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ANNALES DE L'INSTITUT SUPERIEUR DES LANGUES DE TUNIS UNIVERSITE DE CARTHAGE INSTITUT SUPERIEUR DES LANGUES DE TUNIS 14, Avenue Ibn Maja 1003 Cité El Khadra
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Métalangue et linguistique de corpus: construction d'un projet d'interprétation

Feb 26, 2023

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Mosbah Said
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ANNALESDE L'INSTITUT SUPERIEUR

DES LANGUES DE TUNIS

UNIVERSITE DE CARTHAGE

INSTITUT SUPERIEUR DES LANGUES DE TUNIS14, Avenue Ibn Maja 1003 Cité El Khadra

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METALANGUE ET LINGUISTIQUEDE CORPUS: CONSTRUCTION

D'UN PROJET D'INTERPRETATION

SAID Mosbah

Université de Carthage (ISLT)

0- Introduction

Selon la définition que lui donne J. Sinclair (1996, cité par Hablert &al., 1997: Il), «un corpus est une collection de données langagières qui sontsélectionnées et organisées selon des critères linguistiques explicites pourservir d'échantillon du langage». Nous considérons dans ce sens que lecorpus est une construction dont l'architecture doit être définie préalablementquant à ses objectifs, à ses hypothèses et en partie à ses outils de traitement.Autrement dit, ce que l'on vise à atteindre à travers tout corpus est un projetd'interprétation dont les données recueillies ne sont que des matériaux quiferont l'objet d'un traitement motivé par les visées de son analyse.

En revanche, ces visées sont elles-mêmes contraintes par la nature ducorpus et du domaine auquel il appartient. La terminologie linguistique,domaine de notre étude, «englobe l'ensemble des termes désignant les«termes et propriétés» (statut, unités, caractéristiques, relations) de l'objetdécrit/à décrire, les «opérations (classifications, justifications, mises enrapport, etc.) du linguiste et les «termes et propriétés» des théoriesconstruites par le linguiste» (Swiggers, 1999: 34). Comparée à la languegénérale, la métalangue présente au moins deux spécificités:

- elle se caractérise (comme tout sous-langage) par <<unlexique limitéet par l'existence de schèmes de phrases en norpbre fini» (Z. Harris, cité parHabert, 1997 : 148);

- comme toutes les ressources conceptuelles, elle s'affranchit «duniveau de structuration proprement lexical qui regroupe les différents sens

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46 SAlD Mosbah

d'un mot polysémique et qui représente les synonymes par unités distinctesmême si elles sont sémantiquement liées» (Habert, ibid.: 80).

Ces différences entre les deux domaines ne sont pas sans incidence surles méthodes et les objectifs de leurs corpus respectifs. Si par exemple, il estpossible, dans une théorie comme celle des classes d'objet, de décrire lefonctionnement des unités de la langue à travers la notion d'emploi (définiepar le schéma d'arguments et les classes d'objet), une telle conception s'avèreinadéquate à la description des corpus métalinguistiques. En effet, lesarguments correspondent ici à des concepts à contenus variables d'un cadrethéorique à un autre et les schémas d'arguments explicitent des relationsmoins variables que les concepts eux-mêmes. De ce fait, ils ne peuvents'intégrer dans des classes qui transcendent toutes les théories. Donc, la viséene pourrait avoir comme objet l'identification de·classes ou d'hyper-classesliées à un emploi donné d'une quelconque notion mais serait plutôt orientéevers l'identification de correspondances, de croisements et de dissemblancesentre les différents emplois relevant de cadres différents.

C'est ce que nous proposerons de montrer en soulevant les problèmesque posent la constitution et le traitement d'un corpus formé surtout à partirdu terme pivot «prédicat» (dans son acception structurelle) et recueilli dansdivers cadres théoriques. Ce terme constitue un exemple prototypique de lacomplexité de la terminologie métalinguistique: il témoigne d'une manièreexemplaire du flou et de la plurivocité qui caractérisent la terminologiemétalinguistique, d'où l'intérêt de son étude. Il est à noter dès le départ qu'uneétude exhaustive du champ que couvre une telle notion, ne saurait se limiteraux emplois de ce seul terme. En effet, les notions métalinguistiquess'intègrent dans un réseau notionnel qu'il faudrait saisir en entier. L'étude dela prédication nécessite dans ce sens un corpus qui englobe non seulementtoute la famille dérivationnelle constituée autour de ce terme (prédication,prédicatif, prédicatibilité, prédicatoïde) mais aussi toutes les notions qui yentrent en connexion (actant, actantiel, argument, argumentaI, sémantèmeliant, nexus, etc.).

Cependant, vu le traitement manuel du corpus, vu la difficulté del'étendre à toutes les notions associées à la prédication et vu l'intérêtméthodologique et illustratif de ce travail (Cf ci-dessous), notre corpus selimitera à:

- des termes comme «prédicat», «prédication», «argument» ou toutesnotions équivalentes ou apparentées (dans le cadre fixé ci-dessous);

- à la prédication dans le cadre de la valence verbale décrite à unniveau propositionnel et donc sera exclue toute portée de cette notion à unniveau inférieur (syntagmatique) ou supérieur à la phrase élémentaire(prédication seconde, du second ordre).

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Notre démarche méthodologique dans le traitement du corpuscombinera deux approches:

- transformationnelle, quant à l'homogénéisation des données. Il est ànoter que pour les phrases métalinguistiques (relatives à un sous-langagedans la perspective harissienne), on n'est pas obligé de passer parl'identification «des règles de concaténation des mots dans les phrases»(Daladier, 1990, 76) étant donné que, contrairement aux phrases de la languegénérale, «les structures applicatives des unités d'information ne sont pas lesstructures des phrases correspondantes» (Ibid.: 75) : le contenu informatifétant directement accessible dans ce genre de texte spécialisé;

- logique pour l'étiquetage des relations conceptuelles. La logique desprédicats fournit un outil adéquat pour étiqu~ter les représentations desréseaux conceptuels dans ce domaine.

Ce travail vise essentiellement deux objectifs:

- décrire d'une manière précise le réseau conceptuel propre à unethéorie à partir d'un terme pivot;

- opposer les différents réseaux notionnels construits autour d'un termedans différentes théories.

A cela s'ajoutent des intérêts méthodologiques afférents; il seraitpossible à notre sens de s'en servir comme modèle pour :

- approfondir l'étude de la prédication ou pour fonder des analysesautour d'autres concepts linguistiques;

- désambiguïser l'emploi des termes, les ramener à une théorie oudétecter une éventuelle incohérence de leurs emplois dans un documentdonné;

- expérimenter pour mieux expliquer dans la transposition desconnaissances (en didactique).

1- Traitement global du corpus: problèmes d'annotation et d'étiquetage

Pour être exploitable, tout corpus doit subir deux opérations préalablesà son traitement et fortement liées aux visées de la recherche: il s'agit del'homogénéisation et de la catégorisation de ses données.

1- L'homogénéisation

En général, cette étape vise à dégrossir le corpus et le préparer àl'annotation. Pour notre cas d'étude, elle s'effectue par paliers successifsrépondant chacun à un objectif spécifique.

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48 SAlDMosbah

> Le nom peut être prédicat

> L'adjectif peut être prédicat

La première tâche est celle du recensement des phrases simples oucomplexes véhiculant des contenus informatifs identiques ou exprimant unemême relation conceptuelle avec des configurations actancielles différentes.Soit par exemple, la fonction f(x) où f désigne le prédicat. Cette fonctioncouvre toutes les réalisations qui ont la forme logique : lx est le prédicat! ouIle prédicat est xl.

La deuxième étape consiste à ramener les phrases sources à desformes canoniques. Dans la perspective harisienne, cette opération estréalisée par la transformation qui est «un outil de régularisation» permettantde ramener «des phrases quelconques à des combinaisons de phrasessimples» (Daladier, 1990: 59). Dans la langue générale, la transformation sefait dans le respect des règles de concaténations des unités dans la phrase.Pour les sous-langages, les phrases mettent en jeu une grammaire simplifiéeet un jugement d'acceptabilité défini, ce qui permet de représenter leurscontenus informatifs sans passer par ces règles.

Appliquée à notre corpus, cette démarche permettrait de paraphraserd'une manière identique des relations conceptuelles équivalentes indépen-damment de leurs structures syntaxiques distinctes et de résoudre notammentles cas:

- de nominalisation :

- Les substantifs prédicatifs

- Les adjectifs prédicatifs

- de la tournure passive:

- Chomsky définit la fonction prédicat de P comme étant la fonctionassurée par le syntagme verbal directement dominé par P (sémanticlopédie).

~ Le syntagme verbal assure lafonction Prédicat de P

- d'anaphore:

- Elle est constituée du prédicat verbal et de son cadre prédicatif (Laprédication verbale et les cadres prédicatifs, Jacques François, 2003:1)

» La prédication est constituée de ...

» Le verbe constitue le prédicat

- d'inférence :

- Le prédicat est constitué de tous les mots qui n'appartiennent ni augroupe sujet ni aux (x) groupe(s) complément(s) de phrase (CCDMD)

- On appelle phrase verbale, une phrase dont le SV constitue leprédicat

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~ Dans la phrase verbale, le SV constitue le prédicat

- de la généralisation à partir d'un exemple:

- «Jean pleure parce que Paul l'a battu», Paul est le sujet, l'a battu estle prédicat

~ Le SV est le prédicat

On inclut également dans cette opération les cas où le contenurecherché dépasserait le cadre de la phrase simple d'où l'impossibilité de s'enservir sous cette forme dans la description de l'objet comme en témoignel'exemple suivant:

- Il Y a donc une différence de fond entre prédicats et arguments: lespremiers peuvent avoir un double rôle de prédicats et ,d'arguments, tandisque les seconds ne peuvent jamais être prédicatifs (Gross, à paraître).

La régularisation donnerait dans ce cas quelque chose du type:

/Ies prédicats peuvent être prédicats et arguments/

/Ies arguments ne peuvent jamais être des prédicats/.

La dernière tâche consiste à regrouper:

- les phrases identiques obtenues

- les phrases à arguments identiques et à verbes différents

- les modalisateurs identiques ou synonymes.

On obtiendrait dans l'ensemble, des phrases du type:

représenteconstitue

x (SV, copule+attribut, etc.) forme(le) prédicatestcorrespond (au)fonctionne commeremplit lafonction de

Evidemment, les modalisateurs exprimant le degré de certitude (peutconstituer ..., est susceptible c.re..., etc.), les quantificateurs universels etexistentiels (rarement, parfois, ,e plus souvent, généralement, il y a, il existe,etc.) et toutes autres indicaticns précisant un cadre particulier ou unecondition doivent être maintenus dans la phrase transformée.

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50 SAID Mosbah

Les résultats seront introduits dans la base de données où l'on doitprésenter la phrase source ce qui permettrait de vérifier ultérieurement lapertinence des transformations. Il serait également utile de prévoir une entréespécifiant le type de variation (passage d'un syntagme nominal prédicatif àune phrase verbale, passage à l'actif, implication inférentielle, «désanap-horisation», etc.) :

Cadre Phrases sources Phrases typeth. transformées de variation

dans la situation habituelle, le Igénéralement, le

CTI prédicat fonctionnel et le prédicat prédicat fonctionnel implicationlexical sont un seul et même terme et le prédicat lexical

sont uni,

la possibilité d'un prédicat d'entrer

CT! dans une position d'argument assure ILe prédicat peut Passage à unela récursivité des structures de être un argument! phrase verbalevalence

CT! un prédicat peut aussi entrer dans /Le prédicat peut reformulationune position d'argument être un argument!

le prédicat noyau peut être Ile prédicat-noyauCTI l'argument d'un autre prédicat, qui peut être argument identique

le domine hiérarchiquement d'un autre prédicat!

les positions d'argument Ile prédicat PassageCTI détermine lesprédéterminées par le prédicat argumentsl à l'actif

CT! (cadre théorique! : Claude Muller, Les bases de la syntaxe).

2. L'annotation ou étiquetage: cette opération consiste à «regroupersous un même chef, un même type des réalisations distinctes d'un mêmephénomène~~(Habert & al., 1997: Il). '-1

L'annotation est à rapprocher de la lemmatisation des unités simples,c'est-à-dire de la catégorisation sauf que l'on est, ici, dans un cadrepropositionnel. Donc, ce qui est recherché, c'est la catégorisation de relationsentre concepts. L'étiquetage consisterait dans ce cas à assigner à des formespropositionnelles (dans le sens logique du terme), des étiquettes permettantde regrouper les relations conceptuelles que véhiculent ces structures.

Cette opération répondrait à deux besoins : décrire la relation entreconcepts à l'intérieur de chaque proposition puis à partir de regroupements derelations possibles dans un même cadre théorique. Ainsi, a-t-on besoin dedeux types d'étiquetage.

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Le premier, se limitant au cadre propositionnel (donc par entrée),aurait pour fonction une catégorisation partielle, plus collée aux donnéesélémentaires recueillies et prépare ainsi leur traitement; le second, plusélaboré, impliquerait les relations entre diverses propositions d'une théorie etconstituerait une première interprétation ou application qui sous-tendrait elle-même d'autres types d'applications (c'est pourquoi nous la traiterons dans lesecond chapitre).

Le premier type d'étiquetage rend compte, entre autres, des relationsd'équivalence, d'implication ou d'inclusion. Si l'on prend l'exemple (1), toutesles réalisations donneraient lieu sur la base d'un étiquetage par entrée à unemême relation (1) :

extrait annotation.

le. étiquetage

X représente le prédicat 1X constitue le prédicat! X~Prédicat

Xforme le prédicat 1X constitue le prédicat! X~Prédicat

X constitue le prédicat 1X constitue le prédicat! X~Prédicat

X est le prédicat 1X est le prédicat! X~Prédicat

X correspond au prédicat IX correspond au prédicat! X~Prédicat

Il y a correspondance IX correspond au prédicat! X~Prédicatentre X el le prédicat, etc.

De même, la relation véhiculée par les structures qUI suivent,désignent une relation d'inclusion:

extrait annotation le. étiquetage

Position d'argument (X)1X est expansion

est expansiondu prédicat (2)

du prédicat! X c Prédicatou IX fait partie de .. .1

Position d'argument (X)1X fait partie du prédicat! X c Prédicatfait partie du prédicat

1) Cf la notion de paraphrase dans Martin (1976).

2) Une même forme propositionnelle peut donner lieu à plus d'un étiquetage possible selonl'angle de description (Cf. deuxième chapitre). Dans ce cas, elle sera reprise chaque fois enrapport avec cet angle.

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SAlO Mosbah

• e t indispensable d'introduire lors de cette opération les opérateursde ne essité ( ), de possibilité (0) ou de négation (~) qui permettent dedi tinguer le caractère tranché ou non, affirmatif ou négatif d'une assertion:

extrait annotation lor étiquetage

Le prédicat/ le prédicat correspond toujourscorrespond au verbe ::::J (V <=> Prédicat)

au verbe .. ./

Le prédicat peut / Le prédicat peut correspondre o (V <=> Prédicat)correspondre au verbe au verbe

L'argument ne peut pas / L'argument ne peut-0 (arg. <=> Prédicat)

être prédicat (CTI) pas être prédicat

Certains arguments / Certains argumentv (arg. <=> Prédicat)

sont des prédicats (CT2) sont des prédicats.

Le prédicat se présente/ le prédicat est le plus sou' enle plus souvent (3) () (\'. <=> Prédicat)

sous forme de verbeun verbe

En somme, ce travail préalable d'annotation et d'étiquetage constitueune première homogénéisation et une première catégori ation de ce qui étaitdéjà épars mais ne donne ni accès à une interprétation immédiate desdifférences entre les points de vue théorique, ni même à une \ i ibilité clairepour une même théorie. Une analyse plus fine, avec des outils plusappropriés aux visées de la recherche, serait donc nécessaire.

11-Traitement spécifiques du corpus: applications et exigences desapplications

L'emploi d'un concept ne vaut que dans un cadre théorique déterminé.S'intégrant en réseau avec d'autres concepts, il participe à l'expression d'unecertaine conception des faits objets d'étude. Il en découle, dans notre étude decas précis, la nécessité d'envisager un champ dans la base de données où eracodé chaque cadre théorique (Cn, CT2, CTn) à côté des sources diver esqui lui sont relatives et qui devraient être datées pour faciliter la détectiond'une évolution possible de l'emploi d'un concept:

. l: opèrateurs de quantification pourraient être affinés davantage pour distinguer par~ pie la différence entre «le plus souvent» et «certains».

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cadre th. auteur source année page extrait

CT! Claude Base de la 2008 4Muller on nommera ...syntaxe

CT2 Claude LF35 9 ces fonctions, ...Tchekoff

CT3 Grevisse Le bon usage 13eme éd. 20 le plus souventle prédicat n'est pas ...

CT4 Gaston G. G. manuel nous définissions unGross prédicat comme ...

CT5 Merlcuk LIDL37 2008 05 une position actanciellePolguère sémantique ...

CT6 Riegel Grammaire 28 on se gardera de ...méthodique

De même, un concept sert souvent à décrire un même phénomène sousdes angles différents. Pour une description plus fine, plus pertinente et plusciblée, il faudrait dégager les axes selon lesquels l'objet est traité.

Soit ici, le terme pivot "prédicat". D'un point de vue strictementméthodologique, nous pouvons considérer qu'il est employé protypiquement4

dans la description:

- de la structure globale de la prédication où il s'agit de la présence oude l'absence de hiérarchie et de la portée de la prédication (+ hiérarchie,réalisations: noyau +expansion, S+V (noyau), V (noyau) + compléments,prédicat (noyau) + actants; - hiérarchie, réalisations avec un seul élément:SV ou V);

- de relations spécifiques à l'intérieur de cette structure (sujet/prédicat;sujet/compléments, Vsupp + N, etc.);

- et des éléments prédicatifs, c'est-à-dire susceptibles de figurer danscette fonction (V, N, Adj, préposition, adverbe).

Ces relations ne sont pas toujours perceptibles au niveau despropositions isolées. Si, par exemple, on relève dans un corpus la phrasesuivante: «Le verbe est le prédicat», ceci ne veut pas dire que les autrescatégories du discours sont exclues de cette fonction dans ce cadre précis. Lanécessité donc d'un deuxième étiquetage transversal, qui prend enconsidération l'ensemble des propositions de ce cadre, s'impose. Autrementdit, il s'agit de procéder à des regroupements à l'intérieur d'un cadre théoriquedonné (CTn) en fonction de l'objet de description (structure globale, relations

4) Dans le cadre d'une étude systématique, on devrait ajouter d'autres axes (par exemple, laprédication complexe, atypique).

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54 SAlO Mosbah

spécifiques, éléments prédicatifs) et des relations propositionnelles relativesà cet objet. Cet étiquetage est ainsi déduit de l'ensemble des résultats dupremier étiquetage centré sur les entrées uniques.

A ce stade, les résultats obtenus peuvent être séparés dans des bases dedonnées relatives à chaque cadre théorique. Les structures décrites selon desaxes et l'homogénéité de l'étiquetage permettent de dégager les modalités defonctionnement de la prédication dans ce cadre. Pour un cadre CT! (ClaudeMuller), l'étiquetage met en saillance une hiérarchie des constituants où lenoyau détermine les positions d'arguments:

2ème étiquetJgeselon le ndre

(prédication) = (predicat) +(e on.(pIédicatîoo) = (précticat) +{ "on,.(prédicat) détermine

1er étiqnetJgecadre stlon l'entrée

(prédication) ; '>(prédicat) +{expamron,

CTIrédica.t} tS:

CIl (DÙccostlUetuIe)(prédicat} détmnine

en

Quant aux éléments prédicatifs, ils sont clairement définis. Toutefois,il est indispensable de les regrouper sous une même expression synthétisantles contenus des différentes phrases où ils sont évoqués d'une manière isolée.Il reste qu'on peut affiner les critères d'analyse pour spécifier les conditionsde leur emploi prédicatif:

2œe étiqlletJge selonlecadreo {prédÏQt W~~ ~

CTI

CIL

cn

en

1er étiquetagecatin RIon 1'eDtrie

o (predicat ~en a ecb

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Les relations spécifiques, elles, permettent par exemple d'identifier lecaractère théorique spécifique d'un fait particulier comme dans ce cas:

am

en

CI..

sà.luldre

vs}prédU. ~predicatlexd( zts1mttnte àYS--prédicatnoYIDl+ r '. lexial

Cette structuration rend également ~ssible l'appréciation du degré de.i cohérence interne de la théorie. On peut par exemple, pour un cadrethéorique comme CT3 (Grevisse), identifier l'incompatibilité de certainesanalyses comme le fait de considérer le prédicat tantôt comme étant le verbe,

tantôt comme étant le SV:

1er étiquetJ,eadre selon1entrée

cn

en

en

2ème étiqnetJgeselonl udre

o lédicat (:) vabeO~réœcat(:)~

Par ailleurs, cette description servira de base à d'autres descriptionscomparatives. L'une des possibilités est de confronter plusieurs théories à lafois. Les données reproduites dans une base de données à part, subiront untroisième étiquetage selon les cadres réunis. Certains étiquetages dudeuxième ordre restent valides (Cf ci-dessous), d'autres nécessitent uneréécriture plus abstraite accompagnée de l'explicitation des variables.

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56SAlD Mosbah

----A titre d'exemple, l'opposition de deux cadres théoriques (Cn, Muller

et CT4, Gross) montre une correspondance sur le plan des élémentsprédicatifs en général:

CTI

Ci4

%ème ttiqnetl'ge HIoBleam

2tmt étiquetagemodifiéo (préŒc.tt <:> ~~,~W~JVI,

une quasi-correspondance au niveau de la structure globale de la prédicationet des relations intra-prédicatives :

2fme étituef1ge Vuilbi rniablemodifl 011 deY

dtRpr~=

- y=t={prOOicat} + ~tion argumœi{expansion, !W~~p=préWt = X=srmna y=+argmn b ~tif argumam{prédD~ R= y=h'e détennine 3rgutneA!

1s}

~R{Y} R= y=sâectionne atgnmenl3

}

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Métalangue et linguistique de corpus: construction d'un projet d'interprétation

et des dissemblances au niveau de la prédication complexe:

57

tldre objet de IIth. dmri tiODcn stmdure

globale

CT4 mucturegIDhale

2ème étiquetageselon leam~(argument) sot (préOOA\pIédicilsoit (argument})~ (/ .ré<icat} soit,\p(argumfll~)1\ni) ((argumen~soit (pré&.aO)

2imeétiqnttJgemodifiéo (argument) soit(préœc ) l\(plédic2t}soit (ugumenO)o(prédicat} soit(azgummt}) 1\

~ (argumett)soit Iédîcat)

ou encore au niveau des relations spécifiques (dans ce cas la construction àverbe support) :

cadre objet de la 2ème étiquetage 2ème étiquetageth. description selon le cadre modifié

relationstructure à VS, structure à VS, prédicat

CTI prédicat noyau> prédicat noyau> prédicat lexicalspécifique

lexical (>=dépendant (>=dépendant

relation structure à VS=prédicat structure à VS=prédicatCTI

spécifique noyau+ prédicat lexical noyau + prédicat lexical

Relation structure à VS=VS structure à VS=VS +CT4

spécifique + prédicat nominal prédicat nominal

Derrière cette différence de l'analyse, réside une autre différence detaille qui concerne la nature même de la prédication dans une phrase simple:

CT4

CTl

x=prédicatlexical

Y=prédîcatfondionnà

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SAlO Mosbah

La comparaison de plusieurs cadres théoriques à la fois révèle desregroupements plus significatifs malgré la variation terminologiqueC . annexe). Ainsi, si l'on prend comme exemple la structure globale de laprédication, on s'aperçoit qu'il existe au moins trois classes:

Y=acf3nt

y= fanerions

y=expanston

vuiablede VniableX udeR deY

X=schéma y=prédicatif argummt3

x=pmliatiœ

x=prédDtion

x=prédntion

X=prédd1 .ogtqnex=syntAgme

OOica.tifX=prédicltgrammatical

=

=

(X) = (sujet)+ (velbe)

(X) = SV

2fmtétiIuetagelIodifié(X)={prm~+(Y){X) ={prm. +{Y)

2ImtîtiImgeseloJlle cadre

prèdicatgrammatical =SV

prédicat logique =V~S predicat=sujet +verbe

(pfédi2tion) ={prédica + (artanf!)

(prédication) ;;;{prédicaQ+{expamion, ;ID{prédication) ={prédicaQ+(follt'lioos )prédicat = noyau+èl' mtssubordo ')~~ p = prédiot +arguments

CTI

en

CT3

CT4

CT6

1ère C15classe

lion her he à rapprocher ces classes de leurs originesia hronique-. on obtient le affinités suivantes:

- la di tinction d'An tote entre «ce dont on parle» et «ce qu'on en dit»_ endrai la 2eme et la ..,eme classe predica =V ou SV);

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- la distinction de Johann Werner Meiner (1781) entre le prédicat(centre organisateur et les compléments (déterminations) et celle de Fregeentre le prédicat (siège de la fonction propositionnelle) et les argumentsseraient à la base de la 1ère classe (prédicat noyau et expansions).

Il reste toutefois à noter que ces critères ne rendent pas compte dansl'état de quelques relations spécifiques, objets de controverse, telles que lerôle du sujet par rapport aux différents constituants de la prédication. Eneffet, nous avons trouvé des difficultés à visualiser sa place dans lesdifférentes théories à savoir:

- qu'il est du même rang hiérarchique que le prédicat (Grevisse);

- qu'il s'intègre dans la structure prédicative formant un syntagme avecle verbe (Tchekoff);

- qu'il est aussi dépendant du prédicat que les compléments sansmarquage spécial (Muller);

- qu'il est dépendant du prédicat au même titre que les autrescompléments, tout en ayant un rôle spécial (Melcuk & Polguère);

- ou qu'il est dépendant du prédicat, au même titre que les autrescompléments mais d'une moindre importance sur le plan informationnel.

En somme, ce que nous présentons ici est un projet parmi d'autrespossibles et qui demeure incomplet tant que nous n'avons pas élargi lessources du corpus et que nous n'avons pas étendu la description à toutes lesnotions afférentes au terme.

Conclusion

On conclut que l'élaboration d'un corpus métalinguistique est uneconstruction: Î\

- qui a une architecture fondée sur des hypothèses et des objectifsdéfinis dès le départ;

- qui fournit en même temps que son élaboration des outils d'analysespécifiques construits à partir de la structure même de sa charpente;

- et qui n'est pas rigide tant qu'il est toujours possible de réécrire et derectifier ces outils.

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60

REFERENCES

SAlO Mosbah

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