance du traitement initial sous la forme exclusive d’une
oligométastase. Ces différents groupes ont très certainement des
évolutions distinctes qui nécessitent une prise en charge
différente (4).
Les facteurs pronostiques sont en rapport avec l’effi cacité de
la RTS (CL, survie sans progression et survie globale).
➤ L’histologie : les cancers du sein ont un meilleur pronostic
que les autres types de cancer ; la survie sans progression est de
36 % à 2 ans, versus 13 % pour les autres cancers, et la survie
globale, de 47 % à 6 ans, versus 9 %. Le taux de CL est aussi
augmenté, à 87 %, versus 74 % (26).
➤ Le temps jusqu’à progression après RTS : T. Inoue et al. ont
rapporté que la survie à 3 ans est de 53 % quand la récidive
métastatique survient moins de 12 mois après le traitement initial,
versus 19 % quand elle est supérieure à 1 an (30).
➤ Le site métastatique : les métastases localisées sur un seul
site, surtout à un os ou aux ganglions médiastinaux pulmonaires,
ont une meilleure survie globale. Les localisations secondaires
surrénaliennes ont un plus mauvais pronostic que les autres
(26).
➤ Le nombre total de métastases : dans l’étude de J.K. Salama et
al., les patients qui avaient 3 méta-stases ou moins avaient de
meilleures survies sans progression et globale que ceux qui
présentaient 4 ou 5 localisations secondaires (46 versus 75 % à 9
mois) [31]. Dans une autre série, les patients qui avaient
seulement 1 à 3 métastases avaient une survie médiane de 37 mois,
versus 19 mois pour ceux qui en avaient plus de 3 (32).
➤ La taille (volume) : les petites métastases de 3 cm ou moins
sont sous contrôle dans 100 % des cas
à 3 ans, versus 77 % pour les autres. M.T. Milano et al. ont
également observé une relation inverse entre le CL et la taille
pour les métastases d’origine autre que le sein (26).
➤ La dose d’irradiation : comme pour les lésions primitives,
toutes les études retrouvent la nécessité de délivrer une dose
totale équivalente biologique (équivalente à celle que l’on
donnerait classiquement par des fractions quotidiennes de 2 Gy)
d’au moins 100 Gy pour obtenir les meilleurs résultats (26,
33).
Discussion et conclusion
La RTS représente un changement fondamental dans la pratique de
la spécialité telle qu’elle a été développée depuis un peu plus
d’un siècle. La RT fractionnée permet d’optimiser l’effet
différentiel entre les tissus sains et la tumeur par rapport à
l’irra-diation en une séance unique. La RTS s’affranchit de cette
base fondamentale grâce à ses capacités de haute précision
permettant d’irradier le volume tumoral à une forte dose et avec un
haut gradient de dose pour épargner les tissus sains.La RTS est
maintenant considérée comme la tech-nique de choix, et équivalente
à la chirurgie, pour les petites tumeurs ou les oligométastases
pulmo-naires et hépatiques chez les patients médicalement
inopérables ou à risque. Les autres localisations métastatiques,
osseuses, ganglionnaires, voire surrénaliennes, semblent également
de bonnes indications, mais les données de la littérature les
concernant sont moins nombreuses.Les hypothèses physiopathologiques
qui expliquent l’action de la RTS et les résultats indéniables de
cette technique dans la situation particulière des oligo-métastases
restent encore mal défi nies. Au-delà du postulat d’une diffusion
oligométastatique limitée à un seul organe pour quelques patients
strictement sélectionnés, une autre explication très séduisante à
l’heure des thérapies ciblées immuno modulatrices (anti-CTL-4,
etc.) consisterait en l’intervention d’un “effet de voisinage”
(abscopal effect), qui survien-drait surtout pour les très hautes
doses d’irradiation. Équivalent pour des organes ou des lésions
distantes de l’effet bystander (effet de proximité) pour des
lignées cellulaires conjointes, cet effet permettrait de stimuler
le système immunitaire et de lutter à distance contre les cellules
cancéreuses via des lymphocytes T. S’il existe, cet effet pourrait
être favorisé par l’association concomitante ou séquen-tielle de
nouvelles molécules immunostimulantes agissant dans l’ensemble de
l’organisme (5). Cette
-
La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 9 - octobre 2013 |
333
DOSSIER
stratégie est actuellement testée dans plusieurs essais,
notamment pour la pathologie prostatique.En conclusion, il apparaît
d’ores et déjà qu’une approche “agressive” par chirurgie,
radiofréquence ou RT permet, pour une population de patients
oligo-métastatiques très sélectionnés, d’obtenir des taux de CL
très encourageants, voire une amélioration de la survie globale.
Grâce aux progrès technolo-giques récents, la RTS extracrânienne,
de par ses
propriétés de précision et de faible morbidité, semble être une
technique de choix dans ces situations parti-culières. Les premiers
résultats, notamment pour les métastases pulmonaires et hépatiques,
sont très prometteurs. Il conviendra néanmoins de valider son effi
cacité clinique et sa moindre toxicité à plus long terme par des
études randomisées comparatives et d’évaluer parallèlement son
rapport coût/effi cacité par des études médicoéconomiques (34).
■
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
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REGARDS CROISÉSCLINICIENS/BIO-PATHOLOGISTESSUR LA LITTÉRATURE EN
ONCOLOGIE THORACIQUE
www.edimark.fr/revues-presse/onco-thoracique
Sous l’égide de
Avec le soutien institutionnel
Directeur de la publication :Claudie Damour-TerrassonRédacteur
en chef :Jean-François Morère (Bobigny et Villejuif)
CoordinateurDenis Moro-Sibilot (Grenoble)
ExpertsNicolas Girard (Lyon) et Marie Brevet (Lyon)
Alexis Cortot (Lille) et Fabienne Escande (Lille)
Charles Ferté (Villejuif) et Julien Adam (Villejuif)Les articles
majeurs
de la littérature en oncologie thoracique analysés et décryptés
pour vous par des duos d’experts.
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2013
Radiothérapie stéréotaxique et oligométastases
DOSSIERRadiothérapie stéréotaxique
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