7/24/2019 Mauthausen 302
1/401
MAUTHAUSEN n302j u i l l e t 0 5
La part visible des camps
lexposition aux Archives
nationales.
Sommaire
p.2 ditorialpar Michelle ROUSSEAU-RAMBAUD
p.3 - 27
Compte-rendu du voyage du 60eanniversaire de la libration deMauthausen et ses Kommandos,au jour le jour
p.25 Publications de lAmicale
p.28 La part visible des campspar Daniel SIMON
p.32 Limposture dEnric Marco
p.36 et 40
Histoires : La peur au camppar Ernest VINUREL
p.37 Livres, film,
p.38 Vie de lAmicale
p.38 Les rendez-vous de lAutomnep.39 Le carnet de lAmicale
(Page 28 et suivantes)
Marion VEYSSIERE, conservateur du patrimoine aux Archives nationales,et Ilsen ABOUT,commissaire de lexposition, commentent les documents qui accompagnent lexposition Renaud DONNEDIEU de VABRES, ministre de la Culture et de la Communication.Photo Pierre FRETEAUD
B U L L E T I N D E L ' A M I C A L E D E S D P O R T S , FA M I L L E S E T A M I S D E M A U T H A U S E N
MAUTHAUSEN / 302
lAmicale dite une
collection de plaquettes
sur les Kommandos de
Mauthausen.
Sont dj disponibles :
n 1 Hartheim
n 2 Ebensee
Numro spcial :
60e anniversaire de la
libration de Mauthausen et
ses kommandos.
(lire page 3 et suivantes)
La part visible des camps
lexposition aux Archives
nationales.
7/24/2019 Mauthausen 302
2/40
MAUTHAUSEN / 3022
2005 : un anniversaire
exceptionnel.
Le voyage de mmoire du mois de mai est tou-
jours un temps fort dans la vie de lAmicale.
Lordonnancement, souvent connu, matris, la taille
raisonnable du groupe accentuent le caractre
dintimit dun plerinage en famille.
Mai 2005 fut un vnement dune autre dimension,
la mesure de lobjectif : la commmoration du 60e
anniversaire de la Libration du camp et des camps
annexes.
Nos normes habituelles ont explos :
- par le nombre inattendu des participants franais,
(334 inscrits, 315 prsents), accru encore par un
groupe de plus de 250 lycens,
- par la diversit de leurs origines et de leurs motiva-
tions,
- par leur souci, pour ne pas dire parfois leur exigen-
ce, dlaborer un parcours presque individuel.
Do limportance de la partie optionnelle, qui a
drout certains dentre vous, mais a ravi la majorit,
si lon en juge par les courriers reus.
Do la dispersion et lclatement qui nont pas faci-
lit le quotidien mais nont pas dtruit lunit dun
groupe soud par lessentiel, le sens profond de ce
voyage : la clbration.
Ce fut la fte du souvenir, nos morts tant comme
prsents aux cts des grands tmoins qui nous
accompagnaient.
Tout fut hommage : les propos couts, mais aussi la
qualit des silences, le comportement parfait des
lycens, leur motion la mesure de la ntre, la solli-
citude de nos amis autrichiens, Ebensee, Gusen,
Melk, Steyr, au Loibl Pass, Hartheim. Certaines
images resteront jamais graves dans nos esprits,
le cercle autour du monument franais le dimanchematin, par exemple mais chacun la sienne.
Chaque site de mmoire a t revisit, nous avons
bien senti, compris et raffirm, que la vie de
Michelle ROUSSEAU-RAMBAUD
ditorial
lAmicale, si elle se lit au travers du prisme de
chaque Kommando, est en fait une et indivisible.
Comment parler de la soire dHartheim, quand on
la vcue en orphelin ?
Et maintenant, que reste-t-il de ce qui nous a ports
pendant des mois pour raliser le dfi de cette
rencontre, sans doute imparfaite dans le dtail,
mais si magnifique dans sa globalit ? Des souve-
nirs, des clichs, des discussions, des courriers,
mais aussi une suite, tout au long du second semes-
tre de cette anne 2005.
Car cest la force de lAmicale de ne jamais cesser
de travailler des lendemains porteurs de tolrance
- mieux : de vraie fraternit, dun sens plus aigu du
respect de lautre et de lgalit de tous.
Le 8 mai 2005, Mauthausen, devant le monument franais, la dlgationde lAmicale et sa prsidente Michelle ROUSSEAU-RAMBAUD(au centre) a t rejointe par Nicole GUEDJ, secrtaire dtat aux Droitsdes victimes, de Pierre VIAUX, ambassadeur de France en Autriche( gauche), Claude LANZMANN et Serge KLARSFELD ( droite).Photo Laurent LAIDET
7/24/2019 Mauthausen 302
3/40
MAUTHAUSEN / 302 3
Cette grande exposition est un vnement important
plus dun titre :
- elle prsente un fonds exceptionnel dimages de
Mauthausen, datant de la priode de fonctionne-ment du camp et des premiers jours de la libration,
ensemble sans quivalent dans les archives concer-
nant le systme concentrationnaire nazi ;
- elle rassemble les fonds dimages conservs prin-
cipalement Paris, Barcelone et Vienne, mais aussi
Washington et Prague, et chez divers dtenteurs
privs ;
- elle est le rsultat dune collaboration entre les
deux Amicales franaise et espagnole et le ministre
autrichien de lIntrieur ;
- elle entreprend, pour la premire fois, lanalyse dumessage que peuvent vhiculer ces images, dans
lEurope daujourdhui ;
- elle est prsente dans chacune des trois langues
des pays organisateurs, et est destine circuler
dans les villes de France, dEspagne, dAutriche,
puis ailleurs en Europe.
Le ministre autrichien de lIntrieur a financ les-
sentiel du lourd budget de cette opration (plus de
200.000 !).
Au cours de la crmonie officielle dinauguration,ont pris la parole Walter Beck, prsident du Comit
international de Mauthausen, Rosa Toran, au nom
de lAmical de Mauthausen y otros campos
Barcelone), Michelle Rousseau-Rambaud, prsi-
dente de lAmicale franaise, et Lise Prokop,
ministre autrichien de lIntrieur.
Aprs quoi les deux commissaires de lExposition,
Stephan Matyus (pour lAutriche) et Ilsen About
(membre de lAmicale franaise) ont propos un par-cours de lexposition aux reprsentants du gouverne-
ment autrichien, aux ambassadeurs de France et
dEspagne, aux anciens dports, invits dhonneur.
Allocution de Michelle Rousseau-Rambaud
Madame La Ministre,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis venus de tous horizons,
Nous vous remercions, Madame La Ministre, denous permettre dtre runis dans ce lieu si lourd et
en mme temps si riche de symboles, dans une
rencontre exceptionnelle, insolite, autour dun sujet
terrifiant : La part visible des camps.
Par le miracle de la photographie, par le choix cibl
du texte, par la prsence mouvante et forte des
Grands Tmoins, de ceux qui ont subi, et fait lhis-
toire du lieu, nous nous trouvons brusquement
confronts une ralit qui, loin de se ternir au fil
des annes, saffirme, se dessine, simpose, telle
une page ineffaable de notre histoire commune.Et cest bien l lexemplarit de cette action : soixante
ans aprs, lAutriche, pays ami et dmocratique, croise
son regard avec celui de ses anciennes victimes, plus
exactement des victimes de lhitlrisme !
Inauguration de lexposition internationale
de photographies de Mauthausen,le vendredi 6 mai au Centre daccueil des visiteurs,
sous la prsidence de Lise Prokop, ministre fdral de lIntrieur.
La cour intrieure du Centre
daccueil des visiteursau pied du Camp central de
Mauthausen et, lintrieur,
la prsentation des panneaux
de lexposition.Photo Laurent LAIDET
6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos
7/24/2019 Mauthausen 302
4/40
MAUTHAUSEN / 3024
Kommando dEbensee,le 7 mai vers 10 heures.
A lentre du tunnel 5, maintenu accessible
aux visiteurs par le Zeitgeschichte Museum, qui a
fait aussi restaurer et exposer l lancienne porte en
bois du camp, le groupe des Franais est accueilli
par notre jeune et fidle ami Andreas Schmoller, qui
explique avec beaucoup de conviction la ncessit
et les rsultats du travail de mmoire entrepris loca-
lement.
Puis Sylvie Ledizet, belle-fille de Michel Simon
(Ebensee, Mle 28542), lit, dans le grand silence qui
sest fait autour delle, le texte qui suit :
6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos
Aujourdhui, la France et lEspagne lui ont confi
solennellement, pour un temps, lvocation de leurpass.
Ce fut une ralisation difficile, un peu folle, mene
grce au ministre de lIntrieur autrichien qui a
assur la logistique et une grande partie du finance-
ment, grce galement au ministre franais des
Affaires Etrangres, lInstitut franais de Vienne,
au ministre de la Dfense.
Mais surtout grce au talent, la matrise et
lnorme travail conduit par les deux commissaires,
Stephan Matyus et Ilsen About, pauls par Ludwig
Zwickl, Jean-Marie Winkler, Daniel Simon, CarolineUlmann Que chacun en soit remerci et flicit !
Cette vritable uvre dart et dhis-
toire au quotidien prouve quil exis-
te bien une mmoire de lEurope,
quelle est crative et porteuse.
Et cest partir de la Mmoire que
lon construit lAvenir, surtout un
Avenir de Paix. Une version fran-
aise de cette exposition sera offi-
ciellement inaugure le 22 juin Paris aux Archives Nationales.
Longue vie cette exposition qui
va senrichir des regards, des cri-
tiques, de la pense dautrui, qui
va devenir un outil pdagogique.
Cest le plus bel hommage qui
puisse tre rendu aux martyrs du
camp de Mauthausen.
Redl-Zipf,le 6 mai.
Une trentaine de personnes se sont rendues cette
anne Zipf, pour une courte crmonie la stle
franaise, o Paul Le Car a demand Daniel
Simon de dire quelques mots. Ce fut pour voquer
cette situation caractristique des petits komman-
dos , et le sens de notre prsence. Celle-ci a jadis
empch leffacement des derniers vestiges.
Aujourdhui, la situation a bien chang : nous som-mes rejoints, attendus, honors, Zipf comme sur le
site de nombreux camps annexes du systme
Mauthausen, par les autorits et la population
locale. Du camp lui-mme, qui fut, aux dires des
rescaps, lun des plus terribles du moins durant
la premire priode (automne-hiver 1943-44), celledu chantier de construction des installations pour
lindustrie de guerre, dans lenceinte de la brasserie
il ne reste rien. Par contre, la brasserie Zipfer sest
montre accueillante notre groupe, lun de ses
directeurs acceptant volontiers de nous conduire,
accompagn par un jeune traducteur trs
attentionn, jusquau site des installations, et
nous proposant ensuite un diaporama fort
consistant sur lhistoire de la brasserie et de son
rapport avec lindustrie de guerre naz ie. A la-
venir, nous a-t-on assur, il suffit davertir et
nous serons aussi courtoisement reus. A bon
entendeur
Henri LEDROIT porte le drapeau de lAmicale, Claude DUTEMS et Bernard GIRYavec Paul Le CAER, Jacques HENRIET dposent la gerbe de lAmicale devant la stle Redl Zipf. Photo Jean-Louis ROUSSEL
7/24/2019 Mauthausen 302
5/40
MAUTHAUSEN / 302 5
Les mots de Jean Laffitte
Sur le flanc de la montagne dfrich la hte, le
chemin des lions relie directement le Steinbruch au
camp. Il a t difi afin dviter aux habitants de la
valle la vision effrayante de ce cortge de forats
qui passait chaque soir sur la route devant leurs
maisons en tranant ses paves et en portant ses
morts. Le Lwengang permet dautre part de rdui-
re le nombre de soldats chargs de la surveillance.
Deux SS suffisent pour accompagner cent hommes
quils suivent lextrieur du chemin.
En montant les escaliers, les hommes glissent.
Quelques-uns tombent. Cest courant. On ny fait
pas attention. Chacun essaie de sen tirer comme il
peut. Les tranards sont rous de coups par les
kapos qui se tiennent en queue de la centaine. Cest
pourquoi les forts se placent toujours dans les pre-
mires ranges et les faibles sont reflus larrire.
Lescalier nest pas trop long, mais le chemin fait
douze cents mtres. La neige, constamment
remue par le passage des hommes, fait une boue
sale dans laquelle nous enfonons au-dessus des
chaussures. Un peu plus ou un peu moins, mainte-
nant, a na plus dimportance.
Imaginez une montagne dont on aurait rogn le
pied. Un mur de rochers haut de deux cents mtres
et long de cinq cents. A la base, des trous qui, de
loin en loin, sont creuss dans ce mur : sept tunnels
qui senfoncent dans la pierre blanche. Au-devantdu mur, un immense espace qui sagrandit chaque
jour un peu plus. L-dessus, des voies ferres, des
trains de wagonnets, des automotrices, des locomo-
trices, des baraques, des transformateurs, des
tuyaux, des cbles lectriques, des projecteurs. Au
milieu des amas de ferraille et de matriaux de tou-
tes sortes, des hommes qui se dplacent, ploys
sous le fardeau : dix hommes pour porter un rail,
huit hommes pour porter un poteau. La ronde ne
sarrte jamais.
Dautres hommes creusent des tranches, dchar-
gent les wagons qui entrent par trains complets sur
le chantier ou semploient lun des mille travaux
qui donnent cet espace cyclopen laspect dune
fourmilire gante.
Cela nest rien. Rentrons dans un tunnel. La vote
fait huit dix mtres de haut. Leau suinte sur les
rochers faiblement clairs. Sur le sol, on trbuche
sur les rails, on marche dans leau et dans la boue.
Un bourdonnement sourd grandit au fur et mesu-
re quon avance. Les wagonnets vont et viennentsans arrt. Arriv lendroit du travail, on ne voit
plus rien quun nuage phosphorescent que la lumi-
re des projecteurs narrive pas percer et que les
aspirateurs sont impuissants absorber. On se trou-
ve, sans lavoir vu, au pied dune norme perforatri-
ce qui ressemble une pice dartillerie. Vingt hom-
mes travaillent l percer la montagne dans la
poussire, dans le courant dair, au milieu dun
vacarme assourdissant. Placs sur des chafauda-
ges, le marteau-piqueur la main, ils creusent des
trous dans le roc. Ils sont entirement recouvertsdune poudre blanche qui les fait ressembler des
spectres. On ne voit plus leurs yeux. On dirait des
statues de pierres convulses par la trpidation des
machines.
Cest en voyant ces hommes, cest en voyant le
Steinbruch pour la premire fois, que jai compris
comment les esclaves de lantiquit ont pu, au
temps jadis, construire les pyramides dEgypte.
[Ceux qui vivent, 1958]
De gauche droite : Andreas SCHMOLLER, Daniel SIMONet Roger GOUFFAULT devant lentre des tunnels dEbensee.Photo Olivier ALIX
7/24/2019 Mauthausen 302
6/40
MAUTHAUSEN / 3026
menace et le risque de mort, tous les instants ?
Comment vous faire comprendre la valeur du moin-dre geste de solidarit entre ces sous-hommes que
nous tions censs tre ? Ce sont ces actions de
solidarit et de rsistance auxquelles chacun des
rescaps a d sa survie.
Nous avons tmoign et tmoignerons encore de ce
pass qui sloigne et, au-del de nous-mmes,
nous sommes convaincus quil porte de grandes
leons pour lEurope et le monde daujourdhui.
Cest pourquoi nous sommes heureux de ne pas
nous retrouver ici seulement entre survivants, mais
dtre accueillis par un tel rassemblement de fem-
mes et dhommes de tout le continent et de toutes
les gnrations. Cest pourquoi je suis heureux de
cder la parole, en confiance.
Daniel Simon :
Nous pouvons, Roger, tassurer, toi et tous tes
camarades, de notre fidlit et du sens de notre
engagement.
Voyons en effet Ebensee, soixante ans aprs la
droute militaire et politique des nazis. Voyons la
foule que nous sommes, diverse, solidaire, mue,
lucide, pacifique. Nous savons sur quel continent
nous vivons et voulons vivre : Ebensee, dans ce
dcor bucolique, est jamais marqu dune balafre.
La fosse commune prs de laquelle nous nous
tenons, lespace invisible de ce que fut le camp, les
troues glaciales des tunnels, nous sommes capa-
bles den restituer le sens. Nous sommes, nous
continuerons dtre, pour les habitants dEbensee,des revenants obstins. Nous sommes cette huma-
nit qui entretient des liens avec son pass, avec
ses ans, pour qui le prsent et lavenir ne sont pas
table rase ; celle qui connat et respecte sa diversi-
t ; celle qui affirme un socle de valeurs communes,
vocation universelle : respect inalinable et uni-
versel de la personne humaine, refus de la dtention
arbitraire, de la torture, de lesclavage ; dmocratie,
toujours plus de dmocratie. Et nous savons que
ces valeurs impliqueront dautres combats.
Parmi les dix-huit mille hommes que les nazis enfer-
mrent ici, dont plus de huit mille nont pas rchap-
p, il y eut moins de dix pour cent de Franais. A l-
chelle de lhistoire, ces chiffres seuls, en France
Crmonie internationale en prsence
de Lise Prokop, ministre fdral de lIntrieurIntervention de lAmicale (extraits)
Roger Gouffault :
Ebensee a vu arriver en novembre 1943 le premier
convoi de dports. Personnellement, cest en jan-
vier 1944 que jai t conduit ici, et jy suis rest dix-
sept mois, jusqu notre libration par nos amis
amricains.
Ce que nous avons vcu ici, esclavage, cruaut,
famine, et la mort chaque jour de nombreux cama-
rades, vous le savez et pourtant vous ne le savez
pas. Du sort que nous avons subi, rien ne tmoigne
vraiment, que notre parole, et puis ces immenses
tunnels percs dans la montagne, au prix de souf-
frances indicibles. On sait lhistoire de linstallation
du camp, lentassement croissant des hommes, le
rle des entreprises industrielles en qute descla-
ves, le projet nazi dusines de guerre souterraines.
On connat les circonstances si particulires de lalibration du camp dEbensee : cette foule de dte-
nus faisant reculer et fuir le commandant du camp,
la veille de larrive des troupes amricaines.
Mais comment vous faire ressentir ce que fut la
dtresse du quotidien, ce que cest que vivre sous la
6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos
La porte dentre du Kommando dEbensee a t retrouve.Elle est maintenant prsente lentre des tunnels, protgepar un auvent de mtal. Photo Amicale de Mauthausen
7/24/2019 Mauthausen 302
7/40
MAUTHAUSEN / 302 7
comme en Autriche, pseraient peu : lacuit de
notre mmoire tient la nature particulire du crime
nazi, clos et tram parmi nous, peuples dEurope,
quil faillit bien anantir. Cette vrit nous tient, nous
tiendra pour longtemps veills et vigilants.
Merci nos htes et amis autrichiens, guids par les
mmes exigences que les ntres, qui nousaccueillent avec nos hantises et travaillent ici notre
coute entretenir la mmoire de ce pass tra-
gique. Ensemble, venus de tout lespace europen,
nous pouvons assurer les rescaps du camp
dEbensee que ce soixantime rendez-vous anni-
versaire ne sera pas le dernier. Pour beaucoup den-
tre nous, de tous ges, venus tant de fois ici,
fouillant en nous-mmes des chos profonds et
dans ce paysage des traces que nous savons
dchiffrer, Ebensee est un lieu presque intime. Nous
reviendrons.
Roger GOUFFAULT et Daniel SIMON la tribune, dresse sur lesplanade des monuments Ebensee, sadressent lassemble internationaledes participants. Photos Laurent LAIDET
Aprs les crmonies et aprs le djeuner Traunkirchen,une cinquantaine de personnes sont revenues pour une visite plusprcise du site, guides par Roger GOUFFAULT.Photo Charles HALM
7/24/2019 Mauthausen 302
8/40
MAUTHAUSEN / 3028
qui permit davoir une vue densemble de lhistoire
du camp depuis son origine - que nont pas connueles Franais - jusqu lpoque des usines de
production darmement, o ils furent prsents. Nous
vmes au travers dun sol de verre, transparent, les
traces des canalisations rcemment mises jour.
Plusieurs groupes, accompagns par des guides
(bnvoles bien sr) ont t dirigs ensuite vers les
vestiges du camp : le concasseur bien connu des
Espagnols, les carrires, le Jourhaus transform en
lgante maison dhabitation, la place dappel hlas
mconnaissable, les btiments 6 et 7 devenus une champignonnire , les baraquements SS, les
murs denceinte, le bordel toujours habit, les
tunnels de Kellerbrau et bien entendu le crmatoire.
Mais aussi pour la premire fois nous avons pu
approcher de trs prs lusine souterraine de
Bergkristall , en cours de restauration, dont
ldification a cot la vie des milliers dhommes
dans des conditions atroces. Cest l que les armes
secrtes dHitler ont commenc tre construites,
heureusement trop tard. Il sen fallut de peu pour
quelles soient en mesure de changer ou au moinsde neutraliser lissue de la guerre. Une usine qui
tait aussi un abri anti-atomique cette poque
signifiait beaucoup dinformations et de connaissan-
ces technologiques. Il y a, l, une thse rdiger qui
intressera probablement les historiens.
6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos
Visite guide Gusen,le samedi 7 mai.
Je crois que cest la premire fois quune visite
guide de Gusen a t programme dans le cadre
dun plerinage . Le choix des visites des aprs-
midi a permis ceux qui ont perdu lun des leurs
dans ce camp tristement clbre en Europe mais
inconnu en France ainsi quaux anciens dports
qui y ont sjourn, de mieux connatre ou de revoir
ce qui subsiste encore, noy dans le lotissement
construit sur les ruines de Gusen I.
En fait il y a eu deux tapes.
La premire, qui a suivi le djeuner du 6 mai,
a commenc vers 14 heures au muse du
Mmorial, ouvert pour les visiteurs franais, que
beaucoup dentre nous visitaient pour la premire
fois. Nos amis autrichiens conduits par Martha
Gammer nous y attendaient. Une maquette favorisa
la description du complexe de Gusen, cest--dire
Gusen I, Gusen II et Gusen III o, en 1945, taient
internes plus de 20000 personnes. Les Autrichienset aussi danciens dports dont Jean Gavard et
Henri Boussel, prirent la parole et dcrivirent les
conditions de vie du camp et quelques-unes des
exactions qui y furent non seulement commises
mais aussi exprimentes, comme le Zyklon B. Ce
A gauche, Martha GAMMER, commente lexposition du Mmorial de Gusen. Photo Charles HALM A droite, les fours crmatoire de Gusen. Photo Janine LAVEILLE
7/24/2019 Mauthausen 302
9/40
MAUTHAUSEN / 302 9
Hommages aux Vtrans Amricains
Gusen, le 7 mai 2005
Dear friends,
Today is a special day. And a difficult one.
You are coming to share with us the remember of
the bad days.
Sixty years have gone and you are here another
time in Gusen. As you can expect our mind is
also back to this period.We have never forgotten that day when you came
to give us back the freedom the Nazis took over
some years before. You were the liberators.
Today we are with you to tell you again : tank
you. Thank you to all of you.
Of course your presence recall us all the faces of
our friends who died in this camp. We understand
it is certainly the same for you.
Many of your friends are like ours not alive any
more to share our emotion. They died on their
way to Mauthausen, some in Normandy, some in
Alsace or in Germany to kill the devil and to makethe world free.
As you know too many of our friends died here.
Either during the camp l i fe, or just after the
liberation, here in your Gusen hospital, and of
course since the survivors are back to France.
For the same reasons as yours, to win the same
battle. To make the world free of violence, free of
racism, free of concentration camps. To get
justice, to see all the people becoming brothers
despite of their origin, their race, their political
ideas as long as they love freedom for them andfor the others.
We would like you to accept we will also
associate to our remember all the allied nations
people, the British, the Russians, all the others.
They all were so courageous.
But without you, without America nothing would
have been possible. We will never forget.
The years have passed away and despite of this
they will never erase our memory. You will stay
for ever in our mind.
Claude PLAZIAT et Jean GAVARD
Tous les groupes ont bnfici dexplications aussi
prcises que possible et de descriptions des lieux etdes vnements, traduites en franais.
Nous nous retrouvmes tous, ensuite, pour la
crmonie franaise, comme toujours empreinte de
recueillement et de respect. Jean Gavard pronona
un discours trs cout.
La seconde a eu lieu le lendemain aprs-midi lors
de la crmonie internationale laquelle assistaient
des vtrans amricains qui avaient libr le camp
et avaient r ig une st le commmorant
cet vnement. Ce fut un grand moment dmo-
tion dont il est difficile de rendre compte en quelques
mots. Des anciens de Gusen en tenue raye enca-
draient un orchestre polonais compos de jeunes
musiciens. Il joua avec une concentration extrme
des hymnes nationaux, dont celui des USA. Ctait
comme si le vent de la Libert soufflait une nouvelle
fois sur ce camp odieux. Nous prmes la parole
grce Martha car lmotion tait trop forte. Je joins
le texte rdig en anglais avec laccord de Jean
Gavard qui souhaite quil soit connu. Nous avons vu
de vieux hommes tomber en pleurs dans les bras deleurs librateurs. Ce fut le cas des Espagnols
embrassant, en larmes, les vtrans amricains
eux-mmes trs mus. Pierre Serge Choumoff a rai-
son de dire que les crmonies de Gusen, moins
protocolaires que celle de Mauthausen, ont un
immense pouvoir motionnel. Tous les participants
se parlaient, se serraient la main ou sembrassaient,
mus.
Il faut remercier les organisateurs de lAmicale
davoir permis que ces rencontres aient lieu dansces conditions. Cest ainsi quil faut dornavant
programmer les voyages du souvenir. Cest ce que
mont dit de trs nombreuses personnes qui taient
venues se recueillir Gusen et qui ont pu, cette fois,
connatre mieux ce camp maudit o plus de 37.000
personnes, et sans doute beaucoup plus, ont t
massacres, pour la plupart, dans des conditions
atroces.
Claude PLAZIAT
7/24/2019 Mauthausen 302
10/40
MAUTHAUSEN / 30210
Hartheim,le samedi 7 mai au matin.
Le samedi 7 mai au matin, tandis que plus de trois
cents Franais prenaient la route dEbensee,
quelques-uns se rendaient Hartheim, pour consti-
tuer une petite dlgation la crmonie internatio-
nale, en prsence du Prsident de la Rpublique
autrichienne, Monsieur Fischer.
.
Autour de notre prsidente, Michelle Rousseau-
Rambaud (fille de Michel Rambaud, mort
Hartheim) : Pierre Saint Macary, Serge Choumoff,Jean Gavard, Paul Le Car, Ernest Vinurel, et aussi
Jacky. Lardy (dont le pre est mort Hartheim, et
accompagn de ses fils), Louis Buton, Jean-Marie
Winkler et Jean-Louis Roussel.
A la nuit tombe, ce 7 mai :
vocation solennelledes Franais gazs
HartheimGeste indit, ambitieux, risqu peut-tre : convier
cinq cents personnes, parmi lesquelles cent cin-
quante lycens qui avaient rejoint dans la journe le
groupe des Franais, une crmonie scnogra-
phie, conue dans ses moindres dtails mais dont
chaque participant ne fut inform qu linstant den-
trer dans lespace, et devant se drouler sans dis-
cours, sans parole autre que lappel des noms des
quatre cents six Franais dtenus Mauthausen et
assassins au chteau.
Lide est de Pierre Saint Macary et Michelle
Rousseau-Rambaud : symboliser, en plusieurs
squences, le transfert vers Hartheim des dports
de Mauthausen, leur extermination, et le temps
aprs. La prparation sest discrtement tale sur
plusieurs mois : Hubert Saint Macary, comdien (et
neveu de notre prsident dhonneur) en rglant avec
une parfaite prcision le droulement dans lespace
et la dure ; Jean-Marie Winkler apportant sa
connaissance trs exacte du chteau-mmorial etfacilitant les contacts institutionnels et techniques ;
Daniel Simon proposant les squences musicales ;
un groupe de lycens dYvett prparant, sous lau-
torit dun professeur de musique particulirement
expriment, une intervention chorale ; cinq cents
petites lampes-torches tant ngocies, et cinqcents roses.
Ce soir-l, la pluie a redoubl. Il fallut modifier dans
lurgence le dplacement du groupe, recentrer la
crmonie dans lenceinte de la cour intrieure. Cinq
cents personnes emplissent les coursives, sur trois
niveaux. Le chur entame, avec une grande matri-
se, deux strophes du Chant des marais, encadres
par la phrase introductive du Chant des bagnards de
Gusen. Une lampe sallume lappel de chaque nom
(plusieurs voix enregistres les grnent, ils sont
classs selon les mois des assassinats) dix-sept
minutes dintensit. Un fracas (extrait de
Wozzeck, dAlban Berg) sature lespace et les mes.
Suit un long, trs long, absolu silence. Mathilde, une
lycenne violoniste, en bas, sous la vote, joue
Labme des oiseaux, extrait du Quatuor pour la fin du
Temps, dOlivier Messiaen. Des familles dHartheim,
dans la cour, ensemble allument une torche. En une
lente procession, et tandis que joue un violoniste
autrichien, chacune des cinq cents personnes sen
vient dposer une rose dans la cour elles samon-
cellent en un croissant aussi parfait quimprovis.
Sauf la prsence, qui nous honore, de Monsieur
Viaux, ambassadeur de France en Autriche, celle du
Gnral Trautenberg, prsident de la Fondation
Schloss Hartheim et du Docteur Reese, conserva-
teur du mmorial, qui avaient tous deux autoris et
facilit la mise notre disposition du chteau, ce fut
sans public aucun, et sans discours daucune sorte.
Dune grande dignit. Lensemble avait dur
quelque quarante-cinq minutes.
6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos
Les jeunes rptent la crmonie dans la cour du chteau dHartheim.
Photo Bertrand LAUDE
7/24/2019 Mauthausen 302
11/40
MAUTHAUSEN / 302 11
Hartheim,le samedi 7 mai vers 22 heures.
Mathilde, une lycenne de Haute-Normandie,
interprte au violon un extrait du Quatuor pour la fin
des temps dOlivier Messiaen. Avec cette musique
nous sortons dun long silence voquant la mort de
nos compatriotes. Mathilde nest pas seule, avec
elle ce sont plus de 150 lycens qui ont contribu
par leur prsence, leurs chants, leurs paroles la
russite des crmonies du 60e anniversaire de la
Libration de Mauthausen.
Ce qui sest pass en Autriche nest quune partie
dun vaste projet pens il y a plus dun an. Les
premiers contacts ont t pris en mai 2004 avec le
Rectorat de Rouen et les trois lyces pressentis :
Camille Saint Sans de Rouen, Thomas Corneille
de Barentin et Raymond Queneau dYvetot.
Le cadre est fix par lAmicale. Nous souhaitons une
prsence active des jeunes aux crmonies
franaises et internationales. En retour nous
pouvons proposer une visite du camp central, ducentre dextermination dHartheim et du kommando
de Gusen. Une quinzaine denseignants ont ajout
leurs exigences pdagogiques celles de
lInspectrice dAcadmie. Tout en laissant les ensei-
gnants libres de leurs dmarches, nous convenons
que notre projet nest pas de sacraliser la
Dportation, de mme quil serait rducteur de ne
voir dans les Dports que des victimes du
nazisme. Nous souhaitons garder lesprit que
Mauthausen est aussi un symbole de rsistance.
Les enseignants sont galement conscients quilfaut accompagner psychologiquement les lves. Ils
nont pas sapproprier la souffrance des survivants
et des familles. Il faut donc leur donner les outils
pour comprendre la Dportation et dpasser le
stade de lmotion.
Ds lautomne, le projet prend de lampleur :
- Une quinzaine de jeunes germanistes, conduits
par Delphine Bour, venant dun lyce de Saint
Quentin en Yvelines, se joignent au groupe.
- Dans chaque tablissement les lves consacrent
leurs Travaux Personnels Encadrs (TPE) ltude
de questions lies la Dportation. Par exemple :
Frontires visibles et invisibles dans un camp de
concentration En quoi lexprience concentra-tionna i re a - t -e l le t rans form l c r i va in ?
tude compare de luvre de Levi et dAntelme
Le camp de concentration, lment du systme
conomique nazi ? la production artistique a-t-il
permis de survivre ? En quoi, lidentit passe
influe-t-elle sur lexprience concentrationnaire ?
Existe-t-il une spcificit du vcu des femmes dans
les camps ?
- Le thtre est mis contribution, ici on tudie la
pice de Thomas Bernhard Place des Hros, l on
travaille avec Bernard Bloch, metteur en scne de
Leham, ailleurs Catherine Dewitt, comdienne, qui
connat bien Mauthausen, prpare les jeunes des
lectures en public.
- Ernest Vinurel et Jean Gavard se rendent dans les
lyces pour apporter leur tmoignage et voquer la
mmoire de Louis Bunel (le Pre Jacques) natif de
Barentin.
- Jean-Marie Winkler offre aux lycens une
confrence sur lAutriche au XXe sicle et prsentele rsultat de ses recherches sur le centre dexter-
mination dHartheim.
- Madame Corina Coulmas, adjointe de Claude
Lanzmann, rencontre des lves pour voquer avec
eux la ralisation du film Shoah.
- A loccasion dun voyage Paris, un groupe se
rend au cimetire du Pre-Lachaise pour dposer
une gerbe comme une rptition pour lAutriche
au monument de Mauthausen.
- Toutes les semaines, des initiatives sont prises,
certaines modestes, dautres plus ambitieuses.
Beaucoup denseignants extrieurs au projet
apportent leur pierre ldifice. Ainsi les profes-
seurs de musique font rpter le Chant des marais,
un professeur danglais propose une tude, en
anglais, du livre Maus dArt Spiegelman.
Le voyage en Autriche sinscrit dans un projet pda-
gogique plus vaste. Chaque lyce construit sapropre dmarche, son propre parcours. La dimen-
sion europenne est toujours importante. On fait
tape Strasbourg, cit de lEurope, Nuremberg,
ville phare du nazisme et lieu du procs des crimi-
7/24/2019 Mauthausen 302
12/40
nels du IIIe Reich ou Vienne, capitale hypertro-
phie dun empire disparu.
Lensemble du groupe se retrouve Hartheim le
samedi 7 mai aprs-midi. Nous sommes l pour
visiter, tenter de comprendre et rpter une derni-
re fois pour la crmonie du soir. A la nuit tombe,
malgr la pluie, chacun trouve sa place et lmotion
est forte. Le dimanche matin, avec lensemble de la
dlgation autour du Monument franais, les lves
chantent et lisent des textes de Primo Levi, Louis
Aragon et Jean Cayrol. Puis, en quelques mots,
deux dentre eux tentent dexprimer la fiert, la peur
et la responsabilit qui animent lensemble du
groupe des jeunes. Pierre Saint Macary et Michelle
Rousseau-Rambaud leur rpondent. Aprs la cr-
monie internationale, les lycens visitent le camp
central grce la disponibilit et la gentillesse de
Paul Le Caer, Henri Boussel, Henri Ledroit, Ernest
Vinurel et Serge Choumoff. La journe se termine
la carrire par une lecture du tmoignage de Jean
Laffitte recueilli loccasion du Symposium de 2000
(voir textes publis). Le lundi matin, les lycens se
rendent Gusen o Martha Gammer a fait ouvrir le
Centre daccueil des visiteurs puis Jean-MarieWinkler leur propose une visite guide de lexposi-
tion photographique La part visible des camps .
Le souvenir de ces journes est intact, dans chacun
des tablissements sont organises des expositions
photographiques et des rceptions pour remercier
les financeurs et toutes les personnes qui nous ont
soutenus. Un travail important a t ralis sous
forme de dossiers (TPE), plusieurs lves sont lau-
rats du Concours National de la Rsistance et de
la Dportation, les sites internet de chacun des ta-blissements senrichissent de centaines de photos
et de reportages sur le projet. (Ces travaux seront
consultables sur le site internet de notre Amicale :
www.campmauthausen.org). Des films ont t
raliss avec des moyens modestes mais avec
beaucoup de rigueur et de tact.
Aujourdhui nous pouvons affirmer que nos objectifs
ont t atteints au-del de nos esprances. Les
lycens ont forc ladmiration des adultes,
renvoyant une image positive dune gnration quelon nous prsente souvent comme blase. Cette
russite, nous la devons aux tmoins survivants,
aux amis de lAmicale et lengagement des
professeurs : tous doivent tre chaleureusement
remercis. La prsence des dlgations internatio-
nales, souvent dcries pour leur aspect folklorique,a donn nos lves limage dune Europe jeune,
vivante, soucieuse de dmocratie et attache au
respect des droits de lhomme.
Nous navons modestement fait que notre travail
denseignants en donnant ces jeunes qui se sont
eux-mmes qualifis de militants quelques
outils pour tre des citoyens vigilants et responsa-
bles car, comme le dit Sophie Ernst, philosophe de
lducation, il faut peut-tre toute une vie pour
comprendre en profondeur ce que fut le nazisme,
() il est vain de croire que lcole russira porter
seule une rflexion que ses contemporains prf-
rent viter dans ce quelle a de plus drangeant.
Jean-Louis ROUSSEL
MAUTHAUSEN / 30212
6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos
Un exemple parmi dautres
Deux enseignants (Histoire et Littrature) ont prpar undossier copieux partir du livre dErnest Vinurel Rive de cendre.Il sagissait de donner aux lves dune part un outil pour mieux
apprhender le livre, rcit dun survivant, et dautre part les
moyens daborder un tmoignage en littrature. Ce travail
exceptionnel sera disponible sur Internet.
7/24/2019 Mauthausen 302
13/40
MAUTHAUSEN / 302 13
Message de notre Prsident dHonneur en
rponse aux gestes accomplis par les lycens
Les mots que vous venez de nous adresser en ce
dbut de crmonie prouvent, chers petits-enfants,
que vous avez dj beaucoup appris et retenus des
leons de Mauthausen . Je voudrais vous enfliciter et y ajouter une touche supplmentaire
fonde sur la signification de ce monument devant
lequel nous sommes maintenant rassembls.
Notre monument, rig en 1949 alors que les
dgts de la guerre taient encore prsents partout,
aussi bien dans les ruines des cits crases par les
bombes que dans les reins et les curs rompus et
blesss par les perscutions et les humiliations,
notre monument ne fait tat daucun esprit de ven-
geance, ni de rcrimination nationaliste.
Il perptue deux messages : le sacrifice,
symbol is par le cur en haut de la pyramide ; la
libert, inscrite au long du mur de granit, sont seuls
invoqus.
traces indlbiles. Nous savons que nous ne
reviendrons pas indemnes de notre voyage. Mais,
quittant Mauthausen, nous serons plus grands, nous
aurons en nous quelque chose de plus : nous
aurons acquis un savoir, un savoir qui rend plusresponsables et plus libres.
Message des lycens
Quel honneur pour nous davoir pu vous accompa-
gner ici, davoir la chance de participer cet
hommage rendu tous les morts de Mauthausen et ceux qui ont souffert dans ce camp !
Nous sommes fiers dtre aujourdhui prsents dans
ces lieux, fiers et un peu impressionns aussi de
reprsenter les jeunes Franais : une jeunesse fran-
aise engage, qui nest pas indiffrente au pass.
Nous vivons aujourdhui une exprience unique
vos cts et au milieu de cette foule venue de toute
lEurope pour raffirmer que nous noublions pas ce
qui sest pass ici et que nous en tirons les leonspour construire lavenir, en particulier pour rflchir
lEurope qui sera la ntre.
Cette commmoration en Autriche est loccasion de
rencontres, de partages, dchanges avec vous,
entre nous et avec les jeunes europens prsents
Mauthausen aujourdhui. Nous sommes le lien entre
la gnration des camps et les gnrations futures.
A nous de transmettre, dexpliquer ce que vous nous
avez appris. Vous avez fait de nous des passeurs de
mmoire. Nous vous promettons de ne jamaisoublier notre mission.
Aujourdhui, nous serons mus, bouleverss. Nous
pressentons que cette journe laissera en nous des
Au monument franais de Mauthausen, le 8 mai.
Les lycens venus de Normandie dposent une gerbe au pied du monument franais ; droite, Jean-Louis ROUSSEL qui a organis et coordonn
leur dplacement Mauthausen. Photos Bertrand LAUDE
7/24/2019 Mauthausen 302
14/40
MAUTHAUSEN / 30214
Allocution de Michelle Rousseau-Rambaud
au Monument franais.
Madame la Ministre,
Monsieur lAmbassadeur,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis heureuse et honore dlargir le cercle de
cette grande famille quest lAmicale pour vous y
accueillir, pour vous remercier dtre des ntres, tout
particulirement en ce soixantime anniversaire de
la Libration du camp.
Soixante ans, ctait hier, mais dans la mmoire de
nos Tmoins, de leurs familles, dans notre
imaginaire denfant, cest aujourdhui ou presque,
et nous retenons notre souffle comme nos parents,
dcouvrant lhorreur, mais en mme temps en
saccrochant lEspoir que ltre cher avait survcu
linimaginable.
Nous partageons avec vous tous cette atmosphre
irrelle, dense, quest celle de ce lieu : malgrlagitation, la foule, le bruit, les musiques, il se cre
entre nous un phnomne trange dabstraction
hors du temps, hors de la ralit.
Oui, je laffirme de toute ma force, cette rencontre ici
est dabord un hommage ceux qui ont donn leur
vie pour la Libert. Leur prsence impalpable est
partout, dans lair que lon respire, dans lherbe que
lon foule, dans les lettres dor du monument majes-
tueux, inscrites dans lternit dun lieu que nous
avons apprivois par la permanence de notre
prsence et de notre fidlit et o nous sommes
unis par une motion jamais affaiblie.
Mais aujourdhui il passe parmi nous un frmisse-
ment, plus mme une onde qui nous fait vibrer : tel
un magistral cadeau danniversaire, nous offrons
nos ans la prsence de la jeunesse, responsable
et volontaire, incarne ici par les lycens venus de
Haute-Normandie, rejoints par leurs camarades du
Lyce franais de Vienne. Dans chaque tablisse-
ment, ils ont travaill avec leurs professeurs, pour
prparer ce sjour en Autriche, pour sinvestir dansle concours de la Rsistance et de la Dportation,
tous pour rflchir la symbolique de leur venue au
camp, pour rflchir sur la problmatique de
lunivers concentrationnaire.
6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos
La libert : celle de la France et des Franais, sans
doute, nous lavions cher paye. Mais au-del,libert pour tous les esclaves europens que nous
avions t dans les camps ; libert de tous les peu-
ples asservis par le nazisme, y compris celle des
Allemands, premires victimes de la folie hitlrienne ;
libert de toutes les nations dEurope, libert future
de lEurope tout entire.
Lunit du peuple des rays , ne dans les plus
cruelles preuves, lunit des exclus du Reich de
mille ans , lunit du malheur ne pouvait rester
sans signification. Elle tait porteuse dun avenir,
elle prfigurait lunit de lEurope libre et non plusdomine.
Lavenir dont nous rvions en 1945 ou 1949, cest
aujourdhui, cest votre prsent.
LEurope, petit continent accroch au flanc de lAsie
mais mre des arts, des sciences et des lois ,
affranchie de ses haines sculaires, lEurope, unie
et solidaire, doit maintenant se construire un
nouvel avenir, dans la paix et la dure, pour vous,
enfants et petits-enfants du nouveau millnaire.
Soyez-en conscients, soyez-en persuads, cons-truisez-le au fil des jours en y engageant toutes vos
forces.
Avec le combat pour la libert, cest le seul article de
notre testament : soyez Europens, soyez-le bien
et jamais.
Gnral (c r) Pierre SAINT MACARY
Mauthausen, mle 63125
Devant le monument franais, face aux dports, les lycensadressent leurs messages. Photo Bertrand LAUDE
7/24/2019 Mauthausen 302
15/40
MAUTHAUSEN / 302 15
En les remerciant, en notre nom tous, je les
supplie de ntre jamais des consommateurspassifs dune mmoire officielle, mais doser leurvie, dtre nos messagers de la tolrance, de lalibert, du refus de la btise raciste et de la xno-phobie. Bref, dtre des citoyens du monde qui com-mence sur notre seuil et stend linfini.
Et jentends pour vous ces vers extraits de lasupplique de la pote Charlotte Delbo :
Je vous supplie,
Faites quelque chose
Apprenez un pas, une danse
Quelque chose qui vous justifie,Qui vous donne le droit
Dtre habills de votre peau,
De votre poil,
Apprenez marcher et rire
En ce soixantime anniversaire, je ddie cesquelques penses mon pre, Michel Rambaud,mort Mauthausen, prcisment Hartheim, tousses compagnons de souffrance extermins oudisparus.
Mais aussi, avec tendresse, vous tous, chersAmis, nos grands tmoins, que nous avons lachance davoir nos cts depuis soixante ans eten ce 8 mai 2005.Vous affirmez le triomphe ternel de lHomme et dela Vie sur le nant, si impitoyable puisse-t-ilapparatre pour ceux quil a engloutis.
Michelle ROUSSEAU-RAMBAUD
que les SS appelaient le mur des parachutistes ,
de cet enfer aujourdhui trangement en paix, je nevous parlerai pas, parce que je crains dabord de lefaire avec maladresse, et puis parce que jeredoute de ne pas savoir contenir lmotionqui mtreint maintenant.
Mais, pour remplir mon devoir de mmoire, jevoudrais exaucer une vu, celui dun dport,Zalmen Gradowsky, dont on a retrouv une lettre,justement dans les cendres dun camp. Et pour mapart, jai dcouvert lexistence de cette lettre il y atrois jours. Je me suis dit que peut-tre, comme a,moi aussi, je pouvais contribuer accomplir cedevoir de mmoire. Je vais vous la lire. Il disait :
Cher dcouvreur de ces crits, jai une prire te
faire. Cest en vrit mon essentielle raison dcrire.
Que ma vie, condamn mort, trouve au moins un
sens. Oui, jai une prire personnelle te faire, cher
toi qui trouveras et imprimeras ces crits.
Renseigne-toi ladresse indique pour savoir qui je
suis. Demande ma famille les photographies des
miens, inclus-les dans les livres comme il te sem-
blera bon. Ainsi voudrais-je rendre immortels leurschers noms pour lesquels je ne peux mme verser
une seule larme, maintenant, car je suis dans lenfer
de la mort, moi-mme aussi je suis condamn
mort. Un mort peut-il pleurer ses morts ?
Mais toi, tranger, citoyen libre du monde, je te prie
de laisser couler une larme pour eux.
Je ddie ces crits ma mre Sarah, mes surs
Louba et Esther, Rachel ma femme, mon beau-pre
Raphal. Tous ont pri gazs, brls .
Et maintenant, je me tourne vers vous, anciensdports de Mauthausen, vous qui, le 16 mai 1945,avez eu la force de faire un Serment, le serment desuivre un chemin commun, le chemin de lacomprhension rciproque, le chemin de lacollaboration la grande uvre de ldification dunmonde nouveau, l ibre, juste pour tous . Et,en souvenir de tout le sang rpandu par tous lespeuples, en souvenir des millions de tous nos frresassassins par les nazis, vous avez jur de nejamais quitter ce chemin.
Et aujourdhui, cest justement ce chemin que nous,nous tous, de toutes gnrations, nous empruntonsensemble. Alors, notre tour, jurons de ne jamaisnous en carter.
Allocution de Nicole GUEDJSecrtaire dtat aux Droits des victimes.
Je vous lavoue, je suis ptrifie ptrifie de fouleravec vous cette terre qui, malgr ses apparencesaujourdhui, nest que cendres. Ce sont les cendresde cent vingt mille cent vingt mille ! Juifs, homo-sexuels, opposants politiques, handicaps, rsis-tants : les asociaux, les irrcuprables, comme ils
disaient.
Alors, des miradors, des cent quatre vingt-six mar-ches de lEscalier de la mort de Mauthausen, decette falaise de laquelle on prcipitait les dports et
7/24/2019 Mauthausen 302
16/40
Soixante ans aprs, il reste encore des vivants pour
nous raconter, et surtout des images, preuve ultime.Malgr cela, certains rvisent le pass, dautres le
rejouent. Et lanne dernire, en France, dans notre
pays, il y a eu plus de mille cinq cents actes racistes
et antismites, et partout, chaque jour dans le
monde, de nouvelles agressions, pour une
seul e raison, une seule : la diffrence. Les
mcanismes de la haine de lautre, pour ce quil est
ou pour ce quil nest pas, ne sont pas dfinitivement
briss. Les hommes nont pas tous tir les leons de
lHistoire. Dire quen 2005, on est encore oblig de
faire des lois contre les discriminations !
Alors oui, il faut un sursaut rpublicain, comme la dit
notre Prsident de la Rpublique, Jacques Chirac,
dans son discours du Chambon-sur-Lignon. Lheure
nest plus au constat, mais laction, au courage, la
rsistance. Oui la rsistance contre lintolrance.
Et savez-vous, jeunes collgiens, jeunes lycens,
quelle est pour vous la meilleure faon de rsister, laseule faon de rsister ? Cest la connaissance.
Alors merci aux anciens dports de nous donner la
leur en nous ouvrant les portes de leur pass.
Merci Claude Lanzmann davoir grav la Shoah
pour lternit.
Merci Serge Klarsfeld qui, face aux lches, na
jamais lch.
Merci notre dput Fromion dtre prsent avec
nous aujourdhui.
Et merci nos jeunes ttes blondes, mais brunes
aussi, rousses, dapprendre, dapprendre pour pou-
voir leur tour transmettre.
MAUTHAUSEN / 30216
6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos
Nicole GUEDJ, secrtaire dtat aux Droits des victimes, lors de la crmonie au monument franais au camp de Mauthausen.Photo Laurent LAIDET
7/24/2019 Mauthausen 302
17/40
MAUTHAUSEN / 302 17
En ce 8 mai 2005, nous le voyons autour de nous,
et comme nous, toute lEurope se souvient. Elle sesouvient qu un moment de son h is to i re ,
les peuples europens nont pas ragi face la
barbarie. Comme l a dit le Premier ministre
hongrois, le 5 mai dernier Auschwitz, les hom-
mes nont t assez forts pour donner la main aux
victimes. Ces atrocits nont t, dit-il, commises par
personne dautre que par le genre humain .
LEurope est aujourdhui en paix, une paix gagne et
construite en raction lhorreur des camps. A
Mauthausen, les dports avaient rencontr
lEurope de la Rsistance. LEurope que nous
voulons, cest une Europe porteuse de valeurs,
cest une Europe de libert, cest une Europe qui na
pas peur daffronter les dmons de son pass et qui
regarde son histoire en face. Quiconque oublie
son pass est condamn le revivre , avait dit
Primo Levi. Quiconque refuse de se souvenir de
la barbarie se retrouve expos de nouveaux
risques de contagion , lui a rpondu, comme dans
un cho, le Prsident allemand Von Weissecker, le
8 mai 1985, dans une discours qui a marqu son
temps. En fait, nous navons pas le choix : nous nedevons pas baisser la garde ; il faut sans
cesse rester vigilant, prt ragir.
Dans la Cantate de Mauthausen, on peut entendre
ce refrain :
Postons des guetteurs
Alertons des tmoins
Montons sur les hauteurs
Pour clairer demain.
Nous qui sommes runis aujourdhui, soyons ces
guetteurs, soyons ces sentinelles.
Disons tous les dports qui sont tombs ici, de
toutes les religions, de toutes les nationalits,
Polonais, Espagnols, Franais, Allemands, Russes
et bien dautres, que leurs descendants europens
reprennent le Serment de Mauthausen, et que notre
unique but est de construire en leur hommage le
plus beau monument qui soit, un monde de
lHomme libre.
Raction.
Des insatisfactions, presque des remous dans las-
sistance que confirmrent ensuite bien des
conversations ! ont accueilli les propos de la
ministre. Comment mieux sen faire lcho quen
citant notre amie Gisle Guillemot ? Le fragment
ci-dessous est extrait dune chronique de ce voyage
de mai Mauthausen, quelle a donne au Patriote
Rsistant, dans son numro de juin (n788) :
La reprsentante du gouvernement, Madame
Guedj, a un petit peu oubli que Mauthausen tait
essentiellement un camp de rpression, le plus
meurtrier, parat-il, o furent regroups des rsis-
tants de toute lEurope, juifs ou non, et non pas
[essentiellement ? NDLR] un camp dextermination.
Mme si, terme, nous savons que la Shoah, en
raison de son horreur absolue, dominera dans la
mmoire collective, il aurait t bien de rappeler que
les rsistants, pensionnaires de Mauthausen, parmi
lesquels tant de courageux jeunes gens, dont un sur
deux ne survcut pas, furent et sont encore lhon-
neur de la France. Ce quelle a oubli de dire, la
grande dception de ces auditeurs.
Au monument Espagnol.
Comme chaque anne, la France a marqu le lien
spcial quelle entretient avec les dports
espagnols : toute notre dlgation sest rendue
devant le Monument espagnol o Jean-Marie
Ginesta a pris la parole.
Une fbrilit inhabituelle rgnait. Pour la premire
fois, un Premier ministre espagnol tait prsent
Mauthausen, et cet vnement survenait alors que
venait dclater l affaire Marco [voir p.32 ], lex-
prsident de lAmicale espagnole ayant prcipitam-ment quitt lAutriche. Jos Luis Zapatero fut donc
accueilli par Rosa Toran, tandis que flottaient cte
cte, fait stupfiant, ltendard de la Rpublique
espagnole et le drapeau de lEspagne daujourdhui.
7/24/2019 Mauthausen 302
18/40
MAUTHAUSEN / 30218
Melk, le lundi 9 Mai 2005.Allocution de clture de la crmonieinternationale
Quatre remarques pralables :
1.- la trs profonde motion de me, de nous retrou-
ver dans les garages o nous avons pass les
toutes premires heures de la folie de Melk.
2.- le remerciement du fond du cur, au Colonel
commandant le rgiment, de nous avoir autoriss
pntrer dans la caserne pour un tour dhorizon prcieux pour les familles.
3.- la satisfaction de voir les jeunes gnrations
participer activement cette crmonie, comme
cela sest fait ici depuis de longues annes linitia-
tive de la municipalit.
4.- la joie dy avoir entendu toutes les langues
dEurope, non plus dans la cacophonie du camp
mais la paix et la libert.
Melk - 1945 2005
Il y a soixante ans, nous avons pass presque une
anne dans cette caserne, anne courte selon le
calendrier, anne trs longue pour ce que nous y
avons vcu. Nous nous y retrouvons aujourdhui et
les souvenirs reviennent.Permettez-moi de les voquer : les lieux, les hom-
mes, la vie ou plutt les vies des uns et des autres.
Les lieux, dabord.
Ils ont bien chang.
Pour retrouver le cadre de nos souvenirs, imaginezun instant que tout le sud de la ville ait disparu : pas
de cits au creux du vallon le long de cette caserne
et, au-del, pas dusines ou dateliers, pas de
lotissements ou dimmeubles, pas dautoroute dans
le lointain. Tout de suite la campagne, ouverte,
verdoyante ou enneige, des pturages, des
champs et des vergers.
Au nord, au contraire, de la caserne au Danube,
rien na chang. Au plus loin le fleuve de couleur
incertaine et, sur son promontoire, imposante,
massive, majestueuse dans sa magnifiquearchitecture : labbaye et son collge.
Entre les deux blocs, la caserne et labbaye : la
petite ville allonge dans la valle, pittoresque sans
excs dans lenchevtrement de ses rues et de ses
places, telle quelle est depuis des lustres.
Les hommes, maintenant.
Les moines, on peut le penser, suivent la rgle que
Saint Benot leur a fixe quinze cents ans
auparavant.
En ville, les hommes et les femmes, au fil des jours,
absorbs par les tches quotidiennes des mtiers
et des mnages, sont las de la guerre qui dure et
silencieux dans la crainte des polices nazies.
A la caserne, dans lenceinte des barbels
lectr ifis, des projecteurs et des miradors arms
de mitrailleuses, cinq SS Totenkopf et cinq
cents soldats de la Luftwaffe gardent les dix mille
Hftlinge de lArbeits kommando Melk, les esclaves
du Projekt Quartz.
Comment les uns et les autres vivaient-ils ?
A labbaye, dans un calme studieux et recueilli, dans
le silence et la paix,
En ville, tous attendent que la guerre finisse et
essaient dignorer ce qui se passe dans la caserne.
A la caserne, I0.000 dports vivent, travaillent et
meurent selon lordre SS. Transports par
centaines, chaque jour et chaque nuit, aux marges
de la ville, vers le chantier souterrain de
Loosdorf-Roggendorf, avec tant dautrestravailleurs de toute lEurope asservie, ils creusent
des galeries, les btonnent et les quipent de
machines qui, heureusement, ne produiront jamais
le moindre roulement billes. (suite page 23)
6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos
Pierre SAINT MACARY exprime la trs profonde motion de me,
de nous retrouver dans les garages o nous avons pass les toutes
premires heures de la folie de Melk. Photo Henri BOUSSEL
7/24/2019 Mauthausen 302
19/4019
7 mai / Ebensee
MAUTHAUSEN / 302
7 mai / Hartheim
7 mai / Gusen
Lassemble des participants la crmonieinternationale dEbensee. Photo Henri BOUSSEL .A droite, Alexandre VERNIZO, notre porte-drapeau,et Janine LAVEILLE savancent vers la stlefranaise. Photo Laurent LAIDET .
Ci-dessus : gauche Walter BECK Gusen, photo Charles HALM .Au centre et droite les tunnelsdEbensee.Photos Olivier ALIXet Henri BOUSSEL .
Ci-contre, droite la courdu chteau dHartheim le soirde la crmonie franaise. PhotosHenri BOUSSEL ( droite) etCharles HALM (ci-dessous).
Ci-dessus,dpt de gerbe Gusen, photoCharles HALM .
A Gauche,intervention dunvtran devantMartha GAMMER,Claude PLAZIAT,Jean GAVARD.Photo HenriBOUSSEL .
7/24/2019 Mauthausen 302
20/40
MAUTHAUSEN / 30220
8 Mai / Mauthausen
6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos
La dlgation franaise( gauche et ci-dessus droite)et la dlgation amricaine( droite).Photos Charles HALM .
Ci-dessus, gauche etau centre, le campde Mauthausen le jourde la crmonie aveclarrive des dlgationstrangres.PhotosHenri BOUSSEL .
A droite le dfildes dlgations.PhotoBertrand LAUDE .
Le dfil desdlgations.PhotosBertrand LAUDE .
7/24/2019 Mauthausen 302
21/40
MAUTHAUSEN / 302 21
Au monument franais, Michelle ROUSSEAU-RAMBAUD sadresse Nicole GUEDJ, secrtairedtat aux Droit des victimes, Claude LANZMANN, Serge KLARSFELD, aux lycens venus deNormandie, lensemble des participants au 60e voyage des lycens venus de Normandie,Photos Bertrand LAUDE et Laurent LAIDET .
7/24/2019 Mauthausen 302
22/40
MAUTHAUSEN / 30222
9 Mai / Melk
9 Mai / Loibl Pass
6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos
Dans la cour de la caserne de Melk, lancien Kommando, Pierre SAINT MACARY puis Ernest VINURELadressent quelques mots aux participants. Photos Henri BOUSSEL ( gauche) Sophie NEYRET ( droite).
Ci-dessus, la chemine du crmatoire. Photo LaurentLAIDET . Ci-dessous, devant le crmatoire et sous lilattentif du petit-fils de Pierre SAINT MACARY, le maire deMelk signe le livre dor.Photo Sophie NEYRET
Ci-dessus, le portrait dAndr ULMANN dit Pichon, Premier prsidentde lAmicale, lexposition dans le btiment du crmatoire ( gauche) ;Caroline ULMANN, sa fille parcourt lexposition ( droite).Ci-contre, la journe se poursuit dans la nouvelle expositionde labbaye de Melk.photos Laurent LAIDET .
gauche, recueillement devant la stle lentre du tunnel C (Slovnie). Ci-dessus, crmonie devant la stledu camp Sud. A droite lemplacement du camp du Loibl Pass Sud encercl par les montagnes de Slovnie.Photos Janine LAVEILLE
7/24/2019 Mauthausen 302
23/40
MAUTHAUSEN / 302 23
(suite de la page 18) Au prix de combien de cruau-
ts, de souffrances et de morts !Tout a t dit et crit et avec exactitude et talent surle projet Quartz par Bertrand Perz. Je nyreviendrai pas mais je conseille tous de le lire etden garder le souvenir.
Je voudrais seulement mettre en exergue troisnoms : celui dun Autrichien et ceux dun duogermano-franais.
Le premier est celui du docteur Zora, dsign pourtre le mdecin-chef de toute la place - SS, officiers,sous-officiers, simples soldats et Hftlinge. Tant
que le camp a dur, il a t le seul agir en hommelibre et respectueux de son serment de mdecin. Ilna jamais tutoy un dtenu. Et plus, au moment dela dbcle, il nous a tous sauvs de lextermination.La municipalit de Melk sest honore en lui ddiantune plaque au centre de la ville.
LAllemand, Hermann Hofstdt tait un avocatdmocrate-chrtien depuis longtemps intern etnomm Lagerschreiberdu kommando de Melk sacration en mai 1944. Le Franais, Antonin Pichon,de son vrai nom Andr Ulmann, tait un rsistant,ancien prisonnier de guerre vad, adjoint duLagerschreiberpour lArbeitseinsatz, il grait la main
duvre que les SS vendaient aux entreprises.
A eux deux, de faon insparable, ils ont fait de Melkun kommando pas comme les autres : les trianglesrouges y ont pris le pouvoir, les appels ont t ren-dus moins meurtriers, lencadrement des dtenus at internationalis , outre les Franais, desRusses, des Italiens, des Grecs, des Juifs hongroisont eu des places de grandes ou de modestesresponsabilits permettant tous dattnuer, en par-tie, les effets du rgime concentrationnaire.
Toutes ces bonnes volonts rassembles nont putriompher de ladversit, les sauvageries indivi-duelles nont pu tre toutes limines, les pertes
sont restes trs lourdes (plus de 50 %) et se sontencore aggraves lors des vacuations.
Mais, ici, quelques hommes libres ont fait de leurmieux pour faire reculer la barbarie nazie.
Cest leur mmoire que je vous demande dhonorermaintenant.
En silence.
Gnral (c r) Pierre SAINT MACARY
Mauthausen, mle 63125
Kommando de MELK, mai 1944 - avril 1945
Devant la caserne, des jeunes ont inscrit les noms
de dports morts dans ce qui fut lancien kommando
de Melk.Photos Laurent LAIDET
7/24/2019 Mauthausen 302
24/40
MAUTHAUSEN / 30224
6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos
Steyr,le soir du 9 mai.
La ville de Steyr et lAssociation Mauthausen-Aktiv
de Steyr ont voulu, pour le 60 anniversaire de la
libration des camps, rendre hommage aux victimes
du kommando de Steyr en organisant une crmo-
nie internationale exceptionnelle :
Le Requiem de Gabriel Faur interprt par le
Collegium Vocale de Linz et le Sinfonic Orchester de
Steyr sous la direction de Josef Habringer, destextes de Jos Borras, dport Steyr, extrait de
son Histoire de Mauthausen , publie en 1989,
et rcits en allemand et en franais, taient offerts
dans lglise paroissiale de Steyr-Munichholz. Cette
manifestation rendait hommage aux dports de
toutes nationalits disparus au Kommando de Steyr,
tous les noms lus et projets en vido sur le mur de
lglise, tandis que des jeunes lycens de
Steyr allumaient les unes aprs les autres autant
de bougies niches dans un bloc de granit de
Mauthausen que de noms.
Pour la premire fois, la population locale tait
convie participer une marche silencieuse de
plus de 2 km laquelle plus de 700 personnes
participrent par une claircie inattendue aprs
une tempte de neige et de grle mles,
depuis lglise de Steyr-Munichholz jusqu la stle
franaise, seule trace aujourdhui du kommando de
Steyr-Daimler-Puch.
Lallocution du maire, David Forstenlechner, fut tra-
duite par Madame Waltraud Neuhauser, que nous
tenons remercier trs particulirement et
chaleureusement, pour son dvouement, sa fidlit
et son action pour la mmoire des dports franais
et espagnols morts Steyr. Nous lui exprimons
notre reconnaissance et lassurons de notre amiti
indfectible.
La stle franaise sur la Haagerstrasse. Photo Caroline ULMANN
Steyr : 30 Km au sud-est de Linz, aujourdhui 2e capitale industrielle
de Haute-Autriche aprs Linz, sige des usines BMW, SKF, Steyr.Premier
kommando industriel de Mauthausen, ouvert le 14 mars 1942, avec des
dports espagnols venant chaque jour du camp central, le kommando
de Steyr fut bombard le 23 fvrier 1944 : il produisait des moteurs
davion, des canons, des chars de combat pour la firme Steyr-Daimler-
Benz-Puch AG. Cest au crmatoire de Mauthausen que furent brles
les 1700 premires victimes.Aprs le bombardement, les dtenus furent
transfrs Gusen.
Ci-contre : lannonce de la crmonie et du concert,affiche dans les rues de Steyr.
7/24/2019 Mauthausen 302
25/40
MAUTHAUSEN / 302 25
Loibl Pass,le 9 mai.
Le principe dun voyage options a, en particulier,
offert cette anne une extension vers le camp
annexe du Loibl Pass, qui devait permettre aux amis
prsents Mauthausen avec lensemble du groupe
de mieux percevoir lextension et la logique du
systme Mauthausen certains dentre eux,
qui avaient particip antrieurement un voyage
de juin au Loibl, dcouvraient Mauthausen pour la
premire fois. Cette offre (hasardeuse, en termesdorganisation) ayant reu un cho favorable au-
del des perspectives les plus optimistes , cest
tout un autocar qui sen fut vers Klagenfurt. La
dlgation franaise, conduite par la Prsidente
Michelle Rousseau-Rambaud, a privilgi une
dmarche informelle, sans ngliger pour autant les
rencontres et les prises de parole, tant en Autriche
quen Slovnie. Pour retrouver deux jours plus tard
lensemble du groupe dans les avions de Munich
Pari gagn.
Toutefois, la demande pressante des organisa-
teurs (en Carinthie et en Slovnie) des crmonies
officielles au Loibl, fixes comme chaque anne en
juin, lAmicale fut reprsente celles-ci par Daniel
Simon et Christian Tessier. Cette anne, nous nous
serons trouvs deux fois au Loibl. Ce 11 juin,
versant autrichien, en prsence de Madame Lise
Prokop, ministre autrichien de lIntrieur, Daniel Simon
a pris la parole pour expliquer la raison pour la-
quelle, cette anne, les Franais taient peu
nombreux, et limportance quil fallait attacher aux
crmonies de ce soixantime anniversaire. Ct
slovne, il a apport le salut chaleureux de lAmicale
franaise, voquant le continent fragile et incer-
tain qui est le ntre, o la question des frontires
continue dtre pose, et celle dun socle de valeurs
et de projets communs.
Au Loibl, il est manifeste que les Franais sont
des htes privilgis, dont labsence serait
inconcevable.
Publications de lAmicale :Les Kommandos
LAmicale a entrepris la publication de dpliants
consacrs aux camps annexes de Mauthausen. Ils
sont destins dabord aux visiteurs individuels etpeu informs de la localisation des sites et de leur
histoire spcifique. Ils se dploient en quatre
rubriques : topographie histoire mmoire
informations pratiques.
Sont parus :
HARTHEIM. Centre dassassinat par gaz (1940-
1944). Mmorial de l euthanasie nationale-
socialiste (2003). Rdaction : Michelle Rousseau-
Rambaud, Claude Winkler-Bessone, Jean-MarieWinkler.
EBENSEE. Camp annexe de Mauthausen. Des
tunnels pour lindustrie de guerre : le projet
Zement . Rdaction : Daniel Simon, Pierre
Jaute.
A paratre : Gusen, Loiblpass, Melk.
Les petits kommandos et autres camps
annexes feront, cest notre souhait, lobjet dun tra-
vail analogue dans la mesure des moyens definancement.
En vente lAmicale et Mauthausen (Centre
daccueil des visiteurs).
Prix : 4 .
Au Loibl Pass, le tunnel creus par les dport est utilis pourle passage de lautoroute.Photo Janine LAVEILLE
7/24/2019 Mauthausen 302
26/40
MAUTHAUSEN / 30226
Avec lAmicale Mauthausen, trente-trois
Dports Franais et Espagnols pour le
60e anniversaire de leur libration.
Maxime ANTELIN - Mathias ARRANZ - Georges BABEL
- Jacques BETEILLE - Emilio CABALLERO - Jos CID
OUTOMURO - Raoul DHUMEAUX - Pierre DUVERDIER
- Jean GAVARD - Bernard GIRY - Roger GOUFFAULT -
Gisle GUILLEMOT - Maurice HAVETTE - Jacques HEN-
RIET - Eugne HERRADA - Jean-Marie LAVIGNE - Paul
LE CAR - Henri LEDROIT - Georges LETHIELLEUX -Lise LONDON - Bernard MAINGOT - Jean MARTINAND
- Jean-Baptiste MATHIEU - Louis MONGUILAN - Guy
NIOGRET - Jean-Baptiste NOBILET - Franois
RICHARD - Paul ROCHON - Pierre SAINT MACARY -
Andr VALADE - Alexandre VERNIZO - Ernest VINUREL
Thomas-Corneille de Barentin. Je souhaite vous remer-
cier avec beaucoup de chaleur de nous avoir convis un tel vnement.
Jai trente ans et jenseigne lhistoire depuis sept ans : jai
particip en 1999 un voyage de professeurs dhistoire-
gographie organis par lAmicale ; ce fut pour moi une
exprience inoubliable. En revenant avec mes lves sur
les lieux, jai pris conscience que jtais leur place :
javais eu lhonneur de dposer une gerbe sur le monu-
ment franais. En tant que trs jeune enseignant (ctait
ma premire anne), jtais considr comme faisant par-
tie de la gnration de ceux qui doivent transmettre leur
tour. Emmener mes lves Mauthausen a donc pour
moi une rsonance toute particulire. () Je tiens vousassurer que les lves ont t profondment touchs par
lensemble des crmonies, quils ont entendu une leon
dhistoire autant quune leon de vie. ().
Je suis papa de trois enfants et ne dispose pas de beau-
coup de temps. Mais jespre, dans lavenir, pouvoir me
rendre utile lAmicale.
[Bertrand Laude]
Chers Amis,
Ce voyage fait ensemble en mai Mauthausen fut nonseulement un moment dmotions intenses sur les lieux
du martyr de mon pre et de tous ses camarades. ()Mais surtout, ce voyage aura t pour moi celui dune
grande fraternit partage, dune tolrance inespre
dans ces temps de communautarisme exacerb, toutes
valeurs que Madame Nicole Guedj a largement bafoues
lors de son discours partisan et dplac le 8 mai
Mauthausen.
Enfin, je veux saluer chaleureusement tous ceux et tou-
tes celles qui ont particip lorganisation minutieuse de
ce voyage (transport, dplacements, hbergement et res-
tauration) et sa russite ; pour leur gentillesse cons-
tante aussi vis--vis de tous.
Fraternellement vous tous.
[Georges Gumpel]
() Seule la pluie, humide et froide, aurait pu sabstenir !Positif plus dun titre :
la convivialit, les retrouvailles, les nouvelles connaissan-
ces, cette amiti sincre, ce mixte de gnrations qui fait
que ce grand nombre de partages a cr une dynamique
trs particulire,laccueil, la disponibilit, lnergie dploye par chacun,
tous les niveaux, en charge sur place de telle mission,
pour que le circuit dans sa lourde logistique se droule le
mieux possible,
6Oe anniversaireLibration de Mauthausen et ses kommandos
Quatre courriers adresss lAmicale
parmi beaucoup dautres :
Madame la Prsidente,
Messieurs les coordonnateurs,
() Il est fort regrettable que, dans chaque car, un dpor-t nait pas parl pendant le trajet vers tel ou tel camp,
comme cela se passait autrefois Profitons de leur pr-
sence ! () Lorganisation ne nous a pas permis de tout
faire. Donner trois options aux gens, cela part dun bonsentiment, mais cest la pagaille !!!! Deux suffisent. Le
changement de car sans arrt ne permet pas de faire des
rencontres, de lier amiti, comme nous lavions fait lors
de nos prcdents voyages. () Dautre part, tous lesmatins, nous attendions le car, en plein courant dair, au
moins trente minutes et sous la pluie. () Dans ce voya-ge, personne ntait responsable !!!! Cest pas moi, cest
lautre !!!
[Famille Morin-Beignon]
Madame, Monsieur,
Jai particip, en tant quenseignant, aux commmora-
tions de la libration du camp avec mes lves du lyce
7/24/2019 Mauthausen 302
27/40
MAUTHAUSEN / 302 27
la vivacit et lentrain de chacun, le pondr et le sage de
lautre, des combinaisons constructives qui ont fait que
lensemble de ce qui avait t entrepris a t largement
atteint et que cette manifestation a t pleinement
russie,
la mise sur orbite dune organisation monumentale dans
son droulement logistique et administratif quaucune
agence de voyage, nous lavons dit ( moins dun surcot
consquent) naurait voulu prendre en charge de par son
extrme diversit ()
et jen passe et jen oublie
Mais le rsultat est l ! CHAPEAU
Je voulais vous dire TOUT SIMPLEMENT UN ENORME
MERCI
[Catherine Chevalier-Pocheton]
Mai, retour dAutriche
Merci
- celles et ceux qui avaient soutenu nos secr-
taires dans la lourde prparation du voyage,
- qui ont t sur la brche, veillant aux autocars, aux
htels, la constitution des groupes optionnels,
- ont conu les messages daccueil, de visite, ont
anticip les souhaits des uns et des autres,
- ont encaiss les rcriminations des quelques
mcontents navement enclins considrer que tout
devait fonctionner sans anicroche et sans quil soit
besoin de retrousser les manches,
- ont aid selon les opportunits et leur comptence,
et qui trouvent cela tout naturel
... en particulier :
Madeleine Mathieu, Louis Buton, Fabienne Cauquil,Patrice Lafaurie, Ildiko Puszta, Jean-Louis Roussel,
Marie-Franoise Thirion, Claude Plaziat, Michelle
Pique-Audrain, Albert Langanke, Michelle
Rousseau-Rambaud, Jean-Marie Winkler, Daniel
Simon, Caroline Ulmann, Laurent Laidet, et aux
familles Saint Macary, Gavard, Maingot, Jov, Le
Chevalier
et tous ceux qui lont fait si discrtement quon
ne sen est pas aperu.
Merci ceux qui ont crit pour exprimer leur satis-
faction et envoyer des photos.
Merci aux lycens et leurs professeurs : ils ont t
formidables.
Merci ceux qui ont assur de leur prsence et de
leur participation dans lavenir.
Extrait de Paris-Normandie loccasion du cocktail-bilanavec les lves des trois lyces prsents au voyage du 60e anniversairede la libration de Mauthausen. Photo QUENEAU
7/24/2019 Mauthausen 302
28/40
MAUTHAUSEN / 30228
Titre article La part visible des camps
Les photograph ies du camp de
concentrat ion de Mauthausen
Lexposition est Paris jusquau 26 septembre,
puis du 26 octobre au 28 novembre (sauf mardi et
jours fris).
Muse dhistoire de France - Htel de Rohan
87 rue Vieille-du-Temple 75003 Paris
Tous les jours sauf mardi et jours fris
Lundi-vendredi 10h-12h30, 14h-17h30
Samedi-dimanche 14h-17h30
Tables rondes les 17 et 18 septembre, de 14h
18h, animes par lhistorien Denis Peschanski :
- samedi 17 avec les historiens Benito Bermejo,
Michel Fabrguet, Thomas Fontaine.
- dimanche 18 avec Pierre Serge Choumoff,
Mariano Constante, Pierre Daix, Jean Gavard, Paul
Le Car, Pierre Saint Macary.
Visites commentes et ateliers pour les collgiens
et lycens : renseignements au 01.40.27.62.83.
Catalogue distribu en France par les Editions
Tirsias (version franco-espagnole). Comporte lin-
tgralit des textes inscrits sur les panneaux de lex-
position, des textes introductifs et environ 280 ima-
ges. 220 p. 24,90 .
Assistance nombreuse la crmonie dinaugura-
tion le 23 juin lHtel de Rohan (Paris 3e) en
prsence de Renaud Donnedieu de Vabres,ministre de la Culture.
En dpit du violent orage qui sest abattu sur Paris
lheure mme de cette manifestation qui a emp-
ch certaines personnalits, tels lambassadeur
dAutriche en France, ou notre prsident dhonneur,
Pierre Saint Macary, dtre prsentes il y avait
foule pour dcouvrir et honorer une exposition
ambitieuse et originale, qui semble avoir convaincu
ses premiers visiteurs.
Daniel Simon, en labsence de Michelle Rousseau-
Rambaud, convalescente, a prononc une
allocution daccueil. Le Ministre est ensuite inter-
venu, avant dentreprendre une visite attentive,
guid par Ilsen About, commissaire franais de
dexposition, et Marion Veyssire, conservatrice auCentre historique des Archives nationales, qui a
conu laccompagnement des photographies par la
prsentation de documents papier originaux, appar-
tenant au fonds dpos en 2001 par notre Amicale.
Le ministre sest ensuite entretenu, au cours dun
cocktail offert dans le salon des singes , avec
les dports prsents : Paul Le Caer, Serge
Choumoff, Jean Gavard, Ernest Vinurel, Henri
Boussel.
LAmicale exprime une nouvelle fois sa gratitude aux
Archives de France pour la gnrosit de laccueil.
Le message de lAmicale de Mauthausen.
Monsieur le Ministre de la Culture,
Monsieur lAmbassadeur,
Monsieur le Directeur-adjoint du Cabinet du ministre
dlgu aux Anciens Combattants,
Madame la Directrice des Archives de France,
Monsieur le Directeur du Centre historique desArchives nationales,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Il y a juste quatre ans ctait un 22 juin lAmicale
de Mauthausen tait accueillie dans les jardins de
lHtel de Rohan. Madame de Boisdeffre avait voulu
quune crmonie la fois solennelle et conviviale
marqut notre dcision de dposer aux Archives
Nationales les documents historiques en notre pos-
session, en particulier des listes primaires, den-trants et de morts, tablies par le secrtariat du
camp, et un fonds de photographies prises pendant
la priode de fonctionnement, ou dans les jours et
les semaines qui suivirent la libration. En confiant
lEtat la conservation dun legs indubitablement
prcieux, qui requrait les protections dont nous
ntions pas en mesure de lentourer et en le ren-
dant disponible aux investigations des chercheurs,
peut-tre alors certains parmi nous ont-il cru le
mettre, pour longtemps, lombre : cest linverse
qui saccomplit, attestant lexcellence de la missionqui sexerce en ces murs et la sollicitude avec
laquelle le Centre historique des Archives
Nationales nous a fait lhonneur de rester notre
coute. La prsidente de lAmicale de Mauthausen,
7/24/2019 Mauthausen 302
29/40
MAUTHAUSEN / 302 29
Michelle Rousseau-Rambaud, signataire de lacte
de dpt en 2001, regrette videmment quunercente hospitalisation lempche ce soir dexprimer
de vive voix sa gratitude nos htes et partenaires.
En son nom, je puis tmoigner de la profonde satis-
faction que nous prouvons tous devant le travail
accompli durant ces quatre annes. En son absence,
je tiens dire avec quelle pugnacit elle-mme a
port, soutenu, maintenu flot le projet dont nous
voyons laboutissement, tant celui-ci, en maintes
circonstances, nous est apparu dcidment trop
grand pour nos maigres forces.
Lide dune exposition internationale des photo-
graphies de Mauthausen fut lance par nous lors
dune rencontre, Barcelone, au Muse dhistoire de
la Catalogne. Mais nous sommes labri de toute
vanit, sachant parfaitement combien il est ais de
proposer, quand cest pour poser le fardeau sur dau-
tres : quhommage donc soit rendu tous ceux qui,
pour avoir bien voulu entendre ce vu que nous for-
mions, ont port la charge dun chantier difficile,
sinon prilleux, et nous ont conserv leur confiance.
Dabord nos amis espagnols, dpositaires aveclAmicale franaise dune part importante du fonds
dimages provenant du service photographique SS
du camp, voles et transmises jusqu nous par des
dports rpublicains espagnols (jadresse un salut
affectueux Mariano Constante, et je salue la
mmoire de ses camarades, Razola, Perlado,
Garcia, Boix, Bargueno) tous ou presque partis de
France et pour ceux dentre eux qui avaient
survcu revenus la plupart guetter en France,
trente ans encore tout le moins, quune aube
dmocratique librt enfin le ciel dEspagne.Ces documents, pour eux tel un butin de guerre,
comme les nombreuses photographies prises la
libration par Francisco Boix, les combattants de la
Rpublique espagnole et leurs hritiers nont pas
considr comme allant de soi et nous pouvons le
comprendre lide den rassembler les fonds,
conservs Barcelone, Paris, Vienne et ailleurs, ni
celle de les placer ct des clichs de larme
amricaine de libration a fortiori lide de
les rapporter en Autriche
Cest ainsi un projet franco-espagnol auquel le
ministre autrichien de lIntrieur a fait demble le
meilleur accueil, devenant le partenaire sans lequel
il et t irralisable. Les autorits fdrales autri-
chiennes, en charge du site et des archives de
Mauthausen, ont mesur la signification historique,
idologique, symbolique, du geste que deux asso-
ciations europennes de mmoire de Mauthausenaccomplissaient en direction de lAutriche daujour-
dhui ; en retour, le Ministre autrichien a fait de
cette exposition une contribution clatante aux
manifestations commmoratives du 60e anniversai-
re de la libration, Mauthausen mme, puis bien-
tt Vienne et dans dautres villes dAutriche. Et
puis, soyons clairs : lEtat autrichien a pr is sa
charge lessentiel sinon plus du finance-
ment de lexposition, en chacune de ses trois ver-
sions, allemande, castillane, franaise, aprs celui
des travaux exploratoires. Nous avons ainsi biendes motifs, Monsieur lAmbassadeur, de tmoigner
publiquement notre reconnaissance votre pays.
Permettez-nous den formuler les dimensions simple-
ment humaines : nous ddions cette manifestation
Lexposition dans les salons de lHtel de Rohan.Photo Pierre FRETEAUD
7/24/2019 Mauthausen 302
30/40
MAUTHAUSEN / 30230
autrichien, espagnol, franais, qui se sont montrs
la fois attentifs et dbonnaires, comprenant que parfoisles urgences pussent bousculer les procdures, sans
menacer la rigueur. Dans ce contexte, la fonction de
coordinateur scientifique assure par le professeur
Jean-Marie Winkler ne fut pas une sincure
chacun lui sait gr davoir tenu bon.
Je veux aussi souligner, au nom de celles et ceux,
de ma gnration ou plus jeunes, en charge
dsormais du devenir dune association de mmoi-
re des camps, qui ont prsent aux rescaps de
Mauthausen le projet de cette exposition, la confian-
ce que ceux-ci nous ont confirme en cette circons-
tance. Un assentiment parfois rserv, nous a-t-il
sembl, sur le sens du projet lui-mme, mais cette
confiance de principe sur laquelle on ne revient pas,
et qui a pris de ce fait le sens dun contrat plus
profond. Du fond du cur, je veux les remercier de
ce gage de lgitimit quils nous ont ainsi accord.
Quil sachent en tout cas que les rticences muettes
que nous observions nous ont plongs dans la
perplexit : en vrit, une grande exposition des
photographies de Mauthausen, tait-ce le moment
et la priorit ? Etait-ce trop tard ou trop tt, tropcompliqu, inessentiel ? Si pourtant nous avons
maintenu le cap, cest en considrant dabord
combien il a t demand ces images, ds lt
1945, pour montrer la ralit des camps, et plus
encore, certaines dentre elles, comme pices
conviction au procs de Nuremberg. Cest aussi en
nous fondant sur cette vrit originaire : ces clichs
ont t drobs afin que nous les ayons aujourdhui
sous les yeux, et non, telles des reliques, dans nos
tiroirs. Il sagit encore dhonorer les travaux de
conservation, dinventaire et danalyse entreprisdepuis une vingtaine dannes, au sein de lAmicale
franaise, par Paul Le Car, puis ceux, aux
Archives, de Marion Veyssire qui a effectu lin-
ventaire dfinitif du fonds. Enfin, soixante ans de
distance, et alors que le souvenir des camps est
aujourdhui sur la ligne de partage des gnrations,
il convenait, selon nous, de ne pas laisser passer
lopportunit que, ces images, nous les regardions
ensemble, entre gnrations et entre nations euro-
pennes. Ces documents pars et tnus, les voici
donc rassembls pour la premire fois, accueillissous les lambris de la Rpublique, exposs en
pleine clart, dune manire raisonne et loquente.
A charge pour nous tous daffronter la difficult
devant laquelle ils nous placent.
au souvenir dAnna Pointner, habitante du villa-
ge de Mauthausen, qui, en un acte hroque dersistance aux nationaux-socialistes, camoufla
jusqu la libration les centaines de cl ichs
drobs ; nous prouvons une gratitude particulire
envers Madame Helga Wagner et Monsieur Ludwig
Zwickl, qui, depuis le ministre Vienne, ont ind-
fectiblement accord leur coute, inventant sans
faillir les moyens et les relais dont les commissaires
taient en qute ; enfin nous nous flicitons des
changes approfo