-
PIERRE BOURDIEU : CRITIQUE ET RFLEXIVIT COMMEATTITUDE
ANALYTIQUEDamon Golsorkhi, Isabelle Huault
Lavoisier | Revue franaise de gestion 2006/6 no 165 | pages 15
34 ISSN 0338-4551
Article disponible en ligne l'adresse
:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
http://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2006-6-page-15.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Pour citer cet article
:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Damon Golsorkhi et Isabelle Huault, Pierre bourdieu : critique
et rflexivit comme attitudeanalytique , Revue franaise de gestion
2006/6 (no 165), p. 15-34.DOI
10.3166/rfg.165.15-34--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Distribution lectronique Cairn.info pour Lavoisier. Lavoisier.
Tous droits rservs pour tous pays.
La reproduction ou reprsentation de cet article, notamment par
photocopie, n'est autorise que dans les limites desconditions
gnrales d'utilisation du site ou, le cas chant, des conditions
gnrales de la licence souscrite par votretablissement. Toute autre
reproduction ou reprsentation, en tout ou partie, sous quelque
forme et de quelque manireque ce soit, est interdite sauf accord
pralable et crit de l'diteur, en dehors des cas prvus par la
lgislation en vigueur enFrance. Il est prcis que son stockage dans
une base de donnes est galement interdit.
Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
Lobjet de cet article est
danalyser lapport
potentiel des travaux
de Pierre Bourdieu pour les
sciences des organisations.
Les principaux concepts
de cette sociologie sont
prsents, avant de mettre
en vidence quelques
pistes dapplication
possibles en sciences
de gestion. La dimension
rsolument critique de
luvre, qui valorise la part
de rflexivit dans le travail
du chercheur pour
renouveler les pratiques
scientifiques, est enfin
souligne.
Les grands auteurs en sociologie prsentent sou-vent des
potentialits importantes pour lessciences des organisations et un
nombre impor-tant dentre eux, classiques et contemporains, sont
abon-damment cits2. Etonnamment, alors que les travaux
dessociologues franais sont de plus en plus utiliss ltranger, ils
restent sous-exploits par la communautde chercheurs franais. Ces
sociologues fournissentpourtant des cadres thoriques robustes,
lesquels ont ttests empiriquement de manire abondante et
systma-tique dans leurs champs dorigines.Parmi ces sociologues
franais, Pierre Bourdieu, hritierde grands penseurs europens comme
Emile Durkheim,Karl Marx et Max Weber, tient une place singulire.
Ladiversit des objets empiriques de ses recherches cache
M A N A G E M E N T :L E S C O N S T R U C T E U R S PAR DAMON
GOLSORKHI,
ISABELLE HUAULT1
Pierre Bourdieu:critique et rflexivit commeattitude
analytique
1. Les auteurs remercient F. Allard-Poesi et B. Leca pour leur
relectureet leurs critiques. Quils soient cependant exonrs de toute
responsa-bilit pour les erreurs ventuelles.2. Cet intrt sincarne
ces dernires annes dans deux numros sp-ciaux de revues europennes
de rfrence entirement consacres deux sociologues classiques :
Organization sur Norbert Elias, vol. 8, n 3, 2001 et Organization
Studies sur Max Weber, vol. 26, n 4, 2005.
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
lunicit du cadre thorique dont les basessont jetes dans les
annes soixante, mmesi lvolution de luvre bourdieusienne estmarque
par quelques contradictions et unecertaine htrognit (Corcuff,
2003).Depuis le dbut des annes 2000 et plusparticulirement depuis
sa mort survenueen janvier 2002, laura de Pierre Bourdieudans les
sciences des organisations nacess de crotre. Bien que les travaux
fran-ais le mobilisant soient rares (Moingeon,1993 ; Moingeon et
Ramanantsoa, 1995 ;Ramirez, 1998, 2001, 2003 ; Gomez, 2002 ;Gomez
et al., 2003) il existe indniable-ment un effet Bourdieu. En
tmoignelengouement au symposium qui lui taitconsacr au colloque de
lAcademy ofManagement (Leca, 2005) o lon a purelever la prsence de
plus de deux centschercheurs. titre dexemple, il a t citdans 25
articles de Human Relations entrejanvier 2000 et janvier 2005, dans
38 textesde Organization entre fvrier 1999 et sep-tembre 2005 ou
encore dans 24 articles deOrganization Studies entre mars 2003
etseptembre 20053.Pourtant, lemprunt aux travaux de Bour-dieu dans
ces champs de recherche nestpas nouveau. Des textes prcurseurscomme
ceux de Ranson, Hinings et Green-wood (1980), de Willmott (1981) et
deDiMaggio (1983) en thorie des organisa-tions ou dAnderson (1983)
et de McCrac-ken (1986) en marketing ont ouvert la voie.Lirruption
de Bourdieu en sciences de ges-tion fut particulirement notable
dans lesannes 1990. On compte ainsi de nombreux
textes en marketing (Firat et Venkatesh,1995 ; Holbrook, 1999 ;
Holt, 1995 ; 1997 ;1998), mais aussi dans le domaine dumanagement
(Pentland, 1992 ; Orlikowskiet Yates, 1994 ; Tsoukas, 1996 ;
Walker,Kogut et Shan, 1997, Nahapiet et Ghoshal ;1998 ; Oakes et
al., 1998 ; Bradbury etLichtenstein, 2000 ; Feldman, 2000).Ce succs
tient sans doute au caractreimpressionnant et ambitieux de luvre
etau potentiel que celle-ci reprsente pour lessciences de gestion.
En effet, le projet bour-dieusien, qui vise analyser les phno-mnes
de reproduction, et dnoncer lalogique de domination, permet de
mettre jour les effets parfois violents quexercentles structures
sociales sur les agents. Au-del des rapports conomiques
entreclasses sociales, il souligne aussi la pr-gnance des
dimensions historico-culturelleset symboliques. Une lecture
historiquemontre dailleurs que ds les premiers tra-vaux en Algrie
(1958, 1963, 1964) jus-quaux dernires publications
empiriques(2000), thoriques (2001a) ou militantes(2001b), la
dmarche critique est omnipr-sente. ce titre, la finalit a toujours
t ledvoilement des dominations.Cette sociologie ouvre ds lors une
brchepour poser les bases dune approche cri-tique en sciences de
gestion en France4dont la proccupation ne serait non pas,celle de
la connaissance pour le manage-ment mais celle de la connaissance
dumanagement (Alvesson et Willmott, 2003).Elle constitue en effet
un rfrentiel pouranalyser et mettre nu les pratiques mana-
16 Revue franaise de gestion N 165/2006
3. Ce qui nest pas le cas des quatre revues de lAcademy of
Management o le taux de citation des travaux de Bour-dieu reste
marginal.4. De faon tonnante, en France, pays do est issu un grand
nombre de penseurs critiques de la thorie du social,il nexiste pas,
contrairement dautres pays, de courant critique en management.
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
griales et les dominations qui en sontissues, mais elle dessine
galement deslignes daction pour les chercheurs (Golsorkhi,
2005).Lobjectif de cet article ne saurait tre unerevue exhaustive
des travaux de PierreBourdieu. Il souhaite plus simplement
souligner le caractre prometteur de cetteuvre pour les sciences
des organisations.Aprs avoir prsent les principauxconcepts de cette
sociologie, nous en souli-gnerons le caractre systmique, en non-ant
quelques pistes dapplication possiblesen sciences de gestion. Dans
une dernire
Pierre Bourdieu 17
BIOGRAPHIE
Bourdieu est n en 1930 Denguin dans les Hautes-Pyrnes dans une
famille pluttmodeste. Il entre en 1951 lENS de la rue dUlm aprs
trois ans de classe prparatoireau lyce Louis-le-Grand et obtient
son agrgation de philosophie en 1954. Aprsquelques mois de
professorat au lyce, il part pour lAlgrie afin deffectuer son
servicemilitaire et y reste en tant quassistant la facult des
lettres dAlger entre 1958 et 1960.Ce sjour en Algrie marqua jamais
sa carrire de sociologue puisque cest la suitede ses travaux
empiriques sur la Kabylie que les bases de son cadre thorique ont
tposes. Sen suivent quatre dcennies de travaux et de publications
avec, comme datesmajeures, sa nomination en tant que directeur
dtudes lEHESS en 1964, la crationde sa revue en 1975 (Actes de la
recherche en sciences sociales), sa nomination en 1982au Collge de
France la chaire de sociologie, la mdiatisation de son engagement
poli-tique en 1995 et sa mort en janvier 2002. Bourdieu a produit
plus de 40 ouvrages et 200articles sur des champs aussi varis que
lducation, le monde de lart et de la littrature,la mthodologie, le
champ acadmique, la recherche et la science, llite, la
misresociale, la politique ou encore le logement. Toutefois, lors
des dix dernires annes de savie, il produisit surtout des essais
thoriques ou militants. La rumeur laisse entendre queRaymond Aron,
en tant que mentor du jeune Bourdieu et avant leur rupture en
1968,disait de lui quil tait probablement le plus prometteur et le
plus dou des quatre enfantsterribles de la sociologie franaise
(Boudon, Bourdieu, Crozier et Touraine). Aujour-dhui, les faits
confirment cette rumeur, puisque cest le sociologue franais le plus
lu, leplus traduit et le plus cit de ces quarante dernires annes.
Son succs dpasse les fron-tires de la sociologie, car de nombreuses
disciplines des sciences sociales sinspirentlargement de ses
concepts et de sa perspective.Principaux ouvrages : Le Mtier de
sociologue (1968), La reproduction (1970), Esquissedune thorie de
la pratique (1972), La Distinction. Critique sociale du jugement
(1979),Le sens pratique (1980), Questions de sociologie (1980), Ce
que parler veut dire (1982),Homo Academicus (1984), La Noblesse
dtat. Grandes coles et esprit de corps (1989),Rponses (1992), Les
rgles de lart (1992), La misre du monde (1993),
Mditationspascaliennes (1997), La domination masculine (1998), Les
structures sociales de lco-nomie (2000), Science de la science et
rflexivit (2001).
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
partie, nous mettrons en vidence la dimen-sion, rsolument
critique, de la thorie quivalorise la part de rflexivit dans le
travaildu chercheur, afin de renouveler les pra-tiques
scientifiques.
I. RETOUR LA SOURCE:LES CONCEPTS BOURDIEUSIENS
La thorie bourdieusienne peut tre explici-te grce un nombre
restreint de conceptsinterdpendants et en interaction.
Pourapprhender le fonctionnement de la tho-rien encore faut-il
prcisment caractriserces concepts. videmment, la
sociologiebourdieusienne ne se rduit nullement la mcanique
simplifie que nous expo-sons. Lensemble est plus complexe
etsophistiqu, mais lexplicitation de luvresous une forme schmatique
permet demieux en comprendre le sens, de mettre jour les liens
entre concepts et les lina-ments de la dynamique globale. Ces
l-ments sont mobiliss dans la quasi-totalitdes analyses sur les
champs littraire etartistique, politique, acadmique, cono-mique,
ducatif ou scientifique. Le champest le mtaconcept qui structure la
pensede Bourdieu, base de toute analyse se rcla-mant de ce courant.
Cest un point dentrequi induit ltude de cinq autres
concepts,auxquels il est trs troitement associ : lecapital,
lhabitus, les pratiques, la doxa etlillusio.
1. Structure structure : le champcomme point de dpartLe monde
social est constitu par desespaces structurs de positions, les
champs (Bourdieu, 1966). Ces derniersjouissent dune autonomie
relative et sontagencs de manire conflictuelle autour depositions
(Bourdieu, 1972) que diffrentsagents sociaux occupent par rapport
auvolume et la structure du capital dispo-nible et dtenu. La
position des agents dansle champ dtermine leurs marges demanuvres.
Chaque champ est dot den-jeux, de rgles de fonctionnement, dint-rts
caractristiques, dobjets et dagentspossdant lhabitus spcifique du
champ.La configuration du champ dpend despositions des agents, du
rapport de force etde la lutte qui en dcoulent (Bourdieu,1980a). Ds
lors, une dimension consub-stantielle du champ est la lutte autour
delacquisition des diffrentes formes de capi-taux (Bourdieu,
1997b). Les champs appa-raissent ainsi comme des lieux de
concur-rence et de lutte, habits par des dominantset des domins.
Chaque champ est linsti-tutionnalisation dun point de vue dans
leschoses et dans les habitus (Bourdieu,1997a, p. 144)5. Il enferme
les agents dansses enjeux propres qui, partir dun autrepoint de
vue, deviennent invisibles ou dumoins insignifiants ou mme
illusoires(Bourdieu, 1997a, p. 140).
2. Dterminant des positions et causedes luttes : le capitalLe
capital est une ressource, au sens large,qui se dcline sous quatre
formes (Bour-dieu, 1979, 1992b, 1993, 1997a) : a) le capital
conomique li aux ressourcespatrimoniales ou au revenu, b) le
capitalculturel quil sagisse du capital ltatincorpor (culture,
langage, connaissance
18 Revue franaise de gestion N 165/2006
5. Le concept de champ fut dailleurs un des premiers concepts
bourdieusien tre peru comme utilisable en tho-rie des organisations
(DiMaggio, 1983 ; DiMaggio et Powell, 1983).
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
des codes sociaux, etc.) ou du capital ltat institutionnalis
(diplmes et titres) ;c) le capital social , ensemble des rela-tions
et rseaux que lindividu peut action-ner, d) le capital symbolique
enfin,expression de lautorit et de la lgitimitquinduisent les
autres formes de capitalpour lagent dans un champ donn. Chaquechamp
possde ces quatre formes de capi-taux, de manire invariante. On
peut aussi ytrouver des capitaux spcifiques, tels que lecapital
scientifique pour le champ de larecherche. Lespace social est ainsi
pensde faon multidimensionnelle et ne serduit pas aux ressources
dordre cono-mique, ce qui dmarque luvre duneconception strictement
marxiste.
3. Lhabitus en tant que systme de dispositions durables pour
laction et le langage Sicut vestis corpus, ita habitus animamvestit
(lhabitus habille lme comme levtement le corps)6. Lhabitus
(Bourdieu,1980a, 1980b, 1992a, 1992b)7 dun agentest un acquis
incorpor de faon durablesous forme dun ensemble de dispositionsqui
sacquirent au cours du processus de socialisation. Lhabitus est le
gnra-teur , lorganisateur des pratiques etdes reprsentations des
individus. Il estintimement li au champ et intervient demanire
rcurrente dans les pratiques desagents quil faonne. Lhabitus est
dyna-mique puisquil sactualise dune manireincrmentale et historique
(Bourdieu,
1997a). Il est produit par le conditionne-ment social. Il
autorise et limite les actionsdes agents dont il est la source. Il
induitdes conduites objectivement adaptes lalogique du champ social
concern et, cetitre, il est la base dune conomie despratiques.
Lhabitus se traduit par desstyles de vie et par des jugements.
Vri-table matrice de toutes les questions perti-nentes travers
laquelle nous apprhen-dons le monde, lhabitus guide
noscomportements. P. Corcuff (2003) parleainsi des structures
sociales de notre sub-jectivit qui se constituent au travers denos
premires expriences (habitus pri-maire), puis de notre vie dadulte
(habitussecondaire).
4. La pratique comme lexpressiondagir des agentsLa pratique
dsigne lactivit socialeconcrte des agents (Bourdieu, 1972,1980a)
ayant pour grammairegnrative lhabitus acquis dans unchamp donn. La
pratique est une formedactivit, rsultat de conditions historiqueset
sociales. En outre, elle est le produitdune dialectique entre la
structure socialeobjective exprime sous forme de codes etde
contraintes et la structure structuranteincorpore dans le corps
sous forme dhabi-tus. Elle suppose un sens pratique qui per-met
lagent dajuster son habitus auxconditions objectives du champ,
maislhabitus son tour cadre les pratiquesdans un champ donn.
Pierre Bourdieu 19
6. Cit par Hran (1987), p. 389.7. La vritable explicitation de
ce concept par Bourdieu date de sa postface du livre de Panofsky
(1967) et il appa-rat comme un concept fort complexe et polysmique
(Hran, 1987).
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
5. Naturaliser la situation du champ :la doxa comme dogme
inconscientLa doxa (Bourdieu, 1997a, p. 30) est un ensemble de
croyances fondamentales quinont mme pas besoin de saffirmer sous
laforme dun dogme explicite et conscient delui-mme . La doxa est un
ensemble deprsupposs insparablement cognitifs etvaluatifs dont
lacceptation est impliquepar lappartenance mme (au champ)(Bourdieu,
1997a, p. 145). Elle formate linterprtation des choses,
puisquelleguide notre comprhension du mondesocial, eu gard au champ
auquel on appar-tient. Elle dlimite lespace de discussionlgitime,
excluant comme absurde ouimpensable toute tentative pour
produireune position non prvue. La doxa revt unecharge politique
car elle normalise et lgi-time un ordre social donn.
6. Lillusio comme intrt pour jouer avec les rgles du
champLillusio est un voile (Bourdieu, 1997a,p. 25) qui consiste en
un ensemble de croyances fondamentales dans lintrt dujeu et la
valeur des enjeux, inhrent cetteappartenance (au champ). Cet intrt
pourle jeu permet lagent de construire un sens sa vie, en linsrant
dans le jeu des enjeuxdu champ. Lillusio se forme partir delhabitus
primaire et spcifique, mais aussipar la doxa qui incorpore dans les
individusun ensemble de pratiques et de croyancestacites, impenses
et non explicitables. Ilest de lordre de la routine, de laction,
deschoses que lon fait.
II. LA DYNAMIQUE DU SYSTME BOURDIEUSIEN
Les concepts bourdieusiens ne sexprimentpleinement que lorsquils
sont situs dans une logique globale dinteraction etdinterdpendance.
Lobjectif est de four-nir ici quelques pistes de
conversationsconceptuelles approfondir et ce, travers la dynamique
macro-micro8 et le lien (habitus) (capital) + champ = pratique
(Bourdieu, 1979). Dans cette perspective,les pistes dapplication
potentielles ensciences de gestion sont nombreuses.
1. Le systme bourdieusien et la reproduction des pratiquesLe
raisonnement situ et localis, consistant ne regarder que lactivit
concrte desagents, pour se focaliser sur leurs seulespratiques, ne
permet gure de comprendrela reproduction de celles-ci. La
reproduc-tion des pratiques dpend ainsi de plusieursparamtres : du
maintien de la structure du champ entermes de position et du volume
des capi-taux dtenus par les agents ; du maintien de la doxa et de
lillusio duchamp par les dominants ; du degr dautonomie du champ et
de lacapacit, pour les dominants, fermer lac-cs des capitaux aux
domins, notammentpar la fixation de rgles qui se naturalisent(la
doxa) en devenant des dispositions etdont le respect cre un intrt
(lillusio). Lalogique de la distinction entrine alors ladomination
(Cabin, 2000) ;
20 Revue franaise de gestion N 165/2006
8. Certains auteurs parlent de trois niveaux (micro-meso-macro)
pour expliciter la dynamique de la thorie bour-dieusienne (zbilgin
et Tatli, 2005). Nous prfrons rester fidles , suivant en cela
Bourdieu qui plusieursreprises sous des acceptions varies, appelle
une conception nintgrant que deux niveaux. Dautres lectures
sontencore possibles comme celle dEverett (2002).
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
de lhabitus primaire, produit historico-culturel de la
socialisation. Cet habitus pri-maire oriente et facilite
ladmissiondans un champ (professionnel par exemple)qui, son tour,
inculque dautres disposi-tions, plus spcifiques, que lon
appellehabitus secondaire.La dynamique macro-micro se rvle
alorsassez simple : les pratiques ne sont renduespossibles au
niveau des agents que grce lhabitus et au volume des capitaux
dte-nus. La capacit dajustement, dadaptationet dimprovisation des
agents dpend de ladotation en capitaux et de ltendue de
leurshabitus. Cet habitus est lui-mme form par
lintgration de structures objectives dumonde social, le champ,
dans lequel lindi-vidu volue. Les deux types de
structures(structures le champ et structurante lhabitus) dterminent
les pratiques desagents. In fine, lagent bnficie dune capa-cit
dajustement et dimprovisation, maispar rapport ces deux types de
structures,et dans la limite de la doxa et de lillusio.Dans cette
perspective, les pratiques setransforment si les domins sont en
mesurede changer les rgles du jeu du champ, pourfaire voluer la
nature des capitaux valori-ss et les modalits de leur dotation9.
Celadpend de la capacit des agents se munir
Pierre Bourdieu 21
Figure 1SYNTHSE DE LA DYNAMIQUE DES PRATIQUES
9. La thorie bourdieusienne a souvent t accuse par ses
dtracteurs, de focaliser lattention sur la reproduction,en ignorant
toute possibilit dvolution. Or les crits de Bourdieu soulignent
bien que les champs sont potentiel-lement ouverts au changement,
parce que le capital et les positions des agents y sont parfois
contests.
Source : daprs Golsorkhi (2005).
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
de capitaux provenant dautres champs,pour crer des perturbations
et de nouvellesrgles du jeu non matrises par les domi-nants. Cette
modification influence la struc-ture du champ et les positions
tablies.Lvolution de la dotation des capitaux, delhabitus, des
pratiques et de la structure duchamp modifie la doxa et, par l
mme,lillusio.Ainsi, analyser lvolution des pratiques,sans
comprendre la structure de lhabitus etdu champ, devient hautement
problma-tique. Le schma de la figure 1 synthtisecette dynamique
thorique.
2. Les perspectives dutilisation ensciences de gestion :
larticulation des niveaux danalyseLanalyse bourdieusienne peut
clairer denombreuses problmatiques de recherchedans divers domaines
tels que le marketing,la thorie des organisations, le managementdes
systmes dinformation, la gestion desressources humaines ou encore
le manage-ment stratgique. Nous nous focalisons icisur deux
exemples.Lun des courants de recherche actuels en management
stratgique, la stratgiecomme pratique (Whittington, 1996 ;
Jarzabkowski, 2005) ou la stratgiecomme activit (Johnson et al.,
2003)pourrait constituer un terrain dapplication.En se focalisant
sur le lien processus-contenu et le rapport micro-macro,
cetteapproche naissante tente danalyser le curmme de lactivit
stratgique. Le but est decomprendre et dexpliquer, comment
lastratgie se fabrique au quotidien par lespratiques, le langage,
les routines, lesrgles bref, par lactivit sociale auniveau
microscopique. Mais celle-ci est relier au niveau organisationnel
et plus
gnralement au niveau institutionnel etenvironnemental. Ds lors,
le lien avec uneperspective bourdieusienne devient troit. titre
dexemple en effet, pour tudier lafabrique du changement stratgique
et orga-nisationnel, lobjectif consisterait expli-quer la gense
dlments visibles commela culture, les pratiques, les routines,
lesrsistances () Lenjeu serait celui dudvoilement de la dimension
cache desactions et des discours sur les phnomnesorganisationnels
et stratgiques, afin decomprendre leur reproduction. Lechercheur,
ne se satisfaisant plus de ltudedu visible , chercherait plutt
com-prendre ce qui engendre et maintient la cul-ture (lhabitus, la
doxa et lillusio), lori-gine de la reproduction des
pratiques(lhabitus, la dotation en capital et la doxa),les raisons
pour lesquelles certains agentsluttent pour maintenir les rgles du
jeu duchamp (dotation en capital et positions dansle champ) ou
encore les causes pour les-quelles les agents portent un intrt
pourdes rgles du jeu pourtant dsutes (lillusio). Il apparatrait
ainsi que mme lesorganisations les plus dmocratiques enapparence
peuvent aboutir des modes dedomination, fonds sur des processus
sub-tils de socialisation et de croyances. Cer-taines techniques de
management peuventmme sassimiler dans cette perspective un vritable
travail de naturalisation de larelation de domination.Par ailleurs,
une autre piste prometteuse delutilisation de la sociologie de
Bourdieusinscrit plus particulirement dans la pers-pective
no-institutionnelle en thorie desorganisations et concerne la
problmatiquedu travail institutionnel (Lawrence etSuddaby, 2006).
En effet, Lawrence et Suddaby dans un texte de la deuxime di-
22 Revue franaise de gestion N 165/2006
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
tion Handbook of Organization Studies(juin 2006) dfinissent le
travail institution-nel, comme des actions dlibres dindi-vidus et
dorganisations visant crer,maintenir ou perturber les institutions
.Dans ce cas prcis, le cadre bourdieusienpermettrait de dmontrer
comment lesdominants maintiennent leurs positionsdans un champ en
contrlant laccs auxcapitaux, en fixant les rgles du jeu, en
ali-mentant et en protgeant la doxa. Elle per-mettrait aussi de
souligner comment desdomins dun champ, prts changer lesrgles du
jeu, doivent aller chercher horschamp les capitaux ncessaires pour
per-turber, voire changer les institutions, etcomment le maintien
dune institution estfond sur une lutte incessante entre desagents
appartenant un champ [] Ensomme, une comprhension systmique dela
sociologie de Bourdieu pourrait per-mettre de mieux mettre en
exergue lesmcanismes de reproduction des institu-tions, le but tant
de dcrire, de comprendreet danalyser les dterminants de la
domi-nation, objet central de la sociologie deBourdieu, et
dimaginer les stratgies pos-sibles pour sen affranchir. La marge
demanuvre des agents et la libration tienten effet la prise de
conscience, permise oufacilite par la thorie sociologique, de
lasituation relle des rapports sociaux (Cas-tel, 2004).En un sens,
la perspective bourdieusiennepourrait tre la base du renouveau
denombreuses lectures en management. Ellepermet larticulation des
niveaux danalyse,ce qui est lune des difficults tradition-nelles en
thorie des organisations. Elleparticipe galement au
repositionnement(r-encastrement) de lagent au sein ducontexte
organisationnel, le champ englob,
dans lequel il opre, contexte lui-mmeinsr dans un mtacontexte,
le champenglobant (Bourdieu, 2000). La thoriepourrait, au fond,
contribuer la compr-hension du fonctionnement systmique denombreux
phnomnes organisationnels,tels que la reproduction, le maintien et
lechangement des pratiques au niveau micro-scopique, la domination
inconsciente dansles organisations, la fabrique de la stratgie,la
culture organisationnelle, lentrepreneu-riat institutionnel ou
encore le travail insti-tutionnel.Finalement, le projet gnral de
Bourdieuest bien de dmontrer que cest autour descapitaux que les
luttes de pouvoir dans unchamp se jouent. Le volume du capital
pos-sd par les agents dfinit leurs positions.Ceux qui disposent
dune dotation impor-tante en capital ont intrt la reproduction.Les
autres sefforcent de faire voluerlquilibre des forces en
introduisant denouvelles rgles du jeu, pour promouvoirdes types de
capitaux non possds par lesdominants. Pourtant, les domins ne
peroi-vent pas toujours quils doivent lutter pourle changement des
rgles du jeu et pourlacquisition de nouveaux capitaux, en rai-son
de la doxa et de lillusio du champ,transmis par le biais de
lhabitus. Pris par lejeu social, les domins ignorent la logiquede
la diffrenciation, et donc la domination.En ce sens, les normes
sont inculques, parune socialisation et par des processus
ido-logiques, ce que Bourdieu appelle la vio-lence symbolique.
Celle-ci occulte les rap-ports de classe et de domination.
Lesdomins adhrent lordre dominant enmconnaissant ses mcanismes et
soncaractre arbitraire. Cette soumission nesten rien une servitude
volontaire, elle estsimplement leffet dun pouvoir qui sest
Pierre Bourdieu 23
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
inscrit dans le corps des domins, sous laforme de schmes de
perceptions et de dis-positions (Bourdieu, 1997a, p. 247).Ainsi les
processus de recrutement dans lesorganisations peuvent tre lus,
launedune telle grille thorique. Laccession auxpositions dominantes
dans les entreprisespasse majoritairement par le fait davoir faitou
non sa scolarit dans une cole presti-gieuse (Cadin et al., 2003).
Les comp-tences effectives ou les qualits que lonpeut saisir
travers les mthodes de slec-tion classique, nont finalement pas
grandchose voir avec ce processus de dfensede positions dominantes,
parce que les jeuxsont faits davance .En dernire analyse, la lutte
des agentspour garder des positions ou les faire vo-luer est au
centre de toute la pense bour-dieusienne. Mais cette conception
cri-tique de la vie sociale, sajoute galementune conception
critique de la vie acad-mique et scientifique, variante de la
pre-mire. Cest lobjet des rflexions de lau-teur depuis 1968
(Passeron et al., 1968) cefut aussi lobjet de son dernier cours
aucollge de France (Bourdieu, 2001a). Letroisime volet de cette
prsentation y estconsacr.
III. LA CRITIQUE ET LA RFLEXIVIT COMME
ATTITUDE ANALYTIQUEDeux dimensions guident la dmarche deBourdieu
en tant que chercheur : ladoptiondune posture critique qui sincarne
dansune sociologie du dvoilement, et unelogique de rflexivit sur la
position acad-mique.
1. Une dmarche critique et militanteLattitude scientifique
consiste mettre enexergue la ralit des mcanismes dufonctionnement
social. Cette ralit estcache, puisque la doxa et lillusio ne
per-mettent pas aux agents et aux chercheursqui ltudient de
lapprhender (Bourdieu,1997a). La dmarche critique adopte nestalors
pas un jugement mais une pratique.Elle tend montrer les mcanismes
sous-jacents et gnrateurs de la production et de la reproduction
des pratiques insti-tues (Bourdieu, 1997b). Le rle
duchercheur/lacadmique dans cette entre-prise est central. En
effet, le scientifique estcelui qui devrait permettre aux agents
decomprendre leurs pratiques, leur habitus, levolume du capital
leur disposition, lesleviers daction pour faire voluer
leurspositions dans le champ. Ceci ne peutsoprer que par le
dvoilement de la doxaet de lillusio propre au champ, base de
lanaturalisation des dominations (Bourdieu,1997a).Lenjeu de la
dmarche scientifique estalors de dvoiler la structure de la ralit
endrangeant les tenants de lordre tabli et demettre jour des
rapports de domination,par nature dissimuls, enfouis au plus
pro-fond des psychismes et des corps, intriori-ss par les agents.
Il sagit, selon la lecturequen fait R. Castel (2004, p. 308),
dednoncer la mconnaissance des rapportsde force qui, pourtant, sont
lorigine desrapports de sens10. Selon Bourdieu, seulesles sciences
sociales sont en mesure dedmasquer et de contrecarrer les
stratgiesde domination et elles doivent choisir entredeux parties :
mettre leurs instruments
24 Revue franaise de gestion N 165/2006
10. Cest en cela que nous trouvons de fortes rminiscences
weberiennes dans la sociologie de Bourdieu.
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
rationnels de connaissance au service dunedomination toujours
plus rationalise ouanalyser rationnellement la domination
(Bourdieu, 1997a, p. 121). Dans cette pers-pective, les sciences
des organisationsseraient condamnes la rupture critiqueavec les
vidences premires, et devraientdonc procder la dnaturalisation, au
dsenchantement , cest--dire lhisto-ricisation de leurs objets
(Huault, 2004).Comme lcrit Bourdieu (1980b, p. 26), onpeut mettre
la science au service de la ges-tion de lordre tabli, en cherchant
destechniques qui le mnagent etlamnagent . En ce sens, on
pourraitrduire les sciences de gestion une ing-nierie sociale ayant
pour fonction de fourniraux managers une rationalisation de
leurconnaissance pratique. Mais selon Bour-dieu, cette sorte de
science trouve seslimites, en ce quelle ne peut jamais oprerde mise
en question radicale. Or, la fonctionde toute science sociale nest
pas tant deservir quelque chose, autrement dit quelquun, mais de
comprendre le mondesocial et organisationnel. Cest l sa fonc-tion
proprement sociale.Cette posture critique trouve une illustra-tion
rcente dans lanalyse, par Bourdieu(2000) du champ conomique. Tout
lenjeude son ouvrage Les structures sociales delconomie, est de
dnaturaliser les loisconomiques. Selon lauteur, la logiqueconomique
nest pas neutre, car au-del dela pure objectivit des rapports
cono-miques se cachent des rapports de domi-nation. En ce sens, le
monde social est toutentier prsent dans chaque action cono-mique
(Bourdieu, 2000, p. 13). Ds lors,Bourdieu part en guerre contre la
mise enparenthses initiale de lenracinement
social des pratiques conomiques, pourreconstruire, au contraire,
la gense des dis-positions conomiques de lagent. La mise jour de
lhabitus conomique consistepour lauteur souligner que la
conduiteconomique socialement reconnue commerationnelle est le
produit de certaines condi-tions sociales. Les prfrences et les
gotsdes agents conomiques sont le produit deleur placement et de
leurs dplacementsdans lespace social, cest--dire de lhis-toire
collective et individuelle.Dans la mme perspective, lespace de
len-treprise est compris comme un champ dedomination et comme un
lieu de rapports deforces. Les luttes au sein des quipes
diri-geantes lillustrent de faon prgnante(Bourdieu, 2000). Les
dirigeants sont vuscomme engags dans la lutte de concur-rence au
sein du champ de pouvoir de len-treprise. Dans les socits les plus
grandes,souligne Bourdieu, lorientation vers luneou lautre des
fonctions majeures de len-treprise est troitement lie lespce
decapital scolaire possd et des trajectoiressociales et scolaires
gnratrices de disposi-tions spcifiques. En ce sens, les
thoriesmanagriales, dans leur grande majorit,surestiment la part
laisse aux stratgiesconscientes des dirigeants par rapport
auxcontraintes structurales et aux dispositionsdes agents.Au final,
la sociologie de Pierre Bourdieuest empreinte dun sceau critique
qui a pourobjectif le dvoilement des dominations. Enmontrant la
logique des champs, il sagit de confondre ceux qui tirent les
ficelles , demettre nu les coulisses du social, puisqueseule une
prise de conscience descontraintes peut desserrer ltau
descontraintes (Castel, 2004, p. 309).
Pierre Bourdieu 25
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
2. Une posture rflexivePourtant, le dvoilement des
dominationspar le chercheur rencontre des obstacles.Bourdieu montre
ainsi que le scientifiqueest souvent aveugl par sa situation
deSkhol et sa raison scolastique (Bourdieu,1984, 1997a) et ne peut
dvelopper un rap-port pratique la pratique (Bourdieu,1997a). La
Skhol sassimile au loisir stu-dieux qui permet de considrer la
rechercheet le jeu qui se cre autour de celle-cicomme une fin en
eux-mmes (Bourdieu,1997a). Cette situation de retrait cre une
rification de la raison du chercheur etde sa position. Son seul but
devient la pr-servation de la position acquise au sein duchamp
scientifique dans lequel il volue.Suivant en cela une sociologie
relationnelle,Bourdieu souligne que les agents(chercheurs) sont lis
entre eux par des rela-tions. Ces relations sont structures
autourdenjeux, dobjets et dintrts spcifiquesqui produisent des
luttes pour la reproduc-tion des capitaux (ou lmergence de
nou-veaux capitaux). Le statu quo est le rsultatde la reproduction
des deux formes de capi-taux spcifiques au champ
scientifique(Bourdieu, 1984, 2001) :1) le capital scientifique li
la reconnais-sance des pairs et laccumulation de tra-vaux
scientifiques. Il est peu institutionna-lis et peut tre fustig plus
facilement quela seconde forme de capital ;2) le capital temporel,
est lexpression dupouvoir institutionnel. Il est li aux accsaux
moyens de production (comme lesfinancements) ou de reproduction
(tellesque les positions institutionnelles). Il sob-
tient par cooptation et insertion dans lesgroupes dinfluence.
Lautonomie duchamp scientifique nest donc que partielleet elle
dpend dautres champs, notammentconomique et politique (Bourdieu,
2001).Les intrts de connaissance senracinentainsi dans des intrts
sociaux, stratgiques ouinstrumentaux.Cette situation cre un monde
part, lechamp acadmique, avec sa propre rationa-lit (la raison
scolastique) qui, en raison deses enjeux et de sa dynamique
endoga-mique, produit de lpistmocentrisme(Bourdieu, 1984, 2001).
Celui-ci consiste ne pas traiter les objets que lon tudie parun
rapport pratique la pratique, mais enprojetant sur une pratique
donne la thorieque lon a construit pour lexpliquer11(Bourdieu,
1992a, 1997a). Lpistmocen-trisme scolastique engendre alors
uneanthropologie totalement irraliste, impu-tant son objet ce qui
appartient en fait lamanire de lapprhender.Afin de comprendre la
ralit de la pratiquedes agents et de neutraliser cet effet
scolas-tique, lenjeu pour le chercheur est de fairede l
objectivation participante (Bourdieu,1992a, 2001, 2003).
Lobjectivation (ausens de connaissance scientifique) du rap-port
subjectif du sociologue son objet (saparticipation lobjet quil
analyse) faitpartie des conditions de scientificit de sarecherche
(Corcuff, 2003). Il sagit dunexercice particulirement difficile,
parceque lobjectivation participante demande larupture des
adhrences et des adhsions lesplus profondes et les plus
inconscientes,celles, bien souvent, qui font l intrt
26 Revue franaise de gestion N 165/2006
11. Bourdieu (1997) relve que dans sa description paisse ( thick
description) dun combat de coqs, lanthro-pologue C. Geertz prte aux
Balinais un regard hermneutique et esthte qui nest autre que le
sien.
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
mme, de lobjet tudi pour celui qui ltu-die, tout ce quil veut le
moins connatre deson rapport lobjet quil cherche connatre
(Bourdieu, 1992a, p. 224).Cette objectivation nest possible que
parun effort de rflexivit sur la connaissancede ses propres
prsupposs historiques. Larflexivit correspond ce travail par
lequella science sociale, se prenant elle-mmepour objet, se sert de
ses propres armespour se comprendre et se contrler (Bourdieu,
2001a, p. 173-174). En ce sens,elle constitue un moyen efficace de
renfor-cer les chances daccder la vrit enfournissant les principes
dune critiquetechnique . Cette approche est bien desgards diffrente
de lapproche relativisteclassique en sociologie des sciences qui,
eninsistant sur son caractre historique, relati-vise la production
de la connaissance. Aucontraire, Bourdieu ambitionne de
faireprendre conscience aux scientifiques delinfluence de leur
habitus primaire (celuide leur histoire familiale et ducative)
etsecondaires (celui de leur champ scienti-fique), afin de rduire
les effets de ceux-cisur la production de la connaissance et
derendre cette dernire plus objective. Encela, la rflexivit et son
corollaire, lob-jectivation participante, sont une oprationde
rduction de la relativit scientifique,puisque le chercheur ne tente
plus dimpo-ser son point de vue thorique pour inter-prter les
pratiques des agents, mais essaiede comprendre galement le point de
vuedes agents dans la ralit de leurs pratiques(Bourdieu, 1997a). La
capacit pour lesociologue de considrer la relation quilentretient
avec son objet constitue unmoyen damliorer la qualit scientifiquede
ses travaux. Il sagit dun processusdauto-analyse du rapport lobjet,
de son
propre parcours social pour rendre larecherche plus
rigoureuse.Cependant, ce travail est dlicat, en raisondes rgles du
jeu du champ scientifiquedans lequel le chercheur volue. Un
certainnombre dobjets crent une doxa et un illu-sio quil est
souvent difficile de remettre encause, puisque cela pourrait avoir
desconsquences pour ceux qui sont bien ta-blis dans le champ
scientifique (Bourdieu,1984). Les conditions dexercice de
larflexivit et dune production scientifiqueadquate dpendent donc de
lautonomiedu champ scientifique par rapport auxautres champs qui
peuvent interfrer dans larpartition des capitaux, notamment
leschamps politiques et conomiques.En dernire analyse, la dmarche
de Bour-dieu permet un retour des mthodologiesplus rflexives qui
tentent de comprendreles actions humaines et organisationnellespar
un rapport pratique la pratique. Pourchapper lenfermement
scolastique,Bourdieu (1997a) prconise dailleurs de nepas se drober
aux tches considrescomme les plus humbles du mtier dechercheur,
telles que lobservation directe,les entretiens, le codage des
donnes oulanalyse statistique.
CONCLUSION
Lutilisation de la sociologie de Bourdieu,dont le bilan thorique
et empirique estconsidrable, peut tre fconde pour lessciences de
gestion. Or, on peut regretterque ce cadre thorique soit encore
insuffi-samment exploit dans nos champs derecherche ou que son
utilisation demeuresouvent parcellaire, ignorant de ce fait
lesinterdpendances entre concepts, le carac-tre systmique de cette
pense et, sa pos-
Pierre Bourdieu 27
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
ture rsolument critique. La transpositiondes concepts
bourdieusiens en sciences degestion en effet sest, pour linstant,
tradi-tionnellement opre de manire instru-mentale et slective, les
rduisant une bote outils , branlant ainsi la dyna-mique densemble
et son esprit critique.Le texte dOakes et al., (1998) quidmontre
lvolution des pratiques dans unchamp institutionnel constitue, en
ce sens,une illustration assez symptomatique de lafaon dont la
sociologie bourdieusienne estutilise. En effet, Oakes et al. ne
traitentque de la dynamique des pratiques en rela-tion avec le
champ. Ils ludent pour unegrande part lexplicitation des
autresconcepts-cls de la sociologie de Bourdieu,cest--dire
lhabitus, la doxa et lillusio,ainsi que linteraction de ces
dernires avecles pratiques, le capital et le champ.Ainsi, en est-il
aussi du concept de pra-tique qui fonde cette fois-ci lapproche
base sur la pratique 12 en managementdes connaissances (Brown et
Duguid, 1991,2001 ; Gherardi, 2000) et en managementstratgique
(Whittington, 1996 ; Johnson et al., 2003 ; Jarzabkowski, 2005).
Nul nyparle vraiment de laspect systmique de lapense
bourdieusienne. Un seul concept la pratique est extrait de
lanalyse, ce quicarte linfluence dautres dimensions.Dailleurs la
quasi-totalit des travauxrcents qui mobilisent Bourdieu, ne le
fontque dans cette perspective fragmente(Levina et Vaast, 2005 ;
Everett et Jamal,2004 pour la pratique ; Mutch, 2003 pourlhabitus ;
Lounsbury et Ventresca,
2003 pour le rtiquetage de la thoriebourdieusienne13 ; Hoffman
et Ventresca,2002 pour le concept de champ). En optantdans cet
article pour une autre comprhen-sion des travaux de Bourdieu, nous
avonssouhait montrer que cette sociologie relvedabord dune approche
systmique etdune posture critique, consistant dvoilerla domination.
Elle revient aussi faireprendre conscience aux chercheurs
deslimites de leurs rapports avec la ralitquils tudient.Cependant,
il est sans doute ncessaire desouligner les limites dune uvre
partiale etpartielle. En effet, Bourdieu a parfois sus-cit une
admiration aveugle voire idolo-gique parmi les intellectuels et les
socio-logues qui lont frquent ou ont travaillavec lui (Onfray, 2002
; Encrev et Lagrave,2003 ; Pinto et al., 2004 ; Mauger, 2005).Mais,
linverse, de nombreuses critiquesont port bien plus sur lengagement
poli-tique du chercheur (Prost, 1970 ; Verds-Leroux, 1998 ;
Schneidermann, 1999), quesur son travail scientifique. Nietzsche
cri-vait ce que nous faisons nest jamais com-pris, mais toujours
seulement lou oublm 14. Ceci rsume bien le ton des cri-tiques
formules lgard de la sociologiede Bourdieu et de sa personne. Les
attaquesdordre plus scientifique soulignent quant elles la
partialit de la thorie bourdieu-sienne (Lahire, 2001), des
contradictions etune htrognit manifeste (Corcuff,2003) ou encore le
manque dapprofondis-sement quant la dynamique systmique(Caill,
2005). Ces deux derniers points
28 Revue franaise de gestion N 165/2006
12. Practice-based view .13. Les auteurs classent la sociologie
de Bourdieu dans un nouveau structuralisme qui est selon eux plus
large et plus complet que le structuralisme classique .14.
Nietzsche, Le Gai savoir, paragraphe 264, p. 162, uvres compltes,
tome 2, cit par Onfray (2002).
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
sont trs probablement lorigine dunepartie des interprtations
partielles deluvre de Bourdieu dans les tudes enmanagement.Dans
cette veine, des critiques, sommetoute assez classiques, sont
formules lgard de la thorie. Daucuns lui repro-chent sa
focalisation trop exclusive sur lesmcanismes de reproduction.
Ainsi, cettesociologie fixiste, se trouverait dans uneimpasse pour
expliquer le changement, lesvolutions de la position des agents, la
pro-duction de nouveaux habitus dans un systme social tout entier
intrioris. Ledterminisme social serait ds lors particu-lirement
prgnant, dans un paradigme oles agents (les domins en particulier)
sontdpouills de tout esprit critique (Favereau,2001, p. 293). O.
Favereau formule sa cri-tique en termes plus radicaux encore.
Lin-terprtation bourdieusienne consisterait voir les socits comme
des machines reproduire, selon des modalits sophisti-ques mais
implacables, sans dfaillancesni lacunes. Elle occulterait la prise
encompte de niveaux intermdiaires, commeles organisations, entits
dcisionnelles et rgulationnelles o se jouent pourtantdes processus
de ngociation permettantdchapper la reproduction.Toutefois, luvre
est traverse par des ten-sions, entre lhabitus, comme abolition
dutemps par la reprise du mme , et la strat-gie, en tant quaction
et histoire (Bensa,2004). De nombreux dfenseurs de luvre(Castel,
2004) ont ainsi soulign que lha-
bitus ntait en aucun cas un automatismede rptition, le pouvoir
contraignant delhabitus dpendant des conditions socialesde sa
formation dans le pass et des condi-tions sociales de sa mise en
uvre dans leprsent. Les habitus peuvent se trouverconfronts dans
bon nombre de cas desconditions dactualisation diffrentes decelles
dans lesquelles ils ont t produits.Lhabitus occupe lespace entre
structure etactivit humaine, dterminisme historiqueet volontarisme.
La marge de manuvredes agents tient surtout leur capacit prendre
conscience de la situation relle desrapports sociaux et cest en ce
sens, que lathorie sociologique peut tre dune grandeutilit. La
connaissance des dterminismesest en effet un puissant facteur
dmancipa-tion et de libert. Parce quelle dnaturalise,dit Bourdieu,
la science sociale dfatalise15(1980b, p. 46).Malgr les critiques,
les controverses et lesdbats, luvre de Bourdieu marque
incon-testablement lensemble des thories dusocial. En effet, elle
constitue une penseparticulirement stimulante dans sa concep-tion,
complexe dans les subtilits et lesnuances quelle contient,
difficile dans lat-titude scientifique quelle exige. Cest
pro-bablement sur ce dernier point, en particu-lier sur la
dimension critique, que lapportpour les sciences des organisations
est leplus notable, mme si, dans ce champ pr-cis, cette posture est
rarement mise en reliefdans les relectures de son uvre16. En
effet,la position de radicalit, en ce quelle
Pierre Bourdieu 29
15. Bourdieu na jamais eu de cesse de rappeler que les sciences
sociales ne mriteraient pas une heure de peine sielles ntaient pas
en mesure dorienter, mais galement de transformer, et mme de
transformer assez profond-ment la volont (Bouveresse et Roche,
2004).16. Larticle de M. zbilgin et A. Tatli paru dans lAcademy of
Management Review en 2005 est en ce sens embl-matique.
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
conduit aller plus loin dans le dcryptagede phnomnes sociaux,
produit de nom-breux effets de connaissance (Castel, 2004).Car le
systme critique bourdieusien nesarrte pas la dnonciation. Il offre
un
cadre rflexif, fond sur lobjectivation par-ticipante, et une
conversion du regard pourmieux apprhender la ralit de nos
pra-tiques et, de faon plus gnrale, celle despratiques
organisationnelles.
30 Revue franaise de gestion N 165/2006
BIBLIOGRAPHIE
Alvesson M., Willmott H., Introduction, Studying Management
Critically, Alvesson M.,Willmott H. (Eds), Sage Publications,
London, 2003, p. 1-22.Anderson P. F., Marketing, Scientific
Progress, and Scientific Method, Journal of Marke-ting, vol. 47, n
4, 1983, p. 18-31.Bensa A., Pierre Bourdieu et lanthropologie , La
libert par la connaissance, BouveresseJ., Roche D., Odile Jacob,
Paris, 2004, p. 249-279.Bourdieu P., Sociologie de lAlgrie, PUF,
Paris, 1958.Bourdieu P., Darbel A., Rivet J.-P., Seibel C., Travail
et travailleurs en Algrie,Mouton, Paris - La Haye, 1963.Bourdieu
P., Sayad A., Le dracinement, la crise de lagriculture
traditionnelle en Algrie,Minuit, Paris, 1964.Bourdieu P., Darbel
A., Schnapper D., Lamour de lart, les muses dart europens et
leurpublic, Minuit, Paris, 1966.Bourdieu P., Esquisse dune thorie
de la pratique, prcd de trois tudes dethnologiekabyle, Droz, Genve,
1972.Bourdieu P., La Distinction, Critique sociale du jugement,
Minuit, Paris, 1979.Bourdieu P. Le sens Pratique. Minuit, Paris,
1980a.Bourdieu P., Questions de sociologie. Minuit, Paris,
1980b.Bourdieu P., Homo Academicus, Les ditions de Minuit, Paris,
1984Bourdieu P., Choses dites, Les ditions de Minuit, Paris,
1987.Bourdieu P., Wacquant L., Rponses. Pour une anthropologie
rflexive, Seuil, Paris, 1992a.Bourdieu P., Les rgles de lart. Gense
et structure du champ littraire, Seuil, Paris, 1992b.Bourdieu P.
(sous la direction de), La misre du monde, Seuil, Paris,
1993.Bourdieu P., Raisons pratiques. Sur la thorie de laction,
Seuil, Paris, 1994.Bourdieu P., Mditations pascaliennes, Seuil,
Paris, 1997a.Bourdieu P., Le champ conomique , Actes de la
recherche en sciences sociales, n 119,1997b, p. 48-66.Bourdieu P.,
La domination masculine, Seuil, Paris, 1998.Bourdieu P., Les
structures sociales de lconomie, Seuil, Paris, 2000.Bourdieu P.,
Science de la science et rflexivit, Raisons dagir, Paris,
2001a.Bourdieu P., Contre-feux 2. Pour un mouvement social europen,
Raisons dagir, Paris,2001b.
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
Bourdieu P., Lobjectivation participante , Actes de la Recherche
en sciences sociales,n 150, p. 43-57, 2003 (2000 pour la version
anglaise).Bouveresse J., Roche D. (sous la direction de), La libert
par la connaissance. Pierre Bour-dieu 1930-2002, Odile Jacob,
Paris, 2004.Bradbury H., Lichtenstein B. M., Relationality in
Organizational Research: Exploring TheSpace Between, Organization
Science, vol. 11, n 5, 2000, p. 551-564.Brown S. J., Duguid P.,
Organizational learning and communities of practice: Toward
aUnified view of Working, Learning and Innovation, Organization
Science, vol.2, n 1, 1991,p. 40-57.Brown S. J., Duguid P.,
Knowledge and Organization: A Social-Practice
Perspective,Organization Science, vol. 12, n 2, 2001, p.
198-213.Cabin P., Dans les coulisses de la domination. La
sociologie de Pierre Bourdieu , Scienceshumaines, n 105, mai 2000,
p. 181-197.Cadin L., Pigeyre F., Guerin F., Gestion des ressources
humaines, Paris, Dunod, 2002.Caill A., Don, intrt et
dsintressement. Bourdieu, Mauss Platon et quelques autres,
Ladcouverte/MAUSS, Paris, 2005, dition augmente de la premire
version de 1994.Castel R., Entre la contrainte sociale et le
volontarisme politique , La libert par laconnaissance, Bouveresse
J., Roche D. (Dir.), Odile Jacob, Paris, 2004, p. 303-317.Corcuff
P., Bourdieu autrement : Fragilits dun sociologue de combat,
Textuel, Paris, 2003.DiMaggio P., State Expansion and
Organizational Fields, Organizational Theory andPublic Policy,
Hall. R. H., Quinn. R. (Eds.), Sage, Beverly Hills, 1983, p.
147-161.DiMaggio P., Powell W., The Iron-Cage Revisited.
Isomorphism and Collective Rationalityin Organizational Fields,
American Sociological Review, vol. 48, n 2, 1983, p. 147-160.Encrev
P., Lagrave R.M. (sous la direction de), Travailler avec Bourdieu,
Flammarion,Paris, 2003.Everett J., Organizational Research and the
Praxeology of Pierre Bourdieu, Organizatio-nal Research Methods,
vol. 5, n 1, 2002, p. 56-80.Everett J., Jamal T. B.,
Multistakeholder Collaboration as Symbolic Marketplace and
Peda-gogic Practice, Journal of Management Inquiry, vol. 13, n 1,
2004, p. 57-78.Favereau O., Lconomie du sociologue ou : penser
(lorthodoxie) partir de Pierre Bour-dieu , Le travail sociologique
de Pierre Bourdieu. Dettes et critiques, Lahire B. (dir), Paris,La
Dcouverte, 2004.Feldman M. S., Organizational Routines as a Source
of Continuous Change, OrganizationScience, vol. 11, n 6, 2000, p.
611-629.Firat A. F., Venkatesh A., Liberatory Postmodernism and the
Reenchantment of Consump-tion, The Journal of Consumer Research,
vol. 22, n 3, 1995, p. 239-267.Gherardi S., Practice-Based
Theorizing on Learning and Knowing in Organizations, Orga-nization,
2000, vol. 7, n 2, p. 211-223Golsorkhi D., Manifesto For a Critical
Bourdieusien Perspective in OMT, prsentationlors du symposium
organis par B. Leca, Bringing Bourdieu (back ?) into
organizationalanalysis, Annual Meeting of the Academy of
Management, August 5-10, 2005, Honolulu,Hawaii.
Pierre Bourdieu 31
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
Gomez M. L., Dynamique de la construction de connaissances
organisationnelles au coursde pratiques de planification, doctorat
en sciences de gestion, universit Paris X-Nanterre,2002.Gomez M.
L., Bouty I., Godard C., Developing Knowing in Practice: Behind the
Scenes ofHaute Cuisine, Knowing in Organizations: A Practice-Based
Approach, Nicolini D.,Gherardi S. et Yanow D. (Eds), Sharpe M. E.,
Armonk, 2003, p. 100-125.Hran F., La seconde nature de lhabitus.
Tradition philosophique et sens commun dans lelangage sociologique
, Revue franaise de sociologie, vol. XXVIII, 1987, p.
385-416.Hoffman A. J., Ventresca M. J., Introduction,
Organizations, Policy and the Natural Envi-ronment. Institutional
and Strategic Perspectives, Hoffman A. J., Ventresca M. J. (Eds),
Stan-ford University Press, Stanford, 2002, p. 1-40.Holbrook M. B.,
Popular Appeal Versus Expert Judgments of Motion Pictures, The
Jour-nal of Consumer Research, vol. 26, n 2, 1999, p. 144-155.Holt
D. B., How Consumers Consume: A Typology of Consumption Practices,
The Jour-nal of Consumer Research, vol. 22, n 1, 1995, p. 1-16.Holt
D. B., Poststructuralist Lifestyle Analysis: Conceptualizing the
Social Patterning ofConsumption in Postmodernity, The Journal of
Consumer Research, vol. 23, n 4, 1997,p. 326-350.Holt D. B., Does
Cultural Capital Structure American Consumption?, The Journal
ofConsumer Research, vol. 25, n 1, 1998, p. 1-25.Huault I. (d.),
Institutions et gestion, Paris, Vuibert, 2004.Jarzabkowski P.,
Strategy as practice. An Activity-Based Approach. Sage, London,
2005.Johnson G., Melin L., Whittington R., Guest Editors
Introduction. Micro Strategy and Stra-tegizing: Towards an
Activity-Based View, Journal of Management Studies, vol. 40, n 1,p.
3-22.Lahire B., (sous la dir. de). Le travail sociologique de
Pierre Bourdieu. Dettes et critiques.ditions La Dcouverte &
Syros, Paris, 2001 (dition revue et augmente).Lawrence T. B.,
Suddaby R., Institutions and institutional work, Handbook of
organiza-tion studies, Clegg S. R., Hardy C., Lawrence T. B., Nord
W. R. (Eds), 2nd Edition, London,Sage, 2006 ( paratre en juin).Leca
B., Bringing Bourdieu (back?) into organizational analysis,
Symposium organis laAnnual Meeting of the Academy of Management,
August 5-10, Honolulu, Hawaii, 2005.Levina N., Vaast E., The
Emergence of Boundary Spanning Competence in Practice:
Impli-cations for Implementation and Use of Information Systems,
MIS Quarterly, vol. 29, n 2,2005, p. 335-363.Lounsbury M.,
Ventresca M. J., The New Structuralism in Organization Theory,
Organi-zation, vol. 10, n 3, 2003, p. 457-480.Mauger G. (textes
rassembls par), Rencontres avec Pierre Bourdieu, ditions du
Croquant,Broissieux. 2005McCracken G., Culture and Consumption: A
Theoritical Account of the Structure andMovement of the Cultural
Meaning of Consumer Goods, The Journal of ConsumerResearch, vol.
13, n 1, 1986, p. 71-84.
32 Revue franaise de gestion N 165/2006
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
Moingeon B., La sociologie de Pierre Bourdieu et son apport au
marketing , Rechercheet Applications en Marketing, vol VIII, n 2,
1993, p. 105-123.Moingeon B., Ramanantsoa B., Approche
socio-conomique du management stratgique ,Management stratgique et
comptitivit, Ingham, M. (ed.), De Boeck, Bruxelles,
1995,p.501-515.Mutch A., Communities of Practice and Habitus: A
Critique, Organization Studies, 2003,vol. 24, n 3, p.
383-401.Nahapiet J., Ghoshal S., Social Capital, Intellectual
Capital, and the Organizational Advan-tage. Academy of Management
Review, vol. 23, n 2, 1998, p. 242-266.Oakes L. S., Townley B.,
Cooper D.J., Business Planning as Pedagogy: Language andControl in
a Changing Institutional Field, Administrative Science Quarterly,
vol. 43, n 2,1998, p.257-292.Onfray M., Clbration du gnie colrique.
Tombeau de Pierre Bourdieu, ditions Galile,Paris, 2002.Orlikowski
W., Yates J., Genre Repertoire: The Structuring of Communicative
Practices inOrganizations, Administrative Science Quarterly, vol.
39, n 4, 1994, p. 541-574.zbilgin M., Tatli A., Book Review Essay:
Understanding Bourdieus Contribution toOrganization and Management
Studies, Academy of Management Review, vol. 30, n 4,2005, p.
955-977.Panofsky E., Architecture gothique et pense scolastique,
Minuit, Paris, 1967.Passeron J. C., Chamboredon J. C., Bourdieu P.,
Le mtier de sociologue, Mouton et Bordas,Paris, 1968.Pentland B.
T., Organizing Moves in Software Support Hot Lines, Administrative
ScienceQuarterly, vol. 37, n 4, 1992, p. 527-548.Pinto L., Sapiro
G., Champagne P. (sous la direction de), Pierre Bourdieu,
Sociologue,Fayard, Paris, 2004Prost A., Une sociologie strile. La
reproduction , Esprit, n 12, 1970, p. 851-860.Ramirez C., The
institutionalisation of the French accounting profession: a
sociologicalstudy, London, London School of Economics and Political
Science, Department of Socio-logy, Working papers series,
1998.Ramirez C., Understanding social closure in its cultural
context: accounting practitioners in France (1920-1939),
Accounting, Organizations and Society, vol. 26, n 4-5, 2001,p.
391-418.Ramirez C., Du commissariat aux comptes laudit. Les Big 4
et la profession comptabledepuis 1970 , Actes de la Recherche en
Sciences Sociales, n 146-147, 2003, p. 62-79.Ranson S., Hinings B.,
Greenwood R., The Structuring Of Organizational
Structures,Administrative Science Quarterly, vol. 25, n 1, 1980, p.
1-17.Schneidermann D., Du journalisme aprs Bourdieu. Fayard, Paris,
1999.Tsoukas H., The Firm as a distributed knowledge system: A
Constructionist Approach,Strategic Management Journal, vol. 17,
Special Issue, Winter, 1996, p. 11-25.
Pierre Bourdieu 33
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier
-
Verds-Leroux J., Le savant et la politique : Essai sur le
terrorisme sociologique de PierreBourdieu, Grasset, Paris,
1998Walker G., Kogut B., Shan W., Social Capital, Structural Holes
and the Formation of anIndustry Network, Organization Science, Vol.
8, n 2, 1997, p.109-125.Whittington R., Strategy as practice, Long
Range Planning, vol. 29, n 5, 1996, p. 731-735.Willmott H., The
Structuring of Organizational Structure: A note, Administrative
ScienceQuarterly, vol. 26, n 3, 1981, p. 470-474.
34 Revue franaise de gestion N 165/2006
D
ocum
ent t
lc
harg
de
puis
www.
cairn
.info
- CE
RIST
- -
193
.194
.76.
5 - 0
5/06
/201
5 18
h32.
L
avoi
sier
D
ocument tlcharg depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5
- 05/06/2015 18h32. Lavoisier