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LASDEL Laboratoire dtudes et recherches sur
les dynamiques sociales et le dveloppement local _________
BP 12901, Niamey, Niger tl. (227) 72 37 80 BP 1383, Parakou,
Bnin tl. (229) 61 16 58
Le foncier pastoral Cas du terroir de Dembouten
Abdoulaye Mohamadou Enquteur : Mohammed Watakane
Etudes et Travaux n 30
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Mai 04 Cette tude a t finance par le Service de coopration et
daction culturelle au Niger (France)
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Sommaire
Introduction
...........................................................................................................................................
4 Objectifs et mthode
......................................................................................................................
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1. La construction du droit dusage prioritaire de laristocratie
Tigguirmat .................................. 8 1.1. Loccupation de
lespace
...................................................................................................
8 1.2. Le fonage du puits : une nouvelle lgitimation pour
laristocratie Tigguirmat ................... 9 1.3. Lhistoire au
secours des
Tigguirmat.....................................................................................
9 1.4. Les autres groupes du terroir
...............................................................................................
10 1.5. Les utilisateurs extrieurs des ressources du terroir
........................................................... 12
2. La gestion communautaire lpreuve des rapports de pouvoir
................................................ 15 2.1. La cession
des fourches du puits
....................................................................................
15 2.2. La station de pompage
.........................................................................................................
16 2.3. Lvolution de la composition du comit de gestion de la
station de pompage ................... 17
3. La commission foncire de Tchintabaraden
.................................................................................
21 3.1. Des problmes de
fonctionnement........................................................................................
22 3.2. Un cadre juridique inadapt
................................................................................................
23
Conclusion
............................................................................................................................................
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Introduction De la priode coloniale nos jours, la question du
foncier pastoral a t apprhende
de diverses manires selon les conjonctures politiques et
conomiques. Ladministration coloniale ne sest pas proccupe de la
gestion de lespace, focalisant plutt son action sur le domaine de
la sant animale pour prserver les animaux contre les grandes
pizooties qui les dcimaient. Lidologie des terres vacantes et sans
matres tait encore prgnante et ne permettait ni de sintresser aux
droits des leveurs ni la gestion des ressources naturelles par ces
derniers.
Aux lendemains des indpendances, llevage devient un des axes
prioritaires de la politique de dveloppement rural du rgime du
Rassemblement dmocratique africain (RDA). Cest ainsi que lEtat a
fix une limite nord des cultures. La loi n61-005 du 27 mai 19961
interdit la pratique de lagriculture au dessus de lisohyte 350 mm
qui est une bande, situe au nord des arrondissements de Filingu,
Tahoua, Dakoro, Tanout, Gour et Nguigmi. Seules les productions
vivrires de subsistance des pasteurs et les cultures doasis y sont
autorises. Les dgts commis dans cette zone par les animaux sur les
cultures ne sont pas susceptibles de ddommagement. Il sagissait
donc dune volont de rserver une portion du territoire national aux
activits de llevage.
Une politique dhydraulique pastorale a t galement initie et,
entre 1960 et 1970, plusieurs points deau modernes (forages et
stations) ont t mis en place dans la zone pastorale pour
labreuvement et le contrle sanitaire des animaux.
La cration de ces infrastructures dont laccs tait libre et non
rglement a eu des effets pervers sur les cosystmes et la gestion du
foncier pastoral. Les zones riveraines des stations de pompage se
sont dgrades cause dune trop forte surcharge animale. Les pratiques
traditionnelles de gestion des parcours et des points deau ont t
modifies, du fait de la concentration des leveurs et des troupeaux
et du libre accs aux ressources.
Au dbut des annes 80, lEtat a opt pour une politique de
modernisation de llevage, avec notamment la gnralisation du modle
coopratif la zone pastorale, la mise en route de projets de gestion
des pturages et des parcours, et la diffusion de nouvelles
techniques et de procds dexploitation.
La cration en 1989 dun comit national du code rural et ladoption
des ordonnances n 93-014 et n 93015 du 2 mars 1993 portant
respectivement rgime de leau et principes dorientation du code
rural constituent un tournant important en matire de politique
foncire au Niger. Ces deux lois dfinissent le cadre juridique des
activits agricoles, pastorales et sylvicoles et les conditions
dutilisation des diffrentes ressources.
Mais ces textes restent de porte gnrale et leur mise en uvre
lente. Par exemple, les institutions charges de la mise en
application du code rural nont t dfinies quen 1997.
Dans le domaine du foncier pastoral, deux notions apparaissent
dans les principes dorientation du code rural, savoir (a) le
terroir dattache et (b) le droit prioritaire.
Akilou et al (1990) dfinissent le terroir dattache comme cette
aire gographique o vit rgulirement pendant la majeure partie de
lanne lessentiel du groupe humain concern et laquelle il reste
attach lorsquil part en transhumance ou que, rcemment plusieurs de
ses membres quittent pour lexode. Si on sen loigne, ce nest que
provisoirement .
Cette dfinition a inspir celle contenue dans le dcret
n97-007/PRN/MAG/EL du 10 Janvier 1997 fixant le statut des terroirs
dattache des pasteurs et qui en son article 2 entend par terroirs
dattache : lunit territoriale dtermine et reconnue par les coutumes
et/ou les
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textes en vigueur lintrieur de laquelle vivent habituellement
pendant la majeure partie de lanne des pasteurs, unit territoriale
laquelle ils restent attachs lorsquils se dplacent que ce soit
loccasion de la transhumance, du nomadisme ou de migrations .
Le mme texte en son chapitre 2, article 4 dfinit le droit dusage
prioritaire comme un pouvoir doccupation, de jouissance et de
gestion reconnu aux pasteurs sur leur terroir dattache .
Ladoption de ce texte constitue une avance significative dans la
reconnaissance des droits fonciers des pasteurs. Limage dleveurs
sans terres se dplaant en dsordre la recherche des terres et des
pturages est dpasse.
Mais les principes dicts dans les diffrents textes nont connu
quune faible application aussi bien en zone agricole quen zone
pastorale. Dans la plupart des cas, les carts entre les principes
et les pratiques restent grands. Mais mme si lon sen tient aux
textes, les leveurs considrent que les textes favorisent les
agriculteurs, en ce que lactivit dlevage nest pas reconnue comme
une mise en valeur et que les droits prioritaires des leveurs ne
sont pas dtermins. Cela a favoris selon eux lextension de
lagriculture aux dpens de llevage.
La rflexion actuellement mene sur llaboration dun code pastoral,
sous les auspices du secrtariat permanent du code rural, sinscrit
dans une perspective de prise en compte de ces insuffisances. LEtat
narrivant pas appliquer sa propre rglementation soriente vers une
reconnaissance des pratiques locales par la mise en uvre dune
approche participative associant les associations dleveurs.
Mais en attendant de nouveaux textes, dj, dans la zone pastorale
(au del de la limite lgale des cultures), de nouvelles dynamiques
se mettent en place, lies au contexte cologique, conomique et
socio-politique de ces dernires annes.
Les scheresses rcurrentes, la dmographie galopante,
lappauvrissement des sols, la perte du cheptel, etc. ont provoqu le
dplacement du front cultural au del de la limite lgale des cultures
et la reconversion lagriculture de nombreux leveurs.
Larrondissement de Tchintabaraden, qui est situ en pleine zone
pastorale, est aujourdhui subdivis en deux sous-zones : une zone
agricole au sud et une zone pastorale au nord (avec une agriculture
de subsistance). Dans ces conditions, la loi 61-005 est devenue
dsute, et on a affaire une situation de non droit dans cette
nouvelle zone charnire.
On assiste en outre lmergence de gros leveurs, avec une volont
dappropriation et de privatisation de lespace pastoral (comme il
lest en zone agricole) mettant ainsi en cause la vision de
ressources communes partages avec droits prioritaires, qui a
toujours prvalu chez les leveurs. Il y a donc de plus en plus une
comptition entre ces leveurs et les petits leveurs autochtones,
dtenteurs des droits prioritaires dusage mais aussi avec les
chefferies coutumires locales auxquelles ils disputent la gestion
locale des affaires politiques. En effet, les gros leveurs crent
des rseaux clientlistes au niveau des communauts locales et des
administrations centrales et locales. Le statut quo actuel favorise
les gros leveurs dots de ressources conomiques importantes, qui
servent darme de ngociation avec le pouvoir central et les
administrations locales, et donc peuvent tre reconverties en
ressources politiques.
La gestion communautaire des infrastructures hydrauliques
inaugure depuis 1990 suite aux recommandations de latelier de Diffa
de 1988 sur la gestion de lhydraulique pastorale, est devenue le
lieu dexpression des enjeux fonciers, politiques et conomiques
entre les diffrents acteurs. Dans notre zone dtude, le climat
dinscurit quont engendr la rbellion touareg et les milices arabes
au cours de la mme priode ont mis lpreuve la
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gestion base sur les groupements mutualistes que tentait de
vulgariser le projet FIDA et on a assist plutt des regroupements de
type identitaire, ce qui a exacerb davantage les tensions. Tout le
monde saccorde dire que la gestion communautaire chou mais trs peu
dtudes se sont intresses aux raisons profondes de cet chec alors
mme quon exprimente dj la gestion dlgue.
Les diffrentes pratiques en matire daccs, de contrle et de
gestion du foncier en zone pastorale limitent lapplicabilit des
principes officiels et invitent une meilleure connaissance des
situations concrtes et des stratgies des diffrents acteurs. Cest
lambition que se donne cette tude travers le cas du terroir de
Dembouten.
Objectifs et mthode Il sagit dans cette tude de :
- Mettre jour la construction des droits prioritaires dusage sur
les ressources et leur volution au niveau du terroir de Dembouten
;
- Comprendre le fonctionnement de la gestion communautaire de la
station de pompage et les enjeux sous-jacents ;
- Montrer partir des difficults rencontres par la commission
foncire de Tchintabaraden les contraintes lies la formalisation des
pratiques informelles. Ltude a t mene selon une approche
socio-anthropologique base sur lenqute
qualitative et empirique. Les instruments de collecte de donnes
utiliss sont la recherche documentaire, les entretiens,
lobservation et ltude de cas. Pour apprhender la question du
foncier pastoral, on sattachera au cas dun site qui dispose dune
station de pompage depuis le dbut des annes 60, et o cohabitent
plusieurs groupes sociaux. La collecte des donnes sest droule du 28
juillet au 7 aot 2003 en pleine saison des pluies. Elle a t ralise
par le chercheur et lenquteur. Ce dernier est un ancien cadre du
FIDA. Il a particip au diagnostic participatif du terroir et connat
les diffrents groupes dutilisateurs. Cette connaissance pralable du
terrain a limit les biais lis notre court sjour sur le terrain. Il
faut cependant noter que certains groupes qui taient dj en
transhumance vers le nord nont pu tre interrogs notamment les Peul
Ferb et les Issikiliban. Cependant, nous avons fait dautres vagues
denqutes en juin, juillet et Dcembre dans les rgions de Dakoro et
de Tchintabaraden..
Les entretiens ont eu lieu au niveau du chef lieu de
larrondissement de Tchintabaraden avec les autorits
administratives, les services techniques, les agents du projet
FIDA, le chef du troisime groupement touareg dont dpend Dembouten,
et certains leaders dopinion. A Dembouten, nous avons rencontrs les
leaders dopinion des groupes prsents et les membres du comit de
gestion. A Tahoua, nous avons eu un entretien avec le directeur du
projet PROZOPAS.
Les entretiens rvlent que les cadres techniques en poste ont une
trs particulire reprsentation de la zone pastorale et des leveurs.
La zone est prsente par eux comme une rgion singulire o les gens
sont difficiles et o les questions de dveloppement sont fortement
politises. Il y a une forte interaction entre le niveau local et
lEtat central.
A cette attitude, rpond chez les leveurs, le sentiment dtre trs
incompris par lEtat et ses reprsentants locaux. Ils estiment que
les problmes de llevage ne proccupent pas les autorits comme en
tmoigne cette anne le retard dans lapprovisionnement des aliments
btail alors mme que les indices dune anne dficitaire taient runis
depuis la pr-valuation de la campagne agro-sylvo-pastorale.
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Ce rapport comporte trois parties : - une premire partie o sera
dcrit le processus de construction et de lgitimation du
droit dusage prioritaire de laristocratie guerrire des
Tigguirmat ainsi que la mise en place progressive des diffrents
groupes du terroir ;
- dans la deuxime partie, on analysera les interactions entre
les diffrents groupes autour de la gestion des ressources
naturelles du terroir partir du cas de la station de pompage ;
- enfin dans la troisime partie, on essayera, partir de lexemple
de la commission foncire darrondissement de Tchintabaraden, de
montrer la complexit de la gestion du foncier dans un contexte
juridique flou o les pratiques informelles prdominent.
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1. La construction du droit dusage prioritaire de laristocratie
Tigguirmat La notion de droit dusage prioritaire suggre
implicitement quil ne sagit pas dun
droit exclusif sur les ressources pastorales contrairement aux
terres agricoles qui font lobjet dappropriation privative. Cette
particularit de lespace pastoral dtre la fois possd et ouvert rend
plus complexe son apprhension et, est lorigine de nombreux
malentendus entre lEtat et les leveurs. Un des points de discorde
reste le problme des preuves auxquelles ne semblent pas trop croire
les techniciens et au danger dappropriation privative par des
acteurs politiques et conomiques puissants. Nous nallons pas
rentrer dans ce dbat. Notre modeste objectif est de comprendre
travers un regard historique les relations des diffrents groupes
sociaux de Dembouten aux ressources de leur terroir. On sattachera
aussi saisir la perception quont les diffrents acteurs de la
gestion des ressources et des lgitimits qui sont mobilises.
1.1. Loccupation de lespace Thbaud (2002) donne lespace pastoral
plusieurs sens : un territoire aux contours
souvent flous et qui renferme des ressources naturelles (lherbe,
les mares, etc.) ou amnages par lhomme (par exemple des puits) ; un
espace formant un ensemble cohrent, car compos de diffrents lments
relis entre eux par une structure complexe de fonctionnement :
parcours de saison des pluies, territoires de saison sche, lieux de
rencontres et dchanges, zones de repli en cas de crise, terres
agricoles servant de pture aprs les rcoltes ; un espace affect
diffrents usages souvent conflictuels (agriculture et levage) ;
enfin, un espace de temps, qui doit tre gr en tenant compte de
lincertitude des saisons et des annes (P11).
On a donc affaire plusieurs espaces complmentaires selon leur
potentiel, les investissements raliss, les changements climatiques,
les catastrophes naturelles, etc. Chaque terroir constitue un bout
de cet espace ouvert tous et, comme nous le verrons, celui de
Dembouten est prsent comme la rserve foncire de larrondissement de
Tchintabaraden.
Dembouten est situ 35 km louest de la ville de Tchintabaraden
sur la route reliant cette dernire au poste administratif de
Tillia.
Le terroir de Dembouten a dabord t le sanctuaire dune des plus
puissantes tribus guerrires de lAzawagh, les Tigguirmat. Ainsi,
Tarzaghlal, la zone la plus boise et dont les pturages sont
considrs comme les meilleurs de la zone, se confond avec le nom de
Matafa, grand guerrier et ancien chef du troisime groupement
touareg de Tchintabaraden. Il est considr comme le premier occupant
de la zone, do il a chass les derniers fauves. Il en avait aussi
interdit laccs aux autres groupes touareg. Seules ses chamelles
pturaient dans la valle de Tarzaghlal.
Leau tait dj cette poque une ressource rare. Tarzaghlal signifie
justement en tamacheq casse abreuvoir pour dire quil est inutile de
vouloir forer un puits. Toutes les tentatives de fonage de puits
ont chou en raison de la profondeur de la nappe. Les populations
devaient se contenter de puisards fors dans le tadist , cette valle
fossile qui traverse lAzawagh dest en ouest. Les puisards taient
situs Gougaram et Taghmart, distants de Tarzaghlal de 20 km.
Lapprovisionnement en eau pour les besoins domestiques se faisait
dos de chameaux. Cela tait possible dans les conditions de lpoque
parce que laristocratie levait essentiellement des dromadaires
rputs pour leur rsistance la soif. Les besoins en eau domestiques
taient aussi limits en raison de la faiblesse de la population. Ce
sont les groupes leveurs de petits ruminants qui sont obligs de ne
pas sloigner des points deau. Les leveurs de camelins et de bovins
utilisent les puits alors que ceux des petits ruminants abreuvent
leurs animaux dans les puisards.
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On admet que lespce animale leve renseigne sur la nature des
droits. En gnral, les groupes possdant les grands animaux ont les
droits prioritaires sur lespace parce quils sont obligs de forer
des puits cause de limportance des besoins en eau de leurs
troupeaux.
Un de nos enquts disait que les chvres ne donnent pas un terroir
ou akal en tamacheq.
Aprs la rvolte touareg de 1916-1917, la confdration des Kel
Dennig ou Iwillemenden de lest fut dmantele. Matafa fut nomm chef
du troisime groupement, dtenteur de lEttebel (tambour), le symbole
du pouvoir. Cette position de pouvoir a permis laristocratie
Tigguirmat de consolider sa puissance et sa suprmatie sur les
autres groupes.
Dambouten fut aussi un poste militaire, o servit lactuel
Prsident de la Rpublique du Niger, alors sous-officier de larme
coloniale. Ses sjours dans cette rgion lui ont permis de tisser de
solides relations avec les chefferies et leaders dopinion locaux,
ce qui explique en partie quils interviennent souvent
personnellement dans les affaires locales. Cest au nom de cette
longue amiti que par exemple, laristocratie de Dembouten a demand
au prsident un groupe lectrogne. Il faut dire aussi que la zone est
un vivier lectoral pour le parti du prsident qui a recrut parmi ses
anciens amis. Cela explique aussi le fait que les leaders
politiques locaux contournent les administrations locales et les
services techniques.
1.2. Le fonage du puits : une nouvelle lgitimation pour
laristocratie Tigguirmat Cest au cours de lanne 1953-54 que le
puits ciment de Dembouten a t for. Selon
les descendants de Matafa, ladministration avait pris cette
initiative pour compenser la perte du pouvoir politique par Matafa,
qui avait t destitu en 1949 cause de son refus de scolariser les
enfants de son groupement. Lquipe qui a for le puits a mis plus de
deux ans pour les travaux et, pendant ce temps, elle a t prise en
charge par la famille de Matafa. Pour son approvisionnement en
viande une vingtaine de bovins et une centaine de biches ont t
fournis, selon lactuel chef de tribu.
Pour le groupe Tigguirmat, le puits leur appartient et cela est
dailleurs confirm par la dtention des fourches qui sont sur le
puits et qui permettent de puiser leau.
Les membres de laristocratie Tigguirmat dtiennent en effet six
des sept fourches du puits. Ce sont les Ibangajan, groupe vassal
arriv en mme temps que laristocratie, qui dtiennent la septime
fourche.
Au droit prioritaire dusage sur les pturages est donc venu
sajouter le droit prioritaire dusage sur le puits. Dune certaine
manire, la colonisation a lgitim la suprmatie des Tigguirmat. Tous
les acteurs du terroir reconnaissent ce groupe la primaut sur les
ressources hydrauliques du terroir notamment le puits ciment et la
station de pompage. Il ny a pas de mares permanentes sur le
terroir. Quant aux puisards, tous les rsidents du terroir sont
libres de les forer. Ils sont renouvels chaque anne et ne constitue
pas un enjeu stratgique cause du faible disponible en eau.
Cest essentiellement autour de laccs aux pturages, au puits
ciment et la station de pompage que sorganisent les relations entre
les diffrents groupes, ceux du terroir et ceux de lextrieur,
notamment les gros leveurs et les transhumants.
1.3. Lhistoire au secours des Tigguirmat Les vnements lis la
rvolte touareg de 1916-1917 ont provoqu une
recomposition politique au sein de la confdration des
Iwillemenden kel Dennig. Les Tigguirmat , les Kel Nan, les
Tillimedess, les Ighergheran et les Irawelan, taient les 5
tribus
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dtentrices du pouvoir politique. Au moment de linstallation du
pouvoir colonial, ce sont les Kel Nan, qui dtenaient lEttebel, le
tambour de guerre, symbole du pouvoir. Aprs la dfaite de 1917,
connue localement sous le nom de morti en rfrence au mortier utilis
par les troupes coloniales, la confdration a t disloque, et
plusieurs groupements ont t crs. Les Kel Nan et les Tigguirrmat ont
t rassembles dans le troisime groupement. Lancien chef vaincu des
Kel Nan ne reviendra pas de son exil. Ladministration coloniale
installa Matafa ag Sakhafi des Tigguirmat comme chef du troisime
groupement. Il rgnera de 1918 1949. Dambouten devient donc le sige
du nouveau pouvoir. Cette figure emblmatique du groupe, devenu
dtenteur de lEttebel des Iwillimenden, meurt en septembre 1979.
Lors de la rbellion arme rcente, laristocratie a constitu un
comit dauto-dfense pour se protger la fois dventuelles attaques des
rebelles mais surtout contre les milices arabes prsentes dans la
zone. Lexploit dun de ses membres, qui a poursuivi et vaincu des
bandits arabes qui lui avaient vol des chameaux, sert de prtexte
pour rappeler la valeur militaire de laristocratie Tigguirmat.
On peut voquer quelques uns de ses notables: - C .M : ancien
membre de lopposition au rgime de Seyni Kountch base en Libye ;
il est trs charismatique et jouit dune certaine audience au
niveau du terroir. Il est actuellement le prsident du comit
pastoral mis en place par le projet FIDA et du comit de gestion de
la station de pompage. Pour les ressortissants des autres groupes,
ses voyages ltranger ont fait de lui un homme ouvert et cultiv.
- B. M : lactuel chef de tribu de Tigguirmat II. Ag et dmuni, il
a t traumatis par laffaire du PROZOPAS dont le dossier est toujours
pendant la justice. Il a dlgu son fils an la gestion des affaires
tribales.
- B.B: le fils an du chef. Cest lui qui fait office de
reprsentant du chef auprs de ladministration et des projets. Il a
tiss des relations clientlistes avec les peul rsidents du terroir.
Il fait galement du transport routier entre Dembouten et
Tchintabaraden.
- A.B: seul lettr de la tribu, transporteur, reprsentant dune
ONG internationale ; il a longtemps vcu Tchintabaraden, ce qui lui
a permis de tisser des relations avec le milieu arabe et
ladministration.
- I.Y: cousin du chef, protecteur du groupe Ikadaman, arrivs en
1984 sur le terroir. - A.M : le fils an de Matafa, gardien de la
tradition pastorale, le nanti du groupe en
termes de capital btail, intimement attach son terroir dont une
valle porte son nom. Il sintresse peu la gestion du terroir.
1.4. Les autres groupes du terroir
Les Ibangajan et Sikiliban Ils sont arrivs en mme temps que les
Tigguirmat. Cest un groupe militairement et
politiquement faible qui tait sous la protection de Matafa dont
ils taient les vassaux et bouviers. Ils psent aujourdhui sur le
plan dmographique et disposent dun important capital btail. Ils ont
un discours trs critiques vis vis de la gestion des ressources
naturelles, livres leurs yeux aux trangers par laristocratie. Ils
voient dun mauvais il la marchandisation des ressources naturelles
du terroir. Ils se sont progressivement librs de la tutelle de la
chefferie tribale pour se rattacher directement au groupement.
Les Ikwalelan
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Ils se sont progressivement installs dans le terroir dont ils
ont occup pendant longtemps lextrmit ouest. Les Ikwalelan sont des
grands propritaires dovins dont laffirmation politique est lie la
figure de W., ancien goumier et premier chef de la tribu. Son
ascension sest fonde sur une lgitimit coloniale et post-coloniale.
Il faut rappeler que les goumiers, ce corps de mharistes crs par le
pouvoir colonial, a pendant longtemps t le relais local de lordre
colonial. Cest la tribu qui compte le plus grand nombre de lettrs,
ce qui constitue un atout important dans les relations avec
lextrieur (administration, services techniques et projets). Lactuel
chef de la tribu est le fils de W. et lui-mme ancien goumier. Il
rside Tchintabaraden, chef lieu darrondissement. Il est le prsident
dune association dleveurs. Il connat bien les rouages de
ladministration et est actif dans le mouvement associatif et
politique local. Comme nous le verrons, la famille W. joue un rle
important au niveau de la gestion de la station de pompage en
raison des ressources dont nous venons de parler.
Les Peuls Il y a deux groupes, les Gojawa et les Ferb. Les
Gojawa seraient venus de Chadawanka (sud de larrondissement actuel
dAbalak)
la recherche de pturages. Leur arrive date des annes 50 et ils
se sont mis sous la protection de Matafa.. Il faut dire qu lpoque,
les Peul ntaient pas bien apprcis dans la zone et constituaient une
proie facile pour les razzieurs.
Ils taient administrativement rattachs au dbut au groupement
peul de Tahoua avant dadhrer en 1981 au 9me groupement peul de
Tchintabaraden. Ils ne quittent pas lespace du terroir mme pendant
la saison des pluies. Ils pratiquent la petite transhumance.
Quant aux Peul Ferb, ils seraient venus de la rgion de
Badiguicheri (arrondissement dIlla). Cest la suite dun meurtre que
le petit groupe a fui et sest rfugi Dembouten avec laccord de
Matafa qui leur a assur sa protection. Ils sont rattachs au
troisime groupement.
Le fonage du puits ciment de Dembouten et la mise en place de la
station de pompage dont laccs tait libre ont favoris linstallation
dfinitive des peul.
Les deux groupes peul ne sont plus considrs comme des trangers
mais comme des rsidents. Ils se sont progressivement intgrs et ont
tiss dtroites relations avec laristocratie locale. Leur
rattachement aux chefferies locales marque une rupture davec les
groupes dorigine et constitue une stratgie dintgration et
dinvestissement.
Les Ikadaman Cest le groupe qui sest install le dernier sur le
terroir. Ils sont rattachs au premier
groupement bas Tillia plus louest. Cest la suite de la scheresse
de 1984 quils ont quitt leur zone dattache de Sgat, au sud, pour
stablir sur le terroir de Dembouten. Cest un groupe politiquement
faible. Ils se sont mis sous la protection dun membre de
laristocratie. Ce sont de grands migrants, en direction notamment
des pays ctiers, o ils partent vendre leur savoir-faire
magico-religieux. Les hommes sont quasiment absents pendant toute
la saison sche, ce qui justifie aussi quils aient choisi un
facilitateur, membre de laristocratie, pour grer leurs relations
avec les autres groupes. Ils ont pu reconstituer leur cheptel et
sont de ce fait, avec les Peul, de grands utilisateurs des
ressources du terroir.
Les Peul constituent la seconde vague des rsidents du terroir et
les Ikadaman, la troisime. Avec les premiers occupants (Tigguirmat,
Ibangajan, Sikiliban et Ikwallan), ils
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utilisent pendant la majeure partie de lanne (certains quittent
le terroir pendant la saison des pluies) les ressources du terroir.
Ces dernires sont utilises par dautres leveurs.
1.5. Les utilisateurs extrieurs des ressources du terroir Les
ressources en pturage et en eau du terroir de Dembouten sont
exploites par des
non rsidents selon les saisons et les annes.
Les Daghmina et les Ijawanjawatan Ce sont des groupes touareg
dont les terroirs dattache sont voisins de celui de
Dembouten. Il y a les zones inter-terroirs qui sont ouvertes
tout le monde. Mais Dembouten constitue comme indiqu plus haut une
rserve foncire. Ces deux groupes sont de grands propritaires de
camelins mais plus particulirement leur chef qui est aussi une
grande personnalit religieuse, la plus respecte de la zone. Il est
de la mme gnration que Matafa dont il tait le marabout . Une partie
de son troupeau sjourne rgulirement pendant la saison lintrieur du
terroir. Il faut savoir quen gnral, pendant la saison sche, les
trangers ne sinstallent pas sur les bons pturages du terroir. Ils
restent souvent la priphrie. La succession dannes dficitaires et la
pression arabe sur leurs terroirs situs plus au nord (les milices
dauto-dfense se sont plusieurs fois attaques eux) ont contraint ces
groupes sjourner plus souvent dans le terroir de Dembouten. Les
Arabes
Un groupe arabe qui a quitt la zone de Tassara la suite dun
diffrent avec le chef de groupement a sjourn quelques annes sur le
terroir de Dembouten, avant de stablir plus au sud dans la rgion de
Taza. Les animaux de ce groupe continuent pturer sur le
terroir.
Les grands troupeaux des leveurs arabes viennent sur le terroir
pendant les annes de dficit fourrager dans leurs zones habituelles
de rsidence au nord et lest de larrondissement. Ils ont t prsents
au cours des trois dernires annes, considres toutes comme
dficitaires. Ils ngocient avec laristocratie leur installation.
Plusieurs familles aristocratiques ont des laitires offertes par
ces leveurs. Ils prennent aussi en charge le carburant ou les
rparations des pannes du moteur de la station de pompage. En 1996,
un riche propritaire arabe a propos de fournir un groupe lectrogne
la station, mais laristocratie Tigguirmat a dclin loffre, ayant
peru le risque pour elle de perdre ainsi la gestion de la
station.
Lmergence de ces gros leveurs est un phnomne rcent li lintrt de
plus en plus important des commerants et leaders politiques pour
llevage. Il sagit la fois dun levage de prestige mais aussi
commerant. Les filires dexportation vers lAlgrie et la Libye ont
encourag laccumulation du capital btail. Mais le dveloppement de
cet levage pose un certain nombre de problmes. La succession dannes
de bonne pluviomtrie entranant une grande disponibilit en fourrage
a favoris lexplosion de la taille des troupeaux. La petite
scheresse de 2002 a montr que la gestion de tels effectifs, donc
dun levage intensif dans un contexte dincertitude climatique est
difficile en labsence de mesures daccompagnement comme la
disponibilit daliments btail ou de zones de repli sres. On a donc
assist un mouvement de ces grands troupeaux vers les rserves
foncires de larrondissement, les centres tatiques en principes
protgs et la zone agricole. La prsence de ces leveurs a mis lpreuve
les modes traditionnels de rgulation des mouvements des troupeaux
pendant les priodes de scheresse. Ainsi Dembouten, le disponible
fourrager a t vite puis, mettant en pril les petits levages.
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Ces gros leveurs ont besoin de larges espaces et font pression
sur les autorits pour leur permettre de disposer des ranchs
personnels.
Les transhumants peuls Dembouten est la fois une zone de pturage
et de transit pour les leveurs peuls qui
vont la cure sale. La plupart de ces Peuls viennent du Mali.
Leurs relations avec les autochtones sont trs tendues en raison,
selon ces derniers, de leurs pratiques dexploitation dvastatrices
des ressources. Ils sont aussi accuss dtre des vecteurs de maladies
parce que ne respectant pas les conditionnalits prconises dans le
cas des transhumances transfrontalires. Cest ici que sexprime le
plus lincomprhension des autochtones vis vis de lEtat. Ils
affirment navoir aucun pouvoir pour ngocier avec ces transhumants
trangers qui viennent dtruire les ressources de leur terroir.
Les ramasseurs de paille Pendant les annes de dficit fourrager,
comme 2003, ou les priodes de soudure, le
march des fourrages (paille sche notamment) devient lucratif. La
demande vient essentiellement de la ville de Tchintabaraden o les
troupeaux sont trs importants. Plusieurs groupes sadonnent au
ramassage de paille dans le terroir de Dembouten.
Pour le chef du service de llevage darrondissement de
Tchintabaraden, Dembouten, qui est la premire rserve foncire de
larrondissement, est menac si des mesures adquates ne sont pas
prises pour protger les ressources qui sy trouvent, car aucune loi
ninterdit le ramassage de la paille.
Les diffrents groupes que nous venons de passer en revue ont des
positions et des statuts diffrents. Ils ont des droits distincts
quant laccs, la gestion et au contrle des ressources du
terroir.
Les autochtones, avec en tte laristocratie, refusent
systmatiquement le fonage de nouveaux puits, officiellement pour ne
pas dgrader les ressources mais aussi pour assurer leur monopole
sur les ressources hydrauliques en particulier la station de
pompage.
Mais ces autochtones ont des visions et des intrts diffrents en
relation avec les ressources du terroir. Laristocratie essaye de
tirer le maximum davantages de son droit dusage prioritaire pour
son affirmation politique mise mal par son crasement par la
chefferie du groupement dont elle est la rivale mais aussi pour
accumuler des ressources financires en monnayent laccs aux
ressources aux diffrents utilisateurs rsidents et extrieurs.
Les autochtones politiquement faibles sont exclus de cette
dynamique. Ils disposent dun cheptel important alors que la
chefferie est pauvre, ce qui rend la relation aux ressources
naturelles diffrente.
Il y a les rsidents de longue date du terroir, notamment les
groupes peul Gojawa et Ferb, qui ont tiss des relations de
clientlisme avec laristocratie touareg. Cette dernire les protge et
leur assure laccs aux pturages et leau. Quant eux, ils constituent
une source dargent permanente, leau tant payante depuis 1990. Ces
relations clientlistes ont mme pris de nouvelles formes. En effet,
pour le dplacement au march de Tchintabaraden, les Peul utilisent
en priorit les vhicules de transport des enfants du chef de la
tribu. Pour les autres groupes autochtones, les Peul sont des
trangers au terroir.
Les rsidents nouvellement arrivs sont les Ikadaman. Ils ont pu
trs rapidement reconstituer leur cheptel et sont propritaires de
bovins qui sont considrs comme de gros dvoreurs de pturages. Ils
sont peu actifs dans larne locale ayant dlgu la gestion de
leurs
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relations un membre influent de laristocratie. Leur statut
social de groupe cast les assure une certaine protection.
Il y a deux types de transhumants qui utilisent les ressources
du terroir. Ceux qui viennent en saison des pluies, principalement
des leveurs peul dont certains viennent du Mali, et les gros
leveurs arabes qui viennent en saison sche pour profiter des bons
pturages du terroir. Les premiers ont peu de rapports avec les
diffrents groupes. Quant aux seconds, ils ont su tiss des relations
avec les rsidents notamment laristocratie qui tire des avantages
financiers et matriels de leur prsence. Les leveurs des terroirs
voisins pratiquent une petite transhumance de saison sche.
Lanalyse de lhistoire du peuplement du terroir et lutilisation
actuelle des ressources du terroir fait apparatre plusieurs types
de droits lis lanciennet et aux ressources politiques et
conomiques. Loccupation physique du terroir sest faite au fur et
mesure de larrive des diffrents groupes. Les premiers ont occup les
zones les plus boises et/ou propices au fonage de puisards.
Lutilisation des ressources du terroir obit plusieurs logiques sur
lesquelles nous nallons pas nous tendre (cf. Akilou et al, op cit).
Cela dpend des annes, des saisons, des espces animales, etc.
Cette tude confirme aussi quen zone pastorale celui qui contrle
leau contrle les pturages. En effet, la dtention des fourches du
puits ciment avaient confr aux Tigguirmat et Ibangajan un droit
dusage prioritaire. Cela a t remis en cause avec la station de
pompage qui tait ouverte tout le monde. Lavnement de la gestion
communautaire et les rivalits autour du comit de gestion de la
station rvlent lenjeu que constitue le contrle des ressources
hydrauliques. On assiste une redistribution des droits dusage du
fait de lvolution conomique, dmographique et politique des groupes
rsidents et de la marchandisation des ressources naturelles.
Lvolution de la gestion communautaire de la station de pompage est
cet gard illustrative.
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2. La gestion communautaire lpreuve des rapports de pouvoir
Linfluence de laristocratie Tigguirmat sest progressivement rode
depuis la
destitution en 1949 par le pouvoir colonial de Matafa Sakhafi et
son remplacement par Bazou Elkhourar, fils de lancien chef de la
confdration. Depuis lors, les chefs successifs du groupement ont
pratiqu une politique disolement et daffaiblissement lgard des
Tigguirmat. La tribu a ainsi t subdivise en deux groupes,
TigguirmatI pour les anciens esclaves et Tigguirmat II pour les
anciens matres. Mais le groupe aristocratique reste une tribu
indpendante avec de larges pouvoirs dans son terroir dattache .
A la perte du pouvoir politique sest ajoute la destruction du
capital btail au cours des deux grandes scheresses de 1973 et 1984.
Laristocratie connat depuis, une grande pauprisation et, ce dautant
plus que les razzias et autres ponctions sur les groupes
politiquement faibles ne sont plus tolres comme dans la priode
pr-coloniale. Le poids dmographique de laristocratie a aussi
progressivement baiss par rapport aux autres groupes, du fait
notamment de la pratique de lendogamie. On compte en moyenne un
enfant par famille.
Les descendants de Matafa conservent lexercice du pouvoir tribal
mais, dans la ralit, tous les hommes adultes aristocrates disposent
dune large marge de manuvre. Chaque chef de famille essaye de se
constituer une clientle propre.
Cest donc une aristocratie affaiblie et pauprise qui dispose du
droit dusage prioritaire sur les ressources naturelles du terroir
de Dembouten. Depuis le fonage du puits en 1953 et la cration de la
station de pompage en 1960, de nouveaux groupes de populations se
sont progressivement rapprochs ou ont immigrs sur le terroir. De
quelques familles au dpart, ils constituent aujourdhui la
population la plus importante du terroir avec notamment lmigration
des anciens esclaves vers le sud au del des limites du terroir.
Contrairement laristocratie, ils ont pu reconstituer assez
rapidement leur btail.
Laristocratie na donc plus comme capital que les ressources du
terroir, qui sont devenus son principal fonds de commerce. Pour
conserver la haute main sur ces stratgies, elle place ses membres
dans les diffrents comits mis en plus par les projets pour
raffirmer son autorit sur le terroir et acqurir de nouvelles
ressources financires et politiques.
Les relations entre laristocratie et les autres groupes internes
et externes mais aussi avec ladministration et les projets vont
dons sorganiser autour des compromis et marchandages sur
l'utilisation des pturages et de leau du puits et de la station de
pompage.
2.1. La cession des fourches du puits Malgr la mise en place de
la station de pompage, le puits a continu fonctionner. La
station de pompage ntait pas toujours ouverte. Ctait le service
de llevage qui dcidait des dates douverture et de fermeture de la
station. Il fallait aussi prvenir les ventuelles pannes. Pour
laristocratie, le puits est rest un moyen dapprovisionnement en
eau, mais aussi une source de revenus et de ngociations avec les
autres usagers.
Celle-ci ayant perdu son cheptel, ses besoins en eau ont
considrablement diminu. Sa stratgie a t de rtrocder une part de son
droit dusage prioritaire sur le puits certains groupes, gros
propritaires danimaux.
Cest ainsi que le chef de la tribu a cd deux des trois fourches
quil a hrites de son pre. Lune a t prte K.A., grand chef religieux
et riche propritaire de camelins. Il appartient au groupe des
Daghmina. La seconde a t cde au groupe Ijawanjawatan. Depuis
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quelques annes, des fractions de ces groupes et notamment les
bergers du guide religieux vivent en permanence sur le terroir
pendant la saison sche.
Une troisime fourche sur les six que dtient laristocratie a t
donne par AB. (notable) W. de la tribu des Ikouhallan.
Nous ne sommes pas en mesure de dire si ces fourches ont t
vendues ou prtes. Il est certain quelles ont fait lobjet de
ngociations et de marchandage. Elles permettent leurs nouveaux
dtenteurs davoir un accs libre au puits, ce qui leur confre un
droit dusage prioritaire.
2.2. La station de pompage Elle a t installe en 1960. Cest le
service de llevage qui fixait les dates
douverture et de fermeture de la station de pompage. LOffice des
Eaux du Sous-sol (OFEDES) assurait la maintenance des quipements.
Il y avait au niveau de chaque station un pompiste, reprsentant
local de loffice. Ce dernier utilisait sa marge de manuvre pour
ngocier avec les leveurs. Il tait souvent comme la confirm le chef
de tribu, sous la protection de laristocratie locale avec laquelle
il y avait des changes de faveurs , notamment la mise en marche du
moteur pendant les priodes non rglementaires.
Les stations de pompage ont eu un impact ngatif sur la gestion
des terroirs de la zone pastorale. Laccs leau tait gratuit, ce qui
a provoqu laffluence de nombreux leveurs.
Dans lAzawak, dix-sept forages furent crs de 1960 1970. () Ces
points deau construits par lEtat qui en est donc propritaire, sont
utilisables sans restrictions par tous, ce qui modifie le mode de
gestion traditionnel des ressources naturelles. Les tribus, sur les
terrains de parcours desquelles ces stations furent installes ,
font certes valoir un droit dutilisation prioritaire (leurs
troupeaux sabreuvent les premiers) qui est souvent contest, mais
surtout ne peuvent plus grer les terrains alentour selon les
privilges dont elles disposaient auparavant et selon les
contraintes cologiques. () Un autre lment a t indirectement induit
par la cration des points deau publics : la remonte vers le nord de
trs nombreux pasteurs peuls Wodaab, trangers la zone et qui
respectent peu les usages et le mode de gestion traditionnel twareg
(Lain,1982, pp 198-199).
Avec les stations de pompage, les autochtones ont perdu le
contrle de la gestion des parcours pastoraux. On pourrait dire que,
dune certaine manire, lEtat a confisqu leurs droits dusage
prioritaire. Cette ouverture des espaces tribaux a galement favoris
linstallation permanente dleveurs transhumants.
La faillite conomique de lEtat a entran celle de lOFEDES et, en
1990, la gestion des stations de pompage a t confie aux communauts
locales. Pour laristocratie Tigguirmat, ctait une opportunit pour
raffirmer son droit dusage prioritaire sur les ressources du
terroir. Mieux, la station va devenir une importante source de
revenus avec les nouvelles dispositions qui responsabilisent les
comits de gestion pour lentretien des infrastructures. Laccs leau
tant devenu payant, des ressources financires importantes sont gres
par les comits de gestion. En principe, les comits de gestion
communautaire sont sous la surveillance du service de lhydraulique
qui a le pouvoir de les suspendre en cas de mauvaise gestion. Mais,
selon le chef de service de lhydraulique de larrondissement, ce
travail nest pas fait pour deux raisons essentielles. Dune part, ce
sont les comits de gestion qui doivent prendre en charge les
dplacements des agents de lhydraulique, ce quils refusent de faire
; dautre part, mme en cas de dtournement, les coupables ne sont pas
inquits cause de leurs relations avec le pouvoir.
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Le comit de gestion est lobjet de lutte entre les diffrents
groupes. Nous allons le voir travers lvolution du comit de gestion
de Dembouten, les enjeux autour de la station de pompage et les
stratgies des diffrents acteurs du terroir et de lextrieur.
2.3. Lvolution de la composition du comit de gestion de la
station de pompage Aprs le retrait de lOFEDES et du service de
llevage, une gestion de type informel a
t instaure. Les utilisateurs cotisaient pour acheter le
carburant et les lubrifiants. En gnral, on faisait payer aux
transhumants le prix fort pour se constituer une rserve de
carburant.
Les prix taient ngocis entre les clients et les responsables du
comit de gestion. Mais le moteur est tomb en panne et il a t rpar
par le projet PROZOPAS en
1996. Un nouveau comit a t mis en place sous les auspices du
projet. Ce comit tait dirig par le fils an du chef de tribu B.B.
Mais trois mois aprs, le moteur est tomb nouveau en panne.
De 1990 2000, le comit de gestion a t contrl par laristocratie
des Tigguirmat. Elle contrlait galement le comit de gestion de la
banque cralire mise en place par le PROZOPAS.
Suite la nouvelle panne, des dmarches ont t entreprises pour
trouver un nouveau moteur. Cest ainsi que le fils du chef
religieux, Y.K, homme daffaires, bas Niamey, a t contact pour
trouver un moteur. Son choix nest pas fortuit puisque les animaux
de son pre passent une partie de la saison sche Dembouten. Il a
accept de fournir un moteur.
Les Tiggirmat et les Ikoukhallan se disputent la paternit de
lacquisition du moteur, chacun disant que cest lui qui la
ngoci.
Y.K. pose ses conditions. Il fournit un moteur mais il sagira
dune location. La collectivit de Tchintabaraden, et en particulier
le sous-prfet, doit tre impliqu dans la gestion. Les ngociateurs de
Dembouten acceptent. Le sous-prfet nomme la tte du comit un ancien
militaire comme lui et fils de W. du groupe des Ikouhallan.
La famille aristocratique proteste contre la nomination la tte
du comit de quelquun appartenant un autre groupe. Mais le
sous-prfet la impos et le comit a t largi lensemble des groupes
rsidents et transhumants du terroir. Les recettes ont t reparties
comme suit : - Y.K, propritaire du groupe lectrogne : 50% -
Carburant, lubrifiants et main duvre : 35% - Collectivit ou
sous-prfet : 15%
Les bnfices nets slevaient entre 3 3,5 millions de FCFA par
mois. On dcouvre donc que la station de pompage gnrait beaucoup
dargent, qui tait mal gr. Selon les membres de laristocratie, le
sous-prfet na jamais vers de largent dans les caisses de la
collectivit. Il le dtournait selon son seul profit.
La faon dont tait gre la station ne faisait pas laffaire de
laristocratie qui a continu les dmarches pour obtenir un groupe
lectrogne qui serait la proprit de Dembouten. Les dmarches se
faisaient en direction de lEtat et du projet FIDA. Finalement,
toutes les deux ont abouti et le choix de laristocratie a relev
dune stratgie bien calcule. Le projet FIDA a exig que les
communauts cotisent pour prendre en charge une partie des fonds
ncessaires lachat dun groupe lectrogne. La somme de 500.000 FCFA
demande a t runie et verse au projet. Le groupe a t achet mais non
livr, quand Dembouten, la
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demande de laristocratie, a obtenu un moteur offert par le
Prsident de la rpublique qui tait en tourne dans la rgion.
Cest donc le groupe lectrogne du prsident qui a t install.
Officiellement, les populations et les autorits locales ont prfr ce
groupe pour ne pas offenser le chef de lEtat. Mais ce choix arrange
plutt ladministration locale et laristocratie. La premire pour des
raisons lectoralistes et hgmoniques, et la seconde pour sassurer le
contrle de la station, ce que ne permettrait pas la pose du moteur
du FIDA, proprit collective de toutes les communauts du
terroir.
Y.K a donc retir son moteur et un nouveau comit de gestion a t
mis en place. Mais entre temps, une nouvelle donne apparat.
Une importante somme dargent (un million environ) a disparu des
comptes de la banque cralire. Cela a conduit larrestation et
lemprisonnement la prison civile de Tchnintabaraden du chef de
tribu et de son fils an, prsident du comit de gestion de la banque.
Ces vnements ont concern tous les sites du projet PROZOPA,S qui a
port plainte contre les comits de gestion indlicats . Laction est
indite, car, pendant longtemps, les cas de mauvaise gestion et de
dtournement ont t laisss impunis. Ce sont essentiellement des
leaders dopinion, des chefs traditionnels, et des princes, qui ont
t concerns. Laction du PROZOPAS a eu un impact retentissant dans la
mesure o ctait des intouchables qui ont t arrts. Au niveau de
Dembouten, elle a non seulement affaibli le pouvoir tribal mais
elle a aussi permis lmergence de deux autres membres de
laristocratie.
Aprs la pose du moteur du prsident, un nouveau comit a t mis en
place. Il y a eu une concertation entre les diffrents groupes. Le
nouveau comit est compos dune douzaine de membres. Tous les groupes
rsidents du terroir en sont membres lexception des Ibangajan qui se
sont volontairement exclus. Le comit a dsign, C.M comme prsident.
Il est de laristocratie et jouit dune certaine notorit auprs des
autres groupes. Son pass rvolutionnaire, puisquil a pass une
dizaine dannes en Libye le distingue de son grand frre plutt
autocrate. Le secrtaire gnral a t choisi au sein du groupe des
Ikouhallan qui compte dans ses rangs les rares lettrs du
terroir.
Le comit sappuie sur trois groupes chargs de la gestion et de
labreuvement des animaux. Le premier est affect aux tches de
comptage des animaux pour dterminer les montants payer par les
leveurs. Le second est charg de la distribution de leau et le
troisime est charg de prvenir les conflits en vitant par exemple
que des espces animales diffrentes ne sabreuvent ensemble.
Pour les rsidents, le paiement est mensuel, alors que les
transhumants paient cash. Les tarifs pour les diffrentes espces
animales sont les suivants : - 1 bovin = 25 FCFA - 1 camelin = 30
FCFA - 1 asin = 15 FCFA - 1 ovin/caprin = 5 FCFA
Loutre (sac en peau utilise pour le transport de leau) cote 15
FCFA Les fonds sont utiliss pour le paiement des salaires des
membres du comit,
lentretien du moteur et son amortissement. Les recettes varient
de 500.000 1.000.000 FCFA par mois. Les salaires varient en
fonction des recettes. Ainsi pour un bon mois , les montants
suivants sont verss : - Prsident : 50.000 FCFA
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- Secrtaire gnral : 40.000 FCFA - Oprateur : 30.000 FCFA -
Groupes (abreuvement, comptage) : 20.000 FCFA chacun
A la fin de chaque mois, un montant correspondant au carburant,
aux lubrifiants et la vidange est mis de ct. Lapprovisionnement en
carburant et lubrifiants est assur par A.B. fils du chef de tribu,
seul lettr du groupe et transporteur. Lachat du carburant se fait
auprs dun ancien leveur devenu commerant.
Le comit de gestion dispose dun compte la BIA de Tahoua avec un
compte crditeur au moment de notre enqute (Juillet 2003) de 800.000
FCFA selon le prsident du comit. Ce fonds est destin la rparation
du moteur. Les pannes constituent une grande incertitude puisquil
ny a quun seul spcialiste pour toute la zone et il est bas
Tahoua.
Lexistence dun comit de gestion qui fonctionne est li plusieurs
facteurs : - les emprisonnements oprs la demande du projet PROZOPAS
ont eu un impact
psychologique sur les populations et en particulier sur les
candidats la mauvaise gestion ; - la dmarche participative et
intgrative du projet FIDA a permis dinstaurer une
concertation entre les diffrents utilisateurs des ressources du
terroir comme lattestent ces propos dun leader dopinion pour qui le
projet PROZOPAS aurait du venir aprs le FIDA ;
- leffacement de laile autocratique de laristocratie a mis en
confiance les autres groupes ; - les ressources importantes que
gnrent la station de pompage sont mieux reparties entre
les diffrents groupes. Les recettes sont de loin infrieures
celles du comit de gestion du groupe priv. Cela
peut sexpliquer nonobstant une ventuelle mauvaise gestion par le
fait que beaucoup de rsidents ne payent pas ou sont mauvais
payeurs. En 2002, le moteur a fonctionn de novembre dbut juin.
La gestion communautaire constitue donc un enjeu pour laccs, le
contrle et la marchandisation des ressources naturelles. Le contrle
du comit est un moyen pour laristocratie de faire valoir son droit
dusage prioritaire sur les ressources. Cest ainsi quelle soppose
tout nouveau fonage de puits sur le terroir. Pour contraindre les
transhumants quitter le terroir, le comit de gestion leur applique
des tarifs trs levs. Avec la gestion communautaire, les autochtones
ont de nouveau un droit de regard sur les ressources de leurs
terroirs. Laristocratie r-occupe les espaces de pouvoir confisqus
par lEtat tout en ngociant avec les diffrents acteurs.
De faon gnrale, la gestion communautaire a selon le directeur du
projet PROZOPAS montr ses limites. Pour lui :
Lesprit communautaire nest pas ancr dans les murs. Quand lOFEDES
a quitt, les communauts ntaient pas prpares, ladministration aussi.
Il y a aussi des gens au niveau local qui nont pas voulu que la
gestion communautaire marche. Les services techniques concurrencent
la gestion communautaire ; il y a des pannes qui sont provoques
.
La ralit, cest que plusieurs acteurs sont contre la gestion
communautaire notamment les administrations locales, les services
techniques, les chefs de groupements, les gros leveurs et divers
entrepreneurs politiques locaux. Chaque catgorie dacteurs tirait un
avantage de la gestion publique ou de la gestion informelle qui ont
prvalu par le pass.
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La gestion communautaire est de plus en plus critique et
certains projets exprimentent dj la gestion dlgue. Cette dernire a
linconvnient de dissocier la gestion des ressources hydrauliques de
celle des pturages, ce qui constitue en zone pastorale une
aberration. Par ailleurs, elle se heurtera lhostilit des
autochtones qui ne comprendraient pas que des privs trangers
viennent grer leurs ressources en eau. Elle peut aussi ouvrir la
voie laccaparement par les gros leveurs, qui ont une importante
surface financire, des ressources de la zone pastorale. Cela risque
dentraner la privatisation des espaces pastoraux et ce dautant plus
que des demandes dattribution de titres fonciers ont t adresss par
des gros leveurs ladministration et la commission foncire.
Les difficults de mise en uvre de la gestion communautaire
montre que les lois et dcisions nationales sont r-interprtes
localement selon les intrts des diffrents acteurs chargs de leur
mise en uvre. Les pratiques en matire de gestion de foncier sont un
mixte de droits fonciers traditionnels (coutumier et musulman), de
droit moderne, de principes vulgariss par les projets de
dveloppement, de gestion administrative et de diverses adaptations
selon les contextes.
Le cas de la commission foncire de Tchinatabarden est rvlateur
de cette gestion informelle qui se joue des principes officiels,
soient quils sont difficilement mis en uvre, soient contourns,
soient ignors.
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3. La commission foncire de Tchintabaraden La commission foncire
(COFO) de Tchintabaraden a t mise en place le 28 Janvier
2001 grce un appui du projet PROZOPAS qui a continu appuyer ses
activits jusquen Juin 2003.
La commission comprend comme membres : - le sous-prfet, prsident
de la commission ; - le secrtaire permanent, agent de llevage ; - 5
agents des services techniques ; - 3 membres dassociations dleveurs
(AKH, Amadan, AREN) - 4 chefs de groupements - 2 reprsentants
dagriculteurs - 2 reprsentantes des femmes - 1 reprsentant des
jeunes ( poste non pourvu) Depuis son installation, la COFO a men
plusieurs activits avec le soutien financier
du PROZOPAS. Il sagit essentiellement de formations pour ses
membres et de la mise en place de commissions foncires de base.
Au nombre des formations, on peut citer : Une formation des
membres de la commission sur la connaissance des textes du code
rural
Une formation sur le pastoralisme
Une formation sur la connaissance des levs GPS et topographie
Une formation sur les conflits lis aux ressources naturelles
Un voyage dtudes Madaoua en aot 2001 Ces formations sont
organises sous les auspices du secrtariat permanent du code
rural qui se charge du recrutement des formateurs. La commission
a procd linstallation de 16 commissions foncires de base
(COFOB) dont 10 ont reu au moins 2 formations. Les sites choisis
pour limplantation des COFOB sont les gros villages et les puits
frquents par de nombreux leveurs. Ce sont : Egawan, Tassara,
Tarissidet, Tillia, Tlemcs, Eknewan, Gawye, Dembouten, Kao,
Inidghim, Bagari Toudou, Gambane, Droum, Bazagor, Ajimilaye et
Chinchinane.
Les COFOB enregistrent et transmettent les demandes de fonage de
puits et de titres fonciers.
Actuellement, les activits de la commission foncire se limitent
la diffusion des textes du code rural et la surveillance de la
gestion des ressources naturelles.
La commission foncire est une structure dcentralise de gestion
du foncier. La commission foncire darrondissement est une manation
du Code rural. Elle a t prvue dans le cadre de la loi du 2 mars
1993 portant principes dorientation du code rural. Elle dispose dun
pouvoir consultatif et dun pouvoir de dcision. Elle a pour
objectifs la prvention des conflits par la reconnaissance des
droits travers leur inscription au dossier rural.
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La composition de la commission foncire montre quelle englobe
toutes les instances en charge de la gestion du foncier en dehors
de la justice. Mieux, la gestion du foncier a t largie aux groupes
considrs comme marginaux (femmes et jeunes) et aux associations
dleveurs devenues depuis quelques annes des acteurs incontournables
des arnes locales. Elle fait galement une large place aux services
techniques qui ont t carts au cours des dernires annes de la
gestion du foncier au profit de leaders politiques locaux.
La mise en place des commissions foncires est considre comme une
tape dcisive dans la dmocratisation et la dcentralisation de la
gestion des ressources naturelles.
La commission foncire par sa prsence a rduit considrablement la
marge de manuvre dont disposaient les chefs traditionnels et les
autorits administratives. Celles-ci faisaient de lattribution des
autorisations de fonage des puits un fonds de commerce politique et
conomique (Mohamadou, 2003).
La commission foncire englobe des instances qui ont des
orientations identiques ou vues comme telles. Celles-ci
saccommodent mal de sa prsence et utilisent diverses stratgies pour
retarder son tutorat tout en la dlgitimant.
3.1. Des problmes de fonctionnement Depuis son installation la
commission foncire de Tchintabaraden ne sest pas runie
pour adopter son rglement intrieur et statuer sur la
cinquantaine de demandes qui lui ont t adresses. Cette situation
est lie, selon le secrtaire de la COFO, la mauvaise volont du
sous-prfet, prsident de la commission. Ce dernier en sabstenant de
convoquer les runions de la commission bloque son fonctionnement.
Les crdits inscrits au budget de la collectivit pour la commission
sont gels cause du peu dintrt que lui accorde le sous-prfet, par
ailleurs ordonnateur des dpenses de la collectivit. Depuis le
retrait du PROZOPAS, la commission est tombe dans une lthargie
totale.
Son activit se limite actuellement lenregistrement des demandes
des titres fonciers et de fonage des puits. Sur 14 demandes de
fonage de puits que nous avons pu consulter, 12 manent dleveurs
peuls. Pour le secrtaire de la COFO, cela sexplique par le fait
quils nont pas de terroirs dattache et donc lacquisition dun puits
constitue pour eux une stratgie dappropriation de lespace. Comme
indiqu plus haut, la commission a install des commissions foncires
de base.
Celle de Dembouten a t mise en place en 2002. Mais pour le
prsident du comit du terroir pastoral, organe mis en place par le
projet FIDA, le message de la commission foncire na pas t bien
compris. Pour lui, le droit dusage prioritaire reste virtuel dans
la mesure o les autochtones dtenteurs de ce droit ne peuvent
contraindre les transhumants respecter les rgles de gestion des
ressources naturelles qui sappliquent aux rsidents. A Dembouten, le
comit technique pastoral qui regroupe lensemble des campements
semploie sensibiliser les communauts locales une meilleure gestion
des ressources du terroir. Dans ce domaine, le projet FIDA a
conduit des actions apprcies de tous les acteurs du terroir. On
peut regretter ici quil ny est pas eu de synergie assez tt ce
projet et le code rural.
Il est reproch aux transhumants de ne pas respecter les rgles de
gestion et les conditions de transhumance transfrontalire pour ceux
qui viennent du Mali. Ces leveurs sinstallent sur les parcours de
pturage, dtruisant de ce fait les ressources ; de plus leurs
animaux sont porteurs de maladies contagieuses, parce que ne
respectant les rgles sanitaires.
En 2002, un leveur peul a introduit une demande de fonage de
puits sur le terroir de Dembouten. Les communauts locales ont
protest en invoquant justement les textes du code rural qui font
obligation pour demander leur avis. Le sous-prfet de lpoque sest
align sur
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leur position et a refus de donner lautorisation lleveur peul
malgr les injonctions du prfet. Finalement, ce dernier a autoris le
fonage du puits en utilisant le texte portant rgime de leau. Ce
texte dit que quau del dun certain dbit, la commission foncire est
incomptente (art 14,17, 21 22).
Cest le deuxime cas de contournement par le prfet de la
commission foncire enregistre depuis sa mise en place.
Dans le cas de la commission foncire de Tchintabaraden, on peut
dire que ce sont les autorits administratives qui freinent son
fonctionnement. Le sous-prfet ne facilite pas son bon
fonctionnement et le prfet prend des dcisions pour la dsavouer.
Un autre cas qui illustre les difficults de la commission
foncire est celui dune cooprative, qui, pour acclrer la procdure
dautorisation de fonage de puits, sest adresse la COFO de
larrondissement de Tahoua alors mme que les sites retenus sont au
nord de Tchintabaraden. Malgr les protestations de la commission de
Tchintabaraden, les travaux de fonage de ces puits financs par un
bailleur tranger ont dmarr.
3.2. Un cadre juridique inadapt Larrondissement de
Tchintabaraden est situ en pleine zone pastorale, o nest en
principe autorise quune agriculture de subsistance. Mais depuis
1961, date de promulgation de cette loi, la situation a
considrablement
chang. En effet, le sud de larrondissement est devenu
pratiquement agricole. Cette situation a t favorise par les
scheresses des trois dernires dcennies qui ont dcim le cheptel mais
aussi provoqu lmigration vers cette partie de larrondissement
danciens esclaves venus du nord qui se sont reconvertis
lagriculture. Il ne sagit donc pas, comme dans dautres rgions, dun
front cultural qui sest dplac du sud au nord, mais plutt de
linverse. Il est vrai que des agriculteurs hausa du sud ont migr
dans la zone. Ils ont mme cr des villages.
Cependant, ct de cette poche sud devenue agricole, le nord aussi
connat un dveloppement des cultures. Les champs sont pratiquement
la priphrie de la ville de Tchintabaraden.
Quelles sont les implications dune telle situation pour la
gestion du foncier en zone pastorale, de faon gnrale et pour la
COFO en particulier ?
Deux faits illustrent la complexit et de lampleur des enjeux. En
2002, lors de sa tourne dans larrondissement, le Prsident de la
Rpublique a annonc, au cours de sa runion de synthse, que dsormais
les cultures ne doivent pas dpasser Kao 55 km au sud de
Tchintabaraden. La salle sest en partie vide pour protester contre
la dcision du Prsident. Les agriculteurs ont annonc quils allaient
quitter le parti du Prsident si cette dcision venait tre excute.
Pour calmer la tension, il semble que le premier ministre, prsident
du parti, ait t oblig dadresser une lettre la section de
Tchintabaraden pour nuancer les propos du Prsident.
Pour ces agriculteurs, dont une grande est majorit est constitue
danciens dpendants qui nont jamais t dtenteurs de capital btail,
lagriculture est la principale activit. Il ne sagit pas dune
agriculture subsistance (cest--dire de complment) mais de leur
principale source dalimentation et de revenu. Dj en 1987, le
conseil sous-rgional de dveloppement de Tchintabaraden a essay de
rallonger de quelques kilomtres la zone des cultures pour ensuite
la circonscrire, mais en vain. Pour les agriculteurs, ce sont les
proches du prsident dont certains sont des gros leveurs qui ont
inspir cette dcision.
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La commission foncire est confronte aux consquences nes de cette
situation. Ainsi, tant donn que larrondissement est situ en zone
pastorale, elle ne peut pas donner suite aux demandes des titres
fonciers que dposent les agriculteurs de la zone sud a fortiori
celles des leveurs du nord. En effet, cela entranerait pour la
commission de se mettre en porte faux avec la loi de 1961 qui
protge la zone pastorale des dfrichements. Cela veut dire que les
agriculteurs vivent dans une inscurit foncire puisque
juridiquement, ils ne peuvent tre propritaires des terres quils
cultivent pour certains depuis une cinquantaine dannes.
Lrection rcente de Kao et de sa rgion en commune rurale
permettra peut tre de rsoudre la question dans la mesure o son
territoire correspond sensiblement la zone agricole de
larrondissement. Cela impliquera ladoption de nouveaux textes
lgislatifs et rglementaires.
Dans les principes dorientation du code rural, il est stipul que
seule une agriculture de subsistance est tolre en zone pastorale et
les agriculteurs ne peuvent prtendre une indemnisation en cas de
dgts champtres. Or, dans la pratique, les dgts champtres font
lobjet damendes dans larrondissement comme partout ailleurs. Cela
laisse une marge de manuvre aux administrations locales et aux
ngociations. Les sous-prfets savent que les amendes infliges aux
leveurs sont illgales mais la pratique est rentre dans les murs
administratives locales. Certains collaborateurs du sous-prfet y
trouvent leur compte. Le niveau des amendes est laiss la ngociation
et ce dautant plus quil ny a pas une tarification officielle. Cest
lune des limites des textes actuels.
De ce rapide survol du fonctionnement de la commission foncire
de Tchintabaraden, on peut retenir : - La loi n 61-5 du 26 mai 1961
malgr lavance du front cultural, reste le principal
rempart contre la privatisation des espaces pastoraux aussi bien
par les agriculteurs que par les gros leveurs et politiques locaux.
De ce point de vue, la loi garantit la vision des ressources
pastorales partages ; La nouvelle loi en prparation sur le
pastoralisme doit prendre en charge les ralits et les dynamiques
nes des changements observs ces trente dernires annes ;
- La commission foncire apparat comme un outil appropri de par
ses attributions et sa composition. Elle souffre actuellement du
faible soutien de lEtat et des partenaires au dveloppement (au plan
financier et matriel) alors quelle doit se lgitimer face des
acteurs locaux rivaux ;
- Pour les leveurs, il y a une incomprhensible lenteur mettre en
uvre les textes sur les terroirs dattache. Par exemple, Dembouten,
grce lappui du FIDA, les rsidents se sont mis daccord sur la
gestion des ressources du terroir. Mais ils ne disposent pas de
moyens lgaux sur la base desquels, peuvent tre gres leurs relations
avec les transhumants trangers. Mme si des textes existent, ils nen
ont pas connaissance.
- Les associations dleveurs prennent de plus en charge les
questions de dveloppement de llevage et peuvent jouer un rle
important dans la vulgarisation des textes et lanimation des
commissions foncires de base.
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Conclusion Nous avons voulu travers le cas de Dembouten dcrire
les problmes actuels de
gestion du foncier en zone pastorale. Un regard rtrospectif nous
a permis de reconstituer lhistoire de loccupation du terroir et la
nature des relations qui se sont noues entre les diffrents groupes.
Laristocratie guerrire des Tigguirmat sest assure le droit
prioritaire dusage, qui lui permet de ngocier avec les diffrents
groupes laccs aux ressources du terroir. Son droit prioritaire
s'est construit sur sa puissance militaire, lanciennet de
loccupation, lappropriation des infrastructures hydrauliques
installes sur le terroir par les colons, et ensuite grce lEtat et
aux projets de dveloppement. Malgr ce monopole sur la gestion des
ressources du terroir, subsiste une vision dun espace ouvert aux
autres leveurs.
Les droits concds aux autres utilisateurs ainsi que leurs
modalits ont volu dans le temps en rapport avec la recomposition
politique au niveau local, les alas climatiques, lvolution des
ressources du terroir et des effectifs du cheptel scheresses,
lmergence de nouveaux acteurs, etc.
Laction du projet FIDA a t dterminante dans lmergence dune
dynamique collective de gestion des ressources du terroir. Celle du
projet PROZOPAS a entran une redistribution du pouvoir local. Il
faut regretter ici que les deux projets aient tous les deux ferms
sans avoir mis en place des mcanismes de prennisation de leurs
acquis. La commission foncire de base pourrait peut tre jouer ce
rle si des moyens consquents existent.
Ce travail montre, travers le cas de la commission foncire
darrondissement, que la volont politique et les mcanismes officiels
se heurtent au niveau local aux pratiques informelles que les
acteurs se sont donns pour faire face aux situations concrtes.
Les rsultats de cette tude ne sont pas gnralisables il en faut
certainement plus pour arriver des conclusions dfinitives . En
effet, mme si toute la zone pastorale connat les transformations
lis aux changements climatiques et aux scheresses, les trajectoires
historiques des diffrents groupes et les ressources ne sont pas
partout les mmes.
Ouvrages et documents cits
Akilou et al (1990) : Les rgimes fonciers pastoraux, Etude et
propositions, rapport de mission 23 janvier-27 fvrier 1990.
Comit national du code rural : Loi portant rgime de leau
(ordonnance n93-014 du 2 Mars 1993)
Principes dorientation du code rural (ordonnance n93-015 du 2
Mars 1993)
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Journal officiel de la Rpublique du Niger : Dcret n
97-007/PRN/MAG/EL du 10 janvier 1997 fixant le statut des terroirs
dattache des pasteurs.
Lain,G (1982) : Evolution du rgime foncier dans une socit
dleveurs nomades. Le cas des Twareg Kel Dinnikdans la rgion de
Tahoua au Niger in Le Bris et al, pp195-202. ORSTOM- Karthala.
Mohamadou, A. (2003) : Le foncier agro-pastoral et la gestion
des alas climatiques au Niger : ces de Dakoro et Abalak, rapport de
recherche, LASDEL/FAO
Thbaud,B. (2002) : Foncier pastoral et gestion de lespace au
Sahel. Peuls du Niger oriental et du Yagha burkinab, Karthala.