Université de Montréal Mieux comprendre la détresse morale des infirmières pour pouvoir mieux y faire face par Sylvie Dorris Département de Bioéthique Faculté de médecine Travail dirigé présenté à la Faculté des études supérieures en vue de l’obtention du grade de Ma en Bioéthique Août 2011 Sylvie Dorris, 2011
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Université de Montréal Mieux comprendre la détresse morale des infirmières pour pouvoir
mieux y faire face
par
Sylvie Dorris
Département de Bioéthique
Faculté de médecine
Travail dirigé présenté à la Faculté des études supérieures
en vue de l’obtention du grade de Ma en Bioéthique
Août 2011
Sylvie Dorris, 2011
Université de Montréal
Faculté des études supérieures
Ce travail dirigé intitulé :
Mieux comprendre la détresse morale des infirmières pour pouvoir mieux y faire face
présenté par :
Sylvie Dorris
a été évaluée par un jury composé des personnes suivantes :
Mme Jocelyne St-Arnaud, directrice de recherche M. Bryn Williams-Jones, directeur du programme Bioéthique
III
Résumé
Bien que la détresse morale soit vécue par plusieurs infirmières dans différents
milieux de soins, peu d’infirmières et gestionnaires sont familiers avec ce concept et
en comprennent toute l’étendue. Mais comme la détresse morale peut avoir des
impacts négatifs autant sur l’infirmière que sur les patients, il s’avère important de
bien cerner cette problématique. Grâce à une revue intégrative des écrits effectuée,
nous présentons ici les définitions de la détresse morale, les facteurs en cause, ainsi
que des pistes de solutions pour tenter de la prévenir ou de la pallier. Notre système
de santé ne cesse de se complexifier, avec d’un côté, les avancées technologiques qui
repoussent continuellement les limites des interventions de soins et d’un autre côté,
les contraintes budgétaires et les pénuries de ressources (surtout humaines) qui elles,
imposent des limites. Dans ce contexte particulier, il demeure essentiel de supporter
le personnel infirmier dans la résolution des conflits moraux qui surgissent dans la
pratique et cela autant pour le bien de l’infirmière que pour le bien de tous.
Mors clés : détresse morale, infirmières.
IV
Abstract
Although moral distress is experienced by many nurses in different care settings,
few nurses and managers are familiar with this concept and understand its full
extent. But as moral distress can negatively impact both nurses and patients, it
is important to understand this problem. With an integrative review of the
literature conducted, we present the definitions that have been granted to moral
distress, the factors involved and possible solutions to try to contain it. Our health
system is getting more and more complex, with on one hand, technological
advances that continuously push limits of care intervention further and on the other
hand, budgetary constraints and shortages of resources (especially human) that
impose limits. In this particular context, it remains essential to help nurses deal
with moral conflicts that arise in their practice not only for the good of nurses but
also for the good of all.
Keywords : moral distress, nurses.
V
Table des matières
Page
Résumé …………………………………………………………………………..…III
Abstract …………………………………………………………………………....IV
Table des matières ………………………………………………………………....V
Liste des tableaux ………………………………………………………………...VII
Liste des figures ………………………………………………………………… VIII
Remerciements………………………………………………………………….....IX
Introduction au problème de recherche…………………………………………..1
Buts, question, hypothèse de recherche……………………………………………6
Revue intégrative des écrits………………………………………………………...7
Chapitre I Définitions de la détresse morale………………………………….. 9
1- Problème moral lié à des contraintes ou obstacles externes et internes à la personne………………………………………….9 2- Problème moral en tant que phénomène perçu et vécu
par les infirmières………………………………………………17 3- Qu’en disent les associations……………………………………21 4- Définition personnelle de la détresse morale…………………....23 5- Instruments de mesure de la détresse morale……………….......24
Chapitre 2 Impacts de la détresse morale .......………………………………..25 1- Impacts sur l’infirmière …………………………………………25 2- Impacts positifs…………………………………………………. 28 3- Impacts sur le patient…………………………………………….28 4- L’âge et l’expérience sont-ils des facteurs de détresse morale?....29
Chapitre 3 Facteurs et causes de la détresse morale………………………….32
1- Relevé des facteurs issus d’études empiriques………………….41
VI
Chapitre 4 Pistes de solutions…………………………………………………..46
1- Suggestions et recommandations pour prévenir ou pallier la détresse morale …………………………………..48 2- Formation de comités ou actions entreprises pour
favoriser les échanges et discussions ………………………….49 3- Enseignement et formations …...……………………................ 50 4- Recommandations aux infirmières-chefs et aux gestionnaires…………………………………………………...51
5- Les programmes proposés par certains auteurs………………...54 6- Le programme de Kälvemark et ses collègues ………………...56 7- Le programme de thérapie cognitive et comportementale……..56 8- Le programme Éducationnel sur les interventions de fin de vie ……………………………………………………57
9- Le concept de hardiesse………………………………………...60
Conclusion ……………………………...………………………………………….63
Bibliographie Annexe 1 : Résultats en tableaux de Delmas et coll. (2004)…………………….. i
Tableau VI : Niveau de hardiesse au temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes ………………………………….i Tableau VII : Intensité du stress occupationnel aux temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes………………….i Tableau VIII : Présentation des moyennes et des valeurs de p des différentes dimensions du coping aux temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes …………………ii Tableau IX : Niveau de la qualité de vie au travail en score global au temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes.. ii
VII
Liste des tableaux
Page
Tableau I : Moyennes et déviations standards entre la génération X et les babyboomers………………………………………………..30 Tableau II : Comparaisons du pointage total entre les départements et les unités………………………………………………………..35 Tableau III : Relevé des facteurs en lien avec la détresse morale………………41
Tableau IV : Écrits théoriques consultés en lien avec la détresse morale……… 66
Tableau V : Recherches qualitatives et quantitatives en lien avec la détresse morale………………………………………………………….….67
Tableau VI : Niveau de hardiesse au temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes ………………………………………………i
Tableau VII : Intensité du stress occupationnel aux temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes………………………………………………i Tableau VIII : Présentation des moyennes et des valeurs de p des différentes dimensions du coping aux temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes………………………………………………ii
Tableau IX : Niveau de la qualité de vie au travail en score global au temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes………………………………ii
VIII
Liste des figures
Page
Figure 1 : Schématisation du processus de la recension…………………….7
Figure 2 : Modèle de Wilkinson……………………………………………12
Figure 3 : Modèle de Fry et coll. …………………………………………..15
Figure 4 : Instruments pour mesurer la détresse morale…………………….24
IX
Remerciements
Je voudrais remercier ma famille et mes amis pour leur soutien durant tout le
processus du travail dirigé. Un merci particulier à mon conjoint qui a toujours cru
que je pouvais y arriver, il fut d’un support indéfectible. Ma reconnaissance va
aussi à ma directrice de maîtrise, Mme Saint-Arnaud, qui, malgré son emploi du
temps chargé, a accepté de m’accompagner dans ce travail. Ce fut un grand
honneur de pouvoir jouir de sa grande érudition et de pouvoir compter sur sa
disponibilité, son support et ses commentaires toujours constructifs. Pour finir, un
merci à toutes les infirmières que j’ai côtoyées durant ma carrière et qui m’ont
permis de connaître la richesse inestimable que possèdent ces femmes de cœur et de
tête.
Sylvie Dorris Travail dirigé
1
Introduction au problème de recherche
En 2006, la Fondation canadienne sur les services de santé déclarait que le manque
d’infirmières est le problème le plus important auquel les directions des ressources
humaines ont à faire face, en milieu hospitalier. Selon l’A.I.I.C. (Association des
infirmières et infirmiers du Canada), la pénurie d’infirmières est évaluée à 11,000 au
Canada en 2007 et si rien n’est fait pour y remédier, on estime qu’elle sera de 60,000
en 2022. Avec une population de plus en plus vieillissante, on prévoit que le
cinquième, soit un québécois sur cinq, sera âgé de 65 ans et plus en 2025.
Connaissant les besoins accrus que nécessitent les soins pour cette clientèle, si on ne
s’attaque pas plus sérieusement à la pénurie, plusieurs craignent le pire pour notre
système de santé.
Au Québec, en 2009-2010, l’âge moyen des infirmières est de 43,8 ans et 22% ont 55
ans et plus (Portrait sommaire de l’effectif infirmier du Québec 2009-2010). Compte
tenu du fait qu’en moyenne les infirmières prennent leur retraite à 56 ans,
comparativement à 62 ans pour l’ensemble de la main-d’œuvre canadienne (Institut
canadien d’information sur la santé, 2006), les choses ne vont pas aller en
s’améliorant, si aucune action n’est posée.
Le Québec et le Canada ne sont pas les seuls à connaître une pénurie d’infirmières.
Il s’agit d’un problème à l’échelle mondiale qui touche tous les systèmes de santé,
autant les systèmes publics que privés. C’est ainsi qu’aux États-unis en 2002, la Joint
Commission on Accreditation of Health Care Organisations (J.C.A.H.O.) prétend
que, en plus des effets négatifs sur la sécurité des patients et sur la qualité des soins,
la pénurie d’infirmières limite la capacité des hôpitaux à traiter les patients.
Sylvie Dorris Travail dirigé
2
Mais que se passe-t-il avec les infirmières? Plusieurs blâment le gouvernement
d’avoir accéléré la diminution du nombre d’infirmières, au moyen de leur mise à la
retraite massive qui s’est produite en 1997 et dans les années subséquentes. Le 23
octobre 2010, Denis Lessard, journaliste au quotidien La Presse, publie un article
en ligne sur Cyberpresse sur les mises à la retraite massives effectuée en 1997, par le
gouvernement Bouchard. Il interview et cite Jeannie Skeene, ancienne présidente de
la Fédération des infirmières du Québec, qui lui rappelle que d’autres facteurs
s’étaient ajoutés au départ des infirmières à cette époque, « (…), elles étaient alors
bousculées par la réforme de la santé, le virage ambulatoire et les fermetures
d’hôpitaux (…), les infirmières ont fui le chaos ». C’est ainsi que 4000 infirmières,
soit près du double escompté, ont alors quitté le réseau. Ces départs ont frappé dur,
car au même moment, Pauline Marois, ministre à l’Éducation, mit un frein aux
inscriptions dans les écoles de soins infirmiers, soutenue par l’OIIQ (Ordre des
infirmiers et infirmières du Québec), qui prédisait des surplus énormes d’infirmières
en 2005 (Fédération canadienne des Syndicats d’infirmières et d’infirmiers).
Cependant, ce contexte particulier n’explique pas entièrement la pénurie
d’infirmières. D’autres considérants ou facteurs entrent en ligne de compte. Dans
son article sur les dilemmes éthiques vécus par les infirmières aux soins intensifs,
Langlois et coll. (2009) qualifient le manque d’effectifs infirmiers de cercle vicieux :
« la pénurie combinée au contexte de vieillissement de la population et à de
nombreux changements de pratique engendrent des conditions de travail
éprouvantes, lesquelles ont tendance à dissuader les nouvelles recrues, provoquant
ainsi un épuisement du personnel » (p 20).
Sylvie Dorris Travail dirigé
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Une étude de l’American Nurses Association (A.N.A.), a relaté également, que 55%
des infirmières ne recommanderaient pas une carrière d’infirmières à leurs enfants ou
à leurs amis, découragées, semble-t-il, par leur expérience dans la profession
(J.C.A.H.O. 2002). Ainsi, non seulement les infirmières expérimentées comme nous
l’avons vu précédemment, quittent la profession dès qu’elles le peuvent, mais parmi
les jeunes recrues, on retrouve aussi une telle tendance. Selon les données recueillies
en 2003-2004, il y a un taux d’abandon de 20 %, cinq ans après l’entrée dans la
profession (Portrait sommaire de l’effectif infirmier 2003-2004).
Il existe donc, non seulement des problèmes d’attraction en rapport avec la
profession infirmière, mais également des problèmes de rétention. Le contexte et les
conditions de travail y sont pour beaucoup. La reconfiguration du réseau de santé, le
virage ambulatoire et ses effets sur les patients en période pré, per et post
hospitalisation, l’important développement et l’introduction de nouvelles
technologies dans les milieux de soins, de même que les investissements majeurs de
ces technologies, sont justifiés par la recherche d’efficience dans les soins. Cela
génère également souvent un effet de « technicité » qu’on ne peut passer sous silence
en amenant une centralisation ou une domination du cure au détriment du care
(Fédération des Syndicats d’infirmières et d’infirmiers, 2007).
Pour l’infirmière, soigner ne peut se résumer qu’à poser des actes techniques. Ce
glissement vers la technicisation des soins au détriment du care, pose ombrage et
porte préjudice à l’infirmière, à la nature même de la profession. Les valeurs
profondes qui ont habité des femmes et des hommes aussi depuis maintenant
plusieurs années, à faire le choix de devenir soignant(e) s ont peu changé au cours
des derniers siècles. Il m’est arrivé dernièrement, lors des stages effectués en milieu
Sylvie Dorris Travail dirigé
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hospitalier, de demander au personnel infirmier et aux étudiants ce qui les avaient
motivés à devenir infirmière ou infirmier. Le désir de rendre service, d’être utiles à la
société, d’aider les autres, est encore aujourd’hui mentionné lorsqu’on leur demande
pourquoi elles ou ils sont ou veulent devenir infirmière ou infirmier. De la soignante
qui veillait au chevet du malade au 19ième siècle, en passant par l’infirmière de
colonie, à la professionnelle d’aujourd’hui qui œuvre dans les établissements de
santé du réseau ou dans la communauté, il y a une forme très évidente d’engagement
social (Fédération des Syndicats d’infirmières et d’infirmiers, 2007).
Les infirmières trouvent une valorisation essentiellement dans les soins qu’elles
dispensent et dans la contribution qu’elles apportent au mieux-être des membres de
leur communauté. Les techniques effectuées font bien sûr parties du travail de la
majorité des infirmières mais n’en représentent qu’une partie. Comme le souligne
Danielle Blondeau (1999, p 130), le soin infirmier est une forme d’art moral : « son
objet concerne une finalité, c'est-à-dire, la personne humaine (individu, famille,
communauté) et son bien-être (…) comme la profession se définit par ses services
auprès des autres, le souci éthique est inévitablement au centre de ses
préoccupations ».
Toutefois, l’écart entre les idéaux infirmiers et la réalité, suscite des problèmes
éthiques au sein de la profession, qui influent sur le moral des infirmières. Un
problème nouveau a surgi, celui de la détresse morale. Étrangement, bien qu’aux
États-Unis et ailleurs aussi, (Suède, Australie, Japon, etc..), une nombreuse
documentation existe sur le sujet, au Canada et encore moins au Québec, très peu
d’articles y sont consacrés. Ce n’est pourtant pas parce que cette problématique
n’existe pas ici. Bien que certaines auteures québécoises, telles que Danielle
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Blondeau (1999) et Jocelyne Saint-Arnaud (2009) abordent de façon théorique, la
détresse morale dans leurs livres respectifs, aucune étude empirique au Québec ne
semble avoir été menée spécifiquement sur cette problématique. Au Canada,
quelques auteurs comme Leiter et coll. (2010), Pauly et coll. (2009), Storch et coll.
(2002) ont mené des recherches empiriques sur la détresse morale. Pourtant, mes
vingt-cinq années d’expérience comme infirmière dans différents milieux de soins,
jumelées à mon expérience d’enseignante de stage avec des étudiantes infirmières,
m’ont amenée à vivre parfois moi-même cette détresse morale, à en être témoin ou à
recueillir des témoignages ou des confidences dans ce sens. Mais dans le milieu, peu
d’infirmières connaissent le terme, comment elle se définit et ce qu’elle implique.
Dans le contexte actuel de pénurie d’infirmières et de la difficulté d’attraction et de
rétention de cette main-d’œuvre, il est plus qu’important et utile de comprendre
davantage la problématique de la détresse morale des infirmières.
Sylvie Dorris Travail dirigé
6
But, questions, hypothèse de recherche
Le but de ce travail dirigé est de mieux comprendre le phénomène de la détresse
morale vécue par les infirmières dans les milieux de soins. À l’aide d’une revue
intégrative des écrits empiriques et théoriques, il s’agira : - d’explorer les différences
et les similitudes quant à la façon de définir la détresse morale; - d’identifier les
facteurs, les causes, en lien avec la détresse morale; - les impacts possibles sur
l’infirmière et sur le patient ; - ainsi que des pistes de solution pour tenter ce
problème. Enfin, dans l’idée de trouver des moyens pour contrer la détresse morale,
nous tenterons de comprendre pourquoi, malgré des contextes et des conditions de
travail parfois exécrables, plusieurs infirmières vivent peu ou pas de détresse morale.
De plus, les connaissances générées par ce travail dirigé, pourront éventuellement
être intégrées à mon enseignement de l’éthique au niveau collégial et ainsi contribuer
à diffuser l’information sur la détresse morale et à la prévenir dans une certaine
mesure. De cette façon, les infirmières pourraient reconnaître la détresse morale
lorsqu’elle se présente et seraient mieux préparer à y faire face. Cette stratégie
pourrait, à plus long terme, favoriser la lutte pour contrer la pénurie d’infirmières.
L’hypothèse émise est que, les facteurs ou les causes pouvant amener une détresse
morale sont multiples et complexes. Pour certains facteurs, il existe des pistes de
solutions, d’autres ne semblent pas pouvoir être solutionnées autrement que par la
personne elle-même. C’est pourquoi l’infirmière doit aussi pouvoir se tourner vers
ses ressources internes pour faire face aux exigences élevées du milieu, dont
notamment, les conflits et dilemmes moraux auxquels elle est confrontée.
Sylvie Dorris Travail dirigé
7
Revue intégrative des écrits
Le schéma qui suit représente les recherches effectuées dans les différentes banques de
données, ainsi que le nombre d’articles retenus. Après avoir consultés Medline, CINAHL,
PsycInfo et Repères, à l’aide des mots clés suivants : moral distress and nurses, 259 articles
ont ét recensés. Comme la littérature sur le sujet s’avérait assez abondante, il fut décidé de
limiter la recherche aux articles publiés depuis l’année 2005. Suite à l’ajout de ce nouveau
critère, 96 articles sont ressortis. Après avoir lu les résumés, 32 articles furent retenus et 64
exclus, (soit parce que la détresse évoquée n’était que relative à la détresse des patients,
abordée de façon générale sans emphase sur la détresse morale ou bien parce que le concept
de détresse morale était simplement évoqué, comme un effet ou une manifestation parmi
d’autres, sans avoir été défini ou expliqué). Suite à la lecture des articles retenus, 16 articles
cités souvent par les auteurs furent ajoutés, à cause de leur apport à la compréhension de la
problématique et ce, malgré le fait qu’ils soient antérieurs à 2005. En ajoutant également
deux livres consultés, cela totalise donc 50 écrits consultés.
Figure 1 Schématisation du processus de la recension
Kälvermark et coll. (2003), Gutierrez (2005), Rushton (2006), Ferrell (2007),
Hamric et Blackhall (2007), Zuzelo (2007), Rice et coll. (2008), Harrowing et Mill
(2009), Pauly et coll. (2009) et Cummings (2010). L’atteinte à l’intégrité a été
soulevée par Wilkinson (1988), Glasberg et coll. (2006), Laabs (2007) et Goethals et
coll. (2010).
Détresse morale réactionnelle Si par la suite, pour différentes raisons, l’infirmière
n’a pu se débarrasser de la détresse initiale ressentie, d’autres manifestations peuvent
rejaillir et s’exprimer par des dépressions, de l’épuisement professionnel ou burnout,
de l’insatisfaction au travail, des changements d’assignation et même des départs de
la profession. Cette façon de voir la détresse morale en deux stades, se retrouve
parmi les auteurs suivants : Kelly (1998), Corley et coll. (2001), Fry et coll. (2002),
Kälvemark et coll. (2003), Cohen et Erickson (2006), Zuzelo (2007), Rice et coll.
(2008) et Deady et McCarthy (2010). D’autres manifestations de la détresse morale
réactionnelle, comme des cauchemars, un sentiment de dévalorisation, des réactions
physiques tels, des palpitations, diarrhées, maux de tête ont été rapportées par Fry et
Sylvie Dorris Travail dirigé
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coll. (2002), lors de leur étude effectuée auprès d’infirmières militaires. Hanna
(2005), dans son étude auprès d’infirmières assistant aux interruptions de grossesse,
a relevé des abus de drogues et d’alcool. Bien que Wilkinson (1988), n’utilise pas le
terme « détresse morale réactionnelle », elle soulève tout de même le fait que si les
mécanismes de coping de l’infirmière ne réussissent pas à l’aider à se débarrasser des
sentiments négatifs et du déséquilibre psychologique ressenti, elle peut vivre alors,
une grande impuissance, une baisse de son estime de soi et une atteinte à son
intégrité. Ces sentiments éprouvés peuvent la conduire à quitter la profession ou à
rester, mais en risquant encore plus de menaces à son intégrité.
Corley a relevé lors de son étude publiée en 2005, que 25,5 % des infirmières
avaient changé d’emploi à cause de la détresse morale éprouvée. Hamric et Backhall
(2007) ont trouvé que 45 % des infirmières de leur étude avaient déjà envisagé
sérieusement de quitter leur assignation à cause de la détresse morale et que 17%
l’avait fait.
Dans une étude empirique menée par Grulke et coll. (2009), la détresse chez les
patients subissant une allogreffe de cellules souches est corrélée à la détresse chez les
infirmières. Ceux-ci avancent que la détresse du patient peut causer une détresse
réactive chez l’infirmière. De plus, lorsque la détresse de l’infirmière augmente, celle
du patient augmenterait également. Un véritable cercle vicieux, soulignent les
auteurs.
Une équipe italienne, Amati et coll. (2010), a mené une étude mixte (qualitative et
quantitative) auprès d’une population d’infirmières (n = 101), pour vérifier si il
existait une relation entre la satisfaction au travail, la détresse psychologique et le
Sylvie Dorris Travail dirigé
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stress, liés à des paramètres biologiques. Les données indiquent que l’insatisfaction
au travail et les mécanismes psychologiques du stress, affectent négativement la
fonction immunitaire, rendant les travailleurs plus à risque de développer des
maladies inflammatoires, cardio-vasculaires, des infections et des tumeurs.
En 2005, Hanna, mène une étude empirique sur l’expérience de la détresse morale
chez les infirmières assistant aux avortements et cherche à redéfinir le concept de la
détresse morale en des termes plus universellement applicables. Son cadre de
référence est le Modèle d’Adaptation de Roy (RAM). Elle prétend que trois types de
détresse furent identifiés auprès de la cohorte (n = 10 infirmières).
Le premier type est appelé « choc (shocked)», le deuxième serait le « muet (muted) »
et le troisième, « le persistant (suppressed) ». Le premier type, « le choc »,
commencerait de façon abrupte et intense et s’accompagnerait immédiatement d’un
sentiment intérieur de rejet de l’acte dommageable commis (dommage causé à la vie
qui aurait pu avoir lieu pour le fœtus en développement). Le désir de s’esquiver ou
de fuir peut être très présent ou une forme d’engourdissement ou de paralysie peut au
contraire empêcher de bouger ou de réagir. Il s’agirait d’une réaction viscérale du
corps. Ce premier type détresse peut provoquer de la colère, de la peur, de
l’incrédulité ou de la panique.
Le deuxième type appelé « muet », est une expérience intérieure mais qui se
manifeste par un silence extérieur. Cette détresse peut provoquer également des
céphalées, des nausées et de la fatigue et sous-entend toujours que les gens n’en
parlent pas, refoulent mais vivent un dialogue intérieur important. Cette détresse
finit donc par grossir avec le temps, car elle n’est pas partagée et verbalisée.
Sylvie Dorris Travail dirigé
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Finalement, le troisième type appelé « persistant », est selon l’auteure, le plus
difficile à classer et surtout à détecter car souvent on croit la détresse disparue ou
éliminée alors qu’elle ne l’est pas. Ce type de détresse empêcherait la réflexion
consciente de prendre sa place, en émoussant ou érodant en quelque sorte, la
conscience professionnelle et en limitant la capacité à poser un regard objectif sur la
situation. Cela pourrait se traduire aussi par un détachement émotionnel, une
déconnexion de soi ou un déni des situations normalement jugées intenses en
émotion ou encore par de la fatigue, de la dépression, des migraines et des problèmes
gastro-intestinaux. Enfin, bien que ces trois types de détresse identifiés s’avèrent
intéressantes, il faut tout de même reconnaître que cette étude est difficilement
généralisable, étant menée seulement sur une cohorte de 10 infirmières.
2- Impacts positifs : Pour Hanna (2004) et Rushton (2006), le fait de vivre de la
détresse morale peut se révéler comme une expérience ou une occasion unique de
croissance et de transformation personnelle pour l’infirmière. Pour Lützen et coll.
(2003), la détresse morale éprouvée est un signe que l’infirmière fait preuve de
sensibilité face aux aspects moraux de sa pratique et qu’elle est donc plus en mesure
de comprendre la vulnérabilité des patients, ce qui s’avère extrêmement bénéfique
pour le patient.
3- Impacts sur le patient :
Lorsque les infirmières sont perturbées par la détresse morale éprouvée, elles
peuvent avoir tendance à limiter et éviter les contacts avec certains patients ; Corley
(2001) et Gutierrez (2005) ont relevé cet impact. Le fait que les infirmières se
soucient moins des patients, allant jusqu’à négliger leurs besoins de base physiques,
Sylvie Dorris Travail dirigé
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ont été mentionnés par Gutierrez (2005), Rushton (2006), Cohen et Erickson (2006)
et Nathaniel (2006). Les communications et les échanges sont diminués, moins
d’information est donnée aux familles et des stratégies d’évitement sont utilisées
avec elles ; ces impacts ont été relevé par Gutierrez ( 2005) et Zuzelo ( 2007). Des
communications irrespectueuses avec les pairs et les membres de l’équipe de soins
peuvent amener un manque d’échanges et de cohésion dans l’équipe qui pourrait se
traduire par des erreurs de traitements nuisibles aux patients (Rushton 2006).
4- L’âge et l’expérience sont-ils des facteurs de détresse morale?
Il semblait utile et pertinent de savoir si l’âge et l’expérience des infirmières
pouvaient avoir un impact sur le fait de vivre ou ressentir de la détresse morale.
Parmi les articles retenus, six articles seulement ont abordé cet aspect de la question.
Dans l’étude où elle développe son échelle servant à mesurer la détresse morale,
Corley et ses coll. (2001), précisent qu’aucune variable démographique (l’âge,
l’éducation, le sexe) et ni l’expérience de travail, ne peuvent indiquer le degré ou le
niveau de la détresse morale. Utilisant également l’échelle de mesure de Corley et
coll. (2001), Mobley et coll. (2007) et Pauly et coll. (2009) dans leur étude empirique
respective, arrivent à ce même constat .
Par ailleurs, Kälvemark et ses collègues (2006), à l’aide d’une étude empirique
mixte, mesurant la détresse morale vécue en pharmacie et en milieu clinique et
concluent que le groupe le plus âgé éprouve moins de détresse morale que les plus
jeunes. Voici les données obtenues pour les infirmières : Facteur 1 = Niveau de
détresse morale (Infirmières n = 112). Différence statistiquement significative notée
Sylvie Dorris Travail dirigé
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entre le groupe des plus jeunes (18-30 ans) et le groupe des plus âgés (égal ou plus de
56 ans) (p = 0.018)
Les raisons potentielles évoquées sont que le groupe plus âgé a souvent aussi plus
d’expérience, de connaissances en éthique et que de ce fait, les infirmières seraient
plus pragmatiques face aux responsabilités qu’elles doivent assumer et aux limites
qui leur sont imposées. Les auteurs reconnaissent les limites de leur étude et
espèrent que d’autres investigations et explorations futures seront menées pour
infirmer ou confirmer ce constat.
Leiter et coll. (2010), ont mené une étude empirique qualitative portant sur les
différences entre la génération X (né entre 1961 et 1981) et la génération baby-
boomers (né entre 1943 et 1960) chez les infirmières, relativement à la détresse
morale. Ils ont trouvé que la génération X vivait de la détresse morale plus souvent
que les baby-boomers. Les variables utilisées pour exprimer la détresse sont :
l’épuisement, le cynisme, l’intention de partir et les symptômes physiques. Voici les
données obtenues reproduites à partir du tableau de Leiter et coll. (2010) : Le
MANOVA (Multivariate analysis of variance) pour les variables de la détresse
révèlent un effet significatif sur les générations. (F4,522= 2.86, P=0.023, n = 0.021)
Tableau 1 Moyennes et déviations standards entre la génération X et les babyboomers Génération X n = 338
Moyenne SD Baby-boomers n = 139 Moyenne SD
Épuisement 3.15 1.46 2.74 1.49
Cynisme 1.90 1.31 1.69 1.32
Intention de partir 2.42 1.01 2.28 0.87
Symptômes physiques 2.35 1.31 1.97 1.26
Sylvie Dorris Travail dirigé
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Comme l’organisation du système de santé canadien est principalement fondée et
orientée par les valeurs des baby-boomers, les auteurs considèrent que la génération
X vivrait davantage de conflits entre leurs valeurs personnelles et les valeurs
organisationnelles que les baby-boomers, ce qui les rendraient ainsi plus à risque de
vivre un épuisement professionnel. Ils citent également Widger et ses collègues
(2008), qui dans leur étude révèlent que c’était la génération « Millénium ou Y » (né
après 1981) qui détenait le plus haut taux d’épuisement professionnel (burnout). Ils
rappellent d’ailleurs que les deux principaux facteurs en lien avec le burnout, sont les
charges de travail excessives et les conflits de valeurs se présentant entre les valeurs
personnelles et les valeurs organisationnelles.
Passons maintenant à la prochaine étape, où seront abordés les facteurs associés à la
détresse morale vécue par les infirmières.
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Chapitre 3 Facteurs et causes de la détresse morale
Comme le souligne si justement Wilkinson (1988), de par leurs fonctions et leur
présence assidue et continuelle au chevet du patient, les infirmières sont impliquées
dans les évènements fondamentaux de la vie des personnes, là où la vie, la mort et les
souffrances sont au rendez-vous. Ceci fait qu’inévitablement, des questions morales
et éthiques émergent de certaines situations. Cette relation privilégiée que
l’infirmière entretient avec le patient, l’amène ainsi à assister, à supporter le patient
et à vivre avec les conséquences des décisions et des choix moraux effectués par
d’autres professionnels de la santé. En raison de sa position dans la hiérarchie
hospitalière et parce qu’elle se sent souvent déchirée entre sa loyauté et sa
responsabilité professionnelle envers le patient d’une part et ses responsabilités
légales et institutionnelles envers ses pairs, les professionnels des autres disciplines
et les familles d’autre part, l’infirmière serait plus sujette ou plus à risque de souffrir
de détresse morale.
Wilkinson (1988), rappelle que le processus du raisonnement moral qui amène la
prise de décision et le fait d’agir moralement ou non par la suite, est influencé par
plusieurs considérants. L’aspect cognitif, affectif et contextuel sont des variables qui
peuvent affecter l’issue d’une décision, autrement dit, c’est le système de croyances
et de valeurs de l’infirmière, conjugué à une situation problématique qui sont des
générateurs potentiels de détresse morale.
Toutefois, une fois que l’on a reconnu que la façon d’appréhender un évènement est
unique à chaque individu, selon son propre système de valeurs, ses croyances, sa
personnalité, son passé, son enfance, etc., on ne peut exclure le fait que certains
Sylvie Dorris Travail dirigé
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facteurs ou contraintes externes sont également responsables de la détresse morale
éprouvée. L’infirmière ou la personne qui vit de la détresse morale, n’est pas la seule
tributaire ou responsable de cet état de fait, ou de son « malheur ». Examinons
maintenant les facteurs associés à la détresse morale chez les infirmières.
Plusieurs auteur(e) s ont identifié des facteurs susceptibles de provoquer la détresse
morale, en les regroupant soit par thèmes ou en énumérations de situations
problématiques. Certains auteurs comme Jameton (1984-1993) et Corley (2001-
2005), focussent surtout sur les facteurs externes, reliés à l’organisation du travail et
à la structure institutionnelle, mais la plupart des auteur(e)s ont relevé d’importants
facteurs internes, d’ordre affectif et personnel. Par exemple, pour Wilkinson (1988),
les quatre situations ou facteurs les plus souvent évoqués par les infirmières en lien
avec la détresse morale, sont :
- assister et/ou de participer au prolongement indu de la vie chez des patients ayant
un pauvre pronostic ;
- assister et/ou de participer à des tests et à des traitements jugés non nécessaires,
effectués sur des patients en phase terminale, surtout si ces tests et traitements
s’avèrent douloureux;
- assister à des traitements ou des interventions pratiqués avec incompétence ou de
façon douteuse;
- être impliquées dans des situations où il faut cacher ou omettre de dire la vérité aux
patients ou à la famille.
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Langlois et ses collègues (2004), mentionnent trois catégories de stresseurs
spécifiques identifiés par les infirmières en soins palliatifs de fin de vie, qui s’avèrent
être perturbants et difficiles à vivre. Il s’agit des stresseurs:
- organisationnels, comme les surcharges de travail imposées et le manque
d’autonomie professionnelle;
- professionnels, comme les exigences liés au rôle et aux activités professionnelles
de l’infirmière en soins palliatifs, telle que la difficulté à soulager la douleur du
patient ;
- personnels, comme, la survenue de deuils répétés, la détresse émotionnelle du
patient et de la famille, le questionnement existentiel et les stresseurs moraux
identifiés aux conflits de valeurs.
Suite à son étude par théorisation ancrée, Laabs (2007), prétend que le maintien de
l’intégrité face aux conflits moraux, est le cœur ou le noyau de base à partir duquel
l’infirmière articule ses actions. Il s’agirait d’un processus social de base qui
comprend des stratégies qui ne sont pas statiques, c'est-à-dire, qu’elles peuvent
changer et évoluer avec le temps. De plus, ce processus peut être influencé par
quatre catégories de facteurs, soit :
- Le contexte et l’environnement de travail
- Le rôle et la relation établie avec le patient
- Les connaissances et l’expérience de l’infirmière
- Les valeurs qui l’habitent
Elle mentionne aussi des sous-facteurs en lien avec ces catégories, comme :
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- les contraintes de temps;
- les pressions exercées par l’employeur pour respecter les quotas de productivité;
- le manque de respect démontré des médecins face aux différences de croyances et
de valeurs des infirmières;
- le droit pour les professionnels de la santé d’agir selon leur conscience;
- les contraintes du système de soins de santé, au sens large, comme entre autres, les
contraintes économiques générées par le système de santé privé américain, qui limite
l’accès pour certains patients au soins de santé à cause de couvertures d’assurances
qui s’avèrent insuffisante ou inexistante.
Pour Mrayyan et Hamaideh (2009), suite à leur étude empirique effectuée en
Jordanie, le principal facteur responsable de la détresse morale des infirmières, est le
fait de commettre des erreurs de jugements cliniques ou de médicaments. Leur étude
a montré que ces erreurs sont associées principalement à la pénurie d’infirmière.
C’est dans les unités où il manque le plus souvent de personnel infirmier que l’on
retrouve le plus d’erreurs cliniques. Voici un aperçu d’un des tableaux présentés par
les auteurs qui révèlent cette situation :
Tableau II Comparaisons du pointage total entre les départements et les unités
Pointage total
Échantillonage complet (N= 420)
Départements (N= 253)
Unités (N= 156)
t-test. Sig.
M SD M SD M SD
Erreurs cliniques et de médicaments
1.52 0.295 1.55 0.273 1.47 0.305 2.57 P= 0.011
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Pénurie d’infirmières
1.21 0.759 1.29 0.740 1.08 0.733 2.75 P= 0.006
Détresse morale
1.25 0.763 1.32 0.739 1.14 0.760 2.39 P= 0.017
Saint-Arnaud (2009, p. 103), souligne également ce que le manque d’effectif peut
provoquer, comme par exemple le temps supplémentaire souvent imposé aux
infirmières et ces répercussions possibles : « Les heures supplémentaires sont
associées à plus d’absences pour causes de maladie ou d’accident (O’Brien-Pallas et
coll., 2004), à plus d’erreurs de médication et à d’autres types d’erreurs (Rogers et
coll. 2004).
Nathaniel (2006), a relevé trois types de situations ou de facteurs susceptibles de
produire des conséquences dramatiques pour l’infirmière et pour le patient. Il s’agit :
- des conflits entre les valeurs personnelles de l’infirmière, les valeurs
professionnelles et les valeurs institutionnelles;
- des différentes formes d’inégalité ou de déséquilibre de pouvoir, surtout
asymétrique dans les relations où l’impuissance ressentie est importante. Par
exemple, lorsque l’infirmière pense savoir ce qui conviendrait le mieux pour
le patient mais qu’elle ne peut exprimer ou donner son avis à cet effet ou
encore lorsque le médecin ne tient pas compte ou ignore les observations et le
jugement clinique émis par l’infirmière, surtout lorsque l’état du patient se
détériore;
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- les carences ou les déficiences en milieu de travail causant des torts ou des
dommages réels ou potentiels aux patients, comme le manque d’effectifs et
des équipements inadéquats.
Pour Kälvemark et ses collègues (2003), ce sont les situations où les dilemmes
éthiques sont en jeu qui causent de la frustration et de la détresse parmi toutes les
catégories de personnels consultés. Les dilemmes sont souvent causés par la pénurie
de ressources (humaine, matérielle...) et la relation entre la conscience des
prestataires de soins et la réalité complexe du système de santé auquel ils sont
confrontés. Mais parfois, ces prestataires de soins vivent aussi d’autres sortes de
dilemmes, comme, par exemple, suivre les règles mais agir contre leur conscience ou
suivre leur conscience et violer la loi mais ce qui peut leur provoquer également par
la suite de la détresse causée par des représailles possibles. Voici comment
Kälvermark et coll. (2003), illustre ces conflits. Il s’agit en fait, de croisements entre
la morale et le légal et ce qui en résulte comme conséquences : (traduction libre):
Légal Non légal
Moralement
correcte
Action à poser Détresse morale
Moralement
répréhensible
Détresse morale Action à ne pas poser
Si par exemple, on pose une action qui est moralement correcte (bien sûr, selon les
critères de la personne) et qu’il est légal de le faire, cela est sans doute, l’action à
poser. Si par contre, on pose une action qui est moralement correcte mais non
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légal, on risque alors de rencontrer de la détresse morale. Avec une action
moralement répréhensible même si l’action est légale, l’infirmière peut ressentir de
la détresse morale Et enfin, si l’action est non seulement moralement
répréhensible mais également non légale, cela demeure alors une action à ne pas
poser.
Harrowing et Mill (2010) dans une étude effectuée en Ouganda, soulignent les
différences de préoccupations qui existent entre les infirmières issues des pays riches
et les infirmières oeuvrant au tiers-monde. Ironiquement, pendant que les infirmières
des pays industrialisés vivent de la détresse morale lorsqu’elles assistent à ce qu’on
appelle de l’acharnement thérapeutique, où l’on utilise à grands renforts, les
ressources variées mises à leur disposition, comme les respirateurs, les appareils et
les médicaments sophistiqués, les infirmières des pays du tiers-monde souffrent elles
aussi de détresse morale, mais pour d’autres raisons. Elles ne souffrent pas d’assister
impuissantes à la sur-utilisation des technologies disponibles, mais bien simplement,
de ne pouvoir combler les besoins de base des patients au quotidien. Nous parlons
ici du manque d’eau potable, de matériel stérile, d’antibiotiques, etc.
Deady et McCarthy (2010) ont regroupé les facteurs reliés à la détresse morale des
infirmières en trois thèmes :
1- Les conflits professionnels et légaux : lorsque les infirmières éprouvent des
difficultés à faire valoir leur point de vue clinique qui diffère de celui des
médecins et lorsqu’elles ont l’impression que ces conflits entre professionnels
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et ceux ayant une portée légale possible, ont préséance sur les besoins réels et
les demandes du patient.
2- L’autonomie professionnelle et le champ de pratique : lorsque les infirmières
doivent utiliser des mesures coercitives parce que les interventions et les
prescriptions médicales sont inadéquates, insuffisantes ou tardivement
émises. Aussi, lorsque des décisions cliniques sont basées sur des jugements
de valeurs arbitraires reliés au style de vie du patient.
3- Les normes de soins et l’autonomie du patient : lorsque les infirmières ont
l’impression que les soins offerts aux patients sont de piètre qualité et que
l’autodétermination du patient n’est pas respectée.
Bien que l’on retrouve de la détresse morale dans différents milieux de soins, pour
Rice et coll. (2008), ce sont les soins futiles prodigués aux soins intensifs qui sont
cotés comme étant ceux ayant provoqués le plus haut degré de détresse morale. Les
soins futiles sont considérés comme les traitements ou les interventions effectués
pour maintenir en vie le patient mais qui n’améliorent pas sa condition et/ou ne lui
apportent pas de bénéfices. Aussi, ils citent Edward et Hercelinskyj (2007), qui dans
leur étude sur le burnout (épuisement professionnel) et l’apprentissage de
comportements résilients, souligne : « (…) l’exposition répétée à ce genre de
situations, a un effet cumulatif sur la détresse morale au cours des années de pratique
de l’infirmière. La construction ou l’édification de la détresse morale provoquée par
les expériences négatives de soins durant la carrière d’une infirmière peut finir par
culminer en épuisement professionnel ». (Traduction libre). Dans l’élaboration de
son modèle de la détresse morale, Wilkinson (1988), avait également précisé que
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plus l’infirmière est confrontée à des situations moralement questionnantes ou
dérangeantes, moins ses mécanismes de coping ou d’adaptation risquent d’être
efficaces à travers le temps.
Finalement, Saint-Arnaud (2009) de son livre sur l’éthique de la santé et la pratique
infirmière, présente au chapitre 7, un relevé exhaustif des facteurs associés à la
détresse morale des infirmières. Sous forme de tableau, trois catégories de facteurs
sont présentées, soit :
1- L’environnement au travail
2- La relation de soin
3- Les sentiments, les perceptions des obligations et les valeurs personnelles
À ces catégories sont associés des facteurs liés au stress moral et à la détresse
morale. Considérant la pertinence de ce relevé et des catégories choisies, il a été
décidé d’utiliser les mêmes catégories pour synthétiser les facteurs associés à la
détresse morale auprès des auteur(e)s concerné(e)s. Voici donc ci-après, un relevé
sous forme de tableau, des facteurs issus d’études empiriques.
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Tableau III Relevé des facteurs en lien avec la détresse morale
Type de facteurs (Catégories)
Facteurs relevés relatifs au stress ou à la détresse morale
L’environnement de travail
Contraintes de temps (Kälvemark et coll., 2003; Corley et coll., 2005; Laabs, 2005- 2007; Ferrell, 2006; Eizenberg et coll., 2009)
Manque d’effectifs (Corley et coll., 2001-2005; Kälvemark et coll., 2004; Laabs, 2005- 2007; Ferrell, 2006; Nathaniel, 2006 ; Mobley et coll., 2007) ; Zuzelo, 2007 ; Glasberg et coll., 2008 ; Rice et coll., 2008 ; Eizenberg, 2009; Pauly et coll., 2009 ; Cummings, 2010). Pénurie d’infirmières (Rogers et coll. 2004; Mrayyan et Hamaideh 2009).
Manque de lits donc priorisation des patients (Kälvemark et coll., 2003)
Budget réduit, pression pour rencontrer les quotas de productivité (Laabs, 2005-2007; Grulke et coll., 2009)
Structure de pouvoir hiérarchique ayant des effets inhibiteurs (Jameton, 1984; Corley et coll., 2005; Gutierrez, 2005; Hamric et Blackhall, 2007; Pauly et coll., 2009)
Bureaucratie et gestion déficiente quant aux responsabilités et limites des infirmières (Jameton, 1993; Fry et coll., 2002) et gestion inéquitable envers les différentes catégories de personnel (Nathaniel, 2006)
Équipements inadéquats (Nathaniel, 2006)
Structure institutionnelle n’offre pas de support et d’encadrement (Kälvemark et coll., 2003; Glasberg et coll., 2008)
Politiques institutionnelles et considérations légales non suivies au profit du soin du malade (Jameton, 1984 ; Kälvemark et coll., 2003; Laabs, 2005) Se conformer au désir de la famille de continuer les traitements de support même si cela n’est pas dans le meilleur intérêt du patient à cause de pression venant de l’institution qui craint les poursuites légales (Mobley et coll., 2007 ; Rice et coll., 2008)
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Suite…Facteurs en lien avec la détresse morale, selon différents auteurs
Type de facteurs (Catégories)
Facteurs relevés relatifs au stress ou à la détresse morale
La relation de soin
Prolongement indu de la vie chez des patients ayant un pauvre pronostic (Wilkinson, 1988 ; Corley et coll., 2001; Fry et coll., 2002 ; Cronqvist et coll., 2004 ; Ferrell, 2006 ; Hamric et Blackhall, 2007 ; Mobley et coll., 2007 ; Zuzelo, 2007 ; Rice et coll., 2008 ; Pauly et coll., 2009)
Traitements et tests provoquant inconfort ou douleur, jugés non nécessaires chez des patients en fin de vie (Wilkinson, 1988 ; Corley et coll., 2001 ; Fry et coll. 2002 ; Cronqvist et coll., 2004 ; Gutierrez, 2005 ; Laabs, 2005 ; Ferrell, 2006 ; Nathaniel, 2006 ; Hamric et Blackhall, 2007 ; Mobley et coll., 2007 ; Zuzelo, 2007 ; Rice et coll., 2008 ; Pauly et coll., 2009)
Traitements, tests, techniques fait sans rigueur, avec incompétence (Wilkinson, 1988 ; Eizenberg, 2009 ; Pauly et coll., 2009) et erreurs de médicaments ou de traitements (Mrayyan et Hamaideh, 2009)
Situations où il faut cacher, voiler ou omettre de dire la vérité au patient ou à sa famille (Wilkinson, 1988 ; Hamric et Blackhall, 2007 ; Mobley et coll., 2007 ; Zuzelo, 2007 ; Eizenberg, 2009
Sensibilité à la vulnérabilité du patient (Lützen, 2003)
Utilisation de mesures cœrcitives avec des patients à cause de manquement dans les prescriptions médicales ou par absence d’indications (Deady et McCarthy, 2010)
Médecins ne tiennent pas compte de l’avis ou du jugement clinique de l’infirmière (Gutierrez, 2005 ; Nathaniel, 2006 ; Zuzelo, 2007 ; Deady et McCarthy, 2010)
Mauvaise gestion de la douleur pour des patients en souffrance (Ferrell, 2006 ; Zuzelo, 2007 ; Rice et coll., 2008)
Soulagement inadéquat en fin de vie par peur du médecin de provoquer la mort (Mobley et coll., 2007 ; Zuzelo, 2007 ; Rice et coll., 2008)
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Suite… Facteurs en lien avec la détresse morale, selon différents auteurs
Type de facteurs (Catégories)
Facteurs relevés relatifs au stress ou à la détresse morale
La relation de soin
Information insuffisante ou inadéquate donnée par le médecin à la famille (Gutierrez, 2005 ; Rice et coll., 2008)
Décision clinique restrictive issue d’un jugement de valeur ayant trait au style de vie du patient (Deady et McCarthy, 2010)
Atteinte à l’autonomie ou à l’autodétermination du patient (Deady et McCarthy, 2010)
Détresse importante du patient (Grulke et coll., 2009)
Traiter les personnes comme des objets (déshumanisation) (Wilkinson, 1988 ; Fry et coll., 2002 ; Zuzelo, 2007)
Patient qui refuse de se soumettre au traitement jugé approprié pour lui ( Laabs, 2005)
Demander à la famille lorsque le patient est mourant à consentir aux dons d’organes (Mobley, 2007)
Se conformer à la demande de la famille à ne pas discuter de la mort avec le patient en phase terminale, qui demande à en parler (Corley et coll. 2001 ; Mobley et coll., 2007 ; Zuzelo, 2007 ; Rice et coll., 2008)
Difficulté à dénoncer des collègues ayant des pratiques de soins limites ou déficitaires (Mobley, 2007 ; Zuzelo, 2007 ; Deady et McCarthy, 2010)
Situations où l’infirmière ne peut exercer son rôle d’advocacy (Langlois et coll., 2009)
Situations où les infirmières sont confrontées à des facteurs externes qui les empêchent d’assurer les meilleurs soins aux patients (Corley et coll., 2001 ; Lützen, 2003 ; Nathaniel, 2006)
Se conformer à la demande du médecin de ne pas discuter de la mort avec le patient en phase terminale, qui demande à en parler (Corley et coll., 2001 ; Mobley et coll., 2007
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Suite… Facteurs en lien avec la détresse morale, selon différents auteurs
Type de facteurs (Catégories)
Facteurs relevés relatifs au stress ou à la détresse morale
La relation de soin
Les sentiments, les perceptions des obligations et les valeurs personnelles
Suivre la consigne du médecin de ne pas discuter du statut du « code »1 avec la famille quand le patient devient inapte (Corley et coll., 2001 ; Mobley et coll., 2007 ; Rice et coll., 2008)
Se conformer au désir de la famille de continuer les traitements de support même si cela n’est pas dans le meilleur intérêt du patient (Gutierrez, 2005 ; Hamric et Blackhall, 2007 ; Mobley et coll., 2007 ; Zuzelo, 2007 ; Rice et coll., 2008 ; Pauly et coll., 2009)
Travailler avec des infirmières incompétentes (Fry, 2002 ; Mobley et coll., 2007 ; Zuzelo, 2007 ; Rice et coll., 2008 ; Pauly et coll., 2009). Travailler avec des médecins incompétents (Hamric et Blackhall, 2007 ; Mobley et coll., 2007 ; Zuzelo, 2007 ; Rice et coll., 2008) Conflits dans les relations avec les médecins et collègues (Ferrell, 2006; Eizenberg et coll., 2009)
Atteinte à l’intégrité (Kelly, 1998 ; Webster et Baylis, 2001 ; Nathaniel, 2006 ; Laabs, 2007)
Impossibilité d’agir selon sa conscience (Kälvermark, 2004) ; Laabs, 2007 ; Glasberg et coll., 2008 ; Eizenberg et coll., 2009 ; Langlois et coll., 2009) et d’agir selon ses valeurs personnelles (Wilkinson, 1988 ; Corley et coll., 2001 ; Langlois et coll., 2009)
1 code : interventions à effectuer ou non si le patient a besoin d’être réanimé
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Suite…Les sentiments, les perceptions des obligations et les valeurs personnelles
Conflits entre les valeurs personnelles de l’infirmière, les valeurs professionnelles, en opposition avec les valeurs institutionnelles (Corley et coll., 2001-2005 ; Kälvemark et coll., 2004 ; Laabs, 2005 ; Nathaniel, 2006)
Attentes irréalistes des institutions en place (Nathaniel, 2006)
Sentiment d’impuissance, de manque de contrôle et de pouvoir (Fry et coll., 2002 ; Lützen et coll., 2003 ; Nathaniel, 2006 ; Glasberg et coll., 2008)
Bas niveau de résilience, difficulté à « coper » (à faire face) à certaines situations (Wilkinson, 1988 ; Glasberg et coll., 2008)
Conflits éprouvés entre le travail et la vie privée (Glasberg et coll., 2008)
Doutes d’elles-mêmes, sentiment d’échec et d’incompétence (Laabs, 2007 ; Langlois et coll., 2009)
Différences dans les valeurs à prioriser selon les professions. (Laabs 2007
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Chapitre 4 Pistes de solutions
Il ne serait pas très réaliste de viser à supprimer totalement la détresse morale car
beaucoup de facteurs, organisationnels, économiques et personnels sont en jeu. Mais
en tout premier lieu, il faut être capable de la nommer et de la reconnaître lorsque la
détresse se pointe ou se manifeste et trouver des façons pour que la détresse initiale
ne se transforme pas en détresse qui perdure (réactionnelle) et qui peut finir par créer
des dommages à moyen et long terme autant à l’infirmière qu’au patient.
Comme Wilkinson (1988) et Lützen et Cronquist (2003) le soulignent, la détresse
morale vécue peut aussi mettre en évidence la grande sensibilité de l’infirmière aux
aspects moraux de sa pratique, y compris le fait, qu’elle ressent la vulnérabilité du
patient et veut promouvoir les valeurs prônées par son code de déontologie. Cela
peut reposer sur la reconnaissance de leurs responsabilités et se manifeste d’ailleurs
par la confiance que la population leur accorde. Mais cette sensibilité, peut l’amener
parfois à vivre de la détresse morale, la conduire à changer de département, à quitter
le chevet du patient ou même carrément à déserter la profession, si l’infirmière ne se
sent pas supportée. Nous partageons l’avis de Wilkinson (1988), lorsqu’elle suggère
que nous devons au contraire, retenir ces infirmières, ne pas les laisser partir, mais
bien les supporter et les aider à développer des stratégies de coping. Et ce dans le
contexte de pénurie actuel vécu au Québec et un peu partout ailleurs dans le monde.
Par ailleurs, nous ne souhaitons pas être soignés par des infirmières insensibles,
froides, qui n’osent plus éprouver et manifester d’émotions.
Lützen et Cronsquist (2003), décrivent un paradoxe intéressant qui résulte du fait
qu’en valorisant la sensibilité de l’infirmière aux problèmes éthiques de la pratique,
Sylvie Dorris Travail dirigé
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cette sensibilité morale crée aussi plus de demandes pour l’équité et la justice de
manière à garantir des soins de qualité aux patients. Cependant, si la sensibilité
morale des infirmières est renforcée, mais que les ressources requises pour répondre
aux exigences des principes éthiques sont manquantes ou non disponibles, qui alors
doit-on tenir pour responsable?
La détresse morale n’est pas uniquement vécue par des infirmières. D’autres
professionnels des soins de santé, peuvent la vivre aussi. Mais comme le souligne
McCarthy et Deady (2008), pour les infirmières, cela a une consonance particulière.
Les auteurs se demandent si ce n’est pas encore l’oppression des infirmières, cette
histoire sans fin (never-ending story) qui continue de se manifester. Ou bien encore,
que la détresse serait due à sa faible position hiérarchique au niveau décisionnel ? À
moins que ce soit parce que le nursing est une profession essentiellement féminine ?
Vraisemblablement, nous opterions plutôt, pour le point de vue de Peter et
Liaschenko (2004), qui rapportent que, du fait de sa proximité et de la présence
assidue de l’infirmière au chevet du patient, cela l’amène, plus souvent qu’un autre
professionnel, à assister à la souffrance parfois inutile du patient, à être témoin
d’atteinte à sa dignité et au non-respect de ses droits. De plus, comme elles doivent
assurer une présence continue au chevet du patient, elles ne peuvent s’esquiver ou
quitter le département lorsque cela devient moralement difficile comme certains
professionnels peuvent le faire. C’est pourquoi, bien que la détresse morale soit
vécue aussi par plusieurs acteurs de soins de notre système de santé, l’infirmière
semble plus touchée que les autres par cette problématique.
Avant d’explorer, autant ce que les auteurs d’écrits empiriques que théoriques
suggèrent comme moyens, façons ou pistes de solutions pour endiguer la détresse
Sylvie Dorris Travail dirigé
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morale, il serait utile de se rappeler les stratégies de coping ou encore les
mécanismes de défense, que les infirmières de l’étude de Deady et McCarthy (2010),
ont eu naturellement tendance à utiliser pour s’immuniser contre les conflits moraux.
Cela peut se traduire par :
- éviter le conflit et se plier à la pression culturelle qui consiste à « faire
cavalier seul », c'est-à-dire toujours essayer de se débrouiller sans
demander d’aide;
- nier ou banaliser le problème en fermant les yeux, en rationalisant ou en
refusant de travailler avec un collègue en particulier;
- adopter un double code moral, soit un pour la maison et un pour le travail;
- compartimenter, intellectualiser ou se distancer du problème.
Ces infirmières avaient également rapporté que lors d’une situation moralement
troublante, le fait de se livrer et de chercher à en parler avec les pairs, peut parfois se
retourner contre elles, car cela peut être interprété comme une menace risquant de
compromettre la cohésion de l’équipe. Nous savons aussi que certaines stratégies
utilisées, comme les stratégies d’évitement par exemple, peuvent être nuisibles au
patient et à sa famille.
1- Suggestions et recommandations pour prévenir ou pallier la détresse morale
Parmi les auteurs consultés, plusieurs émettent des suggestions, recommandations
ou pistes de solutions pour contrer la détresse morale, mais peu d’études empiriques
ont porté sur cet aspect précis. Certains par contre, ont mis en place et étudier divers
programmes pour aider ou mieux outiller l’infirmière dans son milieu de travail à
faire face aux problèmes éthiques ou aux conditions de travail difficiles. Dans un
premier temps, nous verrons ce que les auteurs d’études, autant empiriques que
Sylvie Dorris Travail dirigé
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théoriques suggèrent comme pistes de solutions pour contrer la détresse morale et
comme pour les sections précédentes, il sera possible de retrouver ces auteurs dans
les relevés d’écrits théoriques ou empiriques aux tableau I et II présentés en fin de
travail. Ensuite, quelques programmes seront présentés pour tenter également de
contrer la détresse morale. Voici d’abord, présentées en trois regroupements, les
suggestions émises de la part des auteurs. Elles sont regroupées en trois catégories :
Formation de comités ou actions entreprises pour favoriser les échanges et
discussions, Enseignement et formations et Recommandations aux infirmières-chefs
et aux gestionnaires.
2- Formation de comités ou actions entreprises pour favoriser les échanges et
discussions
- faire des consultations éthiques auprès de comités formés à cet effet (Cohen et
Erickson 2005; Rushton, 2006; Zuzelo 2007);
- organiser des séances de « débriefing » (compte-rendu, échanges) d’équipe, suite à
l’expérience de « cas » moralement difficiles, afin d’exprimer rapidement et
oralement les émotions ressenties (Rushton, 2006; Zuzelo 2007; Rice et coll., 2008;
Rogers et coll., 2008);
- former ou développer des groupes de discussion interdisciplinaires ou des tables
rondes pour discuter de questions éthiques (Storch et coll. 2002 ; Kälvemark et coll.,
2003 et 2006; Cohen et Érickson 2005; Gutierrez, 2005; Rushton, 2006; Rice et coll.,
2008; Nathaniel, 2006; Mobley et coll., 2007; Zuzelo 2007; Rice et coll., 2008;
Rogers et coll., 2008; Cummings, 2010; Walsh, 2010);
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50
- créer des forums de discussion avec des facilitateurs ou personne-ressource, pour
explorer divers avis éthiques (Gutierrez, 2005; Rushton, 2006; Rice et coll., 2008);
- organiser des rencontres régulières entre infirmières et médecins pour améliorer la
communication et partager leurs valeurs et leurs croyances mutuelles face à certaines
situations. (Gutierrez, 2005 ; Nathaniel, 2006; Hamric et Blackhall, 2007; Mobley et
coll., 2007; Storch et Kenny, 2007; Rice et coll., 2008);
- créer un groupe de support et d’échanges exclusivement réservé aux infirmières
(Cohen et Erickson 2005; Gutierrez, 2005) ;
- prévoir des rencontres régulières avec les familles et l’équipe de soins, pour
discuter des objectifs de soins et avoir une vision commune afin d’éviter les
malentendus et conflits (Rushton, 2006; Rice et coll., 2008).
3- Enseignement et formations
- favoriser la poursuite de la formation continue en matière d’éthique pour les
équipes de soins (Cohen et Erickson 2005; Kälvemark et coll., 2003; Mobley et coll.,
2007; Schluter et coll. 2008; Langlois et coll., 2009) et pour les gestionnaires
(Zuzelo, 2007; Langlois et coll., 2009) ;
- savoir reconnaître les symptômes de la détresse morale et explorer les attitudes,
comportements et les stratégies de coping pour mieux faire face à la détresse morale
2006; Mobley et coll., 2007; Eizenberg et coll., 2009; Rice et coll., 2008) ;
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51
- inclure des connaissances sur les théories éthiques et les processus décisionnels
pour résoudre les problèmes d’éthique dans les cours destinées aux infirmières
(Wilkinson 1988; Kälvemark et coll. 2006; Nathaniel 2006);
- revoir les messages traditionnellement liés à la discipline infirmière qui inhibent
les dialogues constructifs et qui risquent d’entretenir les conflits et les déséquilibres
de pouvoir, surtout avec les médecins (Nathaniel 2006).
4- Recommandations aux infirmières-chefs et aux gestionnaires
- développer de nouvelles stratégies de répartition et d’organisation du travail pour
que les erreurs de médicaments et de traitements attribuables au manque d’effectif et
au manque de temps se produisent moins souvent (Mrayyan et Hamaideh 2009;
Goethals et coll., 2007) ;
- mettre en place un système de mentorat pour les plus jeunes infirmières afin
qu’elles se sentent supportées et écoutées lors de situations moralement éprouvantes
(Kälvemark et coll., 2006; Nathaniel, 2006; Leiter et coll., 2010);
- favoriser et faciliter l’accessibilité et la participation des infirmières aux divers
comités ou à des formations en éthique (Corley et coll., 2005; Zuzelo 2007).
Après avoir fait passé un questionnaire aux infirmières (n = 106), portant sur leurs
perceptions de ce qu’est un environnement éthique, Corley et ses collègues (2005),
rappellent que c’est les infirmières qui ont obtenu le plus bas score concernant leur
niveau ou degré d’implication ou de présence, lors de délibérations, comités ou
forums éthiques. C’est pourquoi à la suite des résultats, les auteurs semblent
Sylvie Dorris Travail dirigé
52
persuadés que le fait de chercher des moyens d’augmenter l’implication des
infirmières aux délibérations éthiques, devrait faire partie des pistes de solutions de
toute organisation soucieuse et désireuse de soutenir et retenir son personnel
infirmier. Les auteurs pensent qu’une meilleure implication de la part des infirmières
pourrait avoir un impact majeur sur leur niveau de détresse morale vécue. Ils
suggèrent aussi d’encourager l’empowerment des infirmières ( sans toutefois apporter
des suggestions pour y arriver). Mais qu’est-ce que l’empowerment au juste? En
voici donc une brève définition, tirée de Gibsons (1991, p. 359) :
« Processus social de reconnaissance, de promotion et d’habilitation des personnes
dans leurs capacités à satisfaire leurs besoins, à régler leurs problèmes et à mobiliser
les ressources nécessaires, de façon à se sentir en contrôle de leur propre vie ».
- identifier et de compiler de façon systématique, la fréquence, les types de conflits,
les personnes en cause, qui provoquent la détresse morale, de même que les
symptômes de détresse ou de souffrance exprimés et l’impact que cela semble avoir
sur le patient et sa famille; (Rushton, 2006);
- adopter un processus neutre pour identifier les facteurs, les politiques et les
pratiques de soins au sein du système pour mieux documenter les contraintes
institutionnelles ou organisationnelles responsables de la détresse morale et tenter par
la suite d’éliminer le plus de contraintes possibles. (Rushton, 2006);
- apporter davantage de support aux infirmières en commençant par améliorer leurs
connaissances au niveau éthique et par être plus à l’affût des principaux problèmes
éthiques rencontrés sur leur département. On leur demande aussi de posséder
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l’expertise nécessaire pour faire la différence entre un problème légal et un problème
éthique (Zuzelo 2007; Cummings 2010);
- développer avec l’administration, un programme institutionnel pour aider les
infirmières à développer leurs habiletés et leurs stratégies de coping et – de prioriser
la mise en place d’une structure qui permet aux infirmières et aux médecins de se
rencontrer régulièrement afin d’améliorer les communications entre eux (Rice et
coll. 2008);
- ahdérer et faire adopter des guidelines ou les lignes directrices émises par le
Comité des soins palliatifs (Gutierrez, 2005; Rice et coll., 2008).
Il était important de rapporter également, ce que suggère l’Association des
infirmières et infirmiers du Canada (A.I.I.C.) quant aux pistes de solutions possibles
face à la détresse morale. Ils soulignent un aspect important, que voici : « C’est
l’incapacité de l’infirmière de s’attaquer à ces causes de désarroi qui pose le plus
gros problème ». Pour l’A.I.I.C., améliorer la qualité des milieux de travail des
infirmières, devrait être une piste de solution incontournable. Ils ont réalisé un
modèle pour illustrer ce qu’est un milieu de travail de qualité, où l’on retrouve six
composantes ou qualités qui reflètent un milieu de travail sain. Bien que pour
l’A.I.I.C., instaurer de meilleures conditions de travail demeure une priorité, elle
désire proposer aux infirmières des façons, pour que de leur côté elles réagissent à la
détresse morale. Elle suggère de : 1) Reconnaître la détresse morale lorsqu’elle se
présente. Le fait de mettre un nom sur le malaise ou l’inconfort vécu, permet déjà
d’être plus conscient de ce qui se passe et augmente ainsi les possibilités de
solutions. 2) Consulter davantage le code de déontologie des infirmières. Cela peut
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aider à clarifier les préoccupations d’ordre éthique à l’origine de la détresse. Les
valeurs professionnelles et les responsabilités associées à chacune d’entre elles,
peuvent guider la réflexion et l’action et encore une fois, cela leur donne les
« mots », le vocabulaire pour verbaliser le problème avec leurs collègues et autres
professionnels de l’équipe. 3) Demander de l’aide auprès des pairs, en créant un
groupe d’entraide. Les infirmières-chefs sont également interpellées pour faciliter les
moments d’échanges, en supportant les démarches et initiatives suggérées dans ce
sens. L’A.I.I.C. insiste aussi sur l’importance de solliciter les comités d’éthique
lorsqu’ils sont déjà formés. Car encore une fois, même si la situation ne se règle pas
comme l’infirmière le souhaiterait, le fait d’en parler, de se faire entendre, l’aidera
tout de même à mieux comprendre les évènements et le point de vue des autres
professionnels impliqués.
5- Les programmes proposés par certains auteurs
Nous en sommes à présent, à décrire les programmes proposés par certains auteurs.
Certains programmes furent évalués et d’autres non. Commençons donc par les
programmes non évalués.
- Le programme cité en exemple par Robinson (2010), a été créé en 2005 par Heft et
ses collègues pour aider les infirmières à mieux gérer la détresse morale. Ce
programme appelé UBECs (unit-based ethics conversations) faciliterait les
conversations éthiques en créant un endroit ouvert aux échanges d’expériences. Le
but est d’améliorer et d’augmenter les habiletés et la confiance des participants au
regard des situations éthiques difficiles. Ce programme vient de la reconnaissance
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55
du fait qu’il n’y avait aucun espace organisé pour traiter et discuter des défis éthiques
que les professionnels rencontrent dans leur pratique de tous les jours. Ce programme
se veut un forum de discussion ouvert et ne sert pas à remplacer les consultations au
comité éthique qui sont plus formelles, et où on doit revoir le dossier du patient et le
documenter. L’UBECs peut parfois par contre suggérer une consultation avec le
comité éthique, mais le but recherché est que ses deux instances se complètent. Les
auteurs croient que ce programme peut donner de l’empowerment aux participantes
en les aidant à prendre la défense des intérêts de leur client (advocacy) face à
certaines situations, tout en leur offrant la possibilité de venir en forum, discuter de
certaines problématiques avec l’aide d’une personne ressource (facilitator). Ce
programme semble avoir été utilisé et peaufiné depuis les dernières années et les
auteurs du programme et de l’article paru en 2009, se disent prêts à l’évaluer et à
vérifier à l’aide d’un groupe de discussion (focus-group), si les infirmières pensent
que cela les a aidées à mieux faire face aux situations éthiques difficiles qu’elles
rencontrent dans leur pratique
- Pour Leiter et coll. (2010), le personnel des soins de santé devrait agir de façon plus
civile et respectueuse entre eux. Des relations plus respectueuses pourraient aider à
endiguer la détresse morale. Ils suggèrent d’utiliser un nouveau programme appelé
CREW (Civility, Respect and Engagement in the Workplace) conçu par deux des
auteurs, soit Leiter et Laschinger, en 2009. Pouvoir évoluer dans un environnement
plus supportant et plus respectueux, où les dialogues sont encouragés et
l’identification des problèmes est permise et possible, voilà les buts recherchés du
programme. Les auteurs n’indiquent toutefois pas, si le programme a déjà été
appliqué et si il a donné les résultats escomptés.
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Les programmes suivants ont été évalués.
6- Le programme de Kälvemark et ses collègues
- Kälvemark et coll. (2007), ont effectué une étude prospective pour évaluer un
programme structuré d’enseignement et de formation éthique et ses effets sur la
détresse morale. Bien que les participants aient manifesté leur appréciation pour le
programme, les résultats montrent que cela n’a pas apporté de changement
significatif sur la détresse morale comme telle. Ce qui fait dire aux auteurs, que
parfois même en augmentant les connaissances en éthique, cela ne s’avère pas
suffisant. Ils proposent alors d’intégrer au programme, des stratégies de coping ou
comment mieux gérer les situations éthiques.
7- Le programme de thérapie cognitive et comportementale
Le but du programme de C.B.T. (Cognitive Behavioral Therapy), est de réduire le
stress des infirmières. L’étude faite par Brunero et coll. (2008), (n = 18 nouvelles
infirmières) est de déterminer si ce programme réduit effectivement le stress ou non.
L’idée centrale du C.B.T., est que les pensées et les perceptions des personnes ont
un impact ou une influence sur les émotions et sur les comportements qui y sont
associés. Les résultats auraient démontrés avec le NSS (Nurse Stress Scale), que le
programme s’était avéré statistiquement efficace : - à réduire les conflits entre les
infirmières et les médecins et ceux entre infirmière- infirmière et - à améliorer la
façon de faire face aux patients mourants et à la mort en général. Mais est-ce que ce
programme pourrait aussi aider à réduire la détresse morale? Probablement, car bien
que ce soit deux concepts différents, ils sont tout de même étroitement liés dans la
pratique. Les auteurs citent également Balevre (2001), qui soutient que les
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infirmières qui demandent la perfection et le contrôle pour elles-mêmes et pour les
autres, se font ou se créent des demandes irréalistes, surtout compte tenu des
conditions actuelles du milieu de la santé. Ils reconnaissent par contre, que dans
l’ensemble, les sources de stress viennent de l’environnement, sur lequel, l’individu
peut exercer un certain contrôle mais peut parfois aussi ne pas en avoir. D’où
l’importance de mettre l’emphase sur le rôle central qu’elles jouent elles-mêmes sur
leur façon d’appréhender et de répondre au stress.
8- Le programme Éducationnel sur les Interventions de soins de fin de vie
Rogers et coll. (2008), en collaboration avec l’équipe de consultation éthique,
proposent un programme éducationnel destiné aux infirmières oeuvrant aux soins
intensifs en néonatalité, dans le but de diminuer la détresse morale. Ce programme
appelé Educational Interventions in End-of-Life Care, vise à renforcer
l’empowerment des infirmières, en augmentant leurs connaissances et leurs habiletés
en regard des soins à prodiguer aux enfants en phase terminale. Les auteurs de
l’étude désirent savoir si les infirmières (n = 82), ont trouvé le programme aidant et
utile. Les résultats du pointage lors du « post-test » étaient élevés et suggéraient que
les infirmières avaient apprécié cette formation grâce à l’information pertinente
transmise et disaient ressentir plus de confiance en elles et en leur jugement lors des
questionnements éthiques .
Jusqu’à maintenant, plusieurs pistes de solutions ont été abordées et plusieurs
semblent également prometteuses. En effet, on peut penser sans se tromper , que tout
ce qui implique l’ amélioration des communications entre les personnes, implique
nécessairement un climat de travail plus propice aux échanges et qui devient ainsi
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58
moins à « risque » de susciter de la détresse morale. Offrir de façon continue, des
formations diverses en éthique aux infirmières et aux autres professionnels,
s’avèrerait certainement bénéfique. Plus les connaissances en éthique se
développeront, plus les gens pourront utiliser le même vocabulaire pour ainsi,
pouvoir mieux se comprendre. Les administrateurs et les gestionnaires devraient
aussi se pencher sur des nouvelles stratégies de gestion pour lutter contre le manque
de ressources humaines. Le fait de travailler sous effectif réduit, « pour toujours faire
le mieux possible avec ce que l’on a », comme Varcoe et Rodney (2002) le
soulèvent, finit aussi par miner les infirmières, qui ont souvent l’impression de passer
leur temps à courir, à tout faire à la « va-vite » et où les erreurs de médicaments, de
traitements et de jugements sont aussi plus faciles à faire. Sans parler bien sûr, du
temps supplémentaire obligatoire imposé aux infirmières. Le Code de déontologie,
précise les devoirs et les obligations des infirmières envers le client, le public et la
profession et ce, dans une perspective de responsabilité professionnelle individuelle.
L’employeur n’hésite pourtant pas à se servir de l’article 44.3 2 du code de
déontologie, pour obliger les infirmières à effectuer du temps supplémentaire. Par
contre, selon l’employeur, l’infirmière ne peut évoquer elle l’article 16 3, pour ne pas
en effectuer. Ces formes d’injustices, contribuent malheureusement à la détresse
morale des infirmières
2 Code de déontologie des infirmières et infirmiers, (2003) 135 G.O. II, 98, art. 44.3 « L’obligation de prendre des moyens raisonnables pour assurer la continuité des soins aux patients dont elle a la responsabilité. » 3 Code de déontologie des infirmières et infirmiers, (2003) 135 G.O. II, 98, art. 16 « Le devoir de toute infirmière de s'abstenir d'exercer sa profession lorsqu'elle est dans un état susceptible de compromettre la qualité des soins et des services. »
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59
Comme nous l’avons déjà mentionné, nous savons que de nombreux facteurs
externes sont responsables en partie, de la détresse morale vécue par les infirmières.
Mais en ce qui a trait aux facteurs internes, cela reste plus complexe à identifier.
Wilkinson (1988) et Laabs (2007) ont souligné cet aspect, en disant que malgré le
contexte parfois bien particulier des soins, la manière dont les infirmières gèrent les
conflits, varient selon les infirmières en cause et dépendent en partie, de leur propres
valeurs personnelles et de leurs façons de justifier et de juger les évènements. En
effet, deux personnes, dans une même situation ou contexte donné, peuvent éprouver
et vivre une détresse morale initiale face à une situation moralement perturbante.
Pourquoi, toutefois, l’une finit-ele par se débarrasser de la détresse et l’autre finit-elle
par vivre une détresse réactionnelle, qui malheureusement lui cause du tort et peut
laisser des séquelles? Il est difficile de répondre à cette question, mais la réponse est
certainement liée en partie aux mécanismes de coping de la personne mais aussi à sa
personnalité, à son estime de soi et à sa confiance en soi. Comme Deady et
McCarthy (2010) l’affirment, cela prend du courage moral pour pouvoir agir en
conformité avec ses convictions. Pour certaines personnes, le courage moral semble
être une caractéristique innée, mais pour beaucoup d’autres, il peut nécessiter ou
requérir de la formation et un entraînement. Pour être capable de se positionner, de
donner son opinion, même si elle est contraire aux autres et de faire valoir son point
de vue dans les milieux de soins, il faut pouvoir encore une fois, avoir confiance en
soi et compter sur sa capacité à faire face à l’adversité.
Donc, tout programme à notre avis, qui vise à améliorer les habiletés ou les stratégies
de coping de l’infirmière, à augmenter son estime de soi, la confiance en ses
capacités, une meilleure connaissance de ses valeurs et de ce qui l’habite, ou qui vise
Sylvie Dorris Travail dirigé
60
à renforcer l’ empowerment de l’infirmière, doivent être considérés. Par les
nombreuses lectures effectuées au cours de ce travail dirigé, un article a
particulièrement retenu mon attention, il s’agit de Phaneuf (2008), qui décrit
l’épuisement professionnel subie par les infirmières dans les milieux de soins et qui
aborde également un concept des plus intéressant, appelé le concept de la
« hardiesse ».
9- Le concept de hardiesse
Antonovsky (1979), nous rappelle que : « Le stress est inhérent à la vie humaine.
C’est la façon dont la personne gère les situations qui fait qu’elle demeure ou non en
santé. » . C’est ce chercheur qui a introduit le néologisme « salutogénique », pour
« désigner l’origine de la santé plutôt que la recherche des causes de la maladie ».
Cette approche positive a par la suite, générée des études orientées sur les ressources
personnelles. C’est ainsi que le concept de « hardiesse » est né. Ce concept élaboré
par Maddi et Kobasa (1984), apparaît comme une caractéristique de la personnalité
se rapportant à des croyances, des sentiments, des valeurs et des tendances
psychologiques. Ils définissent la hardiesse, comme une des principales ressources
personnelles permettant à la personne de percevoir de façon moins importante le
stress au travail par l’adoption en autres de stratégies socialement perçues comme
positives « ce qui lui permet de demeurer en santé malgré un univers de travail
comportant de nombreux stresseurs ». (Delmas et coll. 2004).
La hardiesse apparaît comme un protecteur de la santé des infirmières au travail d’où
l’intérêt de la mobiliser auprès de cette population. La hardiesse se manifeste et
s’exprime à travers trois dimensions interreliées, soit, le sens de l’engagement, le
Sylvie Dorris Travail dirigé
61
sens de la maîtrise et le sens du défi ( Delmas et coll. 2004) ). Ce qui s’avère des plus
intéressants avec ce concept, c’est qu’il n’est pas « statique », c'est-à-dire qu’il peut
évoluer avec le temps et la personne. C’est du moins ce que révèlent quelques
études à cet égard, dont une plus particulièrement, effectuée en 2004 par Delmas et
ses collègues (équipe française et québécoise). Ces chercheurs ont élaboré et
appliqué un programme de renforcement de la hardiesse auprès d’infirmières
françaises. L’échantillon fut constitué à partir de la population d’un hôpital du sud-
ouest de la France, une randomisation d’un échantillon de 70 infirmières a permis la
formation d’un groupe expérimental et d’un groupe contrôle. Trente-cinq infirmières
assignées au groupe expérimental répondirent à un questionnaire regroupant quatre
échelles de mesure et un questionnaire sociodémographique, effectués à quatre temps
de mesure, soit avant l’intervention du chercheur(T1), immédiatement après (T2), un
mois après (T3) et trois mois après (T4). Le programme d’intervention fut bâti à
partir des recommandations des concepteurs (Maddi et Kobasa, 1984) si bien que
trois techniques furent retenues : le focusing, la reconstruction de situation et
l’approche émotivo-rationnelle. Les instruments de mesure furent pour la hardiesse,
l’échelle PVS II (Maddi, 1987, 1990) en traduction française (Kérouac et Duquette,
1992) ; pour le stress perçu, l’échelle NSS (Gray-Toft et Anderson, 1981a) en
traduction française (Duquette et al. 1995), pour les stratégies de coping, l’échelle
abrégée en langue française (Bouchard et coll., 1995) du Ways of Coping
Questionnaire (Lazarus et Folkman, 1984), pour la qualité de vie au travail, l’échelle
de Elizur et Shye (1990) en traduction française (Delmas, Escobar et Duquette,
2001). Les résultats montrent aux trois temps de mesure postérieurs à l’intervention
que celle-ci a permis de renforcer le niveau de hardiesse, les stratégies actives de
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62
coping, la qualité de vie au travail des infirmières tout en diminuant l’intensité du
stress perçu et les stratégies de fuite. Afin d’apporter des conclusions statistiques
pertinentes sur l’effet d’un programme de renforcement de la hardiesse, voir les
résultats sous forme de tableaux reproduits selon l’article de Delmas et coll. (2004,
p.17-19), à l’annxe 1, à la fin de ce travail.
Il n’existe évidemment pas de solutions ou recettes miracles pour enrayer totalement
la détresse morale vécue par les infirmières, mais plusieurs pistes de solutions
s’offrent à nous et valent la peine de s’y pencher. Mais il est important avant tout,
que les infirmières s’arrêtent un moment et reconnaissent qu’elles devraient avoir les
mêmes devoirs et responsabilités envers les autres qu’envers elles-mêmes,
notamment, de chercher à préserver leur intégrité. Deady et McCarthy (2010) vont
dans ce sens également, lorsqu’ils affirment que la reconnaissance de ce devoir
envers soi est essentielle pour répondre, réagir à la détresse morale et pour restaurer
ou rétablir l’estime de soi et la santé. À partir de ce constat, il est impératif pour
l’infirmière de prendre des mesures lorsque des situations qui peuvent compromettre
son intégrité se présentent. En ne répondant pas avec compassion à leur propre
détresse, cela peut amener une capacité moindre, à répondre à la souffrance et à la
détresse d’autrui par la suite. Adopter cette responsabilité professionnelle, constitue
le fondement pour la création de stratégies d’autogestion de la santé mentale et
physique.
Sylvie Dorris Travail dirigé
63
Conclusion
En comprenant mieux les mécanismes qui permettent aux infirmières d’être en
meilleure santé au travail, nous augmentons nos stratégies pour lutter contre la
détresse morale lorsqu’elle se présente. En habilitant davantage l’étudiante-
infirmière, en lui permettant d’avoir une meilleure connaissance de soi, de ses
valeurs personnelles et professionnelles, en l’aidant à prendre conscience de
l’importance d’améliorer son estime d’elle-même, en lui donnant des outils pour
l’aider à s’affirmer et augmenter sa confiance en ses capacités, nous serons sans
doute, sur la bonne voie. Lors de décisions éthiques difficiles, en présence de
dilemmes moraux ou pour jouer efficacement son rôle « d’advocacy » ( défendre les
intérêts du patient, intérêts qu’il a lui-même déterminés en vertu de son autonomie..),
l’infirmière doit être capable de se positionner sur l’échiquier que représentent les
milieux de soins actuels. Pour se faire, elle doit faire preuve de courage, de
confiance en elle pour pouvoir ainsi exprimer ses points de vue, ses positions et ses
oppositions. La détresse morale réactionnelle risque ainsi beaucoup moins de
s’installer, car elle aura pu être évacuée au fur et à mesure pour ainsi ne pas vivre
avec ce que Webster et Baylis (2000) appellent des résidus moraux.
Oui l’infirmière a un bout de chemin à faire pour continuer à « grandir » et pour
mieux affronter, sans perdre trop de plumes et surtout d’illusions, les milieux actuels
de soins de santé. Par contre, toutes les contraintes actuelles imposées par les
milieux de soins ne doivent pas et ne peuvent pas reposer sur les épaules des
travailleurs de la santé et sur leurs stratégies de coping. Un changement de
paradigme s’impose aussi. Comme le mentionne Delmas et coll. (2004), les
institutions de soins, dont la mission principale est d’offrir des soins de qualité aux
Sylvie Dorris Travail dirigé
64
patients, doivent aussi s’attarder à la santé des acteurs du soin. « Il apparaît
incohérent que des gestionnaires induisent, par des modes de gestion et des stratégies
de management inadaptées, des problèmes de santé mentale chez son personnel »
(p.21).
Comme enseignante en soins infirmiers, il est de notre devoir de rester aussi
enthousiastes et motivées que possible et de promouvoir la profession auprès des
étudiantes infirmières. Maintenir les encouragements à poursuivre leur formation et à
se dépasser à travers les exigences académiques élevées que nous leur imposons, doit
demeurer une constante. Toutefois, il faut savoir aussi mieux les préparer à faire
face à leur futur milieu de travail. Il ne s’agit pas de leur dresser un tableau trop
sombre ou de tomber dans le négativisme ou même dans le fatalisme, mais bien de
les aviser des futurs défis qui les attendent. Ne dit-on pas qu’une personne avisée en
vaut deux? En nommant les choses telles quelle sont, nous risquons moins aussi, de
créer de grandes disparités entre l’idéal et la réalité.
Encore une fois, nous aurons beau mieux outiller et renforcer nos infirmières, il reste
que des efforts et une volonté réelle pour améliorer les conditions de travail, doivent
aussi, être sérieusement envisagés et réalisés. Langlois et coll. (2009), témoignent
également dans ce sens : « Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre et de
vieillissement de la population et de questionnements éthiques justifiés, une remise
en question de l’organisation du travail dans ce secteur apparaît criante. Nos résultats
invitent également à poursuivre un questionnement sur la place accordée aux
infirmières dans le secteur de la santé ». Florence Nightingale écrivait : « À cause
des mauvais arrangements sanitaires, architecturaux et administratifs, il est souvent
impossible de dispenser des soins infirmiers. L’art des soins infirmiers doit toutefois
Sylvie Dorris Travail dirigé
65
inclure les arrangements qui, à eux seuls, rendent possibles les soins infirmiers tels
que je les conçois. » (Nightingale, 1969, p.8). Comme on peut le constater, bien que
le temps passe et que le contexte soit diférent, certains problèmes persistent et se
répètent. Il semble pourtant, que l’heure a sonné, pour que des changements voient
le jour, pour que l’infirmière sente enfin, qu’un regard attentif, bienveillant et
soucieux de son mieux-être, s’est aussi posé sur elle au passage. Espérons
maintenant que les instances concernées, agissent en conséquence rapidement, car il
y va certainement, à moyen et à long terme, de notre santé à tous.
Tableau IV Écrits théoriques en lien avec la détresse morale consultés dans la revue intégrative des écrits (classés par ordre alphabétique d’auteur(e)s)
Sylvie Dorris Travail dirigé
66
Tableau V Recherches qualitatives et quantitatives en lien avec la détresse morale, consultés dans la revue intégrative des écrits (classés par ordre alphabétique d’auteur(e)s)
Auteurs Année Pays Titre de l’article
Blondeau 1999 Canada Éthique et soins infirmiers
Cohen et
Erickson
2005 États-Unis Ethical Dilemmas and Moral Distress in Oncology Nursing
Practice
Corley 2002 États-Unis Nurse Moral Distress: A proposed theory and research agenda
Cronqvist et
Nyström
2007 Suède A theorical argumentation on the consequences of moral stress
Goethals et
coll.
2010 Belgique Nurses’ ethical reasoning and behaviour: A literature review
Hanna 2004 États-Unis Moral distress: The state of the science
Heft et coll. 2009 États-Unis Facilitated ethics conversations. A novel program for managing
moral distress in bedside nursing staff
Jameton 1984 États-Unis Nursing practice : the ethical issues
Jameton 1993 États-Unis Dilemmas of moral distress: Moral responsibility and nursing
practice
McCarthy et
Deady
2008 Irlande Moral distress reconsidered
Peter et
Liaschenko
2004 États-Unis Perils of proximity: a spactiotemporal analysis of moral distress
and moral ambiguity
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literature review
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Kenny
2007 Canada Shared moral work of nurses and physicians
Walsh 2011 Royaume-
Uni
Pulling the heart strings, arguing the case: a narrative response
to the issue of moral agency in moral distress
Sylvie Dorris Travail dirigé
67
Auteur(e)s Pays Titre Méthode ÉchantillonAmati et coll. (2010)
Italie Relationship of Job Satisfaction, Psychological Distress and Stress‐Related Biological Parameters among Healthy Nurses: A Longitudinal Study
États‐Unis Educational Interventions in end‐of‐Life Care: Part 1. An Educational Intervention Responding to the Moral Distress of NICU Nurses Provided by an Ethics consultation Team
Quantitative Educational sessions
N = 82 infirmières
Storch et coll. (2002)
Canada Listening to nurses moral voices: Building a quality health care environment
Qualitative Descriptive Focus groupes
N = 87 infirmières
Wilkinson (1988)
États‐unis
Moral Distress in Nursing Practice: Experience and Effect
Qualitative Entrevues
N = 26 infirmières
Zuzelo (2007) États‐Unis Exploring the moral distress of registered nurses
Quantitative Questionnaire Qualitative Analyse de contenu
N = 100 infirmières
Sylvie Dorris Travail dirigé
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i
Annexe 1
Résultats de Delmas et coll. (2004), Effet d’un programme de renforcement de la hardiesse.
Tableau VI Niveau de hardiesse au temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes p < 0,05 GE : groupe expérimental; GC : groupe contrôle
Variable hardiesse aux différents temps de mesure
Moyenne Écart type Valeur de F en regard du modèle statistique
Valeur de p
Hardiesse en score global Au temps T1
GE : 67.28 ± 9.97 GC : 68.47 ± 9.07
0.43 p = 0.51
Hardiesse en score global Au temps T2
GE : 73.08 ± 7.83 GC : 66.90 ± 8.61
7.79 p = 0.007
Hardiesse en score global Au temps T3
GE : 75.61 ± 6.66 GC : 69.67 ± 9.37
6.66 p = 0.01
Hardiesse en score global Au temps T4
GE : 75.63 ± 6.34 GC : 69.53 ± 9.06
8,21 p = 0.005
Les résultats montrent une différence statistiquement significative entre la moyenne de hardiesse en score global aux temps T2, T3 et T4. Tableau VII Intensité du stress occupationnel aux temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes p < 0,05 GE : groupe expérimental; GC : groupe contrôle
Variable intensité du stress occupationnel et de ses composantes
Moyenne Écart type Valeur de F en regard du modèle statistique
Valeur de p
Score global au temps T1 GE : 90.27 ± 14.53 GC : 85.13 ± 12.25
2.61 p = 0.11
Score global au temps T2 GE : 75.03 ± 12.53 GC : 86.06 ± 12.02
4.83 p = 0.03
Score global au temps T3 GE : 70.12 ± 10.77 GC : 87.25 ± 12.56
12.63 p = 0.000
Score global au temps T4 GE : 69.65 ± 10.25 GC : 87.83 ± 11.98
13.66 p = 0.003
Les résultats démontrent que le programme de renforcement de la hardiesse permet une diminution statistiquement significative du niveau du stress perçu du groupe expérimental et cela, aux trois temps de mesure postérieurs à la formation.
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ii
Tableau VIII Présentation des moyennes et des valeurs de p des différentes dimensions du coping aux temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes p < 0,05 GE : groupe expérimental; GC : groupe contrôle
Dimensions du coping Moyenne des groupes et valeurs de p au temps T1
Moyenne des groupes et valeurs de p au temps T2
Moyenne des groupes et valeurs de p au temps T3
Moyenne des groupes et valeurs de p au temps T4
Réévaluation positive/ résolution de problème
GE : 1.89± 0.60 GE : 1.73± 0.42 p = 0.29
GE :2.30± 0.51 GE :1.75± 0.60 p = 0.02
GE :2.11± 0.47 GE :1.72± 0.51 p = 0.01
GE : 2.10± 0.48 GE : 1.89± 0.50 p = 0.01
Recherche de soutien GE : 2.01± 0.53 GE : 1.77± 0.61 p = 0.17
GE :2.21± 0.41 GE :1.85± 0.56 p = 0.008
GE :2.20± 0.36 GE :1.72± 0.60 p = 0.000
GE : 2.20± 0.36 GE : 1.74± 0.59 p = 0.000
Distanciation / évitement GE : 1.02± 0.54 GE : 0.96± 0.59 p = 0.83
GE :0.66± 0.42 GE :0.98± 0.73 p = 0.04
GE :0.74± 0.41 GE :0.96± 0.68 p = 0.15
GE : 0.73± 0.38 GE : 1.01± 0.38 p = 0.08
Les résultats montrent une augmentation statistiquement significative des stratégies actives de coping entre le groupe expérimental et contrôle (réévaluation positive/résolution de problème, et recherche de soutien), et ça, aux trois temps postérieurs à l’intervention. Tableau IX Niveau de la qualité de vie au travail en score global au temps T1, T2, T3, T4 dans les deux groupes p < 0,05 GE : groupe expérimental; GC : groupe contrôle
Variable qualité de vie au travail aux différents temps de mesure
Moyenne Écart type Valeur de F en regard du modèle statistique
Valeur de p
Indice global de qualité de vie au travail au temps T1
GE : 3.51 ± 0.63 GC : 3.45 ± 0.47
0.02 p = 0.87
Indice global de qualité de vie au travail au temps T2
GE : 3.81 ± 0.54 GC : 3.46 ± 0.51
3.27 p = 0.07
Indice global de qualité de vie au travail au temps T3
GE : 3.65 ± 0.51 GC : 3.35 ± 0.52
4.36 p = 0.04
Indice global de qualité de vie au travail au temps T4
GE : 3.70 ± 0.51 GC : 3.36 ± 0.52
5,13 p = 0.02
Les résultats du tableau 5 montrent qu’il existe une différence significative entre les moyennes de la variable qualité de vie au travail en regard des deux groupes au temps T4 (p= 0.02). La moyenne de l’indice global de qualité de vie au travail a augmenté entre le temps T3 et le temps T4 pour le groupe expérimental.