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MS Marketing Management 2013-2013 1 Comment la France a-t-elle raté l’enjeu du « Big Data » ? 15 décembre 2013 Auteurs : Frédéric Decazy Emilie Freulon Younes Khedji Anne Letellier Emmanuel Revol
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Dec 07, 2014

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Anne LETELLIER

 
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Comment la France a-t-elle raté l’enjeu du « Big Data » ?

15 décembre 2013

Auteurs : Frédéric Decazy Emilie Freulon Younes Khedji Anne Letellier Emmanuel Revol

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EXECUTIVE SUMMARY

Le « Big Data » est un sujet tendance dont tout le monde parle. On ne compte plus les congrès,

séminaires, et autres réunions professionnelles qui lui ont été consacrés en 2013. Cette expression

désigne l’avalanche de données produites par les entreprises et les particuliers dans leur vie digitale :

du e-commerce aux multiples interactions sur les réseaux sociaux jusqu’aux objets connectés qui

capturent des données et les transmettent sur le web. Selon IBM, 90% des données stockées dans le

monde ont été produites au cours des seules deux dernières années.

Longtemps demeuré un sujet réservé aux professionnels avertis, le « Big Data » est arrivé avec fracas

sur la place publique à l’été 2013 au gré des révélations de l’affaire Snowden. Le raccourci était alors

rapidement établi dans l’esprit du grand public entre « Big Data » et « Big Brother », personnifié par

« l’ami américain » si curieux des données échangées sur les réseaux. Derrière les polémiques sur le

viol de données personnelles au motif d’une cybersécurité rendue indispensable par les menaces

pesant sur la nation américaine, on a vu rapidement apparaître l’avantage compétitif déterminant que

peut représenter cette pratique dans une autre guerre, économique cette fois-ci. Il est incontestable

que le « Big Data » est une source considérable de création de richesse, que ce soit pour

l’amélioration de bon nombre de processus et de services existants dans les entreprises, ou pour

l’émergence de nouveaux business models prometteurs. L’essor du « Big Data » cristallise la

puissance de quelques grandes entreprises, américaines tout particulièrement, venant rivaliser avec

les États sur certains de leurs domaines réservés (éducation, fiscalité…).

La France qui peinait à rattraper son retard sur les Etats-Unis en termes d’industrie informatique et

de bases de données dans les années 60 et 80 ; qui abordait les autoroutes de l’information dans les

années 80 et 90 par les usages qu’elles allaient permettre, tandis que les Américains s’intéressaient à

la compréhension et à l’utilisation des informations qu’elles allaient transmettre, cette France s’est

vue distancée de façon spectaculaire par les « GAFA » (Google, Amazon, Facebook, Apple et autres

Twitter) pour la récolte et la valorisation des données produites par les utilisateurs.

La France a-t-elle raté l’enjeu du « Big Data" ? Certainement si l’on considère la puissance des

« GAFA ». Certainement également si l’on considère la capacité des Etats-Unis à valoriser au plan

économique leurs gigantesques investissements en matière de cybersécurité. Pour autant, la valeur

du « Big Data » c’est aussi la capacité à valoriser les données et surtout à leurs donner du sens. La

France l’a, enfin !, bien compris et peut s’appuyer sur un réseau d’ingénieurs et d’entrepreneurs de

talents pour envisager de devenir la nation des start-up numériques en Europe à condition que soient

adressées énergiquement les problématiques de financement des jeunes entreprises, de fiscalité,

d’attractivité de la marque « France » et que les initiatives des pouvoirs publics aient de la persistance

au-delà des alternances politiques.

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EXECUTIVE SUMMARY

"Big Data" is a trendy subject that everyone is talking about. There are countless conferences,

seminars and other professional meetings which have been dedicated to it in 2013. This expression

refers to the avalanche of data produced by companies and individuals in their digital life: to the e-

commerce which multiple interactions on the social networks up to the connected objects which

capture data and transmit them on the Web. According to IBM, 90 % of the stored data in the world

were produced in the last two years.

For a long time remained a subject reserved for the informed professionals, "Big Data" has arrived

with crash in public in summer 2013 according to the revelations of the Snowden case. The shortcut

was quickly established in the public mind between "Big Data " and "Big Brother ", personified by

“the American friend” so curious about data exchanged over networks. Behind the debate on the rape

of personal data on the grounds that cybersecurity made essential by the threats pressing on the

American nation, we quickly saw appearing the decisive competitive advantage that can represent

this practice in another war, economic this time. It is indisputable that "Big Data" is a considerable

source of value creation, whether for the improvement of numbers of processes and existing services

in companies, or for the emergence of new promising business models. The rise of "Big Data"

crystallizes the power of a few major companies, especially American, coming to compete with states

on some of their reserved domains (education, tax system…).

France which was struggling to catch up on the United States in terms of IT industry and databases in

the 60s and 80s; which addressed the superhighways information in the 80s and 90s by the uses that

they would allow, whereas the Americans were interested in understanding and using the information

they would convey, this France saw itself outstripped in a spectacular way by the "GAFA" (Google,

Amazon, Facebook, Apple and others Twitter) for collecting and increasing the value of the data

produced by users.

Has France missed the challenge of “Big Data”? Certainly if we consider the power of the "GAFA".

And also if we consider the capacity of the United States to value, economically, their huge

investments in cybersecurity. However, the value of "Big Data" it is also the capacity to value the data

and especially to give them meaning. Finally, France has understood this stake and can rely on a

network of engineers and talented entrepreneurs to intend to become the nation of the digital start-

ups in Europe provided that some major issues are solved like the financing of the young companies,

the tax system, the brand attractiveness of France and that the initiatives of public authorities have

persistence beyond political turns.

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Table des matières

Introduction ............................................................................................................. 4

1. Qu'est-ce que le « Big Data »? ..................................................................................... 7

1.1 D’où viennent les données ? ............................................................................................................................... 7

1.2 Qu’est ce qui caractérise le « Big Data»? .......................................................................................................... 8

1.3 Un processus similaire à la transformation du pétrole brut .............................................................................9

1.3.1 Génération, récolte et acheminement des données ................................................................................. 10

1.3.2 Stockage des données ................................................................................................................................. 11

1.3.3 Raffinage et traitement des données ......................................................................................................... 12

2. Le potentiel et les défis du « Big Data » .................................................................... 12

2.1 Un nouveau levier de compétitivité stratégique pour les entreprises ............................................................ 12

2.1. 1 Améliorer et diversifier les services .......................................................................................................... 13

2.1.2. Le « Big Data » marketing ........................................................................................................................ 15

2.1.3 De nouveaux enjeux de sécurité ............................................................................................................... 16

2.2 Une opportunité pour améliorer l’efficacité des Etats ........................................................................................ 17

2.3 L’enjeu de la cybersécurité et de la défense .................................................................................................... 19

2.4 De "Big data" à "Big Brother" ? ...................................................................................................................... 20

3. L'échec de l'ambition informatique de la France ................................................................. 21

3.1 Le système Mars: les prémices d’un “Big Data” à la française ? ................................................................... 22

3.1.1 La Copep .................................................................................................................................................... 22

3.1.2 Le système Mars ....................................................................................................................................... 24

3.1.3 Les forces opposées au système Mars : entreprises, administrations, Insee et pouvoirs politiques ....25

3.2 Le Plan calcul .................................................................................................................................................. 26

3.2.1 La genèse du plan calcul ........................................................................................................................... 26

3.2.2 L'échec de la tentative européenne .......................................................................................................... 27

3.2.3 L'après Plan Calcul .................................................................................................................................... 31

3.2.4 La vision américainne des autoroutes de l’information et de l’enjeu de puissance ............................. 32

3.3 Du Commissariat Général au Plan au Centre d'Analyse Stratégique .......................................................... 33

4. La France peut-elle devenir un pôle d’expertise du "Big Data" ? ......................................... 34

4.1 De nouvelles ambitions politiques en France et en Europe ......................................................................... 34

4.1.1 Les pôles de compétitivité, les investissements d'avenir et les appels à projets .................................. 36

4.1.2 Le Commissariat Général à la Stratégie et à la Prospective ................................................................... 36

4.1.3 Ouverture des marchés européens contre protectionnisme américain ................................................. 37

4.2 Des atouts non négligables ........................................................................................................................... 39

4.2.1 La qualité des ingénieurs français ........................................................................................................... 39

4.2.2 Le dynamisme des start-up françaises ................................................................................................... 40

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4.3 Comment faire de la France la nation des start-up numériques en Europe ? ............................................ 43

4.3.1 Favoriser le financement ......................................................................................................................... 43

4.3.2 Façonner un cadre juridique propre à l’innovation ..............................................................................45

4.3.3 La fiscalité 3.0 ......................................................................................................................................... 48

Conclusion ............................................................................................................................................................... 49

Remerciements ...................................................................................................................................................... 50

Bibliographie............................................................................................................................................................ 51

Glossaire des abréviations ................................................................................................................................... 53

Liste des tableaux et illustrations ......................................................................................................................54

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INTRODUCTION

Le « Big Data » est un sujet tendance dont tout le monde parle. On ne compte plus les congrès,

séminaires, et autres réunions professionnelles qui lui ont été consacrés en 2013.

Après avoir défini ce que recouvre le terme « Big Data », nous parcourrons un certain nombre

d’exemples pour montrer la fabuleuse création de valeur que cela représente, tant dans l’amélioration

considérable de processus et services existants dans les domaines marchands et non marchands, que

dans l’émergence de nouveaux services et business models prometteurs. Nous mettrons ainsi en

lumière les enjeux de puissance que recouvre « Big data ».

Après avoir fait le constat de la suprématie écrasante de quelques entreprises américaines, connues

sous l’acronyme « GAFA » (Google, Amazon, Facebook, Apple et autres Twitter), sur certains

maillons de la chaîne de valeur, nous ferons un détour par l’histoire de l’informatique en France au

cours de la deuxième moitié du 20ème siècle, puis nous tenterons de dater la prise de conscience, bien

récente, des enjeux du « Big Data » par les pouvoirs publics français. Enfin nous identifierons les

leviers d’actions qui pourraient permettre à la France de revenir dans la compétition, tout au moins,

sur certains domaines de la chaîne de valeur.

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1. Qu’est-ce que le « Big Data »

Les « Big Data »1, littéralement « les grosses données », est une expression anglophone utilisée pour

désigner des ensembles de données qui deviennent tellement volumineux qu'il est très difficile

d’arriver à travailler avec des outils classiques de gestion de base de données ou de gestion de

l'information.

L’unité de référence de la donnée numérique est le bit (byte), 8 bits correspondant à 1 octet. La figure

n°1 ci-dessous, extraite du magazine international du CNRS, permet d’apprécier les différents ordres

de grandeur des données numériques. Le CNRS estime l’univers digital mondial en 2012 autour de

2,7 zettabytes, l’estimation donnée pour 2020 est de l’ordre de 35 zettabytes. C’est une croissance

exponentielle avec un volume qui double chaque année. Selon IBM, près de 90% des données dans le

monde ont été créées au cours des deux dernières années2…Un véritable déluge de données incessant.

Fig n°1 : Echelle comparative de mesure des données numériques3

1.1 D’où viennent les données ?

La notion de « Big Data » fait référence à la donnée numérique que chacun d’entre nous produit tant

dans un cadre professionnel que personnel via l’utilisation d’internet, de systèmes RFID, de mobile

ou de machines connectées. Chaque jour, 2,5 trillions d'octets de données sont ainsi générés dans le

monde : les entreprises, les services publics, les citoyens sont tous créateurs/producteurs de données

numériques et les champs des applications sont vastes.

On peut citer de nombreux exemples : l’utilisation d’un smartphone, le recours au cloud à titre

personnel ou professionnel, l’utilisation des réseaux sociaux, la mise en ligne de vidéos et de photos

1 Brasseur C. (2013), Enjeux et usages du big data. Technologies, méthodes et mises en oeuvre, Paris, Lavoisier, p. 30. 2 http://www-01.ibm.com/software/data/bigdata/what-is-big-data.html 3 Schémas extrait du magazine trimestriel du CNRS Janvier 2013, BIG DATA REVOLUTION - p.22

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numériques. A chaque minute, en moyenne, 350 000 tweets et quinze millions de SMS sont envoyés

au niveau mondial. Twitter génère à l’heure actuelle 7 teraoctets de données chaque jour et Facebook

10 teraoctets. On peut également citer : l’activation du GPS ou d’applications faisant appel à

l’utilisation de solution GPS ou encore les données commerciales (au travers de l’historique des

transactions monétaires d’une entreprise). L’astronomie, la physique, la subatomique, la

climatologie, la génomique sont autant de domaines scientifiques qui génèrent de colossaux volumes

de données numériques. Les dossiers médicaux de chacun d’entre nous sont aujourd’hui numérisés

sans oublier l’ensemble données publiques (impôts, papiers d’identité,…). La liste semble infinie.

1.2 Qu’est ce qui caractérise le « Big Data » ?

La génération de données numériques existe déjà depuis plusieurs décennies, alors pourquoi les

données sont-elles désormais labellisées « Big Data » ? Qu’est ce qui caractérise spécifiquement

ces données ? La définition structurelle du Big Data trouve son origine dans un rapport de Meta

Group du 6 février 20014. Un ensemble de données numériques est considéré comme du « Big Data »

dès lors que 3 conditions, les « 3V », sont réunies :

- Le Volume : la masse de données est conséquente (de l’ordre du téra-, du péta-, voire de l’exa-

octet) ;

- La Variété : les données sont de natures très variées (photos, vidéos, logs, mails, tweets,…) ;

- La Vélocité : la vitesse de traitement des données est accélérée pouvant même aller jusqu’au temps

réel. Il est même possible de ne plus stocker les informations, mais de les analyser en

flux (streaming).

Fig n°2 : Les « 3V » du Big Data5

4 Meta Group Doug Laney (6 février 2001) Application Delivery Strategies File 949 5 Schéma extrait de l’étude du cabinet Gartner “Big Data' Is Only the Beginning of Extreme Information Management”, 07 April 2011

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Un quatrième « V » fait son apparition dans les débats relatifs au « Big Data » : « La Valeur ». 6

Selon Mouloud Dey, directeur des solutions émergentes chez SAS France7, l’enjeu actuel du

« Big Data », c’est le passage de la donnée brute à la donnée valorisée. Ce changement d’état renvoie

aux définitions statistiques des données. Toute variable contient une part d’information exploitable et

une part inexploitable appelée bruit. Toute variable est dite non structurée et le devient dès lors que

la part d’information est isolée. Le « Big Data », c’est donc aussi un ensemble de nouvelles

technologies et méthodes d’analyse qui permettent de traiter et transformer rapidement d’énormes

volumes de données non structurées.

1.3 Un processus similaire à la transformation du pétrole brut

Pour Stéphane Grumbach, Directeur de recherche à l'Inria, ancien conseiller scientifique à

l’ambassade de France en Chine, le « Big Data » est le nouvel or noir du siècle.

En effet, lorsque les « 4 V » sont mis bout à bout, le processus de traitement et de transformation en

valeur ajoutée des ensembles « Big Data » est similaire à celui du pétrole brut.

La chaîne de valeur est la suivante:

1. Génération des données ;

2. Récolte ;

3. Stockage (centre de données,…) ;

4. Raffinage (isolement de la partie informative des datas, transformation en données

structurées) ;

5. Valorisation (intelligence logicielle – mise en forme des données structurées et la restitution).

Fig n°3: Data, raw material of the 21 st century 8

6 A ces quatre « V » s’ajoute souvent un cinquième, « La Véracité » qui fait référence à la qualité des données. 7 SAS est une entreprise française spécialisée dans les solutions de Business Analytics. 8 Présentation de Stéphane Grumbach - Directeur de recherche at INRIA et ancien conseiller à l’ambassade de France en Chine - Seminar for the Council of the European Union

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La création de données de nos jours consiste donc à gérer un déluge de données non structurées qu’il

convient d’extraire, d’acheminer, de stocker, de raffiner afin d’obtenir et d’utiliser une nouvelle

information. Chacune des phases est donc importante.

1.3.1 Génération, récolte et acheminement des données

Le développement des réseaux cuivrés, fibrés, 4G voire 5G permet de répondre à la demande sans

cesse croissante de bande passante pour générer de la donnée. Dans ce domaine, la suprématie des

USA dans le monde est indéniable avec ses acteurs tels Facebook, Google, Microsoft, Amazon, et

Twitter. Mais certains pays restent hermétiques à l’intrusion de ces outils américains sur leur sol :

la Chine a créé son propre environnement spécifique tout comme l’Iran.

L’omniprésence du moteur de recherche de Google dans le monde est sans commune mesure. Depuis

1998, sa popularité accroît sa position monopolistique ; il capte pratiquement toutes les demandes.

Il y a quelques exceptions : en Russie, le premier moteur de recherche privé, c’est Yandex (avec un

peu plus de 60% du marché), derrière, il y a bien entendu Google mais le pays de Vladimir Poutine

aimerait également se doter un moteur national baptisé Spoutnik. En Chine, Baidu représente 5,4 %

des recherches mensuelles mondiales, mais représente 73 % du marché chinois en 2011 (450 millions

d'internautes). En France, le moteur de recherche Exalead lancé en juin 2010 ne parvient pas à

concurrencer Google.

Il faut dire que, dans sa logique de récolte de cette matière première, Google se propose de stocker

gratuitement les données en proposant aux acteurs de s’affranchir des coûts d’investissements.

L’entreprise américaine s’est constituée ainsi un monopole de la donnée lui permettant toute liberté

dans la fixation des conditions économiques d’accès aux données.

Le tableau ci-après montre le poids des moteurs de recherche dans plusieurs pays :

Pays Moteur de recherche principal Moteur de recherche secondaire

USA Google 65% Bing 33% / Yahoo 32%

Chine Baidu 73% Google 16%

Russie Yandex 60% Google 25%

UK Google 91% Bing 5%

France Google 92% Bing 3%

Fig n°4 : Poids des moteurs de recherche9

9 www.search-engine-feng-shui.com – blog spécialisé dans le Search Engine Optimisation

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Le constat est le même lorsque l’on s’intéresse aux réseaux sociaux dans le monde : là encore

Facebook, entreprise américaine, récolte l’ensemble de la matière première. Tous les 6 mois Vincenzo

Cosenza (Social Media Strategist Blogmeter10) compare l’importance des réseaux sociaux dans le

monde.

Fig n°5 : The World Map of Social Networks

A elles deux, Google et Facebook ont la main mise sur plus des 2/3 de la récolte et du stockage des

données. Cela signifie que plus des 2/3 de l’information mondiale transitent par leurs infrastructures.

1.3.2 Stockage des données

Les capacités de stockage et le mode de stockage sont deux points en constante évolution.

Les « Data Centers » (centres d’hébergement des données) sont de plus en plus nombreux et

régulièrement mis à jour pour absorber plus d’espace de stockage. Ils fonctionnent à l’électricité

24h/7j et sont placés dans des régions froides du globe car ils sont énergivores et le froid offre un

moyen de réguler la température des centres sans avoir recours à des climatiseurs eux-mêmes

consommateurs d’électricité.

Fig n°6 : Evolutions des capacités de stockage mondiales11

10 http://www.blogmeter.it/ 11 Le monde -Mardi 8 janvier 2013 – Les données, puissance du futur – Stéphane Grumbach, Stéphane Frénot

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L’enjeu sur le stockage est de trouver la manière avec laquelle les données protéiformes vont être

encodées de sorte que plusieurs décennies plus tard, elles puissent être réutilisées sans perte

d’informations et de contenus. En France, le pionnier de l’archivage est le CNES (Centre National

d’études spatiales)12.

1.3.3 Raffinage et traitement des données

La difficulté du traitement réside dans le fait d’analyser un ensemble de données d’une diversité

extrême. La quantité de données à traiter nécessite de nouveaux modes d’analyse car un ensemble

peut-être traité soit dans son intégralité dans un seul et même serveur (solution très onéreuse), soit

en utilisant plusieurs serveurs. De nouveaux logiciels, capables de traiter de gigantesques volumes de

données structurées et non structurées, ont donc vu le jour.

Google s’est lancé dans le traitement en 2004 avec la programmation de Map Reduce avant de lancer

BigTable. A présent, la société Apache a développé un code source en libre accès appelé Open data ce

qui a permis l’apparition de nouveaux entrants : Amazon (Dynamo, S3), Yahoo! (Hadoop, S4),

Facebook (Cassandra, Hive), Twitter (Storm, FlockDB), LinkedIn (Kafka, SenseiDB, Voldemort),

LiveJournal (Memcached), etc.

Aujourd’hui le nouvel enjeu, c’est donc le traitement analytique de la donnée car la transformation

des ensembles de données en outils business et décisionnels, par ou pour les entreprises et les États,

offre d’innombrables possibilités.

2. Le potentiel et les défis du « Big Data »

Comme nous venons de le voir dans la première partie de rapport, le nombre de données ne cesse de

croître et les outils qui permettent de les analyser se perfectionnent. Google Analytics propose par

exemple aux entreprises d’améliorer la conception de leur site internet par l’analyse des visites des

internautes. La révolution « Big Data » est en marche et a un impact sur des domaines très variés : le

marketing et le commerce, les transports, la sécurité, les sciences et la santé ou encore la culture et

l’éducation,….Cette situation offre de nouvelles possibilités pour les États comme pour les entreprises

mais elle crée aussi de nouveaux besoins et donc de nouveaux risques.

2.1 Un nouveau levier de compétitivité stratégique pour les entreprises

En tirant parti du « Big Data », les entreprises peuvent renforcer leur efficacité opérationnelle

(gestion des stocks, amélioration des circuits de distribution,…), réduire leurs coûts d'infrastructure

informatique et de gestion des données mais surtout proposer de nouveaux services et mieux gérer le

12 http://www.cnes.fr/web/CNES-fr/6919-cnes-tout-sur-l-espace.php

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marketing et la relation client…Une aubaine en période de crise et de concurrence accrue et

mondialisée.

Fig n°7: Big Data can generate significant financial value across sectors13

2.1. 1 Améliorer et diversifier les services

Dans son étude « Big Data, the next frontier for innovation, competition and productivity » publiée

en 2011, le cabinet McKinsey&Company considère que les secteurs du numérique, l’immobilier et les

systèmes de santé sont les secteurs privés qui ont le plus à gagner avec le « Big Data » :

13 McKinsey Global Institute analysis

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Fig n°8: Some sectors are positioned for greater gains from the use of big data

Dans le domaine de la santé, il est possible de mieux prévenir certaines maladies ou épidémies et

ainsi d’améliorer le traitement des patients. En analysant les recherches des internautes sur Google,

une équipe médicale est parvenue à détecter plus rapidement l’arrivée des épidémies de grippe14 et à

mettre en place un modèle prédictif de propagation de l’épidémie, quasi en temps réel. Au Canada, en

analysant en temps réel les informations sur l’état de santé de bébés prématurés avec un logiciel

d’aide au diagnostic, des infections ont pu être détectées vingt-quatre heures avant la manifestation

de symptômes visibles15. Les équipes médicales ont désormais des données sur nos habitudes de vie,

nos comportements et peuvent les mettre en relation pour en tirer une analyse précise des risques

potentiels auxquels nous sommes exposés.

La recherche médicale est aussi concernée : le projet BrainSCANR (Brain Systems, Connections,

Associations, and Network Relationships) qui a été initié par deux chercheurs de l'Université de San

Francisco, a abouti (grâce à la création d’une base de 3,5 millions de résumés d'articles scientifiques)

à la fabrication d’un logiciel qui fait automatiquement un lien entre une partie du cerveau

et une maladie. L’apparition d’un lien entre "migraine" et "stratium"16 a ainsi été mis à jour et a

permis de lancer de nouvelles recherches sur le traitement de la migraine.

Dans le domaine des transports, les entreprises peuvent proposer de nouvelles solutions innovantes

pour la gestion du trafic mais aussi pour la gestion des risques propres par exemple au transport

aérien (organismes de maintenance, surveillance des aéroports…). La société française Safety Line17

14 Ginsberg J. et al. ( 2009), “Detecting influenza epidemics using search engine query data”, Nature, n° 457, p. 1012-1014 15 Mayer-Schönberger V. et Cukier K. (2013), Big Data. A Revolution That Will Transform How We Live, Work, and Think, Boston, New York, Eamon Dolan, Houghton Mifflin Harcourt, p. 60 16 En neuroanatomie, le striatum est une structure nerveuse subcorticale (sous le cortex). (http://fr.wikipedia.org/wiki/Striatum) 17 http://www.safety-line.fr/index.php/fr/

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modélise les risques à partir des données de vol pour fournir des indicateurs de sécurité quantitatifs

et objectifs grâce à son équipe de chercheurs en mathématiques et d’experts en sécurité aérienne.

Autre exemple, la société Green Bureau18 propose une solution totalement intégrée pour la gestion

des factures et du budget pour le grand public. En proposant une numérisation, une indexation et un

stockage facilité de tous les documents, l’utilisateur peut aller vers une gestion numérique de ses

papiers en bénéficiant d’une palette de services tels que le pointage de relevé bancaire, l’analyse du

budget, avec un unique identifiant.

Le « Big data » représente donc un véritable enjeu économique car il permet d’adapter des services

existants et d’en développer de nouveaux qui offrent des débouchés supplémentaires aux entreprises

en temps de crise. L’enjeu est de taille, d’où l’importance des investissements réalisés par le secteur

privé dans le monde. Selon une enquête internationale réalisée en 2012-2013 auprès de 1 217

entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard USD (759,6 millions d’Euros), 643

entreprises ont eu une stratégie « Big Data » en 2012 ; parmi celles-ci, 7 % ont investi au moins 500

millions USD (379,8 millions d’Euros) et 15 % au moins 100 millions (75,9 millions d’Euros)19.

2.1.2. Le « Big Data » marketing

L’autre révolution du « Big Data », c’est que désormais les entreprises peuvent mieux écouter les

consommateurs, mieux comprendre leurs comportements et s’adapter à leurs attentes…. Internet

et le digital ont ouvert le champ d'expression des consommateurs et leur ont donné un rôle plus

important via les réseaux sociaux.

Aujourd’hui, les entreprises qui sont capables d’utiliser et d’analyser les données ont un véritable

avantage concurrentiel pour:

- pousser des offres et des tarifs en fonction du client et des points de ventes (boutiques, web,…),

- adapter la distribution à des comportements de plus en plus infidèles et volatiles,

- optimiser les investissements en fonction de la segmentation clients,

- personnaliser la relation et les actions clients.

La distribution est en pointe dans ce domaine : Amazon a été un pionnier avec son moteur de

recommandations qui lui permet de tirer profit des millions de recherches de ses clients. Au

Royaume-Uni, le géant de la distribution Tesco, avec ses 16 millions de clients en possession de sa

carte de fidélité, s'est mis très tôt à utiliser les historiques d'achat et à croiser les données notamment

avec la météo pour cibler les promotions et ajuster ses têtes de gondole. Une hausse de 10 degrés et il

18 https://greenbureau.fr/ 19 Tata Consultancy Service (2013), The Emerging Big Returns on Big Data. A TCS 2013 Global Trend Study. http://www.lesechos-conferences.fr/data/classes/produit_partenaire/fichier_5183_540.pdf.

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augmente de 300 % la quantité de viande de barbecue mise en vente ou plutôt les rayons de

sandwiches en centre-ville.

Dans le domaine du sport, on peut citer l’exemple de l’équipe de baseball des Giants de San

Francisco, championne de la ligue nationale, qui a mis en place une tarification dynamique

permettant de modifier le prix des billets en fonction de la demande, et ce, jusqu'à la dernière minute.

L'idée étant d'adapter les tarifs à la demande pour éviter la mévente et mieux exploiter les

phénomènes d'enchères (qui profitent plutôt au marché noir). Cette tarification dynamique a permis

une augmentation du chiffre d'affaires du club de 6 % en 201020.

Ces exemples démontrent que l’analyse des flux de d’information ne peut pas se faire sans le recours à

des algorithmes puissants et complexes. Tout l’enjeu réside donc dans la capacité des entreprises à

analyser et extraire la partie informative des données pour ajuster leur politique commerciale. Les

entreprises qui auront recours à ces technologies se verront attribuer des positions dominantes sur

les marchés.

2.1.3 De nouveaux enjeux de sécurité

L’enjeu du « Big Data » est important pour les entreprises mais la possibilité d’accéder, d’utiliser et

de conserver des données stratégiques pose aussi un enjeu de sécurité qui concerne :

- La confidentialité des données ;

- L’identification, la localisation et la classification des données les plus sensibles ;

- La mise en place de modèles d’accès sécurisés tant pour les données que pour les analyses.

L’évolution des problématiques liées au stockage des données illustre bien les évolutions auxquelles

les entreprises doivent s’adapter. Le stockage de données s’est longtemps fait de manière « passive »,

sauvegarder ces données numériques sur un support de stockage est devenue une chose banale.

Cependant, la question de la durée de vie des modes de stockage revient sur le devant de la scène y

compris pour les technologies de pointe comme par exemple le stockage sur verre qui ne supporte

pas le vieillissement. Désormais, les chercheurs envisagent une autre solution des plus originales :

utiliser l’ADN21 pour stocker des données (en théorie, quelques grammes d'ADN pourraient contenir

pendant des milliers d'années les informations contenues dans plusieurs milliers de gros disques).

Mais en attendant de pouvoir enregistrer des données sur un corps humain et ainsi transférer des

Teraoctets de données de manière sécurisée, le stockage doit être fait de façon « active » : il faut

documenter les données numériques comme tout bon archiviste, les protéger du temps et des

attaques et conserver les logiciels qui permettent de les lire. Le cloud sensé résoudre cette situation

20 “Data Analysis Is Creating New Business Opportunities” MIT review By Lee Gomes on May 2, 2011 21 http://www.lefigaro.fr/sciences/2013/01/25/01008-20130125ARTFIG00639-l-adn-disque-dur-du-futur.php

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pose lui aussi de nouveaux problèmes car le propriétaire des données en perd le contrôle et doit donc

avoir entièrement confiance dans le prestataire qui lui garantit en principe le respect de la

confidentialité et la pérennité des données stockées. La question du stockage se pose aussi pour les

États, d’où le développement de supercalculateurs. Dans ce domaine, la Chine avec Le Tianhe-2 fait

la course en tête et dépasse les capacités de Titan, le supercalculateur du département de l'énergie

américain. En France, on trouve ce type de machines dans les centres nationaux de calculs

universitaire tels que l’IDRIS mais aussi dans certaines grandes entreprises (Total, EDF ou encore

Météo-France).

Selon une étude publiée en 2013 par le cabinet PwC, les cyberattaques sont plus redoutées par les

dirigeants d’entreprises que l’éclatement de la zone Euro ou les catastrophes naturelles22. En 2012,

27% des dirigeants interrogés en France affirment avoir connu plus de 10 incidents de sécurité l’an

passé, contre 21% en 2011. Cette enquête révèle également la difficulté des entreprises à gérer

l’utilisation de leurs données. Si 80% des directeurs de sécurité interrogés affirment que la protection

des données de leurs clients et de leurs salariés est un enjeu important, ils ne sont que 23% en France

à savoir exactement où les données personnelles de leurs clients et collaborateurs sont collectées,

transmises et stockées. Ce décalage est d’autant plus risqué que 73% des consommateurs interrogés

affirment être prêts à partager des informations personnelles avec des entreprises mais 87%

souhaitent contrôler la quantité d’information partagée.

Les entreprises françaises doivent donc réfléchir rapidement aux moyens de protéger leurs données

et leurs analyses de la concurrence et du piratage.

2.2 Une opportunité pour améliorer l’efficacité des Etats

Le « Big Data » est aussi un enjeu pour le secteur public et en particulier pour l’administration et les

domaines qui relèvent, en France, de l’État (éducation, sécurité, justice, culture…).

Par exemple, le développement de l’éducation en ligne permet de mettre en place un suivi en

profondeur de l’élève et d’analyser ses activités d'apprentissage. Les chercheurs peuvent ainsi

déterminer la façon dont les élèves apprennent et les approches qui peuvent être utilisées pour

améliorer l'apprentissage au sein des établissements scolaires.

L’État peut également améliorer la politique de l’emploi et aider les demandeurs car on peut

désormais, en combinant l’analyse des qualifications des individus et les offres d’emplois, identifier

les formations pertinentes, anticiper les reconversions et adapter la recherche aux besoins du marché.

En matière de sécurité, la police et l’université de Memphis ont développé un programme

(Blue Crush), maintenant utilisé par de nombreuses villes, qui permet d’identifier les zones

22 Etude mondiale de PwC sur la sécurité de l’information et la protection des données 15ème édition

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18

et les heures où des délits sont le plus à même d’avoir lieu, afin d’optimiser l’affectation des services23.

Le programme aurait permis de faire baisser de 19 % le taux de criminalité sur 4 ans.

Les gouvernements peuvent également tirer profit de l'analyse de données volumineuses afin de

s'attaquer à la fraude fiscale maintenant qu'une nouvelle génération de serveurs informatiques,

particulièrement puissants, peut réaliser, en quelques heures à peine des calculs qui, il y a deux ou

trois ans, prenaient plusieurs jours. Selon Jim Goodnight, président de SAS, une société américaine

spécialisée en analytique d'affaires : «Des ministères peuvent ainsi traiter le dossier de 15 millions de

personnes en 20 minutes, alors qu'avant, ça pouvait prendre deux semaines. Ils peuvent ainsi

identifier des cas de fraude fiscale ou d'assurance-emploi»24.

On peut aussi désormais mobiliser plus facilement les citoyens : en France, la mairie de Toulouse a

demandé en 2013 à la société Apicube d’analyser 1,6 million de documents (tweet, Facebook, blogs,

forums, etc.) pour mieux connaître les sujets de préoccupation des habitants25.

Les politiques ont d’ailleurs bien compris les avantages du « Big Data », après tout si les analyses de

données peuvent avoir un impact sur la prise de décision des consommateurs, c’est aussi le cas pour

les électeurs. La dernière élection présidentielle américaine a été surnommée "l'élection Big Data",

Dan Wagner, le Chief Analytics Officer de Barack Obama en 2012 a reconnu avoir utilisé le « Big

Data » pour cibler au mieux les électeurs potentiels et décrocher, vote après vote, la réélection du

président. Par ailleurs, « l’autre gagnant de la présidentielle américaine”26, fut Nate Silver, un

statisticien qui s’était illustré en 2008 en prédisant avec exactitude des résultats dans 49 des 50 Etats

américains lors de l’élection présidentielle. Idem en 2012, Nate Silver voit à nouveau juste pour les

scrutins des cinquante Etats, allant même jusqu'à avancer que les scores en Floride seraient

particulièrement serrés.

Enfin le « Big Data » facilite également l’accès à la culture. Le ministère français de la Culture

et de la Communication met à disposition des citoyens via un portail data.gouv.fr différents types

de données telles la liste des établissements publics culturels géolocalisés, les données de la

médiathèque de l'architecture et du patrimoine,… De nombreuses villes et régions ont commencé à

faire de même avec pour objectif de croiser des données avec les centres d’intérêt d’individus ou de

communautés pour développer de nouveaux services et usages et faciliter la promotion et l’accès à la

culture.

Des bibliothèques numériques ont aussi vu le jour comme celle de Lyon, plus de 100 000 ouvrages,

enluminures, journaux et photos sont consultables gratuitement en ligne sur Numelyo. Mais là

encore les opportunités qu’offre le « Big Data » s’accompagnent de nouveaux enjeux car si Google

23 35. http://www.memphispolice.org/blue%20crush.htm et ftp://ftp.software.ibm.com/common/ssi/ecm/fr/imc14541frfr/IMC14541FRFR.PDF 24 Voir le rapport de Yiu C. « the big data opportunity making government faster smarter and more personal” 2012- policyexchange.org.uk 25 http://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-la-mairie-de-toulouse-analyse-son-empreinte-sociale-avec-ibm-et-apicube-53065.html 26 Post publié sur Big Browser, un blog tenu par les journalistes du Monde.fr. le 9 novembre 2012

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a proposé aux bibliothèques qui n’en n’ont pas les moyens d’assurer la numérisation de leurs

collections en quelques années, l’entreprise n’a pas hésité à demander en échange une exclusivité

commerciale de 25 ans et la propriété des fichiers, ni à numériser des ouvrages encore sous droits

et donc sont soumis au respect des règles de droits d'auteur, à l'autorisation de reproduction et au

versement de royalties liées à l'exploitation de ces œuvres.

2.3 L’enjeu de la cybersécurité et de la défense

Pour un État, la question du « Big data » en matière de défense et de cybersécurité recouvre deux

types de préoccupations. La première porte sur l’utilisation des données afin d’assurer la défense

d’un pays. Lors des attentats du Marathon de Boston qui ont tué trois personnes en 2013 et en ont

blessé 264 autres, le FBI a analysé des milliers d’appels de téléphones portables, de messages, de

données des médias sociaux, de photographies et de séquences vidéosurveillance pour repérer

rapidement les suspects et éviter une nouvelle attaque. Un logiciel de reconnaissance faciale a même

été utilisé pour comparer les visages sur les photos et la vidéo avec les visas, passeports, permis de

conduire et autres bases de données.

La seconde préoccupation concerne la protection des informations sensibles (militaires,

économiques,..) car les États doivent faire face à un nombre croissant d’attaques contre leurs réseaux

informatiques. Ces menaces sont devenues protéiformes : « hacktivistes » d’Anonymous, virus de

plus en plus évolués et destructeurs, piratages et aspirations de données sensibles, révélations aux

grand public de programmes secrets … En 2009, le Wall Street Journal révélait que des hackers

avaient pénétré dans les réseaux protégés de l'administration américaine et avaient réussi à dérober

des centaines de téraoctets d'informations ultra-confidentielles portant sur le chasseur américain F-

35. En France, début 2011, plus de 150 ordinateurs du ministère de l'Économie ont été piratés et des

documents confidentiels concernant le G20 dérobés. Quelques mois plus tard, le groupe nucléaire

Areva a découvert une opération de cyber espionnage massive qui durait depuis deux ans et lui a fait

perdre plusieurs contrats.

Pour lutter contre la fuite d’informations confidentielles, la meilleure solution consisterait à

automatiser le travail notamment en matière de renseignement. Le directeur de la NSA, Keith

Alexander a déclaré lors d'une conférence à New York sur la cybersécurité qu’il allait réduire les

administrateurs systèmes de l’Agence d'environ 90%. En automatisant l'essentiel du travail effectué

pour l'instant par des employés et des consultants extérieurs, les réseaux de la NSA seraient alors

"plus faciles à défendre et plus sûrs".

Les États sont désormais au pied du mur et cherchent de nouveaux moyens pour se protéger. Dans

son rapport au Sénat en 2012, Jean-Marie Bockel évoque un « enjeu majeur de sécurité nationale »

dont la prise en compte réelle n’a commencé en France qu’avec le Livre Blanc de la Défense, publié en

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2008. Ce dernier a donné naissance au « Conseil de défense et de sécurité nationale ». Jean -Marie

Bockel préconise une coopération d’abord entre la France et l’Allemagne puis dans toute l’Europe

pour lutter contre les attaques. On note que l'article 13 du projet de la future Loi de programmation

militaire permettra aux services de renseignement des ministères de la défense, de l'intérieur, de

l'économie et du ministère en charge du budget d'accéder aux données conservées par les opérateurs

de communications électroniques, les fournisseurs d'accès à Internet et les hébergeurs.

Concrètement, la réquisition de données de connexion dans un cadre d'enquête administrative

pourra être effectuée pour la recherche de renseignements intéressant la sécurité nationale, la

sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, la

prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées. Selon Manuel Valls,

Ministre de l’Intérieur « Il faut être lucide : pour protéger leur population, tous les États ont besoin

d’accéder à certaines communications électroniques, aussi bien en matière de renseignement que de

poursuites judiciaires. L’accès aux données doit s’opérer par ciblage des individus ou groupes qui

présentent une menace réelle »27 mais « l’exploitation des métadonnées ou des contenus n’est

légitime que si elle se rapporte à des finalités de sécurité bien circonscrites : lutte contre le terrorisme

et la criminalité organisée ou encore protection des intérêts fondamentaux des États ».

Le « Big Data » est donc un véritable enjeu de défense mais il soulève de nombreuses questions pour

savoir jusqu’où les États peuvent aller comme le démontre le récent scandale “Prism” sur la

transmission de données d’utilisateurs d’internet à des fins de surveillance entre des entreprises

anglo-saxonnes (Google, Yahoo !, Microsoft, You Tube, Skype,…) et les services de renseignements

américains (NSA). En France, on peut noter que le gouvernement français n’a pas jugé utile de

consulter la CNIL sur le fameux article 13 du projet de Loi de programmation militaire.28

2.4 De “Big Data” à “Big Brother”?

La révolution du « Big Data » constitue a priori une formidable opportunité. Pourtant les fabuleux

progrès de cette révolution vont de pair avec de nouveaux risques majeurs : manipulation des

données, intrusions et atteintes à la vie privée, prise de contrôle par des monopoles ou oligopoles

privés, (Apple, Google, Facebook, Amazon...). L’enjeu est donc d’arriver à trouver un équilibre entre

les opportunités économiques et commerciales et le respect de la vie privée. Cependant, c’est cette

recherche d’équilibre qui explique en partie le « retard » pris par certains pays et leurs entreprises

nationales dans l’investissement et l’exploitation du « Big Data ».

En France, à la différence des Etats-Unis, la CNIL impose une anonymisation des données

personnelles et l’usage de ces données est réglementé par la loi “Informatique et Libertés » selon

27 Interview de Thibaut De Jaegher - Publié le lundi 8 juillet 2013 publié sur le site de l’Usine Nouvelle 28 http://www.cnil.fr/linstitution/actualite/article/article/loi-de-programmation-militaire-la-cnil-deplore-de-ne-pas-avoir-ete-saisie-des-dispositions-rel/

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21

laquelle : « constitue une donnée à caractère personnel toute information relative à une personne

physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un

numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres. Pour déterminer si une

personne est identifiable, il convient de considérer l’ensemble des moyens en vue de permettre son

identification dont dispose ou auxquels peut avoir accès le responsable du traitement ou toute autre

personne » (art.2) ».

En fonction de cette loi, le croisement des informations sur les internautes pour un meilleur ciblage

ne peut donc pas se faire sur une personne en particulier mais sur une catégorie d'utilisateurs, c’est

pourquoi la CNIL a récemment épinglé Google pour sa nouvelle politique de confidentialité qui

multiplie les croisements d'informations auparavant éparses29.

En effet certaines données prises indépendamment peuvent sembler insignifiantes mais si elles sont

assemblées et analysées, elles peuvent permettre de recréer des profils et définir des identités

numériques parfois simplement grâce à une date et du lieu de naissance. On peut via les réseaux

sociaux, les moteurs de recherche,…obtenir une vision précise d’un individu, de ses goûts, de ses

habitudes ou de ses croyances. La question se pose donc de redéfinir les catégories de données qui

doivent être considérées comme sensibles et donc réglementées plus strictement par la loi.

Cette question est encore plus cruciale dans le contexte du « Cloud Computing » qui pose les

questions suivantes : Est-ce qu’un individu possède encore le contrôle de ses données ? Comment

un individu peut-il s’opposer au traitement de ses données ? Comment un individu peut-il récupérer

ses données ?

Les entreprises françaises n’ont donc pas la possibilité d’exploiter aussi librement que les entreprises

américaines les données. Selon une étude européenne 30seule 10 % des entreprises françaises

affirment que le « Big Data » est une réalité pour elles. Sur ce sujet, les pays germaniques (Allemagne,

Autriche, Suisse) sont pour l’instant les plus en avance en Europe. Parmi les freins au déploiement

avancés, 24% des personnes interrogées citent l’absence de stratégie et de gouvernance claires.

La France semble donc avoir en partie raté l’enjeu du « Big Data », reste à savoir comment.

3. L’échec de l’ambition informatique de la France

A partir de 1965, le Général de Gaulle et le gouvernement français se préoccupent du développement

d'une industrie nationale dans le domaine de l'informatique et des techniques modernes de

communication et lancent des projets novateurs avec pour objectif de garantir l’indépendance

29 CNIL, Décision n° 2013-025 du 10 juin 2013 de la présidente de la CNIL mettant en demeure la société GOOGLE INC. 30 Étude européenne menée par Steria auprès des 650 entreprises (étude biMA pour Business Intelligence Maturity Audit)

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informatique de la France mais les hésitations politiques, les batailles entre industriels et les querelles

d'ego finiront par avoir raison de cette ambition.

3.1 Le système Mars : les prémices d’un “Big Data” à la française ?

L’expérience du système Mars est intéressante à retracer en ce sens que d’une part, il s’agit d’une

première initiative de collecte de données relativement massive pour l’époque, de différentes

provenances, et d’autre part qu’il illustre tant le retard qu’avait la France en terme de numérisation

des données que sa capacité par une telle initiative à se distinguer dans la compétition mondiale.

3.1.1 La Copep

Le système Mars trouve sa genèse au début des années 1970, au sein de la Copep (Commission

permanente de l’électronique du Commissariat Général du Plan31), seule commission permanente du

Plan.

Créée à l’initiative de Michel Debré en 1961, le décret créateur de la Copep précise ses missions: « La

Copep est chargée :

- De servir de conseil permanent auprès du gouvernement pour les problèmes relatifs aux

industries de l’électronique française ;

- D’apprécier la situation présente et les développements nécessaires de l’équipement

électronique français dans les dix années à venir (…) ;

- De proposer en conséquence une politique d’ensemble et toutes mesures particulières propres

à développer l’équipement électronique français».

A ce titre, la Copep produit chaque année un rapport au gouvernement sur les industries de

l’électronique et le début de l’informatique.

Jean-Michel Treille prend le poste de secrétaire général de la Copep le 1er mail 1968 et en sera le

dernier secrétaire générale jusqu’à sa dissolution en décembre 1976. Une vingtaine de groupes de

travail sont à l’œuvre pour couvrir le domaine des composants et de l’informatique : l’informatique

médical, l’informatique professionnel, l’informatique appliqué aux industries…

La Copep a participé ou a été l’instigatrice de très nombreux rapports de restructuration industrielle :

le plan composants numéro 1 (1965), le Plan calcul (1966), le plan mesure (1967-1968), le plan

électronique civile professionnelle 1972…Par essence, la Copep est amenée à traiter beaucoup de

données dans une France encore très peu informatisée à l’époque.

31 Le Commissariat général au Plan ou Commissariat général du Plan (CGP) était une institution française qui a existé entre 1946 et 2006 et qui était chargée de définir la planification économique du pays, notamment via des plans quinquennaux. Il s'est transformé en Centre d'analyse stratégique (CAS), créé en 2006. Le CAS a de nouveau été transformé en 2013 pour devenir le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP).

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23

A l’issue d’un long séjour aux Etats Unis en 1971, Jean-Michel Treille a pu mesurer la réalité du gap

entre la France et les Etats Unis, il en conclut que « La technologie joue certes un rôle considérable,

mais également les méthodes de planification interne des grands groupes. »32

Avec la bénédiction de Monsieur Montjoie, commissaire général au plan, et de Monsieur Allègre,

Délégué à l’informatique, Jean-Michel Treille met sur pied en 1972 une opération pilote de

planification sectorielle avec un triple objectif 33:

1- Expérimenter une nouvelle méthode de planification sectorielle visant à obtenir une

projection glissante et flexible. Il s’agit d’une part d’être en mesure de réajuster objectifs et

moyens en fonction de la nature et de l’importance des écarts constatés dans l’exécution du

plan initial, d’autre part de disposer en permanence d’un horizon à cinq ans.

2- Mettre au point un système de préparation des décisions permettant de mieux connaître les

implications des orientations à long terme et de répondre de façon plus efficace aux missions

administratives du Plan et de la Copep.

3- Créer une base de données valable à la fois pour l’administration et les entreprises concernées

par l’électronique.

Entre dans cette expérience un vaste ensemble industriel puisque s’ajoutent à l’électronique,

l’informatique, les télécommunications, les équipements aéronautiques et les industries de la mesure.

Cela représente un chiffre d’affaires de 17 milliards de Francs en 1970. Les effectifs sont de 240 000

personnes. Plus de 600 entreprises représentées par une quinzaine de syndicats professionnels sont

concernées par cette initiative.

On peut distinguer cinq rubriques qu’alimentent toutes les informations recueillies:

Les produits (demande, chiffres d’affaires, importations, exportations…) ;

Les sociétés (aspect financier, position sur le marché…) ;

Les administrations (programmes de développement, dépenses engagées par thème

et par produit…) ;

Les régions (implantations régionales et évolutions) ;

Les pays étrangers (étude de la pénétration française, tendances des marchés, stratégies

à l’exportation…) ;

Toutes ces informations sont traitées sur l’ordinateur XDS 540 de la société Cegos Thymshare à

Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), lui-même relié à divers centres de calcul installés en France et chez

Data Ressources Inc. à Houston aux Etats Unis et spécialisés en recherche opérationnelle et en calcul

32 Propos extraits de l’interview de Jean-Michel Treille réalisée le 8 octobre 2013 à Paris par Emmanuel Revol et Younes Khedji 33 Journal Le Monde, article daté de 1972

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matriciel. 60% des temps de travail sont réalisés sur les ordinateurs disponibles en France, 40% sur

des ordinateurs installés aux Etats Unis.

En 1972, le journal le Monde souligne que les quelques cinq cents entreprises de pointe étudiées par

la Copep se heurtent à une concurrence vigoureuse des firmes étrangères souvent appuyées

directement ou indirectement par leurs gouvernements respectifs.

En France également, les pouvoirs publics disposent de moyens d’incitation considérables: près du

tiers de l’activité des firmes intéressées est lié à des commandes de l’administration dont le montant

durant les cinq années du VIème Plan devrait atteindre 30 milliards de francs pour l’acquisition de

matériel; 9 milliards de Francs de crédits étant en outre alloués par l’Etat pour la recherche et le

développement.

3.1.2 Le système Mars

En 1973, cette initiative est pérennisée sous le vocable « Système Mars ». 2000 fichiers sont ainsi

régulièrement mis à jour par les fournisseurs du système Mars.

Parallèlement à la constitution et à l’entretien de cette banque de données, des modèles ou des

scénarios de simulation de comportement de secteurs ou d’entreprises ont été mis au point avec pour

objectif d’analyser des développements macro-économiques, sectoriels ou micro-économiques.

Au-delà de scénarios types de grande utilisation, s’ajoutaient des scénarios construits à la demande

pour telle ou telle étude particulière (exemple : l’étude pour les PTT afin de mieux apprécier les

conséquences pour l’emploi de l’introduction de la commutation électronique).

Le système Mars a permis de sortir des plans et des suivis le plan sur l’électronique professionnel. Il

constituait ainsi un prestataire d’études d’une quinzaine de personne pour différentes

administrations, BIPE, club d’industriels. La dynamique de ce système permettait ainsi de financer

des études pour 4 à 5 millions de Francs par an pour une contribution du Commissariat au Plan

limitée à 200 milliers de Francs34. A plusieurs reprises, le système Mars est présenté aux Américains

et aux Russes du Gosplan qui marquent beaucoup d’intérêt pour ce dispositif.

Assez rapidement est posée la question de l’élargissement du système Mars à tous les secteurs de

l’industrie.

Pourquoi en effet ne pas en faire un système interministériel de planification ? Fort de son succès

dans le domaine des industries de pointe, la déclinaison aux autres secteurs industriels semble des

plus pertinente, et pourtant…

34 Propos extraits de l’interview de Jean-Michel Treille réalisée le 8 octobre 2013 à Paris par Emmanuel Revol et Younes Khedji

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25

3.1.3 Les forces opposées au système Mars: entreprises, administration, Insee

et pouvoirs politiques

Certains industriels, notamment dans les filiales des groupes multinationaux, n’avaient jamais

accepté le système Mars. Ils ne livraient qu’à contrecœur les informations nécessaires. Que des

fonctionnaires puissent contrôler au jour le jour l’utilisation des fonds publics injectés dans

l’industrie et connaissent le détail des prix de revient, aussi bien que la gestion des entreprises, leur

semblait anormale.

En effet, le système Mars consolidait toutes les données de recherches financées par l’Etat: la DGA

(Direction Général de l’Armement), le CNET (Centre National d’Etude des Télécommunications) et la

DGRST (Direction Générale de la recherche scientifique et technique) déclaraient les contrats passés

avec l’industrie.

Il était donc facile de voir que tel ou tel industriel avait reçu des fonds deux ou trois fois sur le même

sujet35. Certaines administrations n’ont plus voulu contribuer au système Mars. Elles voulaient

récupérer le système pour leur seul profit en cherchant d’ailleurs à intégrer l’équipe du Système Mars

(exemple : le Ministère des Télécoms).

L’Insee était également contre ce projet. Pourquoi ? « Parce que j’avais prétendu développer des

modèles sectoriels, prétendu que l’on pouvait faire le lien différemment entre macro-économie et

micro-économie qui est un lien très mal assuré. J’allais sur des plates-bandes qui n’étaient pas les

miennes » explique Jean-Michel Treille. Peut-être se souvenait-on aussi à l’Insee que Jean-Michel

Treille allait chercher un temps aux Etats-Unis l’information recueillie par l’Insee. En effet, l’Insee

était en retard dans son informatisation et vendait des données à une entreprise américaine qui en

assurait la mise à disposition au format informatique.

Pour Raymond Barre, très libéral, la planification n’est plus dans l’air du temps. Le mot plan est

connoté et évoque « c’est l’État qui gouverne ».

La Copep est dissoute le 17 décembre 1976. Le nouvel économiste du 27 décembre 1976 précise

« Trois ministres, et non des moindres, Raymond Barre, Premier Ministre, Jean Lecanuet, Ministre

d’État chargé du Plan et de l’aménagement du territoire, et Michel d’Ornano, Ministre de l’industrie

et de la recherche ont signé l’acte de décès ».

L’outil Mars demeure mais en pièces détachées : la banque de données elle-même est récupérée par la

Délégation à l’Informatique, accompagnée de toute l’équipe informatique concernée de la Copep,

tandis que les modèles d’application vont être utilisés par le Ministère des armées, les PTT et le

Ministère de l’industrie.

35 Propos extraits de l’interview de Jean-Michel Treille réalisée le 8 octobre 2013 à Paris par Emmanuel Revol et Younes Khedji

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Le journal le Monde du décembre 1976 rend compte de la dissolution de la Copep et titre « La fin

d’une ambition » : “cette Commission a été à l’origine d’une prise de conscience essentielle dans les

années 60 sur la nécessité de doter notre pays d’une industrie électronique puissante pour

s’affranchir de la domination américaine”. De son côté, les Echos du 21 décembre 1976 soulignent :

« une démonstration supplémentaire que la planification n’est plus de saison, le gouvernement

préférant le pilotage à vue ».

Déjà en 1977, Jean-Michel Treille indiquait36 “qu’il est plus facile en France de faire appel à un

modèle américain de précision ou de simulation économique nous concernant que d‘en trouver sur

notre propre marché ». Le danger est alors bien identifié de dépendre à la fois de l’information de

base et d’un traitement qui nécessairement peuvent orienter ou biaiser l’information de base.

Dans le journal 01 informatique de décembre 1978, Jean-Michel Treille note que 360 bases de

données regroupant une centaine de millions d’articles sont en service dans le monde. 70% de ces

bases de données regroupant 85% des articles sont implantées aux États-Unis. Pour lui

« L’informatique en France a toujours été considéré par les dirigeants comme quelque chose de

technique et pas comme un outil de pouvoir, et c’est encore le cas aujourd’hui ».

3.2 Le Plan Calcul

Revenons maintenant sur le Plan Calcul mentionné ci-dessus lors de la présentation de la Copep et de

ses différentes contributions dans le domaine de l’informatique.

3.2.1 La genèse du Plan Calcul

Le 16 Juillet 1966 : le commissaire au Plan, François-Xavier Ortoli, présente au général de Gaulle son

rapport, connu sous le nom « Rapport Ortoli », dans lequel il met en évidence la nécessité pour la

France de se doter d’un plan informatique ambitieux pour préserver l’indépendance de la France vis-

à-vis des Etats-Unis. Le Plan Calcul est né.

De nombreux ouvrages ou articles ont été écrits sur la « saga » du plan calcul dont celui de Pierre-

Eric Mounier-Kuhn, historien de l’informatique37.

Trois phénomènes servent de déclencheurs à la mise sur pied du Plan Calcul :

- Le retard de l’industrie française face aux USA et IBM en particulier avec le lancement de

sa série 360 (les circuits intégrés remplacent les transistors) ;

36 36 Propos extraits de l’interview de Jean-Michel Treille réalisée le 8 octobre 2013 à Paris par Emmanuel Revol et Younes Khedji 37 “Le Plan Calcul, Bull et l’industrie des composants: les contradictions d’une stratégie ». Revue historique, 1995, vol. CCXC n° 1, 123-153

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- Bull passé sous pavillon américain le 22 juillet 1964 (51% des parts détenues par General

Electric) ;

- Le refus du pentagone de la vente d’un super-calculateur à la direction des applications

militaires du Commissariat à l’Energie Atomique dans le cadre de la mise au point de

l’arme atomique française.

a. 1er dispositif du Plan Calcul: la création de la Délégation à l’informatique

Le 8 Octobre 1966, la Délégation à l'informatique est créée. Sa mission sera de gérer les budgets du

plan, de définir ses principales orientations et d'en assurer l'application. Elle est confiée à Robert

Galley, gaulliste de la première heure, compagnon de la Libération et ingénieur de l'Ecole centrale des

arts et métiers. Maurice Allègre, polytechnicien est son adjoint. Quand Robert Galley est appelé au

gouvernement en 1968, Maurice Allège lui succède.

b. Dispositif scientifique: la création de l’IRIA

L'IRIA (Institut de Recherches en Informatique et en Automatique) est créé au début de 1967, cet

institut (qui deviendra plus tard l’INRIA) a trois missions:

- Entreprendre et faire entreprendre des recherches fondamentales et appliquées (l'IRIA

dispose pour cela de laboratoires propres) ;

- Développer la formation, l'information et le perfectionnement des informaticiens et

d'autres personnes concernées (mission qui restera marginale) ;

- Rassembler et diffuser toute documentation française et étrangère.

Aujourd’hui l’INRIA est très active sur le “Big Data”, notamment à travers son représentant, Stéphane

Grunbach, dont les travaux ont été mentionnés en première partie de ce rapport.

c. 3ème dispositif du Plan Calcul: le volet industriel.

Il prévoit la création d'un champion français de l'informatique, baptisé Compagnie Internationale de

l'Informatique (CII). Avant de revenir sur la composition de cette Compagnie, notons que l’entreprise

Bull en est absente. Mais Bull, il est vrai, n’est plus française à cette époque, étant détenue à 51% par

l’américain General Electric.

Un temps en bonne position dans le concert des entreprises informatiques, la société Bull, après la

prospérité des années 1950, s’essouffle dans la compétition avec l’américain IBM et se retrouve en

difficulté financière. Une solution franco-française est d’abord recherchée en cherchant à associer la

Compagnie Générale d'Electricité (CGE) et la Compagnie Générale de la Télégraphie Sans Fil (CSF).

Finalement, Valéry Giscard d'Estaing, Ministre des Finances de l’époque, finit par donner son feu vert

au scénario américain privilégié par les financiers. General Electric prend ainsi 51% du capital du Bull

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en 1964.

Revenons à la création de la Compagnie Internationale de l'Informatique. Pour créer ce qui doit être

le champion français de l’informatique, l'Etat a imposé la fusion de la Compagnie Européenne

d'Automatisme Electronique (CAE), une filiale commune de la CSF et de la CGE, avec la Société

d'Electronique et d'Automatisme (SEA), elle-même filiale du groupe Schneider. A la CGE, comme à la

CSF, et au sein du groupe Schneider, ce chantier industriel piloté par l'Etat ne fait pas l’unanimité

mais à la fusion à tout de même lieu : la CII est alors détenue à plus de 56 % par la CGE et CSF, à 33,

3 % par Schneider et à 10, 3 % par le groupe Rivaud.

Une convention qui lie l’Etat à la Compagnie Internationale pour l’Informatique, est signée pour

l’Etat par Michel Debré, Ministre des Finances, Olivier Guichard, Ministre de l’industrie, Pierre

Messmer Ministre des armées et Maurice Schumann Ministre de la recherche scientifique et les PDG

des sociétés privées qui composent la CII. A l’occasion de cette signature, Michel Debré est revenu sur

l’objectif de cette convention « avoir une forte industrie nationale capable de construire des

ordinateurs…. aucune nation industrielle ne peut se développer sans informatique et il est bon que

la France recherche son indépendance »38.

Pour cette première phase de cinq ans du plan calcul, tel qu’annoncé par Michel Debré, l’Etat va

financer pour 400 millions de francs en contrats d’étude.

Le mariage imposé par l’Etat est chaotique. Pour ne rien arranger, un an après la création de la CII,

son tour de table doit être entièrement revu. En septembre 1967, Thomson-Houston-Hotchkiss-

Brandt absorbe la CSF, donnant naissance au groupe Thomson CSF. Avec 40.000 employés et un

chiffre d'affaires de 2, 5 milliards de Francs, la nouvelle société, dirigée par Paul Richard, figure

parmi les 20 premières sociétés françaises. Cette fusion ne fait évidemment pas l'affaire de la CGE :

Ambroise Roux son Directeur général voyant son concurrent se renforcer. Les deux hommes sont

d’autant plus contraints à composer qu’en récupérant la CSF, Thomson est en effet devenu

actionnaire de la CII aux côtés de la CGE.

En juin 1969, sous la pression de la Délégation à l'informatique, le capital de la CII est profondément

remanié. Le champion français de l'informatique est désormais détenu à 70 % par Thomson-CSF et la

CGE, via un holding commun baptisé Fininfor, à hauteur de 25 % par Schneider et de 5 % par le

groupe Rivaud. Contrôlant 52 % de Fininfor, Thomson-CSF assure clairement le leadership de la CII,

imposant même son homme à la tête de la Compagnie, Michel Barré. Au grand dam de la CGE, qui se

lance immédiatement dans une guerre de tranchées... La Délégation vient à peine d'en terminer avec

38 Source Ina sur Youtube http://www.youtube.com/watch?v=1_JNZ862gSw

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la CII qu'un nouveau front s'ouvre.

En mai 1970, le groupe General Electric annonce en effet qu'il se retire du secteur de l'informatique

pour se concentrer sur les métiers du nucléaire et de l'aéronautique. Six ans après son acquisition,

voilà Bull à nouveau en quête d'un repreneur. A Paris, le pouvoir politique échafaude immédiatement

une solution française de reprise.Maurice Allège, le délégué à l’informatique, souhaite que la CII

reprenne Bull pour donner naissance à un géant français de l'informatique. Ambroise Roux et Paul

Richard y sont tous deux opposés. Partisans d'une ouverture à l'international du capitalisme

hexagonal, les deux hommes estiment qu'une solution franco-française nuirait gravement à l'avenir

de Bull. Les deux industriels militent en revanche avec force pour un rapprochement avec la société

américaine Honeywell. C'est finalement cette solution que Valéry Giscard d'Estaing, Ministre des

Finances choisit en juillet 1970, donnant ainsi naissance à Honeywell Bull. Pour la deuxième fois en

quinze ans, la France vient de laisser échapper la société Bull.

3.2.2 L’échec de la tentative européenne

En 1971, un nouveau plan est acté car les résultats commerciaux n’étaient pas à la hauteur des

objectifs fixés.

Ce nouveau plan fixait deux directives:

Reconduire sur une durée de cinq ans le soutien des subventions de recherche et des achats

publics ;

Donner à l'avenir de la CII une dimension européenne sur le modèle de ce qui vient d'être fait

dans l'aéronautique avec Airbus.

De longues négociations sont menées avec des industriels anglais, allemands et hollandais pour

construire un grand projet européen dans le secteur informatique. Baptisé « Unidata », il associe la

CII, Philips et Siemens. Ce projet, Ambroise Roux, patron de la CGE, n'a cessé de s'y opposer,

craignant qu'une alliance entre Thomson (principal actionnaire de la CII) et Philips et Siemens ne se

fasse à ses dépens. « L'alliance commence dans l'informatique mais finira par gagner les composants,

voire même le téléphone », pense l'industriel, qui use de toute son influence pour saborder Unidata.

Sans succès. Le projet reçoit un soutien appuyé du chef de l'Etat, Georges Pompidou, et du Premier

ministre, Jacques Chaban-Delmas. Un holding financier, dont le capital était détenu à parité par les

trois sociétés, était créé. Une filiale Unisata était créée dans chaque pays, les trois partenaires y

participant également à parts égales. Le 4 juillet 1973, l'accord était signé à Amsterdam et le

consortium commençait ses activités.

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Au printemps 1974, le Président Pompidou disparaît prématurément. Elu en mai 1974, le nouveau

chef de l'Etat, Valéry Giscard d'Estaing, reste dubitatif quant au dossier Unidata. Faut-il ou non

mener à bien ce grand projet européen ? C'est le début d'une formidable guerre d'influence qui va

opposer deux camps :

D'un côté, les partisans de l'alliance européenne conduite par les Etats, ce qui suppose au

préalable un renforcement des moyens financiers de la CII, par exemple en l'adossant au CEA.

Parmi eux, la Délégation à l'informatique, bien sûr, mais aussi une brochette de hauts

fonctionnaires et quelques ministres, dont le premier d'entre eux, Jacques Chirac.

De l'autre, les adeptes d'une solution libérale consistant à fusionner la CII avec un groupe

privé, de préférence américain. Parmi eux, Ambroise Roux, bien sûr, mais aussi les dirigeants

de Thomson, dont l'enthousiasme pour le projet Unidata tiédit de jour en jour, les hauts

fonctionnaires du ministère de l'Industrie et le ministre lui-même, Michel d'Ornano.

Ce camp a trouvé son champion : Jean-Pierre Brulé, le PDG d'Honeywell Bull. L'homme rêve

de casser Unidata - un concurrent qui risque de se révéler redoutable -et, au passage,

d'absorber la CII...

Après des mois d'hésitation et au terme d'un double jeu qui a profondément agacé les partenaires

européens d'Unidata, c'est finalement ce dernier camp qui l'emporte. Dans l'entourage de Valéry

Giscard d'Estaing, nombreux sont ceux qui pensent que l'heure n'est plus au renforcement du secteur

public, fût-il réalisé dans un cadre européen. Libéraux dans l'âme, ils estiment que la priorité est de

renforcer les entreprises privées.

Sur le plan technique, une alliance de la CII avec l'américain Honeywell Bull leur paraît bien plus

viable qu'une grande alliance européenne. L'attitude des industriels français - CGE et Thomson-CSF-

s'est également révélée déterminante. Engagés l'un et l'autre dans une stratégie de développement à

l'international, les deux groupes ne veulent plus participer à une aventure née sous la houlette de

l'Etat.

Reste à trouver un prétexte. Bien malgré eux, les Allemands le leur fournissent en annonçant la

reprise, par Siemens, de la division informatique de Telefunken, alors en grande difficulté. « En

reprenant Telefunken, son parc d'ordinateurs, ses chercheurs et son déficit, Siemens va rompre

l'équilibre au sein d'Unidata et grossir ses pertes », s'empressent de murmurer à l'oreille des hauts

fonctionnaires français, les partisans de la solution Honeywell Bull, Jean-Pierre Brulé en tête.

Habilement, celui-ci fait savoir qu'il ne demandera aucune subvention à l'Etat pour la reprise de la

CII. En mai 1975, le gouvernement donne officiellement son accord à l'acquisition de la CII par

Honeywell Bull et annonce son retrait d'Unidata. C'est la fin d'une ambition européenne dans le

secteur informatique.

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C'est également la fin du plan Calcul. Un an plus tôt, Maurice Allègre, découragé, a en effet donné sa

démission, entraînant la suppression de la Délégation à l'informatique...

3.2.3 L’après Plan Calcul

En 1982, l'entreprise est nationalisée : le Groupe Bull est alors créé par le regroupement de CII-

Honeywell Bull, SEMS et Transac. L’État français devient majoritaire dans le capital.

En 1989, Bull acquiert Zenith Data Systems, un constructeur américain de micro-ordinateurs PC.

Cette opération onéreuse devait être destinée à prendre le marché des micro-ordinateurs du

gouvernement fédéral américain. Elle s'adressa évidemment à d'autres fournisseurs en raison des lois

américaines sur les marchés publics. Cette erreur stratégique conduisit à la revente de ZDS à la

société Packard Bell NEC en 1996.

En 1991-1992, on assiste au recentrage du groupe Bull sur les activités de serveurs moyenne et grande

gamme, sur les services clients et sur les services de développement et d'intégration du logiciel.

De 1994 à 1997 se déroule la privatisation progressive du groupe Bull, sous l'impulsion de Jean-Marie

Descarpentries, avec la constitution d’un socle d’actionnaires (dont France Télécom et NEC) et

l’ouverture du capital au public. Cette étape fait passer la part de l’État français à 17,3 %.

Le groupe sera totalement re-privatisé en 2004, avant de voir le retour de l’Etat, via le Fonds

Stratégique d’Investissements, à l’automne 2011, pour un peu plus de 5% de son capital.

Depuis le début des années 1990, le groupe Bull a connu plusieurs restructurations, dont la dernière

s'est achevée en 2004. Si au début de l’année 1999, les effectifs étaient encore légèrement supérieurs

à 20 000 personnes, ils sont descendus fin 2001 à quelques 10 000 personnes. En 2008, Bull

emploie environ 7 800 salariés, et recommence à embaucher fortement, faisant arriver le total des

salariés à 8 850 pour 2009. Le chiffre d'affaires est de 1, 28 milliard d'euros en 2012, réalisé à 56, 8 %

en France.

L’échec du Plan Calcul continue à nourrir l’intérêt des observateurs. Le quotidien économique « Les

Echos » y consacre un dossier dans les feuilletons de l’été 2012 titrant « Le plan Calcul, échec d’une

ambition »39.

Il met en évidence les contradictions de l'histoire industrielle des cinquante dernières années :

articulation entre politique technologique et industrielle, coopération européenne face au dynamisme

commercial et technologique des Etats-Unis ; logiques divergentes des grands groupes français de

l'électronique au sein des réorganisations des années 1960-1970, indépendance nationale et

libéralisme dans le cadre spécifique de l'informatique. On ne peut s’empêcher en revoyant cette page

d’histoire récente de faire le lien avec un autre domaine pour laquelle la France, alors qu’elle avait un

certain nombre d’atouts bien réels, a échoué : celui des drones. 39 Les Echos n° 21231 du 20 Juillet 2012

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La suite des événements témoigne de la difficulté de l’Etat français à s’organiser pour rester dans la

course à l’innovation : pour mieux comprendre les raisons de l’échec de l’ambition informatique

française, il est intéressant de comprendre comment les USA ont abordé la question de l’information

et ont finalement réussi à imposer leur leadership dans les années 90.

3.2.4 La vision américaine des autoroutes de l’information et de l’enjeu de

puissance

On peut situer l’apparition des autoroutes de l’information et les prémices du « Big Data », bien que

ce concept ne soit pas encore nommé, aux Etats-Unis en novembre 1991 dans le High Performance

Computing act de 1991. Cette loi, proposée par le sénateur Al Gore, a pour objectif de préserver le

leadership dans les NTIC par la mise en place d’un réseau dédié à l’éducation et à la recherche (cf

Renater en France). Dès 1993, Bill Clinton élu, l’affirmation de puissance des USA est claire : « ce

n’est plus la qualité des infrastructures routières, portuaires qui déterminent la puissance

économique de l’Amérique, mais notre capacité à transmettre de grandes quantités d’informations

rapidement et sûrement et par notre capacité à utiliser ces informations et à les comprendre ». Le lien

est ici clairement établi entre l’enjeu de puissance des Etats-Unis et le “Big Data”.

Le gouvernement français inscrit les autoroutes de l’information sur son agenda dès février 1994 en

demandant un rapport à Gérard Théry et définit sa politique lors du conseil de ministres du 27

octobre 1994. Alors qu’aux Etats-Unis, les autoroutes de l’information sont traduites en enjeu de

puissance, en France, les autoroutes de l’information sont davantage vues sous l’angle des usages

qu’elles permettent, illustrées dans le rapport Théry40.

L’Union Européenne depuis les années 1990 voudrait se placer en tête sur la gouvernance d’internet,

mais se heurte à la puissance des Etats-Unis. La démarche européenne repose sur les fondements

suivants :

Internet vu comme un service public…

…à la fois dans une logique d’opportunité mais aussi dans une logique de maîtrise des

risques liés :

o Aux messages au contenu illégal ou non approprié ;

o Aux problèmes juridiques qui peuvent advenir ;

o A la protection des consommateurs.

40 Les autoroutes de l’information, Rapport au 1er Ministre, Gérard Théry, 1994

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Cette volonté se heurte à celle des Etats-Unis de garder le contrôle de la coordination des fonctions

essentielles de l’internet (notamment noms et adresses). Aux USA, le lien est donc fait directement

entre les données qui circulent sur ces autoroutes de l’information et l’enjeu de les comprendre et de

les utiliser dès les années 90 alors que la France continue à tatonner.

3.3 Du Commissariat Général au Plan au Centre d’Analyse Stratégique

Le Commisariat Général au Plan, mis en place par le Général de Gaulle pour reconstruire la France,

avait pour mission la planification économique du pays par l’élaboration de plans quinquennaux. En

octobre 1986, le Ministre de la Fonction publique, du Plan, et de l'Économie sociale, Hervé de

Charette, propose de substituer un commissariat de la stratégie au Commissariat au Plan.

Les oppositions au projet d’Hervé de Charette ont été nombreuses : Pierre Massé dit, par exemple,

que « supprimer le Plan au nom d'un libéralisme impulsif serait privé le pouvoir d'une de ses armes

contre la dictature de l'instant ». Le projet ne se concrétisa pas, mais l'idée, elle, subsista.

En 2003, Alain Etchegoyen est sollicité par Jean-Pierre Raffarin, alors Premier Ministre, pour diriger

le Commissariat général au Plan. Il tenta une réorganisation de l'institution en groupes de projet afin,

selon ses termes, de recentrer sa mission "pour un État-Stratège, garant de l'intérêt général et du bien

public", en favorisant une démarche prospective soucieuse du long terme.

A partir de 2004, le Gouvernement français lance (selon ses termes) une « nouvelle politique

industrielle ». Grâce à un effort financier de trois milliards d’Euros, sans commune mesure en

Europe, des pôles de compétitivité sont créés pour mobiliser les facteurs clefs de la compétitivité au

premier rang desquels figure la capacité d'innovation, et pour développer la croissance et l'emploi sur

les marchés porteurs : Cap digital est la dénomination du pôle de compétitivité du numérique basé en

Ile de France41.

Le 26 octobre 2005, Dominique de Villepin, Premier Ministre, annonce vouloir supprimer le

Commissariat général au Plan et créer, en remplacement, un Centre d'analyse stratégique également

sous la tutelle directe du Premier minister. Il remercie le commissaire général au Plan et le 6 mars

2006, le décret no 2006-260 et officialise la substitution du Centre d'Analyse Stratégique au

Commissariat général au Plan avec à sa tête Sophie Boissard, ancienne directrice de cabinet du

ministre délégué à l'Emploi, au Travail et à l'Insertion professionnelle des jeunes, Gérard Larcher.

Mais le Centre d’Analyse Stratégique, simple outil de veille, ne parvenient pas à s’impliquer ni dans la

préparation ni dans l’élaboration des stratégies publiques, il disparait en 2013.

41 http://www.capdigital.com/

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Petit à petit, le gouvernement va tenter de passer de la planification à la prospection pour pousser

des projets afin de faire de la France un pôle d’expertise du « Big Data ».

4. La France peut-elle devenir un pôle mondial d’expertise du « Big Data » ?

Forcé de constater que l’ambition française de garantir son indépendance informatique a échouée. La

France a été dépassée par les hésitations politiques et les batailles entre industriels, elle n’a pas réussi

à imposer son savoir-faire et ses entreprises dans le domaine de la génération, de la récolte et de

l’acheminement des données.

Sauf qu’aujourd’hui, les nouveaux enjeux du « Big Data » concernent le stockage et surtout le

traitement des données : deux domaines dans lesquels la France possède de vrais avantages

stratégiques.

4.1. De nouvelles ambitions politiques en France et en Europe

4.1.1 Pôles de compétitivité, investissements d’avenir et appels à projets

Les investissements d’avenir sont lancés le 14 décembre 2009 par Nicolas Sarkozy, Président de la

République, selon cinq axes stratégiques prioritaires:

L’enseignement supérieur et formation ;

La recherche ;

La filières industrielles et PME ;

Le développement durable ;

Le numérique.

Le Commissariat Général à l’Investissement et son commissaire Louis Gallois sont chargés de la mise

en œuvre du programme d’investissements d’avenir.

Le Fonds Stratégique d’Investissements est créé en octobre 2008 pour porter ces investissements

d’avenir et intégre la Banque Publique d’Investissement, plus récemment créée, en juillet 2013.

Le Fonds national pour la Société Numérique, géré par la Caisse des Dépôts et Consignation (FSN),

est chargé du développement de l’économie numérique, il mène deux actions :

1. Développer des réseaux très hauts débits -> investissements de 2 GE

2. Établir des usages, services et contenus innovants -> investissements de 2.25 GE selon

4 axes :

o Cloud computing ;

o Numérisation et valorisation de contenus numériques ;

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o Développement des technologies du numérique (nano-technologies, logiciel

embarqué…) ;

o Nouveaux usages : e-santé, sécurité des réseaux, transports intelligents, ville

numérique, e-éducation.

Trois appels à projets sont en lien direct avec le “Big Data”:

1. AAP Cloud computing - 1 (as a service, virtualisation) ;

2. AAP Cloud Computing – 2 dans le prolongement du 1 ;

3. AAP Cloud Computing – 3 dédié Big Data.

Au second semestre 2013, 4 nouveaux appels à projets sont lancés selon 4 axes :

1. Technologie du logiciel embarqué et objets connectés et intelligents ;

2. Sécurité du système d’information ;

3. Technologie de calcul intensif ;

4. Big Data.

Mentionnons ici quelques initiatives à l’occasion des AAP Cloud computing 1 et 2, en particulier celle

visant l’émergence d’un cloud souverain. Deux nouvelles sociétés de cloud souverain (Cloudwatt42 et

Numergy43) ont ainsi été constituées en 2012 sur un modèle comparable :

- Un opérateur télécom (Orange pour l’un, SFR pour l’autre) ;

- Un industriel (Thalès pour l’un, Bull pour l’autre) ;

- Le FSN ayant apporté à chacun 75 ME pour 33% du capital.

Orange, Thalès et le FSN constituent le capital de Cloudwatt, pendant que SFR, Bull et le FSN

constituent le capital de Numergy.

Numergy et Belgacom ont annoncé en cet été 2013 une initiative européenne : Cloud Team Alliance

pour une alternative européenne aux acteurs américains. Ce périmètre pourrait s’étendre à l’Italie

(Telecom Italia), la Hollande avec KPN, l’Allemagne…). Cloudwatt, par son opérateur principal,

Orange, a par là même déjà une empreinte qui dépasse le simple territoire français pour s’étendre en

Europe. En ce qui concerne l’appel à projet Cloud computing – “Big Data”, 11.5 millions d’Euros ont

été investis par le FSN dans 7 projets “Big Data”.

Notons ici une nouvelle initiative intervenue en juillet dernier via l’apport au capital de la société

Withings de 11 millions d’euros par la Banque Publique d’Investissement. Il s’agit d’un investissement

direct, hors démarche d’appels à projets. Au côté de trois fonds privés (360 Capital Partners, Ventech

et Idinvest Partners), ce sont ainsi 23 millions d’Euros qui sont venus renforcer le capital de Withings

42 https://www.cloudwatt.com/ 43 https://www.numergy.com/

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36

pour lui permettre d’accélérer son développement international. Withings réalise déjà plus de la

moitié de son chiffre d’affaires aux Etats-Unis. La BPI a posé comme condition le fait que la R&D de

Withings demeure en France44.

Cet investissement direct de fonds souverain dans une PME n’est pas nouveau. Un an plus tôt,

Viadeo, le réseau social professionnel, bénéficiait d’un investissement de 10 Millions d’Euros du

Fonds Stratégique d’Investissements, en complément de 24 Millions d’Euros apportés par des

investisseurs privés. Auparavant le FSI avait apporté 18 Millions d’Euros à la société Ercom

spécialiste en simulation des réseaux mobiles 4G et en communications sécurisées. A l’automne 2011,

c’est Bull qui voyait revenir à son capital l’Etat (qui en était sorti en 2004) par l’intermédiaire du FSI

qui prenait un peu plus de 5% du capital. Le FSI est également présent depuis l’automne 2009 au

capital de Dailymotion, le petit français qui concurrence le service Youtube de Google. A noter que le

FSI a intégré la BPI en juillet 2013 et détient des participations dans une centaine de sociétés

françaises.

En Europe, les choses évoluent également. La nécessité d'orienter les politiques européennes vers

l'excellence, en vue de faciliter l'émergence de clusters de classe mondiale a été définie à travers la

communication de la Commission européenne « Vers des clusters de classe mondiale dans l'Union

européenne: mise en œuvre d'une stratégie d'innovation élargie » (17 octobre 2008) et les conclusions

du Conseil compétitivité adoptées sous la présidence française en 2008 (20 novembre 2008). Dans sa

communication « Une politique industrielle intégrée à l'ère de la mondialisation » du 28 octobre

2010, la Commission européenne a pris l’engagement de mettre en place une nouvelle stratégie

européenne dans le domaine des clusters.

4.1.2 Le Commissariat Général à la Stratégie et à la Prospective (CGSP) et les 34

Plans de reconquête industrielle

Le Centre d'analyse stratégique est remplacé le 8 janvier 2013 par le Commissariat Général à la

Stratégie et à la Prospective (CGSP). Dans son discours en présentant la feuille de route, le Président

de la République, François Hollande en précise l’objectif: « pas pour revenir à la planification, pour

prévoir les mutations de la France et du monde dans les 5, 10, 15 ans, non pas pour connaître ce qu’il

va se passer mais ce que nous devons faire en tant qu’Etat, en tant que nation pour nous mettre en

avant. »

Le CGSP se voit confier 5 missions:

1. Prospective ;

2. Stratégie ;

44 http://www.withings.com/fr

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37

3. Evaluation ;

4. Centre de ressources pour concertations et débat public ;

5. Comparaisons internationales et territoriales.

C’est le début d’une nouvelles séries d’initatives politiques en faveur du numérique.

Lancée le 12 septembre 2013, la dernière initiative gouvernementale en date, vise à déployer 34 plans

de reconquête industrielle qui fédéreront grands groupes et PME autour de priorités concrètes et

seront soutenus par l’État. Après dix ans de désindustrialisation, 750 000 emplois détruits et une

perte de 6 points de la part de l’industrie dans le PIB, le gouvernement cherche ainsi à mettre

l’industrie au cœur du redressement de l’économie française. Comme si on s’apercevait enfin « qu’il

n’y a pas de grande nation sans capacité industrielle »45.

Au côté de secteurs industriels traditionnels figurent des secteurs de pointe (nano-technologies,

logiciel embarqué…). Parmi ces 34 Plans, l’un est consacré au « Big Data », un autre au cloud

computing et un troisième aux objets connectés qui seront des grands producteurs de données dans

les années à venir. Mentionnons également la cybersécurité qui, sans surprise pour un tel catalogue,

est embarquée dans cette initiative.

Toutefois, malgré le renouveau des ambitions politiques, il faut rappeler que l’Europe et la France

sont dans une position tout à fait déséquilibrée par rapport aux Etats-Unis quant à l’ouverture

respective de leurs marchés, tout particulièrement leurs marchés publics. Cette situation risque à

nouveau de désavantager les initiatives des entreprises françaises.

4.1.3 Ouverture des marchés européens contre protectionnisme américain

Rappelons que les acteurs publics représentent une part importante du commerce mondial, de l'ordre

de 1 000 milliards d'Euros par an. Les produits et services achetés par les pouvoirs publics

représentent environ 17 % du PIB de l'Union européenne. Selon les estimations de la Commission

européenne, les marchés publics ont une incidence sur au moins 22 marchés clés de produits et de

services. Au total, le chiffre d'affaires des entreprises actives sur ces marchés pourrait dépasser 25 %

du PIB de l'Union européenne et représenter 31 millions d'emplois.

En septembre 2012 Nicole Bricq, Ministre française du Commerce extérieur, rappelait au Parlement

européen que « 90 % des marchés publics de l’Union européenne sont ouverts en toute transparence

aux pays tiers contre 32 % aux États-Unis, 28 % au Japon et 16 % au Canada ». Certains secteurs aux

Etats-Unis sont même fermés à 100%, c’est le cas des transports publics46.

45 http://www.gouvernement.fr 46 Rapport de la commission sénatoriale présidée par Monsieur Simon Sutour 6 novembre 2012

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38

Le principe de réciprocité contenu dans les accords du GATT dès 1947 est ainsi largement bafoué.

L'absence d'accès réciproque aux marchés publics pénalise gravement les entreprises européennes.

Elles subissent non seulement des restrictions d'accès aux marchés de pays tiers mais aussi la

concurrence déloyale d'entreprises qui, sur le marché européen, peuvent se permettre de

soumissionner sur le marché européen à des prix anormalement bas.

Nicole Bricq s’exprimait ainsi dans le Figaro du 5 octobre 2013 : «Les États-Unis sont très

protectionnistes. Comment se fait-il que les États-Unis, qui sont très protectionnistes, passent pour

un pays libre-échangiste ? L’ouverture des marchés publics est prioritaire». Selon la Commission

européenne, plus de 50 % des marchés publics susceptibles d'être mis en concurrence sont fermés par

des mesures protectionnistes. En outre, 25 % sont ouverts de facto mais peuvent être fermés à tout

moment. Les exportations inexploitées en raison de cette fermeture s'élèveraient à 12 milliards

d'Euros pour l'Union européenne.

Deux lois américaines déjà anciennes sont toujours en vigueur et avantagent clairement les

entreprises américaines pour les marchés publics américains. En 1933, le législateur américain réduit

les possibilités de recours à l’export grâce au Buy American Act. Ainsi, le texte impose aux sociétés qui

disposent d’un soutien fédéral de ne pas faire appel à un acteur économique étranger. Plus

précisément, pour les travaux d’infrastructures les achats d’aciers doivent être passés auprès de

fabricants américains. D’abord cantonné au secteur sidérurgique, le plan a été étendu à tous les

projets d’infrastructures. Là encore, application de la vision de puissance des Etats-Unis…

S’il est bien un acteur français échaudé, c’est Bull (voir chapitre sur le Plan Calcul). En 1989, Bull

acquiert Zenith Data Systems, constructeur américain de micro-ordinateurs PC. Destinée à prendre le

marché des micro-ordinateurs du gouvernement fédéral américain, cette opération onéreuse

s'adressa évidemment à d'autres fournisseurs en raison des lois américaines sur les marchés publics.

Cette erreur stratégique conduisit à la revente de ZDS à la société Packard Bell NEC en 1996.

Le Small Business Act, daté de 1953, vise à favoriser les PME américaines dans l’économie nationale

et réserve ainsi certains marchés publics aux PME :

- Ceux situés entre 2500 et 100 000 dollars ;

- Au-dessus de 100 000 dollars, quand il existe de très grandes chances qu’au moins deux PME

formulent une offre intéressante ;

- Si seules les grandes entreprises peuvent répondre à l’appel d’offres, les PME se voient attribuer

une réservation partielle du marché ;

- Les appels d’offres d’une valeur supérieure à 500 000 dollars remportés par une grande

entreprise doivent comporter un plan de sous-traitance montrant la part revenant aux PME.

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39

Cela permet ainsi de réserver entre 23 et 40% de l’achat public américain aux PME nationales. En

France, l’Etat, conscient de ce phénomène, a décidé de réserver aux PME 2% de la commande

publique à l’horizon 2020 (soit 1 milliard d’Euros). N’y a-t-il pas un problème d’échelle ? Quand nous

prévoyons, en France, de réserver aux PME 2% de la commande publique, les Etats-Unis leur

réservent une proportion dix à vingt fois supérieure.

4.2 Des atouts non négligables

Pour répondre aux nouveaux enjeux du « Big Data » liés essentiellement au stockage et au traitement

des données et pour peser face aux entreprises américaines, la France doit non seulement avoir des

ambitions au niveau politique mais aussi s’appuyer sur ses atouts : la qualité des ingénieurs et le

dynamisme du réseau national de start-up français. Deux atouts majeurs que France doit « protéger »

face aux géants américains

4.2.1 La qualité des ingénieurs français

La demande en spécialistes de l’analyse de données massives est en plein essor. L’institut McKinsey

Global estime que les besoins en analyses de masses de données induiront, aux États-Unis d’ici à

2018, le recrutement de 140 000 à 190 000 spécialistes47. Aux États-Unis comme en France, ce

besoin en spécialistes du « Big Data » n'a pas été anticipé et les entreprises, au pied du mur, ne

trouvent pas les profils qu'elles cherchent. Pourtant, la France a une vraie carte à jouer sur la scène

mondiale, car elle a toujours formé de bons ingénieurs et de bons mathématiciens.

D’ailleurs Facebook, qui cherche à en savoir davantage sur son milliard d'abonnés, vient d'embaucher

un professeur français Yann LeCun, spécialiste de l'intelligence artificielle de l'Université de New

York pour diriger une équipe chargée d'améliorer celle du réseau social pour rendre Facebook plus

intelligent et plus pertinent via par exemple un classement des publications dans un certain ordre, ou

en décidant quelles publicités vont être affichées.

Mais un « data scientist », un spécialiste des données, dont le métier consiste à traiter l’information,

représenter les données et les rendre automatisables afin d'aider la prise de décision, doit avoir à la

fois les compétences d’un mathématicien pour le traitement algorithmique des données mais aussi

celles d’un statisticien.

Or, selon Stéphan Clémençon48, maître de conférences à Télécom Paris Tech, cette double

compétence n'existe pas encore sur le marché français : « Les formations universitaires actuelles

préparent soit aux statistiques, soit à l'informatique. Aucune ne réunit vraiment les deux volets.

Quant aux aspects de business stratégique, ils ne sont jamais abordés. ».

47 McKinsey Global Institute (2011), Big Data. The Next Frontier for Innovation, Competition, and Productivity, 156 p. 48 http://business.lesechos.fr/directions-financieres/evolution-personnelle/0202659975994-le-big-data-recrute-6263.php

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40

Pour y remédier, Fleur Pellerin, Ministre déléguée en charge de l'Economie numérique, a annoncé la

création d'une filière « Big Data » en France, dans le cadre de Paris Capitale du numérique, le projet

de quartier technologique qui doit être installé à Paris ou dans ses environs. "Je souhaite une

réflexion sur la création d'une filière structurée sur le Big Data, capable d'attirer les investissements

étrangers", a expliqué la ministre déléguée chargée des PME, de l'Innovation et de l'Économie

numérique.

TelecomParisTech propose désormais un Mastère Spécialisé « Big Data : gestion et analyse des

données massives (BGD)49 et un Mastère Spécialisé «Management de Projets Technologiques»

(MPT), en partenariat avec l’l’ESSEC, qui a pour objectif de développer les compétences de

management de projet à dominante technologique dans les domaines industriels et des services. Les

autres établissements d'enseignement supérieur adaptent aussi leurs programmes, c’est le cas des

formations dédiées à la statistique comme celles de L'ENSAE (Ecole nationale de la statistique et de

l'administration) et de l'ENSAI (École nationale de la statistique et de l'analyse de l'information). Du

côté de l'université, le DUT "statistique et informatique décisionnelle" (STID), ainsi qu'une

quarantaine de licences et 70 masters abordent le sujet des données.

Encore faut-il pouvoir garder en France ces jeunes diplômés or, d'après les derniers chiffres du

Ministère des Affaires étrangères, parmi les 18-25 ans, le nombre d'expatriés a fait un bond de 14 %

ces cinq dernières années. Parmi les candidats au départ, les jeunes créateurs de start up numériques

sont légion. La société Qunb, spécialisée dans la visualisation de données pour les entreprises, a

remporté en décembre la compétition organisée par Le Web à Paris, en présence de Fleur Pellerin.

Mais il n'a pas fallu trois mois pour que l’entreprise s'envole pour Boston rejoindre l'accélérateur

Techstars… La France doit donc trouver un moyen de conserver ses jeunes entrepreneurs.

4.2.2 Le dynamisme des entreprises françaises

Certaines entreprises numériques françaises rencontrent un vrai succès :

a. Criteo

Dans le domaine du raffinage et du traitement de données, l’entreprise Critéo se taille une part du

gâteau à côté des OTT (Over the Top) en termes de compétitivité. Criteo permet aux sites e-commerce

de tirer parti de grands volumes de données de façon efficiente et efficace afin d’engager et de

convertir leurs clients. Son succès est fondé sur des algorithmes de prédiction sur l’intention et

l’engagement des consommateurs, cela permet à Criteo de chiffrer le prix et de livrer des bannières

de publicités pertinentes et personnalisées, en temps réel. Cette société est donc capable de tirer parti

49 http://www.telecom-paristech.fr/formation-continue/les-entretiens-de-telecom-paristech/dec-2012-big-data-big-value/avis-experts.html

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41

de l’analyse en temps réel des données produites par les internautes et de maîtriser les 5 V (Volume,

Vélocité, Variété) du « Big Data ». La croissance de Criteo a jusqu'à présent été exponentielle. Créée

en 2005, profitable en 2012, la société affiche 459 millions de dollars (334 millions d'Euros) de chiffre

d'affaires au premier semestre et a fait, le 5 novembre dernier, une entrée remarquée sur le NASDAQ,

l'indice des valeurs technologiques de la Bourse de New York. Pourquoi pas une cotation à Paris ?

Parce que la place financière parisienne n'offre pas une visibilité suffisante, selon les experts, pour

espérer un jour accueillir ou tout simplement pour permettre le développement d'un nouveau Google.

A Paris, les valeurs technologiques sont rares, les fonds d'investissements spécialisés et les potentiels

racheteurs peu nombreux et il y a très peu d'analystes financiers qui suivent les sociétés « techno »50.

b. Cloudwatt

Cloudwatt est une société créée en septembre 2012. Le service offert par Cloudwatt consiste à

commercialiser l’infrastructure technologique qui permet de récolter et stocker les données. Le

Datacenter de Cloudwatt est situé à Val-de-Reuil (Normandie).

Le lancement de Cloudwatt entre dans le cadre du projet Andromède51 initié en 2009 dans l’objectif

de donner plus de chances à la France d’exister sur le marché du cloud computing. Pour son

fondateur Patrick Starck, ancien vice-président EMEA de CA Technologies et ancien dirigeant de

Hewlett Packard France et de Compaq France, Cloudwatt doit : « Offrir la transparence que les

acteurs américains refusent »52.

La marque de fabrique délivrée par Cloudwatt repose sur le principe de souveraineté des données

qui :

- concerne le lieu d’hébergement des données (en l’occurrence la France) ;

- garantit une éthique quant aux traitements des données subies pour les hébergeurs et les restituer

rapidement et de manière pérenne (architecture technique sous contrôle) ;

- décline des conditions de générales de ventes dans les contrats en cohérence avec l’ambition (à

opposer aux CGV de Google par ex.).

Face à la défiance générée par les affaires PRISM et XKeyScore, les attentes autour du cloud

souverain sont de plus en fortes, une véritable opportunité pour Cloudwatt.

c. La Bnf et ProQuest

Pourtant, il arrive que la France fasse appel à des entreprises étrangères plutôt qu’à ses propres

« pépites numériques nationales ».

50 http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/10/30/les-frenchies-de-criteo-entrent-au-nasdaq_3505314_3234.html 51 Andromède est un projet de « cloud souverain » sécurisé pour le gouvernement français, son administration et les entreprises françaises. Voir page 33 52 http://www.silicon.fr/starck-cloudwatt-transparence-americains-refusent-89885.html

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42

Gallica est la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France. En ligne depuis 1997,

elle s’enrichit chaque semaine de milliers de nouveautés et offre aujourd’hui accès à plus de 2 millions

de documents. En 2005, Google met en œuvre un vaste programme de numérisation des livres,

Google Books, dans le but de constituer une bibliothèque numérique accessible au plus grand

nombre. Ce projet baptisé d’abord la numérisation des livres mis à disposition par les bibliothèques

partenaires (Harvard University Library, New York Public Library, University of Oxford …), puis la

publication du livre numérisé sous forme d’extraits sur la plateforme Google Books accessible via

internet.

Pour accélérer la numérisation de ses collections patrimoniales et les mettre à disposition du

publique via Gallica, la Bibliothèque nationale de France a noué en janvier 2013 des partenariats

publics-privés avec plusieurs firmes dans le cadre des Investissements d’avenir : ProQuest pour la

numérisation des livres anciens, Believe et Memnon pour celle des fonds de 78 tours. Problème,

ProQuest est une société américaine (dont la Banque Golman&Sachs est actionnaire53 ) qui envisage

de vendre des accès payants aux collections numérisées sous forme d'abonnement, y compris aux

bibliothèques et universités françaises alors que dans les autres pays européens où ProQuest est en

affaire avec des bibliothèques patrimoniales, il lui a été possible de ménager un accès gratuit pour le

pays d'origine, alors même que la firme assumait l'intégralité des coûts de numérisation.

Dans le contrat récemment passé avec la France, il y a donc deux contradictions. D’un côté, les

organismes publics français devront payer pour consulter les documents appartenant au droit public ;

et d’un autre côté, la numérisation de ces documents est financée par des fonds publics.

Ce type de situation met en lumière l’une des difficultés rencontrées par les start-ups : s’imposer en

France sur des projets nationaux. Une autre des difficultés, c’est d’arriver à se financer sans avoir

recours à des fonds étrangers, certaines de nos entreprises ont d’ores et déjà attiré l’attention

d’investisseurs américains…

c. Sigfox

L’entreprise Sigfox a marqué l’année 2013. Il faut dire, qu’à l'heure de l'Internet à grande vitesse,

cette start-up toulousaine s’est lancée sur le marché du Machine to Machine, avec son réseau "très

bas débit". Celui-ci permet de transmettre à bas coût et sur une longue distance une quantité limitée

de données (l'équivalent d'un petit SMS). Une entreprise comme Clear Channel peut grâce à ce type

d’outil vérifier, sans se déplacer, que ses panneaux d'affichage sont bien en état de marche ; le groupe

s’assurance MAAF fait communiquer ses boîtiers alarme et incendie avec un smartphone ou avec le

commissariat le plus proche.

53 http://www.actualitte.com/economie/la-banque-goldman-sachs-investit-dans-la-societe-proquest-46116.htm

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Un beau succès qui fait parler à l’international, les experts télécoms de la Silicon Valley, au travers du

groupe Telecom Council, ont couronné Sigfox d’un Spiffy award qui la consacre "start-up la plus

innovante", mais qui, comme le montre la dernière levée de fonds attire aussi les investisseurs

étrangers et majoritairement américains (Intel Capital comme Intel Capital par exemple).

4.3 Faire de la France la nation des start-up numériques en Europe54

L’enjeu stratégique du « Big Data » est si fort qu’il est nécessaire d’avoir une position française voire

européenne fortement impliquée dans le financement tant public que privé de l’économie numérique.

Il est aussi important pour la France d’arriver à définir un cadre fiscale et juridique propre à protéger

ses entreprises et à encourager l’innovation.

4.3.1 Favoriser le financement

Différents leviers de financement peuvent jouer un rôle déterminant dans la promotion du

financement des start-up numériques françaises :

a. Renforcer le financement public

C’est l’objectif de la La Banque Publique d'Investissement (BPI) ou Bpifrance, un groupe public

français de financement et de développement des entreprises qui regroupe Oséo, CDC Entreprises, le

FSI et FSI Régions. Bpifrance est chargée de soutenir les petites et moyennes entreprises, les

entreprises de taille intermédiaire et les entreprises innovantes en appui des politiques publiques de

l'État. Elle été créé par le gouvernement Ayrault par la loi du 31 décembre 2012. Elle est présidée par

Jean-Pierre Jouyet et dirigée par Nicolas Dufourcq, ex-directeur financier et numéro deux de

Capgemini. Les secteurs privilégiés sont le numérique, les biotechnologies et les éco-industries et

l’établissemnt envisage d’investir 9,2 milliards d’Euros directement dans des entreprises d’ici 2017.

Les fonds privés alimentés par la banque investiront quant à eux 2,7 milliards d’Euros. Par ailleurs, la

BPI a lancé en février 2012 deux nouveaux outils de financement : le prêt pour l'innovation (PPI) et le

pré-financement du crédit impôt recherche (CIR).

De bonnes initatives à condition que que les fonds alloués à la BPI ne soit pas, pour des raisons

politiques, déviés vers la sauvgarde d’entreprises en difficultés (Heuliez, Petroplus...) mais continuent

bien à construire l’avenir.

54 54 Ce titre s’imspire des propos de Fleur Pellerin : http://www.latribune.fr/technos-medias/20131212trib000800692/fleur-pellerin-faire-de-la-france-la-nation-des-start-ups-en-europe-.html

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44

b. Encourager le financement participatif : le crowdfinding

La finance participative, ou crowdfunding, est une expression décrivant tous les outils et méthodes de

transactions financières qui fait appel à un grand nombre de personnes pour financer un projet.

Ce mode de financement se fait sans l'aide des acteurs traditionnels du financement, il est dit

désintermédié. L'argent peut être collecté sous forme de dons, de prêts rémunérés ou non, ou, dans le

cas d'une entreprise, de parts de capital.L'émergence des plateformes de finance participative a été

permise grâce à internet et les réseaux sociaux. Et connaît un succès grandissant, c'est une

révolution", a estimé la ministre de l'Innovation et des PME, Fleur Pellerin, en guise d'introduction

aux Assises de la finance participative en septembre 2013. Toujours selon la Ministre, le financement

participatif a déjà permis de soutenir 60.000 projets.Pour renforcer ce type de financement, le

gouvernement envisage d’adapter la législation en 2014, d'alléger certaines procédures et contraintes

avec pour but d'offrir un cadre "à la fois souple et protecteur" pour développer cette activité qui

représente déjà plusieurs milliards de dollars aux Etats-Unis mais reste marginale en France, même

si elle connaît une forte croissance, a expliqué la ministre.

c. Les fonds de capital risque

Le capital-risque français manque de moyen : les fonds de capital-investissement étrangers sont très

présents et très actifs. Ils ont participé à six des dix levées de fonds réalisées par des start-up

françaises de l'Internet entre le 1 juin 2012 et le 30 juin 2012. A titre d’exemple en septembre 2012,

Criteo a engrangé 30 millions d'Euros, dans le cadre d'un tour de table réunissant les fonds

d'investissement américains Softbank Capital, Adams Street, Bessemer Venture Partners, ainsi que

SAP Ventures. Plus récemment encore, les 100 millions d'Euros levés par Deezer, en octobre 2012, lui

ont été apportés par le fonds d'investissement américain Access Industries.

Les fonds de capital-risque français ne sont pas présents au capital des stars françaises de l'Internet

par manque de moyens. Au premier semestre 2012, le capital-investissement français a levé 1,8

milliard d'Euros seulement, auprès d'investisseurs institutionnels et particuliers, soit 28% seulement

des fonds levés sur l'ensemble de l'année 2011. Et les choses ne vont pas s’arranger avec les futures

réglementations Bâle III et Solvabilité II, relatives au renforcement des fonds propres des banques et

des assureurs européens, qui restreignent la capacité de ces derniers à continuer à jouer leur rôle de

traditionnels pourvoyeurs de fonds du capital-investissement. Résultat, les investissements du

private equity français dans des PME et des start-up ont chuté de 43%, au premier semestre, à 2,3

milliards d'Euros. Il doit donc y avoir un débat du capital-risque français doit porter non seulement

sur les contraintes financières te réglementaires mais aussi sur les modalités d'exercice de celui-ci car

si l'offre et la demande sont importantes, elles ne se rencontrent que difficilement ce qui laisse la

porte ouvertes aux investisseurs étrangers.

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d. Stabiliser la fiscalité

L’État doit aussi préserver une certaine stabilité réglementaire afin de permettre aux entreprises de

continuer à bénéficier de certains dispositifs fiscaux en faveur de l'investissement comme le crédit

d’impôt recherche et le dispositif ISF-PME qui permet en cas d'investissement dans les PME non

cotées, une réduction d’impôts de 50 % des sommes investies et plafonnée à 45 000 €.

Ce type d’avantages favorise l’investissement privé comme ceux des « business angels » même si la

France reste très largement en retard par rapport aux Etats-Unis ou la Grande-Bretagne. « A PIB

égal, les investissement des Angels aux Etats-Unis sont 30 fois plus important qu’en France donc on

a encore du chemin à faire », précise Jean-David Chamboredon55. Surtout, la taille médiane des

montants des tours de tables a tendance à baisser. Il faut dire que le principal avantage fiscal possible

pour ce type d’investissement – la défiscalisation de la plus-value à la sortie - n'est encore pris en

compte en France qu'à la marge, et impose à l'investisseur de réaliser son investissement à travers un

outil d'investissement limité en montant, le PEA (Plan d'Epargne en Actions), contrairement à

plusieurs autres pays.

Fig n°9: French Internet Business Angel, Money Yardstick (janvier 2013)

55 http://www.maddyness.com/finance/2013/07/11/rapport-fibamy/

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46

4.3.2 Façonner un cadre juridique propre à l’innovation

Deux aspects du droit jouent un rôle déterminant pour favoriser l’innovation : la protection de la

propriété intellectuelle et le principe de précaution qui encadre notamment les risques

technologiques.

La protection de la propriété intellectuelle française, définie par le Code de la propriété

intellectuelle, est bien développée puisque la France est classée n°12 selon dans le classement du

Word Economic Forum56 mais elle devra continuer à évoluer régulièrement et à la cadence dictée par

les progrès technologiques.

Les systèmes français et européen57offrent de nombreux avantages : efficacité, réduction des coûts,

souplesse et simplicité. Les démarches pour enregistrer et protéger ses innovations peuvent être

effectuées en ligne (dépôts de brevets, enregistrements de marques, etc.). Les coûts et les difficultés

minimes de ces systèmes pour les demandeurs, permettent aux petites et moyennes entreprises et

aux créateurs particuliers de se protéger facilement. C’est un atout pour l’innovation en France.

Le principe de précaution, qui encadre les risques technologiques58, a été défini comme tel : « selon

lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment,

ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de

dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable. »59. Ce

principe de précaution vise ainsi à garantir un niveau élevé de protection de l’environnement grâce

des prises de décision préventives en cas de risque. Les évolutions numériques en particulier le sujet

de la protection des données font désormais partie de ces débats et opposent ceux qui pensent qu’il

faut créer un principe de précaution numérique et eux qui pensent, au contraire, que les entreprises

doivent pouvoir prendre des risques pour innover.

Pour Stéphane Grumbach, directeur de recherche à l'Institut national de recherche en informatique

et automatique et Stéphane Frénot, professeur des universités au laboratoire CITI de l'Institut

national des sciences appliquées de Lyon « Autoriser la collecte, le stockage et l'exploitation des

données d'une manière limitée, définie a priori et répondant strictement au besoin de services

particuliers, c'est fermer la porte à l'évolution des services numériques. Or, la société de l'information

56 Le Forum économique mondial (World Economic Forum) est une fondation à but non lucratif dont le siège est à Genève. Le Forum est connu pour sa réunion annuelle à Davos, en Suisse, qui réunit des dirigeants d’entreprise, des responsables politiques du monde entier ainsi que des intellectuels et des journalistes, afin de débattre des problèmes les plus urgents de la planète, y compris dans les domaines de la santé et de l’environnement. 57 Trois organismes sont responsables de la propriété intellectuelle: au niveau national: Institut national de la propriété industrielle ; au niveau européen: Office de l'harmonisation dans le marché intérieur ; au niveau international: Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. 58 Principe de précaution mentionné dans l’article 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (UE). 59 Article L110-1 du Code de l’environnement

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est en pleine évolution, nous n'avons aujourd'hui qu'une idée imprécise des services qui seront

disponibles dans dix ans ».60

Déjà en 2008, la Commission pour la libération de la croissance française, ou, du nom de son

président Jacques Attali, la « Commission Attali », est chargée par le Président de la République

Française Nicolas Sarkozy de rédiger un rapport fournissant des recommandations et des

propositions afin de relancer la croissance économique de la France. Les travaux avaient débuté en

juin 2007 et lors du rendu du rapport final le 23 janvier 2008, la Commission avait souligné le côté

pénalisant pour l’innovation d’un principe de précaution constitutionnalisé, trop imprécis et surtout

conçu comme une obligation de s’abstenir dans le doute61.

Trouver un équilibre entre innovation, compétitivité et respect de la vie privée, c’est la commission

d’évaluation des politiques d’innovation mise en place, au sein du Commissariat général à la stratégie

et à la prospective, par Jean-Marc Ayrault en novembre 2013.62 « Moyennant une règlementation

équilibrée, notre pays pourrait devenir le terreau d’innovation d’usage dans le domaine du Big Data »,

estime Anne Lauvergeon qui préside cette commission. Pour ne pas étouffer l’innovation, elle

recommande de ne pas trop légiférer dans ce domaine et de préserver un certain « droit à

l’expérimentation ». Il s'agit d'évaluer l'efficacité et le bien-fondé de certaines pratiques permettant

l'exploitation des données, avant de réfléchir à un possible encadrement législatif.

Pour rappel, aux ÉtatsUnis, il n’existe pas de corps unique de règles protégeant la vie privée mais des

réglementations sectorielles. Les Lois sont donc différentes dans les 50 États sur les questions de

sécurité informatique et de protection de la vie privée.

En parallèle des réflexions françaises, l’Europe a décidé de réviser la directive 95/46/CE car cette

ancienne législation n'avait pas prévue l'essor d'Internet, des moteurs de recherche et des réseaux

sociaux. L'objectif était d'aboutir à un texte définitif «avant les élections européennes de mai 2014».

Mais depuis le Conseil Justice et Affaires intérieures de l’UE des 5-6 décembre, où les Etats membres

ne sont pas parvenus à s’entendre sur un nœud bloquant de leurs négociations, la perspective d’une

définition prochaine par le Conseil de sa position, et donc d’une adoption du règlement avant les

élections de mai 2014, s’éloigne. Il est plus probable que le règlement serait adopté fin 2014 ou début

2015, pour une mise en œuvre deux ans plus tard. Il n’est d’ailleurs pas inutile de préciser que ce qui

est proposé par la Commission européenne est un règlement, c'est-à-dire un instrument directement

applicable dans le droit des États membres et qui formera la loi unique des États membres

(contrairement à une directive qui ne fait que définir un résultat à atteindre, laissant aux États une

autonomie dans la définition des moyens, ce qui laisse coexister autant de législations nationales

60 Propos extrait d’un article du monde http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/04/15/vers-un-principe-de-precaution-numerique_3160109_3232.html 61 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/084000041/0000.pdf 62 http://www.strategie.gouv.fr/blog/wp-content/uploads/2013/11/CP-Plan-innovation-OK.pdf

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distinctes).

L’objective de cette révision est d’obliger les entreprises non européennes (comprendre, américaines)

à respecter scrupuleusement la loi européenne, qui introduirait la notion de « consentement explicite

» sur la collecte des données personnelles. En cas de désobéissance, elles pourraient faire face,

d’après le New York Times, à des amendes allant jusqu’à 5% de leur chiffre d’affaires annuel.

Un autre axe de réfléxion consite à developper la certification, en France il y a désormais un premier

prestataire certifié « marque NF461 » 63. En effet, depuis janvier 2013, il est possible d’obtenir une

marque « NF » 64en matière d’archivage électronique, délivrée par AFNOR 65Certification, organisme

agréé par le Cofrac (Comité français d’accréditation), unique organisme d’accréditation en France.

Via la marque « NF 461 », tout système d’archivage électronique (SAE) peut être certifié, qu’il s’agisse

d’une offre de SAE en interne, ou qu’il s’agisse d’un service de SAE proposé par à un prestataire à ses

clients. Le respect des règles de certification de la marque NF461 permet de garantir « aux documents

conservés leur fidélité, intégrité, pérennité et traçabilité, pour que ceux-ci puissent conserver leur

valeur d’origine ».Le 2 mai 2013, Locarchives66, membre de l’Aproged67 vient déjà d’obtenir la

certification « marque NF 461 », aussi bien pour ses services de conservation que de numérisation.

4.3.3 La fiscalité 3.0

L’autre arme de la France pour lutter contre l’influence des géants américains (Google, Amazon,

Facebook,…), c’est la fiscalité. Une nouvelle fiscalité d'Internet, assise sur la collecte des données, est

envisagée dans le rapport sur l'économie du numérique, confié en juillet 2012 au conseiller d'État

Pierre Collin et à l'inspecteur des finances Nicolas Colin68. Ce rapport suggère des négociations

internationales pour mieux imposer les géants du Web. En attendant, une taxe est proposée au

niveau national, sur le modèle de la «taxe carbone», cette taxe s'appliquerait aux pratiques de

collecte, de gestion et d'exploitation commerciale de données personnelles issues d'utilisateurs

localisés en France». Ce serait un moyen de contraindre Apple, Google, Facebook ,… à payer pour

l'utilisation des informations collectées sur les internautes en France. La Commission européenne a

lancé officiellement un groupe de travail chargé de remettre, au premier semestre 2014, des

propositions destinées à combattre l'optimisation fiscale des multinationales du Web mais arriver à

un consensus européen est assez difficiles puisuqe certains Etats membres octroient à certains géants

du Net un véritable asile fiscal. C'est le cas de l'Irlande et du Luxembourg.

63 http://www.aproged.org/index.php/Association/Deja-un-premier-prestataire-certifie-marque-NF461.html 64 La marque NF est une marque collective de certification attestant de la conformité à des caractéristiques de sécurité et de qualité. 65 L'association AFNOR et ses filiales constituent un groupe international au service de l'intérêt général et du développement économique. Il conçoit et déploie des solutions fondées sur lesnormes, sources de progrès et de confiance. Il est organisé autour de 4 grands domaines de compétences : lanormalisation, la certification, l’édition de solutions et services d’information technique et professionnelle et la formation. 66 LOCARCHIVES, tiers archiveur, propose des solutions d'archivage externalisées et accompagne dans l'organisation de la gestion de documents. 6767 Aproged - Association de la Maîtrise et de la Valorisation des Contenus. 68http://www.senat.fr/espace_presse/actualites/201301/fiscalite_du_numerique_vers_une_taxe_sur_la_collecte_et_la_detention_des_donnees_personnelles.html

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CONCLUSION

La France qui peinait à rattraper son retard sur les Etats-Unis en termes d’industrie informatique et

de bases de données dans les années 60 et 80 ; qui abordait les autoroutes de l’information dans les

années 80 et 90 par les usages qu’elles allaient permettre, tandis que les Américains s’intéressaient à

la compréhension et à l’utilisation des informations qu’elles allaient transmettre, cette France s’est

vue distancée de façon spectaculaire par les « GAFA » (Google, Amazon, Facebook, Apple et autres

Twitter) pour la récolte et la valorisation des données produites par les utilisateurs.

L’essor du « Big Data » cristallise ainsi la puissance des GAFA qui viennent rivaliser sans états d’âme

avec les États sur certains de leurs domaines réservés (éducation, fiscalité…).

La France a-t-elle raté l’enjeu du « Big Data » ? Certainement si l’on considère la puissance des

« GAFA ». Certainement également si l’on considère la capacité des Etats-Unis à valoriser au plan

économique leurs gigantesques investissements en matière de cybersécurité.

Pour autant, la valeur du « Big Data » c’est aussi la capacité à valoriser les données et surtout à leurs

donner du sens. La France l’a, enfin !, bien compris et peut s’appuyer sur un réseau d’ingénieurs et

d’entrepreneurs de talents pour envisager de devenir la nation des start-up numériques en Europe à

condition que soient adressées énergiquement les problématiques de financement des jeunes

entreprises, de fiscalité, d’attractivité de la marque « France » et que les initiatives des pouvoirs

publics aient de la persistance au-delà des effets d’annonce et des alternances politiques.

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REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier toutes les personnes qui ont participé de différentes façons à la rédaction de

ce rapport et plus particulièrement les personnes que nous avons eu le plaisir d’interviewer dans le

cadre de ce travail et que nous citons ci-dessous :

- Monsieur Patrick BEJA, Journaliste69

- Monsieur Olivier DESBIEY, Responsable Innovation and Foreseight, Commission nationale

de l'informatique et des libertés (CNIL)

- Monsieur Antoine FOBE, Chargé des relations institutionnelles, Service des affaires

européennes et internationales, Commission nationale de l'informatique et des libertés

(CNIL)

- Monsieur Nicolas GLADY, Professeur Associé à l’ESSEC Business School, Département

Marketing,

- Madame Fleur PELLERIN, Ministre déléguée auprès du ministre du Redressement productif,

chargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l'Innovation et de l'Economie numérique

- Monsieur Jean-Michel TREILLE, Président de la société GAPSET70, ancien membre du

Commissaire général au Plan

69 http://patrickbeja.com 70 http://www.gapset.com/fr

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BIBLIOGRAPHIE

Rapports

GALLOIS Louis, Rapport au Premier Ministre "Pacte pour la compétitivité de l'industrie

française", novembre 2012

BOCKEL Jean- Marie, Rapport d’information au Sénat n°681 « La cyberdéfense : un enjeu

mondial, une priorité nationale », déposé le 18 juillet 2012

SINE Alexandre, GARCIN Cédric, HAUSSWALT Pierre, Rapport du ministère de l'Economie,

des Finances et de l'Industrie, du ministère du Budget, des Comptes publics et de la Réforme

de l'Etat et de l'IGF, « Le soutien à l'économie numérique et à l'innovation », janvier 2012

Rapport du Secrétariat du Conseil de l'Europe, « La gouvernance de l'Internet et ses

ressources critiques », mai 2009

Ministère de la Défense, « Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale » rapport

rendu public par le président de la République le lundi 29 avril 2013

COLLIN Pierre, COLIN Nicolas, Rapport au Ministre de l’économie et des finances, au

Ministre du redressement productif, au Ministre délégué chargé du budget et à la Ministre

chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation, et de l’économie numérique

« Mission d’expertise sur la fiscalité de l’économie numérique », janvier 2013

Etudes

Ernst & Young, « Comportements culturels et données personnelles au cœur du Big Data – Entre

nécessaire protection et exploitation au service des équilibres ». Etude rédigée sous la direction de

Bruno Perrin, Fabrice Natft Alski et Régis Houriez, 2013

Etude mondiale PwC sur la sécurité de l’information, la protection des données et leur alignement avec

les besoins métiers – 15ème édition. Etude diffusée en France sous la direction de Philippe Trouchaud

YIU Chris, “The Big Data Opportunity: Making government faster, smarter and more personal”, 2012

McKinsey&Company Global Institute, “Big data: The next frontier for innovation, competition, and

productivity”, mai 2011

Livres

FAYON David, « Géopolitique d'Internet - Qui gouverne le monde ? », Economica, Paris,

mars 2013

MASSIT-FOLLEA Françoise, « La gouvernance d'Internet », Les Cahiers du numérique,

vol.3, 2002

BRASSEUR Christophe, « Enjeux et usages du big data. Technologies, méthodes et mises en

œuvre », Paris, Lavoisier, 2013

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MOUNIER-KUHN Pierre-Eric, « Le Plan Calcul, Bull et l’industrie des composants : les

contradictions d’une stratégie », Revue historique, 1995, vol. CCXC n° 1, 123-153

Articles

GRUMBACH Stéphane, « Les données, puissance du futur », article publié dans le monde le 7

janvier 2013

GRUMBACH Stéphane et FRENOT Stéphane, « Vers un principe de précaution

numérique ? », article publié dans le monde le 15 mars 2013

GUEUGNEAU Romain, « Le "big data" peine à décoller en France », article publié dans Les

Echos le 4 avril 2013

CUNY Delphine, “Big Data" is big business, vraiment !”, article publié dans La Tribune le

avril 2013

Sites de référence

http://intgovforum.org/cms Site de l'Internet Gouvernance Forum

http://cybergeopolitik.blogspot.fr Blog géopolitique et enjeux politiques

http://réseaux.blog.lemonde.fr Blog de Dominique Lacroix, analyste et présidente de la SEI

http://intelligence-strategique.eu Blog avec des informations cyberstratégiques

http://www.blogmeter.it/

http://patrickbeja.com

http://www.usine-digitale.fr/

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GLOSSAIRE DES ABREVIATIONS

CAE : Compagnie européenne d’Automatisme Electronique

CAS : Centre d’Analyse Stratégique

CEA : Commissariat à l’Energie Atomique et aux énergies renouvelables

CENT : Centre National d'Etudes des Télécommunications (ancien nom de France Télécom R&D.

Désormais connu sous le nom de Orange Labs)

CGE : Compagnie Générale d'Électricité

CGP : Commissariat Général au Plan

CII : La Compagnie Internationale pour l'Informatique

CNES : Centre national d’Etudes Spatiales

CNIL : Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés. La CNIL est chargée de veiller à ce

que l’informatique soit au service du citoyen et qu’elle ne porte atteinte ni à l’identité humaine, ni aux

droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques. Elle exerce ses

missions conformément à la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée le 6 août 2004

CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique

COPEP : Commission Permanente de l’Electronique du Plan

CSF: Compagnie générale de la télégraphie sans fil

DGA : Direction Générale de l'Armement

DGRST : Délégation Générale à la Recherche Scientifique et Technique. Cet organisme de

l'administration française dépend des services du Premier ministre et a pour mission de coordonner

les actions décidées par le gouvernement, les universités et le CNRS dans le domaine de la recherche

et des technologies

GPS : Global Positioning System (qui peutêtre traduit par « système de localisation mondial »)

FBI : Federal Bureau of Investigation (qui peut être traduit par « Bureau fédéral d'enquête »)

FSN : Fond national pour la Société Numérique

INRIA : Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique

IRIA : Institut National de recherche en Informatique et en Automatique

LOG: symbole mathématique du mot logarithme

NSA : National Security Agency (qui peut être traduit par « Agence nationale de la sécurité »)

OTT : Over The Top. Se dit d'un diffuseur qui utilise l'infrastructure de l'opérateur pour fournir son

service. Par exemple, les services de vidéo à la demande tels que Netflix ou Hulu sont des OTT car ils

utilisent le réseau internet pour fournir leur service à leurs abonnés.

RFID : abréviation qui signifie « Radio Frequency Identification » (en français, « Identification par

Radio-fréquence»)

SEA : Société d’Electronique et d’Automatisme

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LISTE DES TABLEAUX ET ILLUSTRATIONS

Fig. n°1 : Échelle comparative de mesure des données numériques……………………………………………………………6

Fig. n°2 : Les « 3V » du Big Data……………………………………………………………………………………………………………7

Fig. n°3: Data, raw material of the 21 st century………………………………………………………………………………………8

Fig. n°4: Poids des moteurs de recherche……………………………………………………………………………………………….9

Fig. n°5: The World Map of Social Networks…………………………………………………………………………………………..10

Fig. n°6: Évolutions des capacités de stockage mondiales………………………………………………………………………..10

Fig. n°7: Big Data can generate significant financial value across sectors…………………………………………………..12

Fig. n°8: Some sectors are positioned for greater gains from the use of Big Data………………………………………..13

Fig n°9: French Internet Business Angel, Money Yardstick (janvier 2013) ………………………………………………48