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Quelques remarques sur le répertorire sacre de l'Ars nova provenant de l'ancien royaume d'Aragon

Mar 21, 2023

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International Musicological Society is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Acta Musicologica.

http://www.jstor.org

Quelques remarques sur le répertoire sacré de l'Ars nova provenant de l'ancien royaume d'Aragon

Author(s): María del Carmen Gómez Source: Acta Musicologica, Vol. 57, Fasc. 2 (Jul. - Dec., 1985), pp. 166-179Published by: International Musicological SocietyStable URL: http://www.jstor.org/stable/932743Accessed: 12-03-2015 18:33 UTC

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Quelques remarques sur le repertoire sacre de l'Ars nova provenant de l'ancien royaume d'Aragon

MARIA DEL CARMEN GOMEZ (BARCELONA)

Les Archives de la Cour d'Aragon gardent un nombre considerable de documents qui font allusion aux musiciens qui ont ete employes a la cour aragonaise a la fin du

Moyen Age. Parmi eux on trouve des compositeurs de chansons a la mode, ainsi que d'autres qui se sont specialises dans la composition de musique sacree.

La presence de Petrequi de la bombarda a cette cour-la pendant le reigne de Jean Ier (1387-96), le roi <<qui moult amoit les menestrels,,', est particulierement interes-

sante, car il s'agit probablement du seul menestrel dont le nom soit connu qui aurait

ecrit des compositions religieuses. Une curieuse lettre du roi, dat&e du 6 juin 1393, nous indique qu'a cette epoque-la

Petrequi et son compagnon se dirigeaient vers Avignon en compagnie du menestrel Nicholau de la bombarda qui, ayant ete employe auparavant chez Jean Ier, aurait ete au courant de ses difficultes economiques; pour cette raison, il lui avait ecrit en lui demandant de leur envoyer leurs honoraires a Avignon. Jean, avide d'-couter les nouveaux menestrels que Nicholau lui amenait, semble avoir cede a ses exigences, bien qu'en prenant des precautions pour n' tre pas l'objet de quelque tricherie de

part de ces menestrels. Sa lettre est la suivante.

<<Lo Rey d Arago Tresorer. Letres havem ades reebudes du Nicholau de la bombarda, ministrer nostre, que ell nos amena Petrequi de la bombarda e son companyon e que se n venen tots .III. a (A)vinyo, on demanen que troben lurs gatges. Perque us manam que digats a P. Palau que n tenga esment quant seran en Avinyo, e vos axi mateix, mentre hi siats, fets ho tenir aprop e dats .C. florins al dit Petrequi e .L. a son companyon e altres .L. al dit Nicholau, e direts los que de present se n venguen a nos qui is farem ben satesfer de lurs gatges, segons que havem acustumat als altres ministrers nostres, e que n aqo no dopten per res. E si per ventura vos partits d Avinyo ans que is dits ministrers no n sien atteses, informats de les dites coses al dit P. Palau e lexats ii los dits CC florins distribuidors per ell entre is dessus dits, axi com damunt se conte. Pero avisats lo, e vos aytan be siats apercebut, que ans que is dits CC florins lus sien liurats, siats segurs per previssio de lur fe que dret cami se n venran a nos. Dada en Valencia sots nostre segell secret a .VI. dies de juny de 1 any .M.CCC.XCIII. Rex Johannes,,2

Le 30 juin Bombardi toucha 500 sous de la tresorerie du roi a Tortosa

(Tarragone) 3, tandis que Nicholau, menestrel de Jean Ir des 13924, ne requt aucune gratification pour le lui avoir amene.

' J. CABARET D'ORRONVILLE, La chronique du bon duc Loys de Bourbon (6d. Chazaud, 1876), p. 108. Cit6

par A. PIRRO, Musiciens allemands et auditeurs franqais au temps des rois Charles Vet Charles VI. Festschrift G. Adler (Wien 1930), p. 74. 2 ACA reg. 1966 fol. 32. 3 RP reg. 394 fol. 64v. 4 RP reg. 391 fol. 99.

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Petrequi <de la bombarda>, autrement di Bombardi, doit tre l'auteur d'un Credo a

quatre voix dont on conserve cinq versions: deux anonymes (E-Bd 853c/d n. 7 et B- Bc II), une troisiieme attribuee a Bonbarde (F-APT 16bis n. 40), une autre attribuee a Prunet (F-Sm 222 n. 8) et une autre encore attribuee a Perneth (I-Pu 684 n. 8)5. Perneth est sans doute une modification de Perrinet, diminutif de Perrin, alors que Petrequi est un diminutif catalan du meme nom ecrit en latin, Petrus. Si Bonbarde et Perneth correspondent au nom d'un meme compositeur et Petrequi <de la bombarda>

et Bombardi a celui du menestrel de Jean Ier, il semble evident que l'un et I'autre ne sont qu'un seul personnage.

Pour Hanna Stiblein-Harder <<perhaps the creator of this composition was a tenor shawm-player who based his Credo on one of his improvisations,,; ensuite elle ajoute: <<evidence in favor of this can be found in the strong preference of the T(enor) for <tonics) and <dominants>>6. Son hypothiese reste donc renforc&e par les documents auxquels nous venons de faire reference.

Petrequi ne resta pas longtemps a la cour aragonaise; son nom disparait des documents de celle-ci apries juin 1393.

Quelques mois plus tard on y trouve un autre compositeur de musique religieuse polyphonique, qui est bien plus connu que son predecesseur: Steve de Sort. Friere Steve fut recommande A Jean Ier par son ambassadeur en Avignon en des termes qui seraient tre"s logieux. II s'agissait cette fois-ci d'un organiste qui jouait aussi de

l'exaquier, de la rote et de la harpe, que Jean accepta d'engager le 16 septembre 1394.

<<Lo Rey d Arago Vostra letra havem reebuda e entes qo que ns havets scrit, responem vos que ns plau que aquex frare agosti lo qual nos loats que es bon sonador d orguens e hom religios e de bona condicio venga a nostre servey, e axi li ho digats de part nostra que li darem gatges e profits que se n deura tenir per content. Perque fets lo venir mantinent e aport ab si uns orguens de coll si prestament los pod aver aqui, e si no podia tantost haver gens, per axo no lagiu sa venguda mas vos procurats ne uns bons e fins e aportats los ab la harpa que ns fets afesers de Riadal, car nos vos farem fer ben ustent de qo que bestret hi haurets. Direts al dit frare que no li cal aportar exaqer, rota ni arpa ni altres orguens de peu, car de tot havem nos aci assats. Dada en Barcelona sots nostre segell secret a .XVI. de setembre de 1 any .M.CCC.XC.IIII. Rex Johannes. Ffuit missa Perico de Palacio?>7

Le 18 octobre suivant friere Steve de Sort, <agosti qui toca los orguens en la capella del senyor Rey e capella seu>>, toucha 30 florins d'or, apres s',tre incorpore a son service . Il y resta jusqu' a la mort du roi en mai 1396. Son successeur, Martin

Ier, le

retint chez lui avec d'autres membres de la chapelle de son friere, parmi lesquels se

5 Les manuscrits sont consignes selon les sigles du RISM. Le Credo est transcrit dans H. STABLEIN- HARDER, Fourteenth-Century Mass Music in France, dans: CMM 29 (1962), n. 55, selon la version du manuscrit F-APT i6bis. 6 Fourteenth-Century Mass Music in France, dans: MSD 7 (1962), p. 66. 7 ACA reg. 1966 fol. 160-160v. 8 RP reg. 397 fol. 90.

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trouvait le compositeur Gracian Reyneau 9. Le 26 mars 1407 il fut releve de son poste d'organiste de la chapelle royale par son eleve Anthoni Sanchez10 et, a partir de cette date, son nom disparait des registres de la cour aragonaise.

De Sort est I'auteur d'un Credo qui devint le morceau de l'Ordinaire de la Messe le plus repandu de l'Ars nova, si l'on s'en tient au nombre de versions qui s'en sont conservees. Le nom du compositeur figure dans deux de ces versions - Sortis

(traduction de de Sort en latin) a E-Bd 971 n. 3 et F-APT 16bis n. 46 -, et aussi a

l'index du manuscrit F-Pn 23190, dont le n. 103 est un Credo attribue A Sortes. A I-IVn. 60 le Credo figure sous l'indication <<de rege>>, alors que les autres versions -

F-Ca 1328, F-TLm 94 n. 1, I-CF 98 n. 2, NL-Lu 2515 n. 3 et US-R44 n. 3 - sont

anonymes. Si le Credo auquel se refere l'index du manuscrit F-Pn 23190 coincide avec celui des huit versions que nous venons de signaler, il aurait ete ecrit avant

1376, date de la redaction du F-Pn 23190o1. Les mots <<de rege>> du manuscrit I-IV, a son tour redige apres 136512, suggerent que le Credo plut ou fut offert a un

monarque, peut-itre Charles V de la dynastie franqaise des Valois (1364-80), ce qui contribua a sa diffusion.

La lettre de Jean Ier, I'un des plus grands connaisseurs de la musique de son

temps, dans laquelle il accepte de recevoir Steve de Sort a son service, suggere que le Credo dont il est I'auteur n'aurait ete connu a la cour d'Aragon qu' apres octobre

1394, car, comme on en deduit de cette lettre, le roi n'aurait entendu parler de de Sort

que lorsqu'on le lui recommanda. Cette hypothbse semble encore pouvoir se soutenir avec la date approximative de la redaction du manuscrit E-Bd 971, oui le Credo en

question fait partie de la Messe dite de Barcelone.

E-Bd 971 est I'un des douze manuscrits de l'Ars nova avec du repertoire de

l'Ordinaire de la Messe qui sont apparus jusqu'aujourd'hui dans l'ancien royaume d'Aragon 3. Ce repertoire est constitue par 12 Kyrie, 13 Gloria, 8 Credo, 3 Sanctus et 4 Agnus differents, 40 morceaux en somme, parmi lesquels il y en a 22 qui sont des unica. Le reste offre des concordances surtout avec le codex F-APT 16bis.

9 ((Johan Armer, Bernard Ponq, Casin Querol (e) Gracia Rainau, xantres, e fra(re) Steve de Sort del orde dels

agostins, sonador d orguens, olim de la Capella del senyor Rey en Johan de bona memoria, ont touche leur

premier revenu a la chapelle de son successeur le 17 fevrier 1397 (RP reg. 905 fol. 55v). H. ANGLES dans

son article Gacian Reyneau am Kbnigshof zu Barcelona in der Zeit von 139... bis 1429. Festschrift G. Adler

(Wien 1930), p. 65, signale que Reyneau aurait ete au service de la cour d'Aragon avant le 1 avril 1398, date

du premier document qu'il avait pu localiser avec son nom. II n'existe pas d'autres renseignements sur

Reyneau anterieurs au mois de fevrier 1397, ni de la periode comprise entre cette date et avril 1398. Outre le

rondeau Va t'en mon cuer aveuc mes yeux (F-CH 564 n. 93), Reyneau 6crit ((.I. libre de cant scrit en

pergamins appellat Officier Santoral> pour la chapelle de la reine Marie, 6pouse de Martin Ier d'Aragon (RP

reg. 524 fol. 39). 10 RP reg. 298 s. f.

11 E. DROZ et G. THIBAULT, Un chansonnier de Philippe le Bon, dans: Revue de Musicologie X (1926), p. 1. 12 U. GUNTHER, Problems of Dating in Ars Nova and Ars Subtilior, dans: L'ars nova italiana del Trecento IV

(1978), p. 292.

13 Les autres manuscrits sont: E-Bac 144, E-Bd 853, E-Bd 853b, E-Bd 853c/d, E-Bd 971b-G, E-Bd 971c, E-Boc 2,

E-G, E-Sa 109, E-Tc (3) et E-Vic V. 6o. Pour la description de son repertoire et concordances voir M!

C. GOMEZ, Musique et musiciens dans les chapelles de la maison royale d'Aragon (1336-1413), dans:

Bericht iiber das erste Colloquium im Kloster Neustift (1982), et du mrme auteur Neue Quellen mit

mehrstimmiger Geistlicher Musik des 14. Jahrhunderts in Spanien, dans: AMI L (1978), p. 208 et Mas

C6dices con Polifonia del Siglo XIV en Espaiia, dans: AMI LIII (1981), p. 85.

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Tableau I

Repertoire de l'Ordinaire de la Messe conserve dans l'ancien royaume d'Aragon. Concordances14

F-APT 16bis I-IV F-Sm 222 F-TLm 94 Autres sources Unica

Kyrie 5 2 - - 2 6

Gloria 3 2 2 - - 9

Credo 4 1 2 1 2 4

Sanctus 1 - - - 1 1

Agnus - - - 1 1 2

Total 13 5 4 2 6 22

Les fragments du repertoire de l'Ordinaire aragonais qui concordent avec le codex F-APT 16bis se trouvent dans huit des douze manuscrits qui le conservent. Etant donne qu'il n'existe pas de concordances dans le repertoire du meme style des quatre autres manuscrits 15, on suppose qu'il y aurait une relation musicale entre Aragon et le centre ou l'on compila ce codex.

Il est generalement admis que F-APT 16bis fut ecrit en Avignon16, a une date comprise entre 1400 et 1417, selon Hanna Stiblein-Harder17. D'un autre c6to on sait que des 1344 et jusque vers 1400 les chantres au service de la maison royale aragonaise venaient d'Avignon, et que les livres comprenant le repertoire polyphoni- que qu'ils chantaient etaient achetes a la ville papale18; cette sorte de repertoire ne se repandit dans le royaume d'Aragon qu'a la fin du XIVe si-cle, et ceci a cause du manque de preparation de ses ecoles de musique19. Donc, la relation du codex F-APT 16bis avec le repertoire aragonais n'est en aucun cas surprenante, relation qui est encore manifeste a travers l'analyse stylistique de ce meme repertoire.

14 Les concordances qui concernent seulement le texte trope ne sont pas prises en consideration. 15 I1 s'agit concretement des manuscrits E-Bac 144, E-Bd 853, E-Tc (3) et E- Vic V. 6o. D'ailleurs, quatre des cinq fragments du codex I-IV qui offrent des concordances avec des manuscrits aragonais se trouvent a F-APT 16bis (E-Bd 971c n. 1 = I-VI n. 68 = F-APT 16bis n. 1; E-G n. 1 = I-IVn. 49 = F-APT16bis n. 5; E-Sa lo9n. 2 = I-IVn. 30 = F-APT 16bis n. 12; E-Bd 971 n. 3 = I-IVn. 60 = F-APT 16bis n. 46); il arrive de la meme faqon pour les quatre fragments du F-Sm 222 (E-Bd 971 n. 2 = E-Boc 2 n. 1 = F-APT 16bis n. 34 = F-Sm 222 n. 82 [index]; E-Bd 853b n. 3 = E-Bd 971 n. 8 = F-APT 16bis n. 36 = F-Sm 222 n. 61 [index]; E-Bd 853c/dn. 7 = F- APT 16bis n. 40 = F-Sm 222 n. 8; E-Bd 853b n. 2 = E-Bd 971 b-G n. 5 = E-Boc 2 n. 3 = F-APT 16bis n. 44 = F- Sm 222 n. 87 [index]). 26 Voir, par exemple, I'opinion de H. BESSELER dans: Studien zur Musik des Mittelalters I. Neue Quellen des 14. und beginnenden 15. Jahrhunderts, dans: Archiv fiir Musikwissenschaft VII (1925), p. 205. 17 Op. cit. (MSD), p. 96. " De nombreux documents d'archives le signalent, les plus significatifs etant publies dans MW C. GOMEZ, La mrtsica en la casa real catalano-aragonesa durante los anos 1336-1432 (These de doctorat. Universite de Barcelone, 1977) (Barcelona 1979). Voir aussi H. ANGLES, La mrsica sagrada de la capilla pontificia de Avignon en la capilla real aragonesa durante el siglo XIV, dans: Anuario Musical XII (1957). 19 Voir MA C. GOMEZ, Musique et musiciens .... Ii faut encore remarquer dans la note 15 qu'il y a moins de fragments du repertoire aragonais qui concordent avec le codex I-IV qu'avec le codex aujourd'hui brilk F- Sm 222, dont le repertoire embrassait jusqu'a la premiere moitie du XVe siecle.

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Si l'on compare le style des fragments de l'Ordinaire de la Messe20 du codex I-IV avec celui des fragments du meme genre du codex F-APT 16bis et celui, des manuscrits aragonais de l'Ars nova, on obtient le resultat suivant.

Tableau II

Classification par styles du ripertoire de l'Ordinaire da la Messe des codex I-IV et F-APT 16bis, et de celui des manuscrits aragonais de l'Ars nova

Codex I-IV Kyrie Gloria Credo Sanctus Agnus Ite Total

Style de motet 1 5 7 - - 1 14

Style de dechant 4(2)21 2 2 - - - 8(6)

Style simultane 1 2 1 2 - - 6

Codex F-APT 16bis Kyrie Gloria Credo Sanctus Agnus Ite Total

Style de motet 2 2 1 1 - - 6

Style de d&chant 7 5 5 3 1 - 21

Style simultane 1 2 4 - - - 7

Manuscrits aragonais Kyrie Gloria Credo Sanctus Agnus Ite Total

Style de motet 4 3 - 1 - - 8

Style de dechant 5 9 6 1 2 23

Style simultane 3 1 2 1 2 - 9

Alors que le style de d6chant n'occupe que 26% du repertoire de I-IV, dans F- APT 16bis il en constitue vers le 62 % et dans le repertoire aragonais 57,5 %. Ceci vient confirmer ce que nous avons dit plus haut, a savoir que la diffusion du

repertoire avignonais de l'Ordinaire se serait produite en Aragon plut6t a la fin du XIVe siecle qu' a une 6poque plus proche de celle de la compilation du codex I-IV - le plus representatif parmi les manuscrits polyphoniques qui se sont conserves des alentours de 1365 -, alors que le style de motet semblait dominer cette sorte de compositions.

20 Selon la classification de H. STABLEIN-HARDER, op. cit. (MSD), chapitre I A. 21 Le Kyrie Sol iustitie est copie trois fois i I-IV (n. [1], 71 et 77).

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M. del Carmen G6mez: Quelques remarques sur le repertoire sacre ... de l'ancien royaume d'Aragon 171

L'examen detaille des manuscrits aragonais renforce encore l'hypothese, soit par le repertoire specifique qu'ils comportent, son emploi de signes de mensura- tion ou l'auteur de quelques-uns de ses morceaux22. Cependant, la datation de ces manuscrits souleve parfois des problemes.

Pour en revenir au manuscrit E-Bd 971, il semble superflu de rappeler que la Messe de Barcelone (fols. 1-8) a toujours surpris les musicologues par son manque de coherence interne. Celui-ci devient encore plus frappant si l'on pense a la Messe de Toulouse (F-TLm 94), dont le Credo coincide avec celui de la Messe espagnole.

En effet, la Messe de Toulouse fut not&e dans la deuxieme moitie du XIVe siecle sur les pages en blanc d'un Missel plus ancien; dans celui-ci figure une Missa generalis Sancti Augustini (fol. 327), ce qui suggere que le Missel aurait appartenu au monastere de Saint-Augustin qui existait dans la ville23. La Messe, a trois voix, comporte cinq fragments de l'Ordinaire: Kyrie, Credo (seulement le tenor a partir de <<Crucifixus>), Sanctus, Agnus et un Motetus super Ite, missa est.

Kyrie et Sanctus de la Messe de Toulouse gardent entre eux une indubitable relation. Si l'on s'en tient au texte, ils seraient ecrits en style de dechant, mais leur facture musicale est plut6t celle du style motet24; les deux morceaux emploient le motif rythmique jTY et ils ont des fragments en hoquet semblables ~. Le meme motif se trouve encore a l'Agnus, dont on connait deux sources differentes, E-Bd 853b n. 7 et E-G n. 5. Agnus, Ite et (Credo) sont ecrits sans ambiguite en style de dechant. Le Motetus super Ite emploie des rythmes identiques a ceux du Credo, et l'incipit de son triplum correspond au debut du vers <<Genitum non factumn de ce dernier, comme le montre l'exemple suivant26. Exemple I Messe de Toulouse

(Credo). Triplum, m. 65-72

G -nv% Nov% FR- 3; 1 Colt- Sub - Vati. "a LEM

Motetus super Ite, missa est. Triplum, m. 1-6

LRU- DEm- H sUV n SU - sTrun o - Do ' Voir Ma C. GOMEZ, Musique et musiciens .... 3 H. HARDER, Die Messe von Toulouse, dans: Musica Disciplina VII (1953), p. 115. La Messe de Toulouse

est transcrite dans: ibidem, p. 119-28, et L. SCHRADE, French Cycles of the ((Ordinarium Missae,, dans: PMFC I (1954), p. 132-38. 24 H. HARDER, op. cit., p. 110-11. Comme l'observe cet auteur, seul le Benedicamus est clairement ecrit en style de dechant, ce qui contraste avec le Sanctus, dont il constitue la partie conclusive. "

Comparer les mesures 42-45, 64-67 et 87-89 du Kyrie avec les mesures 62-65 et 123-30 du Sanctus (transcription selon L. Schrade). 26 R. STEPHAN dans son article Das Schluf3stiick der ((Messe von Toulouse). Festschrift H. H. Eggebrecht (Stuttgart 1984) cherche a prouver que le tenor et le triplum de l'Ite de Toulouse sont une paraphrase du tenor du motet L'autre jour par un matinet/ Hier matinet/l Ite, missa est du XIIIe siecle (F-Mon. 244); ceci justifierait le titre Motetus super Ite, missa est que porte le morceau final de la Messe de Toulouse, mais sa parente avec le Credo reste quand meme evidente (comparer encore le triplum du Motetus super Ite, m. 24-26, avec celui du Credo, m. 23-25, transcrit dans L. SCHRADE, French Cycles ..., p. 150-55, selon la version du manuscrit E-Bd 971 n. 3).

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172 M. del Carmen G6mez: Quelques remarques sur le repertoire sacre ... de l'ancien royaume d'Aragon

Le Gloria Qui sonitu melodie (F-APT 16bis n. 7; F-Sm 222 n. 60; I-IVn. 50; I-Pu

684 n. 4 et US-R44 n. 2) aurait peut-etre complete le cycle de Toulouse, car le

Motetus super Ite, missa est semble encore citer quelques mesures de son <<Laudamus te,27. Ecrit en temps imparfait et prolation majeure, cette mensura- tion coincide avec celle du Credo et du Motetus super Ite de Toulouse, tandis que Kyrie, Sanctus et Agnus sont ecrits en temps imparfait et prolation mineure.

Il est possible que Steve de Sort, le frere augustin auteur du Credo de la Messe de Barcelone et de celle de Toulouse, ait compose quelque autre morceau de cette

derniere, tres specialement le Motetus final, mais sur ce point on ne peut rien

prouver. La Messe de Barcelone, de son c6te, comporte cinq morceaux de l'Ordinaire:

Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus et Agnus28. Il s'agit du seul cycle connu du XIVe

siecle auquel il manque l'Ite, missa est ou le Benedicamus a la fin. Seul le Kyrie et l'Agnus de cette Messe semblent etre lies, et ceci encore avec

quelque restriction, car le Kyrie est a trois voix et l'Agnus a quatre voix, et alors

que le Kyrie est &crit en style simultan&, celui de l'Agnus n'est pas clair29. Les deux morceaux emploient le temps imparfait avec prolation mineure et leurs motifs rythmiques sont semblables, plus complexes a l'Agnus qu'au Kyrie. Enfin, les motifs par lesquels commencent leurs voix superieures auraient pu deriver l'un de l'autre.

Exemple II Messe de Barcelone

Kyrie. Triplum, m. 1-7

'KY - Va - - E

Agnus. Quadruplum, m. 1-10

4-I1-- - -

-- A

-."t"••

GU

Gloria, Credo et Sanctus sont ecrits en temps imparfait avec prolation majeure. Les deux premiers sont en style de dechant, alors que le Sanctus est construit a la

faqon d'un motet isorythmique. Le contraste qu'ils offrent entre eux est notable, surtout par le style avance du Gloria et du Sanctus, avec leur texte trope, et le

27 L. SCHRADE, The Mass of Toulouse, dans: Revue Belge de Musicologie VIII (1954), p. 91. Les similitudes, de genre m6lodique - il semble y en avoir plusieurs -, affectent curieusement l'incipit du Motetus super Ite

(triplum, m. 1 et duplum, m. 1-3), et surtout quelques mesures suivantes de son triplum (m. 13-26), dont les tournures rappellent certaines autres du triplum du Credo de de Sort. II faut encore remarquer que dans le manuscrit US-R44 le Gloria en question et le Credo sont copi6s l'un apres 1'autre (n. 2 et 3 respectivement). Le Gloria est transcrit dans H. STABLEIN-HARDER, op. cit. (CMM), n. 27 (version selon I-IV n. 50). 28 Transcrite dans: L. SCHRADE, French Cycles .. ., p. 139-64. 29 Les deux voix ext6rieures sont pourvues de texte et les deux int~rieures n'en comportent pas; cependant, le contratenor I developpe un contrepoint compl~mentaire celui du quadruplum et du tenor. Sur la classification de cet Agnus voir H. STABLEIN-HARDER, op. cit. (MSD), p. 78-79.

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M. del Carmen G6mez: Quelques remarques sur le r6pertoire sacra . . de l'ancien royaume d'Aragon 173

style ?rather archaic, du Credo, selon la definition de Gilbert Reaney30. Le Gloria est encore connu par trois autres sources, E-Boc 2 n. 1, F-APT 16bis n. 34 et F-Sm 222 n. 82 (index); on ne connait pas de concordances du Sanctus ni du Kyrie, bien que le texte du premier coincide avec celui du Sanctus F-APT 16bis n. 15.

L'incipit du cantus et du tenor de l'Agnus de la Messe de Barcelone fut peint au debut du XVe siecle sur l'une des vofites de la chapelle de Notre-Dame de Kernascleden (Bretagne), oiu on peut lire en outre les incipits d'un Gloria d'un Credo et d'un Sanctus correspondant aux memes voix. L'ensemble, tudie par Ursula Ginther31, semble devoir se referer a un cycle de l'Ordinaire de la Messe de l'Fcole avignonaise, aujourd'hui en partie perdu. En dehors de l'Agnus, seul le Sanctus est conserve

' travers deux sources differentes, E-Bd 853c/d n. 10 et E-G

n. 432. Sie l'on compare leurs versions completes respectives, on observe que Sanctus et Agnus de Kernascleden se raccordent par leurs rythmes syncopes, imitations, ressemblances de l'incipit de leur tenor et mensuration (temps imparfait avec prolation mineure). Sur le Gloria et le Credo on peut dire seulement que la mensuration de leurs incipits coincide avec celle des deux autres fragments, et qu'ils emploient, comme eux, le mode

ler33. Au moins deux Messes differentes semblent donc se mdler a la Messe de

Barcelone: a l'une appartiendrait l'Agnus et tres probablement le Kyrie, et a l'autre, plus ancienne, appartiendrait le Credo, vraisemblablement la Messe de Toulouse ou sa version originale. Une reconstruction hypothetique de la premiere de ces deux Messes comporterait en premier lieu la substitution du Sanctus de la Messe de Barcelone par celui de Kernascleden (= E-Bd 853c/d n. 10 et E-G n. 4); celle du Gloria par celui de Suzay peut-etre (F-APT 16bis n. 37), qui finit avec deux hoquets semblables a ceux du Kyrie II et Agnus III de la Messe de Barcelone34; la substitution aussi de son Credo par celui de Kernascleden - s'il a existe -, dont l'incipit ressemble a celui du Gloria de Suzay35, et, finalement, il faudrait y joindre un Ite, missa est.

Ces melanges de plusieurs cycles de l'Ordinaire de la Messe du XIVe siecle deviennent encore plus surprenants quand on observe que le Sanctus de Kernascleden et l'Agnus de la Messe de Toulouse sont copies l'un apres l'autre dans le manuscrit aragonais E-G (n. 4 et 5 de faqon respective).

Il se peut que l'auteur de la Messe hypothetiquement reconstruite en ait pris une autre comme modele, suivant l'exemple de Guillaume de Machaut, qui se serait inspire de la Messe de Tournai (B-Tc 476) ou de quelques-unes de ses parties pour composer sa <<Messe de Nostre Dame,36.

30 Article Sortes dans: The New Grove Dictionary of Music and Musicians (vol. 17, p. 540). 31 Les anges musiciens et la messe de Kernascl6den. Les Sources en Musicologie (Paris 1979). 32 Selon indique H. HARDER, Neue Fragmente mehrstimmiger Musik aus spanischen Bibliotheken. Festschrift J. Schmidt (Bonn 1957), p. 136, le copiste du manuscrit F-APT 16bis effaqa au fol. 11v un fragment de ce Sanctus qu'il avait ecrit par erreur. E-G est transcrit dans H. STABLEIN-HARDER, op. cit. (CMM), n. 65. 33 U. GONTHER, op. cit., p. 110-13. 34 Ibidem, p. 112. Le Gloria de Suzay est transcrit dans H. STABLEIN-HARDER, op. cit. (CMM), n. 35. 35 U. GONTHER, op. cit., p. 112. 36 Transcrite dans: F. LUDWIG-H. BESSELER, Guillaume de Machaut. Musikalische Werke vol. IV (Leipzig 1954) et L. SCHRADE, The Works of Guillaume de Machaut, dans: PMFC III (1974).

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174 M. del Carmen G6mez: Quelques remarques sur le r6pertoire sacr ... de l'ancien royaume d'Aragon

Il est bien connu que le Gloria et le Credo de la Messe de Machaut ressemblent a ceux de Tournai: meme type de phrases, memes passages de liaison, meme style37. Par sa technique musicale notablement avancee, le Gloria de Tournai doit tre

posterieur au Credo38, bien qu'il maintienne avec lui une unite stylistique; cependant, Machaut aurait deja connu la paire Gloria-Credo de cette Messe telle

que nous la connaissons aujourd'hui, car il semble citer leurs incipits respectifs en t te de son Gloria et de son Credo. Au Gloria la citation se trouve apres une breve introduction qui correspond aux mots <<Et in terra pax,, et est moins evidente qu'au Credo.

Exemple III Messe de Tournai. Gloria, m. 1-3

w + ++ + + +

ET T A +

<<Messe de Nostre Dame,,. Gloria, m. 6-9 A

.. ? + + +

+? ... + + +

f O H- 4 US 1O - NE4

-AA- ^ bUS

Messe de Tournai. Credo, m. 1-5

-P T.- I -

I - ( Tbu

•R - nC~ "lr~t o. - vr - to

- Tor - ZtW,

37 Voir G. REANEY, Guillaume de Machaut (London 1971), p. 60-61. La Messe de Tournai est transcrite dans CH. VAN DEN BORREN, Missa Tornacensis dans: CMM 13 (1957) et L. SCHRADE, French Cycles . p. 110-31. 38 CH. VAN DEN BORREN, op. cit., Introduction, p. III.

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M. del Carmen G6mez: Quelques remarques sur le r6pertoire sacr6 ... de l'ancien royaume d'Aragon 175

,Messe de Nostre Dame,). Credo, m. 1-5

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Machaut cite encore l'incipit de l'Amen du Gloria et du Credo de Tournai dans l'incipit de l'Amen respectif du Gloria et du Credo de sa Messe39

Sanctus et Agnus du manuscrit E-G ont pu tre reunis dans le cycle d'une Messe. Les deux portent la meme mensuration (temps imparfait avec prolation mineure), sont ecrits dans le mode 1r, l'incipit de la melodie de leur cantus coincide - seul les trois premieres notes - ainsi que leur premier accord; mais alors que le Sanctus semble ecrit en style simultane, l'Agnus, plus simple, est en style de dechant. Le copiste a reproduit peut-etre ces deux morceaux l'un apres l'autre, apres avoir remarque tout simplement certaines affinites entre eux.

En ce que concerne les possibles similitudes entre la Messe reconstruite et celle de Toulouse, il faut observer que leurs Kyrie et Agnus sont ecrits dans le mode ler et en temps imparfait avec prolation mineure, mensuration qui coincide avec celle de leur Sanctus respectif; ceux-ci se raccordent encore par le motif rythmique ;T•• et quelques mesures en hoquet 40. Les Credos ne peuvent pas se comparer, et le Gloria de Suzay comme celui qui aurait appartenu a la Messe de Toulouse n'ont rien a voir l'un avec 1' autre.

Si dans cette Messe hypothetique on substitue le Gloria de Suzay par celui de Kernascleden, dont l'incipit ressemble <<au Kyrie I de la Messe de Barcelone,41, on obtient ce qui serait probablement le cycle modele du peintre de la chapelle bretonne, cycle qui aurait pu deriver de celui de Toulouse. Ainsi donc, l'auteur de la Messe de Barcelone aurait rassemble trois morceaux appartenant a deux Messes differentes, l'une inspiree par l'autre, de la meme faqon que le copiste du

9 Comparer les m. 116-19 du cantus du Gloria de Tournai avec les. m. 106-10 du cantus du Gloria de Machaut; comparer aussi les m. 182-84 du Credo de Tournai avec les m. 158-61 (t6nor, contratenor et cantus) de celui de Machaut (transcription de Tournai selon Van den Borren et Machaut selon Schrade). A mon avis, les citations de la Messe de Tournai expliquent pourquoi les tenors du Gloria et du Credo de Machaut ne semblent pas deriver d'une source gregorienne, contrairement a ce qui arrive dans les autres morceaux de sa Messe. Sur ce dernier point voir E. A. KEITEL, The So-Called Cyclic Mass of Guillaume de Machaut: New Evidence for an Old Debate, dans: The Musical Quarterly LXVIII (1982), p. 314-17. 40 Comparer les m. 67-69 du Sanctus de Toulouse avec m. 19, 21 et 23 du Sanctus E-G n. 4, selon les transcriptions signalees. 41 U. GONTHER, op. cit., p. 112. Ursula Ginther a reconstruit l'incipit de ce Gloria dans l'exemple 12 de son etude; il ne ressemble pas lui non plus a celui qui aurait pu faire partie de la Messe de Toulouse.

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176 M. del Carmen Gomez: Quelques remarques sur le repertoire sacr-... de l'ancien royaume d'Aragon

manuscrit E-G rassembla un Sanctus et un Agnus, appartenant chacun a une des deux Messes signalees; il aurait ensuite complete la Messe en y ajoutant un Gloria et un Sanctus plus modernes et en oubliant de copier l'Ite, missa est. Cet oubli ne serait pas le seul: il manque le cantus de l'Amen au Gloria de la Messe de Barcelone et les dernieres mesures de la partie du tenor au Sanctus42

Outre ces oublis, le manuscrit E-Bd 971 contient un nombre si eleve d'erreurs, qu'il est presque impossible d'interpreter son repertoire sans y introduire de notables modifications. Le texte du motet E-Bd 971 n. 6 est si brouille, par exemple, qu'on n'arriverait jamais a comprendre ce qu'il dit saris l'aide d'autres versions. Malgre tout, il s'agit quand meme d'un manuscrit d'une ecriture

le1gante, comportant de tres belles initiales, surtout celles qui illustrent le Kyrie de la Messe de Barcelone (fol. 1)43. L'E-Bd 971 ne comporte qu'un seul fascicule, dont le verso du dernier folio est en blanc (fol. 12); ceci et le chiffre romain

<<VIIIa, inscrit tout a c6te de l'indication <<Gloria de Peliso),, qui correspond a la

composition n. 8 du manuscrit, suggerent qu'il n'aurait pas fait partie d'un autre

plus large44 Etant donn6 que le Credo de de Sort se trouve au manuscrit I-IV, frere Steve

peut l'avoir compose vers 1365, etant jeune homme. La Messe de Guillaume de Machaut date aussi de cette epoque ou d'une epoque legerement anterieure45; il est possible qu'elle ait eu un certain retentissement dans les milieux musicaux

avignonais46 Si, comme le propose Elisabeth A. Keitel, la <<Messe de Nostre Dame), n'a pas

ete conque comme une unite, <<given the stylistic dissimilarities between Machaut's texted Gloria and Credo and the rest of his compositions)47, celle de Toulouse non plus. Mais son auteur ou son compilateur a fait un effort considerable pour presenter cinq (six?) morceaux de l'Ordinaire de la Messe sous l'aspect d'un cycle unifie. Il est vrai qu'il n'a pas reussi a le faire avec la

maitrisse de Machaut, mais la <Messe de Nostre Dame), lui donna peut-8tre

l'idee de construire un cycle de l'Ordinaire autour d'un Credo devenu celebre dans des circonstances que nous ignorons.

Quelques annees doivent s'"tre ecoulees entre la composition de la Messe de Toulouse et celle du modele de la Messe de Kernascleden, et d'autres encore

42 M. 197-228 dans la transcription de L. Schrade. 11 y aurait peut-itre un autre cycle de l'Ordinaire, paralldle celui de Barcelone, avec le Gloria de Suzay a la place de celui qui y figure. 43 Voir la reproduction du Kyrie dans: H. ANGLES, La musica espaiola desde la Edad Media hasta nuestros dias (Barcelona 1941), facs. 17.

44 La description de ce manuscrit au RISM, vol. B IV 2, est melangee avec celle d'une partie du manuscrit E-Bd

971b-G, dont I'autre partie est a

son tour melangee avec la description du E-G (pour une autre description de ces manuscrits voir la note au pied n. 13. Le chiffre <<VIII>> est curieusement interprete par H. STABLEIN-

HARDER, op. cit. (CMM), n. 26, comme se referant au cantus du Gloria de Peliso. 45 U. GlNTHER, Chronologie und Stil der Kompositionen Guillaume de Machauts, dans: Acta Musicologica XXXV (1963), p. 101, place le repertoire du manuscrit oui cette Messe figure pour la premiere fois pas plus loin 1363. ' E. A. KEITEL, op. cit., p. 321-23 suggere une connexion de la Messe de Machaut avec la festivite de Notre Dame des Neiges, <<brought to Avignon during the fourteenth century,, (p. 322). 47 Op. cit., p. 321. LU-dessus voir encore l'article du meme auteur Les problemes rencontres pour dater la Messe, dans: Guillaume de Machaut, porte

et compositeur (Paris 1982).

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M. del Carmen G6mez: Quelques remarques sur le repertoire sacre ... de l'ancien royaume d'Aragon 177

jusqu'a la compilation de la Messe de Barcelone. Ceci nous amene alors a la fin du

XIVe siecle et a l'entr&e de frere Steve de Sort au service de la cour aragonaise.

A mon avis, le manuscrit E-Bd 971, avec son etrange cycle de l'Ordinaire de la Messe, serait une petite anthologie musicale command~e par un collectionneur. Elle comporte non seulement le Credo le plus repandu de l'Ars nova, mais aussi le motet qui semble avoir joui de la plus grande popularite, Apollinis eclipsatur/ (Z)odiacum signis (n. 9), outre les quatre autres parties de la Messe de Barcelone, le motet Degentis vital Cum vix artidici (n. 6), un Kyrie, Rex immense maiestatis/ Dulcis, potens, pater pie (n. 7) et le Gloria de Peliso. Il est impossible de savoir dans quel but fut ecrite une telle anthologie, mais il n'y eut en Aragon que deux personnages qui auraient pu etre interesses a l'acheter, Jean It ou son successeur Martin I .

Il serait assez trange que Jean Ir ait commande un manuscrit avec le Credo de de Sort avant l'incorporation de ce dernier a son service; le manuscrit indique avec clarte le nom de son compositeur et, comme nous l'avons vu, Jean n'avait pas entendu parler de lui avant septembre 1394. Martin Ier, un roi qui protegea tout specialement la musique religieuse, mourut en mai 1410, et apres lui il s'ensuivit une periode d'instabilite politique dans le royaume. Le manuscrit E-Bd 971 aurait alors probablement ete 6crit entre 1395 et 141048. Ceci ne signifie aucunement que son repertoire liturgique n'"tait pas connu en Aragon a une date anterieure, mais il est difficile de le prouver, car les manuscrits aragonais qui offrent des concordances avec lui, a savoir, E-Bd 853b, E-Bd 853c/d, E-Bd 971c, E-Boc 2 et E-Sa lo9, datent de la meme epoque ou sont un peu posterieurs, a une seule exception pres, le manuscrit E-Sa 109.

E-Sa 109 est une double feuille de parchemin de 311 x 242 mm, qui vient d'etre decouverte aux Archives diocesaines de Solsona49. Quand je l'ai vue pour la premiere fois, elle servait encore de couverture au manuel notarial 115, une collection d'actes des annees <<1550 usque 1563) provenant du petit village de Granyena (La Segarra. Lleida). Le manuscrit comporte 3 Gloria et 1 Credo incomplets. Il y a neuf port6es de couleur rouge a chaque page et les initiales sont rouges et jaunes.

Le Gloria E-Sa lo9 n. 1 (fol. 1-1v), a trois voix, concorde avec I'I-IVn. 45. Les deux parties superieures sont completes, alors que le tenor debute a la phrase

48 Dans l'inventaire des biens de Martin Ier effectu6 apres sa mort et publie par J. MASSO, Inventari dels bens mobles del rey Marti d'Arag6, dans: Revue Hispanique XII (1905), figurent deux livres de polyphonie qui ne correspondent pas au manuscrit E-Bd 971. Le premier, n. 441, 6tait <<un libre scrit en pergamins appellat Libre de cant d orga, ab credos e ab glorias e ab sanctus e agnus, e ab tenor e contratenor ab motets, e comensa <et in terra pax hominibus, e feneix dIlest per). Es Io dit libre cubert de posts cubertes de cuyr vert squinsat e es sens tencadorss, description qui correspond a celle d'un livre qui fut achete par la reine Marie le 8 juillet 1404 (RP reg. 531 fol 44); le second, n. 646, <<un libre de cant d'orga tot notat, scrit en pergamins, ab quiries e glorias e credos e ab sanctus. Comensa <Patrem omnipotentem, e fine(ix) <grande miraculum,. Cubert de posts cubertes e albadina vermeya, ab claus e scudets e gaffets,,. Martin

Ier avait herite plusieurs

livres de son frere Jean, mais une grande partie fut vendue ou vol6e avant la redaction de cet inventaire. 49 A tout effet pratique, ce manuscrit a ete cite dans la note de bas de page 168 n. 13 et son repertoire insere aux Tableaux I et II de cet article.

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178 M. del Carmen G6mez: Quelques remarques sur le repertoire sacre ... de l'ancien royaume d'Aragon

<<Qui sedes ad dexteram patris>,. Il existe quelques differences entre cette version et celle du manuscrit I-IV, en general plus ornes50

Le tenor est la seule partie qui nous reste du Gloria E-Sa lo9 n. 2 (fol. 2v), note seulement jusqu'a <<suscipe deprecationem nostram,; il concorde avec celui du Gloria de Depansis F-APT 16bis n. 12, identique au I-IV n. 30, si ce dernier avait ete copie entierement. Les differences entre le tenor du manuscrit espagnol et celui du manuscrit franqais sont minimes 51

Le morceau suivant est encore un Gloria (fol. 2-2v), dont on conserve la voix

superieure a partir de <<(fili unigenite, Iesu) Christen, et aussi celle qui correspondrait au motetus a partir du <Laudamus ten,. On ne connait pas de concordances de ce Gloria, mais son texte, trope aux deux voix, coincide avec celui du Gloria E-Bd 853 n. 3 et I-IVn. 6352. E-Sa 109 n. 3 serait ecrit a trois voix et en style de motet, mais les fragments qui nous restent aujourd'hui rappellent parfois les conductus du

XIIIe siecle.

Exemple IV Gloria E-Sa lo9 n. 3, m. (47)-(55)

SIr. RX- TUS -ET RL - O RE o•-

? Io- RPv - IR,-.C.4-

CL .

Le Credo qui figure en dernier lieu au bifolio de Solsona est celui du compositeur de Sort (fol. 2v). Le manuscrit ne contient que le debut du cantus jusqu'a <descendit

de celis>,, mais, de toute faqon, il s'agit de la neuvieme version connue du morceau.

Il est tres difficile, sinon impossible, de situer chronologiquement cette version

par rapport aux autres; il faut remarquer quand meme qu'elle comporte deux variantes sur les memes mesures du cantus de celle d'I-IV, et trois sur celle du codex F-APT 16bis. Selon ces variantes, la version du Credo de la Messe de Barcelone serait plus proche d'E-Sa 1o9 n. 4 que d'I-IV n. 60 et F-APT i6bis n. 46.

50 La comparaison des deux versions donne le resultat suivant (la num6ration des mesures correspond a la

transcription de H. STABLEIN-HARDER, op. cit. (CMM), n. 23 du Gloria I-IVn. 45, version qui est toujours citee en premier lieu aux equivalences): Cantus/ m. 3 Sol-La-Fa (3mi) = Sol-Fa (sb-mi); m. 5 Re-Mi-Ut (3mi) - Re-Ut (sb-mi); m. 12 La (sb) = La-Sol (sb-mi); m. 17, 65 et 98 Ut ; (lg) = Ut; m. 66 Re-Re-Mi-Fa-Sol (4sb-

mi) = Re-Ut-Re-Mi-Fa; m. 67 Mi-Fa-Re (3mi) = Mi-Re (sb-mi); m. 103 Mi-Re-Mi-Re-Mi-Ut (6mi) = Mi

(br). Duplum / m. 26 Ut-Si (sb.-mi) = (2mi); m. 27 La-Sol (sb-mi) = Sol (sb); m. 30 La-Mi (2br) = Mi (lg); m. 41 Re (sb) = Mi; m. 46 La-Si-Sol (3mi) = La-Sol (sb-mi); m. 65 Sol - (ig) = Sol; m. 66 La-La-La (3sb) =

La-Sol-La; m. 80 Ut (br) = Ut-Si (br-mi); m. 94 Mi-Re-Mi (3mi) = Mi-Re (sb-mi); m. 103 La-Si-Sol (3mi) =

La-Sol (sb-mi); m. 104-5 La (double Ig) = La-La-Ut (lg-2br). Tenor/ m. 83 La-Sol-Fa (2sb-mi) = La-Sol-Fa- Mi (sb-mi-sb-mi); m. 87-88 Re-Ut-Si-La-Sol (4sb-br) = Si-La-Sol (2sb-lg); m. 105 Fa (br) = Re.

5~ Le Gloria F-APT 16bis n. 12 est transcrit dans H. STABLEIN-HARDER, op. cit. (CMM), n. 24 Suivant le

critere etabli dans la note anterieure, les differences entre les deux tenors sont celles qui suivent (F-APT 16bis n. 12 figure le premier aux equivalences): m. 11 Sol (br) = La; m. 19 Fa (br) = Re; m. 33 Fa (sb) =

La; m. 44 Fa-Sol (lg-mi) = Fa-Mi-Re (br-mi-br). 52 Il s'agit du trope <<Spiritus et

alme-, n. 19312 du Repertorium Hymnologicum de U. Chevalier (Louvain-

Bruxelles 1892-1921).

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Tableau III

Variantes entre E-Sa 109 n. 4 et I-TV n. 60, F-APT 16bis n. 46 et E-Bd 971 n. 3

I-IV n. 60 F-APT l6bis n. 46 E-Sa 109 n. 4 E-Bd 971 n. 3

Cantus m. 2013 La-Si (2sb) La-Si-La (2sb-mi) La-Si (2sb) La-Si-La (2sb-mi)

m. 34-35 Si-Ut-Si-La-Si-La-Si Si-Ut-Si-La-Si (2sb-mi-sb-mi-sb-mi) (br-sb-mi-sb-mi)

m. 96 La-Si (2sb) La-Si (br-mi)

Le repertoire du bifolio E-Sa 109 est uniforme. Tout est &crit au temps imparfait et prolation majeure, apparemment sans erreurs, et les trois Gloria appartiennent au style de motet. Celui-ci, nous l'avons vu, semble caracteriser le repertoire sacre polyphonique des annees 1360, et ceci s'accorde avec l'inclusion du Credo du moine augustin Steve de Sort dans un manuscrit dont 75 % du repertoire est ecrit dans ce style.

Il1 existe la possibilite que le manuscrit E-Sa lo09 ait appartenu au monastere des augustins de Cervera - ville situde a 10 km au nord de Granyena -, fonde en 136254. Mais nous ignorons quelles ont 6te les relations de ce monastere avec son homonyme de Toulouse ou avec Avignon, car il manque a ce sujet oute sorte d'information.

Abreviations employees

ACA = Archives de la Cour d'Aragon CMM = Corpus Mensurabilis Musicae MSD = Musicological Studies and Documents PMFC = Polyphonic Music of the Fourteenth Century RISM = Repertoire International des Sources Musicales RP = Patrimoine Royal des ACA

Ig = longue br = brave sb = semibreve mi = minime

5 Selon la transcription citee dans la note au pied n. 28. 54 A. DURAN, Llibre de Cervera (Barcelona 1977), p. 318.

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