n Selon l’un des auteurs de l’Initiative Successions: seuls les immeubles en Suisse sont concernés François Bachmann est vice-président du parti évangélique (PEV), auteur de l’Initiative demandant de taxer à 20% la part des successions au-dessus de 2 millions et qui sera finalement soumise au peuple suisse, peut-être en juin prochain. Cet ingénieur en mathématiques qui travaille chez Skyguide au service de la sécurité aérienne préside la section vaudoise du PEV depuis sa création en 2003. Il est également candidat au Conseil national pour les élections fédérales d’octobre 2015. - Selon une étude de la fiduciaire BDO SA, les résidences secon- daires à l’étranger seraient comptées dans les actifs d’une succession ouverte en Suisse en cas d’acceptation de l’Initiative. Est-ce exact? - Seuls les immeubles en Suisse sont concernés, nous ne changeons pas la définition de la masse successorale. Nous n’évoquons pas les immeubles situés à l’étranger, qui sont imposés selon leur localisation. Notre Initiative parle de per- sonnes domiciliées en Suisse ou dont la succession a été ouverte en Suisse. En revanche, ce qui est nouveau, c’est que l’Initia- tive propose d’imposer la masse successorale au lieu des parts des héritiers. D’ailleurs, le Par- lement a corrigé la traduction en français du texte de l’Initiative, le 12 décembre, ce qui arrive très rarement; il s’agissait de rempla- cer le mot «legs», proposé par l’Administration fédérale, par le terme de «masse successorale». - Mais le Parlement n’est pas revenu sur l’effet rétroactif... - Il a effectivement pesté contre la date butoir du 1 er janvier 2012 figurant dans le texte concernant les dons, mais n’en a pas moins décidé de soumettre le texte au peuple. Le Parlement ne se per- met pas de modifier le contenu d’une Initiative: ce serait mal vu. Si les parlementaires avaient voulu un autre texte, ils auraient élaboré un autre projet, mais ils y ont renoncé, probablement parce qu’ils ont estimé que l’Ini- tiative n’avait guère de chances de succès. Une date butoir s’im- posait cependant: alors que les successions avoisinent les 40 milliards dans une année nor- male, une vague de donations en fin d’année a gonflé ce chiffre a plus de 60 milliards en 2011! La menace de l’Initiative - dont le texte n’était même pas en- core déposé - a donc mobilisé des gens qui criagnaient, le cas échéant, d’être concernés. Notre Initiative est pourtant raison- nable: sur 40 milliards annuels, seuls 15 milliards, entre 2% et 3% de l’ensemble des succes- sions, seraient concernés par l’impôt de 20% qui rapportera donc 3 milliards, dont les deux tiers iront à l’AVS. - L’Initiative ne menace-t-elle pas la transmission des entre- prises, même s’il est prévu qu’une franchise soit détermi- née par le Parlement en cas d’acceptation? On parle de 8 millions, est-ce exact? - Il est vrai que la transmission d’une entreprise est déjà diffi- cile en soi; l’intention est d’éviter que l’entreprise ne doive licen- cier ou se trouve en difficulté de trésorerie après un décès. Le seuil dépendra du Parlement: il pourrait être question de 10 millions, de 10% pour le taux réduit (applicable au-dessus de la franchise) et d’un délai de 10 ans pour le paiement des droits. Pour une entreprise d’une valeur de 20 millions, cela ferait donc 100 000 francs par an à payer pendant 10 ans. Ce n’est pas un montant qui fait couler une entreprise. - On attribue souvent l’Initiative au parti socialiste. Qu’en est- il? Présentés comme auteurs de l’Initiative, les socialistes se gardent de détromper les com- mentateurs lorsqu’ils s’expri- ment dans les médias. - Celui qui est sous les projec- teurs ne dit pas souvent que ce n’est pas lui qui a lancé le projet! Nous avons élaboré le texte en collaboration notam- ment avec des experts fiscaux qui se trouvent être des socia- listes zurichois. Mais le parti socialiste a préféré se concen- trer sur d’autres enjeux. Nous avons donc formé un comité avec quelques militants socia- listes et verts, mais il était clair que le rôle de moteur reviendrait au PEV. C’est d’ailleurs notre première Initiative depuis la fon- dation du parti en 1919. - En quoi reflète-t-elle la spécifi- cité de votre parti? - L’Initiative met l’accent sur la justice fiscale et non sur la redistribution. Contrairement aux socialistes qui se concentrent sur les inégalités de revenu, elle aborde la question de la fortune et de sa transmission entre gé- nérations. Cela part du constat d’une inégalité croissante entre les très grandes fortunes et le reste de la population. Les grandes fortunes sont traitées de manière privilégiée lors d’un héritage, alors que dans les pays qui nous entourent, des taux de 30% à 40% sont usuels, et pas toujours avec une franchise. L’idée est de corriger cette iné- galité sans mettre en danger le bien-être de la population suisse. - Votre Initiative ne risque-t-elle pas de provoquer le départ des riches? - C’est une menace qui est sou- vent brandie par les milieux bour- geois. Il faut arrêter de réduire l’avantage de la vie en Suisse à des questions fiscales. Beaucoup de facteurs font que la qualité de vie y est élevée. Notre Initiative s’inscrit dans une perspective de solidarité: le coefficient de Gini, qui mesure l’inégalité dans la répartition de la richesse, y est plus élevé que dans le reste du monde développé, dépassant même celui des Etats-Unis. Ce coefficient s’établit à un niveau d’inégalité proche de Singapour • Pierre Bachmann, vice-président du parti évangélique. • FISCALITÉ TOUT L’IMMOBILIER • NO 750 • 12 JANVIER 2015 4 RTS