1 Pascal Eugène BERGEYRE (1829-1880) L’aventure mexicaine du premier médecin vétérinaire militaire au Mexique Miguel A. Marquez Faculté de médecine vétérinaire et zootechnie Université Nationale Autonome de Mexico L’Histoire n’oublie jamais le premier Il revient au scientifique français Eugène Bergeyre l’honneur d’avoir été le premier vétérinaire à exercer au Mexique la médecine vétérinaire en tant que discipline scientifique. Des données contradictoires coexistent à propos de la fascinante vie de ce singulier et distingué professionnel de la médecine animale. Données qui, dans le processus de recherche, lecture et investigation, donnaient l'impression par moments qu’elles seraient suffisantes pour écrire cette biographie et à d'autres moments de désespoir, laissaient à croire que l'information si difficilement obtenue sur ce personnage était insuffisante et que par conséquent, il serait difficile de pouvoir distinguer sa mémoire et son oeuvre dans les rayonnages poussiéreux de la scène historique du XIXe siècle. Pascal Eugène Bergeyre Lagrange, naît le 23 mars 1829 dans la ville de Bayonne, capitale du Pays basque français, située dans le Sud-Ouest de la France, tout près de la frontière avec l'Espagne dans ce qui est actuellement le Département des Pyrénées Atlantiques. Ses parents se nommaient monsieur Antoine Bergeyre et madame Jeanne- Etienette Lagrange. 1 Il était le sixième enfant d’une fratrie de huit (cinq garçons trois filles). Son amour pour les chevaux, sa vocation à soulager les maux qui affligent les animaux domestiques et d’élevage et son intérêt à soigner les pathologies et les maladies infectieuses des animaux de la ferme, ont fait germer les gènes qu'il portait de ses ascendants. En effet, il descendait d'une longue lignée de maréchaux-ferrants qui prend sa source à Arthez-de- Béarn (Pyrénées Atlantiques) vers 1680 avec Daniel Bergeyre, alias Bascou, et qui continue avec Bernard Pascal Bergeyre, son grand-père paternel, qui a travaillé comme maréchal-ferrant, et Antoine, son père, qui déjà exerçait en tant que "artiste vétérinaire" dans la campagne bayonnaise. Sa mère, Jeanne Lagrange, était aussi la fille d'un commerçant de chevaux de Bayonne. 2 1 Eugenio BERGEYRE et Daniel WIART. Standard Pedigree Tree. Cercle Généalogique du Languedoc, France. 1989-2000 2 Daniel WIART et Xavier CABANTOUS. L´Aventure Mexicaine d´Eugène BERGEYRE”. Cercle Généalogique du Languedoc, France. No. 117, 4eme. Trimestre. 2007. p. 30.
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Pascal Eugène BERGEYRE - L’aventure mexicaine du premier médecin vétérinaire militaire au Mexique
Bio of the first military Veterinarian Veterinary Surgeon of Mexico, First professor in Mexico, French inmigrant to Mexico
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Pascal Eugène BERGEYRE
(1829-1880)
L’aventure mexicaine du premier médecin vétérinaire
militaire au Mexique
Miguel A. Marquez
Faculté de médecine vétérinaire et zootechnie
Université Nationale Autonome de Mexico
L’Histoire n’oublie jamais le premier
Il revient au scientifique français Eugène Bergeyre l’honneur d’avoir été le premier
vétérinaire à exercer au Mexique la médecine vétérinaire en tant que discipline
scientifique.
Des données contradictoires coexistent à propos de la fascinante vie de ce singulier et
distingué professionnel de la médecine animale. Données qui, dans le processus de
recherche, lecture et investigation, donnaient l'impression par moments qu’elles seraient
suffisantes pour écrire cette biographie et à d'autres moments de désespoir, laissaient à
croire que l'information si difficilement obtenue sur ce personnage était insuffisante et
que par conséquent, il serait difficile de pouvoir distinguer sa mémoire et son oeuvre
dans les rayonnages poussiéreux de la scène historique du XIXe siècle.
Pascal Eugène Bergeyre Lagrange, naît le 23 mars 1829 dans la ville de Bayonne,
capitale du Pays basque français, située dans le Sud-Ouest de la France, tout près de la
frontière avec l'Espagne dans ce qui est actuellement le Département des Pyrénées
Atlantiques. Ses parents se nommaient monsieur Antoine Bergeyre et madame Jeanne-
Etienette Lagrange. 1
Il était le sixième enfant d’une fratrie de huit (cinq garçons trois filles). Son amour pour
les chevaux, sa vocation à soulager les maux qui affligent les animaux domestiques et
d’élevage et son intérêt à soigner les pathologies et les maladies infectieuses des
animaux de la ferme, ont fait germer les gènes qu'il portait de ses ascendants. En effet, il
descendait d'une longue lignée de maréchaux-ferrants qui prend sa source à Arthez-de-
Béarn (Pyrénées Atlantiques) vers 1680 avec Daniel Bergeyre, alias Bascou, et qui
continue avec Bernard Pascal Bergeyre, son grand-père paternel, qui a travaillé comme
maréchal-ferrant, et Antoine, son père, qui déjà exerçait en tant que "artiste vétérinaire"
dans la campagne bayonnaise. Sa mère, Jeanne Lagrange, était aussi la fille d'un
commerçant de chevaux de Bayonne.2
1 Eugenio BERGEYRE et Daniel WIART. Standard Pedigree Tree. Cercle Généalogique du Languedoc,
France. 1989-2000 2 Daniel WIART et Xavier CABANTOUS. L´Aventure Mexicaine d´Eugène BERGEYRE”. Cercle
Généalogique du Languedoc, France. No. 117, 4eme. Trimestre. 2007. p. 30.
2
De plus, son grand frère, Jean Baptiste Prosper Bergeyre, s'est aussi avéré être un
vétérinaire distingué, après avoir hérité de la clinique et de la clientèle de son père à
Bayonne. De cette façon, un trisaïeul, un grand-père, un père et un frère, ainsi que les
vertes prairies qui couvrent ce confluent de la Nive et de l’Adour, ont dû marquer
profondément et de manière indélébile l'esprit juvénile d'Eugène, et l'ont conduit à faire
des études de médecine animale à L'École Nationale Vétérinaire de Toulouse dans le sud
de la France.
3
Ses études de médecine vétérinaire
Pascal Eugène rentre le 16 octobre 1846 à L'École Vétérinaire de Toulouse, où il va
passer ses quatre ans d'études. Il obtient son diplôme de Vétérinaire, après avoir fait la
preuve de ses connaissances et de son habileté devant un jury de quatre professeurs qui
déclare le 21 août 1850 :
« Le jury, après avoir interrogé M. Bergeyre (Pascal Eugène) sur toutes les différentes
branches de la médecine vétérinaire des animaux domestiques et lui avoir fait pratiquer
plusieurs opérations tant chirurgicales que pharmaceutiques, a reconnu qu’il était en
état de remplir les fonctions de vétérinaire.
En foi de quoi il lui a été délivré le présent extrait, en vertu duquel M. Bergeyre (Pascal
Eugène) est autorisé à exercer la médecine vétérinaire.
A l’école vétérinaire de Toulouse, le 21 aout 1850 »3
3 Archives Historiques du Ministère de la Défense. Mexico, D.F. Département de Direction générale des
Archives Militaires. Secrétariat de Guerre et de Marine. Caisse Numéro 63. D/III.6/1080. Dossier 00015.
Année 1935.
4
Dossier scolaire de l’élève Pascal Eugène Bergeyre Lagrange
Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, France 18504
Le jeune diplômé
Nous disposons de peu d'informations sur l'activité professionnelle du jeune Bergeyre
comme vétérinaire récemment diplômé, entre les années 1850 et 1853. Nous savons
seulement qu'il a été membre de la Société Agricole de la Charente Maritime où nous
supposons qu’il a dû travailler comme vétérinaire de campagne, avant d'entreprendre un
voyage vers l'Amérique.
4 Document aimablement fourni par M. Daniel Wiart. 2009.
5
Comme nous le voyons dans les documents édités ci-dessus, notre personnage obtient le
diplôme qui lui permet d'exercer la profession de vétérinaire en France en 1850, à l'âge
de 21 ans, quand Louis Napoléon Bonaparte gouvernait le pays en tant que premier et
unique président de la Seconde République (1848-1851). Le futur Napoléon III, neveu
du grand Napoléon I, s'apprêtait à donner le coup d'État qui fera de lui l'Empereur des
Français en 1852, constituant ainsi le Second Empire qui durera jusqu'en 1870.
Pendant ce temps, dans le Mexique du milieu du XIXe siècle, le président en place était
don José Joaquín Antonio Florencio de Herrera et Ricardos (1792-1854), militaire
remarquable et homme politique mexicain qui occupa à trois reprises le poste de
président du pays. Le pays se relevait avec d'énormes difficultés après l'injuste et
traumatisante invasion nord-américaine qui, au travers du Traité de Guadalupe Hidalgo,
l’avait dépossédé et amputé de plus de deux millions de kilomètres carrés dans le Nord
de son territoire.
La lutte entre les libéraux et les conservateurs commençait à resurgir et à s'enflammer.
Cependant, malgré tout, le Mexique était un pays dans lequel tout était à faire et qui
offrait de grandes opportunités pour travailler et pour entreprendre n'importe quel type
d'affaires et amasser de grandes fortunes.
C’est dans ce cadre d'évènements et de contexte politico-économique qui prévalait dans
ce pays lointain et tourmenté appelé Mexique, que nous devons trouver ou supposer les
raisons pour lesquelles Eugène Bergeyre, a pris la grave et difficile décision de tout
laisser, sa famille et son pays, avec l’objectif de refaire sa vie dans un pays inconnu.
Pourquoi Eugène Bergeyre a-t-il émigré au Mexique ?
Pour quels motifs a-t-il émigré ? Quelles illusions ou bien quels manques l’ont-ils
poussé à s’embarquer pour un pays si différent et étranger ? Que cherchait-il ? Est-ce
l'esprit d'aventure ? L'absence d'un avenir prometteur dans son pays natal ? Le désir ou
l'image d'un pays et une société où il pourrait faire une fortune rapidement ?
Une des raisons principales et compréhensibles qui a poussé Eugène à s'établir au
Mexique, aurait pu être que Victor, son frère cadet, avait émigré dans ce pays en 1848. Il
habitait dans la capitale où il gagnait déjà sa vie comme "bourrelier" c'est-à-dire comme
sellier, en fabriquant et en important des harnais et des selles pour monter à cheval. Cette
activité sera poursuivie, toujours au Mexique, des années plus tard par son neveu Pascal
Victor Bergeyre (fils d'Eugène) à la fin du XIXème et au début du XXème siècle.
La source documentaire suivante est une très longue lettre écrite par Eugène à ses
parents depuis la ville de Mexico et datée du 1er
juillet 1853.5
En plus d'être une missive à caractère familial, la lettre mentionnée semble aussi être un
fascinant journal de voyage, puisqu’Eugène y raconte les vicissitudes, les joies et les
souffrances qu'il endura durant une longue et pénible traversée maritime sur le navire "le
Panama". Il y décrit aussi les imprévus et les dangers du difficile trajet en direction de la
5 Eugenio Bergeyre y Flores. Archives de la famille Bergeyre à Mexico et à Bayonne.
6
capitale mexicaine effectué dans une diligence tirée par huit chevaux, depuis le port
insalubre et inhospitalier de Veracruz, dont la population était, au moment de son
arrivée, dévastée par une épidémie de Cholera morbus.6
Cette lettre du 1er juillet 1853 (à peine arrivé dans la ville de Mexico), écrite à l'âge de
24 ans avec des mots tendres et émouvants, est destinée à ses parents et est aussi
révélatrice, puisque dans sa partie finale, le texte mentionne : “le mois prochain […]
vous saurez amplement quelle sera ma position”
Messieurs Wiart et Cabantous, experts généalogistes français qui ont étudié la famille
Bergeyre et qui ont publié cette lettre dans la revue du Cercle Généalogique du
Languedoc, précisent dans une note de bas de page que :
“Eugène démarre son activité à Mexico avec pour objectif: amasser un pécule en cinq
ou six ans, rembourser les dettes contractées avant son départ et revenir une fois fortune
faite”.7
Tout porte à croire qu’Eugène est donc parti au Mexique de sa propre initiative sans
avoir de proposition préalable d'offre d'emploi.
Tout indique, par conséquent, que notre personnage est venu s'établir pour exercer sa
profession de vétérinaire dans une ville et dans un pays où des services de ce genre
n'existaient pas. Seulement un mois après son arrivée dans la capitale mexicaine, Eugène
fait paraitre une annonce dans l'un des principaux journaux mexicains du XIXème siècle
: “El Siglo Diez y Nueve”.
Dans l’édition du lundi 1er
aout 1853, l’annonce suivante parait dans le quotidien
mentionné ci-dessus :
AU PUBLIC
EUGENIO BERGEYRE, médecin vétérinaire de la Faculté de Médecine Vétérinaire de
Toulouse (France), membre de la Société d'Agriculture de la Charente, a l'honneur
d'annoncer aux personnes qui voudraient bien lui octroyer leur confiance, qu’il vient
d'ouvrir un établissement au n°14 de la rue Victoria, où il administrera des traitements
et soins pour toutes les maladies dont souffrent les animaux domestiques, comme sont la
race chevaline, canine, bovine, etc., etc..
Dans le même établissement, vous trouverez un maréchal-ferrant et les chevaux peuvent
y être reçus en pension.8
6 Eugène Bergeyre lui-même écrivit dans cette lettre : « On a surnommé Veracruz: “le tombeau des
Européens”, et c´est avec trop de raison. Si j´y étais resté quelques jours, la crainte de ne pas voir mon
bon frère Victor aurait finit par me faire craindre que j´étais atteint de quelqu´une de ces maladies… » 7 WIART ET CABANTOUS. L’Aventure Mexicaine...
8 Quotidien EL SIGLO DIEZ Y NUEVE. Mexico, lundi 1
er aout 1853. 7èmeTome. Número
1.682. Editor: Sr. Francisco Zarco. HEMEROTECA NACIONAL. FONDO RESERVADO. UNAM.
7
307-10-1
Ciudad Universitaria México, D.F.
8
Page du quotidien « El Siglo Diez y Nueve » où est parue l’annonce du Dr Eugene BERGEYRE pour
offrir ses services en tant que vétérinaire professionnel, ainsi que des services de maréchal-ferrant et de
pension pour chevaux.
Cette même publicité est parue à neuf reprises entre le 1er
août et le 9 septembre de la
même année. Cette annonce revêt en fait une grande importance, puisqu’il s'agit
probablement de la première publicité dans laquelle un professionnel de la médecine
vétérinaire offre ses services privés aux habitants de la ville de Mexico. De plus, il s'agit
sûrement de la première clinique privée pour soigner les maladies des grands animaux,
mais aussi des plus petits, comme par exemple les chiens.9
Eugène s’est mis sérieusement au travail et rapidement il a dans son écurie plus de 18
chevaux à soigner et un compatriote lui permet d'obtenir un contrat avec la compagnie
de diligences.
La chute d’un mythe
Sur la base de l’information précédemment décrite, il est inévitable de devoir renoncer
au mythe entretenu avec orgueil depuis tant d’années par tous les vétérinaires mexicains
: la légende qui raconte que le président mexicain de l'époque, le Généralissime Antonio
López de Santa Anna, avait sollicité le gouvernement français pour avoir un vétérinaire
9 Gustavo GARCÍA DELGADO. Primer Anuncio de Servicios Veterinarios ofertados en un Periódico
en México. Memorias de la Primera Jornada de Historia de la Medicina Veterinaria y Zootecnia. Facultad
de Medicina Veterinaria y Zootecnia. Universidad Nacional Autónoma de México.
24 y 25 agosto 2000 p. 54-55.
9
militaire expert et que l'armée française aurait envoyé Eugène Bergeyre, mandaté au
Mexique pour prendre soin des chevaux de l'écurie présidentielle ainsi que des coqs de
combat du président Santa Anna. C'est un grand regret, mais devant la rigueur de la
recherche historiographique et des preuves documentaires étudiées, il est nécessaire de
reconnaître que le mythe n’a aucun fondement. Je me souviens de nos professeurs nous
racontant cette histoire très romantique qui s’est transmise de bouche à oreille à travers
plusieurs générations dans le milieu professionnel vétérinaire de notre pays.
L'épouse du premier ambassadeur plénipotentiaire espagnol au Mexique après la guerre
d'indépendance et de la reconnaissance espagnole du Mexique en tant que pays
indépendant, Madame Calderón de la Barca, raconte d'une manière exquise en 1838, le
penchant qu’avait le Général Santa Anna pour les coqs de combat, à l’occasion de sa
visite à l’Hacienda Manga de Clavo à Veracruz, durant son voyage en diligence en
direction de la ville de Mexico :
"En attendant, le déjeuner fut annoncé. Madame de Santa Anna m'a conduite à la salle à
manger. Calderón a été placé en tête de table, moi à sa droite, Santa Anna en face de
Calderón, et son épouse à ma droite. Le déjeuner fut excellent. Il fut constitué d’une
multitude de plats espagnols, de viande et de légumes, de poisson, de volaille, de fruits
et de sucreries, un café, du vin, etc., le tout servi dans une vaisselle française blanche et
or. Après le déjeuner […] nous visitâmes les dépendances et les bureaux, ainsi que le
cheval de bataille préféré du général, un vieux coursier blanc, peut-être un philosophe
plus sincère que son maître; quelques coqs de combat, élevés avec un soin spécial,
puisque les batailles de coqs sont un des divertissements favoris de Santa Anna …."10
Le président Santa Anna, la fondation du premier centre d’enseignement
vétérinaire en Amérique et le Dr Bergeyre.
Le président Santa Anna fonda virtuellement "d’un trait de plume" le Collège National
Agricole et vétérinaire au moyen du décret présidentiel numéro 4001 daté du 17 août
1853 au Palais du Gouverneur de la ville de Tacubaya. Cependant, quelques années
passeront avant que la dite institution, ses élèves, son équipe enseignante et les cours ne
prennent corps physiquement et ne soient opérationnels. Les cours sur l'agriculture
débutent en février 1854 et l’enseignement vétérinaire ne commence qu'en janvier 1856,
dans l'édifice vétuste de l’ancien couvent dominicain de San Jacinto., situé dans le
quartier de Tacuba, à l’ouest de la ville de Mexico.
Dans une liste de Professeurs et Employés de l’année 1857, le Dr. Eugenio Bergeyre
apparaît comme titulaire de la chaire de "Mariscalia y Exterior".11
De la même manière,
notre aimé et inoubliable maître Ramirez Valenzuela, éminent bactériologiste et
historien de la médecine vétérinaire, cite Bergeyre en ces termes :
10
Mme CALDERÓN DE LA BARCA. La Vida en México, durante una residencia de dos años en ese
País. México. Editorial Porrúa. Primera Edición, Colección Sepan Cuantos. 1967. pp.30-31. 11
Adolfo BARREIRO. Reseña Histórica de la Enseñanza Agrícola y Veterinaria en México. 1906.
Tipografía El Libro del Comercio. México, p. 11. "Mariscalia" peut s'entendre par "art du Maréchal
Ferrant" et "Exterior" comprend l'étude de l'aspect extérieur du cheval (son pelage).
10
"En ce qui concerne l'enseignement de la Médecine Vétérinaire, le Dr. Río de la Loza12
,
n'a pas eu de problèmes, puisque les chaires étaient sous la responsabilité d'un
vétérinaire militaire français compétent, le Dr. Eugene Bergeyre, qui résidait au
Mexique depuis 1853. Le Dr. Bergeyre avait été titulaire des chaires de Délinéation,
Anatomie, Pharmacologie, "Mariscalía et Extérieur", Pathologie, ainsi que de Chirurgie
Vétérinaire. Il fut donc par conséquent le premier médecin vétérinaire à avoir enseigné
en tant que professeur dans cette école et il a formé scientifiquement et moralement les
premières générations de médecins vétérinaires qui ont constitué les fondations de la
profession au Mexique ".13
M. Flores Troconso, médecin et historien érudit de la médecine au Mexique à la fin du
XIXème siècle, écrit dans sa monumentale et très riche thèse :
"En 1851, durant l'administration mémorable du gouvernement du Général Arista, une
réflexion fut menée pour la fondation d'une École d'Agriculture mais sans résultat,
jusqu'à ce qu'un vétérinaire français de l'École de Toulouse, M. Eugene Bergeyre, arrive
au Mexique en 1853. Ayant servi dans l'armée mexicaine et responsable tout
spécialement des chevaux du président General Santa Anna, l'utilité de la fondation de
cette École est apparue evidente".14
et 15
Les relations professionnelles et personnelles du General Antonio Lopez de Santa
Anna avec le Dr Eugène Bergeyre.
En ouvrant sa clinique, sa pension pour chevaux et son atelier de maréchal ferrant au n°
14 de la rue Victoria, Eugène Bergeyre a très certainement joui rapidement d'un certain
prestige au sein de la bonne société de la capitale et sa renommée est arrivée aux oreilles
du président Santa Anna.
Dans ce cas, je présume que Bergeyre a dû être contacté et invité par Santa Anna pour
collaborer avec lui afin de s'occuper des chevaux de l'écurie présidentielle.
De la même manière, nous n'avons pas été capables de trouver un document qui prouve
qu'Eugene Bergeyre ait servi dans l'armée mexicaine du temps du Général Santa Anna ni
même de ses successeurs. Cependant, on ne doute pas du fait que Bergeyre se soit
12
Le Dr Leopoldo Rio de la Loza, chimiste, médecin et scientifique mexicain reconnu, fut le premier
directeur de l'Ecole Nationale d'Agriculture et de Médecine Vétérinaire. 13
Manuel RAMÍREZ VALENZUELA. El Establecimiento de la Primera Escuela de Agricultura y
Veterinaria en México. Sus Antecedentes y Primera Etapa de Vida. Revista Veterinaria México. Facultad
de Medicina Veterinaria y Zootecnia. Universidad Nacional Autónoma de México. Août 1978. p. 12 14
FRANCISCO DE ASÍS FLORES Y TRONCOSO. Tesis: Historia de la Medicina en México, desde la
Época de los Indios hasta el Presente. Tesis de la Escuela Nacional de Medicina. México, 1888. Instituto
Mexicano del Seguro Social. Segunda Edición Facsimilar. 1982. Tomo III, p. 247. 15
Nous avons cherché auprès de diverses sources, mais principalement dans le riche dossier du Dr.
Bergeyre que l'on trouve aux Archives Historiques du Ministère de la Défense à Mexico, et nous n'avons
pas été capables de trouver un document qui prouve que notre personnage ait servi dans l'armée
mexicaine. Cependant, la mention que fait Flores Troncoso dans son œuvre nous suffit pour apporter la
preuve de la présence et de l'inscription de M. Bergeyre dans l'armée mexicaine.
11
occupé de l'écurie présidentielle, puisqu'il était le professionnel adéquat pour le faire, du
temps de Santa Anna, et pourquoi pas, aussi durant les années suivantes.
Pour se rendre compte de l'énorme importance que revêt le Dr. Bergeyre, en tant que
professeur fondateur et membre de la première génération d'enseignants et du rôle
capital qu'il a joué dans la fondation de la première École d'Agriculture et de Médecine
Vétérinaire, voici l'extrait d'un texte écrit par les collègues vétérinaires et historiens
Cervantès, Roman, López et Uribe :
"Grâce à la conception médicale qui existait de la profession, axée principalement sur les
soins aux chevaux, on raconte qu'en 1853 Santa Anna a reçu du vétérinaire Eugène
Bergeyre l'idée de fonder la première école vétérinaire au Mexique. Tout semble
indiquer que ce médecin français est celui qui a fait remarquer au président la nécessité
de fonder une école vétérinaire dans le pays, puisque jusqu'alors, aucune école de ce type
n'existait et que la médecine vétérinaire n'était pas considérée comme une discipline
scientifique ".16
et 17
Dans le dossier de Bergeyre, qui se trouve aux Archives Historiques du Ministère de la
Défense, se trouve une liste écrite avec d’élégantes lettres manuscrites et intitulée de la
manière suivante : "Documents accompagnant le Diplôme de Vétérinaire".
16
Juan Manuel CERVANTES SÁNCHEZ, Ana M. ROMÁN et Cristian LÓPEZ. Origen y Evolución de
la Escuela de Medicina Veterinaria (1853-1914) 17
URIBE M, B. I. La profesionalización de la medicina veterinaria a través de los trabajos y los días de
José de la Luz Gómez. Tesis de licenciatura. Facultad de Filosofía y Letras. UNAM. México, 2008. p. 44
12
Quatre documents sont énumérés dans cette liste :
1- "Nomination en tant que Professeur de Médecine Vétérinaire", établi par le Général
Don Antonio López de Santa Anna". Date non mentionnée. Ce document se trouve
égaré.
2- "Nomination en tant que Vétérinaire de l'Armée Française". Il s'agit d'un document
de grande valeur dans lequel l'empereur Maximilien fait de Bergeyre le vétérinaire
principal de l'armée française.
3- "Nomination en tant que membre de la Commission Scientifique du Mexique". Egaré.
4- "Nomination en tant qu'inspecteur des produits carnés". Egaré
Le vent du changement souffle depuis l'Europe.
Entre 1853 et 1864, notre personnage a très certainement dû partager sa vie
professionnelle entre son poste d'enseignant à l'Ecole Nationale d'Agriculture et
Médecine Vétérinaire de San Jacinto, son travail au sein de l'armée mexicaine et son
activité privée dans la clinique vétérinaire du 14 rue Victoria.
La Révolution d'Ayutla commandée par le chef méridional Juan Álvarez, avait expulsé
Santa Anna du pays en 1855 et l'avait poussé à s'exiler en Colombie. Eugène perd là son
ami et son mécène. Les gouvernements libéraux d'Ignacio Comonfort et de Benito
Juárez ont été vaincus par des ennemis vigoureux, les conservateurs, au cours
d'interminables guerres intestines. Les armées et les gouvernements de Félix Maria
Zuloaga, de Miguel Miramón et de Juan Nepomuceno Almonte, s'imposent
temporairement entre 1858 et 1864. Les Mexicains et tous les étrangers domiciliés au
Mexique, surtout dans la ville de Mexico, doivent apprendre à vivre et à s'adapter à
chaque soubresaut de la politique nationale et aux pénuries et vicissitudes liées à la
guerre civile. C'est ce que font aussi Eugène et son frère Victor. Onze ans se sont
écoulés depuis son arrivée.
13
Le second empire.
Maximilien de Habsbourg, empereur du Mexique.
La défaite de la célèbre armée française commandée par le comte de Lorencez au pied
des murailles des forts de Loreto et Guadalupe dans la ville de Puebla en mai 1862, la
chute de la capitale mexicaine au mains du corps expéditionnaire français du Maréchal
Forey en juin 1863 et la régence impériale de Juan Nepomuceno Almonte servent de
prélude à l'accueil qu'offre la ville de Mexico à ses altesses royales l'empereur
Maximilien de Habsbourg et l'impératrice Charlotte de Belgique. La comtesse
autrichienne Paula Von Kolonitz, dame de compagnie de Charlotte, précise que la
réception dura trois jours et que cela fut comme une apothéose :
"La suite s'est arrêtée devant la Cathédrale, qui occupe la deuxième partie de la grande
place, à droite du Palais. Là un Te Deum a été chanté et ensuite toute la cour a
parcouru à pied un chemin couvert de tapis et à l'abri d'une tente en direction de la
résidence. Des drapeaux et des milliers de guirlandes de superbes fleurs ornaient
l'entrée, dans laquelle se trouvaient les portraits de ses majestés, d'ailleurs assez mal
peints. Une foule immense couvrait la grande place, mais l'ordre et la quiétude
régnaient partout ; les mexicains et les indiens ne sont ni impatients ni bruyants. Ce
peuple a montré beaucoup d'intérêt de joyeuse façon et l'accueil reçu à Mexico fut
extrêmement cordial…." 18
C'est de cette manière apparemment prometteuse que débute la période connue dans
l'histoire du Mexique comme étant le "Deuxième Empire". Les mille jours que gouverna
le bien intentionné et libéral jeune archiduc de la Maison d'Autriche furent un mandat
très complexe, marqué par la tragédie et voué à l'échec et durant lequel Eugène Bergeyre
a joué un rôle majeur en tant que militaire et scientifique.
Etant un sujet de l'Empereur Napoléon III, mais aussi un professionnel expérimenté de la
médecine vétérinaire et expert dans le maniement des chevaux, il était logique
qu'Eugène se mette au service de l'armée de l'envahisseur.
Officier dans l'armée impériale française
Je n'ai pas pu m'empêcher d'être ému en les tenant entre mes mains. Ce fut comme la
sensation de pouvoir toucher l'histoire du doigt. Il s'agit là de deux documents, simples
bouts de papier, mais qui ont été manipulés à la fois par l'empereur Maximilien et par le
Dr Bergeyre.
Le premier document est une lettre écrite en espagnol par le Dr Eugène Bergeyre, aide
vétérinaire de seconde classe dans l'armée française, et adressée à l'inspecteur général du
ministère de la guerre du second empire. Elle est datée du 23 août 1866 et il y réclame le
poste de vétérinaire principal. La réponse, donnée cinq jours plus tard, se trouve dans la
18
Comtesse Paula Von Kolonitz. Voyage à Mexico en 1864. Colección SepSetentas. Primera Edición.
México, 1976. p. 74.
14
partie inférieure du même document. Datée du 28 août de la même année, elle lui
attribue en effet le poste de vétérinaire principal dans l'armée impériale française.