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Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de
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MÉTHODOLOGIES DE CONSTRUCTION DU MÉTRO PARISIEN DESA CRÉATION A
NOS JOURS
PARISIAN METRO CONSTRUCTION METHODOLOGIES FROM ITS CREATIONTO
DATE
Grégory MEYER11 SYSTRA, Paris, France
RÉSUMÉ – La création du métropolitain parisien datant de plus
d’un siècle, il est courantd’avoir oublié certaines méthodes de
construction pourtant déjà très élaborées au débutdu XXème siècle.
Le présent article compare les méthodes utilisées lors de la
constructiondes premières lignes de métro et celles actuelles.
Celles-ci s’avèrent relativementsimilaires.
ABSTRACT – The relatively long period elapsed between the
creation of Parismetropolitan railway and the recent project of
Grand Paris Express was favourable toforgetting the already
elaborate construction methods of the early twentieth century.
Thispaper compares the methods used during the construction of the
first metro lines and thecurrent ones. In fact, these are
relatively similar.
1.Introduction
Les premiers travaux du Grand Paris Express ont démarré en mars
2015 (travauxpréparatoires de la ligne 15 Sud), soit 117 ans après
les travaux de la première ligne dumétro parisien, sous l’égide de
Fulgence Bienvenüe en 1898. Pour chaque grande étapede la
construction de ce métro, un évènement clé dans la capitale a
motivé la création etsurtout fixé les jalons de la construction de
certaines lignes. De l’Exposition Universelle de1900 jusqu’aux Jeux
Olympiques d’été de 2024, Paris a toujours souhaité développer
sonréseau de transport en commun au gré des besoins internationaux.
Ce projetd’envergure, le plus important en France de ce début de
XXIème siècle et probablementpour les prochaines décennies à venir,
permettra d’augmenter le linéaire du réseau de220 km actuellement à
420 km à horizon 2030. Paris, actuellement 10ème mondiale entermes
de longueurs de lignes, deviendra la 4ème métropôle derrière Séoul,
Shanghai etPékin et la 1ère si on la ramène à sa surface.
Il est utile de s’intéresser aux méthodes géotechniques de
construction des différenteslignes constituant le métro parisien et
surtout d’en voir l’évolution. Le présent articles’intéresse donc
aux étapes clés de la construction du réseau d’un point de
vuegéotechnique, que ce soit par la méthode de congélation déjà
présente en 1909, ou pardes méthodes de creusement traditionnel des
tranchées à ciel ouvert en plein cœur deParis, ou encore par
l’utilisation de caissons foncés dans le lit de la rivière avec
desouvriers travaillant en milieu hyperbare pour le passage du
métro sous la Seine. Unedernière partie s’intéressera aux incidents
rencontrés lors de la réalisation de ces travauxet aux
enseignements que l’on a pu en tirer.
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2.Création du métro parisien
Depuis 1870, les autorités de la Ville souhaitaient voir
apparaître un métro, motivées parla réalisation du premier métro
mondial à Londres en 1863. D’autant plus qu’à l’époque,
lacirculation dans les rues de Paris est déjà très encombrée avec
près de 3 millionsd’habitants à la veille de la première guerre
mondiale, où sur les routes se croisent danstous les sens des
charrettes, des omnibus et des tramways. Un article de presse de
1890indique ainsi que « le désencombrement de la voie publique
s’impose comme unenécessité de premier ordre ». Néanmoins, le
lancement de la première ligne de métro estchaotique. De multiples
projets (en aérien par Jean Chrétien, avec des viaducs
traversantles bâtiments par Louis Heuzé) et un grand nombre de
géométries différentes sont toutd’abord à l’étude. Finalement, le
30 mars 1898 est donc prise la décision de construire65km de métro
(composés de 6 lignes en tranche ferme et 3 lignes dans une
secondephase), à traction électrique, sous l’égide de l’ingénieur
Fulgence Bienvenüe.
Notons que la station Abesses (créée à 36 m de profondeur en
1913), constitue lastation la plus profonde de Paris pour l’époque
(figure 1). Elle est à compareractuellement avec les 52 m de
profondeur des quais de la future gare de Saint-Maur-Créteil (la
plus profonde de France).
Figure 1. Coupe schématique du sous-sol parisien au niveau de la
butte de Montmartre.
3.Construction des galeries
Il s’agit de la plus grande différence entre les créations des
lignes passées et actuelles.En effet, si les travaux de
construction des premières lignes s’effectuaient en pleine
fouille(figure 2), toutes les lignes actuelles sont réalisées à
l’aide de tunneliers (Julien, 2017).Pour les travaux anciens, les
lignes se trouvaient à faible profondeur et la méthode de
latranchée couverte voire ouverte est adoptée (un tablier
métallique soutient la chausséequi est totalement détruite pendant
les travaux).
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Figure 2. Réalisation de la ligne 1 du métro parisien.
C’est ce qui explique que l’intégralité des premières lignes de
métro suivent le tracédes rues qui lui sont sus-jacentes. Il s’agit
d’une méthode économique et facile à mettreen œuvre, mais seulement
dans les terrains dont la compacité et l’absence de venued’eau le
permet.
Sur la ligne 1, aux deux extrémités culminantes de la ligne
(Nation et Etoile), on trouveainsi les Sables de Beauchamp sur une
épaisseur de 8m environ avec au-dessus unefaible couche de Calcaire
de Saint-Ouen au Nord de la place de l’Etoile. Ces sables,recensés
comme peu argileux et très secs, peuvent contenir des bancs de grès
très durs.Ils reposent sur les Marnes et Caillasses puis le
Calcaire Grossier. De la Porte deVincennes à la rue de Reuilly, le
souterrain est ouvert dans les Sables de Beauchamp.
Al’embranchement de la Porte Dauphine, l’ouvrage est en grande
partie assis sur leCalcaire Grossier. Ces terrains sont notés par
les ingénieurs de l’époque comme offrantde bonnes conditions pour
l’exécution des travaux.
Classiquement, la méthodologie des tranchées couvertes est celle
du blindage bois. Letablier métallique permet de réduire la hauteur
libre nécessaire aux excavations, plaçantles rails à parfois
seulement 4,5 m sous le niveau de la chaussée (les poutres du
tablierétant situées à 1,25 m sous la voirie).
Le tablier se compose de poutres principales s’appuyant sur les
piédroits, de 7,2 m deportée et espacées de 3 m d’axe en axe. Ces
poutres sont formées d’une âme de700 mm de hauteur et de 12 mm
d’épaisseur. Les poutres sont reliées par desentretoises tous les
1,18 m, sur lesquelles on dispose des briques dites de Bourgogne.
Letout est recouvert d’une couche de béton de 2 cm d’épaisseur.
Des difficultés sont néanmoins apparues dans le quartier des
Buttes-Chaumont oùd’anciennes carrières de gypse exploitées en
souterrain ou à ciel ouvert ont nécessité lapose des galeries sur
des pieux en béton de 1,5 m de diamètre (figure 3), espacés de 6
met descendus jusqu’au sol de la carrière. Sous l’Avenue
Ledru-Rollin, le boulevard deSébastopol et la Place de la Concorde,
la nappe a par ailleurs conduit à approfondir leprofil en long afin
de se placer à l’abri d’un horizon peu perméable.
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Figure 3. Fondations de la station des Buttes-Chaumont dans un
contexte de carrières de gypse.
A l’inverse, les travaux actuels du Grand Paris Express, se
situant à des profondeursbeaucoup plus importantes (comprises entre
15 et 55 m sous la surface du sol),favorisent l’emploi de
tunneliers (figure 4). Ils permettent également la traversée
deterrains beaucoup plus variés, pouvant renfermer une nappe, sur
des durées beaucoupplus courtes. Les 170 km de galeries nouvelles
du Grand Paris Express seront donc dansla majorité des cas réalisés
par des tunneliers à front confiné, de 9,83 m de diamètre pourles
tunnels à double voies. Dix tunneliers pour la seule ligne 15 Sud
(Vitry-sur-Seine /Noisy-Champs) seront ainsi employés. Les machines
sont conçues pour excaver lesterrains à une vitesse de l’ordre de
10 à 15 m/h, à l’aide d’une roue de coupe comportantquelques 30
molettes et 230 outils de mesure et capteurs. Au global, le
tunnelier et ses 4remorques composant le train suiveur,
représentent une masse de 1 450 tonnes pour unelongueur de 106
m.
Figure 4. Nomenclature des futurs tunneliers du Grand Paris
Express.
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4.Passage sous la Seine
La ligne 4 du métropolitain, construite en 1905, a été la
première à franchir la Seine, depart et d’autre de l’île de la
Cité. Les stations Cité et Saint-Michel sont donc constituéesde
trois caissons métalliques, mesurant 12,5 m de haut et 16,5 m de
large. Chaquestation mesure 118 m de long (avec un caisson
intermédiaire allongé de 66 m delongueur). Les caissons étaient
assemblés sur le quai des Tuileries (figure 5) et amenéspar
flottaison sur place.
Une fois disposés à l’aplomb de leur emplacement définitif, les
caissons sont immergésdans le lit du fleuve par remplissage d’eau.
Sous ces caissons, une chambre de travail estréalisée à l’air
comprimé par le biais de cheminées, afin d’empêcher les arrivées
d’eau,permettant aux ouvriers de creuser le sol pour faire
descendre progressivement lescaissons.
Figure 5. Réalisation des caissons pour le passage sous la Seine
de la ligne 4.
Ces travaux exceptionnels ont été réalisés de 1905 à 1909, les
ouvriers travaillant sousles eaux dans de l’air comprimé souffrant
de la surpression, et étant seulement reliés à lasurface par un
appareil ancêtre du téléphone. Pour des raisons de sécurité et de
bien-êtredes ouvriers, de tels procédés ont disparu de nos jours et
les passages sous la Seinesont réalisés au tunnelier, ou par
traitement des terrains afin de réduire leur perméabilité.
5.Congélation des sols
Comme si les travaux par immersion des caissons ne suffisaient
pas à complexifier laréalisation de la ligne 4, côté rive gauche de
la Seine, la ligne croise le RER C(anciennement ligne de chemin de
fer d’Orléans) sous 10 m de couverture. Celaempêche sur une
longueur de 60 m l’emploi des caissons foncés dans le sol. La
naturemeuble des sols et la présence d’eau a conduit le projet à
congeler le sol. Le principe dela congélation repose sur une
circulation d’une saumure descendue à -24°C, circulantdans 24 tubes
disposés en forme d’ellipse (sur le pourtour du gabarit du métro).
Cela
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permet de diminuer la température du sol jusqu’à congeler l’eau
interstitielle, voire ensurface la Seine dans le cas de la ligne 4
(figure 6). Il a fallu 40 jours afin de descendre àune température
permettant de l’excaver sans risque et bloquant les venues d’eau.
Lestravaux ont duré dix mois.
Figure 6. Congélation des sols pour le creusement de la ligne 4
(1905).
De telles techniques sont actuellement toujours utilisées et
même de plus en plus(prolongement ligne 12 phase 2 : figure 7, gare
de Vert-de-Maison ligne 15 Sud, etc.).Néanmoins, la technique a
aujourd’hui évolué afin de permettre dans la plupart des casune
congélation rapide des sols à l’azote (à -135°C) puis un retour à
la saumure ensuite.Les retours d’expérience montrent que
l’étanchéité des sols est assurée pour unetempérature inférieure à
-2°C et l’amélioration de leurs caractéristiques mécaniques
au-dessous de -10°C.
Figure 7. Congélation des sols pour le creusement de la ligne 12
(2017).
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6.Crues
La construction du métro de Paris a été frappée par la fameuse
crue de 1910 (ayantatteint une hauteur de 8,62 m au Pont
d’Austerlitz le 28 janvier 1910). Cette crue, souventqualifiée de
centennale, est le plus important débordement connu de la Seine
après celuidu 18 février 1658 (record de 8,81 m). Cette montée des
eaux a provoqué un arrêt dechantier de la construction du métro
pendant de nombreuses semaines. Néanmoins,malgré les importants
travaux réalisés jusqu’à nos jours pour limiter l’impact de
laremontée des cours d’eau, Paris n’est pas à l’abri de nouvelles
inondations, comme l’arécemment montré la crue du 03 juin 2016
(6,09 m au Pont d’Austerlitz). Cette dernièreest qualifiée de
trentennale en ce qui concerne son niveau mais serait plutôt de
naturedemi-millénaire compte tenu de son occurrence exceptionnelle
en été (figure 8).
Figure 8. Comparaison des niveaux de la Seine au Pont d’Arcole
en 1910 et 2016.
7.Incidents
Divers incidents ont eu lieu lors de la réalisation des
différentes lignes de métro. Deuxincidents géotechniques majeurs
sont néanmoins en mémoire : l’effondrement de la voûtedu tunnel du
prolongement Meteor (ligne 14, 2003) et le gonflement des sols dans
lesvoies de garage de la station Mairie d’Ivry (ligne 7, 1939).
Concernant ce deuxième cas, les voies de garage d’une longueur
de 510 m sontimplantées au Sud-Est de la station Mairie d’Ivry. Les
travaux de construction ont eu lieuen 1937. Le creusement s’est
effectué essentiellement dans l’Argile Plastique del’Yprésien. En
cours de réalisation, le tunnel réalisé par méthode traditionnelle
(excavation
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en attaque ponctuelle avec confortement par cintrage) a été
affectée par une successionde mouvements de terrain d’une ampleur
exceptionnelle qui ont entraîné unrapprochement des piédroits et un
soulèvement du radier. En 1938, les travaux se sontpoursuivis, mais
l’argile a commencé à envahir de plus en plus la galerie, rendant
de plusen plus difficile le passage des wagonnets d’évacuation des
terres. La réalisation dugénie civil s’est néanmoins achevée, mais
du 25 au 30 juillet 1939, le radier se brisaviolemment sous les
poussées verticales de l’argile (figure 9). Simultanément,
despoussées latérales firent basculer les piédroits et des éléments
constitutifs des piédroitsfurent projetés violemment de part et
d’autre. Devant la gravité des désordres, il futdécider
d’abandonner et de remblayer 237 mètres de souterrain au niveau de
la partieaccidentée. Cet incident a conduit les travaux futurs de
la station en elle-même à adopterune forme du radier voûtée plutôt
que plane. De nombreux bâtiments à proximité ontégalement vu leur
système de fondations fragilisé, et un certain nombre d’entre eux
ontdû être démolis.
Figure 9. Géométrie du tunnel des voies de garage après rupture
(ligne 7, Mairie d’Ivry, 1939).
L’autre incident, plus récent, concerne la rupture dans la nuit
du 14 au 15 février 2003de la voûte du tunnel en construction du
prolongement de la ligne 14. Il s’est concrétiséen la formation
d’un fontis dans une cour d’école maternelle, heureusement vide.
Lestravaux concernaient la réalisation en excavation en
traditionnel d’un hall de 14,5 md’ouverture sur 145 m de longueur.
Il a été conclu (Dubois et Rat, 2003) à unecombinaison de causes
ayant entraîné le sinistre (figure 10), avec en premier lieu
laprésence d’une dalle de Calcaire Grossier très fracturée et donc
de bien moindre qualitéque celle estimée, ainsi qu’un soutènement
associé insuffisant.
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Figure 10. Photographie du fontis au niveau de l’école
maternelle (ligne 14, 2003).
8. Conclusions
Le présent article a pour objectif de mettre en avant certaines
techniques de constructionpassées et actuelles, en montrant que,
pour la plupart d’entre elles, un siècle de travauxont permis non
pas de révolutionner les techniques, mais de les éprouver afin de
lesrendre plus fiables. C’est ainsi que le Grand Paris Express
bénéficie de l’emploisystématique de tunneliers à la place des
excavations réalisées exclusivement entraditionnel. Les méthodes de
traversées de cours d’eau par immersion de caissons etcreusement
sous pression d’air ont quant à elles disparues en raison de leur
complexitéet de la mise en danger des ouvriers.
Notons que l’exposition universelle de 1900, jalon ayant conduit
à la réalisation despremières lignes de métro parisien, a ouvert le
14 avril 1900, alors que la ligne A du métro(future ligne 1
actuelle) a été inaugurée le 19 juillet de la même année, soit avec
3 moisde retard. Il ne reste donc qu’à souhaiter que les travaux du
Grand Paris Express puissentrespecter les délais fixés pour
l’accueil des Jeux Olympiques de 2024. Ces délaisrelativement
restreints ne devront néanmoins en aucun cas faire oublier la
sécurité deschantiers, les retours d’expérience passés étant là
pour le rappeler.
9. Références bibliographiques
Jullien P. et al., (2017). Ligne 15 Sud Lancement des premiers
tunneliers, Travaux,Décembre 2017.
Dubois, P., Rat M., (2003). Effondrement sur le chantier «
Meteor ». Rapport de missionn°2003-0054-01 du Conseil Général des
Ponts et Chaussées du 04 avril 2003.
Lamming C. (2016). L’histoire du métro Parisien de 1900 à nos
jours, GeoHistoire.