EMPLOI & FORMATION • N O 901 • 14 MAI 2018 M ais même dans les déserts mentaux de l’officialité experte, de temps en temps au joli mai, un fier cac- tus porte un beau fruit sous ses épines, qui vaut son pesant d’or. Voici donc un panier de fruits bariolés cueillis ces jours dans le champ d’habitude stérile des sociologues, des astronomes, des historiens, des pédago- gues... Le plus gros fruit a même trois cou- leurs: celle de l’éducation, celle de la culture, celle de la science. Qu’«ESC» que c’est? Trois couleurs trop vives pour être vraies... mais dans un désert, on ne fait pas la fine bouche, alors saluons le miracle de fraî- cheur derrière l’aridité du titre: «Shaping the mandates of International Organizations: Innovation and Competition, The case of Unesco». Ça se tenait au Palais des Nations, haut lieu du formalisme, avec des gens de l’Institut des hautes études, haut lieu de la bienséance... et des chercheurs des Univer- sités, haut lieu des illusions. Mais pour une fois, à la place de se servir de faire valoir l’un à l’autre, ces trois cercles se sont demandé comment ils réglaient leurs conflits de ter- ritoire... grand «non-dit» de la noblesse de pensée. Débat, donc, autour de deux articles de poids (snis.ch); les deux chercheurs en sont, pour l’instant, au cas de l’Unesco, qui a mis la main sur la bioéthique sans même que l’OMS s’en rende compte. Peut-être, pour l’Unesco, était-ce une question de sur- vie, car de toutes les organisations interna- tionales, elle est la seule à n’avoir pas d’objet: «E», c’est l’éducation, «S», la science, «C», la culture... au départ, c’était donc la mieux dotée, mais que reste-t-il, de nos jours, de ces trois divinités, sinon des querelles dans les brumes de l’Olympe? Plus curieux en- core, mais pas évoqué ce jour-là: c’est l’OIT qui – malgré ses réflexes mais à la joie des oubliés – a conclu il y a trente ans la seule «Convention» en faveur des «peuples au- tochtones». Et l’organisation qui arrivera à parler au nom des paysans ou des consom- mateurs fera surtout parler d’elle-même: cela donne des ailes à certains (fian.org, uniterre. ch, viacampesina.org, consumersinternatio- nal.org), de l’esprit à d’autres (scalingupnu- trition.org), et des maux de tête à la FAO, à l’OMC, à l’OMPI. Plus physique que mental Si l’Unesco ne sait plus très bien ce que sont l’éducation et la culture, et que le Techday (satw.ch; voir aussi techlabs.ch, et les plus candides bancspublics.ch, dans l’attente de vacances-scientifiques.com) ne sait qu’à moitié ce qu’est la science, enfin que le Cern croit que le vrai est juste l’inverse du «fake», l’Afrique aide à trouver le Sud quand on a perdu le Nord. Le deuxième fruit goûteux de cette saison pouvait être croqué au bord de l’Arve au temps du muguet. A l’Ecole de phy- sique, un astronome parlait de robots enfin comme il faut: «Rise of the Machines: Funda- mental Science in the Era of AI». Bruce Bassett dirige un observatoire en construction au Sud de l’Afrique. Cette installation doit travailler pendant cinquante ans, mais Bruce craint qu’alors, il n’y ait plus d’humains pour pour- suivre l’aventure. «Quand donc les robots se- ront-ils à la hauteur de la tâche?», s’inquiète-t- il. Et pour donner des éléments de réponse, il pose à l’auditoire ces questions, du début à la fin: «Qu’est-ce que la «conscience»?», «Que veut dire «comprendre»?», «Qu’est une «loi physique»?». Si la première interpelle encore les psychologues, et la deuxième, les pédago- gues, la troisième a été évacuée par les physi- ciens (sauf un ou deux comme Michel Spiro)... je m’en rends compte chaque fois que je vais au Cern (c’est pourquoi le service de presse ne me laisse plus souvent y entrer). Ce genre de question (voir aussi semaino.hypotheses. org), on en trouve par contre des germes aux portes ouvertes des «écoles actives» (ecole- mes.ch, printemps-education.org), parfois dans l’ambiance d’une foire à Palexpo ou d’un buffet au bord du Lac (inventions-geneva.ch, voire salon-ecom.com, fidessa.com et platts. com où on apprit que les raffineries de pé- trole se portaient mieux que celles de sucre). Et même au forum du climat (climateshow. ch; voir aussi hydroconference.wmo.int), Plus y’a d’quoi, moins ça pèse? «Regarde! Des gens qui savent tout...». Comment ma voisine dans l’auto peut-elle juger des gens dont elle ne sait rien, sinon qu’ils forment un groupe de pairs en costume, passant la rue entre les clous dans un quartier «sérieux»? Mais les quatre indices sont assez sûrs, surtout les clous et le groupe: c’est sans doute l’oeil des pairs qui «formate» le plus les experts, leur donne l’esprit de clan, les fait penser dans la ligne... Quand on est soufflé par leurs faits et chiffres, est-ce du vent? En tout cas, les trous du fromage ne seront jamais accusés d’être des «fake news»... même quand on les donne comme pitance à des affamés du désert. Les esprits éthérés nous endorment-ils? •