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Compétences et socioconstructivisme De nouvelles références pour les programmes d’études 1 Ph. Jonnaert, Ph.D. Professeur titulaire et Directeur du CIRADE, UQÀM, Montréal, Québec Canada Texte d’appui aux conférences du professeur Ph. Jonnaert à la deuxième conférence annuelle des Inspecteurs de l’Enseignement Secondaire les 18, 19 , 20, 21 et 22 décembre 2001 à Bobo Dioulasso au Burkina Faso. Mots - clés : compétence – socioconstructivisme – programme d’études – paradigme épistémologique – transfert - adaptation Résumé : Ce texte montre la nécessité pour un programme d’études de ne faire référence qu’à un seul paradigme épistémologique de construction de la connaissance. Il clarifie ensuite les concepts de constructivisme et de compétence et montre que, dans les nouvelles perspectives curriculaires des liens sont établis entre ces deux concepts. Ils ne sont pas incompatibles. Un des effets de cette mise en correspondance est l’entrée dans les apprentissages scolaires par les situations. 1 Ce texte est plus large que les propos tenus lors des conférences et reprend une série d’éléments précisés dans Jonnaert (2001 et 2002).
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Perrenoud Compétences et socioconstructivisme

Aug 06, 2015

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Compétences et socioconstructivisme

De nouvelles références

pour les programmes d’études1

Ph. Jonnaert, Ph.D. Professeur titulaire et Directeur du CIRADE, UQÀM, Montréal, Québec Canada

Texte d’appui aux conférences du professeur Ph. Jonnaert à la deuxième conférence annuelle des Inspecteurs de l’Enseignement Secondaire les 18, 19 , 20, 21 et 22 décembre 2001 à Bobo Dioulasso au Burkina Faso. Mots - clés : compétence – socioconstructivisme – programme d’études – paradigme épistémologique – transfert - adaptation Résumé : Ce texte montre la nécessité pour un programme d’études de ne faire référence qu’à un seul paradigme épistémologique de construction de la connaissance. Il clarifie ensuite les concepts de constructivisme et de compétence et montre que, dans les nouvelles perspectives curriculaires des liens sont établis entre ces deux concepts. Ils ne sont pas incompatibles. Un des effets de cette mise en correspondance est l’entrée dans les apprentissages scolaires par les situations.

1 Ce texte est plus large que les propos tenus lors des conférences et reprend une série d’éléments précisés dans Jonnaert (2001 et 2002).

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Introduction

Les nouveaux programmes d’études au Québec2, mais aussi en Belgique francophone3 et

dans une série d’autres régions du monde4, ont adopté des références qui les éloignent désormais

des perspectives curriculaires traditionnelles. Construits selon une logique de compétences et

inscrits dans une perspective socioconstructiviste, ces programmes semblent tourner le dos aux

traditionnelles approches comportementalistes, largement légitimées par une longue tradition

pédagogique par objectifs. Les écoles vivant ces réformes se trouvent ainsi sur la ligne de départ

de modifications majeures qui dépassent le strict cadre des apprentissages scolaires.

Dans ce texte, nous montrerons que les concepts de « socioconstructivisme » et de

« compétence » ne sont pas incompatibles, encore faut-il les situer à leur niveau de référence et

établir entre eux les liens logiques pertinents qui s’imposent. Nous commencerons, très

sommairement, par clarifier le concept de « socioconstructivisme », pour poser ensuite quelques

jalons d’une pédagogie par compétences qui prendrait comme référence le socioconstructivisme.

Mais, que l’on nous comprenne bien, si nous prenons le socioconstructivisme comme

référence, nous ne parlons cependant ni de pédagogie, ni de méthode, encore moins de didactique

dites socioconstructivistes. Car cela n’existe tout simplement pas! Le socioconstructivisme n’est

ni une méthode d’enseignement, ni une méthode d’apprentissage, ni un modèle pédagogique,

encore moins une nouvelle vague en éducation. Le socioconstructivisme n’est rien de tout cela et

il n’a aucune prétention de le devenir de quelque manière que ce soit. Tout au plus se permet-il

de servir de cadre général de référence aux réflexions à propos de la construction des

connaissances en contexte scolaire pour qui accepte le socioconstructivisme comme paradigme

2 Nous faisons référence à la version approuvée en 2001 du programme de formation de l’école québécoise pour l’éducation préscolaire et primaire. 3 La réforme de l’école belge francophone est prescrite par un décret ministériel approuvé par le Parlement. Ce décret définit les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organise les structures propres à les atteindre en Belgique francophone; ce décret date de juillet 2000. L’école fondamentale recouvre, en Belgique francophone, les enseignements maternel et primaire, organisés en cycles permettant, entre autres, une articulation sans rupture des classes de l’ordre maternel à celles de l’ordre primaire. 4 De nombreux programmes d’études sont remis saur l’établi et les experts s’intéressent particulièrement aux expériences jumelles du Québec et de la Belgique francophone dans des régions du monde aussi éloignées que le Chili, le Grand-Duché de Luxembourg, la Guinée Équatoriale, la Tunisie, etc.

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épistémologique de la construction des connaissances. Le socioconstructivisme ne s’impose pas!

Il n’est ni normatif, ni prescriptif, il ne serait plus constructiviste dans ce cas.

Mais alors qu’est le socioconstructivisme et pourquoi devrait-il servir de référence aux

réflexions sur la construction des connaissances en contexte scolaire? Pourquoi, aujourd’hui,

serait-il subitement nécessaire de prendre apparemment ses distances par rapport au

comportementalisme qui, finalement, n’a jamais soulevé autant de vagues en éducation que ne le

fait l’introduction de la référence au socioconstructivisme dans les nouveaux programmes

d’études?

Nous commencerons ce texte par montrer le paradoxe fondamental dans lequel s’inscrit

un programme d’études s’il est pluriparadigmatique. Nous fournissons ensuite l’exemple d’une

notion utilisée dans les programmes d’études et les discours sur l’école invariablement tantôt sur

un mode béhavioriste, tantôt sur un mode constructiviste : la notion de transfert. Nous

présenterons ensuite les concepts de constructivisme et de compétence et montrerons les liens qui

peuvent se tisser entre ces deux concepts.

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Paradoxes et confusions suscités par un programme pluriparadigmatique

Les débats à propos des références épistémologiques des programmes d’études sont

complexes, bien sûr, ils font référence à des questions fondamentales que les concepteurs des

nouveaux programmes nous renvoient aujourd’hui (Jonnaert, 2001). Il est difficile pour l’école

de se dégager des contradictions dans lesquelles elle est plongée depuis des décennies.

Commençons par rappeler sommairement que, depuis l’exposé de Lashley au symposium

Hixon en 1948 sur le campus de la California Institute of Technology, il est communément admis

que les réponses des comportementalistes aux questions de la construction et du développement

des connaissances ne sont pas recevables (Jeffress, 1951; Gardner, 1985). Et pourtant, à la même

époque, ou presque, Bloom (1956) fait une entrée remarquée dans le champ de l’éducation avec

ses taxonomies. Il s’ensuit, presque immédiatement, une conception de l’apprentissage scolaire

particulièrement imprégnée des théories comportementalistes : la pédagogie par objectifs. C’est

sans nul doute le courant pédagogique le plus tenace et le plus puissant de ces dernières cinquante

années. À la même période aussi, les travaux du constructiviste Jean Piaget sont diffusés. Et

nous voyons, toujours à cette époque, les programmes de formation d’enseignants offrir aux

futurs maîtres des cours de psychologie du développement des connaissances, fondés sur le

modèle constructiviste de Piaget. Simultanément, ces programmes entraînaient ces mêmes futurs

maîtres à construire des leçons en respectant les principes comportementalistes d’une pédagogie

par objectifs. Aujourd’hui, nous vivons encore de ces héritages, nous nous heurtons toujours à

ces paradoxes et à ces contradictions, l’école ne parvient pas à s’en dégager sans peine.

Analysons rapidement un extrait du nouveau programme d’études au Québec. Ce dernier devrait

permettre à un enseignant ou une enseignante québécois d’identifier le paradigme

épistémologique qui aurait éclairé les concepteurs du programme et qui lui permettrait, sans

ambiguïté aucune, de concevoir des démarches cohérentes d’enseignement et d’apprentissage.

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Extrait d’un programme d’études contemporain : une conception ambivalente de l’apprentissage

scolaire

Les pratiques pédagogiques sont tributaires des idées que l’on se fait de la manière dont on apprend. Deux grands courants de pensée, le béhaviorisme et le constructivisme, ont marqué et marquent encore nos conceptions de l’apprentissage. Certains apprentissages que doit développer l’école bénéficient de pratiques d’inspiration béhavioriste axées, notamment, sur la mémorisation de savoirs au moyen d’exercices répétés. Cependant, beaucoup d’éléments du Programme de formation, en particulier ceux qui concernent le développement de compétences et de maîtrise de savoirs complexes, font appel à des pratiques basées sur une conception de l’apprentissage d’inspiration constructiviste. Dans cette perspective, l’apprentissage est considéré comme un processus dont l’élève est le premier artisan. Il est favorisé de façon toute particulière par des situations qui représentent un réel défi pour l’élève, c’est-à-dire des situations qui entraînent une remise en question de ses connaissances et de ses représentations personnelles ”. (MEQ, 2001 : 6 et7)5.

Cette conception fait, au minimum, référence à deux paradigmes épistémologiques de

construction de la connaissance : l’un béhavioriste, l’autre constructiviste. Elle est donc, par

essence, pluriparadigmatique et présente une contradiction interne telle qu’elle ne peut que

susciter de l’incohérence dans les classes québécoises.

Pourquoi cette double référence épistémologique risque-t-elle de susciter des incohérences

dans les classes? S’intéressant aux processus de construction des connaissances, l’enseignante et

l’enseignant ne peuvent plus faire abstraction de la clarification de leur propre posture

épistémologique (Brun : 1994). C’est à l’intérieur d’un paradigme clairement défini qu’ils

inscrivent leurs pratiques professionnelles relatives à l’apprentissage scolaire. Toute équivoque à

ce niveau ne peut que susciter de l’incohérence, tant dans leurs propres démarches que dans celles

qu’ils souhaitent générer auprès de leurs élèves. La question du paradigme épistémologique peut

sembler purement théorique, elle est cependant fondamentale. Laflamme (1994 : 6) rappelle

utilement que le chercheur, mais aussi l’enseignant, connaît, pense et analyse avec les outils, les

5 MEQ = Ministère de l’Éducation du Québec.

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concepts et les catégories inscrits dans un paradigme. Il est impossible, selon cet auteur, de se

situer à l’extérieur d’un paradigme, quel qu’il soit, pour examiner et analyser une situation. Bien

plus, nous dit encore Laflamme (1994), si on ne peut analyser qu’à l’intérieur d’un paradigme,

celui-ci impose nécessairement une sélection, une détermination et un contrôle de la

conceptualisation et de la catégorisation.

Juxtaposant des paradigmes contradictoires dans sa conception de l’apprentissage scolaire,

le MEQ (2001) n’a pas réalisé ce travail de sélection qui lui aurait permis de mieux contrôler sa

propre conception de l’apprentissage scolaire. Un paradigme qui doit servir de référence aux

enseignantes et aux enseignants dans leurs pratiques professionnelles ne peut être ambigu. Sa

fonction est de définir une grille de lecture, non ambivalente, à travers laquelle les enseignantes et

les enseignants pourront analyser et construire des démarches d’enseignement et d’apprentissage.

Pour Fourez, Englebert-Lecomte et Mathy (1997 : 74) un paradigme évoque l’ensemble des

présupposés théoriques, pratiques et idéologiques qu’a adopté, dans son histoire, une discipline

scientifique. En d’autres termes, un paradigme est la grille de lecture à travers laquelle une

discipline étudie le monde et grâce à laquelle, elle sélectionne ce qui l’intéresse. Morin (1991 :

213) précise encore qu’un paradigme contient, pour tout discours s’effectuant sous son empire,

les concepts fondamentaux, les catégories maîtresses de l’entendement et le type de relations qui

existent entre ces concepts et ces catégories.

La conception de l’apprentissage définie par le MEQ (2001 : 6 et 7) et évoquée en ces

lignes permet la formulation de l’hypothèse selon laquelle ce programme ne s’inscrit pas dans un

paradigme épistémologique clairement défini, les enseignantes et les enseignants québécois sont

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confrontés à une conception de l’apprentissage “ béhavioriste et constructiviste ”. Cette

conception de l’apprentissage fait simultanément référence à deux hypothèses contradictoires6.

6 Ce paradoxe fondamental n’est pas une spécificité du programme d’études Québécois. Nous le retrouvons dans beaucoup d’autres programmes d’études, notamment dans celui prescrit actuellement en Belgique francophone. Tout semble se passer comme si les concepteurs des programmes d’études n’avaient pas eu, en guise de préalable à l’ensemble de leur démarche, une réflexion en profondeur sur le paradigme épistémologique de construction de la connaissance qui devait servir de référence à leur travail de concepteur de programme. Nous ne retrouvons jamais de trace d’une telle réflexion, cependant indispensable à nos yeux, pour assurer la cohérence d’un édifice aussi fastidieux qu’un programme d’études.

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Deux hypothèses contradictoires

L’hypothèse constructiviste

L’argument initial des épistémologies constructivistes est celui du primat absolu du sujet

connaissant. Ce dernier est en outre capable d’attacher quelque valeur à la connaissance qu’il

construit. La connaissance implique donc un sujet connaissant et n’a pas de sens ou de valeur en

dehors de lui. Autrement dit, ce sujet n’est pas tenu de postuler l’existence ou la non-existence

d’un réel qui lui serait étranger (ontologique). Cette thèse constructiviste postule donc que la

connaissance qu’un sujet construit est nécessairement celle de sa propre expérience. La

connaissance n’est donc pas indépendante du sujet. Par ailleurs, la connaissance que le sujet a de

sa propre expérience ne devient connaissance que s’il lui attribue une valeur propre. Cette valeur

n’est pas non plus indépendante du sujet connaissant.

L’hypothèse ontologique

La connaissance est celle de la réalité postulée indépendante du sujet connaissant, c’est

une réalité ontologique. La connaissance est donc vérifiable dans une réalité localisée à

l’extérieur du sujet connaissant. Elle est communicable et enseignable. Elle est antérieure aux

démarches que le sujet fait pour l’appréhender, elle lui préexiste. La connaissance représente une

portion de la réalité qu’elle décrit. La connaissance est ainsi subdivisée en une série de

disciplines scientifiques qui, juxtaposées, décrivent le réel. La connaissance est indépendante du

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sujet connaissant. La valeur de la “ vérité subjective ” est donc également indépendante du sujet

connaissant.

Chacune de ces deux hypothèses se réfère à une conception différente de la nature même

des connaissances et des processus par lesquels elle est construite. Dans un cas, la connaissance

n’est pas dissociable du sujet et elle serait construite; dans l’autre elle lui est extérieure et ne peut

que lui être transmise. Pour éviter toute incohérence dans les classes, une clarification à ce

niveau s’impose. De toute évidence, et en toute logique, la connaissance ne peut faire référence,

simultanément, à deux paradigmes antagonistes de construction de la connaissance. L’un

positionnerait la connaissance à l’extérieur du sujet connaissant alors que l’autre ne la détacherait

pas du sujet connaissant. Plus qu’incohérente, une posture biparadigmatique est intenable.

Mais, quel genre d’incohérence génèrerait une telle posture? Le cas de la notion de

transfert est, nous semble-t-il, un bel exemple d’incohérence dans laquelle peut être plongé un

enseignant ou une enseignante.

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Exemple issu d’un paradoxe pluriparadigmatique : le cas de la notion de

transfert

De nombreux textes actuels, articles, ouvrages de vulgarisation, thèses ou mémoires,

participent à un échafaudage théorique et empirique à propos de la notion de transfert. Cette

notion très courtisée est plus que jamais présente dans les discours sur l’éducation et les

programmes d’études. Cela signifie-t-il que cette notion soit pertinente ou répond – elle

simplement à un effet de mode? La notion est ancienne, ses fondements remontent au début du

siècle dernier. Au-delà d’un effet de mode, il s’agit donc d’une notion tenace. Malgré une

absence de définition claire et malgré la rareté de résultats de recherches qui permettraient de le

valider, le transfert est bien présent dans de nombreux propos actuels sur l’apprentissage et les

finalités de l’école. Le transfert résiste aux effets de mode, passe à travers les courants

pédagogiques et a la vie longue. Ferait-il partie de la mythologie de l’école?

La notion de transfert trouve ses assises dans les travaux de comportementalistes comme

Thorndike qui, au début du 20ième siècle, posaient l’hypothèse que plus la similitude entre deux

tâches est grande, plus les comportements acquis dans l’une peuvent être transférés à l’autre.

Pratiquement un siècle plus tard, l’hypothèse comportementaliste n’est toujours pas confirmée.

Que du contraire, les résultats de travaux actuels à propos de l’isomorphisme des situations

semblent plutôt l’infirmer. Les premiers travaux portent sur le transfert de « comportements ».

Sans autre forme de procédé, les travaux actuels de psychologie cognitive traitent plutôt de

« connaissances ». Le passage des comportements aux connaissances peut-il se réaliser de la

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sorte, comme s’il s’agissait de problématiques similaires? Des outils puissants d’analyse, tels

ceux utilisés dans Jonnaert (1997), Jonnaert et Laveault (1994) et Baffrey-Dumont (1996)

permettent de décoder la structure de la situation proposée aux étudiants lors d’apprentissages.

Les travaux évoqués ont porté sur des apprentissages mathématiques ou de physique avec des

étudiants et des étudiantes de fin d’études secondaires ou en début d’études universitaires. Il est

aujourd’hui clairement établi que l’isomorphisme de deux situations ne permet en rien de prédire

le transfert des connaissances construites dans une situation vers leur utilisation dans une autre

situation, cette dernière fut-elle isomorphe à la première (Richard, 1990). Très peu de transferts

de connaissances, voire le plus souvent pas du tout, sont observés par les chercheurs entre des

situations isomorphes ou quasi isomorphes (Richard, 1990; Jonnaert, Lauwaers et Pelletier, 1990;

Mendelson, 1994, 1996; Baffrey-Dumont, 1996). Il s’agirait, si la notion de transfert est

pertinente, voire si elle existe, de la travailler dans une toute autre direction que celle qui

consisterait à mettre en correspondance une « tâche source » avec une « tâche cible ». Pourtant,

des définitions très répandues du transfert comme celles de Tardif (1999)7 ou de Presseau (1998)

laissent transparaître un lien avec l’approche béhavioriste évoquée. Pour ces auteurs, le transfert

fait référence aux mécanismes cognitifs qui permettent l’utilisation dans une tâche cible de

connaissances construites par un sujet dans une tâche source. Ces auteurs se réfèrent

fondamentalement à cette mise en correspondance entre deux types de tâches : l’une serait celle

dans laquelle le sujet se serait construit des connaissances, la tâche source, l’autre serait celle

dans laquelle il opèrerait un transfert de ses acquis, la tâche cible. Leurs propos ont simplement

7 Pour Tardif, (1999 : 58), le transfert d’un apprentissage fait essentiellement référence au mécanisme cognitif qui consiste à utiliser dans une tâche cible une connaissance construite ou une compétence développées dans une tâche source. Dans son modèle séquentiel du transfert, Tardif (1999 : 75) parle, à l’étape 4 du modèle, d’une mise en correspondance des éléments de la tâche cible avec ceux de la tâche source. L’auteur ne fait référence à aucune recherche permettant de valider son modèle, il s’agit donc d’une résurgence de l’hypothèse béhavioriste, déjà presque centenaire mais toujours non confirmée.

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remplacé le mot « comportement » de l’hypothèse comportementaliste par celui de

« connaissance ».

Mendelson (1994, 1996) insiste sur le contexte. Pour cet auteur, les connaissances sont

inscrites dans le contexte dans lequel elles trouvent leur signification : elles sont situées. Le

transfert serait alors le mécanisme qui permettrait l’utilisation dans un nouveau contexte de

connaissances construites antérieurement. Ces propos font écho au courant de l’intelligence

située (Pea, 1993; Perkins, 1991, 1995, 1996; Salomon, 1993; Wilson, 1996). Dans cette

perspective, la situation n’est qu’un des éléments de ce contexte. Ce dernier regorge de

ressources et de contraintes non exclusivement cognitives et qui ne sont pas que le résultat d’un

hypothétique traitement de l’information. Une simple et techniciste mise en correspondance

d’une tâche source avec une tâche cible n’est pas suffisante. Une utilisation réductrice de

connaissances mécaniquement encodées en mémoire à long terme ne peut tout expliquer. Il s’agit

plutôt de parler de mise en contexte des connaissances construites (Jonnaert, 1996) que d’évoquer

l’hypothétique isomorphisme des situations. La contextualisation des connaissances semble

déterminante pour comprendre comment un sujet utilise ce qu’il a appris. Car c’est bien là la

question du transfert : « que fais-tu de ce que tu as appris? ». Le transfert, s’il existe, s’inscrirait

alors à l’intérieur d’un triptyque cher aux didacticiens des disciplines : contextualisation-

décontextualisation-recontextualisation. L’hypothétique transfert serait alors le processus qui

permettrait le lien entre ces trois phases. Les analyses en contexte de ce processus complexe

montrent qu’il n’y a pas de linéarité rigide entre ces phases. Or les modèles les plus vulgarisés du

transfert sont des modèles linéaires et rigides. Les chercheurs observent plutôt une série

d’interactions, très variables d’un sujet à l’autre, qui démontrent des va-et-vient incessants entre

ces trois phases. Il s’agit moins de rechercher une mise en correspondance entre une tâche source

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et une tâche cible que de mettre en perspective la recontextualisation des connaissances

construites à l’intérieur d’une classe de situations. Cette mise en perspective permet, d’entrée de

jeu, au sujet d’établir les liens utiles entre les connaissances qu’il se construit et leur viabilité

potentielle dans d’autres contextes qui lui sont présentés. Si la question de l’isomorphisme des

situations ne semble plus pertinente aujourd’hui, la contextualisation des connaissances devient le

premier concept central dans une réflexion sur le transfert. La problématique de la

contextualisation des connaissances anéantirait alors celle de l’isomorphisme des situations.

Plutôt que d’évoquer des tâches cibles, il s’agirait, à l’intérieur d’une même classe de situations

de mettre en perspective les connaissances pour que l’élève puisse établir les liens utiles entre les

différents contextes dans lesquels ces connaissances pourraient être pertinentes et viables.

Plusieurs auteurs constatent que le transfert reste très mal défini dans la littérature

scientifique contemporaine et qu’à travers les résultats des recherches en psychologie cognitive

qui tentent de le clarifier, il ne se manifeste que comme un phénomène marginal, voire très rare.

Forts de telles bases, ces auteurs mettent en doute l’existence même du transfert (Detterman,

1993; Lave et Wenger, 1991). Plus que floue, la transposition de la notion de transfert du

comportementalisme vers un autre paradigme épistémologique, ne génère jusqu’à ce jour

qu’ambiguïté et scepticisme à propos de cette notion. Au-delà du transfert, il serait utile de

revenir à un concept mieux circonscrit : l’adaptation.

Avant de parler d’adaptation, deux remarques préalables s’imposent, elles font suite aux

propos de la section précédente. La première remarque fait référence à la représentation de la

situation et de son contexte. Les chercheurs (Richard, 1990; Jonnaert et Vander Borght, 1999)

qui s’intéressent aux questions de l’apprentissage admettent tous aujourd’hui que l’élève ne

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travaille jamais sur la situation proposée par l’enseignant mais bien sur la représentation8 qu’il

s’en est construite. Qu’il s’agisse d’une tâche-source ou d’une tâche-cible, peu importe! C’est

sur sa représentation des situations que le sujet travaille et pas sur autre chose. Il est donc

impossible de prédire ou de développer des stratégies pédagogiques dites de transfert, en ne se

référant qu’à la structure des tâches construites par l’enseignant. Aussitôt que ces situations sont

proposées aux élèves, ces derniers les détricotent et construisent leur propre représentation de ces

situations. Pourquoi en serait-il autrement? Chacun s’accorde pour affirmer qu’un texte n’est

achevé que lorsqu’il a trouvé lecteur. Mille et un débats, de Sartre à Yourcenar, en sont les

témoins. À peine ce texte est-il lu qu’il est détruit et reconstruit sous une autre forme par ce

même lecteur. Pourquoi en serait-il autrement lorsque nous parlons de « situations

d’apprentissage »? Les théories actuelles du transfert font fi de ces reconstructions par les élèves

confrontés aux situations mijotées par leurs enseignants. Tout au plus, Tardif (1999) parle-t-il de

la « représentation du problème » par l’apprenant, mais qu’en est-il de sa représentation de la

tâche source et de celle de la tâche cible?

La seconde remarque fait référence à la viabilité des connaissances que l’élève s’est

construites au départ de sa représentation de ces situations et de leur contexte (Pépin, 1994). Les

connaissances qu’un individu s’est construites sont viables dans la classe des situations dans

laquelle il inscrit sa représentation de la situation et du contexte dans lequel il a créé ces

connaissances. Il est le seul juge de cette viabilité. Chaque fois qu’il est confronté à une

8 Pour Richard (1990 :10), les représentations sont des « constructions circonstancielles faites dans un contexte particulier et à des fins spécifiques : dans une situation donnée et pour faire face aux exigences de la tâche en cours, un texte qu’on lit, une consigne qu’on écoute, un problème qu’on doit résoudre. La construction de la représentation est finalisée par la tâche et la nature des décisions à prendre. Les représentations prennent en compte l’ensemble des éléments de la situation et de la tâche : elles sont donc très particularisées, occasionnelles et précaires par nature. Il suffit que la situation change ou qu’un élément non remarqué de la situation soit pris en compte, alors qu’il ne l’était

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nouvelle situation dans un nouveau contexte, le sujet adapte ses connaissances en fonction de leur

degré de viabilité dans ces situations. La notion de viabilité des connaissances contredit tous les

modèles linéaires du transfert. Il s’agit moins de parler d’encodage de connaissances apprises

dans une tâche source que d’évoquer la viabilité de connaissances construites ou adaptées dans un

contexte particulier. Mais le sujet ne travaille pas sur les éléments du contexte préparés par

l’enseignant, il transforme ses connaissances au départ de la représentation qu’il s’est construite

de ce contexte.

L’adaptation des connaissances est le second concept central dans la réflexion que nous

développons sommairement en ce paragraphe. Cette adaptation se fait dans une dialectique entre

les connaissances d’un sujet et la représentation qu’il se fait de la nouvelle situation à laquelle il

est confronté et de son contexte. Ce processus d’adaptation est quasi permanent, il peut conduire

à la réfutation de connaissances non viables, à leur modification ou à leur réutilisation. Piaget a

décrit finement ce processus complexe. Il est à nos yeux suffisant pour répondre à la question :

« que fais-tu des connaissances que tu as construites? ». Le processus d’adaptation et les

différentes modalités que lui attribue Piaget sont communément admis par les spécialistes de la

construction des connaissances dans une perspective constructiviste.

Contextualisation et adaptation des connaissances plus ou moins viables dans ces

contextes, sont les processus à l’intérieur desquels interviendrait un hypothétique transfert si,

d’aventure, il est défini et dépasse son statut déjà centenaire d’hypothèse. À défaut, le transfert

n’est alors qu’un résidu comportementaliste, mal défini et non validé.

pas, pour que la représentation soit modifiée. Elles sont par nature transitoires : une fois la tâche terminée, elles sont remplacées par d’autres représentations liées à d’autres tâches ».

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Transposée d’une hypothèse comportementaliste à une réflexion constructiviste sur

l’apprentissage en contexte scolaire, cette notion de transfert ne résiste pas à l’analyse. Dans une

perspective constructiviste, la notion d’adaptation est suffisante. Dans une perspective

comportementaliste, l’hypothèse relative au transfert de comportements d’une situation à une

autre, ces situations fussent-elles isomorphes, est toujours, après un siècle de travaux et de

recherches, à valider.

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Mais alors, qu’entendre par socioconstructivisme?

Le socioconstructivisme est, tout au plus, une hypothèse épistémologique selon laquelle

un sujet se construit des connaissances au départ de ce qu’il connaît déjà. Ce paradigme est

difficilement acceptable pour les enseignants sans qu’il y ait, de leur part, une indispensable

remise en cause. Par définition, les enseignants enseignent et transmettent des savoirs à leurs

élèves. Nul ne pourrait le leur reprocher. Aujourd’hui, la thèse constructiviste est communément

admise. Chercheurs en éducation et enseignants admettent, de façon quasi unanime, la nécessité

pour l’élève de participer activement à la construction de ses connaissances.

Alors, quelle est cette thèse? Pour Glasersfeld (1994), les connaissances ne sont pas

transmissibles. Au contraire, elles sont construites par celui qui apprend. Elles sont ensuite

maintenues aussi longtemps qu’elles sont viables pour l’apprenant. C’est-à-dire que, articulées à

d’autres ressources (affectives, sociales, contextuelles, etc.), ces connaissances viables permettent

à leur auteur d’être compétent dans une série de situations. Ces situations doivent alors non

seulement être signifiantes pour l’élève, mais aussi être pertinentes à l’égard des pratiques

socialement établies. Ce sont en effet ces pratiques qui, sans cesse, remettent les connaissances

de l’apprenant en cause. Autrement dit, ce n’est plus tellement le contenu disciplinaire qui est

déterminant pour les apprentissages, mais bien les situations dans lesquelles l’élève peut l’utiliser

comme “ connaissance viable ”. Moins que les situations, c’est la construction que chaque élève

élabore à propos de ces situations qui est déterminante : la représentation de la situation.

Vérifier la viabilité de ses propres connaissances nécessite de la part du sujet connaissant une

pratique réflexive.

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Réfléchissant de la sorte sur la nature des connaissances dans une perspective

socioconstructiviste, nous en suggérons une quadruple caractérisation :

(1) les connaissances sont construites (et non transmises) ;

(2) elles sont temporairement viables (et non définies une fois pour toutes) ;

(3) elles nécessitent une pratique réflexive (et non admises comme telles sans être

remises en cause) ;

(4) elles sont situées dans des contextes et des situations pertinents par rapport aux

pratiques sociales établies (et non décontextualisées).

Il est cependant indispensable de rappeler, à ce stade de la réflexion, que le sujet

connaissant se construit nécessairement une représentation de la situation qui lui est suggérée.

La notion de représentation est transversale à tout processus de construction de

connaissances et de compétences en situation. Il serait naïf de s’imaginer que la situation

proposée par l’enseignant se suffit à elle-même, les élèves travaillent à un autre niveau : celui de

leur représentation de la situation. Affirmer que les connaissances sont situées n’est donc pas

suffisant, encore faut-il préciser qu’elles sont déterminées par la représentation que le sujet

connaissant a de cette situation.

La dimension socio du socioconstructivisme fait, quant à elle, non seulement référence

aux interactions sociales avec les pairs et l’enseignant mais aussi à la nature même des savoirs9.

Les savoirs codifiés, définis par les contenus des programmes scolaires, ne sont pas gratuits. Par

exemple l’introduction de notions de probabilité dans le nouveau programme de mathématiques à

9 Lorsque nous parlons de “ savoir ”, nous évoquons les contenus des programmes et des manuels scolaires, des curricula, des répartitions de matières, des plans de cours etc. Il s’agit en général de contenus disciplinaires institués par le système scolaire lui-même et par la société. Ces savoirs sont parfois désignés sous le vocable “ savoirs codifiés ”. Par contre, lorsque nous parlons de “ connaissance ”, nous évoquons le patrimoine cognitif de l’apprenant. Dès qu’un savoir est construit (ou reconstruit) par un apprenant, il devient une “ connaissance ” pour ce

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l’école primaire au Québec correspond à une intention des rédacteurs des programmes. Ils font

sans doute référence à des attentes sociales précises par rapport à ce type de contenu. De même

l’ensemble du contenu des programmes scolaires s’inscrit dans des finalités clairement définies.

Par ailleurs, différents niveaux de projets (projets de société, d’école, de classe ou encore projet

personnel de l’élève, projets des familles, etc.) connotent la plupart des activités d’apprentissage.

Le caractère social de l’école se distribue sur plusieurs échelles :

(1) la dimension socio détermine le savoir codifié proposé dans les programmes ;

(2) elle se précise à travers les différents niveaux de projets qui habitent les acteurs de

l’école ;

(3) elle se traduit par des interactions entre les partenaires de la classe (élèves et

enseignant), interactions sociales nécessaires à la construction des connaissances et à leur

validation.

(4) elle se traduit en termes de finalités.

Cette dimension “ socio ” est reprise également dans plusieurs des dimensions qui

caractérisent les connaissances. À travers les interactions, il s’agit d’un élément qui intervient

autant dans la construction des connaissances que dans la mise à l’épreuve de leur viabilité. Par

ailleurs, le contexte et les situations qui y sont proposés sont fortement connotés par cette

dimension socio du « socioconstructivisme », ce sont les enveloppes à l’intérieur desquelles

l’élève pourra donner du sens aux connaissances qu’il construit. La dimension socio, par le

contexte et les situations, précise la signification des connaissances que le sujet construit. Par les

dernier. Il n’y a pas de correspondance automatique et stricte entre les “ savoirs enseignés ” par l’enseignant et les “ connaissances construites ” par l’apprenant.

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interactions sociales, la dimension socio précise des conditions de construction et de validation

des connaissances. C’est dans cette perspective que Bautier, Charlot et Rochex (2000 : 180 et

181) parlent de rapport aux savoirs comme rapport à l’acte d’apprendre, rapport aux savoirs

construits comme des objets sociaux et culturels, rapport à des situations d’apprentissage. Le

rapport au savoir, pour ces auteurs, est une relation de sens et de valeur : l’individu valorise ou

dévalorise les savoirs et les activités qui s’y rapportent en fonction du sens qu’il leur confère.

Mais, ce n’est pas suffisant ! Pour qu’il y ait construction de connaissances, il ne suffit

pas qu’une personne soit plongée dans un contexte et qu’il développe des interactions sociales de

natures diverses. Le sujet connaissant doit lui-même être en interaction avec le milieu. Jonnaert

et Vander Borght (1999) retiennent cette troisième caractéristique de l’approche

socioconstructiviste comme étant constitutive même du processus de construction des

connaissances. Le sujet connaissant construit de nouvelles connaissances en mettant ses

anciennes connaissances en interaction avec des éléments du milieu dans lequel il se trouve.

C’est par cette interaction, qui devient rapidement une dialectique « ancien/nouveau », que le

sujet connaissant modifie autant ses anciennes connaissances, qu’il adapte certaines

caractéristiques de ce milieu pour, sans cesse s’adapter à ce milieu et construire de nouvelles

connaissances. L’approche est alors constructiviste, sociale et interactive, elle est synthétisée

dans le modèle SCI de Jonnaert et Vander Borght (1999), le modèle Socio Constructiviste et

Interactif.

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Vous avez dit compétences?

Il existe plusieurs approches du concept de compétence. Depuis une dizaine d’années, nous

suivons son évolution à travers les littératures pédagogique et didactique. Même si d’aucuns

déclarent le concept de compétence trop polysémique, une série d’auteurs arrivent aujourd’hui à

un certain consensus (D’Hainaut, 1988 ; Meirieu, 1991 ; Jonnaert, Lauwaers et Peltier, 1990 ;

Raynal et Rieunier, 1997 ; Perrenoud, 1997 ; Pallascio, 2000; Jonnaert, 2001 et 2002 ).

Une compétence

D’Hainaut, 1988

Raynal et Rieunier, 1997

Perrenoud, 1997

Jonnaert, Lauwaers, Peltier, 1990

Meirieu, 1991 Pallascio, 2000

fait référence à un ensemble d’éléments

des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être

des comportements

des ressources des capacités un savoir identifié

des dispositions de nature cognitive, affective, réflexive et contextuelle

que le sujet peut mobiliser

(non précisé) ces comportements sont potentiels

ces ressources sont mobilisables

ces capacités sont à sélectionner et à coordonner

ce savoir identifié est à mettre en jeu

la mobilisation est exprimée à travers le concept de disposition

pour traiter une situation

traitement des situations

une activité complexe

un type défini de situations

la représentation de la situation par le sujet

une situation déterminée

des situations-problèmes

avec succès “ exercer convenable-ment un rôle, une fonction ou une activité. ”

“ exercer efficacement une activité. ”

“ agir efficacement ”

“ répondre plus ou moins pertinemment à la sollicitation de la représentation de la situation. ”

“ une combinaison appropriée de capacités”

“ une action responsable, c’est-à-dire conçue, gérée et appliquée en toute connaissance de cause. ”

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Nous résumons cet ensemble de définitions en six points :

- (1) Une compétence est une mise en oeuvre, par une personne particulière ou un groupe de

personnes (une compétence peut être collective) de savoirs, de savoir-être, de savoir-faire ou

de savoir-devenir dans une situation donnée ; (une compétence est donc toujours

contextualisée dans une situation précise et est toujours dépendante de la représentation que

la personne ou le groupe de personnes se fait de cette situation)10 .

- (2) Cette mise en oeuvre suppose une mobilisation efficace d’une série de ressources

pertinentes pour la situation ; ces ressources peuvent être d’ordre cognitif (par exemple des

connaissances), d’ordre affectif (par exemple l’inscription de cette situation dans un projet

personnel), d’ordre social (par exemple faire appel à l’aide de l’enseignant ou d’un

condisciple), d’ordre contextuel (par exemple utiliser l’ordinateur de la classe ou un

référentiel tel un dictionnaire ou un fichier) ou autres; il n’existe pas de limitation à ces

ressources, elles peuvent être très différentes d’une situation à une autre et d’une personne à

une autre ou d’un groupe de personnes à d’autres11 ; par ailleurs, les ressources cognitives ne

sont qu’une ressource parmi d’autres).

- (3) Au-delà de cette mobilisation et de cette mise en œuvre de ressources, la compétence

suppose aussi une sélection des ressources mobilisées qui permettront d’être le plus efficace

possible dans la situation.

10 À ce niveau, il nous semble important de préciser que le sujet mobilise un savoir “ en action ” puisque ce savoir est contextualisé dans une situation dans laquelle le sujet l’utilise réellement. Les classiques typologies des savoirs ne sont donc pas suffisantes pour comprendre le “ savoir ” mobilisé pour rendre une compétence effective. 11 Un enseignant doit prendre conscience que d’un élève à l’autre, les ressources mobilisées sont nécessairement différentes, chacun faisant référence, entre autres, à ses propres représentations de la situation et de ses différentes composantes.

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- (4) La compétence suppose aussi une coordination des ressources retenues entre elles; même

si, au départ, une personne ou un groupe de personnes mobilise beaucoup de ressources, elle

ne devra utiliser que celles qui sont pertinentes pour la situation et non redondantes entre

elles ; au-delà de la mobilisation, les activités de sélection et de coordination des ressources

sont tout aussi importantes.

- (5) Enfin, à l’aide de ces ressources mobilisées, sélectionnées et coordonnées, la compétence

suppose un traitement avec succès des tâches que requiert la situation ; certaines de ces tâches

peuvent relever de la résolution de problème ; la personne ou le groupe de personnes devra

ensuite articuler entre eux les résultats de ces traitements ; une compétence ne sera déclarée

telle que si la situation est traitée avec succès.

- (6) Enfin, une compétence suppose que l’ensemble de ces résultats a non seulement permis le

traitement de la situation avec succès mais aussi que ces résultats soient socialement

acceptables ; cette double caractérisation du résultat, succès versus acceptation sociale ,

nécessite d’intégrer une dimension éthique à l’évaluation des résultats.

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Et concrètement … ?

Prenons comme exemple les premières activités de recouvrement par l’élève au premier

cycle de l’école primaire. Elles se réalisent souvent dans une perspective artistique de dessin ou

de bricolage. L’élève est amené à recouvrir une feuille de dessin avec des feuilles d’arbres qu’il a

ramassées dans la cour de l’école. Il organise ces feuilles d’arbre entre elles en fonction de

critères tels la couleur ou la taille des feuilles. Lorsqu’il a terminé son recouvrement, il regarde

sa réalisation qu’il trouve jolie ou non. Mais, ces premiers recouvrements que nous appelons

ultérieurement activités de pavage12 préparent directement la notion de calcul de l’aire d’une

surface donnée. L’adaptation13 des compétences de l’élève du pavage au calcul de l’aire

s’effectue entre des situations qui appartiennent à une même “classe de situations”. Même si

elles semblent très éloignées, nous pouvons dire que les situations de recouvrement, les situations

de pavage et les situations de calcul d’aires sont tout autant inscrites les unes que les autres dans

la grande classe des situations relatives aux surfaces et à leur mesure. Ce qui change

essentiellement, c’est le contexte. Dans un premier temps l’élève réalise des recouvrements dans

une perspective artistique de dessin ou de bricolage, dans un second temps il réalise des pavages

au sens strict du terme pour arriver finalement au calcul des aires dans une perspective

mathématique. Mais, dans tous les cas, son activité sur les surfaces est contextualisée dans une

situation donnée. Dans ces contextes particuliers, il développe des compétences d’abord très

12 Le pavage est l’activité de recouvrement du plan sans chevauchement ni trou; nous distinguons plusieurs types de pavage en géométrie (le pavage polygonal, le pavage uniforme, le pavage périodique, le pavage régulier, le pavage semi-régulier, le pavage dual). Les premières activités de recouvrement avec des étalons informels (des feuilles d’érables par exemple) ne permettent pas un pavage au sens strict du terme, il y a des “ trous ” entre les feuilles et certaines feuilles se superposent entre elles, ces activités de recouvrement permettent toutefois à l’élève d’approcher l’idée de pavage et ultérieurement celle de mesure de surface et d’aire. 13 Les nouveaux programmes d’études parleraient plutôt de « transfert ».

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spécifiques qui deviendront progressivement des compétences plus larges, intégrant et articulant

entre elles celles que l’élève a développées dans ces contextes particuliers.

On comprend dès lors qu’une compétence est toujours fonction de la situation particulière

dans laquelle elle est mise en oeuvre par l’élève et de l’ensemble des situations qu’elle permet,

ultérieurement, de traiter.

Une des principales caractéristiques de ces apprentissages est donc d’être largement

contextualisés. Ainsi, les apprentissages ne sont plus dépourvus de signification pour l’élève car

la situation à laquelle il est confronté apporte sans cesse le sens aux contenus qu’il découvre.

Bien plus, la situation actuelle le met en perspective vers de nouvelles situations qu’il pourra

traiter. Il s’agit là d’un des apports essentiels de l’approche par compétences: “mettre les

apprentissages en situation, mais aussi en perspective”.

L’approche par compétences permet, à la fois d’inscrire les apprentissages dans des

situations particulières, de prendre en considération les apprentissages antérieurs réussis dans

d’autres situations et de les mettre en perspective vers de nouvelles situations. Ces passages entre

les différents niveaux de situations ne sont possibles que si l’élève établit sans cesse des liens

avec les apprentissages antérieurs et les situations dans lesquelles il a travaillé et avec d’autres

situations plus vastes dans lesquelles il pourra travailler ultérieurement. L’élève, dans une

approche par compétences, doit tisser des liens entre d’anciennes situations, des situations

actuelles et les projets dans lesquels il peut inscrire ces situations. Cette idée très ancienne

(Ausubel 1963) est à la base de l’approche par compétences. À défaut d’établir des liens, les

apprentissages ne quittent pas la sphère scolaire. Ce fut malheureusement le cas de beaucoup de

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concepts pour lesquels l’élève n’a trouvé d’autre utilité que celle de réaliser les exercices à

l’école. Par exemple, les fractions ont ce statut de “savoir strictement scolaire”, alors que dans la

vie quotidienne elles apparaissent sans cesse (lorsque l’élève de première primaire donne son âge,

à moins d’être le jour précis de son anniversaire, il n’utilise jamais un nombre entier naturel mais

bien un nombre fractionnaire. Ainsi lorsqu’il affirme qu’il a 6 ans et 7 mois, cela correspond au

nombre fractionnaire 6 ans et 7/12 d’année) . Ou encore, cette “ chose d’école ” que fut la

traditionnelle dictée du matin a-t-elle permis aux élèves qui l’ont pratiquée d’améliorer leur

orthographe spontanée dans des situations autres que ces fameuses dictées? Dans le même ordre

d’idées, un apprentissage décontextualisé de la conjugaison a-t-il permis à l’élève d’utiliser avec

pertinence la concordance des temps comme outil d’harmonisation d’un texte? Un savoir qui ne

quitte pas la sphère de l’école devient rapidement obsolète. Au contraire, un savoir que l’élève

parvient à utiliser hors de sa classe se développe et devient stable et utilisable avec pertinence

dans un nombre de plus en plus important de situations. Par exemple, lorsqu’un élève du premier

cycle, au début de ses apprentissages, reconnaît dans les magasins les nombres qu’il a appris à

l’école, il élargit le contexte dans lequel il a appris les connaissances qu’il utilise.

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Le programme décrit aussi des capacités14 et des habiletés

Pour construire une compétence, il est souvent utile de passer par l’apprentissage de ses

composantes. Le projet ou la situation permettent de contextualiser l’apprentissage dans un

environnement global qui donne du sens pour l’élève. Il faut cependant régulièrement réaliser

des arrêts sur image et permettre aux élèves de s’outiller d’habiletés et de capacités qu’ils devront

ensuite déployer dans un contexte plus large. Par exemple, pour que l’élève dispose correctement

les termes d’une opération arithmétique sur sa calculette pour évaluer un prix dans le cadre d’un

projet, il faut qu’il maîtrise les propriétés de cette opération arithmétique. Ou encore, lorsqu’il

rédige un texte pour un fascicule qui doit annoncer l’ouverture d’une exposition que les élèves

ont réalisée en classe, encore faut-il que l’élève utilise à bon escient la concordance des temps.

Bref, ces petits apprentissages pointus permettent à l’élève, à un moment précis de son

cheminement, de construire une série d’outils (des habiletés) qu’il va progressivement articuler à

d’autres pour se constituer de véritables boîtes à outils (des capacités) dans différents domaines.

La qualité de ces diverses boîtes à outils (capacités) et la disponibilité des outils (habiletés)

qu’elles offrent, permettront à l’élève de déployer des compétences dans différents contextes.

Par exemple, l’apprentissage des propriétés d’une opération arithmétique passe par le

développement chez l’élève d’habiletés et de capacités très spécifiques comme l’apprentissage de

la commutativité. Mais, le résultat de cet apprentissage, lui permettra d’être compétent dans des

contextes aussi divers que celui d’estimer le coût d’une excursion scolaire, la résolution d’un

problème arithmétique, le repérage d’une erreur de calcul dans une facture, l’organisation de la

14 La dernière version du programme d’études au Québec n’a plus retenu le concept de “ capacité ”. Nous le conservons cependant dans ces lignes pour permettre au lecteur, de comprendre les différents niveaux de construction d’une compétence.

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comptabilité de la bibliothèque scolaire ou encore l’établissement de relevés pluviométriques.

Ces compétences sont cependant tributaires de la disponibilité chez l’élève de ces habiletés et des

ces capacités.

Si la maîtrise de la commutativité est une habileté, associée à la maîtrise des autres

propriétés de l’addition, il s’agit de la capacité liée à la maîtrise de cette opération arithmétique et

de ses propriétés. Maîtriser cette opération et ses propriétés n’est cependant pas suffisant. Il

s’agit pour l’élève de reconnaître leurs contextes d’utilisation et d’être capable de les mobiliser

avec pertinence. Dans ce cas, l’apprentissage devient une spirale dans laquelle l’élève peut

déployer ses capacités et ses habiletés dans des contextes de plus en plus larges et construire ainsi

des compétences. Dès lors, s’il est opportun pour l’élève de réaliser, à certains moments, des

apprentissages spécifiques d’habiletés et de capacités pour construire des compétences, il ne faut

pas perdre de vue la nécessité de replacer rapidement ces habiletés et capacités en contexte. À

défaut, ces apprentissages seraient rapidement obsolètes. Habiletés, capacités, compétences

fonctionnent donc en spirale et en contexte. Elles ne sont cependant qu’une partie de la

compétence beaucoup plus vaste de l’élève qui traite une situation en utilisant toutes les

ressources pertinentes auxquelles il a accès. Un des apports d’une approche par compétence est

de réduire l’importance des compétences cognitives et disciplinaires dans les apprentissages

scolaires, elles y règnent en maître absolu jusqu’à ce jour, et d’accorder la place nécessaire aux

autres aspects du traitement compétent d’une situation contextualisée.

De ce qui précède, nous devons déduire qu’une approche par compétence s’inscrit dans

une logique d’apprentissages en situation. Dans ces situations, l’élève construit en spirale des

compétences en articulant habiletés et capacités, mais aussi les ressources cognitives avec les

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autres ressources, affectives, sociales et contextuelles, qu’il a dû mobiliser pour traiter avec

succès la situation à laquelle il est confronté.

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Compétences et socioconstructivisme

Le concept de compétence est-il compatible avec une approche socioconstructiviste de

construction et de développement des connaissances ? C’est en tout cas le défi que suggèrent les

rédacteurs des programmes d’études actuels.

D’entrée de jeu, nous pouvons établir que, dans une perspective socioconstructiviste, les

connaissances sont situées dans un certain contexte et que les compétences ne peuvent se définir

qu’en fonction de situations. Le concept de situation devient alors l’élément central de

l’apprentissage : c’est en situation que l’élève construit des connaissances situées et développe

des compétences. Il s’agit d’un constat déterminant pour le développement des apprentissages

scolaires. Les contenus disciplinaires listés dans les programmes scolaires sont importants,

certes, mais ils ne sont pas suffisants. Les situations à l’intérieur desquelles les élèves peuvent

construire des connaissances à leur propos et développer des compétences sont au moins aussi

importantes. Il ne s’agit donc plus d’enseigner des contenus disciplinaires décontextualisés

(l’aire d’un trapèze, l’addition de fractions, un procédé de calcul mental, etc.) mais bien de définir

des situations à l’intérieur desquelles les élèves peuvent construire des connaissances et

développer des compétences. Il s’agit d’une véritable révolution copernicienne, certes, mais sans

doute aussi l’un des plus grands défis jamais lancés aux enseignants. La tâche est complexe.

Partant d’un contenu disciplinaire sommairement décrit dans un programme d’études, il s’agit de

rechercher des situations dans lesquelles l’élève pourra se construire des connaissances à propos

de cette notion. Bien plus, il devra aussi utiliser ces connaissances (comme ressources parmi

d’autres) pour développer des compétences. Bref, dans cette perspective, la tâche de l’enseignant

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devient complexe : gérer des situations pour permettre à l’élève de construire des connaissances

et de développer des compétences.

Dans une perspective socioconstructiviste, les compétences ne peuvent être construites

qu’en situation. Les situations sont donc source de compétences. Ce sont aussi ces mêmes

situations qui en justifient la viabilité, elles sont alors critère des compétences. Source et critère

de compétences, les situations sont aussi source et critère de connaissances. Les situations

“ source ” de connaissances permettent au sujet d’y construire ces dernières. Les situations

“ critère ” de connaissances en testent la viabilité. C’est donc en situation que le sujet construit

ses connaissances. Ces connaissances, si elles sont viables dans ces situations, sont aussi une des

ressources qui permettent au sujet de développer des compétences dans ces mêmes situations. Si

ces connaissances participent au développement d’une compétence, cette compétence devient à

son tour critère de ces connaissances qui seront viables dans ce contexte tant et aussi longtemps

qu’elles permettent à la compétence de traiter avec succès la situation. La boucle se referme

donc. Connaissances et compétences s’articulent étroitement à l’intérieur des situations, et ce

dans une perspective de construction et de socioconstruction.

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Une rapide conclusion

Nous conclurons ce texte en affirmant que le concept de compétence n’est pas

incompatible avec un paradigme socioconstructiviste de construction et de développement de

connaissances et de compétences. Il s’agit de le développer en situation. Compétences et

connaissances se construisent en interaction étroite et sont temporairement viables en situation.

Bien plus, au-delà de son caractère plus global que les connaissances, puisque les compétences

font appel à d’autres ressources que les connaissances, une compétence, dans une perspective

socioconstructiviste, accepte les mêmes caractérisations que les connaissances : une compétence

est (1) construite, (2) située, (3) réflexive et (4) temporairement viable. Au-delà de cette

quadruple caractérisation, la compétence remplit les fonctions spécifiques : (1) mobiliser et (2)

coordonner une série de ressources variées, cognitives, affectives, sociales, contextuelles, etc. ;

(3) traiter avec succès les différentes tâches que sollicitent une situation donnée et (4) vérifier la

pertinence sociale des résultats des traitements effectués dans cette situation.

Mais est-ce possible en contexte scolaire et comment créer des situations qui puissent être

source et critère de connaissances et de compétences pour les élèves ? C’est sans nul doute le

défi que les concepteurs des nouveaux programmes lancent aujourd’hui.

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