Sports en QPV : connaître, comprendre, intervenir Nicolas Penin Université d’Artois – Faculté des sports et de l’Education Physique Atelier SHERPAS (URePSSS, EA 7369) Programme ELIPSIS (ANR15-CE28-0001) 1. OBJET ET ENJEUX .................................................................................................................... 3 2. DEMARCHE ET METHODES................................................................................................... 4 3. ÉLEMENTS DE CARACTERISATION DE LA POPULATION ROUBAISIENNE ........... 6 4. ÉTAT DES LIEUX DE L’ACTIVITE PHYSIQUE A ROUBAIX ........................................ 10 4.1. L’OFFRE DE PRATIQUE : LES ASSOCIATIONS ......................................................................... 10 4.2. L’OFFRE DE PRATIQUE MUNICIPALE : LE ROUBAIX SPORT PASS ......................................... 12 4.3. L’OFFRE DE PRATIQUE : LES EQUIPEMENTS.......................................................................... 14 4.4. LES OFFRES DE PRATIQUE POUR LESQUELLES LE SPORT EST « PERIPHERIQUE » .............. 21 4.5. LES PRATIQUANT.E.S ENCADRE.E.S EN ASSOCIATIONS SPORTIVES...................................... 23 4.6. LES PRATIQUES HORS-CADRE ................................................................................................. 28 5. DES PRATIQUES ET DES OBSTACLES............................................................................... 30 5.1. OBSERVER LES PRATIQUES « HORS-CADRES » ...................................................................... 30 5.2. DES PRATIQUES « MARGINALES » A ACCOMPAGNER............................................................ 30 5.3. DES PRATIQUES POPULAIRES EMERGENTES .......................................................................... 30 5.4. LA RELEGATION DES PRATIQUES « HORS-CADRES » ............................................................ 30 5.5. L’ABSENCE DES FILLES ET DES FEMMES ................................................................................ 30 6. UNE POSITION SINGULIERE DES INSTITUTIONS SPORTIVES ................................. 30 6.1. DES INSTITUTIONS ET DES PRATIQUES TRES IMPLANTEES ET RECONNUES LOCALEMENT 30 6.2. UNE ADMINISTRATION AUTOCHTONE .................................................................................... 30 6.3. QUAND LA PRECARITE ENCADRE LA PRECARITE .................................................................. 30 7. CONCLUSION : TERRITOIRES CARENCES ET CULTURES POPULAIRES .............. 30 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................... 31
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Nicolas Penin Université d’Artois – Faculté des sports et de … · 2020-03-20 · Sports en QPV : connaître, comprendre, intervenir Nicolas Penin Université d’Artois –
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Sports en QPV : connaître, comprendre, intervenir
Nicolas Penin
Université d’Artois – Faculté des sports et de l’Education Physique
Atelier SHERPAS (URePSSS, EA 7369)
Programme ELIPSIS (ANR15-CE28-0001)
1. OBJET ET ENJEUX .................................................................................................................... 3
2. DEMARCHE ET METHODES ................................................................................................... 4
3. ÉLEMENTS DE CARACTERISATION DE LA POPULATION ROUBAISIENNE ........... 6
4. ÉTAT DES LIEUX DE L’ACTIVITE PHYSIQUE A ROUBAIX ........................................ 10
4.1. L’OFFRE DE PRATIQUE : LES ASSOCIATIONS ......................................................................... 104.2. L’OFFRE DE PRATIQUE MUNICIPALE : LE ROUBAIX SPORT PASS ......................................... 124.3. L’OFFRE DE PRATIQUE : LES EQUIPEMENTS .......................................................................... 144.4. LES OFFRES DE PRATIQUE POUR LESQUELLES LE SPORT EST « PERIPHERIQUE » .............. 214.5. LES PRATIQUANT.E.S ENCADRE.E.S EN ASSOCIATIONS SPORTIVES ...................................... 234.6. LES PRATIQUES HORS-CADRE ................................................................................................. 28
5. DES PRATIQUES ET DES OBSTACLES ............................................................................... 30
5.1. OBSERVER LES PRATIQUES « HORS-CADRES » ...................................................................... 305.2. DES PRATIQUES « MARGINALES » A ACCOMPAGNER ............................................................ 305.3. DES PRATIQUES POPULAIRES EMERGENTES .......................................................................... 305.4. LA RELEGATION DES PRATIQUES « HORS-CADRES » ............................................................ 305.5. L’ABSENCE DES FILLES ET DES FEMMES ................................................................................ 30
6. UNE POSITION SINGULIERE DES INSTITUTIONS SPORTIVES ................................. 30
6.1. DES INSTITUTIONS ET DES PRATIQUES TRES IMPLANTEES ET RECONNUES LOCALEMENT 306.2. UNE ADMINISTRATION AUTOCHTONE .................................................................................... 306.3. QUAND LA PRECARITE ENCADRE LA PRECARITE .................................................................. 30
7. CONCLUSION : TERRITOIRES CARENCES ET CULTURES POPULAIRES .............. 30
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contexte de diversification des pratiques sportives comme en témoigne les résultats de l’enquête
INSEP/MJS (2010), qui recense près de 280 activités citées parmi les réponses proposées. Ce
chiffre relativise donc un peu la variété de l’offre. Rapporté aux chiffres nationaux, le nombre
d’associations est également à tempérer. Si la soixantaine d’associations sportives enregistrées
donne à voir une certaine vitalité associative, la ville dispose de 6,2 associations sportives pour
10000 habitants, soit près de 7,5 fois moins qu’à l’échelle nationale. On recense en effet 45,9
associations sportives pour 10000 habitants sur le territoire français7. L’offre portée par les
associations sportives est donc très largement sous-dimensionnée à Roubaix si on la compare à
la moyenne nationale.
Elle l’est plus encore si l’on se concentre sur l’offre de pratique « féminine8 ». En effet, les
pratiques les plus nombreuses parmi les associations roubaisiennes sont aussi faiblement
féminisées dans le cadre fédéral. À la FFF (6,7% de femmes), et dans une moindre mesure dans
les fédérations de lutte (22,4% de femmes), de boxe (24,7% de femmes) et de judo et disciplines
associées (27,7% de femmes), la part des femmes est inférieure à celle qu’elles occupent sur
l’ensemble des licences fédérales (38,8% de femmes). Les pratiques les plus représentées à
Roubaix sont donc aussi faiblement féminisées (nationalement et localement).
À Roubaix, l’offre portée par le mouvement sportif associatif est largement sous-dimensionné
comparativement à ce que l’on rencontre sur l’ensemble du territoire national. Ce sous
dimensionnement est plus notable encore si l’on considère les pratiques « féminines »9. Alors
si l’on admet que l’offre de pratique peut avoir une influence sur la demande, le contexte
roubaisien est fort peu propice au développement d’une pratique sportive importante. Il y a
assurément ici, sans que l’on puisse précisément en mesurer la part de responsabilité, une
explication à la relative faiblesse du nombre de licenciés.
7 INSEE première, n°1587, 2016. 8 Par « féminine » nous voulons dire ici « féminine en nombre ». Les pratiques qualifiées ici de « féminines » sont
donc celles dans lesquelles la part des femmes inscrites dans les fédérations tutélaires est inférieure à la moyenne
de la part des femmes dans l’ensemble des fédérations. 9 Précisons encore que par le terme « féminines » ne renvoie en rien ici à une forme d’essentialisation genrée des
disciplines sportives. Le terme renvoie exclusivement pour nous à la distribution des femmes et des hommes dans
les pratiques sportives fédérales.
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Se dessine donc, en contrepoint, une première piste pour faire croitre la pratique
fédérale : stimuler l’offre sportive associative.
Cette orientation nous invite à penser les conditions propices pour doper les initiatives privées
qui portent massivement le développement associatif (à l’origine tout au moins) (Defrance,
199510). Les enseignements de la phase qualitatives devront être éclairant sur ce point.
À défaut d’initiatives privées, la puissance publique pourrait, même temporairement ou en
complément de ce qui existe, se substituer au mouvement sportif privé pour garantir aux
habitants, un accès « libre » et varié aux pratiques physiques.
Faute d’un tissu associatif moteur de pratique de plus grande ampleur, une seconde
piste d’intervention pourrait reposer sur la prise en charge publique d’offres de pratique
(idéalement en complément de ce que propose le mouvement sportif).
C’est ce que propose la ville de Roubaix, via le « Roubaix sport pass », que portent le service
des sports et ses agents et qui pourrait, à terme, poser la question du subventionnement des
associations sportives.
4.2. L’offre de pratique municipale : le Roubaix sport pass
À l’offre de pratique portée par le mouvement sportif, il convient d’ajouter à Roubaix, l’offre
proposée par la commune, via son service des sports. Prises en charge par les éducateurs sportifs
de la ville, des activités sportives « de loisirs » sont encadrées sur les terrains de pratique
roubaisiens. Elles sont accessibles à tous, à partir de 3 ans pour certaines d’entre-elles
moyennant une cotisation annuelle modique : 45 euros pour les roubaisiens, 75 pour les non-
roubaisiens. Cette adhésion permet ensuite de participer à toutes les activités du « sport-pass » :
badminton, boxe anglaise, escalade, circuit-training, tennis de table, danse, trail-running,
pilates, piloxing KO, stretching, sport santé, gym seniors, volley-ball, foot en salle, basket, sport
en famille. Les créneaux se distribuent sur tous les jours de la semaine à l’exception du
dimanche. On en trouve selon les jours à partir de 9h00, jusqu’à 21h00 répartis sur 18 lieux
différents. Outre la discipline, les pratiques sont classées en fonction de l’intensité de l’activité :
10 Defrance, J. (1995). Sociologie du sport. Paris : La découverte.
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« activité douce convenant même aux personnes en convalescence », « activité physique
d’intensité moyenne » et « activité physique intense ». Cette façon de faire est intéressante parce
qu’elle ne ressemble pas à celle du monde fédéral. Elle pourrait donc être complémentaire en
ne se basant pas sur les niveaux de pratique par exemple. L’entrée par l’intensité de l’activité
semble placer cette dimension comme première, là où le niveau de pratique est premier dans la
pratique sportive fédérale.
En 2017, 551 personnes se sont inscrites au Roubaix sport pass. 93% d’entre-elles résident à
Roubaix. Les autres viennent des communes limitrophes : Hem, Croix, Lys-lez-Lannoy,
Wattrelos.
Parmi ces inscrits, notons une partition relativement équilibrée entre « les enfants » (jusqu’à 16
ans) et « les adultes » (plus de 16 ans) : 46% pour les premiers, 54% pour les seconds. L’âge
moyen des inscrits chez les « enfants » est de 8 ans et de 45 ans pour les adultes.
Les enfants sont donc en moyenne plus jeunes que dans le sport fédéral et les adultes en
moyenne plus vieux.
Enfin, le contingent des adhérents du Roubaix sport pass présente cette autre caractéristique
originale d’être majoritairement composé de femmes. C’est le cas chez les enfants (55% de
filles et 45% de garçons) et plus encore chez les adultes (68% de femmes et 32% d’hommes).
Les sportifs et sportives inscrits dans le cadre de ce dispositif présentent donc un profil fort
différent de ce que l’on rencontre classiquement dans le système fédéral. Tandis que les
associations recrutent massivement des jeunes hommes, les Roubaix sport pass est plutôt prisé
de femmes plus âgées. Ce constat est extrêmement intéressant pour nous. Il invite à considérer
l’absence relative de certains publics dans les clubs sportifs, non comme la manifestation d’une
faible appétence pour l’activité physique, mais vraisemblablement plutôt comme une faible
attirance pour l’offre associative sportive telle qu’elle existe. On peut alors se satisfaire de la
complémentarité des offres. Mais on peut aussi regretter que les structures associatives ne
sachent proposer d’offre attractive pour certains publics.
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Sans abandonner l’offre qu’elles proposent classiquement, les structures associatives
pourraient envisager de développer d’autres formes de pratiques que celles qui sont centrées
sur la production de performance. Cette diversification des offres présenterait un premier
intérêt pour les structures qui élargiraient leur public et un second, majeur, pour les publics
à qui seraient proposées des modalités pratiques plus conformes à leurs attentes.
Car il nous faudra disposer de données qualitatives complémentaires pour préciser la
fréquentation et les profils de pratiquants de ce dispositif. C’est à cette condition que nous
pourrons mieux comprendre s’il s’agit bien d’une offre complémentaire. Comprendre aussi ce
qui pourrait expliquer qu’elle recrute parmi des publics différents de ceux qui fréquentent les
associations sportives.
Nous ne pourrons effectivement identifier d’éventuelles spécificités qu’en orientant l’enquête
dans une démarche qualitative d’entretiens et d’observation lors de créneau et auprès
d’encadrants qui semblent par ailleurs être souvent (ou avoir été) eux-mêmes, engagés dans des
clubs sportifs de Roubaix ou d’ailleurs. Peut-être adaptent-ils leurs propositions de séance à un
public différent. Peut-être calquent-ils leurs propositions sur ce qu’ils connaissent dans le cadre
fédéral. Peut-être « bricolent »-ils un entre-deux.
Cela pourrait offrir une piste au développement des pratiques sportives auprès de publics peu
consommateurs de l’offre associative et poser la question des acteurs de la prise en charge du
sport. C’est par conséquent la question de l’orientation des ressources, humaines et matérielles
(infrastructures, subventions) qui se poserait.
Dans cette veine, on pourrait imaginer que le soutien public (par l’allocation de
ressources des collectivités locales ou du ministère de tutelle) soit soucieux d’accompagner
la diversité des offres et même moteur dans le pilotage de cette diversité.
4.3. L’offre de pratique : les équipements
Le développement du sport en France a pu, historiquement, s’appuyer sur une politique
infrastructurelle forte (Callède, 200211). Les équipements apparaissent ainsi comme un facteur
important du développement de la pratique. On peut penser, par conséquent, que leur absence
constitue un frein à cet essor. Cela nous invite à observer la situation pour notre terrain d’étude.
11 Callède, J.-P. (2002). Les politiques du sport en France. L’année sociologique, 52, 437-457.
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À Roubaix, 185 équipements sportifs sont recensés par l’outil de recensement des équipements
sportifs (RES), du Ministère des sports12. Il y a sur le territoire roubaisien, un peu plus de 19
équipements sportifs pour 10000 habitants. Le territoire est donc notablement sous doté si on
le compare avec le territoire national. Le Ministère de la ville de la jeunesse et des sports
enregistrait en effet, en 2013, une moyenne de 49 équipements sportifs pour 10000 habitants13.
Même comparativement aux QPV, la commune est relativement pauvre en équipements. Dans
les territoires de la politique de la ville, il existe en moyenne 22 équipements pour 10000
habitants. Si l’on compare, pour clore ce point, à d’autres communes présentant un nombre
d’habitants assez proche (entre 86000 et 106000 habitants), les conclusions vont dans le même
sens : à Poitiers 263 pour 87000 habitants; à Nouméa, 242 pour 100000 habitants, à Nanterre,
232 pour 92000 habitants ; Avignon, 334 pour 90000 habitants ; Dunkerque, 199 pour 90000
habitants, Nancy 232 pour 104000 habitants, Versailles, 187 pour 85000 habitants,
Commune Nombre d’équipements Nombre d’habitants
Argenteuil (95) 168 106000
Avignon (84) 334 90000
Dunkerque (59) 199 90000
Montreuil (93) 151 104000
Nancy (51) 232 104000
Nanterre (92) 232 92000
Nouméa 242 10000
Poitiers (86) 263 87000
Roubaix (59) 185 95600
Versailles (78) 187 85000
Vitry-sur-seine (94) 105 90000
Pour les communes dont la taille de la population est comparable, seuls Argenteuil (95), 168
équipements pour 106000 habitants, Asnière-sur-seine (92), 115 équipements, pour 86000
12 Le détail des équipements est présenté en annexes. 13 Nous nous appuyons ici sur le rapport publié en 2016 par le Ministère de la ville de la jeunesse et des sports :
« Penser, créer et gérer des équipements sportifs en quartiers prioritaires de la politique de la ville ». Notons qu’en
reprenant le calcul sur la base du nombre d’équipements indiqués dans les « chiffres clés du sport 2017 » (INJEP,
Ministère de la ville, de la jeunesse et des sports) on se situe plutôt autour de 40 équipements pour 10000 habitants.
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habitants, Montreuil (93), 151 équipements pour 104000 habitants ; Tourcoing (59), 110
équipements pour 94000 habitants et Vitry-sur-seine (94), 105 équipements pour 90000
habitants présentent des ratios équipements/habitant inférieurs à celui que l’on relève à
Roubaix. Notons que ces communes, souvent en zone de politique de la ville, se concentrent en
périphérie de Paris, ou jouxte Roubaix. On retrouve donc ici les constats déjà posés par Vielle-
Marchiset (201514) relevant que « le déficit est plus prononcé dans les quartiers populaires des
grandes agglomérations (Paris, Lille, Lyon, Marseille) » (p.29).
Nombre d’équipements sportifs pour 10000 habitants dans les communes de 85000 à 105000
habitants de France métropolitaine :
La situation est plus contrastée autour de Roubaix. Si l’on fait abstraction du nombre d’habitants
et que l’on observe les situations des communes limitrophes de Roubaix, on constate la position
« moyenne » de Roubaix.
14 Vieille-Marchiset, G. (2015). Loisirs sportifs et innovations sociales dans les quartiers populaires. Informations
sociales, 187, 25-32.
0 5 10 15 20 25 30 35 40
Vitry-sur-seine(94)
Montreuil(93)
Argenteuil(95)
Roubaix(59)
Dunkerque(59)
Nancy(51)
Versailles(78)
Nanterre(92)
Poitiers(86)
Avignon(84)
Équipements/10000hab.
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Commune Nombre d’équipements Nombre d’habitants
Roubaix (59) 185 95600
Croix (59) 30 21000
Hem (59) 48 19000
Leers (59) 21 9000
Lille (59) 422 231500
Lys-lez-Lannoy (59) 24 13000
Mouvaux (59) 33 13000
Tourcoing (59) 110 94000
Wasquehal (59) 48 21000
Wattrelos (59) 67 41000
Nombre d’équipements sportifs pour 10000 habitants dans les communes limitrophes de
Roubaix :
Pour expliquer cette position médiane de Roubaix, on peut préciser que les communes de
Tourcoing, Croix, Wattrelos et Hem présentent aussi des quartiers en politique prioritaire de la
ville.
Quoi qu’il en soit, comme nous relevions plus haut le déficit d’association sportive
(comparativement à ce qui existe en France), nous constatons ici, a priori, une franche carence
en équipements sportifs.
0 5 10 15 20 25 30
Tourcoing(59)
Croix(59)
Wattrelos(59)
Lys-lez-Lannoy(59)
Roubaix(59)
Wasquehal(59)
Leers(59)
Hem(59)
Mouvaux(59)
Équipements/10000hab.
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Il y a donc de toute évidence une nouvelle piste pour accompagner le développement
local des pratiques sportives, piste grossière à ce stade mais néanmoins saillante, consistant
à combler le déficit infrastructurel.
Ceci étant, difficile de faire l’économie des contraintes budgétaires qui pèsent sur les
collectivités publiques locales dont on sait qu’elles sont les premiers financeurs des
infrastructures sportives (Stat-Info, 200915). Il faut donc envisager un développement
infrastructurel à moindre coût, tout en préservant un niveau d’exigence qui garantisse l’égalité
des territoires.
Or, il se trouve que de nombreuses pratiques ou modes de pratique s’émancipent des espaces
dédiés, par défaut ou par choix. Ils participent ainsi à la « reterritorialisation du sport »
(Augustin, 200216). Nous pensons ici aux pratiques de glisse urbaine (Calogirou et Touché,
199517 ; Vieille-Marchiset, 200718), ou plus récemment au parkour (Prévitalli, Coignet, et
Vieille-Marchiset, 201419), justement bien développé à Roubaix (avec l’association Parkour59).
Ces disciplines, parce qu’elles consistent justement à s’approprier un espace public non
initialement dédié à la pratique, ne nécessiterait peut-être pas d’investissement infrastructurel
aussi lourd que pour un équipement « classique ». Elles posent en revanche d’autres problèmes,
notamment la concurrence des usages et des usagers sur l’espace public (Vieille-Marchiset,
2007).
15 Stat-Info (2009). Le poids économique du sport en 2007, 02-09. 16 Augustin, J.-P. (2002). La diversification territoriale des activités sportives. L’année sociologique, 52, 417-435. 17 Calogirou, et Touché, (1995). Sport-passion dans la ville: le skateboard. L’année sociologique, 25, 37-48. 18 Vieille-Marchiset, G. (2007). La construction sociale des espaces sportifs ouverts dans la ville. Enjeux politiques
et liens sociaux en question. L’Homme et la société, 165-166, 141-159. 19 Prévitalli, C., Coignet, B. et Vieille-Marchiset, G. (2014). Le parkour : approche ethnographique de
communautés juvéniles de loisirs dans la ville. Agora. Débats/Jeunesses, 68, 85-97.
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Une réflexion plus originale pourrait aussi être menée. Celle-ci reposerait sur
l’aménagement d’espaces publics ou privés (notamment un patrimoine urbain riche et à
réhabiliter) en espaces de pratiques d’activités physiques « alternatives » pour faire de la
commune un pôle d’attraction pour ces pratiques.
Il faudrait donc inventer des modes d’aménagement de l’espace innovants qui permettent, à
moindre coût, un développement de pratiques nouvelles tout en garantissant des conditions de
pratique sécurisée. Cette politique d’équipements pourrait, en outre, répondre à une véritable
demande allant au-delà du périmètre de la commune.
Les intérêts sont donc multiples : accroitre le potentiel infrastructurel, en limitant les coûts
d’investissement, pour répondre de manière innovante à la demande locale, stimuler des
activités physiques émergentes et participer à rendre la ville attractive en proposant des
équipements qui répondent à une demande croissante et peu prise en compte. Le cas du parkour
est sur ce point exemplaire.
Qui plus est, le contexte roubaisien se prête particulièrement bien à cette piste : un parc
immobilier important, des friches (industrielles notamment) nombreuses et à réhabiliter, une
accessibilité forte, une image de la ville à redorer. Cette politique d’équipements pourrait ainsi
s’inscrire dans un projet de politique de la ville plus global : revalorisation du patrimoine
immobilier local, rénovation urbaine, développement durable, promotion de la commune et
donc dynamisation de l’activité socio-économique.
Mais la réflexion sur les équipements ne se pose pas seulement au niveau de la commune. En
resserrant la focale, apparaissent des inégalités inter-quartiers. C’est ce que donne à voir la
représentation cartographique de la distribution des équipements dans l’espace.
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À première vue, ce n’est pas
évident. Toutes les zones
administratives de Roubaix (Nord,
Sud, Centre, Est, Ouest) présentent
plusieurs équipements sportifs.
Certes tous les secteurs ne sont pas
également dotés, mais il faudrait
rapporter la présence
d’équipements à la démographie
locale, ce qui n’apparaît pas sur la
carte. Surtout, cette première représentation n’indique que des sites d’équipements sportifs. Ces
sites peuvent présenter de très fortes disparités, qualitativement et quantitativement. Pas de
comparaison possible entre le « STAB » (vélodrome couvert Jean Stablinski), équipement
moderne, de pointe, concentrant des espaces de pratiques variés et capables d’accueillir, dans
des conditions optimales et simultanément, cyclisme, musculation, pilate, zumba… et le stade
de Barbe d’Or, au nord, en lisière de canal, composé d’un seul espace de grand jeu
exclusivement dédié au football et d’une petite « buvette ».
La cartographie proposée par le Recensement des équipements sportifs (RES), est plus précise.
Elle intègre les différents terrains de pratiques, même lorsqu’ils se concentrent en un même
complexe.
Elle donne à voir une réalité locale plus précise et révèle quelques disparités qui ressemblent à
des inégalités territoriales.
On voit ainsi apparaître des zones plus faiblement dotées. La zone « nord » et le quartier du
Pile paraissent sous dotées, tandis que le centre et le « Sud » sont plus « riches » en
IM. MAISONS ANONYMESIM. JEAN DE MARKRIES Rond Point
de la limite
RUE
Bd. De la LIMITE
Imp. Delannoy
PONT
PontAlbert 1er
PlaceViviane
Romance
R.ste EL
ISABET
H
IMPASSE
OSTE DE ROUBAIX
Bd. DE GRIMONPONT
Parvis duPère Piat
Squaredes mille
cheminées
StadeAvelghem
StadeMaertens
StadeJ. Vandaele
Complexesportif
Pierre deCoubertin
TerrainBrondeloire
TerrainBarbe d’or
Vélodromecouvert
EsplanadePhilippe Dutrieux
Rue du
Blanc Pignon
RUE DES METISSAG
ES
TROIS CEN
SES
Place desBroutteux
RUE
D' YPRES
RUE DE LIEGE
D' AN
ZIN
RUE
PROMENADE AU
FILDE L’EAU
BD.
Allée desMésanges
RUE DES RETROUVAILLES
AVENUE DEL’UNION
LOTISSEMENTMal JOFFRE
RUE
DU
OSTENDE
Direction Roubaix
B E L G I Q U EMOUSCRON - COURTRAI
Sortie Roubaix centreSortie Roubaix Est
B E L G I Q U EDOTTIGNIES - TOURNAI
Sortie Est et Sudpuis Roubaix
VILLENEUVE D'ASQ / LILLEVALENCIENNES / PARISLILLE par
Grand Boulevard
Voie Rapide Urbaine
LILLETOURCOING / GAND
Sortie RoubaixCentre Mercure
BRONDELOIRE
BARBE D’OR
AVELGHEM
CARIHEM
MAERTENS
DUBRULLEVERRIEST
COMPLEXE SPORTIFLEO LAGRANGE
J. VANDAELE
VELODROME
2
2
3
1
7
8
6
4
59
22
21
5
11
813
17
4
20
15
14
1
12
16
19
3
6
10
18
9
2
7
1
2
Equipements Sportifs
Salles de Sports
1 Aimé Sève, 121 rue Jules Guesde 2 Alma Gare, rue de Toulouse 3 Bernard Jeu, 35 rue des Champs 4 Breistroff Michel , 451 Grande Rue 5 Buffon, 8 rue des Flandres 6 Coligny 1, 60 rue de Coligny 7 Coligny 2, 60 rue de Coligny 8 Deville, 48 rue Nabuchodonosor 9 Drymala Stanislas et Henri, 159 rue H. Regnault10 Dupuy de Lome, 40 rue D.de Lome11 Entrepont, 50 rue d’Alger12 Hauts Champs, 147 rue P. Brossolette13 Jacques Secretin, 43 rue St. Jean14 Jean.F. Lamour, 4 rue Jules Guesde15 Léon François, 589 rue de Lannoy16 Oran/Delespaul, 21 rue des Pyramides17 Pays, 2 rue du Pays18 Pierre de Coubertin, 73 Av. Du Parc des Sports19 Raymond Dubly, 86 rue du Collège20 Robert Hetuin, 238 Bd. De Mulhouse21 Rome, 75 rue de Rome22 Vincent Gernigon, 14 rue Watt
Complexes et Terrains de sports
1 Avelghem, rue d’Avelghem 2 Barbe d’Or, rue Jean Baert 3 Brondeloire, rue du Brondeloire 4 Carihem, avenue du Parc des Sports 5 Dubrulle, rue du chemin Neuf 6 Léo Lagrange, rue de Lannoy / avenue du Parc des Sports 7 Maertens, rue du Chemin neuf / Louis Braille 8 Vélodrome Jean Stablinski, Avenue Maxence Van Der Meersch 9 Vandaele, boulevard de Fourmies
Piscines
1 Centre Nautique Thalassa, 27 rue de l’Epeule 2 Piscine Danielle Lesaffre, 42 rue Dupuy de Lome
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Source : Réseau des équipements sportifs (RES)
Quand on sait les difficultés de mobilité de certaines populations et le fort sentiment
d’appartenance à un quartier à Roubaix (Neveu, 200420), on comprend toute l’importance d’une
implantation « au plus près » des installations sportives. Les obstacles à la mobilité, matériels
ou symboliques semblent largement structurer les usages sociaux des espaces et des pratiques
culturelles qui s’y jouent.
Il semble donc extrêmement important de maintenir et même d’intensifier une politique
infrastructurelle diversifiée, équilibrée et surtout, de proximité pour être équitable et efficace.
4.4. Les offres de pratique pour lesquelles le sport est « périphérique »
Aux supports attendus d’offre de pratiques sportives, mouvement sportif en tête, s’ajoutent
d’autres organisations ayant recours, de manière non centrale, aux activités physiques. C’est la
raison pour laquelle nous les qualifions d’organisations dont le recours au sport est
« périphérique ». Ces institutions relèvent davantage du champ de l’intervention sociale Elles
mobilisent le sport comme média de leur intervention. Il nous semble important de considérer
20 Neveu, C. (2004). Une « petite fabrique de territoire » : quartiers et citoyenneté à Roubaix. Ethnologie française,
34-1, 59-66.
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ces structures et ce qu’elles proposent car elles participent à l’encadrement des activités
physiques et ce faisant, à leur promotion. Elles peuvent, en outre, être des passerelles vers le
sport fédéral, si tant est que cela constitue un objectif.
Très largement, les pratiques sportives proposées reposent sur la libre adhésion ce qui les rend
d’une certaine manière « comparables » avec les associations sportives.
Les centres sociaux
Au premier rang de ces structures, figurent les centres sociaux. De façon plus ou moins
formalisée et plus ou moins importante, tous proposent des activités physiques. Mais on ne
dispose pas de chiffres précis ou fiables pour la participation à ces activités puisque ces activités
ne font l’objet d’un suivi pour elles-mêmes (à la différence par exemple des dispositifs
d’accompagnement à l’insertion professionnelle).
Nous pouvons d’ores et déjà constater que l’offre est concentrée sur des activités de forme et
bien-être d’une part, des pratiques sportives collectives d’autre part : gymnastique d’entretien
et marche active au centre social ECHO ; gymnastique, balade pédestre, danse afro, relaxation
au 4 quartiers ; futsal au centre social des 4 quartiers, de l’Epeule (Nautilus) ou de l’Alma pour
ne donner que quelques exemples.
Tandis que les premières pratiques semblent viser des publics adultes et plutôt féminins (telles
que présentées dans les plaquettes ou les sites internet), les secondes semblent s’adresser aux
adolescents et principalement aux garçons. On peut craindre ainsi qu’en souhaitant « coller » à
la demande, l’offre participe à renforcer les stéréotypes (de genre notamment).
Mais on manque ici d’informations. On ne sait que trop peu de chose sur les modes de pratique,
les cadres proposés, les intentions éducatives, les publics. Il faudra donc compléter l’étude sur
ce point par le volet qualitatif.
Clubs de prévention (AEP, Horizon9)
Sur le territoire roubaisien, 2 clubs de prévention interviennent : AEP et Horizon9. Comme
pour les centres sociaux, il est difficile d’accéder à des informations quantitatives concernant
spécifiquement les activités physiques puisque ces données n’existent pas. Cela peut se
comprendre aisément : les activités physiques ne sont qu’un moyen dans ces structures quand
elles représentent une fin dans les associations sportives. Il n’en demeure pas moins qu’il sera
intéressant aussi de creuser cette piste puisque nos entretiens exploratoires laissent penser
qu’effectivement des activités physiques sont pratiquées dans le cadre de l’intervention
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éducative des clubs de prévention. Eu égard au public accueilli par ces structures, nous pensons
qu’une étude approfondie de leurs façons de faire pourrait offrir des pistes pour l’intervention
auprès des publics les moins familiers des cadres associatifs.
Sport dans la ville
Nous terminons ce point avec une association nationale : Sport dans le ville. Ce choix
s’explique d’abord parce qu’on peut dire de cette association, qui poursuit avant tout un objectif
éducatif et d’intégration affiché, qu’elle est sportive puisque le sport constitue le support
dominant de son intervention. Il s’explique ensuite parce que cette association, fondée en région
lyonnaise, s’est développée sur le territoire et présente une antenne à Roubaix. Elle y propose,
sur 4 sites, du football, du basket-ball et de la danse.
Bien que l’ambition affichée soit d’abord l’insertion (scolaire et professionnelle notamment)
des jeunes de 6 à 25 ans, la très grande majorité des encadrants sont des éducateurs sportifs
(104) pour une minorité de « responsables d’insertion » (18)21. Ainsi, on peut se demander de
quelle formation spécifique disposent les éducateurs sportifs en matière d’accompagnement à
l’insertion. On peut se demander aussi, compte tenu de cette sociologie des encadrants, si l’offre
proposée ne se superpose pas, en fait, avec ce que développent les associations sportives.
Sans apport qualitatif, il est malaisé d’en dire plus. Nous ne pouvons savoir si toutes ces
différentes offres connaissent le succès (en terme d’affluence), pas plus que nous ne pouvons
savoir si elles recrutent parmi les mêmes publics que les associations ou non. Nous ne savons
pas non plus si la nature des contenus de l’offre est spécifique ou pas.
Nous pourrons en dire davantage, dans la suite de cette étude, en convoquant donc, les apports
qualitatifs.
4.5. Les pratiquant.e.s encadré.e.s en associations sportives
Sur la base des données produites avec les clubs par le service des sports de Roubaix, on peut
se faire une idée de la population licenciée de Roubaix. Quelques précisions sont pourtant
nécessaires. D’abord les chiffres sont ceux des clubs sur la base de leurs adhérents. Tous ne
sont pas roubaisiens. Ceci étant, nous disposons de la distinction entre roubaisiens et non
21 Les données de cette partie sont issues du rapport annuel 2017 de Sport dans la ville.
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roubaisiens. Celle-ci s’explique certainement par le fait que le montant des subventions allouées
par la mairie est différent entre roubaisiens et non roubaisiens (l’allocation étant plus importante
pour les roubaisiens). Mais ce premier point m’amène à en poser un second : on ne peut pas
exclure le risque que certaines associations surdéclarent le nombre de leurs adhérents et de leurs
adhérents roubaisiens. Ils y trouveraient en tous cas un intérêt. Dernière limite, si l’on connaît
le nombre de sportifs dans les clubs roubaisiens et de roubaisiens parmi ces licenciés, on ne sait
pas combien de roubaisiens pratiquent dans des associations d’autres communes. Il y a là
assurément une faiblesse dans les chiffres que nous présentons. Mais une faiblesse que l’on
peut certainement relativiser quand on connaît la faible mobilité des résidents des QPV, qui
tient à des raison sociales et pratiques : on sait par exemple que ces territoires sont souvent
moins bien desservis par les réseaux de transports que les centres ville.
Ces réserves doivent être un filtre pour la lecture des données dont nous proposons les éléments
saillants.
Dans les clubs de Roubaix, 7276 licences ont été délivrées en 2017. Grossièrement (en
considérant que le nombre de roubaisiens pratiquant le sport dans une association non
roubaisienne équivaut au nombre de non roubaisien pratiquant dans un club de Roubaix), on
peut estimer le taux d’affiliation fédérale à 75 licences pour 1000 habitants. À titre de
comparaison, en France, on enregistre environ 242 licences pour 1000 habitants. Autrement dit,
trois fois plus pour le territoire national qu’à Roubaix.
76
243
0
50
100
150
200
250
300
Roubaix France
Nombredelicencespour1000habitants(en2017)
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Puisque nous l’évoquions, revenons sur la part des roubaisiens dans les associations sportives
de la commune. En premier lieu, on relève de très fortes disparités entre les associations. Au
Judo Club Roubaisien, les données indiquent que 97,5% des licenciés sont roubaisiens. 1 seul
adhérents sur 40 résiderait dans une autre commune. À l’opposé (et en faisant abstraction des
clubs corporatistes), seuls 15% des cavaliers du club hippique de Roubaix sont roubaisiens. Ce
« grand écart » nous invite à relativiser la valeur moyenne du taux de roubaisiens dans les clubs :
64,1%.
À un niveau meso pourrait-on dire, les moyennes par « familles » de pratiques sont
intéressantes. Pour le football, qui constitue un famille à lui tout seul compte tenu de sa masse,
et les sports de combats, les roubaisiens sont très largement majoritaires. La partition est
équilibrée pour les sports de raquette. Dans les « autres sports » (cyclisme, équitation, escalade,
natation, parkour…), les membres non-roubaisiens sont les plus nombreux.
On peut formuler une hypothèse liée à l’offre. On sait que les clubs de football sont nombreux.
On peut donc imaginer que la proximité géographique constitue une dimension forte dans les
choix d’association. Certaines disciplines, moins répandues, nécessitent parfois d’aller chercher
un club dans une commune qui n’est pas la commune de résidence. Un équipement comme le
vélodrome couvert constitue vraisemblablement un pôle d’attraction qui explique que les non-
roubaisiens soient nombreux au vélo club de Roubaix (344 licenciés). Cela signifie que lorsque
l’offre est intéressante, surtout si elle est peu répandue, elle attire bien au-delà de la population
roubaisienne. Les équipements et associations peuvent donc faire figure de pôle d’attraction
pour la ville et contribuer ainsi à une mixité géographique qui est aussi souvent mixité sociale.
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Surtout, il faudrait identifier les freins à la pratique spécifiques aux femmes du
territoire pour inventer une offre originale.
4.6. Les pratiques hors-cadre
À ces pratiques encadrées, il faut évidemment ajouter celles qui se déroulent en dehors de tout
cadre institutionnel. Les « sports de rue » pourraient constituer une alternative aux pratiques
sportives fédérales, au même titre que les « économies de subsistances » offrent une alternative
à l’économie licite (Collectif Rosa Bonheur, 201622). Mais cette hypothèse de l’existence d’un
« sport de contrebande » ne peut être testée en recourant aux données que nous avons compilées
jusqu’ici. Elle nécessite que soient mis en place d’autres dispositifs méthodologiques, plus
« intensifs » (Grawitz, 196423), voire même immersifs. C’est ce que nous devrons donc faire et
dont nous rendrons compte dans la suite de ce rapport. Il s’agira d’habiter un territoire
particulièrement concerné par les vulnérabilités notamment les difficultés économiques et
sociales. Nous résiderons donc à proximité immédiate de la zone identifiée comme celle qui
concentre le plus de handicaps et dans des proportions inégalées.
Mais sur la base de ce qu’enseigne la littérature sur la question, on sait déjà que dans les
environnements sociaux fragilisés, se développent parfois une forme de distance et de méfiance
qui peut même prendre la forme d’une défiance des populations vers les institutions.
Classiquement, les travaux montrent que cela peut concerner l’École, les institutions sociales,
et même s’étendre, par effet de contagion à l’ensemble des institutions (Jamoule, 200924). Sans
que soit abordée spécifiquement la question des pratiques sportives, on peut penser que les
populations les plus précarisées se trouvent plus éloignées, a priori, des institutions les plus
formalisées et de leurs modes de fonctionnement. À ce stade cela ne constitue qu’une piste,
mais celle-ci va orienter le volet qualitatif de la présente étude.
22 Collectif-Rosa Bonheur (2016). Centralité populaire : un concept pour comprendre pratiques et territorialités
des classes populaires d’une ville périphérique. SociologieS. 23 Grawitz, M. (1964). Méthodes des sciences sociales. Paris : Dalloz. 24 Jamoulle, P. (2009). La débrouille des familles. Récits de vie traversées par les drogues et les conduites à risque.
Louvain-La-Neuve : De Boeck Supérieur.
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On peut penser qu’il faudrait développer des modes de fonctionnement institutionnels
ajustés aux singularités des populations les plus précarisées. Il faudra donc préalablement
identifier ces spécificités (telles que peut-être une méfiance « généralisée » à l’endroit des
structures institutionnelles).
Mais pour cela, il faudra identifier précisément la singularité des attentes, la nature et le poids
des contraintes. Au plus près d’acteur souvent fuyants, voire même, apparemment,
insaisissables. C’est ce qui justifie notre protocole méthodologique au plus près des terrains :
observations, entretiens auprès de publics variés et immersion dans le quartier pour mener
l’enquête ethnographique.
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5. Des pratiques et des obstacles
5.1. Observer les pratiques « hors-cadres »
5.2. Des pratiques « marginales » à accompagner
5.3. Des pratiques populaires émergentes
5.4. La relégation des pratiques « hors-cadres »
5.5. L’absence des filles et des femmes
6. Une position singulière des institutions sportives
6.1. Des institutions et des pratiques très implantées et reconnues localement
6.2. Une administration autochtone
6.3. Quand la précarité encadre la précarité
7. Conclusion : territoires carencés et cultures populaires
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